Archivée - Code canadien du travail Partie II Santé et Sécurité au travail

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C. Brazeau, B. Martin, B. Thoms,
B. Woods, A. Ozga et P. Gour
représentés par Catherine Gilbert, avocat-conseil, TCA-Canada
demandeurs

et

TCA‑Canada, représenté par Catherine, Gilbert, avocat-conseil,
TCA-Canada

Securicor Canada Limited, représenté par Carl Peterson, conseiller juridique
défendeur

________________________

Décision no 04-049
Le 16 décembre 2004

Pour le demandeur : B. Martin, B. Thoms, A. Ozga, S. Matthews, employés de Securicor Canada Ltd.;
E. Torre, représentant national, TCA-Canada;
R. Charron, président local, TCA-Canada;
C. Gilbert, conseiller juridique
Pour le défendeur : T. White, directeur général, Securicor Canada Ltd.;
R. Potvin, Securicor Canada Ltd.,
S. Hénault, Securicor Canada Ltd.;
S. Avery, Securicor Canada Ltd.
C. W. Peterson, conseiller juridique

Préambule

Le 30 septembre 2002, C. Brazeau et B. Martin, employés de Securicor Canada Limited (Securicor), ont refusé de travailler et de sortir de leur véhicule au premier arrêt de leur quart de nuit. Ils se sont plaints qu'il y avait danger pour eux parce que Securicor avait réduit la taille de l'équipe de travail, qui était passée de 3 à 2 personnes, de sorte qu'il n'y avait plus de chauffeur à bord de leur nouveau véhicule de haute technologie de série S pendant qu'ils étaient dans l'édifice. Sans chauffeur pour surveiller les lieux en leur absence, ils craignaient de se trouver vulnérables à leur sortie de l'édifice. Ils ont ajouté qu'en cas de vol, aucun chauffeur n'était plus là pour déplacer le véhicule ou leur porter assistance. De plus, ils estimaient que les dispositifs de communication et la formation fournis par Securicor n'étaient pas adéquats. L'agent de santé et de sécurité Serge Marion a enquêté sur ce refus de travailler et a rendu une décision d'absence de danger pour chacun des employés. Ceux-ci ont appelé de la décision de l'agent de santé et de sécurité Marion auprès d'un agent d'appel en vertu de l'article 146.1 de la partie II du Code canadien du travail (le Code).

Le 15 janvier 2003, B. Thoms et B. Woods, employés de Securicor, ont refusé de travailler et de sortir de leur véhicule au premier arrêt de leur quart de jour. Ils se sont plaints qu'il y avait danger pour eux parce que Securicor avait réduit la taille de l'équipe de travail qui était passée de 3 à 2 personnes, de sorte qu'il n'y avait plus de chauffeur à bord de leur nouveau véhicule de haute technologie de série S pendant qu'ils étaient dans l'édifice. Sans chauffeur pour empêcher qu'un véhicule ne les bloque et pour surveiller les lieux en leur absence, ils craignaient de se trouver vulnérables à leur sortie de l'édifice. Ils ont ajouté qu'en cas de vol, aucun chauffeur n'était plus là pour déplacer le véhicule ou leur porter assistance. De plus, ils estimaient que les dispositifs de communication et la formation fournis par Securicor n'étaient pas adéquats. L'agent de santé et de sécurité Gilles Hubert a enquêté sur ce refus de travailler et a rendu une décision d'absence de danger pour chacun des employés. Ceux-ci ont appelé de la décision de l'agent de santé et de sécurité Hubert auprès d'un agent d'appel en vertu de l'article 146.1 du Code.

Le 4 mars 2003, A. Ozga et P. Gour, employés de Securicor Canada Limited (Securicor), ont refusé de travailler et de sortir de leur véhicule au premier arrêt de leur quart de nuit. Ils se sont plaints qu'il y avait danger pour eux parce que Securicor avait réduit la taille de l'équipe de travail qui était passée de 3 à 2 personnes, de sorte qu'il n'y avait plus de chauffeur à bord de leur nouveau véhicule de haute technologie de série S pendant qu'ils étaient dans l'édifice. Sans chauffeur pour surveiller les lieux en leur absence, ils craignaient de se trouver vulnérables à leur sortie de l'édifice. Ils ont ajouté qu'en cas de vol ou de circonstances suspectes, aucun chauffeur n'était plus là pour déplacer le véhicule ou leur porter assistance. De plus, ils estimaient que les dispositifs de communication et la formation fournis par Securicor n'étaient pas adéquats. L'agent de santé et de sécurité Serge Marion a enquêté sur ce refus de travailler et a rendu une décision d'absence de danger pour chacun des employés. Ceux-ci ont appelé de la décision de l'agent de santé et de sécurité Marion auprès d'un agent d'appel en vertu de l'article 146.1 du Code.

Avec l'accord des parties, des audiences ont eu lieu en même temps à Gatineau, au Québec, le 11 juillet 2003, les 12, 13, 14, 18 et 19 novembre 2003, et les 8 et 12 décembre 2003.

[1] Les employés qui en ont appelé des décisions des agents de santé et de sécurité Marion et Hubert en vertu du paragraphe 129(7) ont accepté que j'examine simultanément leurs appels en vertu du paragraphe 146.1(1), car les circonstances générales entourant leur refus de travailler étaient les mêmes. Bien que les trois appels aient été entendus pendant la même série d'audiences et que la décision s'applique de façon générale, ils ont été examinés et jugés en fonction des circonstances particulières de chacun.

[2] Pour que l'examen soit complet, Securicor a fourni au tribunal des documents confidentiels sur ses procédures de sécurité internes et son équipement. Afin de protéger la confidentialité de ces documents, donc la santé et la sécurité des travailleurs, la présente décision en cite le contenu aussi peu que possible. Toutefois, j'assure les parties que j'ai tenu compte de tous les documents.

Refus de travailler de C. Brazeau et B. Martin

Rapport d'enquête et témoignage de l'agent de santé et de sécurité Serge Marion

[3] L'agent de santé et de sécurité S. Marion m'a remis une copie de son rapport d'enquête sur le refus de travailler de C. Brazeau et de B. Martin, tous deux employés de Securicor. Je retiens les points suivants de son rapport daté du 8 octobre 2002 et des témoignages aux audiences.

[4] Le 30 septembre 2002, C. Brazeau et B. Martin sont arrivés au travail vers 19 h 30 et ont commencé leur quart de nuit. Leur superviseur, R. Potvin, les a informés qu'ils travailleraient en équipe sans chauffeur de deux personnes1 plutôt qu'en équipe normale de trois personnes et qu'ils utiliseraient l'un des nouveaux véhicules blindés de série S. R. Potvin leur a dit qu'ils seraient les premiers à Ottawa à former une équipe sans chauffeur utilisant un véhicule de série S. R. Potvin a examiné avec eux les procédures de fonctionnement d'une équipe sans chauffeur de Securicor avec un véhicule de série S. Il les a aussi informés que leur premier arrêt serait une autre banque que celle visitée habituellement.

1 Durant l'audience, les parties ont parlé d'équipes de trois personnes, d'équipes de deux personnes et d'équipe sans chauffeur de deux personnes. À Securicor, dans une équipe de trois personnes, le chauffeur demeure dans le véhicule pendant les arrêts. Dans une équipe de deux personnes, normalement pendant le quart de jour, le chauffeur demeure dans le véhicule durant les arrêts et le messager est accompagné par un employé du client. Dans une équipe sans chauffeur de deux personnes, les travailleurs utilisent un véhicule de série S et descendent tous les deux du véhicule pendant la visite. Le nouveau véhicule de série S est équipé d'appareils de haute sécurité pour protéger les valeurs confiées à Securicor et est laissé sans surveillance pendant les visites.

[5] Peu après leur arrivée à leur première destination, vers 20 h 40, ils ont appelé le superviseur Potvin et refusé de travailler et d'effectuer la visite. Le superviseur Potvin leur a demandé de ne pas déplacer le véhicule et a immédiatement commencé à enquêter sur leur refus de travailler.

[6] Le superviseur Potvin est arrivé à la banque et a observé que le secteur était bien éclairé, qu'un préposé à l'entretien se trouvait dans la banque et que le véhicule était garé à environ dix pieds de la porte avant de la banque. Il a examiné les lieux et le camion, il a rejoint le côté du véhicule et a dit à C. Brazeau et à B. Martin qu'il ne voyait rien de suspect. Toutefois, les deux employés ont maintenu leur refus de travailler. Potvin a alors communiqué avec S. Matthews, représentant des employés au comité de santé et de sécurité de Securicor pour la région d'Ottawa relativement au refus de travailler.

[7] S. Matthews est arrivé peu après et a mené sa propre enquête, car le superviseur Potvin avait quitté les lieux. Après enquête, S. Matthews s'est dit d'accord avec C. Brazeau et B. Martin, qu'il y avait danger, puis a préparé un rapport écrit sur son enquête et ses conclusions. Il en a ensuite fourni une copie à l'agent de santé et de sécurité Marion. On trouvera ci-dessous des extraits du rapport de S. Matthews. La présentation est identique, sauf que les pronoms personnels ont été remplacés par les noms des personnes en cause :

[TRADUCTION]Les lumières de la succursale étaient allumées. C'était une situation inhabituelle pour les travailleurs, qui avaient également vu une personne ou plus dans l'édifice. Cela s'ajoutait au fait que cet endroit se trouvait dans un secteur dangereux de la ville. B. Martin et C. Brazeau ont déclaré que, dans de telles situations, ils seraient davantage sur le qui-vive, mais effectueraient quand même leur visite en comptant sur la vigilance du chauffeur2 pour les alerter en cas de danger. Le chauffeur, resté dans le véhicule blindé, pourrait les avertir par radio et communiquer avec des services d'urgence comme la police et les ambulanciers, pour protéger les membres de l'équipe et le public jusqu'à l'arrivée des secours. Sans chauffeur, C. Brazeau et B. Martin n'avaient personne pour surveiller les environs de la banque afin de prévenir une tentative de vol ou obtenir de l'aide s'ils étaient blessés par suite d'une confrontation avec des malfaiteurs.

B. Martin et C. Brazeau ont aussi exprimé une vive inquiétude qu'en cas de vol, il leur faudrait faire comprendre au voleur que l'accès au véhicule était impossible et s'exposer à des représailles s'ils étaient soupçonnés de mentir. Un chauffeur pourrait fuir avec le véhicule pour mettre en sécurité les biens confiés à Securicor et éviter les situations de prise d’otages.

2 Dans une équipe de trois personnes.

C. Brazeau a déclaré qu'il craignait que l'alarme anti-sabotage (sur les véhicules de série S) ne fonctionne pas si quelqu'un bloquait la serrure de la porte du véhicule en y introduisant, par exemple, un cure-dents ou tout autre objet. C. Brazeau a expliqué qu'un chauffeur verrait immédiatement quiconque essaierait de saboter la serrure.

B. Martin et C. Brazeau ont également déclaré qu'il existait de nombreux secteurs de la ville où ils ne se sentaient pas en sécurité à l'idée de dépendre d'un simple téléphone cellulaire pour appeler la police, les pompiers ou les ambulanciers. De plus, s'ils étaient blessés pendant une tentative de vol, il ne se trouverait plus personne pour appeler de l'aide.

B. Martin et C. Brazeau ont ensuite expliqué en quoi avaient consisté leurs séances de formation sur les systèmes des nouveaux fourgons. Quatre heures avaient été prévues pour la formation, mais elle n'avait duré que deux heures et demie et la classe était divisée en trois groupes. En raison de l’exiguïté de l'intérieur du véhicule, il n'était possible d'y faire monter qu'un groupe à la fois. B. Martin et C. Brazeau ont estimé que chacun des groupes avait passé seulement de 20 à 30 minutes dans le fourgon. Ils n'ont fait aucun exercice pour apprendre à protéger le messager au moment de sa sortie du véhicule ou de son retour. Le chauffeur, dont le rôle était de surveiller le devant du fourgon, avait été éliminé, mais les membres de l'équipe restants n’avaient reçu aucune formation pour pallier son absence. Les étudiants avaient eu en main des instructions écrites pendant environ cinq minutes, mais on ne leur avait pas remis de copie qu'ils auraient pu apporter à la maison et étudier.

B. Martin et C. Brazeau se sont dits inquiets du fait qu'il n'y avait qu'une seule clé pour entrer dans le fourgon. Si la personne qui portait cette clé était blessée, l'autre membre de l'équipe ne pourrait se réfugier dans le véhicule.

Inspection des lieux

…On peut quitter le secteur par plusieurs voies, y compris l'autoroute Queensway. La banque se trouve dans un secteur dangereux et elle a déjà été attaquée par des voleurs. À proximité se trouvent des arbres aux branches basses sous lesquelles s'abritaient parfois des itinérants. Il serait également possible que des criminels s'y embusquent pour surprendre l’équipe de convoyeurs de fonds. Du côté sud de l'édifice, se trouvait un escalier non éclairé menant à une entrée souterraine. Là aussi, des criminels pourraient se cacher pour y attendre l'équipe. Dans l'escalier, on a trouvé un sac à dos vert et noir laissé près de la porte. Les travailleurs n’y ont pas touché et ont alerté la police.

[8] Les agents de santé et de sécurité Serge Marion et Gilles Hubert sont arrivés pour enquêter sur le refus de travailler de C. Brazeau et de B. Martin. Les deux agents de santé et de sécurité ont observé que l'accès à la banque était éclairé et que le véhicule blindé était stationné à environ dix pieds du trottoir. De nombreux clients utilisaient le guichet automatique pendant l'inspection des agents.

[9] Les deux agents ont ensuite interviewé C. Brazeau et B. Martin et leur ont fait remplir un formulaire d'enregistrement d’un refus de travailler. Ce qui suit est repris librement du formulaire d'enregistrement du refus de travailler signé par C. Brazeau :

[TRADUCTION] À la banque, il y avait 5 ou 6 personnes dans l'édifice qui utilisaient ou attendaient d'utiliser les guichets automatiques, 2 hommes suspects à l'extérieur, près des portes, un véhicule stationné avec chauffeur dans le terrain de stationnement de l'autre côté de leur véhicule. Nous avons tous deux eu le sentiment que nos vies étaient menacées et nous avons appelé le superviseur Potvin et une personne à l'intérieur de la banque fermée. Il y avait plusieurs voies pour quitter les lieux et des buissons où quelqu’un aurait pu se cacher.

Dans une équipe sans chauffeur de deux personnes, il n'y a pas de chauffeur qui reste dans le véhicule pour monter la garde pendant que ses collègues sont à l'intérieur de l'édifice et communiquer avec eux. Sans chauffeur, il n'est pas possible de monter rapidement dans le fourgon si on est menacé d'une arme. De plus, un chauffeur peut déplacer le véhicule en cas de danger. Nous avions un téléphone cellulaire qui est tombé en panne au bout de deux heures et nous ne connaissions pas toutes les commandes du fourgon…

[10] Ce qui suit est repris librement du formulaire d'enregistrement du refus de travailler signé par B. Martin :

[TRADUCTION] J’ai refusé de travailler parce que les conditions de travail n'étaient pas sécuritaires. Avant, mon équipe de travail comptait trois personnes : un chauffeur, un messager et un garde. Elle ne compte plus que deux personnes : un messager et un garde. Quand nous sommes arrivés sur les lieux, il y avait deux individus à la porte de la banque et une autre personne dans une voiture stationnée à ma gauche. Trois ou quatre personnes utilisaient le guichet automatique. Avec les nouveaux fourgons, le messager et le garde doivent sortir du véhicule et il ne reste personne pour leur dire ce qui se passe dehors et ce qui les attend. J’ai dit à mon coéquipier que je ne me sentais pas en sécurité parce qu’il y avait aussi quelqu'un dans la banque.

On nous a appris, pendant notre formation, que si nous faisions l'objet d'une attaque, le chauffeur devait s'enfuir avec le véhicule. C’est maintenant impossible avec les nouveaux véhicules et les nouvelles procédures. J’ai vraiment l'impression que ma sécurité est menacée. En cas de problème, la présence du chauffeur me semble essentielle.

[11] Par la suite, les employés ont fourni à l'agent de santé et de sécurité Marion trois documents qui montrent que le chauffeur (qui reste dans le véhicule dans une équipe de trois) a pour tâche de surveiller les lieux, de donner l'alerte et de s'enfuir avec le véhicule en cas d'attaque.

[12] Le premier document était une lettre signée par C. Healey qui parlait d'une attaque par deux voleurs armés le 6 juin 1994 alors qu'il était messager. Selon C. Healey, le chauffeur avait vu ce qui se tramait et a laissé le messager monter dans le fourgon avant que les voleurs s'en approchent. Le garde est resté à l'extérieur du fourgon, mais avant que les assaillants puissent le prendre en otage, le chauffeur avait quitté les lieux avec le « butin ». Healey estimait que, sans la réaction rapide du chauffeur, il aurait pu y avoir des blessés ou même des morts.

[13] Le second document était une note de service interbureaux sur la procédure d'utilisation des fourgons blindés de Loomis datée du 4 octobre 1996 et signée par S. Hénault, superviseur principal, maintenant avec Securicor. La note de service informait les employés de Securicor qu'un incident récent avait confirmé que le retrait du véhicule de la scène d'un vol protégeait les membres des équipes, car il devenait alors inutile pour les voleurs de prendre des otages pour qu'on leur donne accès aux véhicules.

[14] Le troisième document, daté de septembre 2000, semblait être un avis aux employés (sans précision du nom de l'entreprise) qui rappelait aux membres des équipes, entre autres choses, de consacrer une attention spéciale au stationnement des fourgons au moment de la réception et de la livraison. On y conseillait aux chauffeurs de garder l'œil autant que possible sur leur messager.

[15] L'agent de santé et de sécurité Marion a également enquêté sur les déclarations de C. Brazeau et de B. Martin, qui avaient dit ne pas avoir reçu une formation adéquate avec les véhicules de série S et les procédures d'utilisation de Securicor relativement à ce nouveau fourgon. Il a assisté à une partie d'une séance de formation sur le véhicule de série S semblable à celle que Securicor avait donnée à C. Brazeau et à B. Martin et il a décidé qu’elle était adéquate. À cet égard, il s'est reporté à une lettre de T. White, directeur général, Ottawa-Kingston, de Securicor, datée du 1er octobre 2002, dans laquelle il confirmait les points de la formation abordés dans le cours de Securicor. La formation comprenait :

  • une séance d'initiation générale sur toutes les fonctions du véhicule;
  • les procédures à appliquer pour un itinéraire;
  • une simulation d'utilisation du véhicule de série S dans la rue;
  • les procédures de surveillance et les procédures de fonctionnement de Securicor pour une équipe de deux personnes.

[16] L'agent de santé et de sécurité Marion a ensuite noté que S. Staff, directeur de la sécurité à Securicor, avait préparé et envoyé une note de service3 aux directeurs de succursales le 1er août 2002. La note de service portait sur les procédures de fonctionnement d'une équipe de deux personnes utilisant un véhicule de série S. Le document décrivait les procédures révisées et soutenait que l'utilisation de nouvelles technologies combinée à la stricte application des procédures réduirait au minimum l'impact négatif de l'élimination du chauffeur sur le niveau de sécurité des biens convoyés et des employés.

3 Cette note de service comprenait un document daté du 21 septembre 2002 intitulé « CS1 CT Training Course, All Off. »

[17] Securicor a déclaré à l'agent de santé et de sécurité Marion que les dispositifs de sécurité du nouveau véhicule de série S protégeaient les biens transportés dans le fourgon et rendaient superflue la présence d'un chauffeur. Il a observé que Securicor avait déjà utilisé des équipes de deux personnes durant la journée, mais l'équipe sans chauffeur de deux personnes de nuit dont faisaient partie C. Brazeau et B. Martin le 30 septembre 2002 était différente. Durant le quart de jour, le chauffeur d'une équipe de deux personnes demeurait dans le véhicule et le messager était escorté par un employé du client. Le chauffeur demeuré dans le véhicule devait surveiller les alentours pour détecter toute activité suspecte pouvant mettre son messager en danger. Toutefois, dans le cas de C. Brazeau et de B. Martin, les procédures de l'équipe sans chauffeur de deux personnes du quart de nuit exigeaient que les deux employés quittent le véhicule et convoient les fonds ensemble en l'absence d'un employé du client. En conséquence, il ne restait personne dans le véhicule.

[18] L'agent de santé et de sécurité Marion a déclaré que son travail était d'établir si les circonstances entourant le refus de travailler correspondaient à la définition du danger qu'on trouve dans la partie II du Code canadien du travail. À cet égard, il a observé que ce type d'emploi comportait toujours des risques. Il était d'avis que le danger est une condition de travail normale quand :

  • c'est une caractéristique permanente d'un emploi;
  • c'est une caractéristique essentielle d'un emploi;
  • les tâches à accomplir causeraient probablement des blessures si on ne prenait pas de précautions spéciales à cet effet;
  • il subsiste un danger, nonobstant les méthodes employées pour accomplir le travail.

