Archivée - 2003 TSSTC 011 - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

Informations archivées

Les informations archivées sont fournies aux fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elles ne sont pas assujetties aux normes Web du gouvernement du Canada et n'ont pas été modifiées ou mises à jour depuis leur archivage. Pour obtenir ces informations dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Canadien Pacifique Limitée
demandeur
et
la Fraternité des ingénieurs de locomotives
Représentant l'employé
et
Paul Danton
agent de santé et de sécurité
___________________________
Décision no 03-011
Le 28 avril 2003

Cette enquête concerne un appel interjeté en vertu de l'article 146 du Code canadien du travail (ci-dessous appelé le Code ou la Partie II) d'une instruction émise par un agent de santé et de sécurité aux termes du paragraphe 145(1) du Code. Une audience a eu lieu à Smiths Falls, en Ontario, le 12 mars 2003.

Comparants

M. J. Patrick Riley, Manager, Regulatory Affairs, Safety and et Regulatory Affairs, Canadien Pacifique Limitée (CP Rail)
M. Gregory Manahan, Regional Road Manager, Safety Process, CP Rail

M. Dan Lemay, Fraternité des ingénieurs de locomotives, président de la section locale 658, Smiths Falls, Ontario

M. Jim Alexander, agent de santé et de sécurité, Transports Canada.

[1]  Le 22 février 2002, l'agent de santé et de sécurité Alexander a enquêté sur la collision du train CP Rail 121-22 à destination de l'ouest et du train CP Rail 158-21 à destination de l'est qui s'est produite au point milliaire 143.9, à la division Belleville, à Port Hope en Ontario. Suivant les éléments de la preuve, le chef du train1 121-22 était aux commandes de la locomotive avant la collision bien qu'il ne soit ni accrédité, ni autorisé à la conduire. On a établi en outre que le mécanicien de locomotive2, dûment accrédité et autorisé par CP Rail à conduire le train 121-22, avait laissé son ami chef de train prendre les commandes de la locomotive dans le cadre d'une formation pratique qui relevait de sa propre initiative. La collision était survenue alors que le chef de train avait désobéi à un signal d'arrêt et, ce faisant, avait outrepassé la zone de circulation autorisée. On a aussi déterminé que le mécanicien de locomotive attitré du train 121-22 ne surveillait pas son ami chef de train au moment de l'infraction. Le chef de train et le mécanicien de locomotive ont tous deux subi de nombreuses blessures en sautant de la locomotive juste avant la collision.

1 Il n'est pas utile de nommer le chef de train dans cette affaire. Il n'apparaîtra donc pas dans cette décision. En lieu et place, on se référera à cet employé comme étant le « chef de train ».
2 Il n'est pas utile de nommer le mécanicien de locomotive dans cette affaire. Il n'apparaîtra donc pas dans cette décision. En lieu et place, on se référera à cet employé comme étant le « mécanicien de locomotive ».

[2]  Le 6 mai 2002, à la suite de son enquête, l'agent de santé et de sécurité Alexander a émis une instruction à CP Rail, conformément au paragraphe 145(1) du Code canadien du travail, Partie II (appelée ci-après Partie II ou le Code). À l'audience, l'agent de santé et de sécurité Alexander a confirmé qu'il avait bien émis son instruction à CP Rail parce que celui-ci, menacé d'un refus de travailler, avait été mis au courant de cette pratique non autorisée avant l'accident et qu'il n'avait rien fait pour l'empêcher. Dans ces circonstances, l'agent Alexander a soutenu que CP Rail avait la responsabilité de s'assurer que le chef de train avait reçu la formation et l'accréditation appropriées pour conduire le train en toute sécurité, et qu'il faisait l'objet d'une surveillance attentive aux commandes de la locomotive, pour s'assurer qu'il se conforme bien aux règles et aux politiques de sécurité de CP Rail.

[3]  L'instruction, en annexe, fait référence aux deux infractions de CP Rail et ordonne à celui ci d'y mettre fin immédiatement. Les infractions citées étaient les suivantes :

L'employeur n'a pas bien surveillé l'employé aux commandes du train 121-22 et n'a pas veillé au respect des règlements, des politiques et des procédures de sécurité de la compagnie régissant la conduite d'un train.

