Archivé - Décision : 03-016  Code canadien du travail Partie II
Santé et sécurité au travail

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Compagnie d'arrimage de Québec Ltée
employeur
et
Syndicat canadien de la fonction publique
syndicat
___________________________
Décision no 2003-16
Le 19 septembre 2003

Cette affaire fut décidée par Serge Cadieux, agent d'appel, sur la base des arguments écrits soumis par les parties.

Représentations

Monsieur Denis Caron, Directeur, Santé et sécurité au travail, pour l'employeur
Monsieur Mario Dubé, Syndicat canadien de la fonction publique, pour les employés

Agent de santé et de sécurité

Louis Rodrigue, Transport Canada, Sécurité maritime, Région du Québec

***


[1]  Les appels d'instructions qui suivent furent interjetés en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail, partie II (le Code) par Monsieur Denis Caron, Directeur, Santé et sécurité au travail, Compagnie d'arrimage de Québec Ltée (la Compagnie d'arrimage). Monsieur Caron a avisé le Bureau d'appel canadien en santé et sécurité au travail (le Bureau d'appel) qu'il portait en appel trois instructions qui furent, selon lui, données par l'agent de santé et de sécurité à des moments et pour des motifs différents.

[2]  Les trois instructions1 auxquelles Mr. Caron fait référence sont les suivantes :

1 M. Caron a aussi fait mention d'un formulaire S.I.7, soit un document émis en vertu de la Loi sur la Marine marchande du Canada. N'ayant pas été émis en vertu du Code, je n'ai pas compétence pour entendre un appel de ce document et n'en traiterai pas dans cette décision.
  1. Une instruction verbale pour danger donnée par l'agent de santé et de sécurité à la Compagnie d'arrimage le mardi 2 octobre 2001.
  2. Une instruction verbale et confirmée par écrit le 2 octobre 2001 concernant une situation de danger, émise en vertu des alinéas 145(2)a) et b) du Code (Annexe 1).
  3. Une instruction écrite, émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code, datée du 7 novembre 2001 (Annexe 2).

Enquête de l'agent de santé et de sécurité

[3]  L'historique et les circonstances de cette affaire sont décrits par l'agent de santé et de sécurité dans le RAPPORT D'INSPECTION CONCERNANT L'INCIDENT SURVENU À BORD DU N.M. « TORO » IMPLIQUANT UNE GRUE ET UNE PELLE HYDROLIQUE (ci-après le Rapport d'enquête).

[4]  Selon le Rapport d'enquête, Monsieur Rodrigue se serait présenté mardi, le 2 octobre 2001 vers 10h45, accompagné d'un inspecteur de navires du bureau de Québec, à la section 107 du Port de Québec, pour faire le contrôle portuaire du navire « Toro ». Avant de monter à bord du navire, l'agent de santé et de sécurité rencontre Monsieur Berthiaume, grand contremaître de la Compagnie d'arrimage, qui l'informe d'un accident survenu la veille, soit le 1er octobre 2001 vers 19h10. L'accident s'est produit lorsque la benne preneuse de la grue GUAY #220-06 a percuté la cabine de la pelle hydraulique #232 opéré par un débardeur de la Compagnie d'arrimage dans la cale du navire « Toro ». La pelle hydraulique fut suffisamment endommagée pour être retirée du service.

[5]  L'agent de santé et de sécurité confirme auprès de Monsieur Berthiaume et de Monsieur Martin Gagné, surintendant de la Compagnie d'arrimage, qu'aucune enquête pour cet accident n'est en cours. De plus, ces messieurs lui confirment que rien n'a été fait entre-temps pour éviter qu'un autre accident ne se reproduise. On l'avise toutefois que Monsieur Caron doit arriver vers midi pour débuter l'enquête.

[6]  L'agent de santé et de sécurité constate qu'une nouvelle équipe est au travail et que des opérations de chargement ont lieu. Il confirme auprès de son gestionnaire de bureau, Monsieur André Desrochers, que l'accident en question n'a pas été rapporté. Il apprend du capitaine du navire que ce dernier n'est pas au courant qu'un accident s'est produit la veille dans la cale #2 et qu'il n'en a pas été avisé.

[7]  L'agent de santé et de sécurité informe son gestionnaire, Monsieur Durocher, que contrairement à ce que prévoit l'article 14.32 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) [ci-après le Règlement], partie XIV (Enquête, Enregistrement et Rapport - Situations Comportant des Risques), que « …je n'ai pu trouver aucune indication que l'employeur avait débuté une enquête sans délai, tel que stipulé à l'article 14.3a) ou que des mesures aient été prises pour empêcher que la situation ne se reproduise tel que stipulé à l'article 14.3b) (sic), soit seize heures après l'incident survenu la veille aux alentours de 19h10, et qu'une nouvelle équipe de travail était sur les lieux. »

2 14.3 L'employeur qui prend connaissance d'une situation comportant des risques, notamment un accident ou une maladie professionnelle, qui touche un employé au travail doit sans délai :
a)  nommer une personne qualifiée pour faire enquête sur la situation
b)  aviser le comité de sécurité et de santé ou le représentant en matière de sécurité et de santé, si l'un ou l'autre existe, de la situation et du nom de la personne nommée pour faire enquête;
c)  prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la situation ne se reproduise.

[8]  Sur recommandation de son gestionnaire, l'agent de santé et de sécurité décide d'arrêter les opérations pour débuter une enquête. Vers 11h30, l'agent de santé et de sécurité avise le capitaine du navire de même que M. Gagné que les opérations doivent être arrêtées, ce qui est fait.

[9]  L'enquête débute par l'obtention de M. Gagné des noms des personnes impliquées dans le quart de travail du 1er octobre 2001 de 16h00 à 24h00. L'agent de santé et de sécurité fait les démarches nécessaires pour voir la pelle hydraulique impliquée dans l'accident.

