Archivée - 2003 TSSTC 010 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Pierre-Georges Pépin
demandeur
et
Bell Canada
employeur
___________________________
Décision no 03-010
Le 23 avril 2003

Cette cause fut entendue par Serge Cadieux, agent d'appel, le 27 mars 2003 à Montréal, Québec.

Ont comparu

Pierre-Georges Pépin, employé, pour lui-même.
Sylvain Héroux, pour l'employeur.
Pierre Bouchard, agent de santé et de sécurité, Développement des ressources humaines

[1]  Le présent appel fut interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail, partie II (ci-après le Code) le 14 juin 2002 par M. Pierre-Georges Pépin, technicien au service d'affaires chez Bell Canada. L'appel concerne la décision d'absence de danger rendue le 13 juin 2002 par l'agent de santé et de sécurité Pierre Bouchard à la suite du refus de travail exercé par M. Pépin le 11 juin 2002.

[2]  Au moment du refus, monsieur Pépin était affecté au travail de réparateur de câbles et se préparait à remplir un billet de travail qui lui demandait de monter dans un poteau à l'aide d'une échelle à coulisse. Le motif du refus de travail exercé par M. Pépin fut décrit dans un document de Bell Canada identifié « Vérification avant l'enregistrement ». Selon ce document, M. Pépin a précisé qu'il refusait de transporter une échelle et de monter dans un poteau au motif suivant :

« Condition climatique ne permette (sic) pas le travail sur une structure temporaire (« échelle ») en toute sécurité (incluant son transport). Risque électrique.

[3]  Le Rapport d'enquête de l'agent de santé et de sécurité précise que M. Pépin considère que le transport et la manipulation d'une échelle lorsqu'il pleut à l'extérieur présente un risque de glisser, de trébucher ou de tomber. De plus, monsieur Pépin mentionne qu'il considère qu'il y a un risque électrique lorsqu'il doit monter dans une échelle pour travailler dans un poteau lorsqu'il pleut. Il est important de noter que M. Pépin considère que le risque existe non pas par rapport à un lieu précis mais plutôt par rapport à la température et qu'il aurait exercé son refus peu importe l'endroit où il avait à travailler sous la pluie.

[4]  Le 29 novembre 2001, M. Pépin a refusé de monter dans une échelle parce qu'il pleuvait. Il ajoute qu'il agissait en vertu de l'article 3.3 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité (le Règlement), partie III [Structures temporaires et travaux de creusage]. Il a avisé son supérieur qui a soumis le dossier au comité de santé et de sécurité. Après enquête, le comité a conclu qu'une échelle est un outil plutôt qu'une structure temporaire, une référence aux articles 3.1 et 3.3 du Règlement. Ces articles prévoient ce qui suit :

« 3.1 La présente partie s'applique aux échelles portatives, aux passerelles et aux escaliers temporaires, aux surfaces de travail élevées et temporaires utilisées par les employés, aux établis temporaires et élevés utilisés pour les matériaux. (mon soulignement)

3.3. Il est interdit à un employé de travailler sur une structure temporaire sous la pluie, la neige, la grêle ou durant un orage ou une tempête de vent qui sont susceptibles d'être hasardeux pour la sécurité ou pour la santé de l'employé, sauf si le travail est nécessaire pour éliminer un danger ou pour le sauvetage d'un autre employé. »

[5]  L'agent de santé et de sécurité a recueilli la description des faits de M. Héroux, le représentant de l'employeur, le tout étant consigné au dossier de l'agent de santé et de sécurité. M. Héroux s'est rendu sur les lieux du refus de M. Pépin. Ensemble, ils ont constaté qu'il n'y avait pas de vent et que la pluie était presque arrêtée. M. Héroux a aussi constaté que M. Pépin ne voulait pas transporter l'échelle sur une certaine distance, sur une surface à demi asphaltée et à demi gazonnée et que cette surface était plate et sans aucune flaque d'eau.

[6]  L'agent de santé et de sécurité a obtenu de nombreux documents pertinents à ce dossier au cours de son enquête. De plus, il a constaté que les lieux que devaient emprunter M. Pépin étaient sécuritaires et que le poteau dans lequel il devait monter ne présentait aucune anomalie. Il a établi que l'échelle à utiliser rencontrait les normes pour ce type de travail et que M. Pépin portait des bottes de sécurité. Au moment de son enquête, les conditions climatiques étaient plutôt stables en ce sens que la pluie était constante mais légère et qu'il y avait peu de vent et aucune rafales. Le rapport météorologique obtenu subséquemment confirme qu'il n'y avait pas de cellules orageuses au moment du refus de travailler.

