Archivée - Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Terminus Racine (Montréal) Ltée
demandeur

et

Syndicat canadien de la fonction publique
Section locale 375
syndicat
___________________________
No de la décision 05-005
Le 20 janvier 2005

En vertu du paragraphe 146.2i) du Code canadien du travail, partie II (le Code), un agent d'appel peut trancher toute affaire ou question dans tenir d'audience. Ayant examiné les représentations écrites de Terminus Racine (Montréal) Ltée (Terminus Racine), de même que le résumé d'intervention de l'agent de santé et de sécurité Pierre Bouchard (agent Bouchard), je suis d'avis que les documents versés au dossier me permettent de trancher sans tenir d'audience.

Le Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 375, représentant les débardeurs, n'a fait aucune représentation écrite.

Agent de santé et de sécurité
Pierre Bouchard, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Programme du travail, Direction des services de prévention, Montréal, Québec

[1] La présente affaire porte sur un appel interjeté, le 5 septembre 2003, en vertu du paragraphe 146(1) du Code, par Meguerditch Kanondjian, Directeur général, Exploitation et Wayne Smith, Spécialiste santé et sécurité et environnement, tous deux de Terminus Racine.

[2] Cet appel résulte d'une instruction émise à Terminus Racine, le 14 août 2003, en vertu de l'aliéna 145(2)a) du Code, par l'agent Bouchard.

[3] Le 13 août 2003, l'agent Bouchard a enquêté sur un accident de travail survenu à la section 57-64 de Terminus Racine, au port de Montréal, au cours duquel un débardeur a été blessé.

[4] L'agent Bouchard a soumis son résumé d'intervention pour les fins de l'appel. J'en retiens les points suivants:

  • En cette matinée du 13 août 2003, un cylindre d'hexafluorure d'uranium (UF6) se trouvait à l'intérieur d'un conteneur de type « flat rack » et à l'arrière de celui-ci il y avait quatre rangées de deux conteneurs identiques superposés un par-dessus l'autre. Ce type de conteneur est différent des conteneurs standard. Il est fait d'un plancher sur lequel repose un socle de réception en forme de demi-cercle permettant de recevoir un cylindre. Ce conteneur n'a pas de mur latéral et de plafond;
  • La tâche consistait à sortir un cylindre d'UF6 du conteneur avec un chariot élévateur;
  • Juste avant l'accident, l'employé blessé venait de terminer l'enlèvement des attaches du cylindre et avait accroché les chaînes d'un chariot élévateur pour enlever le cylindre du conteneur;
  • Au moment où le chariot élévateur a commencé à lever le cylindre d'UF6, l'employé blessé s'est écarté dans le but de se protéger de la manipulation. Il s'est donc reculé sur le plancher du conteneur, situé à l'arrière du conteneur dans lequel se trouvait le cylindre. L'employé blessé se trouvait dans un conteneur sur lequel était placé un autre conteneur;
  • Durant la manœuvre de manipulation du cylindre d'UF6, le conteneur qui était au-dessus de l'employé blessé, s'est déplacé pour une raison non apparente et a chuté en angle dans le conteneur du dessous. C'est à ce moment-là que l'employé blessé s'est fait écrasé les avants jambes, au niveau des chevilles. Il a eu une fracture aux deux jambes;

[5] Le même jour, à la suite de son enquête, l'agent Bouchard a déterminé qu'il y avait une situation de danger dans le lieu de travail et a émis une instruction verbale à Terminus Racine. Il a remis une instruction écrite (annexe A) à Meguerditch Kanondjian, le lendemain, soit le 14 août 2003.

[6] L'instruction émise en vertu de l'alinéa 145(2)a) identifiait le danger de la façon suivante :

L'employeur devra interdire toute accomplissement de tâche similaire à celle ayant mené à l'accident de M. Thomin jusqu'à ce que des mesures correctives appropriées aient été prises permettant d'écarter toute possibilité de chute de conteneur (flat rack).

[7] Terminus Racine a confirmé par écrit à l'agent Bouchard qu'il avait pris des mesures correctives pour se conformer à l'instruction. Tous les conteneurs de type « flat rack » ont été placés au niveau du sol, dans le but d'éliminer tout risque de chute des conteneurs de ce genre.

[8] Par ailleurs, l'employeur a présenté l'argumentation suivante à l'encontre de l'instruction.

[9] Premièrement, Meguerditch Kanondjian et Wayne Smith allèguent que l'instruction émise par l'agent Bouchard le 14 août 2003 est nulle car elle est vague et ambiguë, par conséquent, « non exécutoire ». Ils font référence à la première partie de l'instruction demandant à « l'employeur d'interdire toute accomplissement de tâche similaire … ».

[10] Ils font ressortir que l'instruction n'identifie pas de façon précise les produits manipulés, les conteneurs et le chariot élévateur en cause dans l'accident.

[11] Selon eux, l'instruction ne décrit pas précisément ou n'identifie pas exactement la tâche accomplie ainsi que la partie de cette tâche qui constituait une situation de danger.