[19] Par suite de son enquête, l'agent de santé et de sécurité Marion a conclu à l'absence de danger pour C. Brazeau ou B. Martin pour les raisons suivantes :

  • les gardes avaient reçu une formation de Securicor qu'il estimait adéquate sur les procédures d'une équipe sans chauffeur de deux personnes et sur le véhicule de série S;
  • Securicor lui avait fourni une étude des incidents violents survenus en Ontario au cours des dix dernières années. Le document montrait que le nombre relatif d'incidents était peu élevé. Il a observé que C. Brazeau et B. Martin n'avaient souvenir que de 2 ou 3 vols au cours des six dernières années, dont un seul avait entraîné des blessures pour un employé;
  • Securicor lui avait fourni un rapport d'évaluation des risques préparé par l'entreprise démontrant que les employés du quart de jour couraient un plus grand risque que ceux du quart de nuit;
  • malgré le fait que les équipes comptaient sur le chauffeur pour les avertir d'une tentative de vol, sa présence n'empêchait pas le vol de survenir. En cas de vol, les employés avaient pour directives de coopérer avec les voleurs [pour réduire les risques de blessures];
  • le véhicule de série S est muni de dispositifs de sécurité qui empêchent un voleur de s'enfuir avec ou de s’emparer du chargement;
  • les procédures de Securicor réduisent le risque d'incidents et, par conséquent, de blessures. Le risque qui subsiste est inhérent au travail.

[20] À l'audience, l'agent de santé et de sécurité Marion a confirmé pour Mme Gilbert qu'à son avis, le fait que Securicor ait modifié le premier arrêt de C. Brazeau et de B. Martin ou modifié le nombre d'équipiers en éliminant le chauffeur, n'était pas pertinent et n'était pas intervenu dans sa décision. Il a déclaré qu'il avait seulement tenu compte des circonstances observables au moment de son enquête.

[21] L'agent de santé et de sécurité n'était pas d'accord avec elle pour dire que le rôle d'un chauffeur était d'assurer une surveillance, mais il croyait comme elle que le chauffeur pouvait avertir ses coéquipiers des situations suspectes et quitter les lieux. Comme elle, il pensait aussi que le chauffeur pouvait, le cas échéant, utiliser le fourgon comme arme ou bouclier pour aider le garde et le messager. Toutefois, il a observé que les employés ne s'étaient rappelés que de deux fois où cela s’était produit.

[22] L'agent de santé et de sécurité Marion s'entendait avec Mme Gilbert pour dire qu'il aurait été difficile pour les employés de coopérer entièrement avec d'éventuels voleurs, car le véhicule de série S comportait des dispositifs qui empêchent quiconque de pénétrer dans le véhicule ou d'accéder à son chargement. Il a également confirmé que Securicor n'avait pas effectué d'analyse des risques de la banque desservie par C. Brazeau et B. Martin et que ceux-ci disposaient chacun d'un téléphone cellulaire et d'une radio bidirectionnelle.

[23] L'agent de santé et de sécurité Marion a confirmé à C. Peterson qu'il savait que le chauffeur d'une équipe de trois ne pouvait pas quitter le véhicule en cas de tentative de vol, même pour aider le messager et le garde, et qu'il y avait un point au‑delà duquel celui-ci ne pouvait plus voir ses collègues dans l'édifice.

[24] Il était aussi d'accord avec C. Peterson pour dire :

  • qu'une équipe de deux personnes pouvait examiner les lieux avant que le garde ne descende du véhicule en faisant le tour du pâté de maisons et en utilisant les fenêtres et les caméras du véhicule;
  • qu'en l'absence d'un chauffeur, un éventuel malfaiteur ne pouvait plus s'en prendre à lui pour qu'il ouvre le fourgon, ce qui réduit le risque qu'un messager ou un garde soit pris en otage;
  • qu'il est normal, pour une équipe de convoyeurs de fonds par fourgon blindé, de travailler dans des endroits où des clients vont et viennent;
  • qu'il est aussi normal, pour une équipe de convoyeurs de fonds par fourgon blindé, de pénétrer dans des endroits hors de son champ de vision;
  • que C. Brazeau et B. Martin avaient échangé leurs téléphones cellulaires avec l’équipe dont ils avaient pris le relais, de sorte que le téléphone qui était tombé en panne deux heures plus tard n'était pas celui qu'on leur avait remis au départ;
  • qu'en tout temps, les équipes pouvaient retourner à leur base pour y prendre de nouvelles piles;
  • que le véhicule de série S était muni de détecteurs pour déceler toute tentative de sabotage du véhicule et d'un téléavertisseur à bord pour alerter, le cas échéant, le garde et le messager, ainsi que le répartiteur de Securicor.

Observations écrites - appelants4

4 Les appelants ont présenté des observations séparées pour chacune des trois situations de refus de travailler. Hormis certains détails particuliers à chacune affaires, les observations étaient, dans l'ensemble, très semblables. On a noté des différences dans les témoignages individuels.

[25] Dans les observations écrites présentées à l'agent d’appel avant l'audience dans chacune des trois affaires, les appelants m'ont demandé de renverser les décisions des agents de santé et de sécurité Marion et Hubert selon lesquels il y avait absence de danger pour les six employés qui ont refusé de travailler. Ils ont soutenu que les agents n'avaient pas tenu compte de toute l'information qu'on leur a fournie, mais qu'ils s'étaient basés sur des données non pertinentes ou inexactes concernant les refus de travailler. En outre, les auteurs des observations n'étaient pas d’accord avec l'interprétation et l'application du Code faites par les agents de santé et de sécurité Marion et Hubert relativement aux refus de travailler.

[26] Plus spécifiquement, les appelants soutenaient, dans leurs observations, que les agents de santé et de sécurité n'avaient pas tenu compte des déficiences du programme de prévention de Securicor dans les quatre aspects suivants :

  • l'importance du chauffeur;
  • les communications;
  • la formation;
  • l’évaluation des risques et les statistiques sur les vols.

[27] Selon les observations, le chauffeur d'un fourgon blindé était essentiel à la santé et à la sécurité du garde et du messager, car il veillait à la sécurité de chacun lors des arrêts. Les employés qui ont refusé de travailler ont soutenu que selon la culture de l'industrie, le chauffeur veillait sur le garde, le garde veillait sur le messager, et la santé et la sécurité du chauffeur étaient protégées par le véhicule, seul endroit sécuritaire pendant un arrêt.

[28] Plus particulièrement, le chauffeur protégeait le garde et le messager en assurant la surveillance des lieux à l'arrière et à la gauche du véhicule tandis que le garde en sortait pour voir si la voie était libre entre le véhicule et l'édifice du client. Une fois cette vérification faite, le messager sortait du véhicule et entrait dans l'édifice. Quand le garde devait ressortir de chez le client pour voir si le messager pouvait retourner sans danger au véhicule, le chauffeur pouvait l'avertir de toute présence ou activité suspecte dans les environs pendant que le garde sortait de l'édifice pour prendre son poste. On a signalé que certains arrêts pouvaient exiger quarante-cinq minutes et plus.

[29] Les appelants soutenaient qu'une fois le garde et le messager dans l'édifice et hors de la vue du chauffeur, celui-ci continuait de surveiller les lieux. Si quelque chose de suspect attirait son attention, il pouvait avertir le garde et le messager de demeurer à l'intérieur, utiliser le véhicule pour examiner les environs ou appeler des renforts policiers à l'aide du téléphone cellulaire du véhicule. Pour appuyer leurs dires, les employés se sont reportés aux procédures Securicor qui exigent que les chauffeurs restent constamment sur le qui‑vive. Ils ont également cité un avis de Securicor rappelant aux chauffeurs de demeurer vigilants. Tous les employés qui ont refusé de travailler ont déclaré que leur chauffeur les avait avertis de la sorte en de nombreuses occasions.

[30] Selon les observations des appelants, les chauffeurs étaient en outre essentiels parce qu'ils maintenaient une communication radio bidirectionnelle avec les autres membres de l'équipe pendant que ceux-ci étaient à l'intérieur de l'édifice. Ainsi, le garde et le messager pouvaient lui signaler toute activité suspecte et passer en mode « micro ouvert » au besoin. Ce mode permettait au chauffeur d'entendre les échanges entre le garde et le messager et de savoir ce qui se passait de leur côté. Si le chauffeur entendait quelque chose de suspect, il pouvait appeler la police ou une ambulance. Les employés qui ont refusé de travailler ont confirmé que, par le passé, ils s’étaient fiés au chauffeur et à leurs radios bidirectionnelles et affirmaient qu'il leur serait extrêmement difficile de demander de l'aide au moyen d'un téléphone cellulaire, trop peu accessible et maniable pendant une tentative de vol. Ils ont aussi soutenu qu'un téléphone cellulaire ne compensait pas l'absence de chauffeur en raison de son manque de fiabilité. Ils ont signalé qu'il existait des zones mortes pour la téléphonie cellulaire un peu partout dans Ottawa et dans les circuits à l'extérieur de la ville, et que les piles des téléphones se déchargeaient souvent pendant les quarts de travail.

[31] De plus, les appelants soutenaient que le dispositif d'alarme déclenchable par les équipiers et installé par Securicor après le refus de travailler de C. Brazeau et de B. Martin, ne remplaçait pas le chauffeur. Ce dispositif, servant à déclencher à distance l'alarme audible du fourgon ou l'alarme silencieuse au répartiteur de Securicor, exigeait que le travailleur ait le fourgon directement en vue.

[32] Les employés ont également signalé que le chauffeur savait combien de temps durait normalement chacun des arrêts et s'informait auprès du garde et du messager de la raison d'un éventuel retard. Cela lui permettait de réagir plus rapidement si le garde et le messager étaient attaqués ou blessés.

[33] Selon les données fournies, Securicor permettait à ses chauffeurs d'avertir le répartiteur en cas de vol et de lui demander l'autorisation de quitter les lieux pour protéger le contenu du véhicule. Toutefois, sans chauffeur, une équipe de deux personnes, aurait été obligée de convaincre les agresseurs qu'il leur était impossible de désactiver les dispositifs de sécurité du véhicule pour libérer l'accès aux biens transportés. Les employés qui ont refusé de travailler se sont tous plaints de ne pas avoir reçu d'instructions ou de formation de Securicor sur la manière de convaincre d'éventuels voleurs.

[34] Les appelants ont aussi déclaré que le chauffeur était essentiel à leur santé et à leur sécurité, car il pouvait utiliser le véhicule comme une arme ou un bouclier pendant une tentative de vol.

[35] En outre, les appelants ont indiqué qu'il leur était possible de stationner le véhicule près de l'entrée de l'édifice que si un chauffeur restait dans le véhicule, car il était parfois nécessaire de déplacer le fourgon pour ne pas entraver la circulation. Sans chauffeur, les équipes devaient parfois se stationner à une plus grande distance de l'entrée de l'édifice. Cette distance et la difficulté accrue que posait la nécessité de s'assurer que la voie est libre de dangers exposaient le garde et le messager à de plus grands risques. Ce risque était aggravé par l’inefficacité du dispositif d’alarme déclenchable par les équipiers s'il y avait des obstacles entre eux et le véhicule.

[36] Ils ont aussi observé que le passage d'une équipe de trois à une équipe de deux personnes créait un niveau de danger inacceptable, car la formation relative au convoi de fonds par véhicule fournie par Securicor n'abordait pas la protection du garde en l'absence de chauffeur et les mesures à prendre en cas de prise d’otage. Les employés qui ont refusé de travailler affirmaient de façon catégorique que la formation fournie pas Securicor avait été menée à la hâte et que, contrairement à la séance à laquelle avait assisté l'agent de santé et de sécurité Marion, les employés n'y avaient eu que brièvement l'occasion de voir les procédures de sécurité de Securicor intitulées « Security Directive #S 03/02 – Reduced Crewing Procedures – CIT S‑Series Armoured Vehicle Crewing ». Les auteurs des observations ont répété que les employés qui avaient refusé de travailler n’avaient pas eu le temps de comprendre et d'assimiler les instructions et la formation.

[37] Enfin, ils soutenaient que l'évaluation des risques et les statistiques sur les incidents violents de Securicor fournies à l'agent de santé et de sécurité Marion étaient incorrectes, trompeuses et incomplètes.

[38] D'après les appelants, l'évaluation des risques était incorrecte pour les raisons suivantes :

  • elle ne tenait pas compte des zones mortes impliquant la téléphonie cellulaire ou du fait que les piles des radios bidirectionnelles tombaient souvent en panne;
  • elle ne tenait pas compte du fait que des appels d'urgence étaient restés sans réponse et que les caméras du véhicule de série S fonctionnaient souvent mal en hiver;
  • il était surprenant que Securicor ait établi des niveaux de risques aussi différents à des convoyages de fonds de jour dans les mêmes lieux selon qui s'agissait de convoyages de fonds commerciaux ou à des guichets automatiques, ou un niveau de risques moins élevé aux convoyages de fonds de nuit par rapport à ceux faits de jour au même endroit, particulièrement, si l'on considérait que le nombre de rondes de nuit avait augmenté de beaucoup;
  • elle ne tenait pas compte du fait que les arrêts pouvaient durer quarante-cinq minutes et plus.

[39] Les appelants soutenaient que les statistiques de Securicor sur les vols et les blessures étaient incorrectes parce qu'elle ne comprenaient pas les données sur Ottawa ou d'autres villes où on a dénombré de nombreux vols et tentatives de vol avec violence au cours des dix dernières années. À cet égard, ils ont produit des chiffres du Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ)5 indiquant les statistiques nationales suivantes sur les vols et les tentatives de vol :

5 Le CCSJ a indiqué que ses statistiques n'étaient pas nécessairement complètes, car ses données provenaient de seulement 159 services de police représentant 59 % du volume national des données sur les crimes. 
  • 2001 - 3;
  • 2000 - 6;
  • 1999 - 3;
  • 1998 - 8.

[40] En ce qui concernait particulièrement le refus de travailler de C. Brazeau et de B. Martin, les appelants indiquaient dans leurs observations écrites que Securicor avait demandé à l'équipe de modifier son premier arrêt. C'était une modification importante, car le stationnement normalement utilisé pour cet arrêt aurait pu être plein et, sans chauffeur, le garde et le messager auraient pu être forcés de stationner le véhicule à un pâté de maisons ou deux de l'entrée de l'édifice et de parcourir à pied cette distance avec les fonds à convoyer. En outre, ils n’auraient pas été en mesure d'utiliser le téléphone cellulaire, car l'endroit était dans une zone morte pour la téléphonie cellulaire.

[41] En conclusion, les appelants m'ont demandé d'annuler les décisions des agents de santé et de sécurité Marion et Hubert, de conclure à la présence d'un danger et de présenter une instruction à Securicor pour exiger :

  • qu'un chauffeur demeure dans le véhicule blindé en tout temps;
  • d'améliorer l'équipement de communication fourni aux équipes, y compris un nombre suffisant de radios portatives et de téléphones cellulaires et de piles chargées pour chacun des employés;
  • de réviser son programme de formation après consultation avec le syndicat pour faire en sorte que les employés reçoivent une formation complète et détaillée sur le véhicule de série S, y compris un volet sur la façon de garder le nouveau fourgon;
  • de satisfaire tout autre demande que les appelants ou l'agent d’appel jugent pertinente.

Observations écrites - Securicor6

6 Securicor a présenté des observations écrites distinctes pour chacun des trois refus de travailler. Malgré des différences particulières à chacune des situations, elles étaient assez semblables.

[42] Securicor a présenté une observation écrite à l'agent d’appel avant l'audience en réponse aux observations écrites des appelants. Je retiens les faits suivants de ce document.

[43] Securicor a affirmé qu'elle avait étudié à fond la conception du véhicule de série S en consultation avec un comité formé de représentant de la direction, du syndicat et des employés de Securicor. La consultation avait eu pour but d'améliorer la sécurité des employés et des fonds convoyés. Selon Securicor, le véhicule de série S finalement choisi était muni de dispositifs de sécurité de pointe pour protéger les fonds convoyés sans qu'il soit nécessaire qu'un employé (le chauffeur) reste dans le véhicule pendant les arrêts. Par exemple, si quelqu'un essayait de s'y introduire ou de l'endommager, les dispositifs de sécurité électroniques alertaient le répartiteur de Securicor et l'équipe au moyen d'un téléavertisseur pour signaler que le véhicule faisait l'objet d'une attaque et même qu'il était peut-être déplacé. Le répartiteur pouvait alerter ensuite la police. Securicor a ajouté que l'équipe pouvait également utiliser un appareil7 pour déclencher l'alarme à distance en cas de vol ou dans des circonstances dangereuses pour demander de l'aide par l'intermédiaire du répartiteur de Securicor.

7 C. Brazeau et B. Martin ne disposaient pas d'un appareil de déclenchement d'alarme, car on n'en a remis aux équipes qu'après leur refus de travailler.

[44] En outre, les convoyeurs de fonds disposaient d'un téléphone cellulaire pour avertir le répartiteur en cas d'attaque.

[45] Selon Securicor, le rôle principal du chauffeur qui demeurait dans le véhicule était de protéger les fonds et non de surveiller les lieux. Securicor a ajouté que le chauffeur devait parfois déplacer le véhicule afin de ne pas nuire à la circulation et ne pouvait donc assurer une surveillance constante. Pour soutenir cet argument selon lequel les chauffeurs n'avaient pas pour fonction de surveiller les lieux, Securicor a noté qu'elle avait observé des chauffeurs et qu'ils n'étaient pas toujours très attentifs. Elle a même rappelé une situation où un chauffeur ne s’était pas aperçu qu'un vol était en train d'être commis.

[46] Securicor a confirmé que les équipes devaient toujours s'assurer de pouvoir retourner au véhicule. Toutefois, Securicor a soutenu que le garde et le chef d'une équipe sans chauffeur de deux personnes pouvaient toujours omettre de s'arrêter quelque part s'ils estimaient que leur véhicule risquait d'être bloqué.

[47] Securicor a observé qu'à pratiquement tous les arrêts circulaient des piétons et des véhicules et que le garde et le messager devaient s'accommoder de cette situation. Elle a précisé que l'itinéraire était normalement établi d'avance, mais que le messager pouvait décider de le modifier si l'équipe estimait qu'un arrêt présentait des difficultés trop grandes. Les travailleurs n'avaient qu'à informer la direction des raisons de cette modification de l'itinéraire et à revenir plus tard.

[48] En ce qui concernait les communications, Securicor a soutenu que le téléphone cellulaire faisait partie de l'équipement courant de tous les travailleurs et était leur principal moyen de communication, qu’il y ait ou non un chauffeur qui demeure dans le véhicule. En plus du téléphone cellulaire, Securicor a répété qu'elle avait fourni à ses travailleurs des radios bidirectionnelles, un téléavertisseur et un dispositif de déclenchement d'alarme pour améliorer leur sécurité. Securicor a soutenu que ces dispositifs étaient les meilleurs sur le marché et qu’ils étaient fiables et efficaces.

[49] Securicor a déclaré que le véhicule de série S était équipé d'un chargeur de piles pour recharger les téléphones cellulaires pendant un quart de travail. Toutefois, les travailleurs pouvaient retourner à leur base pour prendre un nouveau téléphone cellulaire ou de nouvelles piles s'ils éprouvaient quelque problème que ce soit avec leurs téléphones cellulaires. En outre, le garde et le messager pouvaient toujours utiliser un téléphone normal sur les lieux de l'arrêt en cas de panne du téléphone cellulaire.

[50] Securicor a maintenu qu'elle n'avait jamais connu de situation où les travailleurs avaient été incapables de rejoindre le répartiteur en cas d'urgence. De plus, dans le passé, des appels au service 9-1-1 avaient été faits par tous les membres des équipes et généralement après le vol.

[51] Les observations écrites de Securicor indiquaient aussi qu'il n'y avait jamais eu d'incidents où des assaillants avaient pris les travailleurs en otage pour qu'on leur donne accès au véhicule, que le chauffeur ait ou non quitté les lieux. Securicor était d'avis que l'absence de chauffeur dans une équipe de deux améliorait la sécurité du garde et du messager, car elle rendait inutile la prise d’otages.

[52] Securicor n'a jamais vu de situation où un véhicule blindé avait servi à attaquer des assaillants, mais a admis que le véhicule pouvait servir de bouclier au garde et au messager.

[53] Securicor a répété que la formation fournie aux employés comprenait le fonctionnement du véhicule de série S et de ses dispositifs de sécurité de haute technologie, ainsi que les procédures révisées de Securicor. L'employeur a également soutenu que les procédures applicables à une équipe de deux personnes sans chauffeur étaient essentiellement les mêmes que les anciennes procédures prévues pour une équipe de trois personnes. Securicor a affirmé que c'était le rôle du garde, peu importe le nombre d’équipiers, de s'assurer que les lieux autour du véhicule étaient sécuritaires pour le messager. Securicor a argué que l'absence de chauffeur forçait simplement le garde à se montrer plus vigilant quand il examinait les lieux pour le messager. Securicor a répété que les travailleurs avaient pour directive de ne pas opposer de résistance aux assaillants et de leur remettre les biens convoyés.

