Archivée - Code canadien du travail Partie II Santé et Sécurité au travail
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Association des employeurs maritimes No de la décision 04-046 Le 6 décembre 2004 |
Affaire décidée par Pierre Guénette, agent d'appel, sur la base des arguments écrits soumis par l'Association des employeurs maritimes (l'AEM) et du rapport de l'agent de santé et sécurité Steve Sirois.
Le Syndicat des débardeurs, représentant les débardeurs du port de Montréal, n'a pas soumis d'arguments écrits.
Pour l'employeur :
Maître Gérard Rochon
Agent de santé et sécurité :
Steve Sirois, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Programme du travail, Direction des services de prévention, Montréall
[1] La présente affaire porte sur un appel interjeté, le 17 mars 2003, en vertu du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), par Stéphane Saucier, Coordonnateur santé et sécurité pour l'AEM. Ledit appel résulte d'une instruction émise à l'AEM le 17 février 2003, en vertu de l'aliéna 145(2)a) du Code.
[2] Le 17 février 2003, l'agent de santé et sécurité Steve Sirois (l'agent Sirois) a enquêté sur un accident de travail ayant entraîné le décès d'un employé de l'Administration portuaire de Montréal (l'APM). Cet employé travaillait au Terminal Racine dans le port de Montréal au moment de l'accident.
[3] L'agent Sirois a soumis son rapport d'enquête pour les fins de l'appel. Je retiens les points suivants de son rapport.
[4] Au moment de l'accident, l'employé de l'APM effectuait l'inspection de cylindres d'hexafluorure d'uranium (UF6) pendant que des débardeurs étaient affairés à mettre en place un cylindre d'UF6 dans un conteneur. Le conteneur a glissé vers un autre conteneur et l'employé a été écrasé entre les deux conteneurs.
[5] Durant son enquête, l'agent Sirois a conclu à l'existence d'un danger dans le lieu de travail et a émis une instruction à chacun des trois employeurs suivants :
a) Administration portuaire de Montréal, parce que ses employés se trouvent à proximité des conteneurs lors de la mise en place des cylindres d'UF6;
b) Terminal Racine, parce que les employés sont susceptibles de se retrouver à proximité des conteneurs lors de la mise en place des cylindres dans les conteneurs;
c) l'AEM, parce que l'agent a conclu à l'existence d'un danger dans le lieu de travail.
[6] Seule l'AEM a porté en appel l'instruction émise.
[7] L'instruction émise à l'AEM visait une situation de danger, à laquelle elle ordonnait de mettre fin en prenant des mesures pour protéger les travailleurs contre le danger. L'agent Sirois a identifié la situation de danger suivante :
La présence de travailleurs entre les conteneurs lors du déplacement des dits conteneurs ou lors de la mise en place d'une charge sur ces conteneurs constitue un danger d'écrasement pour les travailleurs.
[8] Selon l'information obtenue au début de son enquête, l'agent Sirois a déterminé que les débardeurs étaient sous l'autorité de l'AEM.
[9] Pour donner suite à l'instruction, le coordonnateur santé et sécurité de l'AEM, Stéphane Saucier, a informé verbalement l'agent Sirois le 28 février 2003 que le travail effectué par les débardeurs au Terminal Racine était sous l'entière responsabilité de l'employeur Terminal Racine, que l'AEM ne faisait aucune supervision des débardeurs, que ceux-ci n'étaient pas rémunérés par l'AEM et que l'AEM n'exploitait pas le lieu de travail visé par la situation de danger.
[10] L'agent Sirois, dans les jours suivants, a reçu de l'AEM une réponse écrite à l'instruction dans laquelle Stéphane Saucier précisait que l'AEM n'exploite pas le lieu de travail décrit dans l'instruction et, par le fait même, qu'elle ne pouvait se conformer à l'instruction et à l'avis de danger émis le 17 février 2003.
[11] Le 5 mars 2003, l'agent Sirois a écrit à Stéphane Saucier qu'il acceptait la réponse à l'instruction et que l'AEM pouvait enlever l'instruction et l'avis de danger qu'elle avait affichés.
