Archivée - 2003 TSSTC 007 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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C. Byfield
Demandeur
et
Service correctionnel du Canada
employeur
___________________________
Décision no 03-007
Le 10 mars 2003

L'agent d'appel Douglas Malanka a procédé à une enquête dans la décision de l'agent de santé et de sécurité Darlene Tunney qui, le 26 octobre 2001, a décidé, en vertu du paragraphe 129.(4) du Code canadien du travail (ci-après appelé la Partie II ou le Code) qu'il n'existait aucun danger pour C. Byfield, intervenante de première ligne1 (IPL) à l'Établissement Grand Valley pour les femmes (ÉGV). Une audience sur la question a été tenue le 21 janvier 2003 à Kitchener (Ontario).

1 L'intervenante de première ligne Byfield était classifiée Agent de correction de niveau CX 02.

Ont comparu

M. Michel Bouchard, conseiller, Confédération des syndicats nationaux (CSN).
M. Earl. Bird, IPL, ÉGV; coprésident du Comité de santé et de sécurité au travail de l'ÉGV et représentant du Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO).
M. Henry Heikoop, IPL, ÉGV; et représentant du CSST, ÉGV.
Mme Charlene Byfield, IPL, ÉGV.
M. Richard Fader, conseiller, ministère de la Justice, pour le Service correctionnel du Canada;
M. Barry McGinnis, directeur adjoint, Services de gestion, ÉGV.
Mme Lonnie Gratton, IPL, et agent responsable le 25 octobre 2001, ÉGV.
Mme Crystal Thompson, chef d'équipe, Environnement de vie structurée, ÉGV
Mme Fran Pieper, ÉGV.
Mme Darlene Tunney, agent de santé et de sécurité, Développement des ressources humaines Canada

[1]  Le 25 octobre 2001, l'IPL Byfield est arrivée au bureau des IPL d'ÉGV au début de son quart de jour. L'agent responsable L. Gratton, l'a informée qu'elle était affectée à l'unité d'Environnement de vie structurée (EVS) et que, conformément aux consignes du poste, elle serait la seule IPL affectée à ce poste pour la durée du quart. L'IPL a donc catégoriquement refusé de travailler en indiquant qu'il n'était pas sécuritaire de n'affecter qu'un seul IPL à ce poste. Elle a fait valoir que l'EVS était un poste non protégé, que les détenues à ce poste avaient des problèmes de santé mentale mais qu'elles n'étaient pas limitées dans leurs déplacements à l'intérieur de l'unité et que les communications radio dans l'EVS n'étaient pas suffisantes. Il s'agissait de la deuxième fois que l'IPL Byfield refusait de travailler pour cette raison. En effet, elle avait auparavant refusé de travailler le 22 octobre 2002 parce qu'elle avait été assignée à travailler seule à l'EVS durant le quart de jour.

[2]  L'agent de santé et de sécurité Tunney s'est rendue à l'ÉGV et a mené enquête sur le refus de travailler de l'IPL Byfield le 25 octobre 2001. Je retiens les éléments suivants de son rapport et de son témoignage.

[3]  L'IPL Byfield a indiqué à l'agent Tunney que l'EVS était situé à environ 200 mètres de l'immeuble principal et que cette unité spécialisée pouvait abriter jusqu'à 8 détenues ayant une cote des sécurité minimale ou moyenne avec des problèmes de santé mentale. Elle a indiqué que l'EVS était un poste non protégé et que les détenues avaient toute liberté de mouvement au sein de l'unité et même de l'établissement. Elle a fait valoir que l'ÉGV avait un ratio employés/détenues relativement peu élevé et que l'établissement fonctionnait avec un minimum d'effectifs. Elle a soutenu qu'il n'y avait personne pour prêter main-forte au sein de l'unité et que, étant donné la distance qui sépare l'unité de l'immeuble principal, la patrouille n'était pas forcément en mesure d'intervenir à temps s'il survenait un incident à l'EVS. L'IPL Byfield a en outre déploré que les conseillers en comportements avec lesquels les IPL travaillent ne reçoivent pas la formation de 12 semaines des agents de correction. Par conséquent, la santé et la sécurité tant de l'IPL que du conseiller en comportement sont compromises s'il survient des problèmes. Elle a également mentionné qu'on avait déjà eu des problèmes à l'EVS avec les communications radio bidirectionnelles.

