Archivé - Décision : 04-018  Code canadien du travail Partie II
Santé et sécurité au travail

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Canadian Freightways Limited
demandeur

___________________________
No de la décision 04-018
Le 19 avril 2004

[1] Le 22 novembre 2000, l'agent de santé et de sécurité Smith a présenté à Canadian Freightways Limited (CF) une instruction1 en vertu du paragraphe 145.(1) du Code. L'instruction indiquait que CF avait contrevenu aux alinéas 125.(1)l) et w) du Code et à l'alinéa 12.13a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) intitulé « Partie XII, Matériel, équipement, dispositifs, vêtements de sécurité ». L'instruction affirmait que CF avait négligé de fournir à ses employés fréquemment exposés à du matériel de manutention motorisé dans l'entrepôt et sur les quais de chargement des gilets de signalisation et autres vêtements semblables ou d'en exiger le port. CF a porté l'instruction en appel en vertu du paragraphe 146.(1) du Code et moi, l'agent d'appel Douglas Malanka, j'ai entendu l'affaire à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 18 septembre 2001.

1 On trouvera ci-joint une copie de l'instruction.

[2] Après avoir examiné l'appel, j'ai produit une décision écrite2 le 27 novembre 2001 et confirmé l'instruction émise par l'agent de santé et de sécurité Smith. CF a porté sa cause devant la Cour fédérale et l'honorable Madame la Juge Dawson3 a annulé ma décision parce que je m'étais basé sur une disposition non pertinente du Code pour exiger du demandeur, CF, d'assumer le fardeau de la preuve qu'il n'avait pas contrevenu au Règlement. CF a ensuite accepté que j'entende l'affaire à nouveau et a présenté, le 15 février 2004, un mémoire dans lequel l'entreprise soutenait encore que l'instruction émise par l'agent de santé et de sécurité Smith devait être annulée. Les Teamsters ne se sont pas opposés à CF, car l'entreprise avait été d'accord pour dire que la décision rendue ici relativement à son lieu de travail de la 22e avenue, à Prince George, en Colombie-Britannique, ne s'appliquerait pas dans les autres lieux de travail exploités par la société. Une autre entente stipulait que les preuves présentées dans la transcription de l'audience de l'appel original seraient les preuves acceptées.

2 Canadian Freightways Limited et Teamsters, section locale 31 (agent de santé et de sécurité Diane Smith), Décision no 01-025, 27 novembre 2001
3 L'honorable Madame la Juge Dawson dans l'affaire de Canadian Freightways Limited et du Procureur général du Canada et du Western Canada Council of Teamsters, Cour fédérale du Canada, Section de première instance, Date 20030402, dossier T-2279-01.

[3] Comme je l'avais indiqué dans ma décision initiale présentée le 27 novembre 2001, la question était de savoir si oui ou non l'alinéa 12.13a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) s'applique aux employés de CF qui travaillent dans l'entrepôt de Prince George et exige, par conséquent, que les employés de l'entrepôt et du quai portent des gilets de signalisation ou autres vêtements semblables sur leurs lieux de travail.

[4] Pour trancher cette question, il faut lire l'alinéa 12.13a) conjointement aux alinéas 12.1a) et b), 12.2a) et b) de la Partie XII du RCSST intitulée « Matériel, équipement, dispositifs, vêtements de sécurité ». Essentiellement, ces trois dispositions proposent des critères pour établir l'applicabilité de l'alinéa 12.13a) relativement à la question examinée.

[5] Selon l'alinéa 12.13a) du RCSST, un employé doit porter en tout temps un gilet de signalisation ou un vêtement semblable quand il se trouve fréquemment à proximité de véhicules en mouvement pendant son quart de travail. Comme l'a souligné CF, une expression clé de l'alinéa est « habituellement exposé ». Voici le texte de l'alinéa 12.13a) :

12.13a) L'employé qui, pendant son travail, est habituellement exposé au risque de heurt avec des véhicules en mouvement doit être protégé par l'un des dispositifs suivants, nettement visible dans toutes les conditions d'utilisation :

a) un gilet de signalisation ou un vêtement semblable;

b) une barrière. [C'est moi qui souligne.]