[54] Securicor ne partageait pas l'avis des employés qui disaient n'avoir reçu que vingt à trente minutes de formation et que c'était nettement insuffisant. Securicor a répondu que B. Martin avait signé un document qui confirmait qu'il avait reçu une formation de quatre heures et qu'il l'avait jugée satisfaisante. Securicor a rappelé que l'agent de santé et de sécurité Marion avait confirmé que leur formation était adéquate. L'employeur a ajouté que les chefs de section avaient examiné les dispositifs de sécurité et le fonctionnement du véhicule de série S avec les travailleurs qui ont refusé de travailler immédiatement avant qu'ils commencent leur ronde pour s'assurer qu'ils connaissaient bien l'équipement.

[55] Securicor a déclaré que l'évaluation des risques pour 2002 avait été menée par les présidents du comité d'orientation de santé et de sécurité de Securicor. L’employeur a admis que l'évaluation des risques était une évaluation générale des types de lieux desservis, de l'équipement utilisé et de l'environnement habituel. Securicor a également admis que l'évaluation ne portait pas sur le type de véhicules servant à accomplir le travail, sur l'heure des arrêts ou sur les « zones mortes » pour la téléphonie cellulaire.

[56] Securicor a soutenu que les statistiques qu'elle avait présentées à l'agent de santé et de sécurité Marion confirmaient que les tentatives de vol étaient survenues pendant les rondes de convoyage de fonds commercial de jour plutôt que pendant les rondes de nuit des guichets automatiques. L’employeur a aussi noté qu'à Ottawa, on n'avait compté que six tentatives de vol : deux en 1993; deux en 1994 et deux en 1996. Securicor a ajouté qu'à Ottawa, aucun vol n'avait été commis au cours des huit dernières années. Securicor a observé que le reste du Canada avait connu une diminution semblable des vols. Enfin, Securicor a soutenu que cela faisait déjà huit ans qu’elle avait, sans problèmes, recours à des équipes de deux personnes pour alimenter d'urgence des guichets automatiques à Toronto, Montréal, Vancouver et Halifax.

[57] Securicor a soutenu que les statistiques sur les vols de fourgons blindés montraient que la majorité des attaques s'étaient produites entre l'édifice du client et le véhicule blindé, et qu’il était rare qu'elles aient lieu à l'intérieur de l'édifice. L'employeur a également soutenu que les statistiques de l'industrie prouvaient aussi que les travailleurs n'avaient pas eu la possibilité d'utiliser un téléphone standard, un téléphone cellulaire, une radio bidirectionnelle ou un autre dispositif de communication avant que les assaillants aient quitté les lieux. Securicor a déclaré n'avoir subi qu'une seule attaque en plus de 64 000 arrêts à Ottawa et en a conclu que les risques de vol et de blessure grave étaient rares.

[58] Enfin, Securicor a déclaré que les vols étaient un risque inhérent à l'industrie des véhicules blindés et une condition de travail normale. Les employés savaient parfaitement que cela risquait de leur arriver un jour ou l'autre. Securicor a ajouté que la preuve d'une augmentation du risque de vol devait provenir de renseignements vérifiables, comme des rapports de police. Autrement, il était impossible de prévoir quoi que ce soit.

[59] Securicor a expliqué que, dans le cas de C. Brazeau et de B. Martin, on avait modifié leur itinéraire, car on avait prévu leur refus de travailler. Le premier arrêt demandé par Securicor permettait de réagir rapidement avec un impact minimum sur les activités et les clients de Securicor. B. Thoms a également confirmé que l'hôtel où ils avaient refusé de travailler n'était pas leur premier arrêt habituel et qu'ils y étaient allés uniquement parce que Securicor le leur avait demandé.

Témoignage de B. Martin

[60] B. Martin était employé de Securicor depuis environ deux ans et demi et avait travaillé précédemment chez Pickerton pendant environ sept ans et demi. À Securicor, il avait été garde, messager et chauffeur pour divers itinéraires et quarts de travail.

[61] B. Martin a déclaré avoir maintenu son refus de travailler dans la soirée du 30 septembre 2002, après le départ des personnes suspectes, car il n'y avait pas de chauffeur pour demeurer dans le véhicule pendant l'arrêt. B. Martin a répété les raisons données dans l' observation écrite expliquant pourquoi la présence d'un chauffeur était essentielle à la santé et à la sécurité du garde et du messager.

[62] En outre, B. Martin a déclaré qu'il n'était pas satisfait de la formation fournie par Securicor sur le véhicule de série S et les procédures à suivre par une équipe de deux personnes sans chauffeur. Selon B. Martin, la lettre du 2 octobre 2002 de T. White à l'agent de santé et de sécurité Marion concernant les points enseignés était incorrecte, car le point 3 (utilisation du véhicule de série S) n'avait été abordé qu'en partie et le point 4 (directives à l'intention du garde et procédures de Securicor pour une équipe de deux personnes sans chauffeur) n’avait pas été couvert du tout.

[63] Selon la déclaration écrite de C. Brazeau, la taille de la classe était trop grande et les véhicules trop peu nombreux. En conséquence, la formation relative au véhicule n'avait duré qu'une trentaine de minutes. De plus, chacun des participants n'avait disposé que de dix à quinze minutes de formation réelle et de cinq minutes pour lire le document décrivant les dispositifs de sécurité du véhicule de série S.

[64] Pendant le chargement du fourgon, le superviseur Potvin a dû leur rappeler comment monter dans le fourgon et en descendre et comment le mettre en mode de convoyage de fonds.

[65] B. Martin a confirmé qu'il disposait d'une radio bidirectionnelle et d'un téléphone cellulaire quand il a refusé de travailler.

[66] En réponse à C. Peterson, B. Martin a admis que le garde et le messager devaient normalement, pour accéder aux guichets automatiques, entrer dans des édifices et traverser des endroits, comme banques ou des mails de centres commerciaux, où il ne leur était pas possible de s'assurer hors de tout doute que la voie était libre. B. Martin a confirmé qu'il avait travaillé le soir précédent dans une équipe de trois personnes avec un véhicule de série S et qu'il n'avait pas refusé de travailler parce qu'il ne pouvait être certain que la voie était libre.

Refus de travailler de B. Woods et de B. Thoms

Rapport d'enquête et témoignage de l'agent de santé et de sécurité Hubert

[67] L'agent de santé et de sécurité Hubert a présenté une copie de son rapport sur le refus de travailler de B. Thoms et de B. Woods et a témoigné aux audiences. Je retiens les points suivants de son rapport daté du 7 février 2003, et de son témoignage.

[68] Le 15 janvier 2003, B. Thoms et B. Woods, travaillant au quart de jour, avaient reçu pour tâche de desservir un guichet automatique situé dans un hôtel d'Ottawa. Il ne s'agissait pas pour eux d'une chose inhabituelle, mais ce jour‑là, on les avait informés qu'ils allaient travailler en équipe de deux personnes sans chauffeur avec un véhicule de série S. Securicor leur avait fourni un téléavertisseur qui se déclenchait si on touchait au véhicule en leur absence, ainsi qu'un dispositif de déclenchement d'alarme audible dans le véhicule et une alarme silencieuse reliée à une station de police grâce à un système téléphonique GPS. Les directives antérieures qu'ils avaient reçues relativement au fonctionnement d'une équipe de deux personnes sans chauffeur et au véhicule de série S n'avaient duré que 25 à 30 minutes.

[69] Ils ont dit à l'agent de santé et de sécurité Hubert qu'ils n'avaient pu utiliser la place de stationnement habituelle quand ils sont arrivés à l'hôtel ce jour-là. Pour utiliser la place de stationnement normale, il aurait fallu qu'un chauffeur demeure dans le véhicule pour déplacer le fourgon et laisser la place aux autobus de tourisme desservant les clients de l'hôtel. La direction de l'hôtel avait suggéré qu'ils se stationnent dans une autre rue, à côté de l'hôtel, mais B. Thoms et B. Woods trouvaient cette solution insatisfaisante, car ils ne pouvaient s'assurer que la voie était bien libre entre le véhicule et l'entrée de l'hôtel avant de quitter le fourgon et devaient parcourir à pied une trop grande distance avec l'argent à la main. On leur a alors suggéré de se stationner dans la cour avant de l'hôtel. Cela s’est toutefois révélé inacceptable, car d'autres véhicules pouvaient se stationner derrière le fourgon et lui couper toute possibilité de fuite en cas de vol. En fait, le fourgon s'est trouvé bloqué deux fois pendant l'arrêt.

[70] Toutefois, les employés ont déclaré à l'agent de santé et de sécurité Hubert qu'ils craignaient surtout d'être attaqués à l'extérieur du véhicule blindé, car il n'y avait pas de chauffeur pour prendre la fuite en cas de vol. Dans les circonstances, il leur aurait fallu convaincre les assaillants qu'il leur était impossible de forcer le système de sécurité du véhicule de série S protégeant le véhicule et son chargement. B. Thoms et B. Woods ont également déploré :

  • n'avoir jamais reçu de formation de Securicor sur les procédures relatives aux équipes de deux personnes sans chauffeur;
  • que les téléphones cellulaires ne fonctionnaient pas la moitié du temps;
  • qu'il ne leur avait pas été possible d’obtenir facilement des vestes pare-balles;
  • que les gaz d'échappement pénétraient dans le véhicule blindé quand on laissait tourner le moteur.

[71] Dans leur formulaire, les deux employés avaient décrit très succinctement la raison de leur refus de travailler :

Refus de travailler en raison de conditions de travail dangereuses.

[72] La direction de Securicor avait déclaré à l'agent de santé et de sécurité Hubert que B. Thoms et B. Woods avaient dit comprendre, à leur superviseur, l'information qu'il leur avait donnée au début du quart de travail sur l'utilisation du téléavertisseur et du dispositif de déclenchement d’alarme à distance. Securicor avait également dit à l'agent de santé et de sécurité Hubert que le téléavertisseur et le dispositif de déclenchement d’alarme à distance avaient été testés avec soin le jour précédent.

[73] En ce qui concernait le stationnement à l'hôtel, Securicor avait soutenu que B. Thoms et B. Woods étaient des employés expérimentés et savaient que la politique de Securicor permettait aux travailleurs de remettre un arrêt à plus tard s'ils estimaient qu'il y avait danger.

[74] Securicor avait répété à l'agent de santé et de sécurité Hubert qu'il y avait un chargeur pour les piles du téléphone cellulaire dans le fourgon, et que l'utilisation d'une veste pare-balles était laissée à la discrétion des employés.

[75] L'agent de santé et de sécurité Hubert a observé que le véhicule était stationné à l'hôtel dans un endroit où il était impossible de déplacer le véhicule de série S quand un autre véhicule était stationné derrière. Il a ensuite observé :

  • que l'hôtel n'était pas très occupé;
  • que l'entrée de l'hôtel était libre d'obstacles;
  • que le secteur était bien éclairé par la lumière du jour;
  • que le vestibule était vaste;
  • qu'il était possible de voir les environs immédiats de l'hôtel, car l'entrée principale de l'hôtel et les murs étaient en grande partie vitrés.

[76] Toutefois, l'agent de santé et de sécurité Hubert a confirmé qu'il était difficile de voir le vestibule de l'hôtel à partir du véhicule blindé stationné dans la nouvelle place de stationnement.

[77] L'agent de santé et de sécurité Hubert a déclaré que B. Thoms et B. Woods lui avaient dit qu'ils avaient activé accidentellement leur dispositif de déclenchement d’alarme à distance et que Securicor n'avait enregistré aucun déclenchement de l'alarme silencieuse. L'agent de santé et de sécurité Hubert a également déclaré qu'il n'était pas convaincu que l'absence d'un chauffeur demeurant dans le véhicule pendant un arrêt augmentait le risque couru par le garde et le messager. Il a soutenu que le danger était inhérent au travail.

[78] Après avoir terminé son enquête, l'agent de santé et de sécurité Hubert a décidé qu'il y avait absence de danger pour B. Woods ou B. Thoms au‑delà du danger inhérent à ce type de travail, car il ne se passait rien d'anormal ou d'inhabituel sur les lieux.

Témoignage de B. Thoms

[79] B. Thoms était employé de Securicor depuis 8 ans et avait travaillé chez Loomis Security avant de se joindre à Securicor. Chez cet employeur, il avait fait partie de six équipes de nuit différentes en qualité de chauffeur, de garde ou de messager et de deux équipes de jours comme chauffeur, garde ou messager. On a noté que B. Woods, qui avait accompagné B. Thoms au moment du refus de travailler, ne travaillait plus à Securicor et n'allait pas témoigner.

[80] B. Thoms a répété que, selon les usages établis dans l'industrie des véhicules blindés, chacun devait être protégé par quelqu'un d'autre ou quelque chose. Plus précisément, le messager était protégé par le garde, le garde par le chauffeur et le chauffeur par le fourgon.

[81] B. Thoms a aussi déclaré que le chauffeur pouvait prendre des mesures préventives s'il observait un activité suspecte, comme une tentative de vol, par exemple :

  • appeler la police;
  • quitter les lieux;
  • utiliser le véhicule pour protéger le garde et le messager;
  • utiliser le véhicule comme une arme.

[82] En rapport avec cela, B. Thoms a témoigné que, dans le domaine du convoyage de fonds, on estimait que le départ du véhicule en cas de vol décourageait les voleurs de poursuivre leur agression ou de prendre des otages.

[83] Selon B. Thoms, le véhicule de série S a fait son apparition à Securicor en novembre 2002 et les deux travailleurs étaient impatients d'essayer le véhicule de série S et ses nouveaux dispositifs de sécurité. Ils ne s'inquiétaient pas du fait qu'ils n'avaient reçu qu'une demi-journée de formation avec ce véhicule, car ils avaient travaillé en équipe de trois personnes sur des rondes de réapprovisionnement sans itinéraires ou horaires fixes. Il a observé que les micros ouverts n'étaient plus utilisés avec le véhicule de série S.

[84] Durant leurs rondes avec un véhicule de série S et une équipe de trois personnes, l'alarme ne s'était pas déclenchée quand on avait dérangé le véhicule et le dispositif limitant l'accès au fourgon n'avait pas fonctionné correctement.

[85] Quand B. Thoms et B. Woods avaient utilisé le véhicule de série S dans une équipe de trois personnes, le temps moyen consacré aux arrêts à des guichets automatiques était de quinze minutes. Ils pouvaient communiquer par radio bidirectionnelle avec le chauffeur demeuré dans le véhicule, et celui‑ci disposait d'un téléphone cellulaire pour communiquer avec le répartiteur ou la police. Ainsi, B. Thoms affirmait que le chauffeur n'aurait pas laissé plus de trois minutes s'écouler avant de vérifier la situation du garde et du messager.

[86] Selon B. Thoms, les travailleurs sont arrivés au travail le 15 janvier 2003 croyant faire partie d'une équipe normale de trois personnes en ronde de réapprovisionnement. Au lieu de cela, le superviseur Potvin les a fait venir dans la salle de conférence et les a informés qu'ils allaient faire leur ronde de réapprovisionnement en équipe de deux personnes. Il leur a ensuite expliqué le fonctionnement du téléavertisseur et du dispositif de déclenchement d’alarme à distance utilisé alors pour la première fois à Securicor. La séance de formation a duré de quinze à vingt minutes et ils ont signé un formulaire de formation de Securicor attestant qu'ils avaient reçu la formation.

[87] En route vers l'hôtel, ils ont discuté de ce qu'ils feraient, sans chauffeur, en cas de vol. B. Thoms a répondu qu'il remettrait la charge aux voleurs, mais il s'est demandé comment il arriverait à convaincre les assaillants que les dispositifs de sécurité du véhicule empêchaient toute tentative d’entrée non autorisée dans le véhicule. B. Thoms a confirmé que Securicor ne leur avait donné aucune directive ou instruction à ce sujet. B. Thoms a soutenu que les dispositifs de sécurité du fourgon ne protégeaient que l'argent. Il a répété que le dispositif de déclenchement d'alarme à distance ne fonctionnait que si on se trouvait directement en vue du fourgon.

[88] B. Thoms a aussi déclaré qu'au moment de quitter la succursale de Securicor pour le premier arrêt le jour du refus de travailler, le dispositif de déclenchement d’alarme à distance était attaché par une chaîne à la ceinture du revolver. En s'assoyant accidentellement sur le dispositif, il a déclenché l'alarme. Toutefois, cela n'a provoqué aucune réaction du répartiteur de Securicor.

[89] Juste avant d'arriver au premier arrêt, B. Thoms et B. Woods ont communiqué avec l'hôtel pour savoir s'ils pouvaient toujours utiliser la place de stationnement en face de l'établissement. La direction de l'hôtel leur a recommandé de se stationner du côté de l'hôtel dans une autre rue, car la place de stationnement servait également aux autobus de tourisme.

[90] B. Thoms a déclaré que le stationnement du côté de l'hôtel était inacceptable, car il ne leur permettait pas de s'assurer que la voie était vraiment libre entre le véhicule et l'entrée de l'hôtel. Il a observé que la place de stationnement normale en face de l'hôtel permettait au chauffeur d'une équipe de trois personnes de voir l'intérieur du vestibule de l'hôtel et de quitter les lieux en cas de vol.

[91] B. Thoms et Woods ont alors appelé leur superviseur et refusé de travailler en déclarant que les conditions de travail étaient dangereuses.

[92] R. Potvin et T. White sont arrivés à l'hôtel et ont obtenu que le véhicule blindé utilise une place de stationnement dans la cour avant de l'hôtel, devant la façade. Toutefois, B. Thoms et B. Woods ont jugé cette solution inacceptable. Ils ont soutenu que si un véhicule se stationnait derrière le fourgon, il leur serait impossible de quitter l'hôtel. De plus, comme les vitres du salon en face du véhicule étaient teintées, ils ne pouvaient pas voir dans le vestibule de l'hôtel. B. Thoms et B. Woods ont maintenu leur refus de travailler et ont affirmé que l'absence d'un chauffeur augmentait le niveau de risque. B. Thoms a observé que le passage du fourgon avait été bloqué par des taxis à deux ou trois occasions pendant qu'ils attendaient l'agent de santé et de sécurité de DRHC. Quand l'agent de santé et de sécurité Hubert est arrivé, il a également stationné son véhicule derrière le fourgon.

[93] Par suite de la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité Hubert, B. Thoms et B. Woods ont effectué la livraison à l'hôtel. Toutefois, au moment de partir, l'alarme du véhicule s'est déclenchée, rendant impossible l'ouverture de la porte du fourgon servant à déposer l'argent. T. White a alors composé un code qui a corrigé la situation et il a remis ce code à B. Thoms et à B. Woods. Le répartiteur a communiqué avec eux au sujet de l'alarme environ cinq minutes plus tard.

[94] B. Thoms a convenu avec C. Peterson que le chauffeur d'une équipe de trois personnes ne pouvait pas toujours voir le garde et le messager, mais il a rappelé que les équipes de trois personnes mettaient leurs radios bidirectionnelles en mode de transmission ou « micro ouvert » pour permettre au chauffeur d'exercer une surveillance constante. On fermait le micro au moment où le garde et le messager étaient sur le point de quitter les lieux pour que le chauffeur puisse les informer de la situation à l'extérieur de l'édifice. B. Thoms a admis que, quand le micro était ouvert, le chauffeur ne pouvait communiquer avec le garde ou le messager pour les avertir d'un danger.

[95] B. Thoms était aussi d'accord avec C. Peterson pour dire qu'un chauffeur n'aurait pu exercer une surveillance constante à l'hôtel s'il avait dû déplacer le fourgon pour laisser passer les autobus, les taxis et les gens qui montaient ou descendaient des autobus. Il a aussi admis qu'un chauffeur ne pouvait pas tout voir à certains arrêts, comme quand le messager et le garde entraient dans un centre commercial.

[96] B. Thoms a admis qu'il était incapable de décrire à l'agent de santé et de sécurité Hubert une situation où quelque chose ou quelqu'un avait menacé sa sécurité. Il a confirmé qu'il n'avait jamais été victime d'un vol depuis qu'il travaillait à Securicor.

Refus de travailler d'A. Ozga et de P. Gour

Rapport d'enquête et témoignage de l'agent de santé et de sécurité Marion

[97] L'agent de santé et de sécurité Marion a présenté une copie de son rapport daté du 20 mars 2003 relativement au refus de travailler d'A. Ozga et de P. Gour et a témoigné aux audiences. Je retiens les points suivants de son rapport et de son témoignage.