[4]  Dans le cadre de son enquête, l'agent de santé et de sécurité Tunney a constaté que l'EVS fournissait une option de traitement spécialisé aux détenues à sécurité minimale ou moyenne de l'ÉGV qui ont de graves problèmes d'apprentissage ou de santé mentale. Selon le protocole du Service correctionnel du Canada (SCC) les candidates de l'EVS sont évaluées avant d'y être placées. Le Plan de fonctionnement pour l'EVS spécifie comment l'unité doit fonctionner, y compris les exigences sur le plan de l'embauche et de la formation des équipes multidisciplinaires requises pour fournir un soutien intensif et une réadaptation correctionnelle spécialisée ainsi que des programmes de santé mentale, et ce, 24 heures par jour. L'ÉGV fonctionne sur un concept ouvert qui permet aux détenues de vivre dans un contexte résidentiel et de se déplacer librement au sein de l'EGV et de l'EVS. L'EVS a toujours été doté d'un seul IPL compétent pendant les quarts de jour et de soir et, bien qu'ils n'aient pas reçu la même formation que les IPL, les conseillers en comportement reçoivent une formation en intervention dans les situations de crises non violentes et doivent contribuer à la sécurité de l'établissement.

[5]  L'agent de santé et de sécurité Tunney a appris que l'ÉGV abritait un total de 92 détenues au moment du refus de travailler de l'IPL Byfield et que les niveaux de dotation suivants s'appliquaient aux trois quarts qui constituent une journée :

  • de 7 h à 15 h - (Quart de jour)
- 10 intervenants de première ligne;
  • de 15 h à 23 h - (Quart du soir)
- 6 intervenants de première ligne;
  • de 23 h à 7 h - (Quart de nuit)
- 6 intervenants de première ligne.

[6]  Elle a en outre remarqué les niveaux de dotation suivants à l'EVS et a constaté qu'au moment où l'IPL Byfield a refusé de travailler, l'EVS ne contenait que 5 détenues sur une possibilité de 8.

  • Quart de jour
    • 1 intervenant(e) de première ligne;
    • 1 conseiller(ière) en comportement;
    • 1 infirmièr(ière);
    • 1 chef d'équipe (pas toujours présent dans l'unité)
    • Quart de soir
      • 1 intervenant(e) de première ligne;
      • 1 conseiller(ière) en comportement;
      • 1 infirmier(ière) (jusqu'à 19 h. 30 );
      • 1 chef d'équipe (jsqu'à 16 h.)
      • Quart de soir
        • 2 intervenant(e)s de première ligne.

        [7]  M. McGinnis a informé l'agent Tunney qu'on avait élaboré une évaluation de la menace et des risques pour l'EVS, conformément aux lignes directrices du SCC, en collaboration avec les membre du CSST de l'ÉGV. Il a souligné que dans l'évaluation de la menace et des risques, on ne réclamait qu'un seul intervenant de première ligne pour les quarts de jour et de soir. M. McGinnis a soutenu que l'IPL Byfield avait reçu une formation adéquate et qu'elle était qualifiée pour faire le travail. Il a ajouté qu'il existait des plans d'urgence fonctionnels dans l'éventualité d'un incident.

        [8]  L'agent de santé et de sécurité Tunney a aussi appris que le degré de risque associé à l'EVS au moment du refus de travailler de l'IPL Byfield était de bas à modéré, et que le ratio IPL/détenues dans l'EVS était de 1,5 comparativement à 1,9 pour l'ensemble de l'établissement. Dans sa décision du 26 octobre 2001 à l'effet qu'il n'existait pas de danger pour l'IPL Byfield, l'agent Tunney a souligné qu'il n'y avait eu que quelques rares incidents d'agression à l'ÉGV depuis 1997, et que rien ne portait à croire qu'il y avait une agitation ou un stress particulier parmi les détenues au moment du refus de travailler de l'IPL Byfield.

