Archivée - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Paul Chamard
demandeur

et

Service correctionnel du Canada
Établissement Donnaconna
employeur
___________________________
No de la décision 05-004
Le 20 janvier 2005

Appel entendu par Michèle Beauchamp, agent d'appel, à Québec (Qc), le 18 février 2004

Ont témoigné
Pour les demandeurs :
Me Céline Lalande, conseillère syndicale, Confédération des syndicats nationaux
Pierre Ross, agent correctionnel I, Service correctionnel du Canada (SCC), Établissement Donnaconna
Karl Ruel, agent correctionnel II, SCC, Établissement Donnaconna
Paul Chamard, agent correctionnel II, SCC, Établissement Donnaconna
Simon Ruel, agent correctionnel I, SCC, Établissement Donnaconna

Pour l'employeur :
Me Neil McGraw, avocat, ministère de la Justice, Conseil du Trésor
Claude Lemieux, directeur et sous-commissaire adjoint aux Opérations, SCC
Denis Bélanger, gérant d'unité, SCC, Établissement Donnaconna

Agent de santé et sécurité :
Katia Néron, Développement des ressources humaines Canada, Direction des enquêtes, Québec

[1] Le présent appel a été interjeté en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail par Yves Therrien, du Syndicat des agentes et agents correctionnels du Canada-CSN (UCCO-SACC-CSN), au nom de Paul Chamard et Simon Ruel, agents correctionnels (AC) à l'emploi du Service correctionnel du Canada à l'Établissement Donnacona, situé à Donnacona (Québec).

[2] Le syndicat en appelait de la décision d'absence de danger que l'agent de santé et de sécurité Katia Néron a rendue par écrit le 1er octobre 2002, après avoir fait enquête sur le refus de travailler que les agents correctionnels Chamard et Ruel ont fait le 30 septembre 2002.

[3] L'agent de santé et de sécurité Néron a mené une enquête poussée sur le refus de travail des employés, en présence de ces deux employés et de Denis Bélanger, gérant d'unité (GU), Yves Therrien, coprésident employé du comité local de santé et de sécurité, Francis Brisson, agent de sécurité préventive (ASP), et Serge Émard, surveillant des opérations correctionnelles et membre employeur du comité local de santé et sécurité.

[4] L'agent de santé et de sécurité Néron a également fait parvenir un rapport d'enquête exhaustif à ces deux employés et à Claude Lemieux, directeur de l'Établissement Donnaconna, le 10 octobre 2002. Je retiens les principaux points suivants de son rapport d'enquête et du témoignage qu'elle a donné lors de l'audience tenue le 18 février 2004.

[5] Le 30 septembre 2002, les deux employés Chamard et Ruel ont refusé de travailler pour le même motif, énoncé comme suit dans le rapport d'enquête de l'agent de santé et de sécurité Katia Néron :

Libellé du refus de travailler de Paul Chamard

Lieux de l'escorte (Hôpital) non sécuritaires. On s'expose aux dangers. Infrastructures de l'hôpital non adéquates. Aucun local sécuritaire. Détenu coté maximum sur le code « 26 ». Le 5 juin 2002 le même détenu fût escorté armé et à 3 agents. Le 16 septembre 2002 aucune mesure n'a été prise. Escorte à deux agents, aucune formation. Note de service pas claire. Environnement et secteur (Hôpital l'Enfant-Jésus) à risque (+ voir annexe).

Libellé du refus de travailler de Paul Chamard

(voir annexe) + L'hôpital où nous devions escorter le détenu est un endroit inconnu ouvert au grand public. De plus, nous ne contrôlons pas les allées et venues des gens. Toute personne hostile envers ce que nous représentons serait apte à nous confronter sans un de nos outils de travail (arme).

[6] Lors de son témoignage à l'audience, l'agent de santé et de sécurité Néron a expliqué que les refus de travailler reposaient principalement sur cinq motifs, à savoir :

  • il est toujours dangereux d'escorter un détenu1 sans être armé, peu importe la cote décernée au détenu par suite de l'évaluation faite aux fins de l'escorte;
1 Le nom du détenu ne sera pas divulgué dans la présente décision, pour en protéger la confidentialité.
  • l'hôpital où le détenu devait se rendre n'avait pas de bloc carcéral et ne pouvait accueillir le détenu que dans une petite salle dont la porte était munie d'une serrure ordinaire;
  • les deux agents d'escorte n'avaient pas reçu une formation adéquate sur l'escorte non armée;

  • le stationnement prévu à l'hôpital pour la fourgonnette du SCC n'était pas adéquat;

  • on pouvait identifier la fourgonnette du SCC prévue pour l'escorte parce que le sigle du SCC y était encore lisible.

[7] En ce qui concerne le risque représenté par le détenu, l'agent de santé et de sécurité Néron a indiqué dans son rapport écrit que :

  • le rendez-vous du détenu à l'hôpital n'a pas été annulé, malgré le refus de travailler exercé par les employés;

  • le détenu a été évalué par Denis Bélanger, gérant de son unité d'habitation, selon la procédure officielle en vigueur à l'établissement;

  • D. Bélanger a consulté à ce sujet l'agent de sécurité préventive Brisson, les agents correctionnels travaillant au pavillon où le détenu est incarcéré et l'agent de libération conditionnelle Perreault, qui était attitrée au détenu et qui, à la demande de l'ASP, en a fait le profil pour évaluer le risque qu'il représentait pour les agents d'escorte.

[8] L'agent de santé et de sécurité Néron a aussi noté que D. Bélanger a tenu compte des points suivants pour déterminer si les agents d'escorte devaient être armés :

  • le détenu purgeait une deuxième peine de 16 ans;

  • il avait tenté de s'évader en 1996;

  • il avait une cote de sécurité moyenne depuis février 2000, mais refusait d'être transféré dans un établissement à sécurité moyenne;

  • son comportement était conforme aux règlements;

  • il avait participé à des programmes internes et collaborait avec son équipe de gestion de cas;

  • il n'était pas affilié à un gang organisé de criminels;

  • l'hôpital où il devait se rendre était situé dans un quartier perçu comme étant criminogène;

  • le risque qu'il s'évade ou tente de s'évader était modéré;

  • le risque qu'il représentait dans l'établissement était modéré;

  • le risque qu'il représentait pour le public était élevé parce qu'il avait commis plusieurs vols qualifiés et qu'il était possible qu'il récidive une fois libre.