L'employeur ne s'est pas assuré que l'employé aux commandes du train 121-22 avait reçu la formation et l'accréditation nécessaires pour conduire le train 121-22 en toute sécurité.

[4]  Le représentant de CP Rail, M. Riley, Manager, Safety and Regularoty Affairs a confirmé qu'il partageait les conclusions de l'agent de santé et de sécurité Alexander sur les causes de l'accident :

  • le conducteur du train 121-22 n'était pas accrédité et a outrepassé la zone de circulation autorisée en ne respectant pas un signal d'arrêt;
  • le mécanicien de locomotive attitré du train 121-22 a manqué à ses obligations et relâché sa supervision du chef de train non accrédité quand il était aux commandes.

[5]  Toutefois, il s'est opposé à la conclusion de l'agent de santé et de sécurité Alexander selon laquelle, ses employés ayant transgressé les politiques, les directives et les procédures d'exploitation, CP Rail avait contrevenu au Code et au Règlement sur la sécurité et la santé au travail (Trains) en laissant un employé non accrédité conduire le train et en omettant de lui donner des consignes et une formation appropriée pour conduire le train.

[6]  M. Riley m'a fait état de la transcription officielle de l'audience disciplinaire tenue par CP Rail après l'accident pour le chef de train et le mécanicien de locomotive du train 121-22. Selon cette transcription, le mécanicien de locomotive a déclaré avoir laissé son ami chef de train conduire la locomotive parce qu'il pensait que la disposition Iron-Horse3 de leur convention collective permettait ce type de formation en milieu de travail. De plus, il se sentait qualifié personnellement pour dispenser cette formation parce qu'il avait déjà été instructeur de locomotive.

3 Une disposition pour situation imprévue de la Convention collective en vigueur à l'époque qui concernait les mécaniciens de locomotive et qui n'a jamais été entérinée par CP Rail et le syndicat parce que les circonstances qui auraient nécessité son application ne se sont jamais produites. On l'appelait aussi la disposition Expressway.

[7]  La transcription confirmait aussi que le 30 janvier 2002, soit environ trois (3) semaines avant l'accident, M. Rick McLellan, Manager, Opérations à CP Rail avait convoqué le mécanicien de locomotive dans son bureau et lui avait interdit cette pratique. D'après les éléments de la preuve, un autre mécanicien de locomotive avait remarqué, à plusieurs reprises, cette activité non autorisée alors qu'il faisait des heures haut le pied dans ce train et s'en était plaint à M. Carman, Road Manager de CP Rail, à Smiths Falls. Il avait indiqué à M. Veitch qu'il refuserait de travailler si cela se produisait de nouveau pendant ses heures haut le pied.

[8]  Le mécanicien de locomotive avait affirmé à M. McLellan qu'il cesserait la pratique à moins qu'on ne lui confirme que la disposition Iron-Horse de la convention collective permettait celle-ci. Toutefois, la transcription laisse entendre que malgré l'avertissement susmentionné et son engagement de cesser la pratique, le mécanicien de locomotive avait continué de permettre à son ami chef de train à conduire la locomotive. D'autres éléments laissent en outre supposer que, pour éviter d'être pris en flagrant délit, le mécanicien de locomotive et le chef de train s'étaient abstenus d'avoir recours à cette pratique en présence des inspecteurs gouvernementaux et de ceux de CP Rail, et n'en avaient plus jamais parlé devant un agent de la compagnie.

[9]  M. Riley a présenté une note de service de M. McLellan qui mentionnait la menace de refus de travailler du 30 janvier 2002 et ses consignes au mécanicien de locomotive impliqué dans l'accident de cesser ses pratiques et de ne plus permettre à son ami chef de train de conduire la locomotive. Il a demandé à l'agent de santé et de sécurité Alexander si c'était bien la menace de refus de travailler dont il parlait dans son témoignage. Ce dernier a confirmé que oui et il a précisé qu'il ne s'était pas rendu compte précédemment que la menace de refus de travailler, l'avertissement et l'accident avaient été si rapprochés.