        [9]  Selon le témoignage de l'IPL Byfield, après son premier refus de travailler, une détenue avait menacé de blesser quelqu'un et avait été placée dans l'unité d'isolement de l'ÉGV. Elle soutenait que les attitudes des détenues de l'ESV pouvait changer « en l'espace d'un instant » parce que certaines de ces détenues sont schizophrènes ou maniaco-dépressives. Elle a répété qu'un conseiller en comportement n'était pas formé pour prêter main-forte à un IPL s'il survient un incident de violence et que le temps de réponse de la patrouille était inconnu à ce moment-là. Elle était d'avis qu'une détenue de sécurité moyenne pouvait infliger des blessures si le temps de réponse de la patrouille dépassait 1 minute. Tout en concédant que le bureau, une fois verrouillé, aurait pu leur offrir un certain refuge jusqu'à l'arrivée des renforts, elle estimait qu'il ne pouvait s'agit que d'une solution à court terme puisque la fenêtre semblait dotée d'une vitre tout à fait normale.

        [10]  M. Henry Heikoop, coprésident du CSST de l'ÉGV, a témoigné qu'il avait été consulté lors de l'évaluation du risque de danger de l'EVS et que cette évaluation ne correspondait pas aux préoccupations des IPL. En ce qui concerne le test commandé par l'agent de santé et de sécurité Tunney afin de mesurer le temps de réponse de la patrouille à un incident qui se produirait à l'EVS, il estime que la patrouille avait été envoyée à un endroit favorable juste avant la tenue du test. Il est d'avis que le délai de réponse normal pour l'EVS était de 30 secondes à 2 minutes et que tout délai de réponse supérieur à une minute pouvait être un problème. Il a, cependant, reconnu que la patrouille avise généralement le Poste de contrôle de la sécurité (PCS) de l'endroit où elle se trouve et que tout IPL dans l'établissement qui n'est pas lié à un poste donnerait suite à un appel à l'aide au sein de l'établissement.

        [11]  M. Earl Bird a témoigné à l'effet qu'il avait demandé de participer à l'évaluation de la menace et des risques de l'EVS à titre de coprésident du CSST de l'ÉGV, mais qu'il n'avait pas été consulté. M. McGinnis avait plutôt consulté Mme Germain, laquelle n'était pas agent de correction et ne représentait pas les agents de correction, ainsi que Mme Zuberbuhler qui a choisi de ne pas participer parce qu'elle ne se considérait pas compétente pour donner des consultations sur la sécurité a l'EVS. Il a reconnu qu'il avait été consulté après coup, mais qu'il avait refusé de donner son avis puisqu'il n'avait pas été consulté dès le départ.

        [12]  M. McGinnis a témoigné au sujet de la chronologie des événements concernant le refus de travailler de l'IPL Byfield le 25 octobre 2001.

        [13]  Il a dit qu'il avait rencontré Steve Robertson, représentant des IPL; Jacqueline Ferreira, IPL; Sheila O'Neil, chef d'équipe par intérim; la physiologue en chef Allison Edgar-Bertoia le 19 octobre 2001 afin de parler de la rumeur d'un éventuel refus de travailler à l'EVS. Lors de cette réunion, caractérisée comme une réunion informelle de règlement des différends, Mme Ferreira a indiqué à M. McGinnis que le fait de n'affecter qu'un seul IPL à l'EVS était une erreur, car, selon elle, deux personnes étaient nécessaires pour soulager les inquiétudes des employés. Selon Mme Ferreira et M. Robertson, il n'était pas sécuritaire de n'affecter qu'un seul IPL à l'EVS durant les quarts de jour et de soir parce que les consignes du poste de l'EVS n'étaient qu'une ébauche et qu'elles étaient trop générales pour donner aux IPL remplaçants une bonne idée de leurs fonctions et de leurs responsabilités; certaines détenues participant au programme de l'EVS n'étaient clairement pas de bonnes candidates pour ce programme; la formation des IPL n'était pas suffisante et les conseillers en comportement n'avaient pas la formation pour prêter main-forte aux IPL; les IPL et les conseillers en comportement était physiquement séparés dès qu'il devenait nécessaire de séparer des détenus incompatibles dans l'unité; l'équipement de communication de l'EVS ne fonctionnait pas toujours correctement; la patrouille n'était tenue de respecter aucune norme de rendement quant à ses délais de réponse à un appel à l'aide de l'IPL; les IPL devaient escorter les détenues à leurs pauses cigarettes, laissant les conseillers en comportement seuls à l'EVS.