[98] Selon l'agent de santé et de sécurité Marion, A. Ozga et P. Gour effectuaient leur premier arrêt en équipe de deux personnes sans chauffeur vers 22 h. Ils ont tous deux quitté leur véhicule et sont entrés dans la banque. Au moment de retourner à leur véhicule, ils ont refusé de sortir, car ils avaient passé environ une heure dans l'édifice et, en l'absence de chauffeur, il leur était impossible de savoir si quelqu'un les attendait dehors pour les attaquer.

[99] Ils ont ensuite avisé leur superviseur, C. K. Bradford, qu’ils refusaient de travailler. Ce dernier a organisé une enquête employeur-employés sur le refus de travailler. K. Bradford et D. Marinier, employés membres du comité de santé et de sécurité, sont arrivés pour évaluer les lieux. K. Bradford a déclaré que l'endroit était bien éclairé et qu'il n'y avait pas de circulation ou de véhicules dans le stationnement. Il a assuré à A. Ozga et à P. Gour que l'endroit était sécuritaire, mais ceux-ci ont maintenu leur refus de travailler. À ce stade, on a appelé un agent de santé et de sécurité.

[100] À l'arrivée de l'agent de santé et de sécurité Marion, A. Ozga et P. Gour se sont plaints que les conditions à l'extérieur étaient dangereuses en raison de l'absence de chauffeur. Ils ont soutenu qu'un chauffeur pourrait les aider en leur signalant toute présence suspecte dans le vestibule donnant accès au guichet automatique et en appelant la police et une ambulance s'ils étaient blessés durant un vol. Dans son formulaire de refus de travailler, A. Ozga a inscrit le commentaire suivant :

[TRADUCTION] Je croyais que l'absence de chauffeur à l'extérieur de la banque pour me dire qui s'y trouve entraîne un danger pour mon partenaire et moi. Sans chauffeur, nous n'avons aucun contact avec l'extérieur.

[101] Dans son formulaire de refus de travailler, P. Gour a inscrit le commentaire suivant :

[TRADUCTION] Refusé de quitter les lieux s'il est impossible de communiquer avec quelqu'un (le chauffeur) à l'extérieur de l'édifice pour nous assurer de ne pas être surpris par des agresseurs et même si mon garde est à l'extérieur, je veux que quelqu'un se trouve dans un endroit sûr pour appeler des secours au besoin.

[102] Durant son enquête, l'agent de santé et de sécurité Marion a noté que les guichets automatiques, à la banque, étaient situés à l'intérieur du vestibule de l'édifice. On accédait à la banque par une grande porte coulissante de verre transparent mesurant environ 8 pieds de hauteur sur 6 pieds de largeur. Comme la porte permettait à A. Ozga et à P. Gour de bien voir les guichets automatiques dans le vestibule, et que l'éclairage était adéquat, il a soutenu qu'A. Ozga et P. Gour auraient pu retourner dans la banque et attendre que la personne s'en aille. Après, le garde n'aurait eu qu'à suivre les procédures de Securicor et sortir pour s'assurer que la voie était libre. L'agent de santé et de sécurité Marion a conclu à une absence de danger en cet endroit au moment de son enquête.

[103] L'agent de santé et de sécurité Marion a aussi déclaré qu'A. Ozga et P. Gour avaient affirmé avoir reçu une formation sur les procédures à suivre pour une équipe de deux personnes sans chauffeur, mais qu’elle n’avait duré qu'une vingtaine de minutes. K. Bradford leur avait consacré environ dix minutes pour leur expliquer le fonctionnement du téléavertisseur et du dispositif de déclenchement d’alarme à distance.

[104] L'agent de santé et de sécurité Marion a convenu avec Mme Gilbert que c'était le transport de l'argent par les gardes qui faisait naître le risque de vol et de blessures et que le risque de vol était constant. Comme elle, il croyait aussi que le risque de blessures résultant d'un vol était inhérent au travail de garde.

[105] L'agent de santé et de sécurité Marion a conclu à une absence de danger pour A. Ozga ou P. Gour au‑delà du danger normalement associé à ce type d'activité, car l'endroit ne présentait aucune circonstance anormale ou inhabituelle. Il a soutenu que le chauffeur contribuait à la sécurité, mais que les procédures de Securicor tenaient compte de son absence.

[106] Durant l'interrogatoire de C. Peterson, l'agent de santé et de sécurité Marion a déclaré :

  • qu'un chauffeur demeurant dans le véhicule durant un arrêt pouvait souvent perdre de vue le garde et le messager;
  • qu'il n'avait pas entendu parler d'un refus de travailler parce que le chauffeur, demeurant dans le véhicule, aurait perdu de vue le garde ou le messager;
  • qu'un chauffeur demeurant dans le véhicule durant un arrêt n'avait pas le droit de descendre du véhicule pour aider le garde ou le messager. Le chauffeur pouvait, toutefois, quitter les lieux avec le véhicule pour décourager toute prise d'otage;
  • que ni A. Ozga ni P. Gour n'avaient pu lui citer une situation où ils avaient été victimes de vol;
  • que lorsque les travailleurs constataient une présence suspecte à un arrêt, ils pouvaient passer outre et revenir plus tard, ou attendre dans le fourgon le départ du suspect;
  • que le garde d'une équipe de deux personnes sans chauffeur pouvait utiliser le dispositif de déclenchement d’alarme à distance pour activer l'alarme sonore du véhicule ou l'alarme silencieuse avertissant le répartiteur de Securicor;
  • que le garde avait reçu une formation pour assumer sa responsabilité de protecteur du messager qu'il travaillait dans une équipe de deux ou de trois personnes;
  • qu'A. Ozga ou P. Gour avaient accès à un téléphone normal à l'intérieur de la banque avec lequel ils pouvaient demander de l'aide en cas de doute;
  • que les statistiques relatives aux vols citées par A. Ozga ou P. Gour montraient que personne n'avait subi de blessure consécutive à un vol depuis 1994;
  • que l'absence de chauffeur dans le véhicule posait problème au garde et au messager parce que personne ne pouvait les avertir d'un danger ou appeler la police pendant qu'ils se déplaçaient entre leur véhicule et la banque;
  • que le chauffeur et le messager avaient reçu de Securicor la directive de collaborer entièrement avec d’éventuels voleurs;
  • que les statistiques que Securicor lui avait fournies durant son enquête indiquaient que le nombre de vols était peu élevé;
  • qu'au 4 mars 2003, Securicor avait fourni à ses équipes un téléavertisseur pour alerter les gardes que quelqu’un s'en était pris au fourgon, et un dispositif de déclenchement d’alarme à distance capable d'activer une alarme sonore dans le véhicule ou une alarme silencieuse pour alerter le répartiteur de Securicor;
  • que le dispositif de déclenchement d’alarme à distance ne fonctionnait pas s'il y avait des obstacles entre les travailleurs et le véhicule.

[107] En réponse aux questions posées ensuite par Mme Gilbert, l'agent de santé et de sécurité Marion a déclaré :

  • qu'un chauffeur demeurant dans le véhicule durant un arrêt pouvait quitter les lieux avec le fourgon durant un vol et, du même coup, éliminer la raison d'une prise d'otage;
  • qu'un chauffeur demeurant dans le véhicule durant un arrêt pouvait utiliser le véhicule comme arme ou bouclier pour protéger le garde et le messager à l'extérieur du véhicule en cas de vol.

Témoignage d'A. Ozga

[108] Le 26 juin 2003, P. Gour a écrit au Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail et a retiré son appel de la décision de l'agent de santé et de sécurité Marion, car il n'était plus employé de Securicor. Le retrait de son appel a été accepté.

[109] A. Ozga était employé de Securicor depuis quatre ans. Auparavant, il avait été travaillé chez Pinkerton Security. Il a déclaré qu'il avait travaillé chez Securicor en qualité de chauffeur et de messager et qu'il connaissait bien toutes les fonctions. Il a expliqué que Securicor assignait les arrêts pour un quart de travail donné, mais qu'il revenait aux équipes d'en établir l'ordre pour en faciliter l'exécution et terminer la ronde avant la fin du quart de travail.

[110] A. Ozga a expliqué l'expression « convoyage de fonds » et a décrit les exigences du travail de jour et de nuit. Il a expliqué que, pendant les rondes de réapprovisionnement de nuit, l'itinéraire n'était pas établi et que les guichets automatiques étaient desservis à mesure que les appels arrivaient. Avant la nuit du refus de travailler, A. Ozga et son collègue avaient fait la même ronde pendant plusieurs mois en équipe de trois personnes avec un véhicule de série S.

[111] Quand ils sont arrivés au travail, le 4 mars 2003, le superviseur Bradford les avait informés qu’ils feraient leur ronde en équipe de deux personnes sans chauffeur avec un véhicule de série S. A. Ozga s'est plaint de ne pas avoir reçu de formation sur les procédures de Securicor relativement au travail en équipe de deux personnes sans chauffeur avec un véhicule de série S, ou relativement à l'utilisation d'un téléavertisseur. Le superviseur Bradford a montré à A. Ozga et P. Gour comment utiliser le téléavertisseur et leur a fait signer un formulaire confirmant qu'ils avaient reçu cette information. A. Ozga et P. Gour ont répondu que le travail sans chauffeur demeurant dans le véhicule augmentait les risques qu’ils couraient parce que le chauffeur assurait une surveillance pendant les arrêts et pouvait les informer de toute situation suspecte et vérifier avec eux s'ils étaient retardés. Malgré les réserves qu'ils ont émises, ils ont commencé leur quart de travail.

[112] À leur premier arrêt, A. Ozga et P. Gour sont entrés dans la banque, ils sont allés dans la pièce des guichets automatiques et ont effectué la visite en environ une heure. Au moment de partir, ils sont allés jusqu'aux portes coulissantes menant au vestibule et se sont rendu compte qu'ils n'avaient aucun moyen de savoir ce qui les attendait à l’extérieur. Ils sont revenus à la pièce des guichets automatiques et ont utilisé le téléphone qui s'y trouvait pour aviser le superviseur Bradford de leur refus de travailler.

[113] Quand le superviseur Bradford est allé à la banque avec D. Marinier pour enquêter sur le refus de travailler, il a examiné les lieux et a informé A. Ozga et P. Gour qu'ils pouvaient sortir sans danger. Néanmoins, les deux employés ont maintenu leur refus de travailler. Le superviseur Bradford a ensuite appelé un agent de santé et de sécurité pour qu'il vienne résoudre le problème.

[114] L'agent de santé et de sécurité Marion est arrivé quelques heures plus tard et a enquêté sur le refus de travailler. Après son enquête, il a conclu à une absence de danger. Selon A. Ozga, l'agent de santé et de sécurité Marion a déclaré que le danger lié à l'inconnu était normal pour un employé engagé pour transporter de l'argent dans un véhicule blindé. Les employés auraient dû être en train de se faire voler pour qu'il y ait danger.

[115] A. Ozga a soutenu que l'ignorance de la situation constituait un danger et s'est dit d'avis que les zones non visibles à l'intérieur d'une banque ou d'un établissement étaient moins dangereuses que celles situées entre le véhicule et l'édifice. Il a déclaré que le chauffeur montait la garde et pouvait surveiller les situations suspectes, appeler la police, avertir le garde par radio de demeurer dans l'édifice et prendre des mesures avec le véhicule pour éviter les prises d'otage.

[116] Selon A. Ozga, le téléavertisseur et le dispositif de déclenchement d’alarme à distance ne remplaçaient pas le chauffeur, ils ne fonctionnaient que si le garde était physiquement en mesure de les activer. S’il se trouvait blessé durant un vol avant de déclencher l'alarme, personne ne le saurait et n'appellerait à l'aide.

[117] A. Ozga était d'accord avec C. Peterson pour dire que le dispositif de déclenchement d’alarme à distances fourni par Securicor aurait pu servir à activer l'alarme sonore du véhicule ou pour aviser le répartiteur d'un vol grâce à l'alarme silencieuse, mais il a répondu que toute tentative d'activer un dispositif manuel de déclenchement d’alarme à distance attaché à sa ceinture aurait pu provoquer une attaque personnelle. Même s'il avait pu activer le dispositif de déclenchement d’alarme à distance, il aurait fallu compter dix à quinze minutes avant que le répartiteur de Securicor y réponde.

[118] A. Ozga s’entendait également avec C. Peterson pour dire que les zones non visibles étaient nombreuses entre le véhicule et la salle des guichets automatiques en passant par le vestibule, et que cela faisait partie du travail. Mais il était d'avis que l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule et surveillant la situation ajoutait une zone non visible de plus pour le garde à la sortie de l'édifice ou du véhicule et que cette zone était la plus dangereuse de toutes.

Témoignage de S. Matthews

[119] S. Matthews a témoigné à l'audience. Je retiens les passages suivants de son témoignage.

[120] S. Matthews s'est joint à Securicor en 1995 et travaillait pour cette entreprise depuis environ 8 ans. Durant ce temps, S. Matthews avait travaillé en qualité de garde, de messager et de chauffeur en convoyage de fonds, en entretien et en réapprovisionnement sur des quarts de jour et de nuit. Il a témoigné en tant que représentant local au comité de santé et de sécurité de Securicor à Ottawa.

[121] S. Matthews a déclaré que Securicor n'avait pas consulté le comité local de santé et de sécurité relativement à la réduction de la taille de l'équipe de trois à deux personnes, sans chauffeur. Il a aussi déclaré que Securicor n'avait pas consulté le comité local de santé et de sécurité relativement à la mise en place de la politique et des procédures relatives au fonctionnement des équipes de deux personnes sans chauffeur utilisant un véhicule de série S. Il ne pouvait pas dire si Securicor avait consulté le syndicat des TCA avant le 30 septembre 2002.

[122] Selon S. Matthews, durant la rencontre avec l'agent de santé et de sécurités qui a eu lieu après les refus de travailler, le syndicat des TCA s'était dit d'avis qu'un des employés de l'équipe de deux personnes sans chauffeur devait demeurer dans le véhicule en tout temps et que l'autre devait transporter seul les fonds. Le chauffeur pouvait assurer une surveillance pendant l'éloignement du messager. Securicor n'était pas d'accord avec cette proposition parce qu'elle estimait que cette méthode était moins sécuritaire et contraire aux directives exigeant que les fonds soient surveillés en tout temps par deux personnes.

[123] S. Matthews a déclaré n'avoir jamais personnellement reçu de formation de Securicor sur l'utilisation du véhicule de série S, mais a affirmé connaître les fonctions de sécurité dudit véhicule. Il était d'avis que ces fonctions protégeaient le contenu du fourgon, mais ne compensaient pas pour l'accroissement des risques résultant de l'absence de chauffeur.

[124] S. Matthews était d'accord avec les autres employés qui avaient dit précédemment que le chauffeur protégeait le garde, que le garde protégeait le messager et que le véhicule protégeait le chauffeur. Il ne pouvait se rappeler d'aucun incident où le véhicule avait servi d'arme pour protéger le garde et le messager, mais se rappelait d'une tentative de vol avortée où le chauffeur avait quitté les lieux avec le fourgon.

Témoignage de R. Potvin

[125] R. Potvin, gestionnaire de convoyage de fonds et de poste de travail de Securicor, a témoigné à l'audience. Je retiens les points suivants de son témoignage.

[126] R. Potvin a déclaré qu'il travaillait chez Securicor depuis environ 8 ans et qu'il avait travaillé chez Brinks par le passé. Durant ses onze années d'expérience dans l'industrie des véhicules blindés, il avait exercé toutes les fonctions, y compris celles de garde, de messager et de chauffeur, dans tous les types de rondes et dans des quarts de jour et de nuit.

[127] La nuit du refus de travailler de B. Martin et de C. Brazeau, il était le gestionnaire de nuit du convoyage de fonds et supervisait les deux employés. Il était gestionnaire de convoyage de fonds depuis environ deux ans. Avant sa nomination au poste de gestionnaire, il avait fait partie de l'unité de négociation et avait occupé divers postes syndicaux, y compris celui de vice‑président du syndicat et de représentant des employés au comité de santé et de sécurité.

[128] En 2002, il avait assisté à une formation de quatre jours destinée aux instructeurs enseignant les fonctions du véhicule de série S. La formation comprenait :

  • les fonctions de sécurité du véhicule de série S;
  • les modes d'utilisation du véhicule de série S, y compris en équipe de deux personnes sans chauffeur;
  • le dépannage du véhicule de série S;
  • la méthode de formation des autres sur le véhicule de série S.

[129] Après avoir reçu sa formation, il a organisé une séance pour former des employés à l'utilisation du véhicule de série S. Durant la séance, les seize employés présents ont été divisés en quatre groupes. Chacun des groupes a reçu une formation sur les fonctions de sécurité du véhicule de série S et les procédures de Securicor applicables. Les employés ont également pu monter à bord d'un véhicule de série S et on leur a montré comment elles fonctionnaient.

[130] R. Potvin a confirmé que la formation n'avait pas abordé la façon de désamorcer une prise d'otage ou de collaborer avec des voleurs compte tenu des nouveaux dispositifs de sécurité du véhicule. La formation fournie était optionnelle pour les employés, mais ceux qui y participaient recevaient quatre heures de paie. Il a admis que les participants avaient dû se partager une copie des procédures de Securicor et, bien qu'ils ne pouvaient pas la conserver, ils pouvaient la lire aussi longtemps qu'ils l'avaient voulu durant la séance de formation. Il a aussi confirmé que la formation à bord du véhicule de série S avait duré environ 20 minutes par groupe et que la formation relative aux équipes de deux personnes sans chauffeurs avait duré environ une demi-heure.

[131] Le 30 septembre 2002, il avait avisé B. Martin et C. Brazeau qu’ils seraient les premiers à former une équipe de deux personnes sans chauffeur et leur avait fourni une copie des directives pertinentes de Securicor. Après 20 minutes d'examen, il leur a demandé s'ils avaient des questions et ils avaient répondu que non. Il a confirmé que, toutefois, il n'avait fourni à B. Martin et à C. Brazeau aucune information sur le véhicule cette soirée-là.

[132] Vers 8 h 40, B. Martin et C. Brazeau l'avaient appelé et avaient refusé de travailler. Il était allé les rejoindre à la banque pour enquêter sur leur refus de travailler.

[133] Il a déclaré qu'il avait estimé que le risque de vol était faible. Il a ajouté qu'il avait lui-même travaillé en équipe de deux où et le chauffeur et le messager quittaient le véhicule avant l'introduction du véhicule de série S et qu'il n'avait jamais été volé. En outre, il ne pouvait se rappeler aucun vol à Ottawa depuis les 8 dernières années. Il a aussi dit qu'il ne pouvait se rappeler d'une situation où le chauffeur avait prévenu un vol dans la région d'Ottawa.

[134] R. Potvin a confirmé qu'il avait aussi participé à l'enquête sur le refus de travailler de B. Thoms et de B. Woods et que ni B. Thoms ni B. Woods n'avaient signalé de danger précis. Il a soutenu qu’ils voulaient simplement un chauffeur.

[135] R. Potvin a soutenu que les dispositifs de sécurité du véhicule de série S protégeaient les équipes et les fonds convoyés et rendaient superflue la présence d'un chauffeur.

Il était d'accord pour dire que, selon les procédures de Securicor, le chauffeur devait :

  • demeurer dans le véhicule;
  • surveiller l’équipe;
  • protéger le garde;
  • avertir l'équipe de toute situation suspecte.

[136] Il était aussi d'accord pour dire que la politique de Securicor stipule que le chauffeur peut prendre la fuite avec le véhicule en cas de vol ou de situation suspecte. Toutefois, il ne croyait pas que cela soit utile pour prévenir un vol.

[137] R. Potvin a déclaré que lorsqu’il était membre d'une équipe, il remplissait la fonction de garde et ne se fiait pas aux observations du chauffeur parce qu'il préférait vérifier les choses lui-même.

Exposé définitif de Mme Gilbert

[138] Mme Gilbert a soutenu que le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), auparavant le Conseil canadien des relations de travail (CCRT), le Bureau canadien d'appel en santé et sécurité au travail (BCA – SST), auparavant le Bureau de l'agent régional de sécurité (BARS), et la Cour fédérale reconnaissaient depuis que le risque de vol et de blessure dans l'industrie du convoyage de fonds était une condition de travail normal. Elle était d'avis que ce danger « normal » ne justifiait pas un refus de travailler, mais elle a soutenu que si un danger ou une situation augmentait le niveau de danger alors qu'il était possible de le réduire par un programme de prévention de l'employeur, le fait de ne pas mettre en œuvre un tel programme constituait un niveau de danger dépassant le niveau normal.