[10]  Vers 11h40, M. Caron arrive sur les lieux de travail. L'agent de santé et de sécurité lui explique la situation et l'avise qu'il a débuté l'enquête. Il l'avise que lorsqu'il sera satisfait qu'il n'existe plus de danger, les opérations de déchargement pourront reprendre. Selon l'agent de santé et de sécurité, M. Caron l'informe que selon l'article 14.3 ou 14.4 du Règlement, il a 24 heures pour faire une enquête.

[11]  L'enquête se déroule normalement. Vers 12h45, M. Caron demande l'autorisation de reprendre les opérations de déchargement et de continuer l'enquête plus tard. L'agent de santé et de sécurité fait part à M. Caron des ses inquiétudes à ce sujet, à savoir :

« …que nous croyons qu'un autre accident pourrait survenir à nouveau et qu'un débardeur pourrait être blessé. Pour cette raison nous désirons poursuivre l'enquête pour s'assurer qu'il n'y a plus de risque pour le débardeur qui est dans la cale. De plus nous croyons qu'il n'y a pas eu de changement dans la façon d'exécuter le déchargement du navire. Nous ajoutons que si le débardeur est retiré de la cale lorsque la benne preneuse creuse dans la cale, les opérations pourraient reprendre immédiatement car en retirant le débardeur, on élimine le danger… »

[12]  À la demande de M. Caron, un essaie est effectué en présence de M. Caron, de M. Priedite et de l'agent de santé et de sécurité. La communication radio entre le signaleur et l'opérateur de la grue est testée et jugée efficace par l'agent de santé et de sécurité. L'agent de santé et de sécurité conclut qu'à ce stage de l'enquête, il n'y a plus de danger puisque selon la procédure, le débardeur est retiré de la cale lorsque la benne preneuse creuse dans la cale. Toutefois, lorsque l'agent de santé et de sécurité rencontre M. Priedite, surintendant du déchargement lors de l'incident, celui-ci l'informe « …qu'avant l'accident il était parti souper à 19h00 et qu'il comptait revenir du souper avec des radios pour le signaleur et l'opérateur de grue à son retour de souper. »

[13]  L'enquête est reportée après 16h00 parce que les personnes impliquées dans l'incident ne sont pas disponibles avant cette heure. Vers 15h30, l'agent de santé et de sécurité rencontre M. Caron dans les bureaux de la Compagnie d'arrimage. Il lui remet à ce moment une instruction écrite en vertu du paragraphe 145(2) du Code (Annexe 1). M. Caron lui remet à son tour une procédure de déchargement sans débardeur dans la cale du navire lors de l'opération de la grue dans la même cale. La procédure de travail qui fut proposée par M. Caron à titre temporaire i.e. le temps de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité, et acceptée par ce dernier, est reproduite ci-après intégralement et sans correction :

Procédure de travail proposé et accepté par tous les parties présentes :

  1. Le conducteur du baco3 fera un ou les tas appropriés;
    3 Selon les photos soumises, il semblerait que la référence au baco (lire back hoe) est une référence à une pelle hydraulique du même type que celle impliquée dans l'accident.
  2. Le baco sera ensuite mis en position sécuritaire;
  3. Le conducteur du baco sortira de sa machine pour aller se placer dans un endroit sécuritaire;
  4. Le signaleur sur le pont signalera le conducteur de la grue de Guay qui est situé sur le quai de descendre la clam pour prendre sa clamé;
  5. Le conducteur de la grue de Guay clamera jusqu'au moment où sera nécessaire de faire un ou des tas;
  6. La clam de la grue de Guay sera arrêté et garder en position sécure sur le quai à l'endroit approprié, jusqu'au moment où la baco aura fini de faire un ou des tas;
  7. Le conducteur du baco sera avisé de sortir de l'endroit sécuritaire où il s'était placé pour aller opérer sa machine;
  8. Il recommencera à faire un ou des tas tel que l'opération l'exige;
  9. Quand le conducteur du baco aura terminé, la même procédure recommencera, etc.

[14]  L'enquête reprend à 16h00. Elle se poursuit le lendemain 03 octobre 2002 alors que l'agent de santé et de sécurité interroge le signaleur et l'opérateur de la pelle hydraulique. L'agent de santé et de sécurité complète son enquête en soulignant que les témoignages des personnes impliquées dans l'incident du 1er octobre 2001 ont fait ressortir les points suivants  :

  • il n'y a pas de procédure lors du déplacement de la pelle hydraulique. L'opérateur de la pelle hydraulique sort de la machine, indique au signaleur qu'il désire aller travailler à l'endroit précis où la benne preneuse creuse, il réintègre la cabine de la pelle hydraulique sans s'assurer que l'opérateur de la grue est saisi du chargement;
  • le signaleur n'est pas vêtu de façon particulière pour favoriser sa visibilité;
  • le signaleur n'a pas de lampe de signaleur;
  • la position du signaleur sous le panneau d'écoutille et derrière le surbau d'écoutille diminue grandement la visibilité du signaleur pour l'opérateur de la grue;
  • l'éclairage du navire aveugle l'opérateur de la grue;
  • l'incident est survenu à la pénombre, au moment où le signaleur est moins visible, car vêtu de noir : casquette, gilet, pantalon;
  • le seul moyen de communication entre le signaleur et l'opérateur de la grue est visuel. Au moment de l'incident, la marée est haute, le signaleur ne peut voir simultanément dans la cale et l'opérateur de la grue. Pour être vu de l'opérateur de la grue, le signaleur doit franchir des tuyaux et se déplacer d'environ sept mètres pour atteindre le bordé du navire;
  • le surintendant comptait ramener les radios en revenant du souper;
  • il n'y a pas de communication tripartite entre l'opérateur de la grue, le signaleur et l'opérateur de la pelle hydraulique;
  • l'orientation de la grue défavorisait la visibilité de l'opérateur de la grue, le mât de cette dernière empêche l'opérateur de grue de voir à l'avance l'emplacement du signaleur et les activités sur le navire où s'effectue le passage de la benne preneuse;
  • dans ce cas particulier, il est fréquent que la benne preneuse passe au-dessus de la pelle hydraulique (avec un opérateur à l'intérieur lorsque la pelle hydraulique travaille à l'avant de la cale et que la benne preneuse travaille à l'arrière de la cale;
  • il est aussi fréquent que la benne preneuse travaille à proximité de la pelle hydraulique au moment où la cale est pleine, jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment déchargée pour permettre à la pelle hydraulique de se réfugier sous le pont entre la cloison et l'ouverture de la cale;
  • juste avant que la benne preneuse percute la cabine de la pelle hydraulique l'opérateur de la grue a aperçu sur le pont l'autre opérateur de grue lui faisant de grands signes pour arrêter au moment où la benne preneuse était en descente à grande vitesse. Il a appliqué le frein au câble de descente de la benne preneuse, ce qui a ralenti grandement la vitesse d'impact entre la le benne preneuse et la cabine de la pelle hydraulique, limitant l'incident à des dommages matériels;
  • le capitaine ou l'équipage du navire n'a pas été avisé de l'incident.