        [14]  Le 22 octobre 2001, l'IPL Byfield a refusé pour la première fois de travailler et d'être la seule IPL affectée à l'EVS. Elle a remis à M. McGinnis une liste de ses préoccupations de santé et de sécurité liées à l'EVS, laquelle semblait énumérer les même préoccupations que Mme Ferreira et M. Robertson avaient transmises à M. McGinnis le 19 octobre 2001, et en ajoutait de nouvelles. M. McGinnis a donc présenté le document sur les préoccupations de l'IPL Byfield à une réunion de gestion le 22 octobre 2001 et, après la réunion, la directrice adjointe Blackler a fait parvenir une réponse écrite à l'IPL Byfield.

        [15]  L'IPL Byfield a refusé de travailler comme seule IPL à l'EVS pour la deuxième fois le 25 octobre 2001. M. McGinnis a donc mené enquête sur ce deuxième refus de travailler, cette fois avec la participation du CSST de l'ÉGV. Les participants à cette enquête incluaient M. McGinnis, coprésident pour la direction, CSST; M. Earl Bird, coprésident pour les employés, CSST, et représentant du syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO); l'IPL Byfield, membre du CSST et l'IPL Crystal Thompson, chef d'équipe par intérim (CE/I), EVS; ainsi que Fran Pieper qui faisait office de secrétaire. Par la suite, M. Henry Heikoop, CE/I pour l'EVS s'est joint à la réunion.

        [16]  L'IPL Byfield a indiqué aux participants qu'elle avait refusé de travailler pour les mêmes raisons qui justifiaient son refus de travailler du 22 octobre 2001, et parce qu'une détenue de l'EVS avait été transférée à l'unité d'isolement depuis son refus de travailler précédent.

        [17]  En ce qui concerne les documents comme les Consignes de poste, le Plan de fonctionnement et l'Évaluation de la menace et des risques pour l'EVS, M. McGinnis a rappelé aux participants que les Consignes de poste pour l'EVS avaient été approuvées à la mi-septembre 2001 dans le cadre d'une vérification préalable de l'EVS, que les Consignes de poste de l'EVS approuvaient l'affectation d'un seul IPL pour les quarts de jour et de soir. Mme Crystal Thompson a indiqué qu'elle avait distribué par voie électronique le Plan de fonctionnement de l'EVS ainsi que tous les autres documents essentiels au personnel de l'EVS deux semaines avant l'ouverture de l'unité. M. McGinnis a déclaré qu'il avait examiné le document d'Évaluation de la menace et des risques avec Mme Marion Evan, chef d'équipe, avec Catherine Zuberbuhler, représentante syndicale (UCCO), avec Dee Germain, coprésidente du CSST et représentante syndicale (SESG), avec Alison Edgar-Bertoia, physiologue en chef ainsi qu'avec Sheila O'Neil et Mark Christie, CE-I, pour compléter le document d'Évaluation de la menace et des risques pour l'EVS. Les participants ont convenu de se servir de l'évaluation de la menace et des risques de l'unité protégée comme modèle pour élaborer l'Évaluation de la menace et des risques pour l'EVS. Le document d'Évaluation de la menace et des risques de l'EVS a ensuite été acheminé au personnel de l'EVS, à l'équipe de direction, au Comité de santé et de sécurité au travail ainsi qu'à Kris Stapleton, président du SESG pour l'ÉGV.

        [18]  Après cette enquête conjointe sur le refus de travailler de l'IPL Byfield, M. McGinnis a indiqué que, selon lui , il n'existait pas de danger pour l'IPL Byfield et a conclu que l'affection d'un seul IPL à l'EVS durant les quarts de jour et de soir ne constituait pas un danger ou un danger potentiel. Il a informé la directrice adjointe Blackler de l'impasse, laquelle a avisé l'agent de santé et de sécurité Tunney du refus constant de travailler de l'IPL Byfield.