[139] Mme Gilbert a soutenu que les employés de Securicor qui avaient refusé de travailler couraient un danger plus grand que la normale parce que Securicor avait réduit la taille d'une équipe normale de trois personnes à une équipe de deux personnes sans chauffeur. Cette mesure éliminait le chauffeur qui demeurait dans le véhicule durant les arrêts et cela accroissait le risque de blessures, car le garde et le messager comptaient sur le chauffeur pour assurer une meilleure protection :

  • en protégeant le garde quand celui-ci et le messager étaient à l’extérieur du véhicule;
  • en surveillant l'avant et l'arrière du véhicule quand le garde et le messager sortaient du véhicule ou d'un édifice visité;
  • en surveillant les lieux pour repérer les personnes ou les situations suspectes pendant que ses équipiers étaient à l'intérieur de l'édifice;
  • en examinant les personnes suspectes ou en appelant la police pour qu'elle examine les personnes ou les situations suspectes;
  • en communiquant avec le garde et le messager si la visite se prolongeait au‑delà du temps prévu;
  • en surveillant la radio bidirectionnelle du garde et du messager quand ceux-ci laissent, par mesure de précaution, leur radio en mode « micro ouvert » pour que le chauffeur puisse suivre le cours des événements;
  • en appelant la police ou une ambulance pour obtenir une aide immédiate au besoin;
  • en avertissant le garde et le messager de demeurer à l'intérieur de l'édifice si quelque chose de suspect survient;
  • en quittant les lieux avec le véhicule pour faire avorter une tentative de vol et désamorcer une prise d'otage possible;
  • en utilisant le véhicule comme une arme ou un bouclier pour protéger le garde ou le messager;
  • en ouvrant la porte du véhicule pour faciliter la fuite du garde et du messager en cas de hold-up.

[140] Mme Gilbert a observé que les procédures révisées de Securicor ne prétendaient pas que les dispositifs de sécurité du véhicule de série S remplaçaient le niveau de protection offert par la présence d'un chauffeur. Elle a soutenu, qu'au contraire, l'incapacité des employés de désamorcer les dispositifs de sécurité du véhicule pour permettre aux voleurs d'accéder au chargement du fourgon élevait le risque de blessures pour les travailleurs, car il leur était impossible de collaborer avec les assaillants. Elle a soutenu que le risque de blessures se trouvait augmenté parce que Securicor n'avait pas formé ses équipes de manière à faire face à cette éventualité.

[141] Si cela n'était pas suffisant pour établir l'existence d'un danger, Mme Gilbert a soutenu que l'accroissement du niveau de risque résultant de la réduction de la taille de l’équipe était aggravé par les déficiences citées par les employés relativement :

  • à l'équipement de communication;
  • aux dispositifs d'alarme;
  • à la formation;
  • aux procédures de Securicor.

[142] Elle a soutenu que tous ces risques accroissaient le niveau de danger au‑delà du niveau « normal » de ce type de travail et constituaient un danger « imminent » décrit par la juge Tremblay‑Lamer dans l'affaire Douglas Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada et le Procureur général du Canada, 2003, C.F. 1158, le 6 octobre 2003 (Martin), car un vol avec blessures pourrait survenir en tout temps.

[143] Mme Gilbert a cité ma décision dans l'affaire Michael Chapman and Canada Customs and Revenue Agency, Decision No. 03-019, October 31, 2003 (Chapman), dans laquelle je résumais la jurisprudence à ce jour concernant l'interprétation et l'application de la définition révisée du danger dans les modifications apportées en 2000 à la partie II du Code canadien du travail. Elle a soutenu que la jurisprudence avait confirmé que le danger pouvait être théorique et qu'il n'était plus nécessaire qu'il menace directement et immédiatement une personne.

[144] Elle a aussi cité la décision du Conseil canadien des relations de travail dans l'affaire Stephen Elnicki et Les Blindés Loomis Ltée, décision no 1105, dossier du Conseil 950-259, 31 janvier 1995 (Elnicki), rendue par le Conseil avant les modifications de 2000 à la partie II du Code. Elle a soutenu que le CCRT avait confirmé que les fonctions des employés de l'industrie des véhicules blindés comportaient un risque plutôt élevé inhérent à la nature de l'activité. Elle a aussi mentionné que le Conseil avait décidé que le fait de réduire la taille de l'équipe de trois à deux personnes en retirant le garde armé protégeant le messager constituait un danger supérieur au niveau normal associé à ce type de travail. Elle a observé que le Conseil avait énuméré une série de lignes directrices pour établir si oui ou non les conditions de travail entraînaient un danger pour les membres d'une équipe de deux personnes. Voici ces critères :

  • l'état des lieux;
  • la durée pendant laquelle le messager et le garde perdent le contact visuel;
  • la distance couverte par le messager entre le véhicule et les lieux visités, et la durée totale de l'arrêt;
  • les mesures de sécurité en place pour protéger le messager;
  • le nombre de sorties et d'entrées du bâtiment visité;
  • l'isolement des lieux;
  • l'heure de la visite;
  • l'importance relative des points de service;
  • tous les autres facteurs susceptibles de présenter un niveau de risque élevé.

[145] Mme Gilbert a également fait référence à la décision de l'agent régional de sécurité G. R. McKnight dans l'affaire des Blindés Loomis Ltée et la Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers, décision no 93-008, 23 juin 1993 (Loomis). Dans cette décision, l'agent régional de sécurité G.R. McKnight a confirmé que les employés utilisant le véhicule blindé étaient exposés chaque jour à un danger et qu'il y avait danger à moins que l'employeur ne s'assure qu'ils étaient renseignés, formés et supervisés adéquatement. Les autres facteurs cités comprenaient :

  • le type de client;
  • les objets transportés et leur valeur;
  • la distance entre l'édifice et le véhicule;
  • la configuration des lieux;
  • la protection fournie par le client;
  • la constance des communications.

[146] Elle a soutenu que la question en jeu dans chacun des refus de travailler n'était pas de savoir si oui ou non un voleur était embusqué, mais de savoir si oui ou non l'élimination du chauffeur, compte tenu du caractère déficient de l'équipement de communication et des dispositifs d'alarme, de la formation insuffisante et des procédures élevait le niveau de danger au‑delà de la limite normale pour ce type de travail. Selon Mme Gilbert, les agents de santé et de sécurité ont cherché des preuves pour établir s'il était raisonnable de prévoir un vol au moment du refus de travailler et n'ont pas examiné au‑delà des fait pertinents.

[147] Après l'audience, Mme Gilbert a été invitée à commenter la décision de la juge Gauthier dans Juan Verville and Correctional Service of Canada, 2004 CF 767, 6 mai 2004 (Verville). A. Dale, avocat-conseil associé, TCA‑Canada, a répondu en son nom. A. Dale a soutenu que la Cour fédérale dans Verville, supra, avait clarifié l'interprétation de la définition de danger d'abord fournie par la Cour fédérale dans Martin, supra. En particulier, il était d'avis que les paragraphes 35 et 36 de Verville, supra, indiquaient clairement :

  • que la présence de danger était établie même si on ne pouvait dire qu'une blessure survenait chaque fois que se présentait une situation ou une activité;
  • la condition ou l'activité devait simplement pouvoir causer des blessures parfois ou n'importe quand, mais pas nécessairement tout le temps;
  • la définition de danger exigeait une évaluation pour savoir si les circonstances pouvaient causer des blessures et une évaluation pour savoir si ces circonstances pouvaient raisonnablement (par opposition à possiblement) se produire dans le futur.

[148] Il a aussi soutenu que les observations de la juge Gauthier dans ses remarques incidentes aux paragraphes 55 et 56 étaient particulièrement pertinentes. En voici le texte :

[TRADUCTION] [55] Le sens courant des mots de l'alinéa 128(2)b) soutient l'interprétation exprimée dans ces décisions du Conseil parce que le terme « normal » fait référence à une situation courante, à un état ou à un niveau d'activité habituels, ordinaires. Il serait par conséquent logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la façon d'effectuer une tâche ou de mener une activité. En ce sens et par exemple, pourrait-on dire que c'est une condition normale d'emploi pour un garde de sécurité de transporter de l'argent d'un établissement bancaire si des changements étaient apportés de sorte qu'il doive faire son travail sans arme à feu, sans partenaire et dans un véhicule non blindé?

[56] De toute évidence, ces raisons ne devraient pas être interprétées comme donnant une indication ou opinion à savoir si oui ou non, dans ce cas particulier, la situation tombe sous le coup de l'alinéa 128(2)b).

Exposé de C. Peterson

[149] C. Peterson a soutenu que les employés voulaient que je concentre mon attention sur le rôle du chauffeur et la formation et les communications de Securicor et que je ne tienne pas compte du fait que rien ne s'était produit ou n'était sur le point de se produire qui menace la santé et la sécurité des employés ayant refusé de travailler.

[150] Il a soutenu que, pour conclure à un danger, les appelants devaient prouver que l'absence de chauffeur entraînait un danger réel ou potentiel, qu'un des employés avait été exposé à ce danger, que la personne exposée au danger avait subi une blessure consécutive à ce danger que la blessure était survenue avant qu'on puisse remédier au danger. À cet égard, il a fait référence au paragraphe 80 de ma décision dans Chapman, supra. En voici le texte :

[TRADUCTION] [80] En tenant compte de tout cela et à la lumière du critère déjà mentionné, je suis d’avis que, pour conclure à l’existence d’un danger relativement à un risque éventuel, à une situation ou à une activité future, l’agent de santé et de sécurité doit en venir à la conclusion, en se fondant sur les faits rassemblés dans le cadre de son enquête, que :

  • le risque potentiel, la situation ou l’activité future en question se présentera probablement;
  • un employé sera probablement exposé à ce risque, cette situation ou cette activité quand il se présentera;
  • l’exposition au risque, à la situation ou à la tâche se soldera probablement par une blessure ou une maladie pour l’employé qui y sera exposé;
  • la blessure ou la maladie surviendra probablement avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[151] C. Peterson a aussi soutenu qu'il était nécessaire de se reporter à la décision de l'agent d’appel Serge Cadieux dans l'affaire Agence Parcs Canada et Doug Martin, décision no 02‑009, le 23 mai 2002 (Parcs Canada), pour interpréter et appliquer la définition de danger au travail. Il a soutenu que le paragraphe 145 de Parcs Canada, supra, confirmait que la conclusion d'une présence de danger devait reposer sur des faits basés sur les quatre critères objectifs énumérés dans le paragraphe précédent (paragraphe 144) de la décision. Voici les paragraphes 144 et 145 :

[144] La présence du mot « éventuel » dans la définition signifie que l'on peut prendre en considération une tâche susceptible d'être exécutée dans le futur pour déclarer qu'il y a « danger » au sens où l'entend le Code. Il y a, cependant, des limites. Pour conclure à l'existence d'un danger au moment de l'enquête, l'agent de santé et de sécurité doit se faire une opinion sur les points suivants, en se fondant sur les faits recueillis au cours de ladite enquête, à savoir :

  • que la tâche éventuelle en question sera accomplie8;
  • qu'un employé aura à l'exécuter le moment venu;
  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce :
    1. que la tâche occasionne une blessure ou une maladie chez l'employé appelé à l'exécuter, et que
    2. la blessure ou la maladie se produise dès que la tâche aura été entreprise.

      Note : La question de la latence de la blessure ou de la maladie ne sera pas étudiée dans la présente décision, étant donné qu'elle n'a pas été soulevée en l'espèce. J’aimerais, toutefois, renvoyer le lecteur au paragraphe 21 de la décision Welbourne pour plus de clarté.

[145] Étant donné que l'agent de santé et de sécurité est obligé de procéder à une enquête sur des faits précis en tenant compte des quatre critères objectifs énumérés ci-dessus, les cas hypothétiques et théoriques continueront d'être exclus de la définition d'un danger. Après tout, les cas, tant hypothétiques que théoriques, ne reposent sur aucun fait, ce qui est en contradiction flagrante avec le concept de « danger » tel qu'il est défini dans le Code. Il est important de noter ici que même si le « danger » selon la définition du Code peut ne pas exister, une infraction peut exister.

8 Cette première condition est superflue dans les cas où l'agent de santé et de sécurité a établi que l'activité a lieu au moment de son enquête.

[152] Il a signalé que le paragraphe 150 de Parcs Canada, supra, confirmait que le concept de danger était restrictif et exigeait des preuves solides.

[150] En l'espèce, l'agent de santé et de sécurité a choisi d'aborder la question de la sécurité des gardes de parcs en vertu du paragraphe 145(2) du Code, dont les dispositions sont très précises en ce sens que le concept est restrictif et fondé sur une norme extrêmement rigoureuse, comme il se doit, à mon avis. Le concept de « danger » tel qu'il est défini dans le Code est très spécifique parce qu'il ne s'applique que dans des circonstances exceptionnelles. Il est strictement fondé sur des faits. On voit, dès lors, clairement que la déclaration faite précédemment par M. Raven, à savoir qu'il ne serait pas utile de traiter l'affaire sur la base de faits très précis liés à un milieu de travail en particulier et à une plainte donnée, est à la fois intéressée et en contradiction avec le concept de « danger » tel qu'il est défini dans le Code.

[153] M. Peterson a noté que l'agent d’appel Cadieux avait souligné au paragraphe 153 de la décision qu'il s'agissait d'une situation hypothétique où les témoins étaient incapables d'établir avec certitude si le danger pouvait survenir, à quel moment et dans quelles circonstances. Voici un extrait de ce paragraphe :

[153] … Les témoins qui ont comparu devant le tribunal ont été clairs : une agression pouvait se produire à n'importe quel moment dans l'exercice de fonctions d'application de la loi. Il leur était, toutefois, impossible d'établir à coup sûr si cette agression se produira, et quand et dans quelles conditions. Il est évident que les témoins parlaient là de cas hypothétiques n'ayant rien à voir avec le concept de « danger » selon la définition du Code.

[154] Il a aussi noté que l'agent d’appel Cadieux avait déclaré au paragraphe 155 de la décision qu'il était important de savoir certains critères importants (qui, quoi, quand et où) pour décider de la probabilité d'une blessure. En voici un extrait :

[155] Il ressort clairement de ce qui précède que l’on ne peut savoir de façon tant soit peu fiable si un contrevenant va ou non blesser un agent faisant appliquer la loi. Dans les affaires de ce genre, d’importants critères sont nécessaires pour pouvoir déterminer objectivement la probabilité d’une blessure et, par conséquent, d’un danger, c.‑à‑d. qu’il faut savoir de qui et de quoi il s’agit, à quel endroit on se trouve et dans quelles circonstances. …

[155] Il a soutenu que le paragraphe 162 de la décision confirmait que le tribunal ne pouvait décider du danger seulement en fonction des événements antérieurs. En voici le texte :

[162] Le tribunal ne peut pas conclure positivement à l'existence d'un « danger » selon la définition du Code en se fondant uniquement sur des événements passés. La notion de « danger » au sens où l'entend le Code, qui comprend le concept de « tâche éventuelle », n'autorise pas un agent de santé et de sécurité à se tourner vers le passé pour déclarer qu'il y a « danger » au sens où l'entend le Code. Le « danger », tel que le définit le Code, est soit immédiat, soit potentiel, comme il a été expliqué ci-dessus. Il ne peut exister rétroactivement.

[156] M. Peterson m'a ensuite renvoyé à la décision de la juge Tremblay‑Lamer dans Martin, supra, plus spécifiquement au paragraphe 42 où la juge Tremblay-Lamer affirmait que son examen constituait une recherche et un test importants de la décision Parcs Canada, supra, par l'agent d’appel Cadieux. Pour étayer son argument, il m'a renvoyé aux paragraphes 57 et 59 de la décision de la juge, qui se lisent comme suit et qui, à mon avis, se passent d'explication :

[57] J'estime comme l'agent d'appel qu'en l'absence d'une preuve spécifique démontrant quand un garde de parc est susceptible de subir une blessure grave ou la mort dans l'accomplissement d'une tâche d'application de la loi, l'agent de sécurité devra conclure en l'absence de danger, puisqu'il ferait alors face à une situation hypothétique ou spéculative.

[59] J'estime malgré tout que la nouvelle définition rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ».

[157] M. Peterson m'a ensuite renvoyé à la décision du Conseil canadien des relations industrielles dans Brûlé et autres et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, décision no 2, dossier du Conseil 19168 20013, 18 février 1999. Il a soutenu que cette décision confirmait qu'on ne pouvait pas exercer le droit de refuser de travailler pour contester les politiques, les procédures et la formation de l'employeur. Voici un extrait du paragraphe 16 de la décision :

[16] … Le refus de travailler n'est pas le moyen de contester les politiques et procédures de l'employeur, de faire appliquer les règlements du secteur ferroviaire ou encore de critiquer un programme de formation.

[158] Il m'a ensuite renvoyé à la décision de l'agent d’appel Serge Cadieux dans Jack Stone et Service correctionnel du Canada, décision no 02‑019, 6 décembre 2002. Il a souligné que l'agent d’appel Cadieux disait ceci dans les paragraphes 40, 41, 42 et 45 :

[40] Lorsqu’on applique les faits de la présente espèce à la définition de danger, il apparaît clairement que M. Stone n'était menacé par aucune situation immédiate ou future, c’est-à-dire un risque, une situation ou une tâche, impliquant la fabrication d'une arme dans le cadre d'un réseau de contrebande non détecté susceptible de compromettre sa santé et sa sécurité, et de lui infliger des blessures dans un avenir prévisible. D’ailleurs, le fait que les détenus puissent dans le contexte d'un des ateliers fabriquer des armes susceptibles de passer inaperçues en raison de l'absence d'un poste de contrôle à un endroit précis de l'établissement n'est pas en l'espèce un élément pertinent puisqu’il ne contribue pas à établir objectivement qu'il en résulterait une agression contre M. Stone ou tout autre agent de correction. Un établissement carcéral à sécurité moyenne est un environnement de travail qui comporte des risques plus élevés que la plupart des autres milieux de travail. La description de travail de M. Stone insiste sur le fait que cette exposition à la violence fait partie intégrante des conditions de travail de son emploi. Dans cette description de travail, sous la rubrique Conditions de travail, partie 15 – Environnement de travail, on précise :

Le titulaire est souvent exposé à des détenus susceptibles d'être agités et imprévisibles, qui peuvent tenter d'intimider ou avoir recours à la violence. Le titulaire peut se voir forcer d'intervenir dans diverses situations menaçantes ou violentes impliquant des détenus, des employés ou des visiteurs, y compris des urgences (c.-à-d. des émeutes), des cas où aucune autre ressource n'est disponible pour lui prêter immédiatement main-forte et des cas où il peut être nécessaire d'avoir recours à une force mortelle. Il existe un potentiel d'agression verbale ou physique contre le titulaire, contre lesquels ce dernier est autorisé à utiliser tous les moyens pour se défendre, y compris la force mortelle (le détenu pouvant avoir l'intention de tuer)…

[41] En se fondant sur les preuves déposées dans la présente affaire, il est clair que M. Stone n'a pas refusé de travailler parce qu'il avait eu spécifiquement connaissance qu'un incident s'était produit ou était sur le point de se produire dans l'établissement qui aurait pu, à un moment précis, compromettre sa santé ou sa sécurité. Il n’y avait, au moment où M. Stone a refusé de travailler, aucun risque réel ou aucune situation susceptible de soutenir la conclusion qu'il existait bel et bien un danger. Le degré de tension dans l'établissement indiquait clairement que rien d'extraordinaire n'avait eu lieu ou n'était sur le point de se produire. M. Stone n'avait aucun renseignement, et de toute évidence pas de preuve, qu'un des détenus qui travaillent aux ateliers avait fabriqué une arme et qu'il avait l'intention de s'en servir contre lui ou contre tout autre agent de correction. Dans la décision Parcs Canada, supra, j'aborde cette question au paragraphe 162 …

[42] … On ne peut s'appuyer sur un incident antérieur pour établir objectivement l'existence d'un danger…

[45] En outre, M. Stone n'a aucune preuve que des armes ayant été fabriquées dans l'un ou l'autre des ateliers, ou ailleurs, dans l'établissement, soient destinées à servir contre lui. On a admis qu’il y a sans doute, à n'importe quel moment donné, au moins une arme dans l'établissement. C'est une hypothèse raisonnable étant donné la nature de la population carcérale à Springhill…

[159] M. Peterson a soutenu qu'aucun des employés qui avaient refusé de travailler n'avait pu désigner de personne ou de situation spécifique posant une menace à leur santé et à leur sécurité au moment de leur refus de travailler. Ils n'avaient pas non plus été en mesure de montrer qu'un chauffeur prévenait les accidents ou les blessures en cas de vol.

[160] Il a soutenu que les preuves objectives dans ces affaires ne permettaient pas d'établir que la présence d'un chauffeur prévenait les vols ou les blessures au garde et au messager pendant un vol. En outre, il a souligné que le chauffeur qui demeurait dans le véhicule perdait fréquemment de vue le garde et le messager quand ils entraient dans une banque ou en quelqu'autre lieu pour faire leurs livraisons ou leurs cueillettes, et que les procédures de Securicor ne permettaient pas au chauffeur de quitter le véhicule pour aider le garde et le messager en cas de vol. Bien qu'il ait admis que la présence d'un chauffeur pouvait améliorer la sécurité du garde et du messager, il a fait valoir, en revanche, que cette présence ne jouait pas un rôle déterminant dans la santé et la sécurité du garde et du messager et que son élimination ne posait donc aucun danger.