[6] Toutefois, pour établir si l'alinéa 12.13a) est applicable, il est nécessaire d'examiner les alinéas 12.1a) et b) et 12.2a) et b) du RCSST qui proposent des critères supplémentaires. Selon les alinéas 12.1a) et b), l'alinéa 12.13a) s'applique uniquement s'il est en pratique impossible d'éliminer ou de limiter un risque à un niveau sécuritaire pour la santé et la sécurité au travail, et uniquement si l'utilisation d'équipement de protection peut empêcher une blessure pouvant résulter de ce risque ou en diminuer la gravité. Bien que les termes « en pratique impossible », « à un niveau sécuritaire » et « empêcher une blessure ou en diminuer la gravité » aux alinéas 12.1a) et b) restent ouverts à l'interprétation, les alinéas 12a) et b) réitèrent le principe général que l'employeur doit d'abord tout faire en son pouvoir pour éliminer un danger ou le maintenir à un niveau sécuritaire avant de se tourner vers de l'équipement de protection personnelle comme un gilet de signalisation. L'équipement de protection personnelle doit efficacement empêcher ou diminuer la gravité des blessures. Voici le texte des alinéas 12.1a) et b) du RCSST :

12.1 Toute personne à qui est permis l'accès au lieu de travail doit utiliser l'équipement de protection réglementaire visé par la présente partie dans les cas suivants :

a) lorsqu'il est en pratique impossible d'éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la santé ou la sécurité;

b) lorsque l'utilisation de l'équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité. [C'est moi qui souligne.]

[7] Les alinéas 12.2a) et b) indiquent aussi que, pour que l'alinéa 12.13a) s'applique, l'équipement de protection comme un gilet de signalisation doit offrir à la personne une protection contre le danger et ne pas en créer un. Les alinéas 12.2a) et b) du RCSST se lisent comme suit :

12.2 L'équipement de protection visé à l'article 12.1 :

a) doit être conçu pour protéger la personne contre le risque pour lequel il est fourni;
b) ne doit pas présenter de risque. [C'est moi qui souligne.]

[8] Pour résumer ce qui précède, l'alinéa 12.13a) s'appliquerait aux employés de CF qui travaillent à son entrepôt de Prince George uniquement :

  • si un employé est habituellement exposé à des chariots élévateurs à fourche dans ce lieu de travail;
  • s'il est en pratique impossible d'éliminer ou de contrôler le contact avec des véhicules en mouvement;
  • si un gilet de signalisation ou un équipement de protection semblable peut empêcher ou diminuer la gravité d'une blessure;
  • si la veste de signalisation ou un équipement de protection semblable ne présentent pas de risque en lui-même.

[9] Le mémoire présenté par M. Bruce Grist, conseiller, au nom de CF le 16 février 2004, reprenait essentiellement les critères ci dessus et soutenait que l'alinéa 12.13a) du RCSST ne s'appliquait pas aux employés de l'entrepôt de Prince George et demandait l'annulation de l'instruction. Je retiens les faits suivants répétés dans ce mémoire.

[10] À l'installation de transbordement de CF à Prince George, des camions et des remorques chargés reculaient vers les stations de chargement sur les côtés du quai de transbordement. Les marchandises étaient ensuite déchargées et stockées temporairement dans le secteur ou transférées immédiatement de l'autre côté du quai mesurant environ 175 pieds sur 70 (15 portes de chargement de chaque côté et 2 à chaque extrémité) pour y être chargées dans d'autres camions. Les heures de plus grande activité étaient entre 6 h et 10 h, puis en après midi, de 17 h à 21 h. Durant ces périodes, de 8 à 12 employés se trouvaient sur le quai de transbordement. Sur ces employés, quatre conduisaient des chariots élévateurs à fourche et, par conséquent, ne risquaient pas d'entrer en contact avec un véhicule en mouvement. Les 6 à 8 autres employés étaient occupés dans d'autres camions et n'étaient pas habituellement exposés aux véhicules en mouvement. De plus, jamais le lieu de travail de CF à Prince George ne comptait plus de 10 à 12 employés rassemblés en un même endroit ou demeurant près d'un chariot élévateur. Les chariots n'étaient pas utilisés plus de cinq minutes à la fois. Les risques de collision entre un employé et un chariot étaient donc assez réduits.

[11] Durant le reste de la journée, il n'y avait généralement pas plus de 3 ou 4 personnes qui travaillaient au quai de transbordement et seuls les travailleurs affectés au quai y étaient admis. Ainsi, les employés de CF n'étaient pas habituellement exposés à des véhicules en mouvement à l'entrepôt de Prince George hors des heures de grandes activité.

