Archivée - Décision: 05-021 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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D. Willan et J. Klein
demandeurs

et

Développement des Ressources humaines Canada (M. Janosik)
défendeur
________________________________
No de la décision 05-021
Le 11 mai 2005

La présente affaire concerne un appel interjeté conformément au paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code ou la Partie II). L'appel contestait la décision d'absence de danger rendue par un agent de santé et de sécurité par suite du refus de travailler de deux employés en raison d'inquiétudes relatives à la qualité de l'air dans leur lieu de travail. Des audiences ont eu lieu à Windsor, en Ontario, le 7 avril 2003, les 17 et 18 septembre 2003 et les 29 et 30 septembre 2004.

Ont comparu aux audiences

Pour le demandeur
Donna Willan, agente de prestation de services, Développement des Ressources humaines Canada (DRHC);
Jan Liberty, représentante, Syndicat de la Santé nationale et du Bien-être social
Denise Blackburn, représentante en santé et sécurité, Syndicat de la Santé nationale et du Bien-être social
Barry Lam, hygiéniste du travail, Centres de santé des travailleurs (ses) de l'Ontario Inc.
Tom Laporte, gestionnaire des immeubles et des installations (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC)
Scott Mertz, technicien, Dual Electric and Refrigeration Services
Peter Sammit, agent d'hygiène du milieu, Programme de santé et de sécurité au travail (SC)
Stewart Teasell, inspecteur, Direction de la protection de l'environnement, Environnement Canada
Elliot Welch, consultant en santé, en sécurité et en environnement, Développement social Canada

Pour le défendeur
Hélène Brunelle, avocate-conseil, DRHC
Michele Janosik, directrice de la prestation des services, DRHC
Amy Desjardins, gestionnaire, Services généraux, DRHC
Larry Hurajt, technicien en bâtiment, Brookfield, Lepage Johnson Controls (BLJC)
Burt Doobay, agent d'hygiène du milieu, SC

Agent de santé et de sécurité (ASS)
Paul Danton, agent de santé et de sécurité, Développement des Ressources humaines Canada

[1] Le vendredi 16 octobre 2001, Mme Donna Willan, agente de prestation de services Service aux Programmes de la sécurité du revenu de Développement des Ressources humaines Canada, a refusé de travailler. Elle s'est plainte qu'elle se sentait mal par suite d'une exposition à du chlorofluorocarbone ou d'autres problèmes de qualité de l'air dans son lieu de travail situé à Windsor, en Ontario.

[2] À peu près en même temps, M. John Klein, collègue de Mme Willan, a également refusé de travailler. Lui aussi s'est plaint d'un malaise résultant d'une exposition à du chlorofluorocarbone ou d'autres problèmes de qualité de l'air dans son lieu de travail. Par suite de l'enquête de l'employeur sur leur refus de travailler, les employés ont été renvoyés chez eux et on a communiqué avec un agent de santé et de sécurité de DRHC pour qu'il mène une enquête sur ce refus de travailler.

[3] Le lundi 29 octobre 2001, l'agent de santé et de sécurité Paul Danton est arrivé au travail avec l'agent des affaires du travail Marjorie Roelofsen pour enquêter sur les refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein. En outre, il était aussi là pour participer à une réunion du Comité de l'édifice de base1 prévue depuis le 19 octobre 2001. L'objet de la réunion du Comité était de discuter des inquiétudes actuelles des employés relativement à la qualité de l'air dans l'édifice, ces mêmes inquiétudes qui ont motivé le refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein.

1 Le Comité de l'immeuble de base était formé de tous les occupants de l'édifice à Windsor, en Ontario. Le rez-de-chaussée était occupé par DRHC, la ville de Windsor et le personnel du Collège St. Clair. Le premier étage était occupé par les Anciens Combattants, l'Agence des douanes et du Revenu du Canada, Services correctionnels Canada, Santé Canada et Brookfield Lepage Johnson Controls.

[4] L'ASS Danton a ensuite mené une enquête approfondie sur les problèmes de qualité de l'air soulevés à l'occasion de la réunion du Comité du 19 octobre 2001. Le 22 janvier 2002, quelque trois mois plus tard, il a informé, par écrit, Mme Willan et M. Klein de sa décision d'absence de danger pour l'un et l'autre.