[161] Il a répété le témoignage des gardes qui disaient qu'ils devaient fréquemment passer par des endroits non visibles du fourgon, que le chauffeur perdait donc souvent de vue le garde et le messager quand ils entraient dans un édifice, et qu'on ne pouvait se fier entièrement à un chauffeur pour s'assurer que les environs d'un édifice étaient libres de danger quand ils sortaient du véhicule ou d'un édifice. Il a aussi répété que les employés qui avaient témoigné ne pouvaient citer une situation où un chauffeur avait utilisé le véhicule comme bouclier ou désamorcé une prise d'otage possible en quittant les lieux avec le véhicule. Il a rappelé que la seule fonction du chauffeur était de protéger les biens transportés et a affirmé que l'élimination du chauffeur n'accroissait pas les risques de vol et de blessure.

[162] Il a soutenu que la principale responsabilité du chauffeur était de protéger l'argent et, même s'il pouvait surveiller les environs immédiats en l'absence du garde et du messager, il le faisait surtout pour protéger l'argent. Il a conclu que le chauffeur n'était pas nécessaire avec un véhicule de série S parce que l'argent était protégé par les dispositifs de sécurité du véhicule.

[163] M. Peterson n'était pas d'accord avec l'argument de Mme Gilbert selon laquelle les risques de vol et de blessures, considérés « normaux » dans l'industrie des véhicules blindés, constituaient un danger « latent », dans la mesure où de sorte que tout ce qui élevait le niveau normal de danger constituait un danger « latent », supérieur au niveau de danger normal pour ce type de travail. Il a ajouté que, si je trouvais qu'un danger « normal » établissait la présence d'un danger latent, les employés de tous les secteurs où le travail comportait un danger inhérent pourraient refuser de travailler. Il a déclaré que cela serait contraire à l'article 128 du Code.

[164] Il a demandé que je confirme les décisions respectives des agents de santé et de sécurité Marion et Hubert.

[165] Après l'audience, on a également demandé à C. Peterson de commenter l'affaire Verville, supra. Dans sa réponse, M. Peterson a noté que la juge Gauthier n'avait pas remis en question l'analyse de la juge Tremblay‑Lamer dans Martin, supra, sur laquelle il s'était essentiellement appuyé dans ses précédentes observations. Il a aussi noté que les paragraphes 36 et 37 confirmaient que la juge Gauthier était d'accord avec l'interprétation et l'analyse générale de la juge Tremblay‑Lamer relativement à la définition de danger. Il a conclu que les juges Gauthier et Tremblay‑Lamer étaient d'accord pour dire :

  • que la définition de danger englobait encore le concept d'attente raisonnable, c'est-à-dire l'analyse objective basée sur des faits plutôt que sur une opinion hypothétique basée sur des impressions;
  • que le concept de danger pouvait être hypothétique, mais que l'idée d'attente raisonnable excluait toujours les situations hypothétiques.

[166] M. Peterson a affirmé que la Cour, aux paragraphes 44 à 51, n'avait pas critiqué ou remis en cause l'interprétation de l'agent d’appel selon qui on ne peut baser une attente raisonnable de blessure sur une hypothèse ou une conjecture, mais ont plutôt trouvé dans ce cas que les documents indiquaient que des agents de correction avaient été blessés, par le passé, parce qu’ils n'avaient pas de menottes à portée de la main. En d'autres termes, il y avait attente raisonnable de danger parce qu'il y avait des preuves objectives qu'une lutte plus longue entraînait un risque accru de blessure. Par contre, il n'y avait absolument aucune preuve dans ce cas que quiconque avait été blessé en travaillant dans une équipe de deux personnes sans chauffeur dans des circonstances semblables à celles des appels en cause.

[167] Enfin, il n'était pas d'accord pour dire que le paragraphe 55 des remarques incidentes de la Cour était applicable à ces appels parce que :

  • la remarque incidente était une question rhétorique visant à provoquer d'autres questions et discussions sur le concept de « normalité »;
  • les commentaires ne sont pas liés aux faits de la présente cause, car la Cour n'a pas fait référence à une équipe de deux personnes sans chauffeur.

**********

Décision

[168] La question qui se pose relativement à chacun des refus de travailler était de savoir si oui ou non, dans les circonstances, l'absence d'un chauffeur demeurant dans le véhicule (dans une équipe de deux personnes sans chauffeur) constituait un danger pour les employés qui avaient refusé de travailler. Si je concluais que oui, je devrais décider si le danger était alors une condition de travail normale pour les employés.

[169] À cet égard, il m'a fallu examiner les directives, la formation et l'équipement fournis par Securicor à ses employés en lien avec la réduction de la taille de l'équipe. Il m'a aussi fallu étudier le rapport d'évaluation des risques et les statistiques de vol de 2002 présentés par Securicor.

[170] En ce qui concerne la législation, le terme « danger » est défini comme suit à l'article 122.1 du Code :

« danger » Situation, tâche ou risque -- existant ou éventuel -- susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade -- même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats --, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[171] Comme l'a indiqué M. Peterson, l'honorable juge Tremblay‑Lamer a effectué dans Martin, supra, une recherche et un examen approfondis de la décision de l'agent d’appel Cadieux dans Parcs Canada, supra. Dans sa décision, la juge Tremblay‑Lamer a essentiellement confirmé l'interprétation et l'application de la définition de danger de l'agent d’appel Cadieux dans cette affaire. Toutefois, elle n'était pas d'accord avec sa conclusion qu'une blessure doit se produire immédiatement après une exposition au danger pour qu'il y ait danger aux termes de la loi.

[172] Le tableau suivant en deux colonnes résume le texte écrit par la juge Tremblay-Lamer après avoir mené cette recherche et cet examen de la décision Parcs Canada, supra, et ce que je retiens de l'application générale concernant l'interprétation et l'application de la définition de danger :

Citations – Honorable juge Tremblay Lamer Ce que j'en retiens
[TRADUCTION] [55] Je suis d'accord avec l'analyse susmentionnée faite par M. Cadieux dans Welbourne, précitée. Il est clair selon la nouvelle définition de danger au Code, pour la paraphraser, que peut constituer un danger une situation, tâche ou risque éventuel. Cela veut dire qu'un agent de sécurité n'a pas à se restreindre à la situation immédiate au moment de l'enquête en vue d'établir s'il existe ou non un « danger » au sens du Code.
  • Tout risque ou situation potentiels ou toute activité future peuvent constituer un danger.
  • Un agent de santé et de sécurité peut aller au delà des circonstances immédiates qui existent au moment de son enquête pour établir s'il y a "danger".
[56] Il me semble en outre évident que le concept de l'attente raisonnable, qui exclut les situations spéculatives, est toujours présent dans la définition modifiée. On vise en effet spécifiquement dans la disposition la tâche éventuelle « susceptible de [that could reasonably be expected to] causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade ». La preuve doit en être faite, ce qui oblige l'agent de sécurité à soumettre la situation en cause à une analyse objective.
  • La nouvelle définition comprend toujours le concept d'attente raisonnable qui exclut les situations hypothétiques.
[57] J'estime comme l'agent d'appel qu'en l'absence d'une preuve spécifique démontrant quand un garde de parc est susceptible de subir une blessure grave ou la mort dans l'accomplissement d'une tâche d'application de la loi, l'agent de sécurité devra conclure en l'absence de danger, puisqu'il ferait alors face à une situation hypothétique ou spéculative.
  • L'absence de preuves précises indiquant le moment raisonnablement prévisible où un travailleur pourrait subir une blessure grave ou perdre la vie indiquerait qu'on serait en face d'une situation purement hypothétique.
[58] On énonce aussi clairement dans la nouvelle définition, toutefois, qu'une situation, tâche ou risque pourrait constituer un danger « même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats » . Je suis donc d'avis, contrairement à ce qu'a déclaré l'agent d'appel, qu'il n'est pas nécessaire qu'une tâche soit susceptible immédiatement de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, pour constituer un danger au sens du Code.
  • Il n'est pas nécessaire qu'il y ait attente raisonnable que la blessure et la maladie se produisent immédiatement après l'exposition à l'activité pour constituer un danger.
[59] J'estime malgré tout que la nouvelle définition rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ».
  • La nouvelle définition exige toujours un élément d'imminence parce que la blessure ou la maladie doit se produire « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ».

[173] Plus récemment l'honorable juge Gauthier a également effectué une recherche et une étude approfondies de la décision rendue par l'agent d’appel Cadieux dans Juan Verville et quinze autres agents de correction et Service correctionnel Canada, décision no 02-013, le 28 juin 2002. Le tableau suivant en deux colonnes résume le texte écrit par la juge Gauthier par suite de sa recherche et de son analyse de la décision Verville, supra, et ce que je retiens de l'application générale concernant l'interprétation et l'application de la définition de danger :

Citations – Honorable juge Gauthier Ce que j'en retiens
[TRADUCTION] [31] Comme l'a récemment expliqué la Cour d'appel du Canada dans Canada (Procureur général) contre Fletcher, 2002 CAF 424, [2003] 2 F.C. no 475 (C.A.), le Code, antérieurement à la modification, avait pour but d'assurer que le travail courant n'exposerait pas un employé à une situation dangereuse. « C’est le bien-être à court terme d'un employé qui est en jeu. » (paragraphe 18 de Fletcher, supra).
[32] Par l'ajout de mots comme « potentiel » ou « éventuel » et activité future, le Code ne se limite plus à des situations observables spécifiques au moment où l'employé refuse de travailler.
  • Par l'ajout de mots comme « potentiel » ou « éventuel » et activité future, le Code ne se limite plus à des situations observables spécifiques au moment où l'employé refuse de travailler.
[33] Dans sa décision, l'agent d'appel indique qu'il se base sur sa décision dans Agence Parcs Canada, supra, où on trouve le passage suivant :

« Pour conclure à l'existence d'un danger au moment de l'enquête, l'agent de santé et de sécurité doit se faire une opinion sur les points suivants, en se fondant sur les faits recueillis au cours de ladite enquête, à savoir :
  • que la tâche éventuelle en question sera accomplie [voir note 2 ci-dessous];
  • qu'un employé aura à l'exécuter le moment venu;
  • que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce :
    • que la tâche occasionne une blessure ou une maladie chez l'employé appelé à l'exécuter, et que
    • la blessure ou la maladie se produise dès que la tâche aura été entreprise.
Note 2: Cette première condition est superflue dans les cas où l'agent de santé et de sécurité a établi que l'activité avait lieu au moment de son enquête.
[34] La déclaration ci-dessus n'est pas entièrement exacte. Tel que mentionné dans Martin, supra, la blessure ou la maladie peut ne pas se produire immédiatement après l'exposition, mais elle doit se produire avant que la situation ou l'activité soit modifiée. Ainsi, dans le cas présent, en l'absence de menottes à portée de la main d'un agent de correction pris dans une altercation avec un détenu, on pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'il subisse des blessures avant que le poste de contrôle ou un superviseur K-12 lui en fournisse, ou tout autre moyen de contrôle.
  • La blessure ou la maladie peut ne pas se produire immédiatement après l'exposition, mais elle doit se produire avant que la situation ou l'activité soit modifiée.
[35] Aussi, je ne crois pas que la définition exige que l'on doit s'attendre raisonnablement à ce que chaque fois que la situation se produit ou qu'on doit exécuter cette activité, il en résultera des blessures. Les termes « susceptibles de causer » indiquent qu'une possibilité de blessure existe en tout temps, mais qu'elle ne se produira pas nécessairement à chaque fois.
  • La définition n'exige pas qu'on doive s'attendre raisonnablement à ce que le risque, la situation ou l'activité entraîne nécessairement des blessures chaque fois qu'ils se produisent.
[36] À cet égard, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir avec précision le moment où le risque ou la situation potentiels ou l'activité future auront lieu. Je ne pense pas que les raisons de Tremblay-Lamer dans Martin ci dessus, particulièrement au paragraphe 57, exigent la preuve d'un moment précis auquel se produira la situation, le risque ou l'activité. Plutôt, en considérant la décision dans son ensemble, elle semble être d'accord pour dire qu'il suffit qu'on sache dans quelles circonstances elle pourrait entraîner des blessures et qu'on établisse la probabilité, et non la simple possibilité, que ces circonstances se produiront dans le futur.
  • Susceptible de causer des blessures en tout temps, mais pas nécessairement chaque fois.
  • Il n'est pas nécessaire d'établir avec précision le moment où le risque et la situation potentiels ou l'activité future auront lieu.
[41] … le sens courant des termes risque ou situation « potentiel »[4] ou « éventuel »[5] n'exclut pas un risque ou une situation qui pourrait ou non se produire en raison de comportements humains imprévisibles. Si un risque ou une situation peuvent se produire, la définition s'y applique. Comme je l'ai déclaré plus tôt, il n'est pas nécessaire de savoir exactement quand cela se produira. La preuve est claire que, dans ce cas, une attaque spontanée peut se produire.
  • La définition requière seulement qu'on sache dans quelles circonstances elle pourrait entraîner des blessures et qu'on établisse la probabilité, et non la simple possibilité, que ces circonstances se produiront dans le futur.
  • Le sens courant des termes risque ou situation « potentiel » ou « éventuel » n'exclut pas un risque ou une situation qui pourrait ou non se produire en raison de comportements humains imprévisibles.
[51] Enfin, la Cour observe qu'il y a plus d'une façon d'établir qu'on peut s'attendre raisonnablement à ce qu'une situation entraîne des blessures. Il n'est pas nécessaire de prouver qu'un agent a déjà été blessé dans des circonstances semblables. Une attente raisonnable peut reposer sur l'opinion d’experts ou même sur l'opinion de témoins ordinaires quand ces témoins sont en meilleure position que le juge pour se former une opinion. Elle peut même être établie par inférence logique ou par des faits connus.
  • Il n'est pas nécessaire de prouver que quelqu'un a déjà été blessé dans des circonstances semblables.
  • Une attente raisonnable peut reposer sur l'opinion d’experts ou même sur l'opinion de témoins ordinaires quand ces témoins sont en meilleure position que le juge pour se former une opinion.
  • Elle peut même être établie par inférence logique ou par des faits connus.
[52] … l'appelant admet que sa description de tâche comporte un risque de prise d'otage, de blessure ou de danger quand il fait face à des contrevenants violents et hostiles. Mais il soutient que l'ordre qu'on lui a donné le 24 septembre ne correspondait pas à ses conditions de travail normales et constituait une augmentation du risque ou du danger décrit ci‑dessus. L'appelant se base sur la décision du Conseil des relations de travail de la fonction publique dans Fletcher c. le Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), [2000] C.R.T.F.P.C. no 58; Danberg et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), [1988] C.R.T.F.P.C. no 327 et Elnicki c. Les Blindés Loomis Ltée, 96 di 149, décision du CCRT, no 1105, dans laquelle le Conseil reconnaît, dans le contexte du refus de travailler d'agents de correction et de gardes de sécurité, que même si le risque de blessures ou de décès était une condition de travail normale pour ces employés, une augmentation du danger résultant d'une modification de la politique de l'employeur (comme une réduction de personnel) n'était pas automatiquement exclue en vertu de l'alinéa 128(2)b)[7].
[54] Il semble y avoir peu de jurisprudence de cette Cour sur la question. Dans Canada (Procureur général) c. Lavoie, [1998] F.C.J. no 1285 (T.D.) (QL), cité par l'agent d'appel, l'argument concernant une augmentation du risque au-delà des conditions de travail normales n'était pas invoqué, et la Cour n'a pas tenu compte des décisions du Conseil invoquées par l'appelant, dont deux ont été émises après la décision Lavoie, supra (voir paragraphe 52 ci‑dessus).
  • Il semble y avoir peu de jurisprudence de cette Cour sur la question de l'augmentation du risque et du danger qui représente une condition de travail normale automatiquement exclue en vertu de l'alinéa 128(2)b).
[55] Le sens courant des mots de l'alinéa 128(2)b) confirme l'interprétation de ces décisions du Conseil parce que « normal » renvoie à une situation courante, un état habituel qui n'a rien d'extraordinaire. Par conséquent, il serait logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode utilisée pour effectuer un travail ou une activité. Dans ce sens et par exemple, pourrait-on dire que ce serait une condition de travail normale si un garde de sécurité devait transporter de l'argent dans un établissement bancaire si des changements étaient apportés de sorte qu'il devrait faire son travail sans arme à feu, sans partenaire et dans un véhicule non blindé?
  • Le sens courant du mot « normal » à l'alinéa 128.(2)b) renvoie à une situation courante, un état habituel qui n'a rien d'extraordinaire.
  • Cela exclurait un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode utilisée pour effectuer un travail ou une activité.

[174] Pour interpréter la définition de danger du Code et de l'appliquer à ces appels, je dois tenir compte du concept de danger comme condition normale d'emploi. J'abonde dans le sens de la juge Gauthier aux paragraphes 36 et 55 :

[36] …Je ne pense pas que les raisons de Tremblay-Lamer dans Martin ci‑dessus, particulièrement au paragraphe 57, exigent la preuve d'un moment précis auquel se produira la situation, le risque ou l'activité. Plutôt, en considérant la décision dans son ensemble, elle semble être d'accord pour dire qu'il suffit qu'on sache dans quelles circonstances elle pourrait entraîner des blessures et qu'on établisse la probabilité, et non la simple possibilité, que ces circonstances se produiront dans le futur. [C’est moi qui souligne.]

[55] Le sens courant des mots de l'alinéa 128(2)b) confirme l'interprétation de ces décisions du Conseil parce que « normal » renvoie à une situation courante, un état habituel qui n'a rien d'extraordinaire. Par conséquent, il serait logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode utilisée pour effectuer un travail ou une activité. … [C’est moi qui souligne.]

[175] Conformément aux paragraphes 36 et 55, je suis d'avis qu'il y a danger si les faits montrent qu'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque potentiel entraîne une blessure ou une maladie et si on peut établir la probabilité, et non la simple possibilité, que ces circonstances se produiront dans le futur. Le danger demeure effectif ou imminent jusqu'à ce qu'on ait modifié les circonstances pour éliminer le risque ou le réduire dans des limites raisonnables. Si après avoir pris des mesures raisonnables, il subsiste un danger, ce danger peut être considéré comme normal et représentant une caractéristique permanente du travail.

[176] Selon ce qui précède, si je trouve dans ces cas que l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule durant les arrêts pour

  • protéger le garde quand il sort pour s'assurer que la voie est libre entre le véhicule et l'édifice,
  • surveiller les lieux quand le garde et le messager sont dans l'édifice pour servir le client,
  • avertir le garde et le messager d'un vol ou de la présence d'un personne ou d'une situation suspecte,
  • demander l'aide de la police ou d'une ambulance en cas de vol ou de situation suspecte,
  • s'enquérir des raisons d'un retard déraisonnable du garde et du messager,
  • quitter les lieux en cas de vol, ou utiliser le véhicule comme arme ou comme bouclier,

constitue un risque important pour le garde et le messager quand

  • le garde sort du véhicule ou de l'édifice pour s'assurer que la voie est libre entre le véhicule et l'édifice,
  • le garde et le messager sont dans l'édifice, chez le client,

dans des circonstances où on aurait pu établir que

  • les dispositifs de sécurité du véhicule de série S n'avaient pas remplacé le rôle de surveillance du chauffeur demeurant dans le véhicule durant les arrêts,
  • les dispositifs de communication et de déclenchement d'alarme fournis par Securicor à ses employés qui ont refusé de travailler s'étaient révélés inefficaces pour demander de l'aide auprès du répartiteur, de la police ou des services d'ambulance en cas de vol,
  • la formation offerte par Securicor aux employés qui ont refusé de travailler aurait été insuffisante en ce qui concernait les dispositifs de communication et de déclenchement d'alarme, et les procédures des équipes de deux personnes sans chauffeurs utilisant un véhicule de série S, y compris ce qu'il faut faire en cas de prise d'otage,
  • l'évaluation des risques menée par Securicor avait été déficiente,
  • Securicor n'avait pas consulté le comité local de santé et de sécurité au travail relativement à la mise en place des équipes de deux personnes sans chauffeur utilisant un véhicule de série S et n'avait pris aucune autre mesure préventive suffisante pour éliminer ou réduire raisonnablement le risque de blessure qui aurait pu résulter de l'absence de chauffeur.

et si je trouve que

  • l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule aurait pu laisser raisonnablement prévoir que des blessures auraient résulté pour les employés avant qu'on apporte des mesures correctives;
  • le vol à main armée est une possibilité future raisonnablement envisageable,

alors, je devrais conclure qu'il y avait danger au sens où l'entend le Code.

