Archivé - Décision : 04-021  Code canadien du travail Partie II
Santé et sécurité au travail

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Expertech Network Installations
demandeur

et

Syndicat canadien des communications,
de l'énergie et du papier
________________________________
No de la décision 04-021
Le 23 juin 2004

Appel entendu par Michèle Beauchamp, agent d'appel, à Montréal, Québec, le 30 mai 2003

Ont témoigné

Pour Expertech
Georges Pharand, Directeur, Santé, sécurité et environnement, Région de l'Est
François Mérineau, Directeur, Santé et sécurité, Région du Québec
Réjean Labrecque, Directeur, Flotte de véhicules

Pour les employés
Christian Comeau, Ressources santé et sécurité, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP)

Agent de santé et de sécurité
Jessica Tran, Développement des ressources humaines Canada, Direction des enquêtes, Montréal, Qc

[1] La présente décision vise l'appel que Expertech Network Installations (Expertech) a présenté aux termes de la partie II du Code canadien du travail (le Code), à l'encontre d'une instruction (Annexe A) que lui a émise l'agent de santé et de sécurité Jessica Tran en vertu du paragraphe 145(1) du Code relativement aux véhicules Option 11 que l'employeur utilise.

[2] Selon l'instruction de l'agent de santé et de sécurité Tran, Expertech contrevient à l'alinéa 125(1)k) de la partie II du Code et à l'alinéa 14.15a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) car

[le] poste de l'opérateur dans la nacelle de l'option 11 n'est pas muni de mécanismes de contrôle permettant au travailleur qui y prend place d'arrêter les mouvements du véhicule.

[3] Cette instruction vise plus précisément l'élévateur aérien 1 Posi Plus qui est porté par les véhicules Option 11. Ces véhicules sont en effet munis de divers accessoires et équipements servant à l'installation de torons, de câbles et de fils de services ruraux, dont l'élévateur aérien, utilisé pour lever et supporter un technicien, les outils et le matériel nécessaires à ce travail. L'ensemble du véhicule, de la carrosserie et de l'engin élévateur forme une unité, qui est conçue pour que le travail puisse être effectué alors que le véhicule est en mouvement.

1 L'« élévateur aérien », ainsi désigné dans le manuel de l'employeur intitulé Équipement de pose de toron & câble Option 11, Élévateur aérien Posi Plus* Modèle 800, s'entend également de l'« engin élévateur à nacelle » décrit dans la norme CAN/CSA-C225-M88, Engins élévateurs à nacelle portés sur véhicule et ses éditions subséquentes.

[4] L'agent de santé et de sécurité Tran a déclaré lors de l'audience qu'elle avait suivi une équipe de deux monteurs de ligne travaillant avec le véhicule Option 11. Le premier était le conducteur du véhicule qui portait l'engin élévateur à nacelle et le second, l'opérateur de cette nacelle. Le véhicule avançait pendant que, dans la nacelle, qui était en extension, l'opérateur déroulait un câble.

[5] L'agent de santé et de sécurité a mentionné qu'elle avait fait cette enquête après avoir analysé un accident survenu avec ce type de véhicule. Elle avait alors constaté que l'accident avait été causé principalement par un problème de communication entre le conducteur du véhicule et l'opérateur de la nacelle. Ceci l'avait amenée à conclure que tant le conducteur du véhicule que l'opérateur de la nacelle devaient pouvoir arrêter le déplacement du véhicule lorsque la nacelle était en extension, et il fallait donc pour ce faire que la nacelle soit équipée d'une commande à cet effet .

[6] L'agent de santé et de sécurité s'est dit d'avis que le véhicule Option 11, porteur de l'engin élévateur à nacelle, est un appareil de manutention au sens de la définition stipulée à l'article 14.1 du RCSST. Elle a précisé que l'employeur exploite deux types de véhicules, mais que son instruction visait uniquement les véhicules Option 11, qui se déplacent pendant que l'opérateur travaille à bord de la nacelle en extension. Elle a également indiqué que les collègues avec qui elle en avait discuté étaient d'accord avec son interprétation.