[12] L'agent Sirois a terminé son rapport à l'agent d'appel en précisant ce qui suit :
La suite de l'enquête nous a permis d'établir que les débardeurs sont employés et rémunérés par l'Association des Employeurs Maritimes. De plus, les mesures disciplinaires si nécessaires sont prises par l'Association des Employeurs Maritimes.
[13] En ce qui concerne la position de l'employeur, Stéphane Saucier allègue dans sa lettre d'appel envoyée le 17 mars 2003 que l'instruction émise par l'agent Sirois le 17 février 2003 comporte des renseignements erronés en fait et en droit sur le statut de l'entreprise. Par conséquent, l'AEM n'a pas contesté la situation de danger, mais uniquement le fait que l'AEM n'est pas le maître d'œuvre ou l'exploitant des activités de débardage et demande que l'instruction soit annulée.
[14] L'avocat de l'AEM, Me Gérard Rochon, m'a soumis les motifs de l'appel de l'instruction. Dans son argumentation écrite, Me Gérard Rochon a joint la convention collective entre l'AEM et le Syndicat des débardeurs, SCFP Section locale 375, expirant le 31 décembre 2003.
[15] Me Rochon allègue que l'AEM est considérée comme un employeur uniquement pour l'application de la Partie I du Code canadien du travail.
[16] Me Rochon soutient que l'AEM ne s'ingère pas dans l'exploitation des opérations de chargement et de déchargement des navires et n'a pas l'autorité de le faire. Les procédures à suivre pour les opérations de débardage relèvent des différents employeurs chargés de la main-d'œuvre et sont spécifiques à chacun des terminaux. Les employeurs des terminaux de débardage sont les seuls qui contrôlent le travail à accomplir.
[17] Selon Me Rochon, l'AEM ne possède aucun lieu de travail où des opérations de débardage sont exécutées et elle ne contrôle pas les tâches à accomplir dans les lieux de travail où s'effectue le débardage.
[18] Me Rochon précise qu'en tenant compte de ces faits, l'AEM ne peut pas être considérée comme étant l'employeur visé par les articles 124, 125 et suivants du Code et, par le fait même, qu'elle ne peut pas faire l'objet d'une instruction visant à protéger des travailleurs qui accomplissent des tâches à proximité des conteneurs dans le port de Montréal.
[19] À l'appui de la position de l'AEM, Me Rochon me renvoie entre autres à deux affirmations contenues dans le rapport d'enquête de l'agent Sirois. La première, faite par un représentant de Terminal Racine, précise que cet employeur est responsable des débardeurs lorsqu'ils travaillent sur les terrains de Terminal Racine au port de Montréal. La deuxième affirmation est de l'agent Sirois, qui a accepté la position de l'AEM selon laquelle celle-ci ne possède aucune responsabilité ni sur le lieu de travail, ni sur les tâches à accomplir. Selon Me Rochon, le fait que l'agent n'a pas l'autorité en vertu du Code pour modifier ou annuler l'instruction est l'unique raison expliquant pourquoi l'instruction fut maintenue.
[20] Me Rochon réitère la position de l'AEM à l'effet que l'association ne verse pas de rémunération aux débardeurs, qui sont payés par les entreprises qui les utilisent. À ce sujet, les compagnies de débardage ont créé une association, le Centre de données maritimes, qui agit à titre d'agent payeur et reçoit des différentes entreprises de débardage l'argent qui permettra par la suite de payer les travailleurs.
[21] Me Rochon a également fait remarquer que, selon la convention collective, l'AEM est le mandataire des employeurs du port pour ce qui est de la décision et l'application des mesures disciplinaires. Malgré ce fait, Me Rochon tient à préciser que ça ne signifie pas que l'AEM est désignée comme étant l'employeur et donc qu'elle doit se conformer aux exigences des articles 124, 125 et suivants du Code.
[22] Par conséquent, Me Rochon invoque tous ces arguments pour demander à l'agent d'appel d'annuler l'instruction émise à l'AEM le 17 février 2003 par l'agent Sirois.
***[23] Dans le présent dossier, Me Rochon conteste le fait que l'AEM a été désignée comme l'employeur des débardeurs et l'exploitant du lieu de travail.