[177] Si je concluais qu'il y avait effectivement danger, alors, comme je l'ai écrit au paragraphe 168, je devrais établir si oui ou non le danger était une condition de travail normale qui excluait le bien-fondé du refus de travailler des employés.

[178] Bien que le refus de travailler soit un droit individuel, chacun des employés dans ces cas a refusé de travailler pour essentiellement les mêmes raisons et dans les mêmes circonstances. Ils ont tous soutenu que l'absence de chauffeur constituait un danger parce que le chauffeur était un élément essentiel à leur santé et sécurité au travail. Ils ont tous soutenu que l'équipement de communication et de déclenchement d'alarme, les procédures et le programme de formation de Securicor étaient déficients.

[179] En ce qui concerne le premier aspect de la question, à savoir si oui ou non l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule constituait un risque important pour les gardes et les chefs d’équipe qui ont refusé de travailler quand les gardes devaient sortir du véhicule ou de l'édifice pour s'assurer que la voie était libre entre le véhicule et l'édifice, je réponds par l'affirmative pour les raisons suivantes :

[180] Durant l’audience, les employés et Securicor étaient d'accord pour dire qu'il était indispensable d'évaluer le degré de sécurité des lieux avant de descendre du fourgon. Si la situation était suspecte, Securicor autorisait ses employés à quitter les lieux et à revenir plus tard. Cette politique était compréhensible, compte tenu des statistiques selon lesquelles la majorité des vols se produisaient à l'extérieur, entre le véhicule et l'édifice des clients. En outre, il n'était pas rare que des personnes se trouvent sur les lieux pendant un arrêt, rendant ainsi la situation variable et changeante. Compte tenu de la grande importance accordée par les parties à l'évaluation de la sécurité des lieux, j'ai trouvé raisonnable de conclure qu'il était aussi nécessaire de continuer de surveiller les lieux pendant que le garde et le messager se trouvaient à l'intérieur de l'édifice;

[181] Securicor affirmait qu'une équipe de deux personnes sans chauffeur était toujours capable de faire cette évaluation à l'arrivée avec l'aide des dispositifs de sécurité du véhicule de série S et, par conséquent, que le niveau de risque ne se trouvait pas accru du fait qu'aucun chauffeur ne demeurait dans le véhicule. Les employés ont répondu qu'un chauffeur demeurant dans le véhicule protégeait le garde quand ce dernier sortait du véhicule pour s'assurer que la voie était libre entre le véhicule et l’édifice en regardant à la gauche et à l'arrière du véhicule. Ils ont soutenu que le véhicule ne remplaçait pas le niveau de protection offert par le chauffeur;

[182] Malgré que je comprenne le point de vue des employés selon lesquels l'absence de chauffeur pour protéger le garde quand il sortait du véhicule pour s'assurer que la voie était libre entre le véhicule et l’édifice accroissait le risque couru par le garde, les preuves fournies m'ont convaincu qu'une équipe de deux personnes sans chauffeur était quand même capable d'examiner correctement les lieux avant que le garde ne descende du véhicule. Par conséquent, je ne suis pas persuadé que l'augmentation du risque couru par le garde à ce stade en faisait un risque significatif. Cela, bien entendu, ne s'applique qu'aux circonstances où le garde et le messager pouvaient stationner le véhicule près de l'entrée de l’édifice;

[183] Toutefois, il en allait tout autrement au sortir de l'édifice après que le garde et le messager ont eu laissé les lieux sans surveillance pendant une période de quarante-cinq minutes et plus. J’étais d'accord avec les employés pour dire que, sans chauffeur, il leur était impossible de savoir ce qui les attendait à l’extérieur à leur sortie de l'édifice. J’en ai conclu que le garde et le messager se trouvaient plus vulnérables à ce moment-là qu'avec un chauffeur dans le véhicule. L’absence du chauffeur donnait toute latitude à d'éventuels assaillants pour se préparer et passer à l'action alors que le garde et le messager étaient encore à l'intérieur de l'édifice;

[184] Securicor a soutenu que la principale responsabilité du chauffeur était de protéger les valeurs transportées et que le garde ne devait pas s’en remettre à lui pour le protéger. L’employeur a avancé comme preuve que le chauffeur devait parfois déplacer le véhicule et ne pouvait toujours assurer la surveillance. Securicor a également souligné que le chauffeur ne pouvait pas quitter le véhicule pour aider le garde et que, par le passé, on avait observé que les chauffeurs relâchaient leur vigilance en attendant leurs coéquipiers. Dans un cas, il a indiqué que le chauffeur ne s'était pas aperçu qu'un vol était survenu;

[185] Les preuves présentées par les employés comprenaient le fait que les procédures de Securicor stipulaient que le chauffeur devait demeurer vigilant en tout temps, et qu'un avis de Securicor avait circulé pour rappeler ses exigences aux employés. À mon avis, cela infirmait l'argument de Securicor selon qui le chauffeur ne contribuait pas à la protection du garde;

[186] Securicor a soutenu tout au long de l’audience que les gardes devaient traverser un grand nombre de zones non visibles du chauffeur et que ces zones n'étaient pas différentes de celles rencontrées au moment de sortir de l'édifice pour s'assurer que la voie était libre. Securicor a soutenu que le garde devait se fier à ses propres observations, évaluations et instincts quand il évaluait la sécurité d'un lieu et, en l'absence de chauffeur, il n'avait qu'à se montrer encore plus vigilant;

[187] Toutefois, les statistiques qui montrent que la majorité des vols surviennent à l'extérieur entre le véhicule et l’édifice contredisent le point de vue de Securicor selon qui le garde doit traverser de nombreuses zones non visibles et que celle de l'extérieur n'est pas différente des autres. Le simple bon sens indique que plus le garde est informé quand il sort de l'édifice, moins il risque de tomber dans une embuscade et d'être blessé. Quand Securicor dit que le garde n'a qu'à se montrer plus vigilant, cela présuppose que le garde n'est pas déjà aussi vigilant que possible, ce qui est peu probable.

[188] Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule constituait un risque potentiel important pour les gardes et les chefs d’équipe qui ont refusé de travailler au moment de sortir de l'édifice de leurs clients pour retourner à leur véhicule. Sans chauffeur demeurant dans le véhicule, le garde était laissé à lui-même, personne ne surveillait les lieux en son absence pour l'avertir, appeler la police ou une ambulance, ou quitter les lieux en cas de vol.

[189] Je suis aussi convaincu que l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule constituait un risque potentiel accru pour les gardes et les chefs d’équipes quand ils étaient à l'intérieur de l'édifice et hors de vue du chauffeur. Tout d'abord, les statistiques présentées dans cette affaire montrent que, malgré le fait que la majorité des vols se produisent à l'extérieur de l’édifice, il s'en produit quand même à l'intérieur. Ensuite, les employés étaient d'accord avec C. Peterson pour dire qu'ils devaient franchir plusieurs zones non visibles à l'intérieur et que des assaillants pouvaient les attendre n'importe où.

[190] À la question de savoir si oui ou non les dispositifs de sécurité du véhicule de série S remplaçaient le chauffeur, les employés ont déclaré qu'il était de règle dans l'industrie que chacun soit protégé par quelque chose ou quelqu'un. Selon cette règle, le chauffeur protège le garde, le garde protège le messager et le chauffeur est protégé par le véhicule, seul lieu sûr pendant un arrêt. J’ai accordé beaucoup d'importance à cet argument, car ils semblaient fortement convaincu de son bien-fondé et parce que Securicor n'a pas contesté cette affirmation. J’ai aussi été convaincu par l'expérience considérable des employés à cet égard. Sachant que les employés changeaient de rôles de quart de travail en quart de travail et durant les quarts de travail eux-mêmes. J’en ai conclu qu'ils comprenaient bien l'interdépendance des membres des équipes pour assurer leur santé et leur sécurité au travail.

[191] J’ai aussi été persuadé par le fait que les employés qui ont refusé de travailler était unanimes pour dire que le chauffeur les avait avertis souvent, dans une équipe de trois personnes, de demeurer dans l'édifice en raison de la présence de personnes ou de situations suspectes. Ils ont aussi dit qu'il n'était pas rare que le chauffeur examine des personnes ou des situations suspectes en attendant le retour de ses coéquipiers ou appelle la police pour signaler des anomalies ou communique avec le garde et le messager. Ils ont aussi affirmé que le chauffeur communiquait avec le garde et le messager si la ronde prenait plus longtemps que prévu. J'ai accepté l'argument de Securicor selon qui le téléavertisseur fourni aux employés avertirait le garde et le messager si le véhicule était attaqué, mais le téléavertisseur était inutile pour détecter la présence d'un véhicule ou de personnes attendant qu'ils sortent de l'édifice.

[192] Les employés ont aussi été unanimes dans leur témoignage pour dire que l'absence de chauffeur constituait un danger parce que le chauffeur pouvait prendre la fuite avec le véhicule en cas de vol. Ils ont soutenu que c’était une mesure importante pour décourager les prises d'otage afin d'obtenir l'accès au véhicule et à son chargement. Securicor a répondu qu'elle ne disposait d'aucune statistique montrant que cela s'était produit, mais reconnaissait que ses procédures permettaient au chauffeur de quitter les lieux en cas de vol après avoir obtenu la permission du répartiteur. En outre, Securicor avait fait circuler un avis à ses employés concernant le chauffeur d'une autre entreprise qui avait quitté les lieux durant un vol. On laissait entendre que cette stratégie avait évité que le garde resté derrière ne subisse des blessures graves. J’ai donc conclu que le risque de blessures pour le garde et le messager se trouve réduit si, en cas de vol, le chauffeur quitte les lieux avec le véhicule.

[193] Securicor a soutenu que l'absence de chauffeur était en réalité une bonne chose, car sans chauffeur à faire chanter, le garde et le messager étaient plus en sûreté. Cet argument faisait toutefois abstraction du fait que, sans chauffeur, le véhicule restait sur les lieux pour attiser la convoitise d'éventuels assaillants. À mon avis, cela accroissait le niveau de risque couru par le garde et le messager, car ils pouvaient être pris en otage pour les forcer à ouvrir le véhicule et donner accès à son chargement. Le fait que le garde et le messager n'aient pas été en mesure de désactiver les dispositifs de sécurité du véhicule leur assuraient presque de subir des blessures à moins qu'ils n'arrivent à convaincre leurs agresseurs de la véracité de leurs dires.

[194] Je suis d'accord avec Securicor pour dire que la principale fonction du véhicule de série S est de mieux protéger les fonds transportés, mais je suis aussi d'accord avec les employés qu'il ne remplace pas le niveau de sécurité lié à la présence d'un chauffeur demeurant dans le véhicule durant les arrêts.

[195] Pour toutes ces raisons, je suis donc persuadé que les dispositifs de sécurité du véhicule de série S ne remplacent pas le chauffeur.

[196] En ce qui concerne l'efficacité des communications, Securicor a admis qu'il existait de nombreux endroits à Ottawa et à l’extérieur de la ville où les téléphones cellulaires ne fonctionnent pas, mais l'employeur a soutenu que les équipes connaissaient bien ces endroits et qu'il leur revenait de décider des stratégies à suivre pour y remédier. Toutefois, Securicor n'a présenté aucune preuve à cet égard. De plus, le dispositif de déclenchement d’alarme à distance exigeait qu'aucun obstacle ne se trouve entre la commande de déclenchement à distance et le véhicule, condition parfois impossible.

[197] Les employés qui ont refusé de travailler étaient aussi unanimes pour dire que la formation fournie par Securicor relativement au véhicule de série S et aux procédures de Securicor avec une équipe de deux personnes sans chauffeur était inadéquate, car trop rapide pour leur permettre de l'assimiler. J’ai été franchement étonné quand la direction de Securicor a déclaré que cette importante formation était facultative. Le fait que Securicor n'ait pas consulté le comité local de santé et de sécurité au travail relativement à l'introduction d'équipes de deux personnes sans chauffeur utilisant le véhicule de série S illustre bien, à mon avis, les raisons de l'insatisfaction des employés vis-à-vis l'organisation de la formation, les sujets abordés et la durée des cours. J’étais plus enclin à croire les employés compte tenu du fait que Securicor n'avait pas consulté son comité local de santé et de sécurité au travail pour traiter des éventuelles inquiétudes des employés et que la formation était facultative. J’ai été moins enclin à recevoir l'argument de Securicor selon lequel les employés avaient signé un document attestant qu'ils avaient reçu la formation et qu'ils en étaient satisfaits, car j'avais l'impression que la chose semblait dénuée d'importance pour les deux parties. À mon avis, ce problème de la formation, combiné à l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule durant les arrêts, suffisait à faire naître raisonnablement l'attente de blessures potentielles à un employé en cas de vol, avant qu'on puisse apporter des mesures correctives.

[198] En ce qui concerne l'évaluation des risques de Securicor relatifs aux diverses tâches et quarts de travail, les niveaux de risque assignés aux divers types de travail et heures de travail m'ont semblé arbitraires d'autant plus qu'ils ne faisaient pas mention des facteurs de risques considérés. Ila de plus été mentionné que l'évaluation des risques n'avait pas tenu compte de certains problèmes locaux comme les zones mortes à la téléphonie cellulaire. À mon avis, cela montre encore le peu de consultation effectuée auprès du comité local de santé et de sécurité.

[199] En ce qui concerne le comité de santé et de sécurité, Securicor a soutenu qu'elle avait consulté le comité de conception du véhicule, formé de membres de la direction et de représentants du syndicat et des employés, pour améliorer la sécurité des employés, du véhicule et des valeurs convoyées. S. Matthews a déclaré que Securicor n'avait jamais consulté le comité local de santé et de sécurité relativement à la mise en place de l'équipe de deux personnes sans chauffeur utilisant un véhicule de série S dans son secteur. Cela pourrait expliquer pourquoi Securicor n'a pas produit de preuve pour montrer qu'elle avait appliqué des mesures de prévention relativement à sa décision de créer des équipes de deux personnes sans chauffeurs utilisant le véhicule de série S pour calmer les inquiétudes des employés qui avaient refusé de travailler. À cet égard, j'aimerais renvoyer Securicor à l'article 122.2 du Code :

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d'assurer la santé et la sécurité des employés.

[200] J’aimerais aussi renvoyer Securicor aux alinéas 134.1(4)h) et 135(7)i) du Code :

134.1(4) Le comité d'orientation

h) participe à la planification de la mise en œuvre et à la mise en œuvre effective des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail.

135(7) Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué, i) participe à la mise en œuvre des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail et, en l'absence de comité d'orientation, à la planification de la mise en œuvre de ces changements; [C’est moi qui souligne.]

[201] Je trouve donc que l'absence de chauffeur demeurant dans le véhicule constituait, dans les circonstances, un risque potentiel pour les gardes et les chefs d’équipe.

[202] Maintenant, je dois tourner mon attention à la question de savoir si oui ou non on aurait pu, dans les circonstances, raisonnablement s'attendre à ce que ce risque potentiel important cause des blessures avant que la situation ne soit corrigée.

[203] À la question de savoir si oui on non la situation allait être corrigée avant que le risque potentiel ne fasse naître, dans les circonstances, la crainte raisonnable qu'un travailleur subisse des blessures, je réponds par la négative, car Securicor n'a jamais indiqué qu'elle comptait modifier volontairement l'organisation des équipes de deux personnes sans chauffeur. En conséquence, le risque de blessure résultant de l'absence de chauffeur demeurait latent.

[204] En ce qui concerne le risque de blessures, les employés ont admis qu’ils pouvaient utiliser un téléphone normal chez le client en cas de vol ou de situation suspecte. Toutefois, ils ont signalé qu'après avoir quitté le lieu où se trouvait ce téléphone, ils ne pouvaient s'en remettre qu'à leur téléphone cellulaire ou à leur dispositif de déclenchement d’alarme à distance pour alerter la police ou appeler une ambulance en cas de vol, car il n'avaient pas de chauffeur avec qui communiquer avec leur radio bidirectionnelle. Les employés ont aussi soutenu qu'il leur serait difficile de se servir du téléphone cellulaire et du dispositif de déclenchement d’alarme à distance durant un vol et qu'ils seraient donc laissés sans secours. Ce point de vue semblait corroboré par les données de Securicor montrant que les appels au répartiteur concernant un vol avaient toujours lieu après le vol et non durant. Par conséquent, il me semble que, sans chauffeur pour aviser le répartiteur d'un vol, le garde et le messager travaillant la nuit peuvent se retrouver blessés pendant des heures et dans l'incapacité d'appeler la police ou une ambulance. Durant la journée, le temps de réponse peut aussi se trouver allongé inutilement jusqu'à ce que des passants réagissent.

[205] Selon les preuves fournies, les piles des téléphones cellulaires étaient parfois déchargées et le dispositif de déclenchement d’alarme à distance ne fonctionnait pas en présence d’obstacles entre le travailleur et le véhicule. Ensuite, le garde et le messager ne pouvaient pas compter sur la communication avec le chauffeur par radio bidirectionnelle. Bien que j'accepte l'argument de Securicor selon qui les équipes pouvaient retourner à leur base pour obtenir un autre téléphone cellulaire ou de nouvelles piles, je ne vois pas en quoi cela peut être utile au garde et au messager si la pile tombe en panne à un moment critique. En outre, rien n'a été proposé pour remédier au fait que le dispositif de déclenchement d’alarme à distance ne fonctionne pas en présence d'obstacles.

[206] Les parties ont également indiqué que les travailleurs pouvaient passer outre à un arrêt et revenir plus tard s'ils observaient une situation suspecte. Toutefois, B. Martin a déclaré que cela ne se faisait que rarement parce que cela retardait le travail et risquait d'empêcher les employés de terminer leur ronde dans le temps accordé. J’ai aussi observé que malgré le fait que le garde et le chef d’une équipe de deux personnes sans chauffeur étaient parfois isolés durant les arrêts du quart de nuit, rien n'indiquait que Securicor avait envisagé s'enquérir de façon systématique de ses employés travaillant dans des lieux isolés.

[207] En ce qui concerne l'affirmation des employés selon laquelle le chauffeur pouvait utiliser le véhicule comme bouclier ou comme arme en cas de vol, Securicor a répondu que rien ne démontrait que cela avait déjà été fait. Toutefois, le simple bon sens m'amène à conclure que, dans le cas d'un vol où le véhicule n'a pas quitté les lieux, le chauffeur pourrait utiliser le véhicule comme un bouclier ou une arme si l'occasion s'en présentait ou si la situation l'exigeait.

[208] Dans l'affaire Elnicki, supra, antérieure aux modifications apportées en 2000 à la partie II du Code, le Conseil avait confirmé que le travail des employés de l'industrie des véhicules blindés comportait un danger inhérent élevé correspondant à la nature de ce secteur d'activité. Dans ce cas, le Conseil avait décidé que la réduction de la taille de l'équipe de 3 à 2 en retirant le garde armé qui protégeait le messager constituait un danger au‑delà du danger inhérent associé à ce travail. Le Conseil avait présenté des lignes directrices pour établir si les conditions de travail créaient un danger pour une équipe de deux personnes. Voici ces critères :

  • l'état des lieux;
  • la durée de la perte de contact visuel entre le garde et le messager;
  • la distance couverte par le messager entre le véhicule et les lieux et la durée totale de l'arrêt;
  • les mesures de sécurité en place pour protéger le messager;
  • le nombre de sorties et d'entrées du lieu;
  • les zones isolées sur les lieux;
  • l'heure du jour;
  • l'importance des points de service;
  • tout autre facteur susceptible de présenter un niveau de risque important. [C’est moi qui souligne.]

[209] Dans la décision Loomis, supra, l'agent régional de sécurité McKnight a confirmé que les employés utilisant un véhicule blindé étaient exposés quotidiennement au risque et qu'il y avait danger à moins que l'employeur ne s'assure que les employés étaient adéquatement renseignés, formés et supervisés. Il a aussi conclu que l'absence de communication suffisait à confirmer l'existence d'un danger plus grand que dans des conditions normales. Ses critères étaient les suivants :

  • le type de client;
  • les objets transportés et leur valeur;
  • la distance du véhicule;
  • la configuration des lieux;
  • le niveau de sécurité assuré par le client;
  • la constance de la communication. [C’est moi qui souligne.]

[210] À mon avis, les conseils antérieurs ont confirmé que l'industrie des véhicules blindés comportait un niveau de danger élevé inhérent à l'activité, qu'il fallait s'assurer que les employés étaient adéquatement renseignés, formés et supervisés, et que l'absence de communication constante suffisait à confirmer l'existence d'un danger plus grand que dans des conditions normales. Je partage et réaffirme ces conclusions.