[9] Le directeur de l'établissement, Claude Lemieux, a signé le 27 septembre l'évaluation faite par D. Bélanger, approuvant ainsi sa décision que les agents d'escorte ne soient pas armés.

[10] D. Bélanger a présenté ses recommandations aux personnes présentes au briefing du matin du 30 septembre, soit la direction, les gérants d'unités, les agents de sécurité préventive et les surveillants correctionnels, qui les ont acceptées. Les consignes de surveillance ont été fixées ce matin-là, pour diminuer les risques d'omettre des informations de dernière minute. Elles indiquaient que l'escorte devait se faire avec deux agents non armés et que le détenu devait être sous surveillance visuelle constante et porter un équipement de contrainte.

[11] D. Bélanger et l'ASP F. Brisson ont également fait une évaluation physique des lieux le 27 septembre, pour examiner le stationnement et la salle d'attente de l'hôpital. Cela a amené l'employeur à identifier deux autres endroits où stationner le véhicule d'escorte près de l'entrée de l'urgence et à modifier la procédure de stationnement de la fourgonnette.

[12] L'agent de santé et de sécurité Néron s'est rendue à l'urgence de l'hôpital et a constaté que :

  • les agents pouvaient stationner la fourgonnette près de la porte donnant directement accès à l'entrée des ambulances ou de l'autre côté, à quelques pas de cette entrée;

  • après identification, l'agent de sécurité de l'hôpital ouvrait la barrière donnant accès au garage de stationnement des ambulances et pouvait aussi ouvrir les portes du garage donnant accès à l'urgence si l'oeil magique placé à l'entrée du garage ne fonctionnait pas;

  • il y avait à l'entrée de l'urgence où les agents d'escorte font l'admission du détenu un petit local qui leur était réservé, auquel on avait ajouté, pour le rendre plus sécuritaire, une fenêtre dans la porte et un téléphone;

  • D. Brisson était d'avis que ce local n'était pas approprié car n'importe qui pouvait y entrer et qu'il fallait aménager un bloc carcéral pour éviter que les agents d'escorte et le détenu aient à attendre au milieu du public et pour mieux contrôler les risques et le temps d'attente;

  • l'employeur était d'accord avec l'aménagement d'un bloc carcéral et a fait des démarches en ce sens.

[13] L'agent de santé et de sécurité Néron a également examiné un rapport d'enquête que le comité de santé et de sécurité de l'établissement a fait par suite d'un refus de travail exercé, le 16 septembre précédent, par deux agents d'escorte qui devaient effectuer ce jour-là une escorte non armée au même hôpital et pour le même détenu. Une des recommandations du rapport prévoyait le recours à un troisième agent d'escorte à cet hôpital jusqu'à ce qu'un bloc cellulaire y soit construit, ce qui signifiait, selon un membre-employeur du comité ayant participé à l'enquête, que « dès qu'une escorte est faite à trois agents, tout le monde comprend que l'un d'entre eux est armé ».

[14] En outre, le 10 septembre 2001, l'employeur avait établi et transmis à tous les agents responsables d'une escorte sécuritaire une procédure décrivant la marche à suivre pour escorter un détenu à ce centre hospitalier, y compris sur l'arrivée à l'urgence et l'attente dans le local sécuritaire qui était réservé au SCC et qui devait être verrouillé en tout temps.

[15] Dans ce contexte et compte tenu de la procédure d'évaluation individuelle des détenus pour les besoins d'escorte, l'agent de santé et de sécurité Néron a considéré que la salle d'attente mise à la disposition des agents et du détenu était acceptable.

[16] Pour ce qui est de la fourgonnette du SCC, l'agent de santé et de sécurité Néron a constaté qu'à l'intérieur, une porte blindée séparait le détenu des employés, ce qui leur évitait tout contact, et qu'une fenêtre installée sur la porte permettait aux agents d'escorte de vérifier le matériel de contrainte porté par le détenu avant de le sortir de la fourgonnette. Par ailleurs, la mention du SCC restait lisible sur la fourgonnnette, mais l'employeur était d'accord pour corriger cette lacune.

[17] En ce qui a trait aux deux employés qui ont refusé de travailler, l'agent de santé et de sécurité Néron a noté que Paul Chamard était agent correctionnel de niveau 2 depuis vingt ans et Simon Ruel, agent correctionnel de niveau 1 depuis quatre ans. Tous deux avaient déjà effectué des escortes sécuritaires, mais ils n'avaient jamais fait d'escorte à deux agents non armés.

[18] Paul Chamard a déclaré qu'il connaissait un peu la procédure d'évaluation utilisée pour décider de l'escorte. Ainsi, il savait que l'on tient alors compte de la sentence imposée au détenu, de sa date de libération, de ses contacts extérieurs, du niveau de danger interne et externe et du risque que le détenu représente pour les employés. Pour sa part, Simon Ruel a dit ne rien connaître du processus d'évaluation d'un détenu.

[19] Les deux employés en cause ont accompagné l'agent de santé et de sécurité Néron au cours de sa visite à l'hôpital. Ils lui ont expliqué que lorsque trois agents accompagnent un détenu, les agents d'escorte s'assurent d'abord que celui-ci est toujours menotté en regardant par la fenêtre de la porte du compartiment où il se trouve, puis deux agents le sortent de la fourgonnette et l'accompagnent à l'urgence pendant que le chauffeur va stationner le véhicule.

[20] La procédure n'est pas la même s'il n'y a que deux agents car il faut stationner la fourgonnnette près de l'entrée ou de la sortie du garage réservée aux ambulances. Puis, les deux agents sortent le détenu de la fourgonnette après s'être assurés qu'il est bien menotté aux pieds et aux mains. Rendus à l'urgence, un agent entre dans la salle d'attente située à la droite de l'entrée pour l'inspecter et, si tout est conforme, il y fait entrer le détenu, toujours accompagné de l'autre agent. En plus, dès qu'ils entrent dans l'hôpital, les agents d'escorte font asseoir le détenu sur une chaise roulante, et c'est toujours en chaise roulante et menotté qu'ils le conduisent à son lieu de rendez-vous, où ils demeurent avec lui.