[12] Comme deuxième argument, les représentants de Terminus Racine allèguent que l'agent Bouchard a émis une instruction en vertu de l'alinéa 145(2)a) du Code, sans avoir affiché un avis de danger, tel que le prévoit le paragraphe 145(3).

[13] En ce qui concerne le troisième argument, ils allèguent que l'agent Bouchard a transmis verbalement l'instruction à Terminus Racine sans l'avoir confirmée par écrit avant de quitter le lieu de travail, ce qui est contraire à l'alinéa 145(1.1)a) du Code.

[14] Selon le quatrième argument, l'instruction est nulle car elle est vague et ambiguë et donc ne peut être exécutée. En fait, l'instruction ordonne à l'employeur de prendre « des mesures correctives appropriées permettant d'écarter toute possibilité de chute de conteneur (flat rack) ».

[15] Ils se demandent si c'est la tâche à accomplir ou la possibilité de chute de conteneur qui constitue le danger. Ils estiment que l'agent Bouchard n'a pas décrit exactement le danger, ce qui place Terminus Racine dans une « position précaire ».

[16] Enfin, dans le cinquième argument, Meguerditch Kanondjian et Wayne Smith allèguent que l'instruction précise « de procéder à la prise de mesures propres à écarter le risque avant le 14 août 2003 », alors que l'instruction écrite a été émise ce même jour.

[17] Par conséquent, Meguerditch Kanondjian et Wayne Smith invoquent tous ces arguments pour demander à l'agent d'appel d'annuler l'instruction émise par l'agent Bouchard.

***


[18] En vertu du paragraphe 146.1(1) du Code, saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7), l'agent d'appel mène une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à l'instruction, de même que sur sa justification. Selon la décision que je prendrai, je devrai modifier, annuler ou confirmer l'instruction émise par l'agent Bouchard.

[19] En fonction des motifs de l'appel de Terminus Racine, je répondrai à chacun des arguments soumis par l'employeur en vertu des pouvoirs conférés à l'article 146.1 du Code.

[20] Les cinq questions à trancher en l'espèce sont de déterminer si l'instruction doit être annulée à cause des arguments suivants :

1- l'instruction est vague et ambiguë;
2- un avis de danger n'a pas été apposée suite à l'instruction;
3- l'instruction verbale n'a pas été confirmée par écrit avant le départ de l'agent Bouchard le 13 août 2003;
4- l'instruction est vague et ambiguë en ce qui concerne l'exigence de prendre des mesures correctives; et
5- la date exigée pour la conformité à l'instruction précède « avant » la date de l'instruction écrite.

[21] L'agent Bouchard a déterminé durant son enquête qu'il y avait un risque de chute de conteneurs de type flat rack, donc, une situation de danger. Par conséquent, l'agent Bouchard avait l'obligation d'émettre une instruction à Terminus Racine aux termes de l'alinéa 145(2)a).

[22] L'alinéa 145(2)a) du Code se lit comme suit :

S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose, une situation existant dans le lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l'agent :

a) en avertit l'employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans un délai qu'il précise, à la prise de mesures …

[23] Contrairement au premier argument invoqué par l'employeur, je considère que l'instruction précise d'une part dans quel cadre elle a été émise et d'autre part quel en était le but, soit d'éviter la répétition de l'accident.

[24] De plus, contrairement à l'employeur, je considère qu'il n'était pas pertinent de préciser dans cette instruction quels étaient les produits manipulés, les conteneurs ou le chariot élévateur en cause dans l'accident.

[25] Il m'apparaît évident que l'agent Bouchard a suffisamment décrit la situation de danger et qu'il n'y avait pas lieu de préciser davantage la tâche accomplie et la partie de cette tâche qui représentait un danger ou une situation de danger.

[26] Selon le deuxième argument, l'agent Bouchard n'a pas apposé un avis de danger, tel que prévu au paragraphe 145(3) du Code, par suite de l'instruction émise en vertu du paragraphe 145(2)a) du Code. Contrairement à l'employeur, je considère que le périmètre de sécurité constituait un avis de danger.

[27] Dans son résumé d'intervention, l'agent Bouchard précise que le 13 août 2003, il a demandé à Terminus Racine de prendre des mesures correctives. Le 14 août 2003, il l'a enjoint par instruction écrite de prendre immédiatement des mesures pour éviter qu'un accident semblable se reproduise. Un périmètre de sécurité délimité par un cordon de sécurité était déjà en place à l'arrivée de l'agent Bouchard sur les lieux de l'accident et le cordon de sécurité fut maintenu après l'instruction. Le 13 août 2003, l'agent Bouchard a de plus précisé que le cordon de sécurité devait rester en place tant que des mesures correctives n'auraient pas été prises par l'employeur. J'estime donc que l'avis de danger demandé par le paragraphe 145(3) correspondait au cordon de sécurité délimitant le périmètre de sécurité, surtout que ce cordon de sécurité ne pouvait être enlevé sans l'autorisation d'un agent de santé et de sécurité.