[211] À la lumière des preuves et arguments présentés, je suis donc persuadé que l'absence de chauffeur constituait pour les employés qui ont refusé de travailler un risque important dont on aurait pu s'attendre raisonnablement à ce qu'il les expose à subir des blessures compte tenu du fait :

  • que les dispositifs de sécurité du véhicule de série S et le téléphone cellulaire ne remplaçaient pas le chauffeur;
  • qu'il n'était pas possible de maintenir une communication constante en raison des déficiences de la téléphonie cellulaire, du dispositif de déclenchement d'alarme à distance et du téléavertisseur;
  • que la formation était facultative et déficiente;
  • qu'en certaines situations, il était impossible de stationner le véhicule près de l’édifice, forçant ainsi les gardes et les chefs d’équipe à franchir à pied une plus grande distance;
  • que Securicor n'avait pas consulté son comité local de santé et de sécurité relativement à la mise en place des nouvelles procédures de travail;
  • que Securicor n'avait pas pris de mesures suffisantes pour réduire le risque résultant de l'élimination d'un chauffeur demeurant dans le véhicule.

[212] En ce qui concerne la question de savoir si oui ou non un vol à main armé était une possibilité raisonnablement envisageable dans le futur, les statistiques fournies à l'audience confirment que les vols à main armée constituent un risque inhérent à ce type de travail. Malgré l'argument de Securicor selon lequel ces statistiques montrent qu'il y a peu de vols et peu de blessures, je suis convaincu qu'un vol à main armée demeure une menace constante. Les travailleurs transportent des sommes importantes et sont armés. À mon avis, le risque de vol avec blessure demeure élevé. Et si la fréquence des vols est faible dans la région où travaillent les employés, comme les assaillants ont toutes les chances d'être armés et prêts à tout, les blessures pourraient facilement être graves.

[213] Contrairement aux gardiens de parc dans l'affaire Martin, supra, les gardes et les chefs d’équipe mis en cause dans ces appels n'ont pas le choix de rester en retrait au moment d'un vol. Les assaillants s'en prendraient à eux pour obtenir l'accès aux valeurs qu'ils transportent et peut-être à celles du véhicule. Dans ces conditions, Securicor doit s'assurer qu'ils sont prêts à toute éventualité quand se produit un vol et disposent de moyens d'avertissement, de moyens de communiquer avec l'extérieur pour obtenir de l'aide et de moyens d'éviter ou de contrer des prises d'otage.

[214] Pour les raisons ci-dessus, je conclus que le risque de vol et de blessure demeure une possibilité raisonnable.

[215] Compte tenu de la législation, de la jurisprudence, particulièrement de la décision de l'affaire Verville, supra, des arguments des parties et des faits présentés dans le contexte des appels, je conclus dans les circonstances qu'un chauffeur demeurant dans le véhicule durant les arrêts assure un important niveau de protection pour le garde et le messager et que cette protection n'a pas été remplacée quand Securicor était passée à des équipes de deux personnes sans chauffeur utilisant le véhicule de série S. Cela étant, je conclus qu'il y avait danger pour les employés qui ont refusé de travailler.

[216] Il ne reste donc plus qu'à établir si oui ou non le danger était une condition de travail normale pour les employés. Pour ce faire, je dois tenir compte de l'interprétation et de l'application de l'alinéa 128.2(b) du Code :

128(2) L'employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche lorsque, selon le cas :
b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

[217] Pour interpréter l'alinéa 128.2(b), je me reporte aux décisions suivantes invoquées par les parties :

L'honorable juge Gauthier a écrit au paragraphe 55 de sa décision relative à l'affaire Juan Verville and Correctional Service of Canada, supra:

[TRADUCTION] [55] Le sens courant des mots de l'alinéa 128(2)b) soutient l'interprétation exprimée dans ces décisions du Conseil parce que le terme « normal » fait référence à une situation courante, à un état ou à un niveau d'activité typiques, ordinaires. Il serait par conséquent logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la façon d'effectuer une tâche ou de mener une activité. En ce sens et par exemple, pourrait-on dire que ce serait une condition de travail normale si un garde de sécurité devait transporter de l'argent dans un établissement bancaire si des changements étaient apportés de sorte qu'il devrait faire son travail sans arme à feu, sans partenaire et dans un véhicule non blindé? [C’est moi qui souligne.]

L'agent d’appel Cadieux a écrit au paragraphe 180, de sa décision relative à l'affaire Agence Parcs Canada et Doug Martin, supra:

[180] Je souscris, toutefois, à la proposition suivante de M. Raven :

Qu'il y ait des risques ou des dangers inhérents à un travail ne veut pas dire, en soi, que le travailleur est censé assumer tous les risques pour sa santé et sa sécurité parce qu'ils font partie de son métier. L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour les réduire le plus possible. [C’est moi qui souligne.]

L'agent d’appel Cadieux a déclaré aux pages 4 et 5 de Revenue Canada and Robin Edwards, RSO Decision No. 91‑023, 9 décembre 1991 :

[TRADUCTION] M. Feeny a soutenu, pendant l'audience, que la fonction d'escorte confiée à M. Edwards aux fins de dépôts bancaires est une condition normale de son emploi et que tout danger perçu était inhérent à celui‑ci. Si l'on suppose que la fonction d'escorte attribuée à M. Edwards est une condition normale de son emploi, comme le prétend l'employeur, cela signifie que l'employé ne pouvait pas exercer le droit de refuser de travailler uniquement à cause de cette fonction. M. Edwards ne pouvait pas refuser de travailler simplement parce que le fait d'escorter quelqu'un est une tâche dangereuse. Néanmoins, il incombe à l'employeur, en pareil cas, de prendre les mesures nécessaires pour réduire les risques au minimum.

L'analyse de la déclaration de refus de travailler signée par M. Edwards indique que les motifs de son refus sont les suivants :

"LE 27 SEPTEMBRE 1991, ON M'A DEMANDÉ D'ACCOMPAGNER UNE CONDUCTRICE DU POINT D'ENTRÉE AUX AUTRES PONTS ET À LA BANQUE AUX FINS D'UN DÉPÔT. VU LA FORTE VALEUR DE L'ARGENT COMPTANT TRANSPORTÉ ET LE FAIT QUE JE N'AI PAS REÇU LA FORMATION NÉCESSAIRE POUR PROTÉGER DE L'ARGENT OU ME PROTÉGER MOI‑MÊME, JE NE ME SENTAIS PAS EN SÉCURITÉ. JE ME SENTAIS COMME UNE CIBLE DE VOL AVEC VIOLENCE. DE PLUS, LE VÉHICULE N'ÉTAIT PAS PROPRE À ASSURER LA SÉCURITÉ."

Il me semble que le principal motif du refus de travailler de M. Edwards dépasse de beaucoup le fait que la tâche d'escorter la conductrice Sharon Rocco, qui recueille et transporte de fortes sommes d'argent, est dangereuse et que cela le met en danger. Le principal sujet d'inquiétude de M. Edwards est qu'il n'a pas reçu la formation nécessaire et qu'il ne dispose pas du matériel de sécurité approprié pour accomplir cette tâche en sécurité. L'inquiétude de M. Edwards au sujet de sa sécurité était d'autant plus forte que la prise de livraison et le transport des sommes considérables en question étaient bien connus et que cela, à son avis, risquait de donner lieu à un vol et à un vol avec violence. Ainsi, M. Edwards craignait‑il pour sa vie.

Le Code définit "danger" comme suit : "risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade avant qu'il ne puisse y être remédié". On peut en conclure que le concept de danger est subjectif. Le danger devient concret lorsque le risque ou la situation se réalise. Il s'ensuit que l'agent de sécurité qui mène une enquête au sujet d'un refus de travailler doit déterminer si le prétendu danger est réel et présent au moment de l'enquête.

Dans le cas en l'espèce, plusieurs opinions ont été exprimées par différentes autorités policières au sujet du transfert régulier et quotidien de fortes sommes d'argent à des institutions financières locales. Le service de police régional de Niagara a mis en garde des représentants de Revenu Canada et de Travail Canada contre l'insécurité de la méthode de transport actuelle parce qu'elle fait augmenter le risque de vol et de vol avec violence. Les craintes des autorités sont fondées sur l'importance des sommes d'argent comptant transférées quotidiennement, dont le public est conscient parce que les médias en ont fait état et qui se chiffrent actuellement à près d'un quart de million de dollars. Cette opinion fut confirmée par écrit par la suite, à M. Hamilton, par le Département de la police de Niagara.

Il semble impossible de prouver que le danger était présent, ou immédiat, au moment où l'agent de sécurité a mené son enquête. Il est pratiquement impossible pour l'employeur ou l'agent de sécurité d'attester qu'une tierce partie se trouvant sur les lieux du travail au moment de l'enquête avait nettement l'intention de procéder à un vol. Je crois que le danger, dans le cas qui nous intéresse, est le fait que le risque de vol et de vol avec violence a augmenté à un point tel qu'il n'est plus acceptable, ni à M. Edwards, ni aux autorités policières. Ce risque n'est pas si faible qu'il est peu probable qu'il se réalise. Au contraire, il s'agit d'un risque quotidien de vol qui, vu les circonstances, se réalisera tôt ou tard.

Je suis d'avis que le transport quotidien et régulier de fortes sommes d'argent, au su du grand public, par Revenu Canada, Douanes et Accise, dans une fourgonnette non banalisée, sans matériel de protection adéquat et sans que le personnel d'escorte ait reçu la formation nécessaire, crée une situation où le risque de vol est immédiat. C'est pourquoi il existe au lieu de travail de M. Edwards une situation susceptible de causer des blessures. Je crois que c'est à la chance qu'on doit le fait qu'il n'y ait pas eu de vol jusqu'à présent. Je crois également que ce n'est qu'une question de temps avant que la chance fasse défaut, et que M. Edwards ne devrait pas être obligé de mettre sa sécurité et sa santé en péril pour prouver qu'il existe un danger.

Je ne peux pas accepter que des conditions d'emploi normales telles que celles de procéder à des dépôts bancaires ou de servir d'escorte nécessitent que M. Edwards mette sa vie, sa santé ou sa sécurité en danger et coure tous les risques associés à son emploi, quelles qu'en soient les conséquences. Je ne crois certainement pas que les mesures de sécurité prises actuellement par l'employeur et la formation restreinte correspondante qui a été donnée à M. Edwards, laquelle se résume à tirer une goupille sur un radiotéléphone pour avertir d'une menace de vol ou d'un vol en cours et à n'offrir aucune résistance par la suite, constituent des mesures de sécurité appropriées à la protection de M. Edwards en cas de vol ou de vol avec violence. Dans le cas en l'espèce, je crois qu'il vaut mieux pêcher par excès de prudence que par l'inverse afin de protéger l'employé en question.

Je crois que cette approche est conforme au but visé par le Code canadien du travail, Partie II, qui est la prévention. Le droit de refuser de travailler est et doit être considéré comme un des mécanismes prévus par le Code à l'appui de ce but. Ainsi, le droit de refuser de travailler est‑il un instrument de prévention qui peut être utilisé en dernier recours. [C’est moi qui souligne.]

[218] J'ai retenu des citations ci-dessus que les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires pour réduire les risques au minimum. Relativement à cette obligation, les articles 122.2 et 124 du Code stipulent les points suivants :

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d'assurer la santé et la sécurité des employés.

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[219] Si, en dépit de tous ses efforts, un employeur ne peut éliminer ou réduire un risque associé à un travail donné, on estime alors que ce risque est une caractéristique intrinsèque ou essentielle au travail et une condition de travail normale. L’alinéa 128.2b) du Code stipule qu'un employé ne peut refuser de travailler si le danger est une condition de travail normale.

[220] Toutefois, cela ne signifie pas que les employés qui exécutent une tâche doivent le faire au mépris de leur vie, de leur santé ou de leur sécurité sans égard aux conséquences. Au contraire, quand l'employeur ne s'est pas acquitté de ses responsabilités en vertu des articles 124 et 125 du Code, il est dangereux pour l'employé de travailler dans ces conditions et le danger ne constitue pas une condition de travail normale décrite à l'alinéa 128(2)b) du Code.

[221] En réponse à l'affirmation de Securicor selon laquelle le risque de vol est normal pour un employé convoyeur de fonds et l'accroissement du risque de blessure au-delà du danger « normal » ne peut être établi que par des renseignements vérifiables comme des rapports de police, j'estime que cette perception correspond au concept de danger « immédiat » ou « imminent » qui n'a plus cours dans la définition actuelle de danger qu'on trouve dans le Code. Par conséquent, il n'est pas pertinent, dans ces affaires, que l'employeur et les agents de santé et de sécurité n'aient pas constaté la présence de voleurs au moment des refus de travailler.

[222] En décidant qu'il y avait absence de danger pour les employés qui ont refusé de travailler, les agents de santé et de sécurité Marion et Hubert se sont demandés surtout s'il y avait danger immédiat. Ils ont déclaré qu'il n'y avait pas trace de voleurs et ne se sont pas demandés s'il existait un danger potentiel. Ils ont conclu que s'il existait un danger, c'était une condition de travail normale et qu'elle était présente sans égard à la méthode de travail. Toutefois, en arrivant à cette conclusion, ils n'ont pas tenu compte du fait que cette méthode avait changé quand Securicor avait mis en place les équipes de deux personnes sans chauffeur ou du fait que l'employeur n'avait pas consulté ses employés par l'entremise de son comité local de santé et de sécurité relativement à la mise en place de l'équipe de deux personnes sans chauffeur.

[223] Je conclus donc que l'absence de chauffeur, dans ces circonstances, constituait un danger supérieur au danger « normal » associé au travail et qu'il était raisonnable de penser que le danger pouvait survenir dans le futur. C'est pourquoi j'annule les décisions d'absence de danger des agents de santé et de sécurité Hubert et Marion.

[224] Ayant établi qu'il y avait danger pour les employés qui ont refusé de travailler et compte tenu que l'alinéa 146.1(1)b) du Code qui m'autorise à émettre une instruction en vertu du paragraphe 145(2), par la présente, j'ordonne à Securicor de prendre immédiatement des mesures pour protéger ses employés de tout danger.

[225] Les TCA et les employés ont demandé que j'émette une instruction exigeant que Securicor s'assure qu'un chauffeur demeure dans le véhicule blindé en tout temps, qu'elle améliore l'équipement de communication fourni aux travailleurs, y compris un nombre suffisant de radios portatives et de téléphones cellulaires et de piles chargées pour chacun des employés, et qu'elle révise son programme de formation en consultation avec le syndicat afin que tous les employés reçoivent une formation complète et détaillée sur le fonctionnement du véhicule de série S, y compris un élément de formation important sur la fonction de garde avec le nouveau fourgon. Toutefois, je crois qu'il revient à Securicor de décider, en collaboration avec son comité de santé et de sécurité et sous la surveillance d'un agent de santé et de sécurité, des mesures à prendre pour protéger ses employés.

[226] Enfin, la Cour fédérale et les tribunaux ont statué par le passé que les dispositions du Code relatives au refus de travailler ne devaient pas servir à résoudre des différends de longue date entre les employeurs et les employés. Toutefois, S. Avery, spécialiste national en sécurité de Securicor, a déclaré dans un document présenté au nom de Securicor relativement au refus de travailler de C. Brazeau et de B. Martin que la direction avait été avisée que les employés allaient refuser de travailler en équipes de deux personnes sans chauffeur en raison même de l'absence de chauffeur. S. Avery a écrit que Securicor avait changé le premier arrêt en prévision de leur refus de travailler pour réagir rapidement et réduire au minimum l'impact de l'interruption pour ses activités et ses clients. J’ai aussi noté que Securicor avait également modifié l'itinéraire de B. Thoms et de B. Woods avant leur refus de travailler.

[227] Bien que cela indique un manque de jugement de la part des employés qui n'ont pas signalé à l'avance et efficacement leur préoccupation à Securicor par d'autres moyens avant de refuser de travailler, Securicor demeure le plus grand coupable. Plutôt que de consulter ses employés par l'entremise de son comité de santé et de sécurité pour calmer leurs inquiétudes et éviter un refus de travailler, Securicor a préféré choisir les lieux où un refus de travailler aurait le moins d'impact sur ses activités et sur ses clients. L’employeur a prématurément eu recours, et peut-être inutilement, à des agents de santé et de sécurité et à ce Bureau pour régler ce différend avec ses employés. Ce faisant, Securicor a potentiellement mis en péril la santé et la sécurité de ses employés en attendant une décision. J’estime qu'il y a eu là une attitude abusive à l'égard du Code.

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Douglas Malanka
Agent d'appel

Appendice

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II — SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION AUX EMPLOYÉS EN VERTU DE L'ALINÉA 145(2)a)

Consécutivement à mon enquête menée conformément à l'article 146.1 du Code sur les circonstances des décisions d'absence de danger des agents de santé et de sécurité Marion et Hubert pour les employés qui ont appelé de leurs décisions conformément au paragraphe 129(7) et qui sont mentionnés dans ma décision, j'ai conclu que l'absence de chauffeur dans une équipe de deux personnes constituait pour les employés ci-dessous un danger outrepassant les conditions normales de travail :

  • C. Brazeau et B. Martin:
  • B. Thoms et B. Woods;
  • A. Gour et P. Gour

Par conséquent, JE VOUS ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute utilisation, activité ou travail dans ces conditions jusqu'à ce que l'employeur se soit conformé à l'instruction présentée à M. T. White, directeur général de Securicor Canada Limited, en vertu de l'alinéa 145(2)a) du Code.

Fait à Gatineau (Québec), ce 16e jour de décembre 2004.

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Douglas Malanka
Agent d'appel no AC1594

Appendice

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II — SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DE L'ALINÉA 145(2)a)

Consécutivement à mon enquête menée conformément à l'article 146.1 du Code sur les circonstances des décisions d'absence de danger des agents de santé et de sécurité Marion et Hubert pour les employés qui ont appelé de leurs décisions conformément au paragraphe 129(7) et qui sont mentionnés dans ma décision, j'ai conclu que l'absence de chauffeur dans une équipe de deux personnes constituait pour les employés ci-dessous un danger outrepassant les conditions normales de travail :

  • C. Brazeau et B. Martin:
  • B. Thoms et B. Woods;
  • A. Gour et P. Gour

Par conséquent, JE VOUS ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de modifier l'activité dangereuse ou de protéger vos employés de ce danger, et ce immédiatement,

Fait à Gatineau ce 15 décembre 2004.

Je vous avise que, conformément au paragraphe 145(8) de la partie II du Code canadien du travail, vous devez informer un agent de santé et de sécurité à Ressources humaines et Développement des compétences Canada, à Ottawa (Ontario), au plus tard le 14 janvier 2005 des mesures prises pour vous conformer à la présente instruction et présenter une copie de cette réponse écrite à votre comité de santé et de sécurité au travail.

De plus, je vous avise que, conformément au paragraphe 145(5) de la partie II du Code canadien du travail, l'employeur doit sans retard faire afficher cette instruction et en donner une copie à son comité de santé et de sécurité.

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Douglas Malanka
Agent d'appel no AC1594

À : Securicor Canada Limited
1303, rue Michael
Gloucester (Ontario) K1B 3M8

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L'AGENT D’APPEL

Décision no: 04-049

Appelants : C. Brazeau, B. Martin, B. Thoms, B. Woods, A. Ozga, P. Gour et TCA‑Canada

Défendeur : Securicor Canada Limited

Dispositions:

Code canadien du

travail : 122(1), 124, 125, 128, 129, 134,135, 145, 146

Mots-clés : Refus de travailler, réduction de la taille des équipes, chauffeur, équipe de deux personnes sans chauffeur, véhicule de série S, téléphone cellulaire, dispositifs d'alarme, radios bidirectionnelles, dispositifs de sécurité de véhicule de haute technologie, vol à main armée, danger, danger normal, formation, évaluation des risques, statistiques, comité local de santé et de sécurité, bouclier, arme, culture de l'industrie, quitter les lieux.

Résumé 

En trois occasions distinctes, trois gardes et trois chefs d’équipe ont refusé de travailler. Ils se sont plaints que leur employeur avait réduit la taille de leur équipe de trois à deux personnes, éliminant le chauffeur qui serait demeuré dans le véhicule pendant que le garde et le messager effectuaient la cueillette ou la livraison. Ils ont soutenu pour plusieurs raisons que le chauffeur apportait une meilleure protection et que les mesures de sécurité mises en place ne suffisaient à compenser cette absence, à savoir un véhicule de série S, des caméras, des dispositifs d'alarme, des téléphones cellulaires et des radios bidirectionnelles.

Les agents de santé et de sécurité qui ont enquêté sur les refus de travailler ont conclu dans tous les cas à une absence de danger parce que les employés ne pouvaient démontrer qu'il y avait danger immédiat pour leur santé et leur sécurité.

Après examen de l'appel des employés, l'agent d’appel a conclu qu'il y avait danger dans chacun des cas parce que le risque de vol demeurait une possibilité constante et que l'employeur n'avait pas pris de mesures suffisantes pour réduire le niveau de risque accru du fait de l'absence de chauffeur. L'agent d’appel a ordonné à l'employeur de protéger immédiatement la santé et la sécurité de ses employés.

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