[12] En ce qui concerne l'alinéa 12.1a) du RCSST, M. Grist a rappelé les faits suivants pour démontrer que CF avait maintenu à un niveau acceptable le risque de contact entre ses employés de Prince George et les chariots en mouvement de sorte que l'alinéa 12.13a) ne s'y appliquait pas.

[13] D'abord, l'entrepôt et le quai de transbordement de CF étaient conçus de telle manière que les lieux de passage et les zones désignées pour le stockage des marchandises étaient indiqués clairement. Ces passages et ces zones de stockage limitaient les secteurs où les chariots pouvaient circuler. Ainsi, les piétons savaient clairement où ils risquaient d'entrer en contact avec des chariots.

[14] Ensuite, les chariots étaient munis de dispositifs avertisseurs pour indiquer qu'ils étaient en fonction. Ces dispositifs comprenaient un avertisseur sonore, un phare stroboscopique activé automatiquement à l'utilisation et des phares qui s'allument dès qu'on tourne la clé du démarreur.

[15] Enfin, la visibilité dans l'entrepôt était excellente et l'éclairage puissant.

[16] En ce qui concerne l'alinéa 12.2a) du RCSST, qui exige que le gilet de signalisation ou un équipement de protection semblable puisse empêcher une blessure ou en diminuer la gravité, M. Grist a rappelé les faits suivants.

[17] Dennis Pettit, conseiller de CF en sécurité et en prévention des pertes, travaille pour CF depuis 1962 et y occupe un poste de direction en sécurité depuis 1988. Il était d'avis que des gilets de signalisation n'amélioreraient pas la visibilité des employés qui travaillent dans l'entrepôt. Le comité de santé et de sécurité de CT à Vancouver partageait son point de vue et soutenait que le port du gilet de signalisation ou d'autres vêtements semblables ne serait d'aucune utilité. M. Grist a également fait observer que CF avait remporté le CTA Sun Royal Alliance Insurance National Fleet Safety Award pour le Canada dans la catégorie des entreprises qui ont parcouru de 3 à 10 millions de milles au cours des deux années précédentes. En outre, CF a également bénéficié de réductions de prime de la Commission des accidents du travail compte tenu de son excellent dossier de sécurité.

[18] Aussi, on a noté que l'agent de santé et de sécurité Smith n'avait présenté aucune preuve montrant que l'utilisation de gilets de signalisation ou de vêtements semblables empêcheraient ou diminueraient les risques de blessure.

[19] En ce qui concerne l'alinéa 12.2b) du RCSST, M. Grist m'a renvoyé à la déclaration sous serment de M. Curtis Cooke, membre de la section locale no 31 des Teamsters et coprésident du comité conjoint de santé et de sécurité au travail à Prince George. M. Cooke a déclaré que les employés n'aimaient pas les gilets de signalisation. Ils les trouvaient inutiles et potentiellement dangereux, car ils peuvent s'accrocher à une caisse, à l'intérieur d'un camion ou d'une remorque, entre des feuilles de contre-plaqué et aux agrès d'arrimage qui servent constamment au transport des marchandises.

[20] Dans son résumé, M. Grist a soutenu que la procédure de révision devrait prendre la forme d'une nouvelle audience et que, par conséquent, l'agent d'appel devait prendre une décision en fonction des preuves présentées à l'audience et ne peut se baser sur des spéculations. Il a affirmé que :

"[TRADUCTION] « L'instruction émise par l'agent de santé et de sécurité Smith reposait uniquement sur son opinion que le port du gilet éliminerait ou réduirait un risque pour la santé et la sécurité. Rien ne prouvait qu'il y avait danger pour la santé et la sécurité et que le port de gilets de signalisation dans un milieu bien éclairé empêcherait de subir des blessures ou en réduirait la gravité. Rien ne prouvait non plus que les employés étaient « habituellement exposés à des véhicules en mouvement sur leur lieu de travail ». Au contraire, tout tendait à démontrer l'absence de danger et l'inutilité du port d'un gilet de signalisation pour prévenir des blessures ou en réduire la gravité.

*****


[21] Attendu :

  • qu'en rendant son jugement, l'honorable Madame la Juge Dawson a déclaré :
  • [TRADUCTION] [26] …que l'audience d'un appel est dans la nature d'une nouvelle audience où l'agent d'appel doit prendre connaissance de tous les éléments, puis prendre une décision.