[15]  Dans une lettre datée du 15 octobre 2001, M. Caron avise M. Rodrigue qu'en vertu de l'article 14.44 du Règlement, il n'avait pas à déclarer l'accident qui s'est produit, contrairement à ce qu'a déclaré l'agent de santé et sécurité à bord du navire, puisqu'aucun des critères de cet article ne s'appliquait dans ce cas.

4 14.4 L'employeur doit signaler à un agent de sécurité de la Direction de la sécurité maritime, ministère des Transports, les date, heure et lieu où s'est produite toute situation comportant des risques, notamment un accident ou une maladie professionnelle, ainsi que sa nature, le plus tôt possible dans les 24 heures suivant la date où il a pris connaissance de la situation, si celle-ci a entraîné l'une des conséquences suivantes :
a)  le décès d'un employé;
b)  la disparition d'un employé;
c)  une blessure invalidante chez plus d'un employé;
d)  l'évanouissement d'un employé causé par une décharge électrique ou par l'exposition à des gaz toxiques ou à de l'air à faible teneur en oxygène.

[16]  Selon M. Caron, l'agent de santé et de sécurité aurait suspendu les travaux « parce que nous n'avions pas déclaré l'incident matériel selon les exigences du Code canadien du travail » (soulignement de M. Caron). Il fait appel de cette instruction verbale. De plus M. Caron fait appel de l'instruction du 2 octobre 2001 (voir Annexe 1) qui n'a pas été faite sur place. Une copie de cette instruction fut remise, par courrier recommandé daté du 26 octobre 2001, à M. Normand Giroux, Vice Président des opérations à la Compagnie d'arrimage.

[17]  Le 7 novembre 2001, l'agent de santé et sécurité répond à la lettre du 15 octobre 2001 de M. Caron. Il y reconnaît la non pertinence d'application de l'article 14.4 du Règlement mais souligne en même temps la pertinence d'application de l'article 14.3 du même Règlement. Selon l'agent de santé et sécurité, ce dernier article n'accorde aucun délai pour qu'une enquête débute et que des mesures soient prises pour empêcher que la situation ne se reproduise. Dans sa lettre du 7 novembre 2001 qu'il fait parvenir à M. Caron, l'agent de santé et sécurité précise sa pensée. Il a écrit à M. Caron ce qui suit :

Votre lettre du 15 octobre

Dans ce contexte du Code canadien du travail, je conçois qu'en vertu de l'article 14.4 du Règlement sur la santé et sécurité (navires) vous n'aviez pas à déclarer l'évènement survenu le soir du ler octobre courant vers 19h10. L'usage du formulaire SI-7 no LOR02-10-01-01 faisant référence à l'article du Règlement sur les rapports de sinistres maritimes, règlement pris en vertu de la Loi sur la Marine marchande du Canada, n'était pas l'outil administratif approprié à la circonstance. Ces faits viennent en partie répondre à vos arguments de la première « instruction » dont vous faites mention dans la copie de lettre du 23 octobre adressée au Bureau d'appel.

Je constate cependant que vous ne faites pas mention de l'article 14.3 du même Règlement sur la santé et la sécurité au travail (navires) lequel oblige l'employeur à faire une enquête sans délai, aviser le Comité de santé et sécurité au travail de la tenue d'une telle enquête et de prendre des mesures de corrections afin que la situation dangereuse, s'il y a lieu, ne se répète. Cet article 14.3 n'accorde pas de délai, à juste titre, puisque l'employeur doit écarter le danger immédiatement; c'était la responsabilité non-équivoque (sic) de l'employeur de mener cette enquête immédiatement et avant la reprise des travaux. Lors de mon enquête du lendemain 2 octobre, j'ai été en mesure de constater qu'aucune mesure de correction n'avait été entreprise, le danger était encore présent d'où la remise de l'instruction, visée comme étant la deuxième instruction dans la copie du 23 octobre adressée au Bureau d'appel.

Je tiens à vous préciser que cette instruction vous a d'abord été donnée verbalement et confirmée quelques heures plus tard par une instruction écrite que j' ai rédigée dans les locaux de la Gare maritime Champlain, édifice immédiatement voisine du site de travail en cause. Aussitôt terminé, je vous ai remis cette dite instruction en mains propres, au bureau d'Arrimage Québec, à l'heure de la rencontre prévue. Je n'ai pu vous remettre l'instruction écrite plus tôt parce que j'étais au téléphone avec vous et que j'ai assisté à un essai pratique, sur votre demande, vers 13h30. À mon avis, cette façon de faire rencontre l'esprit du paragraphe 145. (1.1) du Code à savoir que l'instruction doit être confirmée très rapidement après la remise verbale.