[24] Je dois donc trancher deux points en litige, à savoir, primo, si l'AEM est l'employeur des débardeurs et, secondo, si l'AEM exploite le lieu de travail du port de Montréal identifié dans l'instruction.
[25] En ce qui concerne le premier point, l'agent Sirois a précisé dans l'instruction que l'AEM est un employeur assujetti à la partie II du Code, dont le lieu de travail est situé aux sections 57-64 du port de Montréal.
[26] L'agent Sirois a également déterminé que les débardeurs qui, à cause de leurs fonctions, doivent se trouver à proximité des conteneurs relevaient de l'autorité de l'AEM. Puis, en conclusion de son rapport soumis à l'agent d'appel, l'agent Sirois a déterminé que les débardeurs sont employés et rémunérés par l'AEM et que cette organisation leur impose des mesures disciplinaires au besoin.
[27] Par ailleurs, à la suite de la lettre de Stéphane Saucier précisant que l'AEM n'est pas l'employeur et n'exploite pas le lieu de travail en cause, l'agent Sirois a informé l'AEM qu'il acceptait ces arguments et qu'elle pouvait enlever l'instruction et l'avis de danger affichés. Cette réponse de l'agent à l'AEM était, en quelque sorte, une confirmation que l'AEM n'avait pas l'obligation de se conformer à l'instruction.
[28] Pourtant un agent de santé et sécurité ne possède pas le pouvoir d'annuler une instruction puisque selon le paragraphe 146(2) du Code, seul un agent d'appel en possède l'autorité.
[29] Cette affirmation de l'agent Sirois m'apparaît comme contredisant les conclusions de son rapport. L'agent Sirois a, d'une part, déclaré que l'AEM est effectivement l'employeur des débardeurs et, d'autre part, il s'est dit d'accord avec la position de l'AEM selon laquelle elle n'est pas l'employeur des débardeurs.
[30] Pour sa part, Me Rochon a allégué que "l'AEM est un représentant patronal assimilé à un employeur pour la seule application de la Partie I du Code canadien du travail".
[31] Contrairement à Me Rochon, je considère que l'AEM, en tant que représentant patronal pour les entreprises de débardage au port de Montréal, assume toutes les responsabilités d'un employeur, peu importe la partie du Code invoquée.
[32] Selon Me Rochon, l'AEM ne possède pas d'autorité sur les opérations de débardage, étant donné que les procédures à suivre relèvent de chaque entreprise de débardage et que celles-ci contrôlent complètement les opérations qu'elles dirigent.
[33] Outre les procédures de travail à suivre, les activités ou tâches de débardage impliquent les points suivants :
a) La santé et sécurité sont étroitement liées à toutes les tâches des débardeurs exécutés lors des opérations de débardage. À ce sujet, la convention collective entre l'AEM et le Syndicat des débardeurs précise que l'AEM a la responsabilité de former les employés au chapitre de la santé et sécurité au travail.
b) Une clause de la convention collective oblige les employés à utiliser le matériel, l'équipement, les dispositifs et les vêtements réglementaires de sécurité fournis par l'AEM à titre d'employeur. Donc, l'AEM, en tant qu'employeur, a l'obligation de s'assurer que les employés respectent cette clause lorsqu'ils exécutent leurs tâches.
[34] Les points sous-mentionnés démontrent que l'AEM a un rôle à jouer en termes d'autorité et de responsabilité dans les activités ou les tâches exécutées par les débardeurs.
[35] En analysant la convention collective des débardeurs, je dois tenir compte des points suivants qui sont importants :
a) Le terme "employeur" s'entend de l'AEM.
b) L'article 1.02 identifie l'AEM comme étant le seul agent négociateur et le seul représentant des entreprises de débardage dans le port de Montréal. Dans les faits, l'AEM est donc l'employeur.
c) L'article 1.09 a) 24) précise que l'employeur "AEM" est propriétaire de certaines pièces d'équipement qui sont louées à ses membres, les entreprises de débardage visées par la convention collective. En vertu du Code, l'AEM doit veiller à ce que les pièces d'équipement qui lui appartiennent et qui sont utilisées par ses employés soient conformes aux normes réglementaires. L'AEM fournit des pièces d'équipement qui sont utilisées par les débardeurs dans les différents terminaux du port de Montréal, ce qui démontre que l'AEM doit se conformer à cette obligation de l'employeur.