        [19]  Dans son témoignage, M. McGinnis a indiqué qu'on avait mené un test d'alarme de protection personnelle (APP) le 26 octobre 2001, dans le bureau central de l'EVS à la demande de l'agent de santé et de sécurité Tunney. Il a confirmé que le PSC avait accusé réception de l'APP et avait communiqué par radio avec la patrouille pour lui enjoindre de donner suite dans les 10 secondes suivant l'alarme. Deux agents de patrouille et un IPL supplémentaire ont ainsi donné suite à l'alarme dans un délai de 50 secondes, et deux autres IPL sont arrivés 10 secondes plus tard. M. McGinnis a ajouté que, le 3 décembre 2001, deux détenues s'étaient battues, ce qui avait donné lieu à une APP. Dans ce cas, trois IPL qui se trouvaient au bureau des IPL ont donné suite à l'alarme et ont atteint l'EVS dans un délai d'une ou deux minutes.

        [20]  Mme Gratton a témoigné qu'elle était l'agent responsable du quart de nuit de l'EVS avant que l'IPL Byfield refuse de travailler. Elle a indiqué qu'il n'y avait eu aucun incident durant son quart et que l'EVS semblait calme au moment où l'IPL Byfield avait refusé de travailler. Elle était d'avis qu'elle n'avait aucune difficulté à travailler à l'EVS lorsqu'il n'y avait qu'un seul IPL affecté à l'unité.

        [21]  Mme Crystal Thompson a témoigné qu'elle était CE/I en charge de l'EVS au moment du refus de travailler de l'IPL Byfield. Elle a témoigné qu'elle était absente de l'ÉGV entre le 5 et le 24 octobre 2001, et qu'elle n'avait pas été directement impliquée dans l'ouverture de l'unité. Toutefois, elle savait que deux détenues avaient été transférées à l'EVS le 2 octobre 2001, deux autre le 11 octobre et deux autres le 19 octobre. Bien que l'EVS soit une nouvelle initiative, elle estimait possible de gérer le risque lié à cette unité.

        [22]  Dans son résumé, M. Bouchard a fait valoir qu'il s'agissait d'une question de sécurité et non d'une question de relations de travail. Il a concédé que la question tournait autour des niveaux de dotation, mais il a fait valoir que les niveaux de dotation et la sécurité sont des questions qui sont entrelacées dans un environnement à sécurité moyenne. Selon M. Bouchard, les preuves en l'espèce établissent qu'il n'y avait pas de renfort pour l'IPL affecté à l'EVS pendant les quarts de jour et de soir et que l'IPL devait se fier à la patrouille pour toute forme d'aide. Il a fait valoir que la patrouille peut prendre de 30 secondes à 3 minutes pour donner suite à un appel, soit un délai beaucoup trop long. Il acceptait également le fait que d'autres IPL soient en mesure de prêter main-forte à leur collègue de l'EVS de temps à autre, mais qu'on ne pouvait pas se fier à cette aide. Il a fait valoir qu'il existait bel et bien un danger pour l'IPL Byfield le 25 octobre 2001, parce que les Consignes de poste n'étaient pas claires, qu'on avait déjà connu des problèmes avec l'équipement de communication à l'EVS et que le bureau de l'EVS, pouvant servir de refuge, n'était pas sécuritaire. Il m'a demandé d'annuler la décision de l'agent de santé et de sécurité Tunney selon laquelle il n'existait pas de danger pour l'IPL Byfield.

        [23]  M. Fader s'est rapporté à la définition de danger fournie à l'article 122 du Code, et a fait valoir que, même si la définition de danger incluait maintenant les risques ou les situations potentiels ou éventuels, elle continuait néanmoins d'exiger, pour conclure à l'existence d'un danger, qu'il y ait une chance raisonnable qu'une situation, une tâche ou un risque cause une blessure à une personne qui y serait exposé ou la rende malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

        [24]  Pour l'interprétation et l'application de la définition de danger et de la disposition régissant le droit de refuser de travailler aux articles 128 et 129 du Code, il a porté à mon attention la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Fletcher c. Canada (Conseil du Trésor) rendue le 15 novembre 2002, dans laquelle M. le juge J. A. Décarie écrivait ce qui suit au paragraphe 18 concernant la disposition du Code portant sur le droit de refuser de travailler :

        18 La mécanisme constitue une occasion particulière donnée aux employés, à un moment déterminé et à un endroit déterminé, de s'assurer que leur travail immédiat ne les exposera pas à une situation dangereuse. C'est la protection à court terme de l'employé qui est en jeu, non une protection hypothétique ou éventuelle.