Lors de mon intervention sur le navire, j'ai dû exiger une pause des travaux afin de compléter mon enquête que l'employeur aurait dû faire la veille. En conséquence de cette infraction à l'artic1e 14.3 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (navires), je remets à l'employeur, l'instruction jointe en annexe.

Vous conviendrez, j'en suis certains, que les procédures de travail et en particulier les moyens de communication entre le grutier, le signaleur et l'opérateur en fond de cale lors de l'incident jusqu'à ce que des mesures de correction temporaires soient mises en place suite à mon enquête (votre lettre reçue par télécopieur le 2 octobre 15h27) démontrait une situation de danger tel que définit par la Partie II du Code canadien du travail

[18]  Dans le contexte de cette lettre, l'agent de santé et de sécurité a remis à M. Caron une instruction (ANNEXE B) émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Celle-ci précise que l'employeur est en contravention de l'alinéa 125(1)c) du Code et de l'article 14.3 du Règlement parce que l'employeur n'a pas pris les mesures pour empêcher que la situation comportant des risques survenue le 1er octobre 2001 vers 19h10 ne se reproduise. M. Caron a aussi fait appel de cette instruction.

Arguments pour l'employeur

[19]  M. Caron a soumis à l'agent d'appel les motifs détaillés des appels de trois instructions qui auraient été émises par l'agent de santé et de sécurité. Ces trois instructions sont décrites ci-dessus au paragraphe 5. Je traiterai chacune individuellement sans toutefois reprendre en détail les motifs qui font partie du dossier.

Une instruction verbale, sans confirmation écrite, donnée par l'agent de santé et de sécurité à la Compagnie d'arrimage le mardi 2 octobre 2001.

[20]  M. Caron allègue que l'agent de santé et de sécurité, devant plusieurs témoins, a donné une instruction verbale de cesser les activités de déchargement du navire N/M Toro parce que l'employeur aurait omis de déclarer un incident matériel (l'accident) survenu la veille, soit le 1er octobre 2001. L'employeur n'a reçu aucune confirmation écrite de cette instruction verbale comme l'exige le paragraphe 145(1.1) du Code. Aucune mention de ce fait n'a été rapportée par l'agent de santé et de sécurité dans son Rapport d'enquête.

[21]  M. Caron fait ressortir, en faisant référence à certains témoignages, que M. Rodrigue « met plutôt l'accent sur l'enquête non débutée pour laquelle nous n'avons reçu une INSTRUCTION QUE LE 7 NOVEMBRE, SOIT UN MOIS ET DEMI PLUS TARD » (soulignement de M. Caron). Selon M. Caron, l'agent de santé et de sécurité reconnaît dans cette lettre qu'il n'avait pas à déclarer l'incident du 1er octobre 2001. De plus, M. Caron précise qu'une enquête a débuté le soir même de l'accident lorsqu'il a téléphoné au Surintendant, M. Andy Priedite5 . M. Caron affirme qu'il se serait entendu à ce moment avec M. Priedite sur des mesures à prendre pour empêcher qu'un autre accident de ce genre de se produire.

5 Selon le Volume 1 qui contient les arguments écrits soumis par M. Caron en rapport avec l'appel de cette instruction verbale non confirmée par écrit, le témoignage de M. Priedite a été reçu par M. Caron le lundi 12 novembre, 2001 à 10h30 a.m. en l'absence de témoins et plus d'un mois et onze jours suivant l'incident.

Une instruction verbale, confirmée par écrit le 2 octobre 2001 et concernant une situation de danger, émise en vertu des paragraphes 145(2)a) et b) du Code (Annexe 1).

[22]  M. Caron soumet que l'instruction en appel fait référence à une situation de danger relié au travail qui avait été exécuté la veille, en plus du travail exécuté la journée même qui, selon lui, semblait représenter une autre situation de danger. Cette instruction écrite aurait été reçue beaucoup plus tard et n'aurait donc pas été écrite sur le lieu de travail. D'ailleurs, M. Caron nous réfère principalement à la lettre couverture datée du 26 octobre 2001 accompagnant l'instruction. Cette lettre indique que l'instruction du 2 octobre 2001 a été émise en regard avec l'évènement de la veille, le 1er octobre 2001. Or, selon M. Caron, M. Rodrigue n'a jamais constaté par lui-même les faits se rapportant à l'incident de la veille, le 1er octobre 2001puisqu'il n'était pas présent lorsque l'incident s'est produit. En ce qui concerne l'instruction écrite du 2 octobre 2001, celle-ci n'a pas été écrite sur place et par conséquent elle ne rencontre pas le paragraphe 145(1.1) du Code.

Une instruction écrite, datée du 7 novembre 2001, émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code (Annexe 2).

[23]  M. Caron énumère plusieurs omissions de nature administrative commises par l'agent de santé et de sécurité lorsque celui-ci lui a fait parvenir l'instruction. De plus, il note que dans sa lettre du 7 novembre 2001, l'agent de santé et de sécurité a erré lorsqu'il a affirmé que l'employeur était obligé de faire enquête sans délai. Une telle exigence n'apparaît pas au libellé de l'article 14.3 du Règlement. À ce titre, la seule exigence pour l'employeur au paragraphe 14.3a) est de nommer une personne qualifiée pour faire enquête sur la situation. Cette disposition se lit ainsi :

14.3 L'employeur qui prend connaissance d'une situation comportant des risques, notamment un accident ou une maladie professionnelle, qui touche un employé au travail doit sans délai :

a) nommer une personne qualifiée pour faire enquête sur la situation

Or M. Caron allègue qu'il a été nommé par l'employeur justement pour cette fonction, que M. Priedite l'avait avisé de l'accident et qu'à la suite de son appel, il a débuté l'enquête et qu'ensemble ils se sont mis d'accord sur des mesures à prendre pour empêcher qu'un autre incident de ce genre se reproduise.