[7] L'agent de santé et de sécurité a réaffirmé que puisque toute l'unité constitue un appareil de manutention, les deux opérateurs, c'est-à-dire le conducteur du véhicule et l'opérateur de la nacelle, doivent l'un ou l'autre être en mesure de contrôler et le véhicule porteur et l'élévateur aérien en tout temps. Par conséquent, a-t-elle déclaré, si le conducteur du véhicule porteur est en mesure d'arrêter le mouvement de l'élévateur aérien en tout temps, l'inverse devrait être vrai également et l'opérateur de l'élévateur aérien devrait pouvoir lui aussi arrêter le déplacement du véhicule en cas d'urgence, par exemple si le conducteur du véhicule perd soudainement connaissance.

[8] L'agent de santé et de sécurité Tran a donc décidé d'émettre une instruction à l'employeur, puisque le véhicule Option 11 était équipé de tous les dispositifs ou commandes nécessaires pour arrêter le mouvement de l'élévateur aérien si besoin était, mais que la nacelle n'était pas, quant à elle, dotée d'un bouton ou d'une commande qui aurait permis à son opérateur d'arrêter le déplacement du véhicule.

[9] Pour sa part, l'employeur conteste l'interprétation que fait l'agent de santé et de sécurité Tran de la définition d'appareil de manutention donnée à l'article 14.1 du RCSST. Selon lui, ce n'est pas le véhicule Option 11 lui même qui est un appareil de manutention, mais uniquement l'engin élévateur à nacelle porté par ce véhicule.

[10] L'employeur s'est dit d'avis que la principale crainte de l'agent de santé et sécurité Tran semblait être liée au fait que l'opérateur de la nacelle ne pouvait pas contrôler le déplacement du véhicule lui-même. Après avoir discuté avec elle, il a donc fait des recherches pour savoir s'il existait un dispositif ou si l'on pouvait installer une commande dans la nacelle pour contrôler ou arrêter le mouvement du véhicule qui la porte, mais ses recherches ont été infructueuses.

[11] L'employeur s'est renseigné auprès de l'entreprise qui lui fournit les véhicules Option 11, mais celle-ci l'a assuré qu'à sa connaissance, il n'existait pas de système permettant de contrôler, à partir d'une nacelle, le déplacement du véhicule qui la porte. De plus, Bell Canada, qui est en partie propriétaire d'Expertech et qui fait faire les modifications nécessaires sur ces véhicules, qui les répare et qui les entretient, n'a pas non plus trouvé quelque système que ce soit qui permettrait de contrôler le déplacement d'un véhicule à partir d'une nacelle.

[12] L'employeur a par conséquent conclu sur la base des nombreux avis qu'il a obtenus de ses services techniques et de ses fournisseurs que, sur le plan technique, ce que demande l'agent de santé et de sécurité Tran ne semble pas exister puisque personne, dans le milieu, n'a pu lui en confirmer l'existence.

[13] L'employeur a présenté à l'audience différents documents à l'appui de sa position. Le manuel intitulé Équipement de pose de toron & câble Option 11 – Élévateur aérien Posi Plus * Modèle 800 décrit de façon très détaillée le fonctionnement, l'utilisation et les procédures de sécurité du véhicule Option 11 et de l'élévateur aérien qu'il porte.

[14] C'est ce manuel que l'employeur utilise pour la formation de ses employés et à ce sujet, l'employeur a signalé que les conducteurs de véhicule et les opérateurs travaillant dans la nacelle sont formés pour remplir l'un ou l'autre poste, selon le travail à effectuer, et le manuel comprend des explications très claires sur les procédures de travail en solo ou en équipe.

[15] Le manuel précise que « l'unité, qui représente l'ensemble du véhicule, de la carrosserie et de l'élévateur, est conçue pour pouvoir travailler avec le véhicule en mouvement ». Et l'employeur et le représentant syndical ont indiqué à ce sujet que la vitesse du véhicule ne doit pas dépasser 3 km heure lorsqu'un opérateur effectue un travail à bord de la nacelle.