[10]  M. Manahan, Regional Road Manager a témoigné au sujet des critères de sélection et de la formation des mécaniciens de locomotive à CP Rail et a expliqué la disposition Iron Horse de la convention collective. Il a aussi parlé des mesures permanentes de surveillance de la compagnie afin de veiller au respect des règlements par les employés et il a décrit le système disciplinaire de Brown qu'utilise CP Rail pour traiter les infractions. J'ai retenu ce qui suit de son témoignage.

[11]  M. Manahan a expliqué, que quand il y a un poste de mécanicien de locomotive à pourvoir à CP Rail, les employés intéressés sont invités à postuler pour la formation. La sélection au programme de formation est fondée sur l'ancienneté et un processus d'entrevue détaillé afin de déterminer si les candidats sont aptes à suivre le programme. Par exemple, le processus d'entrevue comprend l'examen des antécédents professionnels, des infractions éventuelles et du dossier médical de l'employé. S'il est sélectionné pour la formation, le candidat se rend au centre de formation à Calgary, en Alberta, et doit :

  • suivre un cours complet sur les règlements couronné par un examen;
  • faire les exercices de simulation;
  • recevoir une formation en milieu de travail en tant que mécanicien de locomotive;
  • suivre d'autres cours et réussir un examen sur les règlements au centre de formation;
  • se soumettre à un contrôle final par un instructeur de locomotive accrédité.

[12]  Il a ajouté qu'un stagiaire est renvoyé du programme s'il n'obtient pas au moins 90 p. 100 à tous ses tests et que, compte tenu de la grande rigueur du processus de sélection et de la formation, un employé ne peut pas faire autrement que de se rappeler d'avoir participé au programme.

[13]  M. Manahan a expliqué qu'en ce qui concernait la disposition Iron Horse de la convention mentionnée par le mécanicien de locomotive, il s'agissait d'une disposition spéciale pour situation imprévue qui n'avait jamais été appliquée et qui proposait une solution, advenant l'impossibilité de changer l'équipe à Smiths Falls pour maintenir l'horaire entre Toronto et Montréal. La solution était que, si les équipes ne pouvaient changer à Smiths Falls, les chefs de train pouvaient être formés en tant que mécaniciens de locomotive pour de courtes périodes, peut-être moyennant des restrictions pour soulager le mécanicien de locomotive. Toutefois, les équipes n'avaient jamais eu besoin de cette disposition et ne l'avait jamais appliquée parce qu'elles pouvaient effectuer les changements de tour d'équipe nécessaires à Smiths Falls et maintenir l'horaire entre Toronto et Montréal.

[14]  Pour s'assurer que ses employés se conforment aux règles et aux procédures d'exploitation, M. Manahan a affirmé que CP Rail avait pris les mesures suivantes :

  • son programme de vérification des compétences;
  • son programme de formation à la prévention des accidents qui comprend un programme d'affiches sur la sécurité, des réunions sur la sécurité régulières, des discussions en tête à tête et des séances de questions et réponses;
  • ses tests « RQ »4, proposés par les instructeurs de locomotive pour s'assurer de la compréhension et de l'application des enseignements;
  • son programme-cadre de prévention des accidents dont font partie ses comités de santé et de sécurité au travail de tout le réseau.
4 Acronyme non défini dans ce témoignage.

Il a ajouté que des inspecteurs de Transports Canada venaient régulièrement vérifier la conformité avec les règlements.

[15]  Il a souligné que, dans le programme de vérification des compétences de CP Rail,

  • tous les gestionnaires et les superviseurs de CP Rail devaient faire passer un nombre minimum de tests de compétence dans l'année de sorte que tous leurs employés soient obligatoirement contrôlés, au moins une fois par an. Les tests de compétences évaluent les connaissances et le respect des politiques, des directives et des procédures d'exploitation relatives à la sécurité. Les tests consistent en une période d'observation, suivie d'une surveillance et de discussions;
  • les superviseurs doivent aussi prendre un nombre minimum de trains pour observer et vérifier la compétence des équipes en ce qui concerne le respect des règlements;
  • les superviseurs doivent analyser les rapports des consignateurs d'événements informatisés qui sont situés sur l'infrastructure ferroviaire et enregistrent de nombreux aspects du fonctionnement du train. Les données signalent les cas d'observation et de non respect des règlements d'exploitation.

