Archivé - Décision : 04-020  Code canadien du travail Partie II
Santé et sécurité au travail

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Air Canada
Demandeur

et

Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA)
Représentant des employés
___________________________
No de la décision 04-020
Le 21 mai 2004

La présente affaire a été entendue à Montréal, le 18 mars 2004, par Roger Lecourt, agent d'appel.

Personnes présentes

Pour l'employeur
Carl Guérard, Chef , Stratégie au marketing, Air Canada
Monsieur Guérard était Chef du service aux passagers lorsque l'appel a été logé

Pour les employés

Yves Leclair, Co-président Employés, Comité de santé et de sécurité
Ted Moses, Représentant syndical, TCA

Agent de santé et de sécurité
Mario Thibault, Agent de santé et de sécurité, Direction Travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC)

[1] Le 26 mars 2003, monsieur Carl Guérard, Chef du service aux passagers d'Air Canada à l'aéroport de Dorval, interjette appel d'une instruction donnée le 13 mars 2003 en vertu de l'article 145. (1) du Code canadien du travail par monsieur Mario Thibault, Agent de santé et de sécurité. L'instruction a trait aux mesures de prévention des accidents lors du transport de passagers en fauteuil roulant à la nouvelle jetée transfrontalière de l'aéroport de Dorval. Monsieur Guérard allègue qu'il n'y a pas eu contravention au Code puisque la nouvelle installation n'était pas en activité lorsque l'instruction a été rendue.

Enquête de l'agent de santé et de sécurité

[2] Le Rapport narratif d'assignation de l'agent Thibaut et son témoignage lors de l'audience permettent d'établir les principaux faits de l'affaire.

[3] Le 12 mars 2003, madame Gehanne Chroucrallah, Chef de service à la clientèle demande l'intervention de l'agent Thibault afin de vérifier la conformité des rampes d'accès de la nouvelle jetée transfrontalière lorsque des passagers doivent être transportés à l'aide d'un fauteuil roulant. La demande fait suite à un différend entre les représentants de l'employeur et ceux des employés sur les risques que représentent les rampes d'accès de la jetée dont les activités doivent débuter le 1er avril 2003. L'agent se rend sur les lieux le 13 mars 2003 et y rencontre d'abord cinq cadres et agents de service, y compris madame Chroucrallah et monsieur Yvon Leclair, Co-président Employés du Comité de santé et de sécurité.

[4] Le groupe se rend ensuite visiter une des rampes d'accès de la nouvelle jetée. On y simule le transport d'une personne en fauteuil roulant. L'agent Thibault considère alors qu'un employé peut se blesser s'il transporte un passager beaucoup plus lourd que lui en raison de l'absence de freins sur les fauteuils roulants, de la pente de la rampe et de la présence de bordures métalliques surélevées entre les parties télescopiques de la rampe. Vérification faite, la pente des rampes est conforme au Code national du bâtiment. Outre une formation générale sur les manières de soulever une charge (Body Mecanics), il appert que les personnes présentes à l'enquête n'ont pas reçu de formation spécifique sur le déplacement de passagers en fauteuil roulant.

[5] Le Rapport narratif d'assignation traduit bien la conclusion à laquelle parvient l'agent au terme de son enquête : « Enfin, même si la nouvelle jetée transfrontalière n'est pas utilisée présentement, elle le sera à partir du 1er avril 2003 et à ce moment là, si rien n'est fait, il y aura un risque de blessures au dos pour les employés devant transporter un passager d'un certain poids, surtout si l'agent de service aux passagers ne possède pas la force physique nécessaire pour accomplir la tâche. »

[6] Après la visite de la nouvelle jetée transfrontalière, monsieur Thibault conclut que l'employeur ne respecte pas l'obligation inscrite à l'article 124 du Code, de veiller à la protection de son personnel en matière de santé et de sécurité au travail. Il rédige alors une instruction qu'il remet à monsieur Carl Guérard lors d'une rencontre au cours de laquelle il précise les motifs de son instruction et certaines actions que l'employeur peut prendre pour se conformer à l'instruction.

[7] L'instruction du 13 mars 2003 stipule « qu'il existe un risque de blessures au dos pour les agents de service aux passagers qui ne possèdent pas la force physique et la formation nécessaire pour transporter, à l'aide de fauteuils roulant sans freins accessible rapidement, des personnes d'un certain poids dans les ponts utilisés par Air Canada dans la nouvelle jetée transfrontalière et la future jetée internationale. » On y indique également que la contravention doit cesser au plus tard le 27 mars 2003.

[8] Le 19 mars 2003, monsieur Carl Guérard écrit à l'agent Thibaut pour lui indiquer qu'Air Canada prend trois mesures correctives afin de ne pas être en infraction avec l'article 145. (1) du Code:

  • Une formation au personnel du Service aux passagers pour la manutention de fauteuils roulants;
  • La création d'une équipe de travail qui aura pour tâche de procéder à la manutention et au transport des passagers en fauteuil roulant et à laquelle un employé qui n'a pas la force physique nécessaire pourra faire appel;
  • La mise à disposition de fauteuils roulants électriques et de voiturettes pour le transport de passagers à mobilité réduite.

[9] Le 26 mars 2003, Carl Guérard écrit à nouveau à Mario Thibault pour lui signifier qu'Air Canada fait appel de son instruction. Selon l'appelant, il ne pouvait y avoir contravention puisque, au moment où l'instruction a été donnée, il n'y avait pas encore de transport de passagers en fauteuil roulant dans la nouvelle jetée transfrontalière. Cette lettre ainsi que celle du 19 mars furent toutes deux reçues au bureau de l'agent Thibault le 2 avril 2003.