[24]  En ce qui concerne le paragraphe 14.3c) du Règlement, celui-ci prévoit ce qui suit :

14.3 L'employeur qui prend connaissance d'une situation comportant des risques, notamment un accident ou une maladie professionnelle, qui touche un employé au travail doit sans délai :

c) prendre les mesures nécessaires pour empêcher que la situation ne se reproduise.

Selon M. Caron, des mesures ont été prises le soir même de l'incident après discussion avec M. Priedite. M. Caron affirme qu'à la suite de cet entretien, « …Monsieur Priedite a retiré la pelle hydraulique (back hoe) et des radios ont été remises à l'opérateur d'Armand Guay Inc. et à notre signaleur ». De plus, bien que l'instruction de l'agent de santé et de sécurité visait les conditions qui prévalaient le jour de l'incident, les conditions du 2 octobre 2001 n'étaient nullement les mêmes que celles du 1er octobre 2001. Ainsi, M. Caron conclut que le 2 octobre 2001, la situation était complètement différente et la méthode de travail était adaptée à la situation.

[25]  M. Caron soumet que l'instruction, reçue un mois et une semaine plus tard, aurait dû être produite sur place tel que l'exige le paragraphe 145(1.1) du Code. De plus, la formulation de l'instruction réfère de façon générale et imprécise à l'article 14.3 du Règlement mais ne spécifie pas l'alinéa qui s'applique tel que l'alinéa a), b) ou c). Il semblerait que dans le cas présent, l'agent de santé et de sécurité référait à l'alinéa 14.3c) du Règlement. Toutefois M. Rodrigue n'a pas décrit fidèlement ce qui s'est passé.

Arguments pour les employés

[26]  Les arguments écrits pour les employés ont été présentés conjointement par M. Stéphan Arsenault, Président SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique) et M. Mario Dubé, Directeur santé-sécurité travail, SCFP, tous deux de la section locale 2614. Les arguments de M. Arsenault (lire M. Arsenault et M. Dubé) se présentent sous forme de réponses aux questionnements soulevés par M. Caron dans les trois (3) volumes qui furent soumis par M. Caron à titre de soumissions de l'employeur. Toutefois, il faut préciser que les réponses fournies ne concernent qu'une lettre de M. Caron datée du 13 septembre 2002 accompagnant le Volume #2 des soumissions de l'employeur. Ces documents avaient pour objet ce qui suit :

Objet : Réponse complémentaire et raisonnements d'appui sur ma demande révision du 23 octobre 2001. Celle-ci concerne la réception d'une instruction verbale donnée le 2 octobre 2001 concernant le fait qu'il y avait une situation de danger relié au travail qui avait été exécuté la veille, en plus du travail exécuté la journée même qui semblait représenter une autre situation de danger. Nous avons reçu l'instruction écrite beaucoup plus tard; celle-ci n'a donc jamais été produite sur le lieu de travail.

[27]  Le Bureau d'appel a effectué, sans succès, plusieurs appels aux bureaux de Messieurs Arsenault et Dubé afin d'obtenir des arguments concernant tous les points soulevés par M. Caron dans les trois volumes d'arguments de l'employeur. Une lettre, datée du 13 août 2003, à cet effet qui a aussi été acheminée à M. Arsenault, copie à M. Dubé, est demeurée sans réponse.

[28]  Les arguments de M. Arsenault portent sur le bien-fondé de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité au travail, sur le fait que l'instruction écrite a été émise, pour une situation dangereuse; en temps opportun; à la bonne personne; et au bon endroit bien qu'elle ait été rédigée hors du lieu de travail. Mr. Arsenault affirme qu'il n'y avait « …aucun moyen de communication autre qu'un signaleur qui n'avait aucun autre moyen que de faire des signes à l'opérateur de grue. » De plus, Mr. Arsenault a renchéri en ajoutant « Il faut préciser que l'opérateur de grue ne voyait pas le signaleur, donc ne voyait pas les signaux faits par ce dernier. »

[29]  M. Arsenault rejette les arguments de M. Caron concernant la pertinence d'identifier sur l'instruction même le lieu où se trouvaient les employés au moment de l'accident. Il supporte la décision de l'agent de santé et de sécurité de déclarer qu'un danger réel existait au moment de son enquête en se basant sur le fait que le travail s'exécutait de la même façon que la veille alors qu'un accident s'est produit dans les mêmes circonstances. Il était donc justifié d'ordonner l'arrêt du travail comme il l'a fait.

[30]  Selon Mr. Arsenault, M. Caron demande l'annulation de l'instruction parce que M. Rodrigue a commis des fautes de procédure à savoir qu'il n'y avait pas une situation de danger mais seulement une question d'heure, de lieu et d'interprétation des écrits de M. Rodrigue. L'agent de santé et sécurité se serait d'abord préoccupé de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et son instruction doit être maintenue.

Motifs de la décision


[31]  Dans cette affaire, M. Caron me fait valoir que, pour une multitude de raisons surtout d'ordre technique, je devrais annuler les trois instructions qu'il allègue avoir reçues de l'agent de santé et de sécurité au travail. Pour sa part, l'agent de santé et de sécurité allègue n'avoir donné que deux instructions à M. Caron. Sa première instruction en est une pour l'existence d'un danger au moment de son arrivée sur les lieux de déchargement du navire « Toro » le 2 octobre 2001 parce que les employés travaillaient dans les mêmes conditions que la veille alors qu'un accident sérieux s'était produit. Il reconnaît aussi avoir arrêté les travaux afin de protéger les employés dans la cale du navire. Sa deuxième instruction fut émise beaucoup plus tard parce ce que l'agent de santé et de sécurité a conclu, après analyse des faits, que l'employeur était, en sus de la première instruction, en contravention du Règlement parce qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour empêcher qu'un autre accident ne survienne. Pour sa part, Monsieur Arsenault confirme à plusieurs reprises que l'agent de santé et de sécurité a arrêté les travaux le 2 octobre 2001 après avoir établi que le travail s'effectuait de la même manière que le jour précédent alors qu'un évènement s'était produit qui mettait en danger les employés dans la cale du navire.