[16]  À cet égard, M. Lemay a confirmé que, M. McLellan l'avait informé de la menace de refus de travailler du 30 janvier 2002 et de son avertissement au mécanicien en cause. M. Manahan a ajouté que malgré tous les contrôles de CP Rail, personne n'avait rapporté avoir constaté de reprise de la pratique défendue entre le moment où on avait ordonné au mécanicien de cesser et l'accident.

[17]  En conclusion, M. Riley a soutenu que l'instruction de l'agent de santé et de sécurité Alexander était injustifiée parce qu'elle reposait sur l'idée d'une responsabilité absolue plutôt que sur celle d'une responsabilité stricte qui est l'épreuve du droit compétente aux termes de l'article 124 du Code et du sous alinéa 10.12(1)a) du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (Trains). Or, dans cette affaire, c'est le critère de la responsabilité stricte qui s'appliquait. À cet égard, il m'a renvoyé à la jurisprudence qu'il a résumée ainsi :

  • Quand un employeur est accusé d'un acte perpétré par un employé, il faut se demander si cet acte a eu lieu sans que l'employeur l'ait ordonné ou approuvé et si l'employeur a fait preuve de diligence raisonnable. - R. c. Ville de Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299.
  • Quand il est prouvé que l'acte visé est le fait d'un employé agissant entièrement de son propre chef et à l'encontre de consignes prudentes et appropriées, cela peut atténuer le verdict de manque de diligence raisonnable. - R. v. Fletcher Challenger Canada Ltd., Elk falls Forest Industries Ltd., Charles Mander, (1997),B.C.P.C. No. 62329-01 Burnaby Register.
  • Par diligence raisonnable, on ne sous-entend pas qu'il faille faire des efforts surhumains, mais plutôt rester extrêmement attentif et intervenir rapidement et de façon décisive et soutenue. - R. v. Commander Business Furniture Inc. (1992) 9 C.E.L.R. (NS) 185.

[18]  M. Riley a soutenu que la conduite du train 121-22 par le chef de train avait eu lieu sans que l'employeur ne l'ait ordonnée ou approuvée. En dépit des consignes claires et de l'employeur, les employés ont choisi d'agir autrement. En outre, les éléments de preuve relevés au cours de l'enquête de CP Rail sur l'accident ont révélé que le chef de train n'avait jamais fait fonctionner la locomotive en présence d'un agent de la compagnie et n'avait jamais demandé si cette activité était acceptable. Ils ont aussi permis d'établir que les deux employés cachaient leur pratique. M. Riley a demandé que l'instruction de l'agent de santé et de sécurité Alexander adressée à CP Rail le 6 mai 2002, en vertu du paragraphe 145(1) du Code, soit annulée.

****


[19]  Dans son témoignage, l'agent de santé et de sécurité Alexander a affirmé que CP Rail contrevenait à l'article 124 du Code puisqu'il n'avait pas vérifié si l'activité interdite avait bien cessé après l'avertissement donné au mécanicien. Il a écrit dans son rapport, qu'en dernier ressort, c'est à l'employeur qu'il revient de surveiller et de faire observer ses politiques directives et ses procédures d'exploitation en matière de sécurité.

[20]  Ayant conclu que CP Rail n'avait pas fait ce qu'il fallait pour s'assurer que l'activité interdite avait cessé, l'agent de santé et de sécurité Alexander a reproché dans son instruction à CP Rail de ne pas avoir veillé à ce que le chef de train avant de prendre les commandes du train reçoive la formation et l'accréditation nécessaires de mécanicien de locomotive et à ce qu'il fasse l'objet d'une surveillance suffisante lorsqu'il était aux commandes d'une locomotive de façon à ce qu'il respecte les règlements, les politiques et les procédures de sécurité régissant le fonctionnement des trains.