[16] L'employeur a aussi remis à l'audience une lettre que le fabricant de l'élévateur aérien Posi-Plus modèle 800 a adressée à Bell Canada pour expliquer les conditions d'utilisation que doivent respecter l'opérateur de la nacelle et le conducteur du véhicule pour assurer leur sécurité.

[17] Le fabricant y précise, entre autres, que :

  • l'opérateur et le conducteur sont tous les deux responsables du déplacement du véhicule pour obtenir une opération sécuritaire en tout temps, avec le véhicule à l'arrêt et lors des déplacements routiers;
  • l'opérateur doit toujours garder un contact auditif avec le conducteur et le conducteur doit toujours garder un contact visuel avec l'opérateur;
  • les signaux utilisés doivent être connus de tous et avoir la même signification;
  • le système de communication de la voix doit être en bonne condition et en marche, et l'on ne doit pas opérer l'unité s'il ne fonctionne pas correctement;
  • l'unité doit être en bon état de fonctionnement et toutes les commandes doivent être opérationnelles comme il se doit;
  • l'unité doit toujours se déplacer sur une surface stable, ferme et nivelée, elle ne doit jamais être opérée sur une pente supérieure à 5o sur une surface ferme et la vitesse de déplacement ne doit jamais excéder 3 km/h quand l'opérateur est dans la nacelle.

[18] L'employeur a souligné que les véhicules Option 11 sont modifiés en fonction du fait qu'ils doivent porter l'élévateur aérien Posi-Plus. Par ailleurs, l'élévateur aérien est fabriqué, installé et opéré conformément à la norme CAN/CSA-C225-M88, Engins élévateurs à nacelle portés sur véhicule.

[19] Les véhicules sont expressément conçus pour se déplacer pendant que l'élévateur aérien est en extension, a-t-il expliqué, de sorte que l'opérateur puisse dérouler le câble à partir de la nacelle, et ils ne sont pas munis de stabilisateurs puisque les véhicules se déplacent pendant la pose du câble.

[20] Finalement, l'employeur s'est dit d'avis que la seule véritable question à trancher est de savoir si l'appareil de manutention défini à l'article 14.1 et visé par le RCSST s'entend de toute l'unité, soit le véhicule Option 11, la carrosserie et l'élévateur aérien, ou si, comme il en est persuadé, c'est strictement l'élévateur aérien qui est visé par le RCSST.

[21] De son côté, Christian Comeau, le représentant syndical, a déclaré que l'enquête de l'agent de santé et de sécurité avait permis aux employés de se rendre compte que l'opérateur de la nacelle faisait face à un risque auquel personne n'avait pensé jusque-là, à savoir qu'il ne pourrait pas arrêter le véhicule si le conducteur en perdait le contrôle pour une raison quelconque pendant que l'élévateur aérien est en extension. Il a cependant précisé que même si ce risque existait, il n'y avait jamais eu à sa connaissance d'accident impliquant ce genre de situation comme telle.

[22] M. Comeau a remis quelques photos des opérations, dont la première montre l'emplacement des boutons d'urgence installés dans la nacelle de l'engin élévateur. La deuxième, une photo du tableau de bord du véhicule, porte en légende que, lorsque la transmission du véhicule est embrayée, celui-ci atteint une vitesse de 10 km heure sans que le conducteur ait à toucher à l'accélérateur. Il a indiqué que le conducteur doit donc garder un pied sur le frein pour conserver une vitesse de 3 à 5 km/h.

[23] Le représentant syndical s'est dit d'accord avec l'agent de santé et de sécurité que c'est toute l'unité, c'est-à-dire et le véhicule Option 11 et l'élévateur aérien, qui constitue l'appareil de manutention défini par l'article 14.1 et régi par la partie XIV du RCSST, puisque c'est toute l'unité qui sert à déplacer une personne, l'opérateur de la nacelle, et un objet, le câble.

[24] Par ailleurs, pour ce qui est de l'instruction émise concernant les mécanismes de contrôle mentionnés à l'alinéa 14.15a) du RCSST, M. Comeau s'est dit du même avis que l'employeur, à savoir que seul le conducteur du véhicule doit pouvoir en contrôler le déplacement. Il a cependant déclaré que l'opérateur de la nacelle devrait néanmoins pouvoir en arrêter le mouvement si cela devenait nécessaire.