[7]  L'agent de santé et de sécurité a décidé qu'il y avait absence de danger pour M. Pépin. Sa décision fut basée sur les considérations suivantes:

  • Considérant que l'employé a reçu la formation pertinente au travail de réparateur de câbles et qu'il a été embauché au cours de l'année 1976;
  • Considérant que l'employé a reçu une formation sur l'utilisation, la manipulation, l'entretien, l'inspection et le transport d'une échelle à coulisse incluant la façon sécuritaire de dresser, d'attacher et d'appuyer solidement une échelle selon les différents états de sol;
  • Considérant que l'employé a fait une démonstration sur la manipulation et l'utilisation sécuritaire d'une échelle à coulisse lors de sa formation;
  • Considérant que l'échelle utilisée était en bon état et conforme aux normes établies pour les échelles et que les barreaux de cette dernière étaient conçus avec des sillons rendant antidérapant son utilisation;
  • Considérant que l'employé portait, au moment du refus, des bottes de sécurité en bon état et conformes aux normes établies pour les chaussures protectrices et que ses semelles démontraient une caractéristique les rendant antidérapantes;
  • Considérant que le parcours devant être emprunté par l'employé pour amener l'échelle près du poteau était plat, sans aucune dénivellation, exempt de flaque d'eau ou de trous;
  • Considérant que la surface asphaltée et la surface gazonnée devant être parcourues par l'employé avec l'échelle, n'étaient pas glissantes lors de notre passage;
  • Considérant que le poteau sur lequel l'employé devait monter était en bon état, solide et muni d'une mise à terre adéquate;
  • Considérant que l'employé avait à sa disposition des équipements de sécurité supplémentaires qu'il devait utiliser, tel qu'un dispositif anti-chute ou un harnais de sécurité;
  • Considérant que l'employé exerçait les fonctions de réparateur de câbles depuis plusieurs années et qu'il avait une grande expérience du métier;
  • Considérant que les conditions climatiques présentes lors de mon enquête, c'est-à-dire une pluie faible mais constante, un vent faible et constant et absence de froid, d'éclair ou de cellules orageuses, ne représentaient pas un risque pour l'employé;
  • Considérant que l'employé devait travailler sur une boîte de jonction où il n'y avait pas de fils à haute tension, que cette boîte était située à la même hauteur que les fils téléphoniques et les fils de câbles, soit à une hauteur d'environ dix pieds;
  • Considérant que les fils à haute tension sont situés tout en haut du poteau, que la distance entre les fils à haute tension et l'employé respectait les dispositions réglementaires prévues à l'annexe II du paragraphe 8,5 (6) de la section 8 du règlement concernant la santé et la sécurité au travail;

Je considère qu'il y a inexistence de danger pour l'employé

[8]  L'enquête de l'agent de santé et de sécurité est à mon avis objective et complète. Par conséquent, j'ai peu de choses à ajouter concernant les faits recueillis par l'agent de santé et de sécurité. Je suis d'avis que l'agent de santé et de sécurité a rendu la bonne décision dans cette affaire et je maintiens sa décision. Les motifs qui justifient ma décision sont les suivants.

[9]  Le paragraphe 122(1) du Code définit le danger comme suit :

« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[10]  J'ai longuement expliqué cette notion dans la décision Agence Parks Canada c. Doug Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada, Décision No. 02-009. J'ai eu l'occasion de préciser que cette notion implique que la situation, la tâche ou le risque existant ou éventuel doit être susceptible de causer une blessure à une personne au moment où celle-ci sera exposé au risque ou à la situation ou au moment où elle devra accomplir la tâche. Seuls des facteurs objectifs i.e des faits recueillis lors de l'enquête, sont pris en considération dans cette analyse. Par conséquent, les situations hypothétiques sont exclues de la notion de danger puisqu'ils ne reposent sur aucun fait.