[28] Dans le troisième argument, l'employeur allègue que l'agent Bouchard n'a pas confirmé l'instruction verbale par écrit, avant de quitter le lieu de travail le 13 août 2003. Par le fait même, l'employeur a déclaré que l'agent Bouchard était en violation de l'alinéa 145(1.1)a). J'estime que l'alinéa 145(1.1)a) ne s'applique pas à la présente instruction, car l'agent Bouchard a émis son instruction en vertu du paragraphe 145(2)a), qui vise une situation dangereuse et non en vertu du paragraphe 145(1), qui vise la cessation d'une contravention.

[29] Par ailleurs, il est important de préciser qu'en vertu du paragraphe 145(2), l'agent de santé et de sécurité doit avertir l'employeur « [s'] il estime que l'utilisation d'une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour un employé au travail ». Puis, l'agent de santé et de sécurité « enjoint [l'employeur], par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans un délai qu'il précise, à la prise de mesures … ».

[30] Le 13 août 2003, l'agent Bouchard a avertit Terminus Racine que l'accomplissement d'une tâche constituait un danger et l'a enjoint par instruction écrite le 14 août 2003 de procéder immédiatement à la prise des mesures correctives permettant d'écarter toute nouvelle chute d'un conteneur.

[31] En ce qui concerne le quatrième argument, contrairement à l'employeur, je considère que l'instruction était suffisamment précise pour ce qui est de lui demander de prendre des mesures correctives. L'agent Bouchard a suffisamment décrit la situation en cause dans l'instruction puisque Terminus Racine a effectivement pris des mesures pour corriger la situation.

[32] Le cinquième argument invoqué par l'employeur concerne une certaine confusion au sujet du délai donné à l'employeur pour prendre des mesures propres à écarter le risque. Aux termes de l'alinéa 145(2)a), l'agent Bouchard avait le pouvoir d'obliger l'employeur à prendre des mesures correctives immédiatement. Le fait qu'il n'ait pas enlevé le mot « avant » dans son instruction ne change rien au fait qu'il a effectivement et concrètement enjoint l'employeur de prendre des mesures correctives immédiatement, soit ce même 14 août 2003. Je reconnais cependant, par souci d'équité, que l'agent Bouchard n'aurait pas dû inscrire que l'employeur devait s'y conformer « avant » le 14 août 2003.

[33] Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'alinéa 146.1(1)a) du Code, je modifie l'instruction de l'agent Bouchard, de sorte que le dernier paragraphe se lise comme suit : « Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres à écarter le risque ».



_________________
Pierre Guénette
Agent d'appel



ANNEXE

Dans l'affaire du Code canadien du travail
Partie II - Santé et sécurité au travail


Instruction à l'employeur en vertu de l'alinéa 145(2)a)

Le 13 août 2003, l'agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par TERMINUS RACINE (MONTREAL) LTÉE, EMPLOYEUR ASSUJETTI À LA PARTIE II DU Code canadien du travail, et sis au CASE POSTALE 360, succursale 'K', MONTREAL, QUEBEC, Québec, H1N 3L3, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Terminus Racine (Montréal) Ltée.

Ledit agent de santé et de sécurité estime que l'accomplissement de la tâche en cause constitue un danger pour un employé au travail, à savoir :

1.  Code Canadien du Travail, Partie II alinéa 145(2)a)

L'employeur devra interdire tout accomplissement de tâche similaire à celle ayant mené à l'accident de M. Thomin jusqu'à ce que des mesures correct ives appropriées aient été prises permettant d'écarter toute possibilité de chute de conteneur (flat rack).

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 14 ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II, du Code canadien du travail, de procéder avant le 14 août 2003 à la prise de mesure propre à .écarter le risque.

Fait à Montréal ce 14ième jour de août 2003.



Pierre Bouchard
Agent de santé et de sécurité

À : TERMINUS RACINE (MONTREAL) LTÉE
SECTIONS 57-64, PORT DE MONTRÉAL
MONTRÉAL, QUÉBEC
H1N 3L3

Résumé de la décision de l'agent d'appel

No de la décision : 05-005
Demandeur : Terminus Racine (Montréal) Ltée
Syndicat : Syndicat canadien de la fonction publique
Mots clés : Avis de danger, instruction, délai de conformité
Dispositions : Code 145(1), 145(1.1)a), 145(2), 145(2)a), 145(3), 146(1), 146.1(1)a)
Règlement
Résumé :

Un agent de santé et de sécurité a émis une instruction en vertu de l'aliéna 145(2)a) du Code à Terminus Racine (Montréal) Ltée par suite d'une enquête d'accident. L'instruction visait une situation de danger et ordonnait à l'employeur de procéder avant le 14 août 2003 à la prise de mesures propres à écarter le risque. En vertu du paragraphe 146(1) du Code, Terminus Racine (Montréal) Ltée a fait appel de l'instruction émise le 14 août 2003.

L'agent d'appel a modifié l'instruction de l'agent de santé et de sécurité, de sorte qu'elle indique que l'employeur devait « procéder immédiatement à la prise de mesures propres à écarter le risque. »

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