Archivée - Décision: 05-020 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail
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Brent Johnstone, Allen Allain et Tim Martin représentés par John Mancini, avocat, CSN
demandeurs
et
Service correctionnel du Canada, établissement de l’Atlantique, représenté par Karl Chemsi, avocat, ministère de la Justice du Canada
défendeur
________________________
Décision no 05-020
Le 3 mai 2005
Ont comparu aux audiences :
Demandeurs : Brent Johnstone, Allen Allain et Jim Martin, employés, Service correctionnel du Canada, établissement de l’Atlantique
John Mancini, avocat et représentant syndical,
Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN
Défendeurs : Greg Brown, sous-directeur, établissement de l’Atlantique
Karl Chemsi, avocat, ministère de la Justice du Canada
Agent de santé et de sécurité : Denis Mador, ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (RHDCC), Moncton (Nouveau-Brunswick)
Demande préliminaire:
À la demande de M. Chemsi et avec l’accord de M. Mancini, tous les témoins qui ont témoigné à l’audience en ont été tenus à l’écart et priés de demeurer disponibles dans une autre salle.
[1] La présente affaire concerne trois appels interjetés conformément au paragraphe 129(7) du Code canadien du travail, Partie II (ci-après appelé le Code). Ces appels sont considérés comme étant présentés dans les délais prescrits. Une audience a eu lieu les 22 et 23 mars 2005 à Miramichi (Nouveau-Brunswick). Les appels sont faits à la suite de la décision d’absence de danger, rendue le 11 avril 2003, par l’agent de santé et de sécurité Denis Mador.
[2] L’agent de santé et de sécurité a rendu une décision d’« absence de danger » après avoir enquêté trois refus de travailler consécutifs, formulés aux alentours de 7 h 50, le 10 avril 2003, par les agents de correction Tim Martin, Allen Allain et Brent Johnstone, de l’établissement de l’Atlantique à Renous (Nouveau-Brunswick). Cet établissement est un pénitencier à sécurité maximale.
[3] Les agents de correction ont refusé d’escorter un détenu violent à sécurité maximale parce que, la veille, le niveau de sécurité de l’escorte était passé d’escorte armée à escorte non armée. Ils croyaient que le détenu était en possession d’une clé de menottes (et peut-être d’un « instrument Footnote 1 ») qui, dans le contexte d’une escorte non armée, aurait menacé leur santé et leur sécurité. L’agent de santé et de sécurité a conduit une seule enquête dans l’affaire qui nous occupe.
Enquête et rapport de l’agent de santé et de sécurité
[4] L’agent de santé et de sécurité a commencé son enquête en obtenant les déclarations de refus de travailler de chaque agent de correction. Les voici :
Tim Martin : [traduction] Je savais de première main que le DT Footnote 2 possédait une clé de menottes et une arme et avait retiré un dispositif de contrainte au cours d’une escorte peu de temps auparavant. J’ai estimé que le DT constituait une grave menace pour moi en raison de son état d’esprit, de ses antécédents et de ce que je savais de lui. Il serait dangereux pour moi d’escorter ce DT, car cette escorte devait se faire sans arme.
Allen Allain : À environ 8 h, le 10 avril 2003, j’ai reçu l’ordre d’escorter le détenu B…. pour une absence médicale temporaire à l’hôpital Miramichi. Ce détenu avait eu une escorte armée avant celle-ci et j’ai jugé que ma sécurité personnelle serait en danger, car cette escorte serait non armée.
Brent Johnstone : Le 10 avril 2003 à 8 h 30, le sous-directeur Greg Brown est venu dans mon bureau m’ordonner d’escorter sans arme le DT B--- --- à l’hôpital Miramichi. Je ne savais pas que 2 agents avaient déjà refusé et j’ai invoqué l’article 128. D’après les renseignements du dossier, j’ai estimé que ma sécurité personnelle était menacée.
[5] M. Johnstone a représenté les deux employés qui avaient refusé de travailler et s’est représenté lui-même pendant l’enquête. Il a remis à l’agent de santé et de sécurité un certain nombre de documents (documents nos 1 à 20) que celui-ci a examinés. L’agent de santé et de sécurité a obtenu d’autres documents (documents nos 21 à 28) qui ont été déterminants dans la prise de sa décision.
Note de l’agent d’appel: Voir à l’ANNEXE A la liste des documents fournis à l’agent de santé et de sécurité avec une brève description que j’ai incluse pour plus de clarté.
[6] M. Mador a soumis un rapport détaillé d’enquête et de décision, qui comporte, entre autres, les partie suivantes :
i) La description des faits par les employés;
ii) La description des faits par l’employeur;
iii) Les faits établis par l’agent de santé et de sécurité.
[7] Dans la partie consacrée à la description des faits par les employés, l’agent de santé et de sécurité a rapporté :
«[traduction] Dans l’après-midi du 8 avril 2003, l’agent Johnstone a reçu par courrier électronique une demande d’escorte pour le matin du 10 avril pour le détenu B Footnote 3… et un autre détenu qui allaient à un rendez-vous médical à l’hôpital Miramichi. Il était prévu que les agents Allain et Martin s’acquitteraient de cette tâche avec l’agent responsable Barry Matchett. Le 10 au matin, le document no 15 a été reçu. Ce document indiquait qu’il s’agissait d’une escorte non armée, comme le précisait un « Non » encerclé sur le formulaire et initialisé par Dan Newton, coordonnateur par intérim des Services correctionnels. C’était contraire au contenu d’une note de service du sous-directeur Greg Brown, daté du 14 février 2003, qui mentionnait que l’escorte du détenu devrait être armée jusqu’à l’examen du dossier du détenu par le Comité d’examen d’unité. Entre temps, l’agent Barry Matchett a été affecté à d’autres tâches et l’agent Brent Johnstone est devenu l’agent responsable. Sur réception du document (document no 5), les agents ont rencontré la direction et refusé d’exécuter la tâche. Le sous-directeur Greg Brown a alors donné à l’agent Johnstone l’ordre de se charger de l’escorte. Il ne lui a pas mentionné le refus des autres agents, car il croyait que ce dernier était déjà au courant. Connaissant le profil du détenu, l’agent Johnstone a aussi refusé d’escorter le détenu sans être armé. De plus, on pensait que le détenu B… possédait une clé de menottes qui faciliterait une tentative d’évasion. »
[8] Dans la partie consacrée à la description des faits par l’employeur, l’agent de santé et de sécurité a fait le compte rendu suivant :
« [traduction] Le sous-directeur Greg Brown a déclaré que l’agent de sécurité préventive dans l’établissement Footnote 4 Kevin Hare et la directrice Simone Poirier se sont réunis dans l’après-midi du 9 avril et ont alors décidé que le détenu B… ne constituait pas une menace pour la population et que l’escorte serait donc non armée. Pour que l’escorte d’un détenu soit armée, il doit être démontré celui-ci constitue un danger pour lui-même et pour la population et qu’il pourrait tenter de s’évader. Dans tous les cas, c’est à la directrice que revient le pouvoir de décider en dernier ressort si une escorte doit être armée ou non. Quand on lui a montré le document no 2, Greg Brown a déclaré catégoriquement qu’il ne savait pas que cette note avait été envoyée et que, de toutes façons, elle n’était pas signée. Lorsque l’agent de sécurité l’a mis plus tard en présence du document no 28, il a dit qu’il l’avait peut-être envoyé, mais qu’il ne s’en souvenait pas.
(Note de l’agent de sécurité : pendant la première entrevue avec M. Brown, Kevin Hare a interrompu l’entretien pour dire à M. Brown que le détenu B… avait remis la clé de menottes à un agent de correction et a montré la clé.)
[9] Dans la même partie, l’agent de santé et de sécurité a ajouté les informations suivantes :
[traduction] Kevin Hare a confirmé qu’environ un mois auparavant, il s’était produit une altercation entre le détenu B… et des agents de correction, où le détenu B… avait pris des menottes à un agent de correction et s’était enfui dans la cour. Peu de temps après, le détenu B… avait lancé les menottes à un agent de correction, mais la clé n’avait jamais été retrouvée.
Bob Taylor [chef par intérim de l’Unité 1] a déclaré que le Comité d’unité s’était réuni l’après-midi précédant les refus, mais n’avait pas traité du détenu B… (Document no 21)
[10] L’agent de santé et de sécurité a examiné les faits réunis pendant son enquête pour rendre la décision d’absence de danger. Ces faits sont les suivants :
· Les trois déclarations de refus de travailler des trois agents de correction concordaient fondamentalement.
· Les documents nos 1 à 20 indiquaient clairement qu’une escorte armée s’imposait avec le détenu B...
· Les escortes précédentes de ce détenu étaient armées (documents nos 3, 11 et 16).
· Les agents de correction ne savaient pas que le niveau de sécurité du détenu B… avait été abaissé l’après-midi précédent.
· Le chef par intérim de l’Unité 1 (Bob Taylor) a confirmé que le Comité d’unité n’avait pas traité du niveau de sécurité du détenu pendant sa réunion du 9 avril 2003.
· Le détenu était réellement en possession d’une clé de menottes que Kevin Hare a montrée.
· Le nom du détenu n’a jamais figuré sur les listes des détenus nécessitant des escortes avec des mesures de sécurité élevée, émises par l’agent de sécurité préventive dans l’établissement.
· Le document (document no 15) remis à l’escorte n’a pas été signé par la directrice.
· Il incombe à la directrice de déterminer l’équipement de sécurité nécessaire (dont les armes à feu).
· Deux documents (documents nos 26 et 27) fournis par la directrice indiquent le changement de niveau de sécurité pour le détenu.
[11] À partir de ces faits, l’agent de santé et de sécurité a décidé que les employés qui ont refusé de travailler n’étaient pas en danger, au sens du Code. Ses motifs sont présentés ci-dessous :
[traduction] En me fondant sur un manque de communication et les documents nos 12 Footnote 5, 26 et 27, je décide en faveur d’une absence de danger.
Témoignage de l’agent de santé et de sécurité
[12] L’agent de santé et de sécurité a témoigné que bien que l’agent de correction Martin ait prétendu savoir que le détenu B… était en possession d’une clé de menottes, il n’existait aucune preuve matérielle de ce fait. Il a considéré cela comme une preuve par ouï-dire, car aucun des témoins n’a pu indiquer où était la clé même si celle-ci a été retrouvée le lendemain de la décision.
[13] Le fait qu’il existe des rapports mentionnant que le détenu était en possession d’une clé de menottes n’a pas préoccupé outre mesure l’agent de santé et de sécurité. Les trois critères déterminant la nécessité d’une escorte armée sont que le détenu :
· constitue un danger pour lui-même;
· constitue un danger pour la population;
· présente le risque de s’évader.
Le niveau de sécurité du détenu ayant été abaissé l’après-midi précédant les refus de travailler, le détenu n’était plus considéré comme un risque pour la population. En outre, le fait que le détenu ait tenté récemment de s’évader en se débarrassant des dispositifs de contrainte n’était pas un élément important aux yeux de l’agent de santé et de sécurité puisque le changement de niveau de sécurité indiquait que le détenu ne présentait plus le risque de s’évader.
[14] L’agent de santé et de sécurité a admis qu’il ne savait pas quel était l’état d’esprit du détenu, une caractéristique mentionnée dans la déclaration de refus de travailler de M. Martin. Il savait cependant que le détenu s’était déjà moqué par le passé des agents de correction en disant que leur arme à feu ne l’arrêterait pas. (Voir le document no 5, Documents à l’appui de l’affaire).
[15] L’agent de santé et de sécurité a tenu compte des antécédents de ce détenu, c’est-à-dire du fait que c’est un détenu violent dans l’établissement, qu’il a tenté de s’évader et qu’il est violent avec le personnel. Quand on lui a demandé si ces antécédents étaient des éléments de danger, l’agent de santé et de sécurité a répondu que les fonctions d'agent de correction exigent de travailler avec des personnes dangereuses.
[16] L’agent de santé et de sécurité a ajouté que le Service correctionnel du Canada détermine la force nécessaire pour s’occuper de ces personnes (les détenus). Si la directrice décide que la force physique suffit, il ne peut pas s’élever contre sa décision. L’agent de santé et de sécurité a jugé qu’il ne possédait pas les compétences requises pour statuer sur le niveau de force à utiliser et qu’il devait se contenter de vérifier que les trois critères déterminant la nécessité d’une escorte armée avaient été considérés. À son avis, cela avait été le cas dans la présente affaire.