[5] Le 29 janvier 2002, Mme Willan et M. Klein ont appelé de la décision de l'ASS Danton en vertu du paragraphe 129(7) du Code. Les audiences ont eut lieu à Windsor, en Ontario, le 7 avril 2003, les 17 et 18 septembre 2003 et les 29 et 30 septembre 2004. M. Klein n'a pu assister aux audiences pour des raisons de santé et il a indiqué que Mme Liberty et Mme Willan le représenteraient.

[6] Avant les audiences, l'ASS Danton a présenté une copie de son rapport d'enquête à l'agent d'appel et il y est venu présenter son témoignage. Je retiens les points suivants de son rapport et de son témoignage. [7] L'ASS Danton et l'agent des affaires du travail Roelofsen ont d'abord rencontré Mme Janosik, gestionnaire de la prestation des services, le 29 octobre 2001, relativement aux refus de travailler. Mme Janosik a signalé à l'ASS Danton que Mme Willan et M. Klein étaient quand même au travail ce matin-là, malgré leur refus de travailler le vendredi précédent. [8] L'ASS Danton a rencontré séparément Mme Willan et M. Klein et leur a dit qu'ils n'auraient pu demeurer dans l'édifice pour participer à la réunion du Comité s'il y avait danger pour eux. Mme Willan a répondu qu'elle devait absolument participer à la réunion pour y traiter de problèmes de santé et de sécurité en qualité de représentante du Syndicat de la Santé nationale et du Bien-être social et de membre du Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. Quand Mme Willan et M. Klein ont demandé ce qu'il leur faudrait faire pour demeurer dans l'édifice et participer à la réunion du Comité, l'ASS Danton leur a répondu qu'ils pouvaient retirer leur refus de travailler. L'ASS Danton était d'avis qu'il serait imprudent de faire autrement. [9] Mme Willan et M. Klein ont retiré leur refus de travailler et l'ASS Danton leur a demandé de confirmer leur décision par écrit. La réunion du Comité a donc eu lieu avec la participation de Mme Willan et de M. Klein. L'ASS Danton l'a présidée. [10] Dans son témoignage, l'ASS Danton a indiqué que, malgré le refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein, il avait poursuivi son enquête, car la politique de son ministère l'y obligeait, parallèlement à celle concernant les inquiétudes des employés relativement aux problèmes de qualité de l'air discutés pendant la réunion du Comité, le 29 octobre 2001. L'ASS Danton a déclaré que les principales questions liées au refus de travailler étaient les suivantes :

  • des fuites de chlorofluorocarbone dans le système de climatisation au travail;
  • des inquiétudes concernant la qualité de l'air à l'intérieur;
  • des moucherons tombant des conduits de ventilation sur les postes de travail.

[11] En ce qui concerne la première question, l'ASS Danton a tenu compte des faits suivants en rendant sa décision d'absence de danger pour Mme Willan et M. Klein.

[12] Durant le week-end du 26 au 28 avril 1999, un entrepreneur en électricité a effectué des travaux près de la tour de refroidissement du système de climatisation située dans le stationnement, derrière l'édifice. Pendant les travaux, il a accidentellement endommagé une soupape de la tour et il s'est produit une fuite de chlorofluorocarbone. On n'a découvert le problème que le lundi suivant. On a évalué à soixante-dix-sept (77) kilogrammes la quantité de Fréon 12 qui s'était échappée de la tour.

[13] Plutôt que de se contenter de réparer la tour de refroidissement, TPSGC et BLJC ont décidé de convertir le système de climatisation au réfrigérant Genetron 134A (Fréon 134A) pour remplacer le Fréon 12. Le système converti comprenait deux compresseurs de chlorofluorocarbone situés dans la salle des appareils mécaniques et un condensateur d'eau froide situé sur le toit de l'édifice.

[14] En septembre 2000, environ 2,3 kilogrammes de Fréon 22 se sont échappés d'un appareil de climatisation distinct situé au coin sud-est du toit de l'édifice. Comme l'appareil de climatisation n'était pas situé près du conduit de prise d'air de l'édifice, BLJC estime qu'il est peu probable que qui que ce soit ait été exposé au chlorofluorocarbone relâché dans l'atmosphère. Le Comité a été informé de l'incident deux mois plus tard et on lui a dit que le système avait été réparé.