[32]  Voici de quelle façon sommaire j'analyse cette situation. Les preuves au dossier démontrent clairement ce qui suit, à savoir :

  • que le 2 octobre 2001, l'agent de santé et de sécurité s'est effectivement présenté sur les lieux de travail décrits ci-dessus;
  • qu'un accident sérieux était survenu la veille impliquant un travailleur dans la cale du navire « Toro »;
  • qu'il a constaté sur place qu'aucune mesure n'était en place au moment de son enquête pour empêcher qu'un autre accident ne survienne et blesse un employé;
  • qu'afin de protéger la sécurité des employés, il a arrêté les travaux en cours et a émis dans la même journée une instruction écrite, en vertu des alinéas 145(2)a) et b) du Code, à l'employeur, confirmant qu'une situation de danger persistait; et
  • que plusieurs semaines plus tard, il confirme par une instruction écrite émise en vertu du paragraphe 145(1) que l'employeur n'avait pas pris les mesures nécessaires le 2 octobre 2001 pour prévenir qu'un autre accident ne se reproduise.

[33]  Il est évident à la lecture du dossier que l'agent de santé et de sécurité a commis des erreurs, d'ordre technique, lors de son enquête. Toutefois, je ne crois pas que ces erreurs viennent compromettre le travail et les conclusions de l'agent de santé et de sécurité. À mon avis, il existait un danger tel que prévu au Code pour les employés travaillant dans la cale du navire lorsque l'agent de santé et de sécurité s'est présenté sur les lieux de travail des employés occupés au déchargement du navire « Toro » le 2 octobre 2001.

[34]  En vertu du paragraphe 122(1) du Code, danger est défini comme suit :

« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. "danger" means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system.

[35]  Je me suis penché sur la notion de danger tel que défini au Code dans Darren Welbourne c. Canadien Pacifique Limitée, Décision No. 01-008, 21 mars 2001, et plus récemment dans Agence Parks Canada c. M. Doug Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada, Décision No. 02-009, 23 mai 2002. Cette notion a aussi été reprise par l'agent d'appel Douglas Malanka dans Service Correctionnel du Canada - Établissement Drumheller c. Larry De Wolfe, Décision No. 02-005, 9 mai 2002.

[36]  En me basant sur les principes établis par ces décisions je suis d'avis qu'un danger tel que prévu au Code existe, dans le cas qui nous préoccupe, lorsque les faits recueillis par l'agent de santé et de sécurité démontrent, à la lumière de la définition de danger ci-dessus,

  • que le risque, la tâche ou la situation se présentera;
  • qu'un employé y sera alors exposé;
  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette tâche ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
  • la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette tâche ou à cette situation.

[37]  Lorsque l'agent de santé et de sécurité s'est présenté au navire « Toro », il a agi rapidement et dans l'intérêt des employés en avisant l'employeur de l'existence d'un danger, en arrêtant les travaux, et en remettant par la suite une instruction écrite à l'employeur pour une situation de danger. Toutes ces étapes sont conformes à l'alinéa 145(2)a) du Code qui prévoit la démarche que doit suivre un agent de santé et de sécurité lorsqu'il détecte la présence d'un danger. Cette disposition se lit ainsi :

145. (2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l'agent :

a)  en avertit l'employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise, à la prise de mesures propres :

  1. soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,
  2. soit à protéger les personnes contre ce danger;

b)  peut en outre, s'il estime qu'il est impossible dans l'immédiat de prendre les mesures prévues à l'alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l'employeur, l'utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l'accomplissement de la tâche en cause jusqu'à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n'ayant toutefois par pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en œuvre des instructions.

[38]  Cette disposition, qui traite des responsabilités de l'agent de santé et de sécurité lorsqu'il conclut à l'existence d'un danger, ne prévoit pas que l'agent de santé et de sécurité doive remettre son instruction écrite alors qu'il est présent au lieu de travail. L'agent de santé et de sécurité a expliqué qu'il ne pouvait remettre immédiatement son instruction à M. Caron parce qu'il était au téléphone avec lui et que par la suite il a assisté, à la demande de M. Caron, à un exercice pratique. Par conséquent, l'instruction fut donnée verbalement et confirmée par écrit quelques heures plus tard.

[39]  L'obligation expresse de remettre une instruction écrite sur les lieux de travail incombe à l'agent de santé et de sécurité lorsque l'agent a donné au préalable, sur le lieu de travail en cause, une instruction verbale à l'employeur, ou à l'employé selon le cas, en vertu du paragraphe 145(1) du Code pour une contravention. Cette disposition se lit comme suit :

145(1) S'il est d'avis qu'une contravention à la partie vient d'être commise ou est en train de l'être, l'agent de santé et de sécurité peut donner à l'employeur ou à l'employé en cause l'instruction :

a)  d'y mettre fin dans le délai qu'il précise;
b)  de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu'il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

(1.1) Il confirme par écrit toute instruction verbale :

a)  avant de quitter le lieu de travail si l'instruction y a été donnée; (mon soulignement)
b)  dans les meilleurs délais par courrier ou par fac-similé ou autre mode de communication électronique dans tout autre cas.

[40]  Par conséquent, l'agent de santé et de sécurité est tenu, en vertu de l'alinéa 145(1.1)a) du Code, de confirmer toute instruction verbale par écrit avant de quitter les lieux. Or dans la situation qui nous concerne, l'agent de santé et de sécurité a émis une instruction pour danger en vertu du paragraphe 145(2) du Code et non une instruction pour contravention en vertu du paragraphe 145(1) du Code tel que le soumet M. Caron. La distinction à faire dans ce cas est importante.