[17] Quand on a demandé à l’agent de santé et de sécurité pourquoi le niveau de sécurité du détenu avait été abaissé, il a répondu qu’il ne le savait pas. Il a ajouté qu’il croyait que « [traduction] le détenu B… ne constituait pas une menace pour la population » comme le stipulait la première ligne de la description des faits par l’employeur. Toutefois, l’agent de santé et de sécurité a témoigné qu’il ne croyait pas le sous-directeur Greg Brown qui « quand on lui a montré le document no 2, […] a déclaré catégoriquement qu’il ne savait pas que cette note avait été envoyée… », car il avait une copie de ce document.
[18] En outre, l’agent de santé et de sécurité a déclaré qu’il ne pouvait pas vérifier s’il y avait vraiment eu un examen du niveau de sécurité du détenu B… par le Comité d’unité. Il a mentionné que, à son avis, c’était là le processus normal, mais il a reconnu qu’en cas d’urgence, on sautait l’étape de l’examen.
[19] La directrice, Mme Poirier, a informé l’agent de santé et de sécurité de la tenue d’une réunion la veille des refus pour traiter du niveau de sécurité du détenu B... Elle lui a aussi remis les documents nos 27 et 28 s’y rapportant.
[20] L’agent de santé et de sécurité a expliqué qu’il avait rendu la décision d’« absence de danger », d’une part, en raison du manque de communication qui s’était produit à la suite de la lettre de la directrice indiquant le changement de statut du détenu B… et, d’autre part, parce que le degré de danger ne justifiait pas une arme à feu, c’est-à-dire que les agents de correction n’avaient pas besoin d’une arme à feu pour être en sécurité. Il a ajouté qu’en rendant sa décision, il a tenu compte des trois critères qu’un détenu doit remplir pour avoir une escorte armée, soit constituer un danger pour lui-même, constituer un danger pour la population et présenter le risque de s’évader. Il pensait que si une de ces conditions n’était pas remplie, l’escorte n’était pas armée. Il a convenu que la décision d’armer ou non une escorte n’a pas grand chose à voir avec la sécurité du personnel.
[21] L’agent de santé et de sécurité a signalé que le niveau de sécurité du détenu ne faisait pas partie du cadre de ses responsabilités. Il a précisé qu’il ne lui revenait pas de mettre en doute la décision prise par des experts sur les questions de sécurité. Il a cependant reconnu que le détenu B… avait tendance à être violent, surtout quand il a examiné son profil (document no 17).
[22] Il a indiqué qu’à part les armes à feu, il existe de nombreuses autres procédures et beaucoup d’autre matériel de sécurité que les agents peuvent utiliser pour éviter des problèmes de sécurité. Toutefois, il a établi qu’au cours de trois escortes précédentes, les agents étaient armés. Il ne savait pas si les autres escortes du détenu B… avaient été armées ou non.
[23] L’agent de santé et de sécurité a déclaré avoir tenu compte du fait que le détenu B… ne figurait pas sur les listes des détenus nécessitant des escortes avec des mesures de sécurité élevée (documents nos 22, 23, 24 et 25). Ces détenus sont ceux qui requièrent des escortes armées. L’agent de santé et de sécurité croyait donc qu’une escorte armée n’était pas la procédure normale à suivre pour les autres détenus.
[24] En ce qui a trait à la clé de menottes, l’agent de santé et de sécurité a témoigné qu’il n’était pas sûr pendant l’enquête si le détenu avait ou non une clé de menottes en sa possession au moment de l’escorte. Il en avait peut-être une, mais l’agent ne pouvait l’affirmer. La clé n’a réapparu que le lendemain, quand Kevin Hare est entré pendant une entrevue qu’avait l’agent de santé et de sécurité avec Greg Brown, le matin du 10 avril 2003, et a montré la clé. En dernière analyse, l’agent de santé et de sécurité a reconnu que la clé avait été trouvée, mais a admis qu’il ne savait pas où.
[25] L’agent de santé et de sécurité a déclaré que son rôle dans cette affaire était de déterminer si les procédures adéquates avaient été suivies. Il a examiné qui avait le pouvoir de prendre des décisions au sujet du niveau de sécurité des escortes et établi que c’était la directrice. Il a réaffirmé qu’il ne lui incombait pas de remettre en question la procédure relative à la sécurité, car il n’avait aucune influence sur cet aspect.
Témoignages des témoins des employés
[26] M. Brent Johnstone a témoigné qu’il travaillait pour le SCC depuis le 2 décembre 1987 et avait dix-huit ans d’expérience. Au moment des refus de travailler, il était coordonnateur des escortes. À ce titre, il reçoit des renseignements de la direction, d’autres services et de l’infirmerie. Il organise les escortes et fournit le personnel qui s’en charge. Il coordonne les escortes et s’assure qu’un trop grand nombre d’entre elles n’ont pas lieu en même temps.
[27] M. Johnstone a expliqué que le 10 avril 2003, on l’a informé que l’escorte du détenu B… n’avait pas quitté l’établissement. Cherchant à se renseigner sur la situation, le sous-directeur Greg Brown, accompagné d’un autre superviseur, est entré dans son bureau pour lui dire de s’occuper de la question. Greg Brown lui a ordonné de se charger de l’escorte. M. Johnstone a témoigné qu’il a appris seulement plus tard que l’escorte serait non armée. Il a appris ensuite que les agents prévus initialement pour cette escorte avaient invoqué l’article 128 du Code (Refus de travailler en cas de danger).
[28] Quand on a demandé à M. Johnstone de fournir des éclaircissements sur l’absence du détenu B… des listes des détenus nécessitant des escortes avec des mesures de sécurité élevée (documents nos 22 à 25), il a expliqué qu’il arrive que des annexes soient ajoutées aux listes. Par exemple, il avait reçu une note (document no 2) de Greg Brown demandant aux surveillants correctionnels, dont iI fait partie, de joindre la note à la liste des détenus nécessitant des escortes armées. À son avis, cela était considéré comme une annexe qui avait pour effet d’inclure le détenu dans la liste.
[29] M. Johnstone a témoigné qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu le document no 15, un document qu’il aurait dû normalement recevoir la veille de l’escorte. Il a refusé d’escorter le détenu, car il jugeait être en danger imminent. Il a fondé son refus sur les antécédents du détenu, c’est-à-dire le fait que celui-ci avait été auparavant sous escorte armée pendant des absences temporaires. Il a confirmé que même si le détenu ne figure pas sur les listes des détenus nécessitant des escortes avec des mesures de sécurité élevée, ce dernier est sur l’ajout (annexe) à la liste et que de tels ajouts ne sont pas inhabituels.
[30] À propos de ce qu’il savait du détenu B…, M. Johnstone a déclaré que le détenu lui avait déjà dit qu’il tenterait de s’évader, qu’il n’avait pas peur de s’évader, qu’il avait déjà essayé de le faire et qu’il était violent. Il avait agressé des membres du personnel et des policiers. Il s’était moqué de l’agent en disant que personne ne pourrait l’arrêter s’il voulait s’évader (voir le document no 19).
[31] Lorsque M. Johnstone a refusé de travailler, il connaissait le profil détaillé du détenu B…, présenté dans le document no 18. Selon M. Johnstone, ce document sert à préparer une escorte et est remis aux agents de correction qui escortent le détenu. M. Johnstone ne pouvait pas se rappeler s’il avait le Permis d’absence temporaire (document no 26) au moment de l’escorte.
[32] Un des incidents énumérés dans le document no 18 indique que le détenu a menacé de planter un morceau d’ampoule halogène cassée dans le cou d’un agent. D’autres incidents révèlent que le détenu s’était défait de ses menottes, avait cassé des menottes, etc.
[33] Au sujet de la clé de menottes, M. Johnstone jugeait très préoccupant que le détenu l’ait sur lui, surtout parce que la clé a été trouvée. Il a cependant indiqué qu’il n’était pas au courant du fait que le détenu avait un instrument.
[34] M. Johnstone a déclaré avoir seulement connaissance de trois sorties du détenu sous escorte armée (document no 5). Toutefois, on lui a montré que le détenu avait été accompagné précédemment par des escortes non armées. M. Johnstone a admis que, selon les circonstances, il est possible qu’un détenu soit escorté par des agents non armés.
[35] M. Johnstone a reconnu qu’il avait fait des centaines d’escortes. Il savait que l’établissement effectuait probablement de deux à trois cents escortes chaque année. Il a dit avoir fait lui-même plus d’une centaine d’escortes l’année précédente. Aucun incident n’est survenu pendant ces escortes qui, il l’a admis, n’ont pas toutes été armées.
[36] M. Johnstone a dit qu’il connaissait l’article 12 (voir la note de bas de page no 5) de la Directive du Commissaire no 566-6 pour les escortes de sécurité. Il est aussi familier avec les articles 19 Footnote 6 and 17 Footnote 7 de la Directive. Il a reconnu que les détenus sont fouillés systématiquement. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’on pouvait faire d’autre si on craignait que la sécurité des agents soit menacée, il a répondu qu’on pouvait fouiller les véhicules pour s’assurer qu’aucun produit de contrebande ne risquait de compromettre la sécurité de l’escorte et qu’on mettait le personnel au courant des conditions applicables, du profil du détenu et de toutes les autres préoccupations. Si des sources d’inquiétude surgissent, la contrainte totale peut être indiquée et appliquée. La contrainte totale comprend les entraves et les fers. On peut aussi recommander du personnel supplémentaire, mais cela ne s’est jamais produit qu’une fois.
[37] À propos de la formation des agents de correction, M. Johnstone a indiqué que tous les agents suivent le programme de formation des agents de correction. Ils reçoivent aussi une formation en cours d’emploi sur l’application des mesures de sécurité adéquates, donnée par les agents principaux. De plus, ils ont des armes, comme des dispositifs de contrainte, des agents chimiques et des armes à feu, et ils peuvent utiliser la force selon les principes de leur formation d’autodéfense. Les agents de correction obtiennent également un certificat annuel pour l’utilisation d’agents chimiques tels que le pulvérisateur de capsicine oléorésineuse.
[38] M. Johnstone a déclaré qu’il n’avait jamais refusé de travailler auparavant. Toutefois, dans les circonstances, il n’aurait pas laissé sortir le détenu sans une escorte armée. Quand on lui a demandé quel était le but du port d’une arme à feu dans les escortes, il a répondu que c’est idéalement pour empêcher, par l’utilisation d’une force mortelle, les évasions et la mise en danger de la population et du personnel. Des gens ont été tués pendant de telles évasions, même si les agents avaient reçu une formation et le détenu était retenu par des dispositifs de contrainte.
[39] M. Tim Martin est agent de correction à l’établissement de l’Atlantique. Il a dix-huit ans d’expérience. Sa participation à l’affaire a commencé la veille de son refus de travailler, quand un autre agent, M. Mullen, gestionnaire de niveau junior inférieur et lui avaient été avertis par un détenu informateur que le détenu B… était en possession d’une clé de menottes, d’une clé de cadenas et de deux instruments. M. Martin et l’agent Mullen travaillaient avec le détenu informateur pour essayer de retirer des produits de contrebande du détenu B…, car il les transportait Footnote 8 dans le rectum. M. Martin a témoigné que les détenus transportent des produits de contrebande de cette façon et qu’ils peuvent les sortir très rapidement. Il a témoigné qu’il le sait par expérience et parce qu’il a déjà vu cela se produire dans le cadre de son travail. Les agents ont réussi à trouver une clé de cadenas et un instrument et les ont enlevés au détenu. En arrivant le lendemain, M. Martin a découvert qu’il était affecté à l’escorte. Ayant appris la veille l’existence d’une clé de menottes et d’un autre instrument que le détenu pouvait posséder encore et sachant que le détenu avait constitué une menace et été imprévisible au cours d’escortes précédentes, il a refusé de travailler.
[40] Quand on a demandé à M. Martin si, au cours de cette escorte, le détenu pouvait être en possession d’un instrument, il a répondu que le fait que l’informateur, considéré fiable dans l’établissement, lui ait donné des informations qui s’étaient avérées par le passé et le fait que le détenu B… ait pris une clé de menottes au personnel juste avant la fouille l’ont convaincu que c’était possible. M. Martin a ajouté qu’il n’était pas le seul à savoir que le détenu B… était en possession d’un instrument et que l’ASPE Footnote 9, M. Kevin Hare, et M. Mullen, superviseur d’unité, étaient aussi au courant.