[15] Le 19 septembre 2001, M. Scott Mertz, technicien de Dual Electric and Refrigeration Company (Dual Refrigeration), a effectué une inspection de routine annuelle de l'appareil de climatisation dans la salle des appareils mécaniques. Il a constaté un manque de Fréon 134A, mais il n'a pu détecter aucune fuite. Il a resserré certains boulons reliant le conduit d'alimentation en chlorofluorocarbone et a remis dans le système environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A.

[16] En réaction à cette inspection, TPSGC et BLJC ont avisé DRHC de la perte de Fréon 134A et ont confirmé que l'appareil de climatisation avait été remis sous pression et qu'on y avait ajouté environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A le 19 septembre 2001. TPSGC a ensuite informé DRHC :

  • que le Fréon 134A ne représentait qu'un faible risque pour la santé et la sécurité;
  • qu'il était possible que la fuite de Fréon 134A se soit produite sur une assez longue période, parce qu'une fuite soudaine aurait entraîné une panne du système de climatisation et que cela ne s'est pas produit. Ainsi, la concentration de Fréon 134A dans la pièce aurait été faible;
  • qu'il y avait, sous la porte, un écart d'un pouce et demi qui aurait permis au Fréon 134A de s'échapper de la pièce;
  • que les deux escaliers à l'extérieur de la salle des appareils mécaniques menaient du sous-sol aux portes de sortie de l'édifice;
  • que les portes vers l'extérieur de l'édifice étaient fréquemment ouvertes par le public;
  • que la pièce était ventilée par une fenêtre ouverte du sous-sol.

[17] M. Mertz est retourné le 26 septembre 2001 et a détecté une fuite dans le conduit capillaire de l'appareil de climatisation qui, selon lui, était attribuable aux vibrations. Il est reparti sans ajouter de Fréon 134A.

[18] Le 2 octobre 2001, M. Mertz est retourné à la salle des appareils mécaniques et a colmaté le conduit de Fréon qui fuyait. Il a ensuite remis environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A dans le système de climatisation en prévision de l'hiver.

[19] D'après les faits exposés, l'ASS Danton était convaincu qu'aucun de ces incidents n'aurait pu entraîner pour Mme Willan ou M. Klein une exposition à un niveau dangereux de chlorofluorocarbone dans leur lieu de travail.

[20] En ce qui concerne les autres problèmes de qualité de l'air intérieur mentionnés par Mme Willan et M. Klein quand ils ont refusé de travailler, je retiens les points suivants du rapport d'enquête et du témoignage de l'ASS Danton à l'audience.

[21] La principale inquiétude de Mme Willan relativement à la qualité de l'air intérieur était que le volet de régulation du conduit de prise d'air du système de chauffage, de ventilation et de climatisation était complètement fermé. En conséquence, elle soutenait que la quantité d'air frais provenant de l'extérieur était inférieure à la norme de l'American Society for Heating, Refrigeration and Air Conditioning Engineers (ASHRAE). Cette norme figure dans le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. Elle affirmait que le manque d'air frais exacerbait son exposition continue au Fréon dans l'édifice.

[22] À cet égard, l'agent agent d'hygiène du milieu Sammit a déclaré :

  • qu'en 2000, il avait mené dans l'édifice un test de qualité de l'air à l'intérieur et que la concentration avait été mesurée au poste de travail de la personne et représentait donc l'air respiré par les employés;
  • que la concentration de dioxyde de carbone dans un édifice est généralement considérée comme un indicateur de substitution de la circulation de l'air frais venant de l'extérieur et de la distribution de l'air. Une concentration de dioxyde de carbone de cinq cent parties par million (ppm) était considérée comme normale et que si la concentration grimpait à mille (1000) ppm, on pouvait prévoir davantage de plaintes concernant la fatigue et les irritations cutanées;
  • qu'il avait mesuré que la concentration de dioxyde de carbone dans l'édifice en question était de quatre-cent-cinquante (450) ppm. Il estimait donc que la qualité de l'air à l'intérieur était bonne;
  • qu'il se serait attendu à une concentration plus élevée que la normale si la circulation d'air avait été insuffisante ou que la circulation d'air n'avait pas été répartie correctement.