[21] Par ailleurs, avant chaque escorte, les agents d'escorte doivent rencontrer le surveillant correctionnel pour qu'il les informe de la procédure et des consignes de sécurité applicables au détenu. Cependant, dans le cas présent, les agents d'escorte ont refusé de travailler dès qu'ils ont appris qu'ils ne seraient pas armés et le surveillant correctionnel n'a donc pas pu leur expliquer les consignes qui avaient été établies.

[22] En outre, l'employeur fournit pour chaque escorte sécuritaire un équipement de protection aux agents correctionnels, soit un gilet pare-balles, dont le port est obligatoire, un agent irritant, normalement du poivre de cayenne, des menottes et des fers, que le détenu portera aux mains et aux pieds, et tout autre matériel de protection précisé dans le permis de sortie.

[23] Après avoir recueilli tous les faits et témoignages nécessaires et terminé son enquête, l'agent de santé et de sécurité Néron a décidé qu'il n'y avait pas de danger pour les deux agents correctionnels Chamard et Ruel d'escorter le détenu sans être armés, pour les raisons suivantes :

  • aux termes de l'évaluation faite pour les besoins de l'escorte, le détenu représentait un risque modéré d'évasion et un risque élevé pour la sécurité du public;

  • cette évaluation a été faite par une personne compétente, en consultation avec tous les intervenants qui connaissaient bien le détenu et compte tenu de son évolution pendant sa détention;

  • l'évaluation a été faite quelques jours seulement avant la sortie autorisée avec les agents d'escorte;

  • outre le processus quotidien de consultation en vigueur dans l'établissement, la décision finale sur les consignes de sécurité applicables à la sortie a été prise lors du briefing tenu le matin du jour prévu pour la sortie, ce qui a réduit d'autant la possibilité qu'on ne tienne pas compte d'une information de dernière minute pour évaluer le détenu;

  • l'employeur a élaboré et applique des procédures définies pour bien protéger les agents correctionnels qui effectuent des escortes;

  • les différents intervenants de l'établissement respectent ces procédures;

  • les employés ont reçu de la formation sur les procédures d'escorte sécuritaire d'un détenu et, avant chaque escorte, le surveillant correctionnel explique aux agents d'escorte les consignes de sécurité applicables;

  • l'employeur a changé l'emplacement de stationnement de la fourgonnette d'escorte puisque celle-ci se fait avec deux agents non armés, afin de permettre aux agents d'accompagner ensemble le détenu;

  • selon l'évaluation que l'employeur a faite de la salle d'attente mise à la disposition du SCC, le risque de garder un détenu dans cette salle était acceptable dans les circonstances;

  • les motifs invoqués par les employés se basaient sur un risque hypothétique qu'une situation dangereuse ne survienne.

Position du syndicat

[24] Me Lalande a fait valoir que le travail d'un agent correctionnel est, en soi, un travail dangereux, à cause en grande partie des comportements humains imprévisibles.

[25] L'établissement de Donnaconna est un établissement à sécurité maximum, où l'encadrement des détenus est plus étroit, les détenus sont dangereux et les risques d'évasion sont élevés. À l'intérieur des murs, des AC1 armés se promènent sur la passerelle et tous les agents en poste dans les tours de contrôle ont des armes à portée de la main. Ces armes servent à prévenir les pertes de vie et à protéger le personnel, le public et les détenus.

[26] Depuis la mise en place de la nouvelle procédure d'escorte sans arme, l'employeur demande aux agents d'escorte de sortir de l'établissement sans être munis des moyens de protection dont ils jouissent à l'intérieur des murs. Il les assure qu'en cas de besoin, la police pourra intervenir, mais sans se demander en combien de temps.

[27] Me Lalande est également d'avis que les critères d'évaluation utilisés pour décider du port d'armes pendant l'escorte n'ont pas été respectés. Ainsi, le détenu a déjà tenté de s'évader, il représente un risque d'évasion allant de modéré à élevé et il nécessite de ce fait une protection particulière.

[28] Par ailleurs, le quartier où est situé l'hôpital est criminogène et l'hôpital n'avait pas de bloc carcéral où isoler le détenu et les agents correctionnels du public. En plus, les agents d'escorte constituaient une cible facile parce qu'ils étaient facilement reconnaissables à leur uniforme.

[29] Pour établir que les agents correctionnels qui ne sont pas armés pendant une escorte ne jouissent plus de la protection à laquelle ils ont droit, Me Lalande a cité différentes décisions jurisprudentielles rendues par l'agent d'appel Serge Cadieux. Dans Vancouver Wharves Ltd.2, l'agent d'appel Cadieux a déclaré qu'une personne peut constituer un danger pour des employés. Dans Service correctionnel du Canada, Établissement de Warkworth3, l'agent d'appel a affirmé que le risque de violence à l'encontre des agents correctionnels augmente dès qu'ils sortent de l'établissement.

2 Vancouver Wharves Ltd. v. Syndicat international des débardeurs et magasiniers, agent d'appel Serge Cadieux, décision 97-014, 25 avril 1997
3 Service correctionnel du Canada, établissement de Warkworth, v. Alliance de la Fonction publique du Canada, agent d'appel Serge Cadieux, décision 97-006, 2 juin 1997.

[30] Par conséquent, Me Lalande s'est dit d'avis que l'on doit évaluer les risques d'une escorte et les mesures de protection correspondantes en fonction du lieu de l'escorte, du trajet emprunté pour s'y rendre, de la possibilité d'identifier le véhicule d'escorte et des agents d'escorte. Selon Me Lalande, le risque de violence est loin d'être hypothétique, les possibilités de blessure sont réelles et le danger est toujours présent à cause de l'imprévisibilité du comportement du détenu.

[31] Par ailleurs, lorsque, le 26 mai 2004, l'honorable juge Gauthier de la Cour fédérale a rendu sa décision (non traduite) dans l'affaire Juan Verville4, qui faisait suite à un contrôle judiciaire d'une décision de l'agent d'appel Serge Cadieux et traitait de la notion de danger éventuel au sein d'un établissement des SCC, Me Lalande a envoyé à l'agent d'appel et à l'avocat du SCC, Me McGraw, sa position à l'égard de cette décision et de ses répercussions sur le présent appel.