d) L'organisation du travail est partagée entre l'AEM et les différentes entreprises de débardage du port de Montréal. Selon la convention collective, celles-ci possèdent un pouvoir de direction et d'exploitation de leurs installations, de leurs machines, de leur outillage et de leurs opérations et l'AEM a le droit et le pouvoir de maintenir l'ordre et la discipline. Malgré ce partage des responsabilités, l'AEM demeure tout de même l'organisation patronale qui représente les entreprises de débardage et elle est reconnue comme l'unique employeur dans la convention collective.
e) L'article 4.03 précise que l'AEM doit décider de toute sanction disciplinaire. Règle générale, cette responsabilité relève d'un employeur.
f) L'article 5.02 précise qu'un comité de grief est formé de représentants de l'AEM et du Syndicat. Sur le plan des relations de travail, l'AEM assume entièrement le rôle d'un employeur. Une entreprise de débardage n'aurait pas l'autorité d'ouvrir et de modifier la convention collective.
g) La gérance, représentée par l'AEM est la seule à décider des effectifs requis au niveau d'une classification. La gestion du processus de classification fait partie de la procédure de déploiement à l'article 8.
h) En vertu de l'article 9.07, ce sont les grands contremaîtres, les contremaîtres ou les chefs de groupe qui sont des débardeurs syndiqués et qui ont la responsabilité de donner des ordres et directives aux débardeurs. Cette responsabilité leur a été déléguée par l'AEM en vertu de la convention collective.
i) Selon l'article 11.05 k), l'une des fonctions des comités locaux de santé et sécurité est d'obtenir de l'AEM les renseignements qu'ils jugent nécessaires pour leur permettre d'identifier les risques présents ou éventuels dans les lieux de travail. Le Code précise qu'un comité local peut exiger de l'employeur des renseignements reliés à la santé et la sécurité au travail qu'il juge nécessaire. Cet article de la convention collective démontre que l'AEM possède aussi cette responsabilité à titre d'employeur.
j) L'article 11.13 précise que l'AEM fournit des cours de santé et sécurité aux employés. C'est une autre responsabilité qui relève normalement d'un employeur.
k) Selon l'article 11.15, le comité de coordination en santé et sécurité au travail est formé de trois représentants de chaque partie, soit le Syndicat et l'AEM. Par le fait même, l'AEM est le représentant employeur au sein de ce comité.
l) L'article 11.20 prévoit que la fourniture de vêtements ou d'équipements de protection est une responsabilité partagée entre les entreprises de débardage et l'AEM.
m) L'article 13.07 précise que l'employeur, l'AEM, est le seul responsable de l'embauche de nouveaux employés, comprenant, entre autres, la responsabilité et l'administration de la procédure et des programmes d'embauche. Dans l'organisation du travail, l'employeur est responsable de l'embauche, comme c'est le cas ici pour l'AEM.
n) Selon l'article 30, le déploiement de la main-d'œuvre relève de la gérance, c'est-à-dire l'AEM. Le contrôle du déploiement est fait par l'AEM.
[36] Le paragraphe 122(1) du Code définit le terme employeur comme étant une :
Personne qui emploie un ou plusieurs employés - ou quiconque agissant pour son compte - ainsi que toute organisation patronale.
[37] L'AEM emploie des employés qui sont régis par une convention collective signée par deux parties, l'AEM et le Syndicat des débardeurs. De plus, l'AEM représente plusieurs entreprises de débardage du port de Montréal et par le fait même elle peut être considérée comme une organisation patronale. Ce terme figure dans la définition d'employeur donnée dans le Code. Par contre la partie II du Code ne définit pas ce qu'est une "organisation patronale". Par contre, la Partie I du Code en donne une définition soit : "groupement d'employeurs ayant notamment pour objet de réglementer les relations entre employeurs et employés". L'AEM, de par sa constitution, regroupe des employeurs du port de Montréal et assume le rôle d'une organisation patronale.