[23] La troisième préoccupation de Mme Willan et de M. Klein était la présence de moucherons dans les conduits de ventilation. Toutefois, le 8 mars 2002, M. Pierre Léger, de Santé Canada, a déclaré à l'ASS Danton que les moucherons trouvés dans le système de ventilation avaient envoyés pour identification à Agriculture Canada, qui avait établi que les insectes pouvaient être dérangeants mais inoffensifs pour la santé.

[24] Enfin, l'ASS Danton a déclaré :

  • qu'il y avait environ 70 personnes sur les lieux au moment du refus de travailler;
  • que seuls Mme Willan et M. Klein ont déclaré éprouver des symptômes à ce moment;
  • que l'employé qui avait été emmené à l'urgence d'un hôpital ce matin-là avait confirmé que les symptômes dont il souffrait n'avaient aucun lien avec ceux éprouvés par Mme Willan et M. Klein.
[25] À l'audience, M. Mertz a décrit les tests de détection de fuite qu'il avait menés et parlé du chlorofluorocarbone qu'il avait ajouté au système de climatisation dans la salle des appareils mécaniques située au sous-sol de l'édifice. Je retiens les points suivants de son témoignage.
  • En avril 1999, M. Mertz a effectué la conversion de l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques pour employer du Fréon 134A plutôt que du Fréon 12. Après avoir rechargé le système de climatisation avec du Fréon 134A, il a laissés vides les cylindres de Fréon 134A pour montrer à BLJC que le système avait été rechargé.
  • Ce sont ces cylindres de Fréon que Mme Willan a vus durant son inspection de la salle des appareils mécaniques en mai 2000. M. Mertz a confirmé qu'il n'avait jamais entreposé des cylindres chargés de Fréon 134A dans la salle des appareils mécaniques.
  • Le 19 septembre 2001, durant son inspection annuelle de l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques, il a découvert que l'appareil de climatisation manquait de Fréon. Il ne portait pas d'appareil respiratoire quand il est entré dans la salle des appareils mécaniques, car il ne ressentait aucun des symptômes indiquant la présence d'une forte concentration de Fréon 134A. En outre, la fenêtre inférieure (sous le niveau du sol) de la salle des appareils mécaniques était ouverte.
  • Il n'a pu trouver aucune fuite, mais il a resserré les boulons du système et a rechargé le système avec environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A;
  • M. Mertz est revenu le 26 septembre 2001 et a détecté une fuite. Il n'a pas ajouté de Fréon 134A ce jour-là.
  • M. Mertz est revenu le 2 octobre 2001. Il a colmaté la fuite et ajouté environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A.
[26] M. Sammit a déclaré que l'ASS Danton avait discuté des refus de travailler avec lui le jour même des refus. L'objet de leur discussion était de décider s'il était nécessaire d'évacuer les autres employés et les membres du public présents dans l'édifice. Il était d'avis, avec l'ASS Danton, que c'était inutile pour la raison suivantes :
  • personne d'autre que Mme Willan et M. Klein avaient déclaré éprouver un malaise sur environ soixante-dix (70) personnes présentes sur les lieux;
  • la salle des appareils mécaniques était ventilée par une fenêtre sous le niveau du sol;
  • la salle des appareils mécaniques se trouvait dans une zone à accès limité et était inaccessible au public et aux employés;
  • des employés de BLJC et de TPSGC allaient tous les jours dans la salle et ne souffraient d'aucun symptôme d'exposition au chlorofluorocarbone;
  • M. Mertz, le technicien de Dual Refrigeration, ne s'était plaint d'aucun symptôme lié à l'exposition à une forte concentration de chlorofluorocarbone quand il était dans la salle des appareils mécaniques.

[27] Dans son témoignage, M. Sammit a également rappelé que la fenêtre sous le niveau sol était ouverte quand il a visité la salle en 1998.

[28] M. Burt Doobay, agent d'hygiène du milieu de SC, a déclaré qu'il avait mené des tests de qualité de l'air à l'intérieur entre le 13 et le 16 novembre 2001 par suite du refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein. Je retiens les points suivants de son témoignage.