**********

[25] Aux termes du paragraphe 146.1(1) du Code, l'agent d'appel doit enquêter sur les circonstances qui ont amené l'agent de santé et de sécurité à donner des instructions à l'employeur. Une fois son enquête conclue, l'agent d'appel doit, selon le cas, soit modifier, soit annuler, soit confirmer ces instructions.

[26] Dans le cas présent, l'agent de santé et de sécurité Tran a jugé que l'employeur contrevenait à l'alinéa 125(1)k) de la partie II du Code et à l'alinéa 14.15a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST). Ces dispositions se lisent comme suit :

Code canadien du travail

125. (1) Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

k) de veiller à ce que les véhicules et l'équipement mobile que ses employés utilisent pour leur travail soient conformes aux normes réglementaires;

Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail

14.15 L'appareil de manutention motorisé doit être muni de mécanismes de freinage et de direction et d'autres mécanismes de contrôle qui :

a) permettent de régler et d'arrêter son mouvement et celui de tout treuil, benne ou autre pièce qui en fait partie;

[27] L'agent de santé et de sécurité Tran a invoqué comme motif de cette infraction que

[le] poste de l'opérateur dans la nacelle de l'option 11 n'est pas muni de mécanismes de contrôle permettant au travailleur qui y prend place d'arrêter les mouvements du véhicule[.]

en prenant soin de préciser lors de l'audience que c'est tout le véhicule Option 11, et non l'élévateur aérien seulement, qu'elle considérait comme étant un appareil de manutention régi par la partie XIV du RCSST.

[28] Je dois donc trancher si tout le véhicule Option 11, y compris l'engin élévateur à nacelle Posi-Plus, est un appareil de manutention visé par la partie XIV du RCSST, ou si l'appareil de manutention s'entend uniquement de l'engin élévateur porté par le véhicule Option 11.

[29] J'ai rendu récemment deux décisions2 concernant les appareils de manutention. Ces décisions faisaient suite à l'appel interjeté par deux employeurs à l'encontre d'instructions qu'avait émises un agent de santé et de sécurité à l'égard de camionnettes de livraison du courrier, parce qu'il considérait que ces camionnettes étaient des appareils de manutention.

2 Décisions no 03-022 et 03-023, Fédéral Express et Courrier Purolator.

[30] J'ai procédé à une analyse poussée de la définition donnée à l'article 14.1 de la partie XIV du RCSST, de même que de la portée de l'exception prévue à l'application de la partie XIV par l'alinéa 14.2a). Ces dispositions se lisent comme suit :

14.1 « Appareil de manutention » Dispositif, y compris les structures d'appui, le matériel auxiliaire et le gréement utilisé pour transporter, lever, déplacer ou placer des personnes, des matériaux, des marchandises ou des objets. La présente définition exclut les appareils élévateurs installés en permanence dans un bâtiment, mais comprend les appareils mobiles utilisés pour lever, hisser ou placer les personnes. 14.1 "materials handling equipment" means equipment, including its supporting structures, auxiliary equipment and rigging devices, used to transport, lift, move or position persons, materials, goods or things and includes mobile equipment used to lift, hoist or position persons, but does not include an elevating device that is permanently installed in a building.
14.2 La présente partie ne s'applique pas : 14.2 This Part does not apply in respect of
a) sous réserve du paragraphe 14.4(4)3, à la mise en service et à l'utilisation de véhicules automobiles sur les voies publiques[.] (a) subject to subsection 14.4(4), the use and operation of motor vehicles on public roads[.]
3 Ce paragraphe exige l'installation d'une cloison dans un véhicule automobile acquis après le 1er juillet 1995 et ayant un poids brut inférieur à 4 500 kg, s'il y a des risques que des matériaux ou objets se déplacent et mettent les employés en danger.