[41] En ce qui a trait au comportement du détenu B… avant l’escorte, M. Martin jugeait préoccupants les déclarations du détenu B… sur le fait que des armes à feu ne pourraient pas le dissuader, la cote de ce dernier dans l’Unité puisqu’il constituait une menace, sa conduite générale indiquant que son comportement empirait, etc. Dans l’Unité, le détenu B… était reconnu comme une menace physique. Récemment, il était menotté, les mains dans le dos, en raison de son statut. Des procédures spéciales sont appliquées aux détenus, selon leur statut.
[42] M. Martin a témoigné qu’il s’était acquitté de bien plus d’une centaine d’escortes pendant sa carrière. Un incident s’est produit au cours d’une seule escorte non armée. On utilise une arme dans les escortes quand un détenu a un profil très élevé ou constitue un danger pour l’escorte. Contrairement à la déclaration de l’agent de sécurité, selon laquelle on tient compte de trois (3) éléments seulement pour déterminer l’utilisation d’escortes armées, il en existe neuf (documents nos 22 à 25) à étudier. Le détenu B… remplit presque toutes ces conditions, comme l’a décrit M. Martin.
[43] Un aspect important du travail des agents de correction est de rendre compte d’indicateurs de comportement chez les détenus, comme le changement d’humeur. Pour ce qui est de l’escorte, le comportement du détenu B… en disait long et ce dernier disait lui-même présenter le risque de s’évader.
[44] M. Martin a corrigé la déclaration de l’agent de santé et de sécurité au sujet de la personne qui avait retrouvé la clé de menottes. M. Mullen, agent responsable de l’Unité, a dit à M. Martin que le détenu B… lui-même lui avait remis cette clé aux alentours de midi ce jour-là, soit le 10 avril 2003. Il a aussi corrigé la déclaration de l’agent de santé et de sécurité se rapportant au fait que c’est la directrice de l’établissement qui détermine la force nécessaire à utiliser avec les détenus; c’est le Code criminel du Canada et la Directive du Commissaire no 567 qui établissent la force que peut utiliser un agent de correction.
[45] M. Martin a démontré avec quelle facilité on peut se libérer des dispositifs de contrainte, car il est facile de fabriquer une clé. Il a également montré comment on peut le faire dans un véhicule, même si les détenus sont constamment à la portée de la vue et de l’ouïe ou sous la surveillance des agents accompagnateurs (document no 15). Le détenu sait comment retirer un instrument de son anus, même sous la surveillance constante d’un agent.
[46] En outre, M. Martin a témoigné que bien qu’il soit responsable de la fouille des détenus, il ne peut pas effectuer une fouille profonde, car c’est illégal. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition autorise les fouilles à nu, mais l’agent ne peut pas effectuer une fouille profonde comme celle consistant à toucher l’anus d’un détenu. Les détenus le savent. Par conséquent, 90 p.100 de la contrebande se fait en utilisant cette partie du corps.
[47] M. Martin a expliqué que même si un détenu ne figure pas sur la liste des détenus nécessitant une escorte armée, la situation change rapidement et le détenu peut être ajouté sur la liste à la suite de rapports des agents de correction au chef de quart. M. Mador estime qu’il doit assumer tous les risques de son travail. M. Martin n’était pas d’accord. Selon lui, l’employeur doit lui fournir les outils qui lui permettent de travailler sans danger.
[48] M. Martin estime que le matin du refus, le détenu B... présentait plusieurs signes inquiétants. Il savait de première main que le détenu était en possession d’une clé et donc d’une arme. Il ne pouvait pas savoir si l’arme était sur le détenu, car celui-ci pouvait avaler la clé et la régurgiter à volonté.
[49] M. Allen Allain est un agent de correction CO-2 à l’établissement de l’Atlantique. Son témoignage est semblable à celui de M. Martin. Il a été convenu que son témoignage ne devrait pas être répétitif.
[50] Il a témoigné que lorsqu’il a appris qui devait être escorté le 10 avril 2003 et l’escorte que c’était, il a exercé son droit de refuser de travailler pour des raisons de sécurité, en vertu de l’article 128 du Code.
[51] M. Allain a expliqué que, pour figurer sur la liste des détenus nécessitant une escorte armée, un détenu doit présenter un risque très élevé. Le retrait de la liste exige une bonne conduite pendant un certain temps, ce qui ne s’est pas produit dans le cas du détenu B…
[52] M. Allain a confirmé qu’il avait suivi la formation pour les escortes. Il est d’accord avec le témoignage de M. Martin sur le fait qu’il a accès à des moyens de protection comme des gants, des pulvérisateurs de capsicine oléorésineuse, des dispositifs de contrainte, des camions avec une cage et la fouille avant l’escorte.
[53] M. Allain a également admis que, si l’on avait vraiment craint que le détenu B… avait une arme sur lui, on aurait procédé à une fouille à nu avant qu’il quitte l’établissement. On aurait trouvé l’arme si elle avait été sur le détenu, mais pas dans son corps.
[54] M. Allain a confirmé qu’il suit la procédure indiquée dans le document no 15 et que le détenu est constamment à portée de la vue et de l’ouïe et sous sa surveillance. Il a dit cependant que le détenu n’est pas toujours à portée de la vue de l’agent dans le véhicule, car il est difficile de voir clairement le détenu. De plus, quand on conduit en portant la ceinture de sécurité, le détenu n’est pas toujours à portée de la vue. M. Allain a déclaré qu’il regarde à l’intérieur du véhicule avant d’ouvrir la porte, pour voir si les dispositifs de contrainte sont bien attachés. Il sait que si quelque chose ne va pas, il peut mettre fin à l’escorte, selon les stipulations de l’article 19 de la Directive du Commissaire no 566-6 (document no 12).
Témoignage du témoin de l’employeur
[55] M. Greg Brown est le sous-directeur de l’établissement de l’Atlantique, poste qu’il occupe depuis près de trois ans. Auparavant, pendant quatre ans, il était administrateur régional de la sécurité pour la région de l’Atlantique. Il a 30 ans et demi d’expérience avec le Service correctionnel du Canada.
[56] Le matin du 10 avril 2003, on a rapporté à M. Brown que le personnel refusait d’escorter un détenu à l’hôpital local. La veille, M. Brown avait su que le risque de menace que présentait le détenu n’avait pas été évalué. Par conséquent, il a fallu déterminer si l’escorte serait armée ou non. Il a été décidé que ce serait une escorte non armée (document no 15).
[57] M. Brown a émis l’avis que les employés ont refusé de travailler parce qu’ils estimaient que l’escorte aurait dû être armée. On lui a signalé que ces derniers croyaient que le détenu pouvait être en possession d’une clé de menottes.
[58] Au sujet de la note faisant partie du document no 2 (page couverture d’un courriel daté du 14 février 2003, puis la note sur la deuxième page), M. Brown a expliqué avoir envoyé la note parce qu’il avait été informé que le détenu B… pouvait être en possession d’une clé de menottes et que le temps ne permettait pas d’effectuer à ce moment-là une évaluation complète du risque de menace. À l’époque, il était directeur par intérim et non sous-directeur. La directrice, absente à ce moment-là, était Mme Simone Poirier.
[59] Il a envoyé la note après que l’ASPE l’a informé que détenu B… pouvait être en possession d’une clé de menottes. Les renseignements dont il disposait alors étaient que le détenu était tenu en isolement. Il avait enlevé le dispositif de contrainte, c’est-à-dire les menottes, et les avait remises à l’agent de sécurité, mais n’avait pas donné la clé.
[60] M. Brown a décidé à ce moment-là que le détenu une escorte armée en cas d’AT (absence temporaire) pour une urgence médicale. Le superviseur correctionnel déciderait de l’équipement de sécurité à utiliser. Ce serait la mesure immédiate à prendre jusqu’à ce que le temps permette de réaliser une évaluation complète de la menace. Cette évaluation a été effectuée le 9 avril 2003. L’évaluation du risque que présentait le détenu B… n’a pas été réalisée avant le 9 avril 2003, car le détenu a quitté l’établissement de l’Atlantique pendant un certain temps et est revenu le 17 mars 2003, comme l’indique le document no 10.
[61] M. Brown a confirmé avoir dit à l’agent de santé et de sécurité qu’il ne se souvenait pas d’avoir envoyé la note deux mois plus tôt. Il s’est rendu compte que l’évaluation du risque de menace de ce détenu n’avait pas été effectuée, car on lui a signalé le 9 avril 2003 que ce dernier ne figurait pas encore sur la liste des détenus nécessitant une escorte armée. Dans l’après-midi du 9 avril 2003, lui-même, l’ASPE Footnote 10, M. Kevin Hare, et la directrice ont terminé l’évaluation du risque de menace que présentait ce détenu afin de déterminer le niveau du matériel de sécurité requis pour les absences temporaires escortées.
[62] L’évaluation du risque de menace a été effectuée en vertu la Directive du Commissaire no 566-6 (document no 12), conformément à l’article 12 qui donne au directeur de l’établissement le pouvoir de « … déterminer le niveau de surveillance et le matériel de sécurité (incluant les armes à feu) requis au cours de l’escorte, en se fondant sur une évaluation objective du risque » et qui énumère ensuite les cinq facteurs dont il faut tenir compte. L’évaluation incluait également les éléments indiqués dans les documents nos 22 à 25. On peut aussi prendre en considération d’autres éléments dans l’évaluation du risque. La décision prise sur ces fondements a été qu’une absence temporaire escortée n’exigeait pas d’armes à feu.
[63] Après avoir confirmé que certaines escortes de ce détenu étaient armées et d’autres non, M. Brown a expliqué que la décision d’armer une escorte est basée sur l’évaluation du risque de menace, qui indique le niveau d’équipement requis. Il est nécessaire d’armer une escorte lorsque l’évaluation du risque donne différentes raisons de le faire, comme de l’aide dans la communauté pour une évasion, le profil du détenu indiquant qu’il présente un danger pour la population ou la possibilité d’une intervention de l’extérieur. M. Brown a déclaré que dans l’établissement de l’Atlantique, la norme est que les escortes ne soient pas armées.
[64] À propos du type d’équipement et de procédures de protection dont dispose le personnel, M. Brown a fait référence aux articles suivants dans le document no 12, la Directive du Commissaire no 566-6 :
· article 14 – avoir en sa possession tous les documents pertinents touchant le détenu;
· article 15 – inspecter et fouiller le véhicule;
· Article 16 – avoir constamment le détenu à portée de la vue et de l’ouïe;
· article 17 – fouiller le détenu;
· article 18 – examiner les dispositifs de contrainte;
· article 19 – mettre fin à l’escorte.
[65] L’équipement fourni aux agents comprend des menottes, des entraves, un détecteur de métal, un véhicule spécial, du gaz poivré et des gants de fouille. Les agents apprennent les procédures relatives aux escortes pendant une formation et suivent annuellement une formation portant sur l’arrestation et la maîtrise, les techniques d’autodéfense, et l’utilisation du gaz poivré. Ce gaz sert à contrôler la conduite non réglementaire des détenus.
[66] M. Brown a estimé que l’établissement effectue de 200 à 250 escortes par an. Il a affirmé ne pas être au courant de l’existence d’incidents avec le personnel pendant ces escortes. Il a ajouté que l’on a tenu compte de la question de la clé de menottes dans l’évaluation du risque de menace. Il savait que le détenu pouvait avoir été en possession de cette clé deux mois auparavant. Néanmoins, le détenu B… s’est absenté temporairement sous escorte provinciale non armée pour aller en cour ou sous escorte non armée pour se rendre à un autre centre médical, sans que des incidents se produisent.
[67] Quand on a demandé à M. Brown si le détenu B… était fouillé conformément à l’article 17 de la Directive du Commissaire (document no 12), M. Brown a confirmé qu’il l’était. La fouille est une fouille à nu, qui consiste à retirer tous les vêtements, à inspecter visuellement le corps et à l’examiner avec un détecteur de métal.
[68] M. Brown a déclaré que le processus normal menant à la décision d’armer ou non une escorte (document no 15) comprend une indication du coordonnateur des Opérations correctionnelles précisant si l’escorte doit être armée avant que la directrice de l’établissement se prononce elle-même. Tous les permis d’escortes pour absences temporaires prévues sont soumis à la directrice pour qu’elle les signe. On n’effectue pas une évaluation du risque de menace chaque fois.