[29] Pour concevoir les tests de qualité de l'air à l'intérieur de l'édifice, il a consulté Mme Desjardins, gestionnaire des Services généraux de DRHC, M. Hurajt, technicien en bâtiment de BLJC, Mme Janosik et Mme Willan. M. Doobay a déclaré qu'il ne s'est pas préoccupé de mesurer la circulation de l'air ou sa répartition ou le nombre exact d'occupants de l'édifice, car les conditions du test de qualité de l'air à l'intérieur étaient satisfaites tant que l'édifice n'était pas occupé à plus de soixante-quinze (75) pour cent. C'était le cas pendant la tenue de son test.

[30] Le test de qualité de l'air à l'intérieur a été mené au rez-de-chaussée, y compris dans la salle de réunion. Les mesures prises étaient représentatives de la qualité de l'air observée aux postes de travail.

[31] M. Doobay a répété les conclusions suivantes qui figuraient dans son rapport de qualité de l'air intérieur du 2 janvier 2002 :

  • les concentrations de dioxyde de carbone étaient dans les limites admises par les lignes directrices du Conseil du Trésor et par la norme de l'ASHRAE;
  • la température, l'humidité relative, la quantité de monoxyde de carbone et la circulation de l'air étaient satisfaisantes;
  • l'activité microbienne aérienne mesurée était normale et acceptable;
  • l'inspection visuelle de tous les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation était satisfaisante.

[32] M. Teasell, inspecteur de la Direction de la protection de l'environnement, a déclaré, à l'audience, qu'il avait écrit à M. Campbell, gestionnaire des immeubles de BLJC, le 13 janvier 2003, pour lui communiquer les conclusions de son enquête sur le dossier de gestion du chlorofluorocarbone de BLJC. Il a confirmé pour Mme Willan que, selon son enquête du 4 novembre 2002, BLJC se conformait au Règlement fédéral sur les halocarbures relativement aux fuites qui se sont produites à l'édifice. Il a observé que la documentation présentait certaines incohérences mineures.

[33] Mme Willan a présenté des documents et a témoigné à l'audience le 30 septembre 2004. Un grand nombre des documents présentés avaient déjà été vus. Toutefois, je retiens les faits supplémentaires suivants de ses documents et de son témoignage.

[34] En ce qui concerne les fuites de chlorofluorocarbone, Mme Willan a déclaré qu'elle était convaincue que du Fréon 12 s'était échappé du compresseur situé dans la salle des appareils mécaniques du sous-sol et s'était infiltré au rez-de-chaussée où elle travaillait durant l'incident de fuite de chlorofluorocarbone d'avril 1999.

[35] Mme Willan a aussi soutenu qu'elle avait été exposée à du Fréon 134A quand elle avait pénétré dans la salle des appareils mécaniques en mai 2000 dans le cadre de l'inspection annuelle du Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. Elle a observé la présence de deux cylindres dont l'étiquette indiquait qu'ils contenaient du Fréon 134A et un récipient dont l'étiquette portait la mention « Emkarate 22 Solvent Freon ». Selon elle, c'est à ce moment que le Comité conjoint de santé et de sécurité au travail a commencé à se poser des questions sur les fuites et à mener sa propre enquête sur le Fréon 134A. Tout en effectuant ses recherches, le Comité a entendu parler pour la première fois de la fuite de Fréon 12 en avril 1999.

[36] Mme Willan soutenait que le fait que l'appareil de climatisation manquait de Fréon 134A le 19 septembre 2001 prouvait que l'appareil de climatisation n'avait pas été réparé en avril 1999 et que du chlorofluorocarbone avait fui constamment de l'appareil. Elle a aussi soutenu que le Fréon 134A qui s'échappait de la salle des appareils mécaniques entrait immédiatement dans l'alimentation en air de l'édifice. Par conséquent, elle et les autres employés du rez-de-chaussée étaient continuellement exposés au Fréon 134A durant cette période par les conduits de ventilation reliant la salle des appareils mécaniques au rez-de-chaussée.

[37] Mme Willan a soutenu que, le 26 septembre 2001, M. Mertz a rechargé le système de climatisation de la salle des appareils mécaniques avec une quantité supplémentaire de quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A non enregistrée dans le registre d'utilisation de ce gaz. En conséquence, elle et les autres employés avaient été exposés à quatre-vingt-deux (82) kilogrammes de Fréon 134A entre le 19 septembre 2001 et le 2 octobre 2001.