[21]  À mon avis, l'agent de santé et de sécurité Alexander a eu raison d'envisager la possibilité que CP Rail ait été en partie coupable du fait que ses employés n'aient pas respecté les règlements, les politiques et les procédures de sécurité régissant le fonctionnement du train. Toutefois, ce qui m'interpelle dans ses conclusions, c'est que les éléments de la preuve qu'il a rassemblés et sur lesquels il s'est basé pour son instruction n'établissent pas que les mesures de CP Rail pour garantir le respect par ses employés des règlements, des politiques et des procédures régissant le fonctionnement d'un train laissaient à désirer. J'ai aussi des doutes sur le critère de diligence appliqué quand l'agent a évalué l'efficacité des mesures que CP Rail avait prises pour assurer la conformité avec ses règlements, politiques et procédures.

[22]  Quand j'ai examiné les éléments de preuve de cette affaire, le témoignage de M. Manahan attestant que CP Rail avait un programme complet et efficace de surveillance du respect par ses employés des règlements, des politiques et des procédures de sécurité et que l'entreprise sanctionnait les cas de non-respect m'a convaincu. Dans cette affaire, le superviseur a convoqué le mécanicien dès qu'il a pris connaissance de l'activité interdite. Il a confirmé à l'employé que celle-ci était défendue, a clarifié les procédures en vigueur et a ordonné que l'activité cesse. Je crois que personne ne s'est aperçu que l'activité continuait parce que les deux employés en question cachaient ce qu'ils faisaient. En dernière analyse, les éléments de la preuve n'ont pas permis d'établir que les mesures de CP Rail pour assurer la conformité laissaient à désirer ou que la compagnie n'avait pas réagi à l'inobservation des procédures et règlements des deux employés.

[23]  En ce qui concerne mes doutes à propos du critère de diligence appliqué par l'agent de santé et de sécurité Alexander, il n'y a pas de doute qu'aux termes de l'article 124 du Code, l'employeur doit veiller à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail. L'article 124 stipule que :

124. L'employeur [doit veiller] à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[24]  Toutefois, le Code spécifie aussi à l'article 126 que les employés doivent, entre autres, se conformer aux consignes de l'employeur en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses employés au travail :

126(1) L'employé au travail est tenu :
b) de se plier aux consignes réglementaires en matière de santé et de sécurité au travail;
d) de se conformer aux consignes de l'employeur en matière de santé et de sécurité au travail;
g) de signaler à son employeur tout objet ou toute circonstance qui, dans un lieu de travail, présente un risque pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses compagnons de travail ou des autres personnes à qui l'employeur en permet l'accès;
j) de signaler à son employeur toute situation qu'il croit de nature à constituer, de la part de tout compagnon de travail ou de toute autre personne - y compris l'employeur, une contravention à la présente partie.

[25]  On ne peut tout simplement conclure que l'employeur est automatiquement coupable chaque fois qu'un employé n'observe pas les règlements. Dans un cas comme celui-ci, où l'employeur a donné à ses employés des consignes et une formation pour faire leur travail en toute sécurité, où il a mis en place des mesures complètes pour détecter les cas de non conformité, où il a une procédure disciplinaire officielle et qu'il l'applique, et où il prend des dispositions immédiates pour contrer les cas de non-conformité, il est difficile d'imaginer ce que cet employeur aurait pu faire de plus.

[26]  Sachant que, dans des poursuites c'est aux tribunaux qu'incombe la responsabilité de se prononcer sur la diligence raisonnable, les agents de santé et de sécurité doivent, eux, se laisser guider par les éléments de preuve dont ils disposent pour déterminer si une action ou un défaut d'agir de la part d'un employeur a contribué ou non à l'infraction en cause. Je rappelle aussi que, d'après le paragraphe 145(1), l'agent de santé et de sécurité doit seulement être « d'avis » qu'il y a eu infraction. Cependant, compte tenu des vastes pouvoirs d'enquête dont les agents de santé et de sécurité sont investis aux termes du Code, il faut entendre que leur « avis » doit au moins être un avis « éclairé ». On peut lire au paragraphe 145(1) du Code :