[31] J'ai conclu que ces véhicules n'étaient pas des appareils de manutention et fondé ma décision sur différents motifs. J'en résume ici quelques-uns, qui sont particulièrement pertinents dans le cas présent :

  • grosso modo, la raison d'être principale et fondamentale de ces véhicules est de transporter et déplacer des objets ou des personnes d'un lieu à un autre, par opposition à la fonction de « manutention », de maniement ou de manipulation d'un appareil de manutention;
  • cette fonction de transport se déroule dans un espace « ouvert », à savoir des voies publiques, par opposition à l'espace « fermé » ou « restreint » d'un entrepôt, d'un terminal, d'une aire de trafic ou d'un autre espace de même nature situé dans l'enceinte du lieu de travail dans lequel l'appareil de manutention se déplace;
  • l'exception créée par l'alinéa 14.2a) du RCSST ne signifie pas que ces véhicules automobiles sont toujours régis par la partie XIV du RCSST sauf lorsqu'ils sont mis en service et utilisés sur des voies publiques, ni qu'ils deviennent automatiquement des appareils de manutention dès l'instant où ils entrent dans l'enceinte d'un lieu de travail pour y être chargés ou déchargés;
  • l'alinéa 125(1)k) de la partie II du Code canadien du travail utilise deux termes différents, soit « véhicules » et « équipement mobile » pour faire référence aux normes fixées dans le RCSST que l'employeur a l'obligation de respecter, ce qui laisse sous-entendre que le législateur voulait effectivement parler de deux types d'« appareils » différents.

[32] À mon avis, le même raisonnement s'applique ici. Dans les faits, c'est comme si nous nous trouvions en présence de deux « appareils » distincts, mais juxtaposés, soit, d'une part, le véhicule automobile lui-même, l'Option 11, qui porte, d'autre part, le « vrai » appareil de manutention, l'engin élévateur à nacelle. Qui plus est, ces deux « appareils » doivent nécessairement être « accolés » l'un à l'autre pour que l'opérateur puisse exécuter son travail à bord de la nacelle.

[33] Cette opinion trouve confirmation dans le manuel remis par l'employeur, Équipement de pose de toron & câble Option 11 – Élévateur aérien Posi Plus * Modèle 800, qui précise différentes conditions d'utilisation du véhicule lui-même. On y lit entre autres que

  • le conducteur doit détenir un permis de conduire valide et de classe 1 pour la conduite d'un véhicule lourd;
  • le conducteur doit connaître les normes de signalisation routière et les mesures de protection des lieux de travail;
  • avant de faire rouler le véhicule à une vitesse normale sur la route, le conducteur doit s'assurer que la flèche de l'élévateur est bien rétractée et repose solidement sur son socle;
  • lorsque la flèche est déployée, le conducteur doit déplacer le véhicule conformément aux conditions établies par l'employeur et le constructeur de l'élévateur Posi Plus, en maintenir la vitesse à 3 km heure au plus et suivre les ordres donnés par l'opérateur qui est installé dans la nacelle.

[34] Ce point de vue est également étayé par la norme CAN/CSA-C225-M88, Engins élévateurs à nacelle portés sur véhicule4. Celle-ci précise à la section 1 à quels types d'engins élévateurs elle s'applique.

4 Le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail ne fait pas référence à la norme CAN/CSA-C225-M88, Engins élévateurs à nacelle portés sur véhicule, pas plus qu'à ses éditions subséquentes. J'en tiens compte du fait qu'elle m'a été présentée pour l'audience et qu'elle a été élaborée par un comité technique et approuvée comme Norme nationale du Canada par le Conseil canadien des normes.

1. Domaine d'application :

1.1 Cette norme vise les types suivants d'engins élévateurs à nacelle utilisés pour hisser les travailleurs à un emplacement situé au dessus du niveau du sol :

a) engins élévateurs à bras télescopique;
b) échelles aériennes;
c) engins élévateurs à bras articulé;
d) engins élévateurs à déplacement vertical;
e) engins élévateurs pour hisser les matériaux; et
f) toute combinaison de ces engins.