[38] À la réunion du Comité de l'édifice de base du 28 septembre 2001, Mme Willan a entendu parler des fuites de Fréon 134A découvertes le 19 septembre 2001 et traitées le 19 septembre et le 26 septembre 2001. Après la réunion, Mme Willan a rencontré ses collègues. Elle leur a montré les registres des appareils de climatisation de l'édifice indiquant la date où ces divers appareils avaient été entretenus, les fuites constatées et les ajouts de chlorofluorocarbone au système de climatisation.

[39] Les membres du groupe, formé de Mme Willan et M. Klein et de quatre autres employés, ont ensuite tenu une réunion avec Mme Wendy Truant, directrice de la prestation des services le 11 octobre 2001. Durant la réunion, ils ont présenté un rapport de situation dangereuse dans lequel ils affirmaient que TPSGC n'avait pas bien entretenu l'équipement de climatisation que du chlorofluorocarbone avait fuit du système de climatisation. Les employés ont aussi déclaré qu'ils étaient exposés à de fortes quantités de levures, de bactéries et de moisissures par l'entremise des conduits contaminés du système et que l'édifice n'était pas conforme à la norme de l'ASHRAE en matière de qualité de l'air.

[40] Chacun des employés a présenté à Mme Truant une description des symptômes qu'ils avaient éprouvés. Ils affirmaient tous avoir été victimes d'une partie ou de la totalité des symptômes suivants au cours des derniers mois. Ces symptômes étaient les suivants :

  • faiblesse;
  • étourdissements;
  • maux de tête.

[41] Mme Willan et M. Klein ont affirmé qu'ils avaient éprouvés des malaises durant cette période. Ils ont aussi indiqué qu'ils avaient éprouvé des malaises semblables en 1997.

[42] En ce qui concerne sa plainte relative à la circulation de l'air dans l'édifice, ou, plus précisément, l'apport insuffisant d'air frais dans le système de chauffage, de ventilation et de climatisation, Mme Willan a soutenu :

  • que Lorenzen Mechanical Engineering avait mal évalué les besoins de remplacement d'air dans l'édifice parce qu'on lui avait donné un nombre d'occupants inférieur au nombre réel. n l'édifice. Par conséquent, la quantité d'air frais dans l'édifice était inférieure à la norme de l'ASHRAE;
  • que Caltab Air Balance Inc. (Caltab) n'avait pas été engagé pour régler la répartition de l'air dans l'édifice jusqu'à mars 2001. Par conséquent, DRHC avait sciemment continué de faire fonctionner le système de ventilation en violation des normes de l'ASHRAE pendant des mois;
  • les travaux effectués par Caltab étaient incorrects, car M. Hurajt avait demandé à l'entreprise de laisser tous les régulateurs d'air des appareils placés sur le toit en position fermée.

[43] Au sujet des moucherons, Mme Willan a soutenu que leur présence posait un danger pour la santé.

[44] En ce qui concerne son refus de travailler le 26 octobre 2001, Mme Willan a répété :

  • qu'elle avait mal à la tête et se sentait fatiguée, symptômes d'exposition au chlorofluorocarbone;
  • qu'elle s'inquiétait de n'avoir pas reçu de preuve satisfaisante que l'appareil de climatisation du sous-sol avait été réparé de manière à éliminer les fuites de chlorofluorocarbone;
  • qu'elle ne croyait pas les rapports de réparation des fuites de chlorofluorocarbone qu'on lui avait fournis parce qu'ils contredisaient tout ce qu'elle avait auparavant vu et entendu;
  • qu'elle n'était pas rassurée par les tests de qualité de l'air à l'intérieur menés par M. Doobay, car sa principale préoccupation était le manque d'air frais et les fuites de chlorofluorocarbone dans l'édifice.

[45] Mme Willan a déclaré qu'elle avait rendu visite à l'infirmière de l'édifice après son refus de travailler et qu'elle avait rencontré Mme Desjardins vers 13 h 05. Mme Desjardins lui a alors dit de rentrer chez elle, mais elle n'a pas quitté son travail avant 13 h 50, car elle s'inquiétait pour ses collègues. Après avoir quitté les lieux, elle est allée à une clinique et a vu un médecin.