4 Juan Verville and Service correctionnel du Canada, Institution pénitentiaire de Kent, 2004 FC 767, 26 mai 2004

[32] Après avoir brièvement expliqué les faits relatifs à l'affaire Verville, Me Lalande a déclaré que, selon la juge Gauthier, la nouvelle notion de « danger » n'exige pas que l'on sache précisément quand la situation causera des blessures, qu'il suffit d'en établir une probabilité non pas inévitable, mais raisonnable, et que la définition n'exclut pas le comportement humain imprévisible. Voici ce que Me Lalande a écrit :

La juge Gautier estime que pour satisfaire à la nouvelle définition de " danger" au sens du Code, il n'est pas nécessaire d'établir précisément quand la situation, tâche ou risque causera des blessures. Il suffit qu'une personne démontre dans quelles circonstances nous pouvons s'attendre à ce qu'il puisse avoir des blessures et d'établir qu'il y a une probabilité raisonnable que ces blessures surviendront. De plus, selon ce jugement, la définition de danger n'exclut pas le comportement humain imprévisible. Il n'est donc pas nécessaire de démontrer que les blessures surviendront inévitablement. La juge s'exprime ainsi au paragraphe 41 et 43 de sa décision :

« With respect to I) in paragraph 40 above, the customary meaning of "potential" or "eventual" hazard or condition does not exclude a hazard or condition, which may or may not happen based on unpredictable human behaviour. If a hazard or condition is capable of coming into being or action, it should be covered by the definition. As I said earlier, one does not need to be able to ascertain exactly when it will happen. The evidence is clear in that case, that spontaneous assaults are indeed capable of coming into being or action. » [nos soulignés]

par 43:

« Thus, if those assaults could reasonably be expected to cause injury, they will come within the definition of danger. However, if that danger constitutes a normal condition of his employment, the employee will not have the right to rely on it to refuse to work (s.128(2)(b)). But, that is very different than saying that unpredictability of inmates' behaviour is alien to the concept of danger in the Code. »

Quant à l'exception au droit de refus de travailler car le danger constitue une condition normale de son emploi, prévue à l'article l28(2)b), la juge s'exprime ainsi au paragraphe 55 de sa décision :

« The customary meaning of the words in paragraph l28(2)(b) supports the views expressed in those decisions of the Board because "normal" refers to something regular, to a typical state of affairs, something that is not out of the ordinary. It would therefore be logical to exclude a level of risk that is not an essential characteristic but which depends on the method used to perform a job or an activity. In that sense and for example, would one say that it is a normal condition of employment for a security guard to transport money from a banking institution if changes were made so that this had to be done without a firearm, without a partner and in an unarmoured car? »

En notre affaire, il s'agit d'évaluer si des agents correctionnels d'un établissement à sécurité maximale étaient justifiés d'arrêter de travailler en vertu de l'article 128(1) du Code au moment où l'employeur leur demandait d'effectuer une escorte médicale d'un détenu sans port d'arme à feu?

[33] Me Lalande a ensuite repris les conditions dans lesquelles les agents correctionnels Chamard et Ruel devaient escorter le détenu, à savoir :

  • hôpital situé dans un quartier criminogène;

  • détenu entrant à l'hôpital par l'entrée des ambulances;

  • hôpital sans bloc carcéral;

  • proximité du public à l'admission et pendant les déplacements à l'intérieur de l'hôpital;

  • risque de rencontrer des détenus provinciaux incompatibles;

  • présence de plusieurs entrées publiques non contrôlées;

  • détenu ayant manifesté des troubles de comportement moins d'un an auparavant;

  • détenu ayant des antécédents d'évasion et risque maintenu d'évasion.

[34] Me Lalande a argué qu'elle ne pouvait démontrer que des blessures surviendraient inévitablement dans ces conditions, puisque le danger résultait avant tout de l'imprévisibilité du comportement humain, tant celui du détenu que celui des personnes qui pouvaient croiser le détenu et les agents pendant l'escorte. Cependant, a-t-elle dit, il fallait analyser la situation en fonction de l'interprétation que la juge Gauthier a avancée sur la définition du danger, qui inclut, selon elle, les blessures qui pourraient précisément survenir à cause d'un comportement humain imprévisible.

[35] Selon Me Lalande, les possibilités d'agresser des agents correctionnels ou le public sont nombreuses, par exemple s'il y a une tentative d'évasion ou si des détenus incompatibles se croisent. Le meurtre de deux agents correctionnels de la province, en 1997, et l'agression récente d'un agent de sécurité par un détenu en témoignent. Le directeur de Donnaconna a même reconnu que cette possibilité existait en affirmant que les agents correctionnels peuvent faire appel à la police si une situation dégénère pendant une escorte, mais, a-t-elle ajouté, dans un tel cas, les agents seraient blessés avant que les policiers aient le temps d'intervenir.

[36] Me Lalande a argué que le danger auquel les agents correctionnels font face pendant une escorte non armée ne constituait pas une condition normale d'emploi. Les agents doivent surveiller le détenu, empêcher les tentatives d'évasion et protéger le public, le personnel et le détenu. Même si, dans le cadre de leur travail, ils sont appelés à réagir à des situations de violence imprévues, il n'est pas « normal », selon elle, qu'ils amènent des détenus incarcérés dans un pénitencier à sécurité maximale dans un environnement non sécurisé, sans être muni des instruments de travail requis pour accomplir leur tâche et éviter les blessures ni avoir sur eux une arme à feu pour se protéger d'un éclat de violence, comme en sont pourvus les agents correctionnels provinciaux et les agents de police.

[37] Me Lalande est donc tout à fait d'accord avec l'opinion de la juge Gauthier dans l'affaire Juan Verville, supra. Selon elle, il est logique que l'alinéa 128(2)b) ne s'applique pas lorsque le risque ne constitue pas une caractéristique essentielle du travail, mais qu'il est fonction de la procédure de travail. Cependant, dans le cas présent, le risque dépasse les conditions normales de l'emploi car, pendant les escortes médicales, le SCC laisse les agents correctionnels affronter un danger potentiel susceptible de leur causer des blessures sans leur foumir une arme à feu.

Position de l'employeur

[38] Me McGraw a fondamentalement fait valoir que l'audience tenue dans le cadre de l'appel visait à déterminer si la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité était correcte, non à décider si des mesures pourraient être prises pour améliorer la santé et la sécurité au SCC.