[35] En outre, la norme énonce certaines exclusions au point 1.4 :

1.4
Cette norme ne s'applique pas aux engins de lutte contre les incendies ni aux véhicules porteurs d'engins élévateurs, sauf s'il s'agit de véhicules porteurs qui, lorsqu'ils sont immobilisés, leur procurent un appui stable et structuralement adéquat.

[36] Dans le cas présent, je n'ai aucun doute que l'engin élévateur à nacelle est en tout temps adéquatement « supporté » par le véhicule porteur, comme l'exige la norme CAN/CSA-C225-M88. Reste que le véhicule porteur est conçu pour se déplacer le long de la voie publique pendant que, dans la nacelle, l'opérateur déroule le câble et, de ce fait, il n'est pas muni de stabilisateurs.

[37] Pour les raisons susmentionnées, je suis donc persuadée que, comme tel, le véhicule Option 11 n'est pas un appareil de manutention au sens de la partie XIV du RCSST, mais un véhicule automobile visé par l'exception énoncée à l'alinéa 14.2a) du RCSST. Sa seule et unique fonction est effet de se déplacer sur la voie publique, tout en portant l'élévateur aérien à nacelle, déployé ou non, de même que les divers accessoires et équipements d'installation des torons et câbles.

[38] Ceci étant dit, il ne fait aucun doute que l'engin élévateur Posi-Plus lui-même est effectivement un appareil de manutention tel que l'entend l'article 14.1 du RCSST, sa seule et unique fonction étant en effet de « transporter, lever, déplacer ou placer des personnes, des matériaux, des marchandises ou des objets », de hisser l'opérateur de la nacelle et les câbles à un emplacement situé au-dessus du niveau du sol.

[39] C'est pourquoi, comme le demandait l'agent de santé et de sécurité Tran, l'engin élévateur à nacelle doit effectivement être doté des mécanismes de contrôle stipulés à l'alinéa 14.15a) du RCSST, qui se lit comme suit :

14.15 L'appareil de manutention motorisé doit être muni de mécanismes de freinage et de direction et d'autres mécanismes de contrôle qui :

a) permettent de régler et d'arrêter son mouvement et celui de tout treuil, benne ou autre pièce qui en fait partie;

[40] Bien qu'elle concerne les appareils de manutention des matériaux, la partie XIV du RCSST ne traite pas comme tel des engins élévateurs à nacelle installés sur un véhicule porteur. En outre, elle reste muette sur les mécanismes de contrôle que doit porter un appareil de manutention motorisé, sauf pour stipuler qu'ils doivent permettre « de régler et d'arrêter son mouvement et celui de tout treuil, benne ou autre pièce qui en fait partie ».

[41] D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que, lorsqu'il parle de « son mouvement », l'article 14.15 renvoie strictement au mouvement de l'appareil de manutention lui-même et à celui de toute « autre pièce qui en fait partie ».

[42] Par ailleurs, la norme CAN/CSA-C225-M88 énonce différentes exigences concernant les commandes inférieures et supérieures d'un engin élévateur à nacelle. Ainsi, la norme exige d'emblée, au point 4.3.1.1, que les engins élévateurs à nacelle destinés à hisser des personnes soient

pourvus de commandes de nacelle supérieures et inférieures. Les commandes supérieures doivent être placées à proximité ou à l'intérieur de la nacelle, à la portée de l'opérateur.

[43] Au point, 4.3.1.3, la norme précise que

[l]es commandes inférieures doivent pouvoir annuler l'effet des commandes supérieures, de façon que toutes les manœuvres du bras puissent être commandées à partir des commandes inférieures. Si les commandes inférieures sont montées sur le véhicule porteur, l'opérateur doit pouvoir les manœuvrer alors qu'il se trouve debout sur le véhicule porteur.

[44] Enfin, au point 4.3.3, la norme établit que

[l]es engins élévateurs portés sur véhicule et destinés à hisser des travailleur doivent être pourvus d'un dispositif d'arrêt d'urgence, aux postes de commandes inférieur et supérieur, permettant d'arrêter tout mouvement. Le dispositif doit être à la portée des opérateurs, être de couleur rouge et porter clairement l'inscription STOP.