[69] Il existe aussi le processus du Comité d’unité où, dans le cadre d’une réunion hebdomadaire, une décision est prise ou une recommandation est émise, mais dans ce cas et, selon M. Brown, pour des raisons inconnues, le Comité d’unité n’a pas eu à se prononcer. C’est la raison pour laquelle une évaluation du risque de menace a été effectuée. Les renseignements pertinents sur le détenu B…, comme les documents du Système de gestion des délinquants (SGD) (document no 1) provenant de son agent de libération conditionnelle et les informations dont disposait l’ASPE à ce moment-là, auraient été vérifiés. Il faut noter que le Comité d’unité s’est réuni le même après-midi, mais que la question relative au détenu B… n’a pas été traitée, peut-être parce que le superviseur correctionnel n’a pas mis le Comité d’unité au courant de la situation.
[70] M. Brown a témoigné qu’il ne pouvait se rappeler si, lors de la réunion avec la directrice, ils avaient tenu compte des allégations selon lesquelles le détenu était en possession des deux instruments présumés et de la clé de menottes. Il a cependant déclaré que l’ASPE aurait été au courant. Il n’a peut-être pas examiné les rapports d’observations signalant les menaces d’évasion du détenu, mais il se souvenait des déclarations d’évasion faites par ce dernier au cours de l’escorte précédente, probablement le 13 février 2003. Cela a conduit à l’envoi de la note de la directrice (document no 2) aux superviseurs correctionnels en raison des informations sur le détenu et de l’absence d’évaluation du risque de menace.
[71] Quant à savoir si, le 9 avril 2003, on aurait pris la décision d’armer l’escorte de sécurité si l’on avait su que le détenu était peut-être en possession d’une clé de menottes, la réponse dépend de plusieurs facteurs. M. Brown a expliqué que la note du 13 février 2003 (document no 2) a été envoyée parce qu’on ne disposait pas de tous les renseignements et que le temps ne permettait pas d’effectuer une évaluation complète du risque de menace. Le 9 avril 2003, la directrice a décidé que l’escorte ne serait pas armée, après avoir terminé l’évaluation du risque de menace. Il faut noter que M. Brown a dit ne pas se souvenir avoir envoyé la note quand l’agent de santé et de sécurité la lui a soumise (voir la description des faits par l’employeur, dans le paragraphe 8 ci-dessus).
[72] Le 7 avril 2003, le détenu B… est sorti d’urgence de l’établissement avec une escorte armée, même s’il ne figurait pas sur les listes des détenus nécessitant une escorte armée (documents no 22 à 25). Le 10 avril 2003, il était prévu qu’une escorte non armée accompagnerait le détenu pendant une absence temporaire. Quand on a demandé à M. Brown ce qui avait changé, iI a répondu qu’une évaluation du risque de menace avait été effectuée. Il a expliqué plus tard qu’une évaluation du risque de menace prend en considération le risque global que présente le détenu et qu’à la suite de cette évaluation, on décide si l’escorte doit être armée ou non.
[73] Les signes avant-coureurs d’un incident comprendraient, par exemple, , le comportement passé du détenu pendant ses absences temporaires avec escorte (au cours des 3 à 6 derniers mois ou plus, selon le détenu), ses antécédents durant ses absences temporaires (pendant 6 mois à un an), ses contacts dans la communauté, le souci de la sécurité publique, le risque d’évasion, son comportement le plus récent dans l’Unité (pendant les jours ou les semaines précédant les escortes), etc. L’agent de correction doit faire rapport sur ces indicateurs et formuler des recommandations.
[74] On a appliqué ces indicateurs au détenu B… et ils ont montré que celui-ci était généralement violent. Il a été démontré que ce détenu a tenté de s’évader plusieurs fois et s’est évadé deux fois pendant sa détention, en 2001 et en 1996 (document no 17). D’après M. Brown, cela indique que c’est un détenu à sécurité maximale.
[75] Le détenu a aussi des contacts avec la communauté puisqu’il participe à la contrebande de produits dans l’établissement. Son agent de libération conditionnelle a examiné son profil et l’a évalué comme présentant un risque de sécurité moyen pour la population. Il a conclu que ce détenu ne récidiverait probablement pas de façon violente lorsqu’il serait remis en liberté. M. Brown est d’avis que le détenu B… n’est pas une source de préoccupation pour la sécurité publique, mais présente le risque de s’évader. En fait, il est évalué comme présentant un risque très élevé d’évasion comme la plupart des détenus à sécurité maximale. Toutefois, on a fait ressortir que la majorité des détenus à sécurité maximale ne sont pas sur les listes des détenus nécessitant une escorte armée.
[76] M. Brown a témoigné que le danger que constitue le détenu est pris en considération, mais aux fins de sécurité publique. On tient aussi compte de sa force. Le détenu a des antécédents d’automutilation et, pour cette raison, a été obligé de quitter plusieurs fois sa cellule dans le passé.
[77] M. Brown a convenu qu’il était possible que le détenu ait été en possession de la clé de menottes pendant les deux derniers mois. En même temps, M. Brown a indiqué qu’un détenu n’a pas besoin d’une clé de menottes pour ouvrir des menottes. C’est pourquoi, il faut appliquer des précautions universelles. Chaque détenu pourrait avoir sur lui quelque chose pour ouvrir des menottes et il faudrait donc présumer qu’il peut se dégager des menottes ou des dispositifs de contrainte. L’agent de correction doit toujours garder un contact visuel avec le détenu.
Arguments pour les employés
[78] M. Mancini a renvoyé l’agent d’appel à la décision de Madame la juge Gauthier dans l’affaire Juan Verville c. Service correctionnel du Canada, Section de première instance de la Cour fédérale, Décision no 2004 CF 767, le 26 mars 2004.
[79] Cette décision montre que les agents de correction sont des experts dans leur domaine. M. Mancini m’a aussi renvoyé à la même décision au sujet de la définition et de l’interprétation du danger. Il est d’avis que les agents de correction ont les compétences techniques nécessaires pour déterminer quand ils sont en danger aux termes du Code.
[80] M. Mancini signale que, jusqu’au matin du 10 avril 2003, le détenu devait avoir une escorte armée. Quand on examine toutes les infractions du détenu, il est manifeste qu’il s’agit d’une personne très perturbée et violente. M. Mancini déclare que, le matin du 10 avril 2003, le détenu était en possession de la clé de menottes et de deux instruments, comme en a témoigné M. Martin.
[81] M. Mancini avance que l’agent de santé et de sécurité n’a pas cru M. Brown quand il lui a dit « catégoriquement » qu’il ne se souvenait pas d’avoir envoyé le document no 2 qui stipule que : « [traduction] Le détenu B… devrait être accompagné par une escorte armée jusqu’à l’examen de son dossier par le Comité d’unité ». Le 9 avril 2003, M. Brown a eu une réunion avec l’ASPE et la directrice de l’établissement, qui a entraîné une modification du statut de l’escorte du détenu. M. Mancini met en question ce qui a motivé l’employeur à changer le statut de l’escorte puisqu’il existait déjà une décision indiquant que l’escorte devait être armée. Il n’était pas urgent de procéder à ce changement. Le détenu B… figurait sur la liste des détenus nécessitant une escorte armée, grâce à l’ajout joint à la liste.
[82] Aucun changement chez le détenu ne justifiait le passage du statut d’escorte armée à celui d’escorte non armée. Au contraire, le comportement du détenu qui se moquait des agents en parlant d’évasion et avait une clé et des instruments et ses antécédents devaient porter à lui affecter une escorte armée.
[83] Après le refus des deux employés, M. Brown a demandé à M. Johnstone de se charger de l’escorte sans l’informer de ces refus. La seule chose qui s’est produite, c’est que Mme Poirier a modifié le statut de l’escorte après une réunion avec M. Brown et l’ASPE et simplement envoyé une note pour confirmer ce changement. Elle est autorisée à le faire en vertu de la Directive du Commissaire et affirme que c’est très pratique pour l’établissement. M. Mancini est d’avis que si une escorte doit changer de statut, c’est un élément très important qui nécessite plus qu’une note au dossier.
[84] Le fait que la clé ait apparu le lendemain est aussi très suspect. M. Mancini se demande si on n’a pas fait pression sur le détenu pour qu’il donne la clé. Étant donné le comportement et le profil de ce détenu, il n’est pas normal qu’il ait rendu la clé. Ce détenu est résolu à s’évader et l’a fait pas plus tard qu’en décembre 2001. Il a des contacts dans la communauté et cela devrait être un autre élément à prendre en considération pour l’affectation d’une escorte armée puisqu’il fait le commerce illicite de drogues. C’est un des criminels les plus dangereux du pays. La décision de la directrice de l’établissement est complètement déraisonnable dans ces circonstances. Elle ne tient pas compte du fait que les agents de correction sont des experts qui savent que l’escorte doit être armée. Pourquoi le leur refuser, si ce n’est pas pour montrer que c’est la direction qui commande?
[85] La nouvelle définition du danger dans le Code englobe la possibilité de danger. M. Mancini a mentionné l’incident récent où quatre agents de la GRC ont été tués. Ils menaient une enquête courante. On aurait pu dire que le type d’incident qui s’est produit n’était jamais arrivé auparavant.
[86] Il faut prendre toutes les preuves en considération avant de se rendre une décision sur l’existence d’un danger. Le fait que les agents de correction aient suivi une formation est insuffisant pour justifier l’absence de danger. Et le fait qu’ils aient des dispositifs de contrainte ne le justifie pas non plus. On a montré la facilité avec laquelle le détenu peut se dégager de ces dispositifs. C’est un expert en évasion qui, en plus, a une clé pour s’évader.
[87] M. Mancini demande que l’agent d’appel accepte l’appel et explique en détail la décision et les facteurs pris en considération. La direction n’a pas une attitude correcte envers les agents de correction dans les circonstances. M. Mancini affirme que la direction pourrait agir de la même façon à l’avenir. Cela nécessitera que les agents de correction mettent en danger leurs vies et leur sécurité. Quelqu’un sera tué un jour : cela s’est déjà produit et peut se reproduire.
Arguments pour l’employeur
[88] M. Chemsi a soumis un certain nombre de documents à titre de références dans ses conclusions finales. Ce sont :
· La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20, page couverture et articles 45 à 57 de la Loi
· Welbourne et Canadien Pacifique Limitée, Décision d’agent d’appel no 01-008, le 22 mars 2001
· Martin c. Canada (Procureur général) (CF), Section de première instance de la Cour fédérale, Décision no 2003 CF 1158, le 6 octobre 2003
· Chapman et Canada (Agence des douanes et du revenu), Décision d’agent d’appel no 03-019, le 31 octobre 2003
· Chamard et Canada (Service correctionnel), Décision d’agent d’appel no 05-004, le 20 janvier 2004
· Canada (Service correctionnel) et Schellenberg, Décision d’agent d’appel no 02-005, le 9 mai 2002
· Canada (Procureur général) c. Fletcher (C.A), Cour fédérale, décision de première instance no 2002 CF, le 5 novembre 2002
· Agence Parcs Canada et Martin, Décision d’agent d’appel no 02-009, le 23 mai 2002
[89] M. Chemsi a examiné la définition du danger qui se trouve au paragraphe 122(1) du Code. Il estime que, dans cette affaire, aucun fait n’est lié à la définition. Selon lui, la question n’est pas de savoir si l’escorte aurait dû être armée ou non, mais si les agents de correction risquaient de mettre leur sécurité en danger en escortant le détenu. Il faut donc déterminer si, sans arme, il y aurait eu un danger potentiel. De plus, ce danger potentiel doit être raisonnablement susceptible de causer des blessures.
[90] En outre, l’audience n’a pas pour objet de remettre en question la politique de l’employeur qui, dans ce cas, porte sur le fait d’armer les escortes. Cela est clairement indiqué au paragraphe 38 de la décision de l’affaire Fletcher précitée, qui traitait de la politique de dotation minimale à l’établissement à sécurité maximale de Dorchester :
Par ailleurs, ni l'agent de sécurité ni la Commission n'avaient le pouvoir de considérer la «politique de dotation minimale». Le mécanisme prévu par le Code prévoit une méthode particulière d'établissement des faits pour régler une situation particulière. Il n'est pas destiné à constituer une tribune pour l'analyse de la politique d'un employeur.
[91] M. Chemsi invoque que le port d’une arme n’est pas un facteur déterminant de la sécurité des agents de correction. L’agent d’appel doit analyser les faits pour établir s’il existait un danger afin de discerner si les agents de correction auraient eu besoin d’un pistolet pour se protéger. Les agents allèguent que c’est leur seul moyen de protection. M. Chemsi avance que ce n’est pas le seul.
[92] Un autre aspect important de la définition du danger est que les situations hypothétiques ou spéculatives sont exclues de la définition. M. Chemsi se fonde sur le paragraphe 19 de la décision de l’affaire Welbourne précitée, dans laquelle j’ai conclu au paragraphe 19 :
Donc, cette notion « d’être susceptible de causer » exclut toutes situations hypothétiques.