        [25]  Il a fait remarquer que messieurs les juges Noël et Desjardins abondaient dans le même sens que M. le juge Décarie dans cette décision. M. le juge Desjardins a ajouté ce qui suit aux paragraphes 34 et 38 de la décision :

        34. Dans l'arrêt Bidulka, précité, à la page 641, la Cour fédérale dit malgré cela à l'agent de sécurité que, pour que le maintien du refus de l'employé soit justifié, il doit se prononcer sur l'absence ou l'existence d'un danger pour l'employé en fonction de la situation qui a cours au moment de l'enquête. Un employé ne peut maintenir son refus de travailler que si un tel danger existe. En l'absence d'un danger, l'employé n'a aucune raison de maintenir son refus de travailler.

        38. Par ailleurs, ni l'agent de sécurité ni la Commission n'avaient le pouvoir de considérer la « politique de dotation minimale ». Le mécanisme prévu par le Code prévoit une méthode particulière d'établissement des faits pour régler une situation particulière. Il n'est pas destiné à constituer une tribune pour l'analyse de la politique d'un employeur.

        [26]  M. Fader a ensuite porté mon attention sur les paragraphes 41 et 42 de ma décision dans l'affaire Canada (Service correctionnel) et Schellenberg, décision n° 02-005, rendu le 9 mai 2002, où je disais :

        [41]  Pour décider s'il y a un danger, l'agent de santé et de sécurité doit prendre en compte tous les aspects de la définition du mot danger et, à l'achèvement de son enquête, décider si les faits invoqués dans cette affaire permettent de conclure à un danger au sens où l'entend le Code. Pour cela, il ne doit se fonder que sur des faits convaincants, étant donné que le droit de refus et les dispositions prises dans le Code en matière de danger sont considérés comme des mesures exceptionnelles. Pour qu'un agent de santé et de sécurité puisse conclure qu'une situation ou un risque éventuel constituait, au moment de son enquête, un danger au sens où l'entend le Code, comme dans la présente affaire, les faits invoqués doivent permettre d'établir :

        • que ce risque ou cette situation se présentera;
        • qu'un employé y sera alors exposé;
        • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
        • que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.

        [42]  Il s'ensuit que si un risque ou une situation existe au moment où l'agent de santé et de sécurité mène son enquête, les faits invoqués doivent seulement permettre d'établir :

        • qu'un employé sera exposé ce risque ou à cette situation;
        • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;

        que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.

        [27]  Il m'a ensuite ramené aux paragraphes 9 et 10 de la décision Verville et Canada (Service correctionnel), décision n° 02-013, rendue le 28 juin 2002, ainsi qu'au paragraphe 51 dans l'affaire Stone et Canada (Service correctionnel), décision n° 02-019, rendue le 6 décembre 2002, respectivement, où l'agent Cadieux a énoncé ce qui suit :

        Verville et Canada (Service correctionnel),

        9. Rien n'indique dans la présente cause que les employés sont exposés à une activité qui leur causerait des blessures. Il est vrai qu'ils devaient travailler parmi des détenus dans un établissement à sécurité maximale, mais, ce soir-là, aucune menace ou situation spécifique n'aurait pu être raisonnablement la cause de blessures. Aucune information ne permettait non plus de croire que quelque chose d'anormal se produirait dans un avenir prévisible. Les agents de correction refusant de travailler étaient préoccupés par le risque qu'ils puissent être assaillis en tout temps par surprise. Cette préoccupation se base principalement sur le comportement imprévisible des détenus. Les témoignages des agents de correction

        étaient éloquents à ce sujet.

        10. Dans un environnement à sécurité maximale, comme l'établissement de Kent, le risque d'être assailli est toujours présent et est inhérent à l'emploi d'un agent de correction (voir la décision de la Cour fédérale dans Canada c. Lavoie 3 ). Aussi existe-t-il un risque inhérent d'être assailli par surprise dans un tel environnement. Afin de déterminer si un danger existait, il aurait fallu démontrer, en fonction des faits recueillis durant l'enquête de l'agent de santé et de sécurité, qu'on pouvait raisonnablement s'attendre à ce que les agents de correction s'acquittant de leurs fonctions actuelles ou futures se fassent blesser. Cette attente raisonnable ne devrait pas s'appuyer sur une hypothèse ou des conjectures. De plus, les employés ont invoqué que des blessures se produiraient du fait que les agents de correction ne peuvent porter de menottes à leur discrétion. Cette opinion ne s'appuyait pas sur des faits.