[39] Me McGraw a cité diverses décisions jurisprudentielles pour défendre la position du SCC, que je résume ci-après. Ainsi, dans l'affaire Schellenberg5, l'agent d'appel Douglas Malanka a confirmé que le risque ne doit pas être hypothétique, alors qu'il l'est dans le cas présent.

5 Canada (Service correctionel) et Schellenberg, agent d'appel Douglas Malanka, décision 02-005, 9 mai 2002

[40] Il est dit dans l'affaire Hoovey6 que seules les analyses cas par cas peuvent permettre de statuer sur le type d'escorte. Pourtant, dans le cas présent, on n'a ni interrogé M. Bélanger sur la procédure qu'il a suivie pour son évaluation ni cherché à savoir si elle était correcte.

6 Hoovey c. Conseil du trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), Commission des relations de travail dans la fonction publique du Canada, no 43 2002 CRTFP 56, 5 juin 2002

[41] La Cour fédérale a établi clairement dans l'affaire Fletcher7 que l'appel n'a pas pour but de remettre en question la politique de l'employeur voulant que l'on analyse individuellement les sorties avec escorte non armée, contrairement à ce que le syndicat laisse entendre. Le choix du type d'escorte doit être basé sur les faits.

7 Canada (Procureur général) c. Fletcher, Cour fédérale du Canada-Cour d'appel, ACF no 1541, 5 novembre 2002

[42] Enfin, l'affaire Byfield8, décidée par l'agent d'appel Douglas Malanka, démontre qu'on ne peut baser l'existence d'un danger sur un risque hypothétique.

8 Byfield et Canada (Service correctionnel), agent d'appel Douglas Malanka, décision 03-007, 10 mars 2003

[43] Me McGraw a également répliqué aux arguments invoqués par Me Lalande par suite de la décision de la juge Gauthier dans l'affaire Juan Verville, supra. J'en résume ci-après les principaux arguments.

[44] Selon Me McGraw, la décision rendue dans l'arrêt Verville, supra, ne modifie ni n'est censée modifier l'état du droit dans ce domaine. Par conséquent, l'employeur invoque les arguments mis de l'avant à l'audience initiale dans cette affaire.

[45] Me Lalande prétend dans sa lettre que la juge Gauthier a cassé la décision de l'agent d'appel Cadieux puisqu'elle a conclu que ce dernier aurait incorrectement appliqué la définition de danger. Cette proposition est clairement incomplète et n'est pas conforme au jugement de la juge Gauthier, selon Me McGraw.

[46] Il est clair, a-t-il déclaré, que la juge Gauthier a renvoyé le dossier devant un autre agent d'appel puisqu'elle conclut que l'agent Cadieux aurait omis de considérer des éléments de preuve, contrairement à ce qu'exige la Loi sur la Cour fédérale. Au paragraphe 57 de la décision Verville, supra, la juge Gauthier note :

In my opinion, the decision under review is unreasonable, in particular in that the appeal officer failed to consider evidence on a core issue on which his final conclusion rests. Therefore, I find that the decision must be set aside and that the appeal should be redetermined by a different appeal officer. [nous soulignons]

[47] Selon Me McGraw, la décision Verville, supra, confirme la jurisprudence antérieure de la Cour fédérale dans la décision Douglas Martin9 et, pour l'essentiel, la décision rendue par l'agent d'appel Cadieux dans l'affaire Welbourne10. Tout en renouvelant l'ancienne définition en ajoutant le concept de danger potentiel, la nouvelle définition de danger maintient deux critères essentiels : le danger doit être a) « susceptible de causer des blessures » (en anglais : reasonably be expected) et b) « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ». La décision de la juge Gauthier confirme la jurisprudence qui exclut de la définition de danger une situation hypothétique ou spéculative.

9 Martin c. Procureur général du Canada, 2003 CF 1158, juge Tremblay-Lamer, 6 octobre 2003
10 Welbourne et Canadien Pacifique Ltée, agent d'appel Serge Cadieux, décision 01-008, 22 mars 2001

[48] Par ailleurs, la nouvelle définition a ajouté deux notions, la première portant sur le danger éventuel, où il n'est pas nécessaire que le danger se manifete sur-le-champ, et la seconde voulant que le danger existe si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il survienne avant que des mesures soient prises pour protéger les employés contre ce risque.

[49] La juge Gauthier a rendu sa décision dans l'affaire Verville, supra, qui visait 15 agents correctionnels de l'Établissement Kent. Les employés avaient refusé de travailler parce que l'employeur leur interdisait d'avoir sur eux des menottes à leur discrétion. La question a fait l'objet d'une enquête de la part d'un agent de santé et de sécurité, qui a conclu qu'il n'y avait pas de danger, mais a statué que l'employeur a enfreint l'article 124 du Code et a émis une instruction en vertu du paragraphe 145(1). L'employeur a interjeté appel de l'instruction et les employés ont interjeté appel de la conclusion selon laquelle il n'y avait pas de danger.

[50] L'agent d'appel Cadieux a statué que l'agent de sécurité avait raison de conclure à l'inexistence d'un danger. En outre, l'agent d'appel a annulé l'instruction parce que l'employeur n'enfreignait pas l'article 124 du Code. L'affaire a été renvoyée à la Cour fédérale pour fin de contrôle judiciaire et elle a été entendue par l'honorable juge Gauthier, qui a rendu sa décision sur l'affaire Verville, supra, le 26 mai 2004.