    [27] Dans le cas présent, l'agent d'appel s'est appuyé sur des dispositions non pertinentes pour exiger du demandeur qu'il assume le fardeau de la preuve qu'il n'y avait pas eu de contravention au Règlement. L'agent s'est trompé…;

    • Je suis d'accord avec le commentaire de M. Grist qui affirme que la procédure de révision droit prendre la forme d'une nouvelle audience et que l'agent d'appel doit rendre une décision en se fondant sur les preuves présentées à l'audience et qu'il ne peut baser son jugement sur des spéculations; [C'est moi qui souligne.],
    • Les preuves présentées par l'agent de santé et de sécurité Smith n'ont pas réfuté celles présentées par CF relativement aux critères énoncés aux alinéas 12.1a) et b), 12.2a) et b) et 12.13a) du RCSST.
    • Comme M. Grist, je suis d'avis que l'agent de santé et de sécurité Smith reposait principalement sur des spéculations.
  • J'estime que l'instruction de l'agent de santé et de sécurité présentée le 22 novembre 2000 à Canadian Freightways Limited au 3851, 22e avenue, Prince George, Colombie-Britannique, n'a pas de raison d'être. Par conséquent, je l'annule sans préjudice pour les autres lieux de travail de CF.




    ______________________
    Douglas Malanka
    Agent d'appel



    Annexe

    Conformément au Code canadien du travail
    Partie II - Santé et sécurité au travail

    Instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1)


    Le 29 mai 2000, la soussignée agent de santé et de sécurité a effectué une inspection sur les lieux de travail de CANADIAN FREIGHTWAYS LIMITED, employeur assujetti à la Partie II du Code canadien du travail, au 3851 - 22e AVENUE, PRINCE GEORGE, C. B.

    Ladite agent de santé et de sécurité pense que l'entreprise contrevient aux dispositions suivantes de la Partie II du Code canadien du travail :

    1. les alinéas 125(1)l) et w) du Code, ainsi que l'alinéa 12.13a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

    Les employés habituellement exposés à des contacts avec des véhicules motorisés de manutention dans l'entrepôt et sur les quais de chargement n'ont pas de gilet de signalisation et on n'exige pas qu'ils en portent un ou un autre vêtement de protection semblable.

    Par conséquent, je VOUS ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l'alinéa 145(1)a) de la Partie II du Code canadien du travail, dans le délai indiqué par l'agent de santé et de sécurité, de prendre des mesures pour faire en sorte que cet état de contravention ne perdure ni ne se reproduise.

    Présentée à Surrey ce 22e jour de novembre 2000.




    Diana Smith
    Agent de santé et de sécurité

    À : CANADIAN FREIGHTWAYS
    Service de la sécurité
    4041A, 6e rue S.E.
    Calgary (Alberta)
    T2H 2J1

    Résumé de la décision de l'agent d'appel


    No de la décision : 04-018
    Demandeur : Canadian Freightways Limited
    Défendeur : Aucun
    Mots clés : chariot élévateur à fourche; contact accidentel; gilet de signalisation, vêtements de protection, niveau d'éclairage; phare stroboscopique; avertisseur sonore; véhicule; équipement de manutention de fret; équipement mobile; comité de santé et de sécurité; statistiques d'accident
    Dispositions : Code 122.1, 122.2, 125.(1)l) et w), 125.(1)k),145(1), 146.1, 146.1(1).
    Règlement 12.1, 12.2, 12.13a)
    Résumé :

    Le 22 novembre 2000, un agent de santé et de sécurité a émis une instruction à Canadian Freightways Limited, (CF) en vertu du paragraphe 145.(1) du Code. L'instruction indiquait que CF avait négligé de fournir à ses employés fréquemment exposés à du matériel de manutention motorisé dans l'entrepôt des gilets de signalisation et autres vêtements semblables ou d'en exiger le port. CF a porté l'instruction en appel en vertu du paragraphe 146.(1) du Code. L'agent d'appel Douglas Malanka a entendu l'affaire à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 18 septembre 2001.

    L'agent d'appel Malanka a présenté une décision écrite le 27 novembre 2001 et confirmé l'instruction émise par l'agent de santé et de sécurité Smith. CF en a appelé de sa décision auprès de la Cour fédérale du Canada. L'honorable Madame la Juge Dawson a renversé la décision parce que l'agent d'appel Malanka avait invoqué une disposition non pertinente du Code pour exiger du demandeur, CF, qu'il assume le fardeau de la preuve qu'il n'avait pas contrevenu au Règlement.

    Après réexamen de l'appel, l'agent d'appel a annulé l'instruction parce que l'agent de santé et de sécurité n'avait pas présenté d'arguments suffisants pour appuyer son instruction.

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