[41]  L'agent a déterminé qu'un danger existait. Cette conclusion de l'agent de santé et de sécurité fut maintes fois rapportée et je l'accepte. Que l'agent se soit permis de faire des commentaires concernant l'enquête qu'aurait dû faire l'employeur peut avoir eu l'effet de créer de la confusion chez l'employeur. J'en suis bien conscient. Qu'il est erré en prétendant que l'enquête de l'employeur devait débuter immédiatement. J'en suis aussi conscient. Toutefois ce sont ses actions positives surtout lors de sa présence sur le navire que je retiens davantage. Ces actions sont conformes à l'instruction pour danger qu'il a émis la même journée.

[42]  L'agent a déterminé qu'un danger existait. Il en a averti l'employeur, lui a confirmé par écrit l'existence du danger et, tel qu'autorisé par l'alinéa 145(2)b) ci-dessus, il a arrêté les opérations jusqu'à ce que le danger soit éliminé. L'agent de santé et de sécurité savait très bien ce qu'il faisait à ce moment puisqu'il n'est autorisé d'arrêter les opérations qu'en vertu de cette disposition et nulle autre. D'ailleurs, l'instruction écrite émise en vertu des alinéas 145(2)a) et b) le confirment. Ces faits sont vérifiables et par conséquent, je leur accorde beaucoup de poids.

[43]  Le témoignage de M. Priedite semble contredire la version de l'agent de santé et de sécurité surtout en ce qui concerne les mesures que ce dernier allègue avoir prises pour empêcher qu'un autre accident survienne. Le témoignage de M. Priedite soulève des questionnements dans mon esprit vu le délai et les circonstances dans lequel il a été obtenu. En effet, ce témoignage a été recueilli uniquement par M. Caron un mois après l'évènement alors que l'enquête de l'agent de santé et de sécurité était complétée. Des contradictions évidentes avec les faits observés lors de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité sont rapportées. J'accorde par contre moins de poids à ce témoignage qu'au rapport d'enquête de l'agent de santé et de sécurité pour les motifs suivants.

[44]  Selon moi, les employés étaient toujours exposés à la même situation, à la même tâche et aux mêmes risques au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité que lors de l'évènement de la veille. Au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité, Messieurs Berthiaume et Gagné ont affirmé que rien n'avait été fait pour empêcher que l'évènement de la veille ne se répète. De plus, Messieurs Caron et Priedite n'ont jamais avisé l'agent de santé et de sécurité au moment de son enquête que des mesures avaient été prises pour empêcher qu'un nouvel accident se produise. Force m'est de conclure que même si M. Priedite avait indiqué son intention de …« revenir du souper avec des radios pour le signaleur et l'opérateur de grue… », il n'y a aucune preuve au dossier démontrant qu'il a effectivement remis les radios aux personnes désignés et que ceux-ci les utilisaient au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité.

[45]  Il est peu important que l'agent de santé et de sécurité ait ou non constaté les faits se rapportant à l'incident du 1er octobre 2001. Il est toutefois important que l'agent se soit satisfait que l'évènement se soit produit et que les mêmes circonstances prévalaient au moment de son enquête surtout en ce qui concerne la communication inadéquate entre le signaleur et l'opérateur de la grue. Ce sont les faits qu'il a constaté le 2 octobre 2001 qui l'ont amené à conclure à l'existence d'un danger et à arrêter les travaux. Je pense que l'agent a agi de manière responsable et en toute conformité avec la loi.

[46]  Je suis aussi d'avis qu'à moins d'une intervention rapide soit de l'employeur ou, comme dans le cas présent, de l'agent de santé et de sécurité, on devait s'attendre à ce qu'un ou des employés soient blessés en travaillant dans les mêmes conditions que la veille sans communication adéquate pour les protéger. Le fait qu'ils n'aient pas été blessés la veille ou au moment de l'intervention de l'agent de santé et de sécurité tient plutôt de la chance que de toute autre chose. Un accident sérieux s'était produit et rien n'avait été fait pour qu'un autre accident se produise. Un risque éventuel existait et, comme cela était survenu la veille, il était susceptible de causer des blessures à un employé avant qu'on ne puisse l'écarter.

[47]  En vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'article 146.1 du Code, je vais modifier l'instruction pour danger (Annexe 1). Les deux instructions seront combinées de sorte à ne constituer qu'une seule instruction puisque dans les faits, l'agent de santé et de sécurité a réalisé en deux instructions ce qui aurait dû être réalisé en une seule instruction. Par conséquent, l'instruction émise en vertu du paragraphe 145(1) du Code n'a pas sa raison d'être. Pour accomplir cette modification, je vais exécuter les deux étapes suivantes :

  1. J'annule l'instruction émise le 7 novembre 2001 en vertu du paragraphe 145(1) du Code par l'agent de santé et de sécurité concernant une contravention à l'alinéa 125(1)c) du Code et de l'article 14.3 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (navires).
  2. Je modifie l'instruction émise le 2 octobre 2001 en vertu des alinéas 145(2)a) et b) du Code pour une situation de danger en la corrigeant de la manière suivante :

Dans l'affaire du Code canadien du travail
partie II - Santé et sécurité au travail

Instruction en vertu des alinéas 145(2)a) et b)


Le 2 octobre 2001, l'agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête visant l'opération de déchargement du navire « Toro » par une grue mobile à benne preneuse dans le lieu de travail exploité par la Compagnie d'Arrimage de Québec Ltée employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 961, boul. Champlain C. P. 1502, Québec Qc G1K 7M6, le dit lieu étant parfois connu sous le nom de section 107 du Port de Québec.