[46] Mme Willan a présenté comme preuve de malaise attribuable à une exposition au chlorofluorocarbone une lettre du Dr Deborah Heller, clinicienne au Centre de santé des travailleurs (ses) de l'Ontario Inc., écrite le 17 juin 2003 à son médecin, le Dr Bev. Beattie. Entre autres choses, la lettre résumait l'historique médical présenté au Dr Heller et comprenait son évaluation de l'état de santé de Mme Willan. Le rapport du Dr Heller n'est pas reproduit ici pour protéger la vie privée de Mme Willan.

[47] Dans la partie de la lettre qui traitait de l'historique médical, le Dr Heller écrivait que Mme Willan lui avait dit :

  • qu'elle s'était bien portée jusqu'en 1997, quand elle a commencé à éprouver ces symptômes;
  • qu'elle a découvert en 2001 qu'il y avait eu des fuites de chlorofluorocarbone provenant du compresseur dans l'édifice à compter de 1999, et que des cylindres de chlorofluorocarbone avaient été stockés à proximité;
  • qu'elle s'inquiétait que ses symptômes résultent d'une exposition constante au chlorofluorocarbone au travail à compter de 1999;
  • qu'elle avait été éloignée de son lieu de travail pendant huit semaines et que ses symptômes avaient disparus;
  • que la clinique qu'elle avait consultée avait testé et confirmé l'existence de son malaise;
  • le rapport de Lorenzen du 17 août 2000 indiquait un apport insuffisant d'air extérieur et une quantité extrême de saletés et de débris dans certains serpentins de transfert de chaleur et conduits expliquant et provoquant une mauvaise qualité de l'air à l'intérieur.

[48] Dans son rapport sur l'évaluation du malaise de Mme Willan, le Dr Heller a écrit que [TRADUCTION] « durant une surexposition à des fluorocarbures, le cœur devient plus sensible à l'adrénaline et cela peut créer des palpitations ». Elle a aussi déclaré :

  • que son examen de la documentation médicale indiquait que l'exposition chronique au chlorofluorocarbone au travail aurait causé le type de malaise éprouvé par Mme Willan ainsi que des symptômes non spécifiques comme la fatigue. La documentation médicale indiquait que les expositions au chlorofluorocarbone chez un travailleur sensibilisé entraîneraient des symptômes même si les concentrations spécifiques n'étaient pas mesurées.

[49] Mme Willan a cité dans son témoignage un extrait d'un rapport de M. Dan Burlac, spécialiste de la gestion de l'entretien mécanique de TPSGC. Son rapport du 17 juin 2003, intitulé « Mechanical Room Requirements », comportait des commentaires sur la nécessité que la salle des appareils mécaniques située sur les lieux de travail soit conforme au Code et au Règlement pour comprendre un système de climatisation. Dans cet extrait, M. Burlac indiquait qu'il était théoriquement possible que toute la charge de Fréon 134A se vide dans la salle des appareils mécaniques, et que, dans ce cas, la concentration de chlorofluorocarbone dans la salle des appareils mécaniques dépasserait le niveau maximum admissible d'exposition au chlorofluorocarbone pour une personne.

[50] Au sujet des lettres signées par elle et M. Klein le 29 octobre 2001 pour retirer leur refus de travailler respectifs, Mme Willan a déclaré :

  • qu'elle avait supposé, quand elle a rencontré l'ASS Danton le 29 octobre 2001, qu'il avait déjà établi que le test de qualité de l'air à l'intérieur avait été fait;
  • que durant sa rencontre avec l'ASS Danton, elle a essayé de lui expliquer ses problèmes chroniques d'exposition au chlorofluorocarbone, mais que l'ASS Danton lui a parlé d'une façon intimidante;
  • qu'elle s'était sentie totalement forcée, car l'ASS Danton avait soutenu qu'elle ne pouvait rester au travail et participer à la réunion sur la qualité de l'air à l'intérieur à moins de retirer son refus de travailler.

[51] Le 18 août 2003, M. Klein a présenté une déclaration sous serment à l'agent d'appel. J'en retiens les extraits suivants :

[TRADUCTION]
Comme mon état de santé m'empêche d'assister à l'audience d'appel qui aura lieu à Windsor le 21 et le 22 août 2003, je souhaite faire la déclaration notariée suivante concernant les événements qui entourent la réunion du refus de travailler du 29 octobre 2001 et les événements subséquents, tels que décrits par M. Paul Danton dans sa décision.