[51] Selon Me McGraw, la juge Gauthier confirme, au paragraphe 34 de sa décision, le critère juridique établi dans la décision Douglas Martin, supra, compte tenu de la lacune dont la juge Tremblay-Lamer a parlé. Me McGraw est d'avis qu'il est clair que la décision Verville, supra, constitue une application de la décision Douglas Martin, supra, et qu'elle ne s'en écarte pas. Ainsi, au paragraphe 36, la Cour a fait observer :

« ... the definition only requires that one ascertains in what circumstances it could be expected to cause injury and that it be established that such circumstances will occur in the future, not as a mere possibility but as a reasonable one. » En s'appuyant sur la notion d'attente raisonnable, la Cour indique en outre au paragraphe 43 : « Thus, if those assaults could reasonably be expected to cause injury, they will come within the definition of danger. »

[52] Me McGraw a soumis que la décision de la Cour dans l'affaire Verville, supra, va dans le sens de la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Douglas Martin, supra. Par conséquent, a-t-il dit, pour conclure à l'existence d'un danger relativement à un risque éventuel, à une situation ou à une activité future, l'agent de santé et de sécurité doit en venir à la conclusion, en se fondant sur les faits rassemblés dans le cadre de son enquête, que :

  • le risque potentiel, la situation ou l'activité future en question se présentera probablement;

  • un employé sera probablement exposé au risque, à cette situation ou à cette activité quand il se présentera;

  • l'exposition au risque, à la situation ou à la tâche se soldera probablement par une blessure ou une maladie pour l'employé qui y sera exposé;

  • la blessure ou la maladie surviendra probablement avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[53] En ce qui a trait au danger comme condition normale d'emploi, prévu à l'alinéa 128(2)b) du Code, il importe de souligner, selon lui, que la Cour n'a pas tiré de conclusion sur la question de savoir si les faits appuyaient une telle conclusion. La juge Gauthier a critiqué l'agent d'appel parce qu'il n'a pas tenu compte de la preuve et a fait observer ce qui suit :

Obviously, these reasons should not be construed as giving any indication or opinion as to whether or not in this particular case, the circumstances fall within paragraph 128(2)(b).

[54] Les remarques incidentes de la juge Gauthier aux paragraphes 54 et 55 de la décision Verville, supra, ne modifient ni ne sont censées modifier l'état du droit dans ce domaine, a déclaré Me McGraw. Il invoque donc que, sans preuve concrète qu'il était probable que l'escorte résulte en de la violence par le détenu ou un membre du public, il ne peut être conclu que l'escorte non armée constituait un danger au sens du Code.

***************


Décision

[55] La question à trancher en l'espèce est de déterminer si les deux agents correctionnels Chamard et Ruel se trouvaient dans une situation de danger, tel qu'il faut l'entendre au sens de la partie II du Code canadien du travail, lorsqu'ils ont refusé d'escorter le détenu.

[56] Le paragraphe 122(1) du Code définit le danger comme suit :

122(1) « danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou sur le système reproducteur.

[57] Le paragraphe 128(1) autorise les employés à refuser de travailler dans les circonstances suivantes :

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[58] L'alinéa 128(2) interdit aux employés de refuser de travailler dans les situations ci-après :

128(2) L'employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une autre personne;

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

[59] L'honorable juge Gauthier a analysé dans l'affaire Verville, supra, trois questions qui sont fondamentales pour comprendre, d'une part, la norme de contrôle applicable à une décision d'un agent d'appel et, d'autre part, la notion de danger prévue dans les dispositions de la partie II du Code canadien du travail.

[60] J'ai résumé ces trois questions dans le tableau qui suit, telles que la juge Gauthier les examine dans la décision Verville, supra, en indiquant ce que je retiens et comprends de l'analyse de la juge Gauthier.

[61] Ces trois questions sont les suivantes :

  • la norme de contrôle applicable à la décision de l'agent d'appel Cadieux,

  • le danger, tel qu'il est défini à l'article 122 et tel qu'il s'applique dans le cadre du refus de travail prévu au paragraphe 128(1) et

  • l'interdiction de refuser le travail si le danger constitue un « risque inhérent » prévue au paragraphe 128(2).

Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui ne constitue pas une caractéristique essentielle de l'emploi, mais qui dépend de la procédure utilisée pour exécuter le travail ou la tâche

  Citation
Ce que j'en retiens
Norme de contrôle judiciaire
[24] In her recent decision in Martin v. Canada (Attorney General), 2003 FC 1158, [2003] F.C.J. No. 1463 (T.D.) (QL), Tremblay-Lamer J., using the pragmatic and functional approach recommended by the Supreme Court of Canada, determined that the question of whether or not there was danger as defined in the Code in a particular situation was a mixed question of fact and law, which would normally be subject to the patent unreasonableness standard because it is very much fact-intensive.

Selon la juge Tremblay-Lamer dans Martin v. Canada, on juge habituellement la question de l'absence ou de la présence d'un danger au sens du Code selon la norme de la décision manifestement déraisonnable

Exceptionnellement, la juge Tremblay-Lamer a appliqué la norme de la décision raisonnable simpliciter

Parce que c'est une question mixte de fait et de droit qui est essentiellement basée sur les faits

parce que la décision relevait davantage du droit, la notion de danger étant nouvelle et la Cour l'examinant pour la première fois

[25] However, because the definition of danger has recently been amended and had never been judicially considered, she held that, exceptionally, the mixed question of fact and law before her was more law-intensive and should be reviewed on the reasonableness simpliciter standard. Dans le cas présent, la juge Gauthier applique à la décision de l'agent d'appel la norme de la décision raisonnable simpliciter parce que la question mixte de fait et de droit comporte une composante juridique fondamentale

l'agent d'appel Cadieux

  • avait basé sa décision sur l'interprétation qu'il avait tenue dans Parcs Canada v. Martin et