[93] La définition du danger ne signifie pas l’absence de risques, comme l’explique le paragraphe 23 de cette décision. Certains risques sont censés exister. Dans la décision de l’affaire Martin précitée, les gardiens de parc se sont sentis en situation de risque parce qu’ils n’étaient pas munis de pistolets Même si l’affaire a été portée en appel, Madame la juge Tremblay Lamer de la Cour fédérale a confirmé ce qui suit au paragraphe 53 :
Bien que le danger puisse être éventuel, par conséquent, les situations hypothétiques ou spéculatives demeurent toujours exclues en vertu de la doctrine de l'attente raisonnable.
[94] Dans la décision de l’affaire Chapman précitée, M. Chemsi m’a renvoyé au paragraphe 73 qui stipule que :
… la tâche éventuelle en question sera accomplie;
un employé aura à l'exécuter le moment venu;
on s’attend raisonnablement à ce que :
la tâche occasionne une blessure ou une maladie chez l'employé appelé à l'exécuter;
la blessure ou la maladie se produise dès que la tâche aura été entreprise.
[95] À la lumière de ces deux principaux critères, les faits sont que la rumeur circule que le détenu est en possession d’une clé et de deux instruments. Nous devons examiner le profil du détenu et déterminer quelles sont les probabilités qu’il se produise quelque chose pouvant raisonnablement causer des blessures. M. Chemsi prétend que toutes les preuves considérées sont hypothétiques et spéculatives.
[96] N’oublions pas, a dit M. Chemsi, qu’il s’agit d’un établissement à sécurité maximale et que, par conséquent, tous les détenus sont dangereux. Dans ce contexte et parce que les détenus sont toujours escortés, les escortes se font selon certaines procédures, comme le précise la Directive du Commissaire no 566-6. M. Chemsi fait valoir que ces procédures existent pour protéger les escortes et la population. Il existe aussi l’équipement de protection à utiliser pendant les escortes, c’est-à-dire des pulvérisateurs de capsicine oléorésineuse, des gants et un camion avec une cage où les détenus sont tenus à l’écart de l’escorte. De plus, le détenu porte des dispositifs de contrainte comme des menottes et des entraves aux jambes. Ce sont des éléments clés dans la décision de l’existence de danger. Étant donné l’équipement, la formation et les procédures, M. Chemsi se demande s’il est possible ou probable qu’il se produise quelque chose qui cause des blessures. C’est, à son avis, une possibilité spéculative.
[97] M. Chemsi reconnaît que le détenu B... est violent, mais affirme que cela ne justifie pas en soi une escorte armée. Le port d’un pistolet n’est pas la seule solution pour éliminer le risque ou danger possible. Le détenu ne figure pas sur la liste des détenus nécessitant des escortes armées. La seule information qui existe vient de la rumeur selon laquelle le détenu pourrait être en possession d’une clé de menottes. Quand M. Brown en a été informé initialement, il a décidé par mesure d’urgence de recommander une escorte armée pour ce détenu, car il n’avait pas le temps d’effectuer une évaluation du risque de menace.
[98] Par la suite, l’employeur a réagi en tenant comte de l’information fournie au sujet de la clé de menottes et a opté pour une escorte non armée le 10 avril 2003. Il a effectué une évaluation du risque de menace et déterminé que la question de la clé de menottes ne suffisait plus pour justifier une escorte armée. Si l’escorte était partie comme prévu, la clé de menottes aurait été trouvée, car le détenu aurait été fouillé à nu, conformément à la Directive du Commissaire et aux articles 47 et 48 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il se serait produit la même chose avec les instruments. Il faut noter cependant que M. Mancini s’élève vigoureusement contre cet argument en déclarant que la clé n’aurait pas été trouvée, car les agents de correction n’ont pas le droit de faire des fouilles profondes. Les détenus ont l’habitude de cacher ce genre d’arme dans l’anus.
[99] Pour ce qui est de la rumeur Footnote 11 voulant que le détenu puisse être en possession d’une clé de menottes – ou d’instruments –, c’est une situation hypothétique. Même si l’on présume que c’est une possibilité, cela ne signifie pas que la clé de menottes et les instruments n’auraient pas été trouvés. Même si l’on présume qu’ils n’auraient pas été détectés, le détenu aurait été dans le véhicule, seul, avec des dispositifs de contrainte et à portée de la vue. Le fait de dire que le détenu peut avoir quelque chose dans l’anus est une forte exagération. Il n’existe rien qui laisse à craindre raisonnablement un risque de blessure.
[100] En outre, ce détenu a souvent été accompagné par une escorte non armée des autorités provinciales, sans qu’aucun incident ne se produise. Le profil du détenu est examiné par des professionnels de l’établissement, le Comité d’unité, la directrice, les agents de libération conditionnelle et les psychologues. Le détenu n’a jamais été inclus dans la liste des détenus nécessitant des mesures de sécurité élevée, même si l’on a pris son profil en considération pendant toutes ces années. Le fait qu’il présente un haut risque d’évasion n’est pas primordial pour exiger une escorte armée puisqu’il a toujours présenté un tel risque. Rien n’a changé.
[101] Le pistolet est utilisé à des fins spécifiques telles que protéger la vie de l’agent de correction si elle est menacée, ce qui n’est pas le cas. Il est fourni s’il y a lieu de s’inquiéter de la sécurité publique et pas seulement pour que les agents de correction se protègent. Ces derniers disposent d’autres dispositifs à cet effet. Dans la décision de l’affaire Chamard précitée, l’exclusion des situations hypothétiques est réaffirmée. Dans l’affaire Verville précitée, la Cour a jugé que l’agent d’appel a ignoré la preuve fondée sur l’expérience, soumise par les agents de correction. Au paragraphe 50 de la décision, la Cour a déclaré :
Eu égard aux circonstances, la Cour n'est pas persuadée que l'agent d'appel a tenu compte de l'opinion exprimée par les agents correctionnels, une opinion fondée sur leur expérience, en particulier celle de l'agente correctionnelle Hnetka. Cette preuve était manifestement à propos, et nous n'avons aucune idée de la manière dont elle a été traitée.
[102] D’après M. Chemsi, il existe une différence entre le fait d’examiner la preuve et celui de lui donner le poids approprié. Au sujet des impressions des employés, la décision de l’affaire Schellenberg précitée clarifie le fait que les impressions peuvent être réellement éprouvées sans pour autant répondre à la définition du danger. Il doit exister une détermination objective et factuelle du danger.
[103] Le danger doit exister au moment de l’enquête et non lors de l’utilisation d’une escorte armée dans le passé. Quand M. Mador a mené son enquête, il existait seulement une situation hypothétique. Il a décidé qu’il n’existait pas de danger au moment de son enquête. Il a examiné le profil du détenu, les instruments et les procédures en place et conclu qu'il n’existait pas de danger. La question d’armer l’escorte ou non n’était pas un élément important de sa détermination.
[104] Par conséquent, nous devons déterminer l’existence de danger en fonction de trois facteurs : la probabilité qu’une situation potentielle se présente, la probabilité que l’employé soit exposé à la situation et la probabilité que la situation cause des blessures.
[105] En résumant les faits selon ces trois facteurs, nous obtenons ce qui suit :
· La probabilité qu’une situation potentielle se présente : cela nécessiterait que le détenu sorte de la cage après avoir été fouillé avant l’escorte, sans que l’agent de correction ne remarque de mouvements inhabituels. Les employés ont des moyens puissants pour faire face à ce genre de situation;
· La probabilité que l’employé soit exposé à la situation : il n’est pas défendable de dire que lorsqu’un camion avec une cage est ouvert, les agents de correction sont exposés à un détenu qui vient tout juste de se libérer. C’est impossible à moins que les agents n’aient pas suivi de formation ou observé les procédures;
· La probabilité que la situation cause des blessures : cela signifierait que les agents ne seraient pas en mesure de maîtriser le détenu avec du gaz poivré ou un autre dispositif.
[106] L’argument principal des employés est fondé sur trois situations spéculatives. Par conséquent, c’est un argument totalement spéculatif. L’agent d’appel devrait rejeter l’appel.
*****
[107] La question à trancher dans cette affaire est s’il existait un danger, au sens du Code, pour les trois agents de correction qui ont refusé de travailler le 10 avril 2993. Pour le déterminer, je dois tenir compte de la jurisprudence applicable, notamment des décisions de la Cour fédérale dans l’affaire Martin c. Canada (Procureur général) (CF), Section de première instance de la Cour fédérale, Décision no 2003 CF 1158, le 6 octobre 2003, et dans l’affaire Verville c. Service correctionnel du Canada, [2004] CFJ, no 940, rendue par J. Gauthier. Puis, je dois appliquer les faits de l’affaire à la loi et rendre une décision.
[108] Avant de procéder à cette analyse, je crois qu’une clarification s’impose relativement à l’application des deux lois Footnote 12 qui régissent les pénitenciers fédéraux, c’est-à-dire la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code canadien du travail, Partie II (appelé ci-après le Code). Aux fins de l’exercice, j’établirai une distinction entre la population carcérale, régie par la Loi, et le personnel, régi par le Code en matière de santé et de sécurité au travail. Bien qu’il puisse exister des chevauchements dans l’application des deux lois, j’examinerai leur application isolément.
[109] La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est la « loi régissant le système correctionnel, la mise en liberté sous condition et le maintien en incarcération… » Son administration est facilitée par différentes politiques et procédures comme la Directive du Commissaire no 566-6 pour les escortes de sécurité. Cette directive est publiée en vertu de l’autorité du commissaire du Service correctionnel du Canada, nommé selon les dispositions du paragraphe 6(1) de la Loi. L’administration de la Loi nécessite la participation du personnel du Service correctionnel du Canada pour assurer la gestion et le contrôle rationnels de la population carcérale.
[110] Le Code, quant à lui, est une loi à l’objectif déterminé. L’objet du Code est indiqué à l’article 122.1 de la façon suivante :
La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi régi par ses dispositions.
Le paragraphe 123 (1) clarifie le champ d’application de la Partie II du Code. Il stipule :
(1) Malgré les autres lois fédérales et leurs règlements, la présente partie s'applique à l'emploi… (Non souligné dans le texte.)
Il est donc manifeste qu’indépendamment de toute autre loi pouvant s’appliquer aux pénitenciers, les questions de santé et de sécurité, où il existe une relation employeur-employé, relèvent du Code. Cela n’empêche évidemment pas d’autres lois d’aller plus loin que les exigences du Code en matière de santé et de sécurité, mais elles ne doivent pas être en deçà. Dans les cas où les exigences du Code ne sont pas remplies, ses dispositions s’appliquent. De plus, le fait que deux lois ou plus s’appliquent au même lieu de travail n’empêche pas leur coexistence simultanée et harmonieuse.
[111] Quand l’agent de santé et de sécurité a enquêté sur les trois refus de travailler du 10 avril 2003, il s’est trouvé dans une situation régie par les deux lois. Il a tenté d’intégrer les exigences d’une législation dans l’autre, alors qu’il aurait dû se concentrer sur l’application du Code et la procédure décrite dans le Code pour les refus de travailler. Bien qu’il ne doive pas ignorer les exigences de la Loi, il a pour mission d’enquêter sur les refus de travailler en vertu du Code et non de la Loi. En conséquence, il a pris une décision fondée principalement sur des éléments qui auraient dû être limités à l’application de la Loi. Il a conclu ainsi :
En me fondant sur un manque de communication et les documents nos 12, 26 et 27, je décide en faveur d’une absence de danger.
[112] Selon le témoignage de M. Brown, il faut comprendre qu’aux termes de la Loi, la directrice d’un établissement a le droit de déterminer le niveau de surveillance et le matériel de sécurité nécessaires à une escorte. L’article 12 de la Directive du Commissaire no 566-6 (document no 12) l’indique clairement :
Le directeur de l’établissement doit déterminer le niveau de surveillance et le matériel de sécurité (incluant les armes à feu) requis au cours de l’escorte, en se fondant sur une évaluation objective du risque, y compris :
a) la cote de sécurité du détenu;
b) la santé physique et mentale du détenu;
c) le comportement et les caractéristiques du détenu;
d) l’objet de la sortie sous escorte, la destination, le mode de transport et la durée du parcours;
e) les renseignements de sécurité.