        Stone et Canada (Service correctionnel),

        51. Sous leur forme actuelle, les dispositions du Code sur le droit de refuser de travailler n'ont pas été conçues comme un outil pour régler des problèmes à long terme comme celui qu'a cerné M. Stone dans la présente espèce. Le droit de refuser de travailler prévu par le Code reste une mesure d'urgence prévue pour composer avec des situations où l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que l'employé soit blessé lorsqu'il sera exposé au danger, à la situation ou à la tâche. Toutefois, il ne peut s'agir d'un danger qui fait partie intégrante des conditions de travail normales ou des conditions normales d'emploi. Cette déclaration, à elle seule, est lourde de conséquences pour les agents de correction. Étant donné que la probabilité de violence fait partie des conditions d'emploi des agents de correction, lesquels sont spécifiquement formés pour composer avec ces situations, il est très difficile d'envisager une situation, dans un tel environnement, où le risque de violence pourrait justifier un refus de travailler autrement que dans des circonstances exceptionnelles et spécifiques.

        [28]  M. Fader a fait valoir que les faits en l'espèce ne démontrent absolument pas qu'il existait un danger pour l'IPL Byfield. Il insiste sur le fait que tout était calme à l'EVS lorsque l'IPL Byfield a refusé de travailler et que rien de portait à croire qu'il allait se produire quelque chose. Il a souligné que l'IPL Byfield ne s'était pas rendue au poste pour voir s'il s'était produit un incident et qu'elle n'avait pas non plus vérifié le journal de l'agent qui avait assuré le quart précédent, qu'elle n'avait pas vérifié son équipement radio pour voir s'il était défectueux avant de déclarer qu'elle ne travaillerait pas. Il a réitéré que l'IPL Byfield possédait la formation et l'équipement voulu pour effectuer le travail et a demandé à ce que la décision d'absence de danger pour l'IPL Byfield rendue par l'agent de santé et de sécurité Tunney soit maintenue.

        ****


        [29]  La question en l'espèce consiste à décider s'il existait ou non un danger pour l'IPL Byfield au moment où l'agent de santé et de sécurité Tunney a mené enquête sur son refus continu de travailler le 25 octobre 2001. Pour ce faire, il est nécessaire d'examiner les faits de l'affaire par rapport à la définition de danger du Code et aux dispositions liées au droit de refuser de travailler.

        [30]  Au paragraphe 122.(1) du Code, on définit ainsi la notion de danger :

        « Danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse, susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

        [31]  M. Fader fournissait plusieurs citations dans son bref pour l'interprétation et l'application de la définition de danger et les dispositions du Code qui régissent le droit de refuser de travailler. Je conviens que les citations sont pertinentes au cas en l'espèce et qu'il convient d'en appliquer les leçons.

        [32]  Selon les faits de l'affaire, l'IPL Byfield a refusé de travailler la première fois le 22 octobre 2001 après avoir été l'unique IPL affectée à l'EVS. Elle soutenait qu'il était dangereux de ne doter l'EVS que d'un seul IPL durant les quarts de jour et de soir. À l'appui de son refus de travailler, elle a présenté un document à la direction où elle énumérait ses préoccupations de santé et de sécurité liées à son travail à l'EVS. Ces préoccupations portaient surtout sur le Consignes de poste et le Plan de fonctionnement pour l'EVS, l'emplacement physique et l'équipement à l'EVS ainsi que sur l'absence d'une norme de rendement pour la patrouille devant assurer l'aide à l'IPL de l'EVS en cas de besoin. L'IPL Byfield jugeait que ses inquiétudes n'avaient pas été soulagées lorsque la directrice adjointe Blackler avait donné suite à ses préoccupations de santé et de sécurité et, le 25 octobre 2001, elle a de nouveau refusé de travailler à titre de seule IPL affectée à l'EVS durant le quart de jour.