  • avait rendu cette décision un mois avant que ne sorte la décision de la juge Tremblay-Lamer
[26] I agree with this analysis of my learned colleague. I also believe that, in the present case, the mixed question of fact and law under review involves a critical legal component. The appeal officer in this case was the same as in Martin, supra. He based the decision before me on the legal interpretation he developed in his decision in Parks Canada Agency v. Doug Martin and the Public Service Alliance of Canada (Canada Appeals Office, Decision No. 02-009, May 23, 2002), which was before Tremblay-Lamer J. in Martin, supra and which he had issued just one month before. I will thus review his determination of whether or not there was a danger in this particular case on the standard of reasonableness simpliciter. La juge Gauthier applique la norme de la décision manifestement déraisonnable strictement en ce qui concerne les faits la Cour n'a pas à faire preuve d'une déférence particulière à l'égard de l'agent d'appel pour ce qui est des questions de droit, car il n'a pas de compétence spéciale en la matière
[27] As to the alleged error with respect to the standard of proof applied by the appeal officer, this is a question of law for which appeal officers do not have any special expertise and which does not call for any special deference. But I do not have to determine whether I should apply the standard of reasonableness or correctness because I conclude that the decision is correct in that respect. With respect to pure findings of facts, the standard of review will be patent unreasonableness.    
Danger et refus de travail en vertu de 128(1)
[32] With the addition of words such as "potential" or "éventuel" and future activity, the Code is no longer limited to specific factual situations existing at the time the employee refuses to work. Le Code ne se limite plus à la situation (aux faits) existant au moment du refus de travail de l'employé Avec l'ajout des termes « potential » et « éventuel »
[34] The above statement is not entirely accurate. As mentioned in Martin, supra, the injury or illness may not happen immediately upon exposure, rather it needs to happen before the condition or activity is altered. Thus, here, the absence of handcuffs on a correctional officer involved in an altercation with an inmate must be reasonably expected to cause injury before handcuffs are made available from the bubble or through a K-12 supervisor, or any other means of control is provided. Il faut que la blessure ou la maladie surviennent avant que la situation ou la tâche n'aient été modifiées il se peut que la blessure ou la maladie ne survienne pas dès que l'employé est exposé à la situation ou à la tâche
[35] Also, I do not believe that the definition requires that it could reasonably be expected that every time the condition or activity occurs, it will cause injury. The French version « susceptible de causer » indicates that it must be capable of causing injury at any time but not necessarily every time. La situation ou la tâche doivent être capables de, i.e. « susceptibles de », causer une blessure chaque fois qu'elles se concrétiseront il n'est pas nécessaire de raisonnablement s'attendre à ce que la situation ou la tâche causent une blessure toutes les fois qu'elles se concrétiseront
[36] In that respect, I do not believe either that it is necessary to establish precisely the time when the potential condition or hazard or the future activity will occur. I do not construe Tremblay-Lamer's reasons in Martin above, particularly paragraph 57, to require evidence of a precise time frame within which the condition, hazard or activity will occur. Rather, looking at her decision as a whole, she appears to agree that the definition only requires that one ascertains in what circumstances it could be expected to cause injury and that it be established that such circumstances will occur in the future, not as a mere possibility but as a reasonable one. Il n'est pas nécessaire d'établir à quel moment, exactement, la situation, la tâche ou le risque éventuels se concrétiseront il suffit d'établir dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque sont capables de causer une blessure et s'il est raisonnable de s'attendre à ce que ces circonstances se concrétisent à un moment donné, et non pas s'il est possible qu'elles le fassent
[41] With respect to i) in paragraph 40 above, the customary meaning of "potential"[4] or "éventuel"[5] hazard or condition does not exclude a hazard or condition, which may or may not happen based on unpredictable human behaviour. If a hazard or condition is capable of coming into being or action, it should be covered by the definition. As I said earlier, one does not need to be able to ascertain exactly when it will happen. The evidence is clear that in this case, spontaneous assaults are indeed capable of coming into being or action. Dans son sens habituel, le risque ou la situation « éventuel » n'exclut pas le risque ou la situation dont la concrétisation dépend du comportement humain imprévisible si un risque ou une situation peut se concrétiser et on n'a pas besoin de savoir quand cela se produira exactement -, il devrait s'entendre d'un danger au sens du Code
[43] Thus, if those assaults could reasonably be expected to cause injury, they will come within the definition of danger. However, if that danger constitutes a normal condition of his employment, the employee will not have the right to rely on it to refuse to work (s. 128(2)(b)). But, that is very different than saying that unpredictability of inmates' behaviour is alien to the concept of danger in the Code. S'il est raisonnable de s'attendre à ce que ces agressions donnent lieu à une blessure, elles s'entendront d'un danger au sens du Code si le danger est une condition normale d'emploi, l'employé ne peut refuser à cause de l'alinéa 128(2)b), ce qui n'exclut pas le danger résultant de l'imprévisibilité du comportement des détenus
Risque inhérent [128(2)]
[51] Finally, the Court notes that there is more than one way to establish that one can reasonably expect a situation to cause injury. One does not necessarily need to have proof that an officer was injured in exactly the same circumstances. A reasonable expectation could be based on expert opinions or even on opinions of ordinary witnesses having the necessary experience when such witnesses are in a better position than the trier of fact to form the opinion. It could even be established through an inference arising logically or reasonably from known facts. On peut établir de plus d'une façon qu'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une situation cause une blessure par le témoignage d'experts et de personnes qui ont de l'expérience et sont mieux placées que le décideur, voire par des déductions logiques et raisonnables tirées à partir des faits
[52] Turning now to the conclusion in ii) at paragraph 40 above that the risk was inherent to the applicant's employment, the applicant concedes that his job description involves a risk of possible hostage taking, injury or danger when dealing with violent and hostile offenders. But he argues that the order given to him on September 24, was a variation of his normal conditions of employment and constitutes an increase of the risk or danger described above. The applicant relies on the Public Service Staff Relations Board's decision in Fletcher v. Treasury Board (Solicitor General Canada - Correctional Service), [2000] C.P.S.S.R.B. No. 58; Danberg and Treasury Board (Solicitor General Canada), [1988] C.P.S.S.R.B. No. 327 and Elnicki v. Loomis Armored Car Service Ltd, 96 di 149, CLRB Decision No. 1105, in which the Board acknowledged, in the context of refusals to work by correctional officers and security guards, that even though risk of injury or death was a normal condition of employment for these employees, an increased danger resulting for example from a change in the employer's policy (such as minimum staffing), was not automatically excluded under paragraph 128(2)(b)7. Le sens courant de cette expression dans l'alinéa 128(2)b) étaye les opinions exprimées dans diverses décisions, i.e. Commission des relations de travail dans Fletcher vs Conseil du Trésor (Sollicteur général du Canada - Service correctionnel), [2000] CRTFP, no 58; Danberg et Conseil du Trésor (Solliciteur général), [1988] CRTFP no 327; Elnicki vs Les Blindés Loomis, 96 di 149, CCRI, décision no 1105 la description de l'emploi fait état du risque d'être pris en otage, mais la situation dépassait la « normale » et le niveau de risque habituel dans Elnicki, le Conseil a reconnu que si la politique de l'employeur résultait en une augmentation du danger, celui-ci ne serait plus le danger inhérent visé à l'alinéa 128(2)b)
[53] There is no indication in the decision under review that the appeal officer considered this argument. His finding appears to be based on the simple fact that a risk of assault is always present in an environment such as the Kent penitentiary. As mentioned, he could not evaluate if the increased risk of injury was a normal condition of employment because he did not consider it to be more than an unproven hypothesis. La décision de l'agent d'appel semble basée uniquement sur le fait que le risque d'agression est toujours présent dans l'environnement pénitentiaire il n'a pu évaluer si le risque accru de blessure était une condition normale d'emploi car il l'a perçu comme étant purement hypothétique
[54] There appears to be little jurisprudence from this Court on this issue. In Canada (Attorney General) v. Lavoie, [1998] F.C.J. No. 1285 (T.D.) (QL), cited by the appeal officer, the argument with respect to an increased risk over and above the normal conditions of employment was not raised, nor did the Court consider the decisions of the Board referred to by the applicant, two of which were issued after the decision in Lavoie, supra (see paragraph 52 above). Il y a peu de jurisprudence sur la question du danger constituant une condition normale d'emploi  
[55] The customary meaning of the words in paragraph 128(2)(b) supports the views expressed in those decisions of the Board because "normal" refers to something regular, to a typical state or level of affairs, something that is not out of the ordinary. It would therefore be logical to exclude a level of risk that is not an essential characteristic but which depends on the method used to perform a job or an activity. In that sense and for example, would one say that it is a normal condition of employment for a security guard to transport money from a banking institution if changes were made so that this had to be done without a firearm, without a partner and in an unarmoured car?