[113] Les deux autres documents auxquels l’agent de santé et de sécurité renvoie dans sa décision mettent simplement en évidence les responsabilités de la directrice qui découlent de l’observation de la Directive du Commissaire. Il s’agit du permis temporaire émis (document no 26) qui indique dans quelles conditions l’escorte devrait se faire, y compris si elle devrait être armée ou non, et une note (document no 27) de la directrice au dossier, qui stipule qu’elle a observé la Directive. Même si ces documents pouvaient être utiles à l’agent de santé et de sécurité, ils ne sont pas essentiels pour déterminer si les agents de correction étaient en danger au sens du Code parce que, comme nous le verrons plus tard, ils sont axés sur la sécurité de la population et du détenu. En outre, le manque de communication mentionné par l’agent de santé et de sécurité dans sa décision fait référence, à mon avis, à la méfiance manifeste que celui-ci a observée entre la direction et les agents de correction. Toutefois, ce n’est pas une détermination factuelle de l’existence ou non d’un danger aux termes du Code.
[114] Les témoignages non contestés au dossier indiquent que la directrice décide si une escorte de sécurité doit être armée ou non en fonction du fait qu’un détenu répond aux trois critères suivants :
il constitue un danger pour lui-même;
il constitue un danger pour la population;
il présente le risque de s’évader.
Je crois comprendre, comme l’agent de santé et de sécurité avant moi, que si le détenu ne répond pas à un de ces trois critères, l’escorte est généralement non armée Footnote 13. Dans le même ordre d’idées, la directrice a mis une note au dossier (document no 27), datée du 10 avril 2003, le jour des refus de travailler, où elle stipulait :
[traduction] Un entretien au sujet du détenu B… a eu lieu entre l’agent de renseignements de sécurité (ARS) Kevin Hare, le sous-directeur Greg Brown et moi-même hier après-midi. Après une consultation et une discussion sur le risque que présente le détenu pour la sécurité publique, indiqué comme étant moyen dans la cote de sécurité et la nature du crime, j’ai pris la décision que ce détenu n’aurait pas d’escorte armée. (Non souligné dans le texte.)
De plus, M. Brown a témoigné dans le paragraphe 63 ci-dessus :
… [traduction] que la décision d’armer une escorte est basée sur l’évaluation du risque de menace, qui indique le niveau d’équipement requis. Il est nécessaire d’armer une escorte lorsque l’évaluation du risque donne différentes raisons de le faire, comme de l’aide dans la communauté pour une évasion, le profil du détenu indiquant qu’il présente un danger pour la population ou la possibilité d’une intervention de l’extérieur.
[115] Étant donné que les agents de correction ont de nombreux moyens et procédures pour se protéger, il est manifeste que la décision d’armer une escorte ou non n’a véritablement, selon l’agent de santé et de sécurité, « [traduction] pas grand chose à voir avec la sécurité du personnel [comprendre les agents de correction] ». Je le dis malgré le commentaire de M. Chemsi (paragraphe 101 ci-dessus) selon qui « … [traduction] le pistolet est utilisé à des fins spécifiques telles que protéger la vie de l’agent de correction si elle est menacée, ce qui n’est pas le cas ». On espère que si la vie d’un agent de correction était directement menacée par une escorte, des mesures spéciales et probablement exceptionnelles seraient prises pour protéger l’agent. Ce serait une exigence aux termes du Code.
[116] Par conséquent, la décision d’armer ou non une escorte de sécurité en vertu de la Loi et de la Directive du Commissaire ne peut pas mener à une constatation de danger ou d’absence de danger au sens du Code parce que l’objet fondamental de cette décision n’est pas de protéger les agents de correction mais la population et, dans une certaine mesure, le détenu. Je dois donc faire abstraction de l’aspect de l’armement ou du non-armement de l’escorte de sécurité à titre de moyen de dissuasion et examiner si les agents de correction étaient en danger aux termes du Code. Si je constate qu’ils étaient en danger, je dois enjoindre l’employeur, le cas échéant, de prendre des mesures pour protéger les employés.
[117] Quand un employé invoque son droit de refuser de travailler en vertu du Code, un certain nombre de choses doivent se produire. Premièrement, cet employé doit sans délai donner le détail des circonstances à son employeur (paragraphe 128(6)), ce qui s’est produit dans ce cas. À la suite d’un rapport sur le maintien du refus de travailler de l’employé (paragraphe 128(9)), l’employeur doit faire enquête en présence de cet employé et d’au moins un membre du comité local, ce membre ne devant pas faire partie de la direction (paragraphe 128(10)). Ni le dossier ni les témoignages ne prouvent que cette partie cruciale du processus de refus de travailler se soit faite, même si M. Johnstone a dit qu’il avait commencé à étudier les refus de M. Martin et de M. Allain. La preuve laisse plutôt entendre qu’après avoir été avisé du refus de travailler de M. Martin et de M. Allain, l’employeur a donné directement l’ordre à M. Johnstone de se charger de l’escorte de sécurité, sans l’informer des deux refus de travailler précédents, contrairement aux dispositions du paragraphe 129(5) du Code. Quand M. Johnstone a reçu l’ordre d’escorter le détenu B…, il a lui aussi refusé de travailler. Là encore, la preuve donne à entendre qu’au lieu de tenter de régler la question à l’interne, comme l’exige le Code, on a appelé un agent de santé et de sécurité pour qu’il enquête. Après avoir avisé un agent de santé et de sécurité (paragraphe 128(13)), l’employeur était encore tenu d’informer le comité local (paragraphe 128(14)) des mesures prises, le cas échéant, pour protéger les employés contre le danger redouté. Il est manifeste que l’agent de santé et de sécurité n’a pas bénéficié d’une enquête interne qui aurait pu centrer son attention sur le véritable élément de danger.
[118] La notion du danger et son interprétation ont fait l’objet de deux analyses de la Cour fédérale. Les deux décisions de la Cour fédérale à ce jour, celles des affaires Martin et Verville précitées, sont détaillées et constituent la principale jurisprudence à ce sujet. Je me fonderai sur ces décisions pour interpréter la définition du danger et l’appliquer aux faits de l’affaire qui nous occupe.
[119] Le paragraphe 122(1) du Code définit ainsi le danger :
« danger » Situation, tâche ou risque -- existant ou éventuel -- susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade -- même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.
[120] La question centrale dont je suis saisi afin d’établir l’existence ou l’absence de danger aux termes du Code est de déterminer si le risque de blessure des agents accompagnateurs dans les circonstances de cette affaire pourrait se reproduire avant qu’il ne soit corrigé et s’il existe une possibilité raisonnable que ces circonstances se produisent à l’avenir. À cette fin, je dois établir qu’il existe une preuve suffisante pour croire que le détenu B… était en possession d’une clé de menottes ou d’un instrument qui pouvait échapper à la détection avant qu’il le transporte et l’utilise pendant le trajet à l’hôpital pour blesser les agents de correction qui l’escortaient. Je ne suis aucunement saisi de la question à savoir si le détenu B… présente le risque de s’évader. À ce sujet, je me contente d’attirer l’attention sur le témoignage de M. Brown (paragraphe 75 ci-dessus) :
[traduction] M. Brown est d’avis que le détenu B… n’est pas une source de préoccupation pour la sécurité publique, mais présente le risque de s’évader. En fait, il est évalué comme présentant un risque très élevé d’évasion comme la plupart des détenus à sécurité maximale.
[121] La décision d’abaisser d’armé à non armé le statut de l’escorte de sécurité a été basée sur une évaluation sommaire du risque de menace, malgré le commentaire de M. Brown selon qui une évaluation globale avait été faite et dont la conclusion voulait que le détenu ne présentait plus un danger pour la population. Cette évaluation tenait pour acquis que, d’une part, les agents de correction ont reçu une formation suffisante et disposent de l’équipement convenable pour empêcher une tentative d’évasion. C’est à mon sens une présomption raisonnable dans des conditions normales. Toutefois, je constate que la directrice a court-circuité le processus en place, l’examen du Comité d’unité, pour décider du statut de l’escorte du détenu B… Je constate aussi que l’évaluation du risque de menace a été effectuée l’après-midi même où le Comité d’unité s’est réuni afin de traiter de la question pour d’autres détenus. Je constate enfin que la directrice a simplement mis une note au dossier le 10 avril 2003, le jour où les agents de correction ont refusé de travailler, et que celle-ci ne fait preuve d’aucun souci ou égard pour la sécurité et la santé du personnel. Étant donné qu’il n’était pas urgent d’abaisser le statut de l’escorte dans ce cas, je peux comprendre les soupçons de M. Mancini quant à la façon dont ce statut a été modifié et son inquiétude face à l’effet considérable de cette modification sur la santé et la sécurité des agents accompagnateurs. Il ne me revient pas de remettre en question une décision d’une directrice d’établissement, qui nuit à la sécurité publique. Toutefois, si le processus en cause mène à une décision qui a des incidences directes sur la santé et la sécurité des agents de correction, les agents d’appel et les agents de santé et de sécurité doivent passer le processus au crible des dispositions du Code.
[122] L’agent de santé et de sécurité a indiqué que le travail d’agent de correction est dangereux. D’après M. Martin, l’agent de santé et de sécurité estime que les agents de correction doivent accepter les risques associés à leurs fonctions. M. Martin s’élève vigoureusement contre cette déclaration en précisant que même s’il accepte les risques associés à son travail, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il accepte tous les risques sans qu’on lui donne les moyens de faire son travail en sécurité. Je suis d’accord avec M. Martin. En vertu du Code, la santé et la sécurité des employés sont prioritaires. Dans un établissement à sécurité maximale, la marge d’erreur est très faible. L’ignorance de ce fait peut causer de graves blessures ou le décès d’un agent accompagnateur. S’il existe une preuve ou au moins des renseignements laissant croire qu’un détenu à sécurité maximale est en possession d’une clé de menottes ou d’un instrument, il incombe à l’employeur d’effectuer une évaluation du risque de menace qui s’applique spécifiquement aux agents accompagnateurs afin de s’assurer qu’ils peuvent escorter le détenu dans de bonnes conditions de sécurité. Dans cet environnement, c’est le minimum acceptable en vertu du Code.
[123] Je suis convaincu qu’il existe une preuve suffisante dans cette affaire pour justifier l’existence d’un risque potentiel, c’est-à-dire la clé de menottes et un instrument. La preuve montre ce qui suit :
· Le détenu B… s’était déjà dégagé récemment de son dispositif de contrainte, avait volé une clé de menottes en le faisant et ne l’avait pas rendue;
· Un informateur fiable a confirmé à l’agent de correction Martin que le détenu B… était en possession d’une clé de menottes, d’une clé de cadenas et de deux instruments. La clé de cadenas et un instrument ont été trouvés, ce qui laisse donc le détenu en possession d’une clé de menottes et d’un instrument.
Par ailleurs, il s’est avéré que le détenu B… a ensuite donné la clé de menottes à l’agent responsable de l’Unité, M. Mullen, aux alentours de midi le 10 avril 2003, ce qui confirme donc son existence et la crédibilité du renseignement.
[124] Pour ce qui est de savoir si la clé ou l’instrument qui restait aurait pu échapper à la détection, je dois me fier à la preuve soumise par les agents de correction, selon laquelle bien qu’ils soient autorisés à faire une fouille complète (à nu) du détenu, ils n’ont pas le droit d’effectuer une fouille profonde. Ils ont témoigné, en se fondant sur leur expérience, que les détenus peuvent avaler une clé ou un instrument et les régurgiter plus tard ou cacher la clé ou l’instrument dans l’anus et le retirer à volonté. À ce sujet, j’accepte le témoignage de M. Martin (paragraphe 39 ci-dessus), selon lequel :
… il sait que les détenus transportent des produits de contrebande de cette façon et qu’ils peuvent les sortir très rapidement. Il a témoigné qu’il le sait par expérience et parce qu’il a vu cela se produire dans le cadre de son travail. (Non souligné dans le texte.)