[45] Tous les témoignages et documents que l'agent de santé et de sécurité Tran, l'employeur et le représentant syndical ont présentés à l'audience démontrent que l'engin élévateur Posi-Plus est équipé de tous les mécanismes de contrôles requis tant par l'alinéa 14.15a) du RCSST que par la norme.

[46] Ainsi, l'engin élévateur est doté de contrôles au sol, qui sont localisés sur la porte du piédestal, une structure située à la base des bras sous la tourelle. Ces commandes permettent de contrôler l'élévation ou l'abaissement du bras inférieur, la rotation, l'extension et la traction du bras supérieur, la position de la nacelle et le déroulement et enroulement du treuil au bras inférieur.

[47] On trouve également sur la boîte de jonction électrique située à l'avant du piédestal un interrupteur maître, de couleur rouge, qui alimente toutes les fonctions de l'élévateur et sert également d'arrêt d'urgence. Lorsque l'interrupteur maître est en position « poussez », les contrôles au sol et au poste supérieur deviennent non opérationnels. On y voit aussi un interrupteur identifié « Priorité » et « Pompe d'urgence ». Si cet interrupteur est maintenu en position « Priorité », les contrôles au sol seront opérationnels et les contrôles au poste supérieur deviendront non opérationnels.

[48] Par ailleurs, les contrôles supérieurs, situés dans la nacelle de l'engin élévateur, sont fixés sur le côté de la nacelle. On y trouve un contrôle des treuils et un contrôle de l'engin élévateur. En outre, les trois fonctions du bras – élever ou abaisser le bras inférieur, rotation et rétraction ou extension du bras supérieur – sont opérées à partir d'une commande unique (« joystick »)

[49] Pour empêcher que les bras de l'engin élévateur se déplacent accidentellement sans que l'opérateur dans la nacelle ne l'ait décidé, la commande unique est protégée par un interrupteur de sécurité, qui coupe ou alimente la valve d'opération au poste de contrôle au sol.

[50] Un interrupteur d'« arrêt d'urgence », de couleur rouge, est aussi fixé sur le côté de la boîte de contrôle. Cet interrupteur coupe les commandes de la nacelle dès qu'il est activé.

[51] Il est donc évident que l'engin élévateur Posi-Plus est équipé de tous les mécanismes de contrôles requis tant par l'alinéa 14.15a) du RCSST que par la norme.

[52] Il est clairement apparu du témoignage de l'agent de santé et de sécurité Tran que sa principale préoccupation résidait dans le fait que, lorsqu'il travaillait à bord de la nacelle, l'opérateur ne pouvait arrêter le déplacement du véhicule porteur. Elle craignait les incidents qui peuvent survenir en raison d'un problème de communication entre le conducteur du véhicule et l'opérateur de la nacelle et voilà principalement pourquoi, a-t-elle expliqué à l'audience, elle a émis cette instruction à l'employeur.

[53] La préoccupation de l'agent de santé et de sécurité Tran au sujet des communications entre le conducteur et l'opérateur est tout à fait légitime. Il ressort toutefois des témoignages du syndicat et de l'employeur que les communications font réellement partie des méthodes de travail établies et enseignées aux employés.

[54] À cet égard, le manuel de l'employeur énonce, entre autres, que le système de communication par les interphones qui sont montés près de la nacelle et dans la cabine du camion est essentiel à une utilisation sécuritaire de l'unité. Ce système doit être vérifié et en bon état avant que le camion ne commence à se déplacer.

[55] L'employeur y rappelle également que le conducteur du camion doit diriger le véhicule selon les directives que lui transmet l'opérateur dans la nacelle, que l'opérateur de la nacelle doit regarder en direction du déplacement et que la vitesse du véhicule ne doit pas dépasser celle d'un pas lent.

[56] On retrouve aussi dans le manuel diverses règles de sécurité générales que les employés doivent respecter. Entre autres, le conducteur doit surveiller la stabilité du camion sur une route ou un terrain incliné, les employés doivent respecter une marche à suivre précise si le camion devient électrisé et des méthodes de travail différentes s'appliquent selon que l'opérateur travaille seul ou en tandem avec un conducteur.