[11]  Il est clair que M. Pépin ne rencontrait aucun de ces critères. M. Pépin a avoué lors de l'audience qu'il ne prévoyait pas se blesser au moment du refus du fait qu'il devait transporter une échelle. Il était plutôt inquiet du fait qu'il s'exposait à une électrocution en travaillant sur des fils électriques et des boîtes de jonction du fait qu'il pleuvait. D'ailleurs, M. Pépin a soumis à l'audience des documents traitant de notions d'électricité et de pratiques sécuritaires. Selon ces notions, l'eau et l'électricité ne font pas bon ménage et les situations qui impliquent un travail dans ces conditions sont à éviter de façon générale.

[12]  À mon avis, il y aurait un risque accru si un employé devait travailler avec des fils électriques dans une boîte à jonction lorsqu'il pleut si celui-ci n'avait pas la formation, l'expérience, l'équipement de protection personnelle et des procédures à suivre. Ceci n'est évidemment pas le cas de M. Pépin qui, soit dit en passant, m'apparaît être une personne hautement qualifiée, qui connaît bien les risques associés à son travail, s'exprime aisément et démontre une grande connaissance de son métier.

[13]  Je dois conclure, comme l'agent de santé et de sécurité avant moi, que M. Pépin n'est pas en danger au sens où l'entend le Code. Ceci ne veut pas dire que M. Pépin ne courre aucun risque lorsqu'il travaille dans des conditions qui semblent « …d'être hasardeux pour la sécurité ou pour la santé de l'employé… ». Toutefois, un équilibre s'établi entre un travail exécuté dans des conditions susceptible de causer des blessures à un employé et la formation, l'expérience, l'équipement de protection personnelle et les procédures à suivre qu'a reçus l'employé. Le risque à ce moment est réduit à un point acceptable pour un employé qualifié. On ne peut plus affirmer à ce moment que le risque auquel l'employé est exposé est hasardeux pour sa sécurité et sa santé puisqu'il a en main tous les outils nécessaires pour contrôler le risque. Évidemment, telle ne serait la situation pour un employé non qualifié, ce qui n'est pas le cas de M. Pépin.

[14]  Il est aussi évident qu'exercer un refus de travail dans des conditions de travail non spécifiques, tel que refuser toutes les fois qu'un travail doit être exécuté à la pluie, n'est pas un motif justifiant un danger au sens du Code. Un employé peut refuser seulement lorsque les conditions spécifiques du travail qu'il doit accomplir sont susceptibles de le blesser ou de le rendre malade lorsqu'il exécutera le travail en question. C'est pour cette raison que le droit de refus est un droit individuel. Il s'applique lorsque des circonstances particulières relatives au travail que doit exécuter un employé mettent sa vie, sa santé ou sa sécurité en danger tel que l'entend le Code.

[15]  Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, je confirme la décision d'absence de danger rendue le 13 juin 2002 par l'agent de santé et de sécurité Pierre Bouchard.



___________________________________
Serge Cadieux
Agent d'appel



Résumé de la décision de l'agent d'appel


Décision n° : 03-010
Demandeur : Pierre-Georges Pépin
Employeur : Bell Canada
Mots clés : Réparateur de câble, échelle, poteau, condition climatiques, pluie, structure temporaire, bottes sécuritaires, formation expérience, équilibre, risque, danger.
Dispositions :  :
Code : 122(1), 129(7)
Règlement : 3.1, 3.3
Résumé :

Un employé chez Bell Canada a refusé d'exécuter un travail parce qu'il considérait que les conditions climatiques dans lesquelles il devait exécuter le travail mettait sa sécurité et sa santé en danger. L'employé devait transporter une échelle et travailler sur une boîte à jonction dans un poteau alors qu'une légère pluie tombait. Après enquête, l'agent de santé et de sécurité a décidé de l'inexistence de danger pour l'employé. L'agent de santé et de sécurité a pris cette décision sur la base de faits qu'il a vérifié dont, entre autres, la formation, l'expérience, l'équipement de protection personnelle et les procédures sécuritaires mises en place par l'employeur. En appel de la décision, l'agent d'appel a confirmé la décision initiale de l'agent de santé et de sécurité. Il a constaté qu'à la lumière de la formation, de l'équipement, de l'expérience et des procédures en place, l'employé était qualifié pour exécuter le travail demandé en toute sécurité. L'agent d'appel a conclu qu'un équilibre est établi entre le risque auquel un employé est exposé et la formation, l'expérience, l'équipement et les mesures sécuritaires qu'a reçues l'employé.

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