[125] Je ne doute pas que le détenu B… puisse mettre cette technique ou d’autres en pratique. Étant donné les renseignements fournis et l’expérience des agents de correction, je rejette la déclaration répétée de M. Chemsi selon laquelle le fait que le détenu soit en possession de la clé ou d’un instrument relevait de la simple rumeur. Le détenu B… est un expert en évasion, qui dit lui-même qu’il présente le risque de s’évader. Il s’est évadé deux fois dans le passé malgré toutes les mesures mises en application. Je suis donc prêt à accepter leur preuve que le détenu B… est en possession d’une clé ou d’un instrument et peut les cacher sur lui sans qu’ils soient détectés, bien que l’employeur ait déclaré (paragraphe 98 ci-dessus) : « Si l’escorte était partie comme prévu, la clé de menottes aurait été trouvée puisque le détenu aurait été fouillé à nu, conformément aux articles 47 et 48 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il se serait produit la même chose avec les instruments. »
[126] Cette déclaration est fondée sur la fouille complète, comprenant l’utilisation d’un détecteur de métal, qui aurait été effectuée si le détenu avait été escorté à l’extérieur de l’établissement. Je suis d’accord avec le fait que la clé en métal et n’importe quel autre morceau de métal aurait été probablement détecté si le détenu avait été examiné avec le détecteur, bien que M. Allain ait témoigné le contraire. Je constate cependant que l’employeur n’a pas fouillé le détenu après les refus de travailler. Cela aurait certainement apaisé les inquiétudes des employés qui avaient refusé de travailler, surtout si une enquête avait été menée en leur présence et en la présence d’au moins un membre du comité local, qui ne fait pas partie de la direction (paragraphe 128(10)). Il incombait à l’employeur d’enquêter sur l’allégation des employés et de faire tout le nécessaire pour déterminer la présence ou l’absence de la clé de menottes et de l’autre instrument devant le représentant des employés qui avaient refusé de travailler. En outre, la déclaration ne prend pas en considération les témoignages des agents de correction, selon lesquels les détenus ont réussi dans le passé à cacher des produits de contrebande dans l’anus ou d’autres parties du corps et à les sortir, ce qui laisse entendre que, dans certaines conditions, un produit de contrebande comme un instrument qui n’est pas en métal peut échapper à la détection. En me basant sur ce qui précède, je donne plus de poids à ce qu’ont allégué les agents de correction, soit que le détenu était en possession d’une clé ou d’un instrument et qu’en raison de son expertise en évasion et de sa détermination de le faire, la clé ou l’instrument aurait échappé à la détection.
[127] Je crois que le détenu B…, qui connaît bien les procédures de fouille, car il a été escorté de nombreuses fois auparavant, n’aurait pas caché la clé en métal sur lui afin de s’évader, car il savait probablement qu’elle serait détectée. Dans tous les cas, elle aurait été trouvée. Toutefois, sous l’angle d’une évasion, il a été démontré que le détenu B… n’a pas besoin de clé pour s’évader. Sa capacité de s’évader avec ou sans clé n’est pas un aspect dont il faut tenir compte. La clé a été trouvée, mais il en est autrement de l’arme, l’instrument, qui n’est pas forcément en métal. Dans cet esprit, j’accepte qu’il existe une possibilité raisonnable que le détenu ait caché au moins un instrument et que celui-ci échappe à la détection avant le départ de l’établissement. Cela est important, car dans la décision de l’affaire Verville précitée, Madame la juge Gauthier a déclaré :
Sur ce point, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable. (Non souligné dans le texte.)
[128] Contrairement à la déclaration de M. Chemsi (paragraphe 103) et compte tenu de la décision susmentionnée de la juge Gauthier, le temps n’est plus le facteur déterminant de la présence du danger en vertu du Code. Je dois, par conséquent, examiner les circonstances où une blessure serait susceptible de se produire et établir qu’il y a une possibilité raisonnable qu’elle se produise dans l’avenir. Ces circonstances seraient réunies pendant le transport du détenu à l’extérieur de l’établissement. Si le détenu est capable de récupérer l’arme sur lui, une blessure serait susceptible de se produire si la porte est ouverte avant que l’employeur ne puisse prévenir le danger. Cela nous amène au transport du détenu dans un véhicule de transportation conçu spécialement pour de pareils cas. Cela m’amène aussi à examiner de près le paragraphe 16 de la Directive du Commissaire 566-6, qui se lit, en anglais et en français :
16. The officer in charge shall normally ensure that the inmate(s) remain in direct sight and hearing of the escorting officers. Any exception shall be documented in the decision record.
16. L’agent responsable doit voir à ce que les agents accompagnateurs aient constamment le ou les détenus à portée de la vue et de l’ouïe. Toute dérogation à cette norme doit être consignée dans le registre de décision.
[129] Selon moi, l’expression « constamment … à portée de la vue et de l’ouïe », à la lumière du paragraphe français, signifie souvent et de façon continue. C’est ce que les agents de correction font habituellement. Cependant, les témoignages de MM. Allain et Martin à ce sujet sont éloquents. Ces paragraphes se lisent comme suit :
Paragraphe 54 (ci-dessus)
M. Allain a confirmé qu’il suit la procédure indiquée dans le document no 15 et que le détenu est constamment à portée de la vue et de l’ouïe et sous sa surveillance. Il a dit cependant que le détenu n’est pas toujours à portée de la vue de l’agent dans le véhicule, car il est difficile de voir clairement le détenu. De plus, quand on conduit en portant la ceinture de sécurité, le détenu n’est pas toujours à portée de la vue. M. Allain a déclaré qu’il regarde à l’intérieur du véhicule avant d’ouvrir la porte, pour voir si les dispositifs de contrainte sont bien attachés. Il sait que si quelque chose ne va pas, il peut mettre fin à l’escorte, selon les stipulations de l’article 19 de la Directive du Commissaire no 566-6 (document no 12).
Paragraphe 45
M. Martin a démontré avec quelle facilité on peut se libérer des dispositifs de contrainte, car il est facile de fabriquer une clé. Il a également montré comment on peut le faire dans un véhicule, même si les détenus sont constamment à la portée de la vue et de l’ouïe ou sous la surveillance des agents accompagnateurs (document no 15). Le détenu sait comment retirer un instrument de son anus, même sous la surveillance constante d’un agent.
[130] Même si « l’agent responsable doit voir à ce que les agents accompagnateurs aient constamment le ou les détenus à portée de la vue et de l’ouïe », à mon avis, étant donné la conception du véhicule, il est difficile, voire impossible, de surveiller continuellement les mouvements du détenu dans la cage. Je partage l’inquiétude des agents de correction susdite. Étant donné la conception du véhicule, d’après la description limitée que j’en ai reçue à l’audience, je crois qu’il permet au détenu de bouger librement et sans surveillance, surtout à certains moments car, comme l’a déclaré M. Allain, « … quand on conduit en portant la ceinture de sécurité, le détenu n’est pas toujours à portée de la vue ». De toute évidence, cela fait penser que l’agent est installé à l’avant du véhicule et regarde droit devant lui. Je suis aussi d’avis, comme le déclare M. Allain, que s’il est difficile de voir à l’intérieur du véhicule, il doit être difficile de s’assurer que les dispositifs de contrainte sont bien attachés au détenu. Ouvrir la porte du véhicule dans de telles circonstances présente un risque de blessure évitable pour les agents de correction accompagnateurs.
[131] Je crois que le comportement récent du détenu B… justifiait les préoccupations des agents de correction quant à d’éventuelles blessures qu’il leur causerait au cours de l’escorte. À titre d’exemple, je cite les déclarations de MM. Martin, Allain et Johnstone :
Paragraphe 39 : […] Ayant appris la veille l’existence d’une clé de menottes et d’un autre instrument que le détenu pouvait posséder encore et sachant que le détenu avait constitué une menace et été imprévisible au cours d’escortes précédentes, il [M. Martin] a refusé de travailler. (soulignement ajouté)
Paragraphe 51 : M. Allain a expliqué que, pour figurer sur la liste des détenus nécessitant une escorte armée, un détenu doit présenter un risque très élevé. Le retrait de la liste exige une bonne conduite pendant un certain temps, ce qui ne s’est pas produit dans le cas du détenu B…
Paragraphe 29 : […] Il a refusé d’escorter le détenu, car il jugeait être en danger imminent. Il a fondé son refus sur les antécédents du détenu, c’est-à-dire le fait que celui-ci avait été auparavant sous escorte armée pendant des absences temporaires. […]
Paragraphe 30 : […] M. Johnstone a déclaré que le détenu lui avait déjà dit qu’il tenterait de s’évader, qu’il n’avait pas peur de s’évader, qu’il avait déjà essayé de le faire et qu’il était violent. Il avait agressé des membres du personnel et des policiers. Il s’était moqué de l’agent en disant que personne ne pourrait l’arrêter s’il voulait s’évader (voir le document no 19).
Étant donné les circonstances susmentionnées, je crois qu’ouvrir la porte du véhicule au détenu B…, avec moins de dispositifs pour protéger les agents de correction, présente un risque raisonnable qu’il leur cause des blessures avant que la situation ne soit maîtrisée. Dans le cas d’un détenu à sécurité maximale qui vient de montrer un comportement instable, violent et troublé, et qui est décidé et capable de s’évader, c’est une pensée effrayante, surtout quand il s’agit d’un détenu qui agresse des agents de correction et la menace avec une bouteille brisée. Dans l’état des choses, on attendait des agents de correction qu’ils mettent en danger leur santé, leur sécurité et probablement leur vie pour empêcher le détenu de s’évader. Le Code n’oblige personne à aller aussi loin que de mettre sa santé, sa sécurité ou sa vie en jeu même si l’emploi nécessite des contacts avec des délinquants dangereux.
[132] En résumé, selon moi, les agents de correction Johnstone, Allain et Martin étaient en danger, aux termes du Code. Le 10 avril 2003, il y avait un risque potentiel, c’est-à-dire la possession d’au moins un instrument susceptible de causer des blessures avant que la situation ne soit maîtrisée. Le risque de blessure a surgi du fait que le détenu B… possédait au moins un instrument qui aurait pu logiquement i) être dissimulé, ii) échapper à la détection, iii) être transporté dans le véhicule et iv) être utilisé contre les agents accompagnateurs. Compte tenu du comportement récemment instable du détenu et de son intention de s’évader, il était raisonnable de prévoir qu’il causerait des blessures aux agents accompagnateurs avant que le risque ne soit prévenu, c’est-à-dire à l’ouverture de la porte du véhicule d’escorte.
[133] Je suis convaincu que la situation exposée par les agents de correction est conforme à la définition du danger établie dans le Code. J’ai pris leurs témoignages en considération et je leur ai donné le dû poids. Dans l’affaire Verville précitée, la juge Gauthier a déclaré au paragraphe 51 de la décision :
[51] Finalement, la Cour relève qu'il existe plus d'un moyen d'établir que l'on peut raisonnablement compter qu'une situation causera des blessures. Il n'est pas nécessaire que l'on apporte la preuve qu'un agent a été blessé dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d'expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l'expérience requise, lorsque tels témoins sont en meilleure position que le juge des faits pour se former l'opinion. Cette supposition pourrait même être établie au moyen d'une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus. (non souligné dans le texte)
Contrairement à la déclaration de M. Chemsi, il ne s’agit pas d’une situation hypothétique ni spéculative, car, à mon avis, elle est basée sur des faits qui sont survenus quand les employés ont refusé de travailler et que l’agent de santé et de sécurité a mené son enquête.
[134] Rien dans les présentations qu’on m’a faites ne me permet de penser que cette situation est une condition normale d’emploi. Toutefois, avant de clore la présente affaire, je dois vérifier si le danger susmentionné est un danger qui ne permet pas aux agents de correction de refuser de travailler parce qu’il constitue une condition normale d’emploi, comme il est prévu à l’alinéa 128(2)b) du Code. Cette disposition se lit comme suit :
(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :
a) …
b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.
Je renvoie le lecteur au commentaire de la juge Gauthier, dans la décision concernant l’affaire Verville précitée, au paragraphe 55 où elle affirme, en faisant allusion à une condition normale d’emploi :
[55] Le sens ordinaire des mots de l'alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un gardien de sécurité de transporter de l'argent à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?
[135] Normalement, dans un établissement à sécurité maximale, il est important de présumer que les détenus tenteraient de s’évader si l’occasion se présentait chaque fois qu’ils sont escortés. Par conséquent, il y a besoin de prendre des précautions particulières en tout temps pour prévenir cette possibilité. M. Brown a expliqué, au paragraphe 77, qu’il existe des précautions universelles pour prévenir ces possibilités. Cependant, cela ne signifie pas que les agents de correction doivent mettre leur vie, leur santé et leur sécurité en jeu dans toutes les conditions.