Arguments du demandeur (employeur)

[10] Monsieur Carl Guérard représente Air Canada. Il précise d'entrée de jeu que la décision d'interjeter appel de l'instruction repose sur un motif « technique ». Selon lui, il ne pouvait y avoir une contravention devant cesser d'ici le 27 mars 2003, alors que la nouvelle jetée transfrontalière n'était pas en activité et ne le serait pas avant le 1er avril 2003.

[11] Monsieur Guérard poursuit ensuite son plaidoyer en admettant qu'il y a risque de blessures dans le transport de passagers en fauteuil roulant. Il fait état des mesures prises par Air Canada pour prévenir de telles blessures. La présentation et le bilan de ces mesures ne seraient pas utiles dans les circonstances puisque, dans la présente affaire, la question essentielle consiste à déterminer si une contravention peut être constatée lorsqu'une activité potentiellement dangereuse n'a pas encore débutée.

Arguments des employés (syndicat)

[12] Monsieur Yvon Leclair, Co-président Employés du Comité de santé et de sécurité a fait valoir le point de vue des employés et de leur syndicat. Il rappelle que la question des risques professionnels associés au transport de passagers en fauteuil roulant dans les rampes d'accès pose problème depuis au moins 1989, année où une première instruction aurait été rendue à l'aéroport de Dorval. Il déplore qu'aucune norme ne régisse cette question, sauf la norme générale du Code national du bâtiment sur l'angle des pentes dans un édifice. Celle-ci ne lui apparaît pas appropriée pour prévenir les risques d'accident du travail lors de l'utilisation d'un fauteuil roulant dans une rampe d'accès. Monsieur Leclair soutient enfin que les mesures prises par Air Canada pour répondre à l'instruction de l'agent Thibault ont été plus ou moins efficaces.

[13] Par ailleurs, le plaidoyer de monsieur Leclair ne contient aucun argumentaire direct ou indirect en réponse aux propos de monsieur Guérard sur le caractère prématuré du constat de contravention et de l'émission d'une instruction.

Motifs de la décision

[14] La question à résoudre est la suivante : l'agent Thibault pouvait-il constater une contravention au Code et émettre une instruction alors que la nouvelle jetée transfrontalière n'était pas encore en activité?

[15] Je note en premier lieu que l'instruction vise aussi la future jetée internationale. Celle-ci était en construction au moment de l'enquête. Je constate ensuite que ni le témoignage de l'agent Thibault ni son rapport narratif d'assignation ne mentionnent cette autre installation. J'estime alors que l'agent Thibault n'était pas en droit d'émettre une instruction visant la future jetée internationale puisque son enquête n'a pas porté sur cette installation.

[16] La notion de contravention implique la violation d'une loi ou d'un règlement, que cette violation ait été déjà commise ou soit en train de l'être au moment du constat d'infraction. Dans le cas présent, comment l'agent pouvait-il constater une contravention à la loi alors que les activités de la nouvelle jetée transfrontalière, y compris le transport de passagers requérant un fauteuil roulant, n'avaient pas encore débuté?

[17] Même si l'agent pouvait anticiper un risque d'accident en raison de la configuration des rampes d'accès, des outils de travail qui allaient être utilisés ou des lacunes dans la formation du personnel ou dans les méthodes de travail, le fait de constater une contravention et de donner une instruction avant même le début des activités équivaut à rendre une instruction déclaratoire. La Partie II du Code a pour objet de prévenir les accidents et les maladies professionnels. Toutefois, elle n'autorise pas un agent de santé et de sécurité à constater une contravention avant même qu'elle n'ait eu lieu.

[18] Il aurait été préférable que l'agent, après avoir mené son enquête, présente une recommandation à l'employeur et aux employés sur les meilleurs moyens de prévenir les risques d'accident associés au transport des passagers en fauteuil roulant.

[19] En vertu des pouvoirs qui me sont confiés par l'article 146.1 (1), j'annule l'instruction émise le 13 mars 2003 par l'agent de santé et de sécurité. Je souligne enfin qu'Air Canada a reconnu dès le 19 mars que des mesures correctrices étaient nécessaires. J'invite les parties patronale et syndicale à collaborer étroitement à la mise en place ou au maintien de mesures préventives.



_________________________________
Roger Lecourt
Agent d'appel



Résumé de la décision de l'agent d'appel


No de la décision : 04-020
Demandeur : Air Canada
Représentant des employés : Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA)
Mots clés : Accident, Transport en fauteuil roulant, Contravention, Instruction
Dispositions : Code 124, 145. (1), 146. (1), 146.1 (1)
Règlement
Résumé :

Le demandeur a sollicité l'intervention d'un agent de santé et de sécurité à la suite d'un différend sur les risques d'accident que pourrait occasionner le transport de passagers en fauteuil roulant à la nouvelle jetée transfrontalière de l'aéroport de Dorval.

Après avoir effectué une enquête qui comportait le transport simulé d'un passager en fauteuil roulant, l'agent de santé et de sécurité a conclu qu'il y avait un risque de blessures et a émis une instruction. L'employeur a interjeté appel de cette instruction en invoquant le fait que la nouvelle jetée transfrontalière n'était pas encore en activité lorsque l'instruction fut émise.

L'agent d'appel a annulé l'instruction de l'agent de santé et de sécurité puisqu'une contravention implique la violation effective d'une loi ou d'un règlement. Dans ce cas, telle contravention ne pouvait avoir été commise ou être en train de l'être puisque aucune activité de transport de passagers en fauteuil roulant n'avait encore eu lieu.

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