Selon le sens habituel des termes de l'alinéa 128(2)b), « normal » s'entend de quelque chose de régulier, qui ne sort pas de l'ordinaire

peut-on affirmer que, pour un garde de sécurité, transporter de l'argent à partir d'une banque constitue une condition normale d'emploi si l'on change la procédure utilisée de sorte qu'il doit le faire sans être armé, sans partenaire et sans véhicule blindé?

[62] En ce qui concerne la norme de contrôle applicable à la décision d'un agent d'appel, il est important de souligner que la décision de l'honorable juge Gauthier montre bien à quel standard élevé l'agent d'appel est tenu lorsqu'il est saisi d'un appel et mène son enquête. En effet, d'une part, la Cour lui applique habituellement la norme de la décision manifestement déraisonnable car la question de la présence ou de l'absence d'un danger est une question mixte de fait et de droit qui est essentiellement basée sur les faits. D'autre part, dans ce cas-ci, elle applique la norme de la décision raisonnable simpliciter en ce qui a trait aux questions de droit elles-mêmes puisque la notion de danger était nouvelle et qu'elle lui était soumise pour la première fois.

[63] Cette décision fait également ressortir deux points qui, à mon avis, sont particulièrement pertinents au présent cas. D'une part, il n'est pas nécessaire de savoir quand, exactement, la situation se concrétisera, mais plutôt quand on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle se concrétise. D'autre part, le sens habituellement donné au « risque éventuel » n'exclut aucunement le comportement humain imprévisible.

[64] Dans le présent cas, avant de prendre sa décison, l'agent de santé et de sécurité Néron a mené une enquête détaillée au cours de laquelle elle a, entre autres,

  • examiné la procédure appliquée pour l'évaluation du détenu lui-même, du lieu de l'escorte et du type d'escorte,

  • interrogé tous les intervenants mêlés à l'affaire, employés, superviseur correctionnel, agents de sécurité préventive, personnel de sécurité de l'hôpital, etc.,

  • visité les lieux de l'escorte,

  • examiné le rapport d'enquête fait par le comité local de santé et sécurité relativement au refus précédent du 16 septembre,

  • analysé la marche à suivre établie pour l'escorte.

[65] Après avoir constaté que le détenu représentait un niveau modéré de risque d'évasion, que les employés avaient été formés et connaissaient la marche à suivre pour l'escorte, que l'employeur appliquait des procédures écrites précises pour évaluer les risques reliés à l'escorte, l'agent de santé et de sécurité a conclu que les motifs invoqués par les employés se basaient sur un risque hypothétique de danger.

[66] Dans la décision Verville, supra, la juge Gauthier a clairement établi que la décision sur l'existence ou non du danger repose essentiellement et strictement sur les faits entourant la situation.

[67] Dans le cas présent, le syndicat a essentiellement allégué

  • qu'il faut évaluer les risques et les mesures de protection en fonction du détenu, de la procédure d'escorte et du lieu de l'escorte,

  • que le risque de violence est loin d'être hypothétique,

  • que des possibilités de blessure existent et

  • que le danger est toujours présent à cause de l'imprévisibilité du comportement du détenu.

[68] Cependant, il ne m'a pas démontré à ma satisfaction que les faits étaient suffisamment probants pour établir qu'il existait, au moment de l'escorte non armée, un danger, réel ou éventuel, et que le risque représenté par l'escorte non armée dépassait le niveau d'une condition normale d'emploi.

[69] Compte tenu de la procédure d'évaluation du risque de l'escorte non armée appliquée par l'employeur et des faits examinés par l'agent de santé et de sécurité Néron lors de son enquête, je suis d'accord que le danger que représentait l'escorte non armée était un danger hypothétique.

[70] Par conséquent, je confirme la décision d'absence de danger rendue par l'agent de santé et de sécurité Néron.



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Michèle Beauchamp
Agent d'appel



Résumé de la décision de l'agent d'appel


No de la décision : 05-004
Demandeurs : Paul Chamard
Simon Ruel
Employeur : Service correctionnel du Canada
Établissement de Donnaconna
Mots clés : Refus de travailler, escorte sans armes, condition normale d'emploi.
Dispositions : Code 122(1), 128(1), 128(2), 129(7)
Règlement
Résumé :

Deux agents correctionnels de l'Établissement Donnaconna, au Québec, ont refusé de travailler en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail parce qu'ils croyaient que le fait d'escorter, sans être autorisé à porter une arme, un détenu à un hôpital qui n'était pas doté d'un bloc carcéral constituait un danger. Après avoir mené une enquête, l'agent de santé et de sécurité a conclu à l'absence d'un danger.

L'agent d'appel a confirmé la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité parce que le syndicat n'a pas démontré que les faits étaient suffisamment probants pour établir qu'il existait, au moment de l'escorte non armée, un danger, réel ou éventuel, et que le risque représenté par l'escorte non armée dépassait le niveau d'une condition normale d'emploi.

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