Ledit agent de santé et de sécurité estime que, suite à l'accident survenu le 1er octobre 2001avec l'utilisation de la grue mobile Armand Guay 220-06 par un opérateur qui n'a pas de moyens de communication adéquats avec le signaleur dû à la présence de travailleurs dans la cale, un danger existe pour les travailleurs dans la cale du navire au moment de mon enquête pour cette même raison dû au fait que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaire pour empêcher qu'un autre accident se produise.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(2)a) de la partie II du Code Canadien du travail, de procéder immédiatement à l'élimination du danger. De plus, l'avis de danger no_____ doit être apposé sur la grue mobile Armand Guay 220-06 conformément au paragraphe 145(3) de la partie II, jusqu'à ce que l'instruction ait été exécutée.

En outre, il vous est INTERDIT PAR LES PRÉSENTES, conformément à l'alinéa 145(2)b) de la partie II du Code canadien du travail, de continuer les opérations de déchargement du navire « Toro » jusqu'à ce que l'instruction ait été exécutée.

Fait à Québec, en date du 2001-10-02.

Agent de santé et de sécurité (signature) & Numéro : Louis Rodrigue

Instruction remise à  : Denis Caron, Directeur de la santé et sécurité au travail



_________________________
Serge Cadieux
Agent d'appel



Annexe 1

Danger - Avis de danger

Dans l'affaire du Code canadien du travail
Partie II - Santé et sécurité au travail

Instruction en vertu du paragraphe 145(2)a) et b)


Le 2 octobre 2001, l'agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à l'inspection de l'opération de déchargement du navire « Toro » par une grue mobile à benne preneuse dans le lieu de travail exploité par la Compagnie d'Arrimage de Québec Ltée employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 961, boul. Champlain C. P. 1502, Québec Qc G1K 7M6, le dit lieu étant parfois connu sous le nom de section 107 du Port de Québec.

Ledit agent de santé et de sécurité estime que l'utilisation de la grue mobile Armand Guay 220 06 comporte des risques pour la santé et la sécurité des employés lorsqu'elle est utilisée par un opérateur qui n'a pas de moyens de communication adéquats avec le signaleur dû à la présence de travailleurs dans la cale. Les employés dans la cale ne doivent pas être exposés au danger.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(2)a) de la partie II du Code Canadien du travail, de procéder à l'élimination du danger immédiatement.

Il vous est EN OUTRE INTERDIT PAR LES PRÉSENTES, conformément a l'alinéa 145(2)b) de la partie II du Code canadien du travail, d'utiliser la grue 220-06 à propos duquel l'avis de danger no_____ a été apposé en vertu du paragraphe 145.(3) de la partie II, jusqu'à ce que l'instruction ait été exécutée.

Fait à Québec, en date du 2001-10-02



Agent de santé et de sécurité (signature) & Numéro
Louis Rodrigue

Instruction remise à :

Denis Caron
Directeur de la santé
et sécurité au travail

Annexe II

Québec, le 7 novembre 2001

Dans l'affaire du Code canadien du travail
Partie II - Santé et sécurité au travail

Instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1)


Le 2 octobre 2001, l'agent de santé et de sécurité soussigné s'est rendu sur le lieu de travail exploité par la compagnie d'arrimage de Québec Ltée, entreprise sujette à la Partie II du Code canadien du travail, s'afférant au déchargement du navire N. M. « TORO » alors amarré a la section 107 du Port de Québec.

L'agent de santé et sécurité soussigné estime que les dispositions suivantes ont été enfreintes :

  • Code canadien du travail, Partie II alinéa 125(1)c) Règlement sur la santé et la sécurité au travail (navires) article 14.3
  • Suite à la situation comportant des risques survenue le 1er octobre 2001 vers 19 hl0, l'employeur n'a pas pris les mesures pour empêcher que la situation ne se reproduise.

En conséquence, il vous est ordonné, par la présente et conformément au paragraphe 145(1) de la Partie II du Code canadien du travail de prendre immédiatement les mesures afin de ne pas répéter cette infraction.



Louis Rodrigue
Agent de santé et de sécurité
SQ 2460


Résumé de la décision de l'agent d'appel


Décision n° : 03-016
Demandeur : Compagnie d'arrimage de Québec Ltée
Syndicat : Syndicat canadien de la fonction publique
Mots clés : Accident, communication, radio, déchargement de navire, grue, pelle hydraulique, mesures de correction, danger, contravention, instruction verbale, délai d'instruction, témoignage.
Dispositions : 125(1), 145(1), 145(2)a) et b), 145(3)
Sommaire :

Lors d'une inspection au Port de Québec, un agent de santé et de sécurité (ASS) a été informé qu'un accident s'est produit la veille. L'accident s'est produit lorsque la benne d'une grue a percuté la cabine d'une pelle hydraulique opéré par un débardeur dans la cale d'un navire. La pelle hydraulique a dû être retiré de service. L'accident s'est produit parce que la communication entre le signaleur, l'opérateur de la pelle hydraulique et l'opérateur de la grue était inadéquate en ce que ces derniers n'étaient pas en possession de radios. Ayant constaté que les employés travaillaient dans les mêmes conditions et qu'aucune mesure n'avait été prise par l'employeur pour empêcher qu'un autre accident survienne, l'ASS a arrêté les opérations de chargement du navire. Par la suite il a émis une instruction pour danger à l'employeur en vertu des alinéas 145(2)a) et b) du Code. Un peu plus d'un mois plus tard, l'ASS émet une autre instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Après analyse des faits, l'ASS s'est aperçu que l'employeur était en contravention du Règlement en santé et sécurité au travail (navires) parce qu'il n'avait pas pris de mesures pour empêcher qu'un autre accident survienne. En appel, l'agent d'appel (AA) a conclu qu'une situation de danger existait effectivement au moment de l'enquête de l'ASS quoiqu'en dise l'employeur dans ses soumissions. L'AA a conclu que les soumissions de l'employeur étaient de nature plutôt techniques et que les erreurs commises par l'ASS ne compromettaient pas sa conclusion qu'un danger existait. Toutefois l'AA a modifié l'instruction pour danger en y incluant l'absence de mesures. Par conséquent, l'AA a dû annuler l'instruction émise pour la contravention.

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