        [33]  Donc, son refus de travailler le 25 octobre 2001 n'était fondé sur aucun incident spécifique s'étant produit ou devant se produire à l'EVS. Il était plutôt fondé sur les niveaux de dotation à l'EVS et sa conviction que ses nombreuses préoccupations de santé et de sécurité confirmaient l'existence d'un danger. Aussi raisonnables que ces éléments aient pu sembler à l'IPL Byfield, ce genre de point de vue ne correspond pas à la définition de danger fournie dans le Code ou à la jurisprudence citée. Au contraire, La définition établit qu'une situation, une tâche ou un risque ne constitue un danger que si la tâche, la situation ou le risque est susceptible de causer des blessures à une personne qui y serait exposée avant qu'on ait pu écarter le risque, corriger la situation ou modifier la tâche. Ainsi, la seule existence d'un risque, d'une situation ou d'une tâche n'a pas pour effet de confirmer automatiquement l'existence d'un danger. C'est plutôt lorsque des faits pertinents confirment qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que le risque, la situation ou la tâche en question existent ou se concrétisent; que cette situation, ce risque ou cette tâche causerait une blessure ou une maladie à une personne qui y serait exposée et que cette blessure ou cette maladie se produirait immédiatement, même si la blessure ou la maladie était latente; que cette blessure ou cette maladie serait grave, par opposition à une simple irritation; et que ce risque, cette situation ou cette tâche découlerait, serait lié ou se produirait dans le cadre d'un emploi visé par la Partie II. Aucun de ces faits n'a été établi en connexion avec le refus de travailler de l'IPL Byfield.

        [34]  En ce qui concerne la jurisprudence et les niveaux de prestation, je renvoie les parties au paragraphe 25 (et au paragraphe 38 ci-inclus) où M. le juge Desjardins précise :

        38. Par ailleurs, ni l'agent de sécurité ni la Commission n'avaient le pouvoir de considérer la « politique de dotation minimale ». Le mécanisme prévu par le Code prévoit une méthode particulière d'établissement des faits pour régler une situation particulière. Il n'est pas destiné à constituer une tribune pour l'analyse de la politique d'un employeur. [Souligné par mes soins.]

        [35]  L'IPL Byfield a refusé de travailler le 25 octobre 2001 en invoquant la possibilité qu'il puisse se produire un incident à l'EVS. L'agent de santé et de sécurité Tunney a jugé que les faits n'appuyaient pas sa plainte à l'effet qu'il existait un danger au moment de son enquête. Pour les raisons précisées ci-dessus, je suis d'accord avec la conclusion de l'agent de santé et de sécurité Tunney qu'il n'existait pas de danger pour l'IPL Byfield et je confirme sa décision.




        __________________________
        Douglas Malanka
        Agent d'appel



        Résumé de la décision de l'agent d'appel


        No de décision : 03-007
        Requérant : C. Byfield
        Intimé : Service correctionnel du Canada
        Mots clés : danger, environnement de vie structuré (EVS), prison pour femmes, niveaux de dotation, poste non protégé, consignes de poste, plan de fonctionnement, évaluation de la menace et des risques, radios, alarmes de protection personnelle, patrouille, temps de réponse
        Dispositions :
        C.C.T. :
        122, 128 et 129.
        Résumé :

        Le 25 octobre 2001, une intervenante de première ligne (IPL) à l'Établissement Grand Valley pour les femmes est venue pour prendre son quart de jour. L'agent responsable l'a informée qu'elle avait été affectée à l'unité d'Environnement de vie structurée (EVS) et qu'elle serait le seul IPL affecté à ce poste pour la durée du quart. L'IPL a refusé de travailler sous prétexte que la pratique consistant à ne doter l'EVS que d'un seul IPL n'était pas sécuritaire. Elle a fait valoir que l'EVS était un poste non protégé, que les détenues de cette unité étaient entièrement libres de leurs déplacements dans l'unité, que les détenues avaient des problèmes de santé mentale et que les transmissions et les communications par radio dans cette unité n'étaient pas fiables.

        L'agent de santé et de sécurité qui a mené enquête sur le refus de travailler n'a pas trouvé de situation, de risque ou de tâche pouvant raisonnablement causer une blessure ou une maladie à l'employé avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Elle a tranché qu'il n'existait aucun danger pour l'IPL et a informé les parties de sa décision.

        Après avoir mené enquête dans les circonstances de cette décision, l'agent d'appel a confirmé la décision de l'agent de santé et de sécurité à l'effet qu'il n'existait aucun danger pour l'IPL.

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