[38] L'AEM est considérée comme la seule responsable de l'embauche de tout nouvel employé (article13.07 b) de la convention collective). L'AEM a la responsabilité de planifier les assignations d'employés auprès des différentes entreprises de débardage du port de Montréal.
[39] L'AEM en tant que représentant employeur, tel que spécifié dans la convention collective, a conclu une entente avec le Syndicat des débardeurs qui définit les conditions de travail des débardeurs.
[40] L'AEM a la responsabilité, en tant qu'employeur, de soulever toute question relative aux relations et conditions de travail avec le comité conjoint des relations de travail.
[41] La convention collective prévoit que, dans le cas où l'AEM introduirait un changement technologique, une nouvelle opération ou nouvelle méthode de travail, le Syndicat doit en être avisé. Cette disposition de la convention collective démontre donc que l'AEM établit les conditions de travail des débardeurs.
[42] Enfin, l'AEM, en assignant les débardeurs aux différentes entreprises de débardage, elle précise aux débardeurs les tâches qu'ils devront accomplir en fonction de leur classification respective.
[43] En effet, on ne peut affirmer que les débardeurs, qui sont quotidiennement assignés à des entreprises différentes, deviennent automatiquement des employés de ces entreprises pour la seule durée du travail qu'ils y accomplissent puisqu'ils y sont assignés en fonction de leur classification.
[44] Compte tenu des différents facteurs sus mentionnés et des documents qui m'ont été soumis, j'en arrive à la conclusion que l'AEM, de par l'autorité qu'elle exerce au port de Montréal, possède toutes les caractéristiques d'un employeur au sens du Code, et par le fait même, que le Code s'applique à l'AEM.
[45] De plus, je suis convaincu qu'il existe effectivement une relation employeur-employé entre l'AEM et les débardeurs. L'AEM en tant qu'employeur assujetti au Code peut donc faire l'objet d'une instruction en ce qui concerne les tâches accomplies par les employés couverts par la convention collective qui les régit.
[46] La deuxième question à régler est de savoir si l'AEM est l'exploitant du lieu de travail au port de Montréal et par le fait même, elle est responsable du secteur où travaillent les débardeurs.
[47] Dans son argumentation écrite, l'AEM précise qu'elle n'exploite pas le lieu de travail décrit dans l'instruction de l'agent Sirois. À ce sujet, l'article 3 de la convention collective définit les droits de la direction de la façon suivante :
Le syndicat reconnaît aux compagnies le droit de diriger et d'exploiter leurs installations, leurs machines et leur outillage et de diriger leurs opérations (…).
Cette disposition semble donc clarifier que les différentes entreprises de débardage du port de Montréal exploitent et contrôlent le lieu de travail.
[48] Selon les documents déposés pour l'appel par l'AEM et l'agent Sirois, j'en arrive à la conclusion que l'AEM est considérée comme l'employeur responsable des débardeurs au port de Montréal et par le fait même, qu'elle est responsable des tâches accomplies par les débardeurs. Étant identifiée comme employeur, l'AEM relève automatiquement du Code. Par contre, les documents déposés démontrent que l'AEM n'exploite pas en tant que tel le lieu de travail du port de Montréal. En conclusion, l'AEM contrôle des tâches accomplies par les débardeurs, mais elle ne contrôle pas le lieu de travail de chaque entreprise de débardage du port de Montréal.
[49] Dans son argumentation écrite, Me Rochon précise que l'AEM n'est pas l'employeur visé par les dispositions des articles 124, 125 et suivants du Code car l'AEM n'a aucun lieu de travail où les opérations de débardage sont exécutées.
[50] En vertu de l'article 124 du Code, l'employeur doit veiller à la protection de ses employés. Comme j'ai déterminé que l'AEM est l'employeur des débardeurs, elle doit donc voir à la protection de ce groupe de travailleurs au port de Montréal et par le fait même se conformer à cette obligation générale de l'employeur prévue au Code.