[57] Bref, si des problèmes de communication persistent malgré les procédures et méthodes de travail qui ont été mises en place, je suis persuadée que l'employeur, le syndicat et le comité de santé et de sécurité au travail parviendront à les diminuer, voire à les éliminer, pour peu qu'ils continuent, comme ils l'ont démontré lors de l'audience, à collaborer aussi étroitement pour assurer la santé et la sécurité des employés et prévenir les risques rattachés à leur travail.

[58] Finalement, pour ce qui est du véhicule Option 11, je ne peux que conclure, pour toutes les raisons susmentionnées, que c'est un véhicule automobile exclu par l'alinéa 14.2a) du RCSST de l'application de la partie XIV.

[59] Pour ce qui est de l'engin élévateur à nacelle porté par le véhicule, c'est effectivement un appareil de manutention régi par la partie XIV.

[60] Cependant, compte tenu que cet engin élévateur à nacelle est doté de tous les contrôles requis par la partie XIV du RCSST, je suis d'avis, pour les raisons susmentionnées, que l'employeur n'a pas contrevenu à l'alinéa 125(1)k) de la partie II du Code canadien du travail et à l'alinéa 14.15a) du RCSST en ne dotant pas le poste de l'opérateur de la nacelle d'un mécanisme de contrôle qui lui permettrait d'arrêter les mouvements du véhicule Option 11.

[61] Par conséquent, j'annule l'instruction que l'agent de santé et de sécurité Jessica Tran a émise à Expertech Network Installations en vertu du paragraphe 145(1) du Code.



______________________
Michèle Beauchamp
Agent d'appel


ANNEXE A

Dans l'affaire du Code canadien du travail
Partie II – Santé et sécurité au travail

Instruction à l'employeur en vertu du paragraphe 145(1)

Le 28 janvier 2003, l'agent de santé et sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par EXPERTECH NETWORK INSTALATIONS, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 650, boul. Clairevue ouest, St-Bruno, Québec, J3V 6B2, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Expertech Bâtisseur de Réseaux inc.

Ledit agent de santé et sécurité est d'avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte.

  1. 125.(1)k) de la Partie II du Code canadien du travail et 14.15a) du Règlement concernant la santé et la sécurité au travail

Le poste de l'opérateur dans la nacelle de l'option 11 n'est pas muni de mécanismes de contrôle permettant au travailleur qui y prend place d'arrêter les mouvements du véhicule.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail de cesser toute contravention au plus tard le 24 mars 2003.

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES en vertu du paragraphe 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail de prendre, dans les délais précisés par l'agent de santé et sécurité au travail, les mesures qu'il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Fait à Montréal ce 10ième jour de mars 2003.



Jessica Tran
Agent de santé et sécurité
No d'identité : QC8864

À : EXPERTECH NETWORK INSTALATIONS
650 boul. Clairevue ouest
St-Bruno, Québec
J3V 6B2

Résumé de la décision de l'agent d'appel

No de la décision : 04-021

Demandeur : Expertech Network Installations

Mots clés : Appareil de manutention, engin élévateur à nacelle, véhicule porteur

Dispositions : Code 145(1)
Règlements : 14.1, 14.2, 14.15

Résumé :

Un agent de santé et de sécurité a émis une instruction à l'employeur parce que le poste de l'opérateur d'un engin élévateur porté par un véhicule n'était pas muni de mécanismes de contrôle lui permettant d'arrêter les mouvements du véhicule.

L'agent d'appel a annulé l'instruction parce que

  • le véhicule porteur lui-même est un véhicule automobile exclu par l'alinéa 14.2a) du RCSST de l'application de la partie XIV;
  • l'engin élévateur à nacelle porté par le véhicule est effectivement un appareil de manutention régi par la partie XIV; mais
  • cet engin élévateur était doté de tous les contrôles requis par la partie XIV du RCSST pour régler et arrêter son mouvement et celui de tout treuil, benne ou autre pièce qui en fait partie.

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