[136] Les activités dans un établissement à sécurité maximale impliquent d’habitude le travail avec des personnes dangereuses. Le niveau de risque est très élevé. Cependant, là où les circonstances montrent qu’un détenu a les moyens et l’intention d’accomplir un acte criminel, le risque augmente à un niveau anormal. Pour réagir à une telle menace, il importe de prendre des mesures supplémentaires qui couvrent ou dépassent le niveau de risque associé normalement à ce milieu. Il est déraisonnable de décider de changer le statut d’une escorte sans tenir compte totalement de l’incidence de cette décision sur la santé et la sécurité des agents de correction et de ne pas prendre de mesures qui correspondent au niveau de risque. À cet égard, les agents de correction sont prêts à accepter le fait que le danger normal de leur travail est une condition normale de leur emploi, mais ce n’est pas une condition normale d’emploi de devoir confronter un détenu violent soupçonné de posséder des armes sans prendre des mesures supplémentaires pour se protéger contre d’éventuelles blessures. À mon avis, s’il y a une possibilité raisonnable qu’une blessure se produise en dehors des conditions normales d’emploi, il y a un danger qui n’est pas une condition normale d’emploi.
[137] Pour toutes les raisons susmentionnées, je conclus que les agents de correction Martin, Allain et Johnstone étaient en danger le 10 avril 2003. Par conséquent, j’annule, conformément à l’alinéa 146.1(1)a) Footnote 14 du Code, la décision d’absence de danger, rendue par l’agent de santé et de sécurité Denis Mador, le 11 avril 2003, et je la remplace par une décision de présence de danger en vertu du Code.
[138] Cependant, compte tenu du temps qui s’est écoulé, il serait inutile d’envoyer maintenant une instruction particulière à l’employeur pour protéger les employés, à présent que l’escorte de sécurité du détenu B… est déjà terminée. Suivant l’alinéa 146.1(1)b) du Code (ibid), je n’enverrai pas d’instruction à l’employeur, car ce n’est pas approprié dans les circonstances de la présente affaire où trois employés ont refusé d’escorter un détenu particulier. J’ajouterai aussi que le fait que l’employeur pourrait recevoir une instruction dans l’avenir pour prendre des mesures et protéger les employés ne signifie pas nécessairement qu’il doit leur fournir un pistolet. À la lumière de la situation décrite ci-dessus, un pistolet n’est pas la seule solution au problème.
[139] En passant, j’ajouterais que je suis préoccupé par le fait que, tout au long de l’audience, aucune mention n’a été faite du rôle du comité en santé et sécurité au travail dans le processus de refus de travailler établi dans le Code. Je suis également assez étonné de constater qu’il n’y a apparemment aucune orientation ou procédure en matière de santé et de sécurité correspondante élaborée par le comité des politiques en matière de santé et de sécurité (alinéas 134.1(4)a) et h)) ou, s’il n’y en a pas, par le comité local chargé d’examiner la santé et la sécurité (alinéas 135(7) i) et l) dans le lieu de travail, pour gérer l’incidence de la Directive du Commissaire 566-6 concernant les escortes de sécurité sur la santé et la sécurité des agents de correction. J’ai bon espoir, cependant, que les parties prendront les mesures appropriées pour remédier à la situation.
_______________________________
Serge Cadieux
Agent d’appel
ANNEXE A
Liste des documents fournis à l’agent de santé et de sécurité
(avec une brève description de chaque document ajoutée par l’agent d’appel)
Document nº 1 : Profil du détenu Web SGD
Il s’agit d’un document d’une page contenant le profil sommaire du détenu B…
Document nº 2 : Note du sous-directeur Greg Brown, datée du 13 février 2003
Ce document a été envoyé aux surveillants correctionnels et spécifie que le détenu B… devrait être accompagné par une escorte armée à partir de cette date jusqu’à ce que son cas soit revu par le Comité d’unité. La page de couverture de cette note est un courriel, daté du 14 février 2003 et envoyé par M. Greg Brown aux surveillants correctionnels et à M. Brent Johnstone, qui invite à joindre cette note aux listes de l’escorte armée.
Document nº 3 : Absence temporaire avec escorte, datée du 11 février 2003
Document nº 4 : Absence temporaire avec escorte, datée du 7 avril 2003
Il s’agit de deux formulaires remplis pour des absences temporaires avec escorte, où on indique les mesures de sécurité à prendre et si les escortes sont armées ou non.
Document nº 5 : Documents à l’appui de l’affaire
Il contient la correspondance entre M. Brent Johnstone et le sous-directeur Greg Brown au sujet des escortes et de la politique sur l’armement des escortes. Il comprend une référence aux absences antérieures du détenu avec des escortes armées. Il comporte aussi les commentaires du détenu B… au cours des escortes où il prétendait que les armes à feu ne l’empêcheraient pas de s’évader (voir le document nº 19).
Document nº 6 : Déclaration de l’agent relative à la dissimulation, par les détenus, d’instruments sur eux, datée du 11 février 2003
Il contient les commentaires du détenu B… faits à l’agent Brent Johnstone.
Document nº 7 : Ordre permanent nº 545, daté du 24 avril 1998
Établissement d’une liste de détenus à profil de sécurité élevée. Ces détenus sont accompagnés par une escorte armée.
Document nº 8 : Consigne de poste nº 021, datée du 6 mars 2001
Règles et pouvoirs des escortes à l’extérieur.
Document nº 9 : Définition des alertes, datée du 10 avril 2003
Le détenu B… présente un risque d’évasion.
Document nº 10 : Rapport personnalisé, daté du 10 avril 2003
Description du profil du détenu B… et de ses divers mouvements.
Document nº 11 : Instructions à l’intention des agents accompagnateurs nº 3120-2, daté du 7 avril 2003
Il montre qu’il s’agit d’une escorte armée.
Document nº 12 : Directive du Commissaire 566-6, datée du 17 octobre 2001
Politique de SCC concernant les escortes en général. Le paragraphe 12 se lit comme suit :
Le directeur de l’établissement doit déterminer le niveau de surveillance et le matériel de sécurité (incluant les armes à feu) requis au cours de l’escorte, en se fondant sur une évaluation objective du risque, y compris :
f) la cote de sécurité du détenu;
g) la santé physique et mentale du détenu;
h) le comportement et les caractéristiques du détenu;
i) l’objet de la sortie sous escorte, la destination, le mode de transport et la durée du parcours;
j) les renseignements de sécurité.
Document nº 13 : Instructions permanentes (IP), datées du 31 janvier 2002
Il contient les instructions permanentes à l’intention des escortes pour les absences temporaires.
Document nº 14 : Note de M. Dan Newton, datée du 13 février 2003
Il s’agit d’une note envoyée à M. Brent Johnstone, coordonnateur des escortes, afin d’identifier les détenus devant être accompagnés par des escortes armées.
Document nº 15 : Permis d’absence temporaire avec escorte V20A00019163
Il s’agit d’un formulaire contenant les conditions et les instructions d’escorte du détenu B… et qui sont :
1. Le détenu doit être sous dispositifs de contrainte en tout temps;
2. Le détenu doit être accompagné par une double escorte pendant le transport;
3. Le détenu doit être transporté directement au lieu indiqué sur ce permis;
4. Les agents accompagnateurs doivent avoir constamment le ou les détenus, sous leur garde, à portée de la vue, de l’ouïe et sous surveillance;
5. S’agit-il d’une escorte armée? Non.
Document nº 16 : Permis d’absence temporaire avec escorte V20A00018282
Il contient les mêmes informations que celles du document nº 15, sauf qu’on indique qu’il s’agit d’une escorte armée.
Document nº 17 : Instructions à l’intention des agents accompagnateurs
À utiliser pour chaque escorte. Il s’agit du profil du détenu B…. Il est fourni à l’agent accompagnateur qui peut y ajouter des commentaires après l’escorte.
Document nº 18 : Rapport personnalisé, daté du 9 avril 2003
Il est semblable au document nº 10. Il fournit une description détaillée de chaque infraction (actes violents) commise par le détenu B… Il s’agit d’un profil complet du détenu B…
Document nº 19 : Rapport sur l’absence temporaire, datée du 13 février 2003
Il s’agit d’un rapport d’évaluation à la suite d’une escorte, avec des commentaires de l’agent accompagnateur qui y a transcrit les paroles suivantes du détenu : « [TRADUCTION] Vous ne pourriez jamais m’attraper si je voulais m’évader, et ce revolver ne m’en empêcherait pas ».
Document nº 20 : Compte rendu de réunion, daté du 14 mars 2002
Il s’agit de la réunion du groupe de sécurité. En ce qui concerne l’escorte de sécurité, le compte rendu montre que « [TRADUCTION] SCC continuera d’utiliser une évaluation individuelle du risque pour chaque détenu ».
Document nº 21 : Procès-verbal de la réunion sur les activités de l’Unité 1, daté du 3 avril 2004
M. Bob Taylor est le chef par intérim de l’Unité. Le procès-verbal fait référence à des recherches d’instruments dans les cellules des détenus.
Documents nos 22, 23, 24 et 25 : Listes des détenus nécessitant des escortes avec des mesures de sécurité élevée
Il s’agit des listes des noms des détenus qui exigent qu’un membre de l’équipe d’escorte soit armé. Les éléments à prendre en considération pour que le nom d’un détenu figure sur les listes sont :
ÉLÉMENTS:
A) LA DANGEROSITÉ DU DÉTENU (POTENTIEL DE VIOLENCE);
B) LES CONTACTS DANS LA COMMUNAUTÉ (AIDE DE L’EXTÉRIEUR DISPONIBLE);
C) LES ÉVASIONS OU TENTATIVES D’ÉVASION ANTÉRIEURES;
D) LA PRÉSENCE D’UN VÉRITABLE PLAN D’ÉVASION;
E) UN COMPORTEMENT PERTURBATEUR LORS D’ESCORTES ANTÉRIEURES;
F) UNE VÉRITABLE ROBUSTESSE;
G) LA DISPOSITION D’ESPRIT ET LE COMPORTEMENT ACTUELS;
H) LA DURÉE DE LA PEINE;
I) UN RISQUE D’ÉVASION AUTOPROCLAMÉ.
Note : Le nom du détenu B… ne figure pas sur ces listes.
Document nº 26 : Permis d’absence temporaire avec escorte, fourni par la directrice
Semblable au document nº 15.
Document nº 27 : Note de la directrice au dossier, datée du 10 avril 2003
La note confirme qu’une réunion a eu lieu l’après-midi du 9 avril 2003 pour discuter des risques qui menacent la sécurité de la population, et qu’une décision de ne pas armer l’escorte du détenu B…, le 10 avril 2003, a été rendue.
Document nº 28 : Note de M. Greg Brown tirée de Team Links par l’agent de sécurité
Semblable au document nº 2.
SOMMAIRE DE LA DÉCISION DE L’AGENT D’APPEL
Décision nº : 05-020
Demandeurs : MM. Brent Johnstone, Allen Allain et Tim Martin
Défendeur : Service correctionnel Canada, établissement de l’Atlantique
MOTS CLÉS : Sécurité maximale, escorte de sécurité, clé de menottes, instrument, risque d’évasion, dispositifs de contrainte, menace pour la population, escorte armée, escorte non armée, Directive du Commissaire, informateur chez les détenus, vue, ouïe, surveillance, fouille à nu, évaluation des risques de menaces, détecteur de métal, Comité d’unité, rumeur, hypothétique, spéculatif.
DISPOSITIONS : 122(1), 122.1, 123(1), 128(2), 128(6), 128(9), 128(10), 128(13), 128(14), 129, 134.1 (4)a) et h), 135(7)i) and l), 146.1 (1)a) et b).
RÉSUMÉ :
Trois agents de correction ont refusé d’escorter un détenu violent qu’ils pensaient posséder deux instruments, une clé de cadenas et une clé de menottes et pour lequel le statut de l’escorte a été changé par la directrice d’une escorte armée à une escorte non armée. L’agent de santé et de sécurité (ASS) qui a mené l’enquête a conclu qu’il n’y avait aucun danger parce qu’il a pensé que la directrice de l’établissement avait l’autorité de décider de la force nécessaire pour l’escorte et qu’il n’avait pas lui-même le pouvoir de décider autrement.
L’agent d’appel (AA) a analysé la situation et s’est trouvé en désaccord avec l’ASS. Il a pensé que l’ASS aurait dû se concentrer sur l’enquête des refus de travailler en vertu de la partie II du Code canadien du travail (le Code) et non en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi). L’AA a conclu qu’il y avait un danger pour les agents de correction après avoir montré, à la lumière du dernier comportement violent du détenu, que des blessures étaient possibles parce que le détenu possédait au moins un instrument qui aurait pu logiquement i) être dissimulé, ii) échapper aux recherches, iii) être transporté dans le véhicule et iv) être utilisé contre les agents accompagnateurs. Cependant, compte tenu du temps qui s’est écoulé, l’AA n’a pas jugé approprié d’envoyer une instruction à l’employeur dans la présente affaire.
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