[51] En ce qui concerne la référence de Me Rochon aux dispositions des articles 125 et suivants du Code, il est précisé que l'employeur doit se conformer à des obligations spécifiques pour tout lieu de travail placé sous son entière autorité et, dans le cas où l'employeur ne contrôle pas le lieu de travail, pour toute tâche exécutée par les employés dans la mesure où l'employeur contrôle cette tâche. J'ai déterminé que l'AEM contrôle les tâches des débardeurs, sans contrôler le lieu de travail. L'AEM est donc visée par les dispositions des articles 125 et suivants du Code.
[52] Par conséquent, l'AEM peut donc faire l'objet d'une instruction.
[53] À la lumière des faits établis par l'agent Sirois, il existait effectivement une situation de danger au port de Montréal le 17 février 2003. De plus, des employés, (entre autre des débardeurs) assujettis à la convention collective de l'AEM et du Syndicat des débardeurs se trouvaient à proximité du conteneur au moment de l'accident. L'agent Sirois devait donc donner une instruction à l'AEM en tant qu'employeur de ces travailleurs, mais non en tant qu'exploitant du lieu de travail.
[54] Pour toutes ces raisons, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'article 146.1 du Code, je modifie l'instruction pour situation de danger émise à l'AEM, le 17 février 2003, en vertu de l'aliéna 145(2)a) du Code. Cette modification tient compte du fait que l'AEM ne contrôle pas le lieu de travail proprement dit, mais qu'elle contrôle les tâches exécutées par les débardeurs dans les lieux de travail, dans la mesure où elle contrôle l'assignation des débardeurs en fonction de leur classification et des tâches à effectuer. Par conséquent, l'instruction se trouve en annexe.
_______________________
Pierre Guénette
Agent d'appel
Annexe
Dans l'affaire du Code Canadien du Travail
Partie II - Santé et Sécurité au Travail
Instruction en vertu de l'aliéna 145. (2)a)
Le 17 février 2003, l'agent de santé et sécurité soussigné a procédé à l'enquête concernant le décès de André Lacoste dans le lieu de travail exploité par Terminal Racine, membre de l'AEM et, où l'AEM assigne des débardeurs qui sont sous son autorité. Le lieu de travail est situé dans les sections 57-64 du port de Montréal, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Port de Montréal Terminal Racine.
Ledit agent de santé et sécurité estime que la présence de travailleurs entre les conteneurs lors du déplacement des dites conteneurs ou lors de la mise en place d'une charge dans ces conteneurs constitue un danger d'écrasement pour les travailleurs.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145. (2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder à la protection de vos employés contre ce danger.
Fait à Montréal, en date du 17 février 2003.
Agent de santé et de sécurité
(signature & numéro) : Steve Sirois
Instruction remise à M. Stéphane Saucier, Coordonnateur santé et sécurité, Association des employeurs maritimes.
Résumé de la décision de l'agent d'appel
No de la décision : | 04-046 |
Demandeur : | L'Association des employeurs maritimes (employeur) |
Syndicat : | Syndicat des débardeurs, SCFP Section locale 375 |
Mots clés | Instruction, employeur, organisation patronale. |
Dispositions : | Code 122(1), 124, 125, 145(2)a), 146(1), 146.1(1) Règlement |
Résumé : L'appel résulte d'une instruction émise en vertu de l'aliéna 145(2)a) du Code à l'Association des employeur maritimes suite à une enquête menée par un agent de santé et sécurité sur les causes d'un accident de travail dans le port de Montréal ayant provoqué le décès d'un employé de l'Administration Portuaire de Montréal le 17 février 2003. L'instruction faisait référence à une situation de danger au port de Montréal et ordonnait à l'AEM de mettre fin à cette situation en prenant des mesures pour protéger les travailleurs contre le danger. L'instruction identifiait l'AEM comme étant l'employeur et exploitant du lieu de travail sis aux sections 57-64 du port de Montréal. En vertu paragraphe 146(1) du Code, l'AEM a fait appel de l'instruction émise le 17 février 2003. L'agent d'appel a procédé par soumission écrite dans ce dossier L'agent d'appel Guénette a émis une décision écrite le 22 novembre 2004 et a modifié l'instruction de l'agent de santé et sécurité en reconnaissant l'AEM comme étant responsable de protéger la santé et la sécurité de ses employés. |
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