[C'est moi qui souligne.] 145(1) S'il est d'avis qu'une contravention à la présente partie vient d'être commise ou est en train de l'être, l'agent de santé et de sécurité peut donner à l'employeur ou à l'employé en cause l'instruction :
a) d'y mettre fin dans le délai qu'il précise;
b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu'il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

[27]  Dans cette affaire, rien ne prouve que les infractions des deux employés résultent, d'une action ou d'un défaut d'agir de la part de CP Rail ou qu'elles aient été influencées, ou encouragées par cette action ou ce défaut d'agir. C'est la raison pour laquelle j'annule, par la présente, l'instruction de l'agent de santé et de sécurité Alexander donnée à CP Rail le 6 mai 2002, en vertu du paragraphe 145(1) du Code.




______________________
Douglas Malanka
Agent des appels



Annexe

Dans l'affaire du Code canadien du travail,
Partie II, Santé et sécurité au travail

Instruction à l'employeur conformément au paragraphe 145(1)


Le 22 février 2002, le soussigné agent de santé et de sécurité a mené une enquête à propos d'une situation dangereuse dans un lieu de travail dirigé par Canadien Pacifique Limitée, un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, à Port Hope, en Ontario, le dit lieu de travail étant parfois désigné aussi du nom de voie d'évitement de Port Hope.

Le dit agent de santé et de sécurité est d'avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail, ont été transgressées :

Article 124 du Code canadien du travail, Partie II :

L'employeur n'a pas suffisamment surveillé l'employé aux commandes du train 121-22 et ne s'est pas assuré qu'il observait les règlements, les politiques et les procédures de sécurité régissant le fonctionnement d'un train;

Alinéa 125(1)q) du Code canadien du travail, Partie II, et alinéa 10.12(l)a) du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (Trains) :

L'employeur ne s'est pas assuré que l'employé aux commandes du train 121-22 avait la formation et l'accréditation nécessaires pour conduire le train 121- 22 en toute sécurité.

Par conséquent, vous DEVEZ, PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l'alinéa 145(l)a) du Code canadien du travail, Partie II, mettre fin immédiatement à cette pratique contraire au Code et au règlement.

Émise à Toronto, en ce 6e jour de mai 2002.



Original signé par :

Jim Alexander
Agent de santé et de sécurité
P. ID no 3300


Résumé de la décision de l'agent des appels


Décision n° : 03-011
Demandeur : Canadien Pacifique Limitée
Défendeur : Fraternité des ingénieurs de locomotive
Mots clés : collision ferroviaire, chef de train, mécanicien de locomotive, accréditation, consignes, formation, diligence raisonnable, conduite interdite d'une locomotive, surveillance, règlements d'exploitation.
Dispositions :  
Code canadien du travail : 124, 126, 145(1), 146.1(1)
Règlement sur la sécurité et la santé au travail (Trains) : 10.12(1)a)
Résumé :

Une collision entre deux trains s'est produite au moment où un mécanicien de locomotive, dûment accrédité et autorisé par CP Rail à conduire un train, a laissé son chef de train prendre les commandes. Celui-ci a désobéi à un signal d'arrêt et, ce faisant, a outrepassé la zone de circulation autorisée du train. On a établi par la suite, que le mécanicien de locomotive attitré du train ne surveillait pas son ami chef de train au moment de l'infraction aux règlements. Après avoir mené une enquête sur la collision, l'agent de santé et de sécurité a émis une instruction à CP Rail pour n'avoir pas suffisamment surveillé l'employé et veillé à ce qu'il respecte les règlements, les politiques et les procédures de sécurité régissant le fonctionnement d'un train, et pour ne pas s'être assuré que l'employé aux commandes d'un train 121-22 avait reçu la formation et l'accréditation nécessaires.

L'agent des appels a annulé l'instruction car rien ne prouvait que les infractions des deux employés avaient résulté d'une action ou d'un manquement de la part de CP Rail, ou qu'elles avaient été influencées ou encouragées par cette action ou ce manquement.

Détails de la page

Date de modification :