Le 29 octobre 2001, j'ai rencontré M. Paul Danton et l'agent de santé et de sécurité M. Rofelson. Toutefois, peu après le début de la rencontre, l'agent Rofelson est parti et je suis resté seul avec M. Danton pour discuter de non refus de travailler et du processus d'enquête.

C'est à ce moment que M. Danton m'a dit que si je ne retirais pas mon refus de travailler pour le vendredi 26 octobre 2001, il n'y aurait pas de rencontre d'enquête concernant les problèmes de santé et de sécurité entourant le refus de travailler et que la situation ne serait pas résolue.

M. Danton ne m'a pas informé, ni à ce moment ni plus tard, que j'avais droit à un représentant syndical ou autre et ne m'a pas dit, que je retire ma plainte ou non, que la loi exigeait que l'enquête suive son cours.

M. Danton m'a cependant informé que Mme Willan, qui avait également refusé de travailler, avait retiré son refus pour permettre la tenue d'une réunion d'enquête et la résolution du problème.

J'ai senti que M. Danton me forçait à retirer mon refus de travail et m'intimidait en m'indiquant que Mme Willan (une représentante en santé et sécurité compétente) avait retiré son refus afin que se poursuive le processus d'enquête.

[52] Mme Janosik a présenté des documents à l'agent d'appel avant l'audience concernant la chronologie des événements avant et après le refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein. J'en retiens les renseignements qui suivent.

[53] Le 5 octobre 2001, Mme Willan a écrit à M. Lancop, conseiller en services généraux de DRHC, et représentant de l'employeur au Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. Dans sa lettre, elle contestait l'affirmation de BLJC selon qui les régulateurs laissaient passer vingt pour cent (20 %) d'air frais dans le système de ventilation même complètement fermés.

[54] Le 10 octobre 2001, Mme Willan a écrit à Mme Janosik et déclaré qu'un refus de travailler pourrait être imminent si l'information qu'elle demandait n'était pas fournie dans les 24 prochaines heures. L'information que Mme Willan demandait comprenait :

  • à savoir si oui ou non la personne qui avait rechargé le système de climatisation dans la salle des appareils mécaniques avec du Fréon 134A était un technicien accrédité en climatisation;
  • qui était l'entreprise qui ajoutait le Fréon 134A;
  • si l'appareil de climatisation avait été testé pour détecter des fuites;
  • ce que faisait la direction pour se conformer à la norme de l'ASHRAE concernant l'apport d'air dans l'édifice.

[55] Plus tard ce jour-là, Mme Willan a écrit à M. Sammit un « avis officiel » du Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. Elle a confirmé qu'elle ne demandait pas un test sur la qualité de l'air à l'intérieur. Elle a déclaré que les rapports de Lorenzen et de Caltab confirmaient déjà que les lieux ne satisfaisaient pas aux exigences de l'ASHRAE en matière d'alimentation d'air extérieur. Elle a déclaré que le manque d'air frais combiné aux fuites de chlorofluorocarbone entraînait pour elle des problèmes de santé. Elle a soutenu que la direction devait prendre des mesures pour corriger cette contravention aux exigences de l'ASHRAE.

[56] Le 11 octobre 2001, Mme Willan et d'autres employés ont rencontré leur superviseur, Mme Truant, et déposé un rapport conjoint d'incident dangereux.

[57] Le 12 octobre 2001, Mme Janosik a informé Mme Willan et d'autres employés qu'on avait demandé au Programme du travail de DRHC de mener une enquête officielle.

[58] Le 19 octobre 2001, l'ASS Danton a accepté de rencontrer le Comité de l'édifice de base pour discuter des inquiétudes des employés concernant les fuites de chlorofluorocarbone, l'apport en air frais, la présence de moucherons et tout autre problème de qualité de l'air à l'intérieur.

[59] Le 23 octobre 2001, M. John Campbell a écrit à St. Lawrence Chemicals qui fabriquait le Genetron 134A (Fréon 134A), concernant ses instructions sur le produit. En décrivant le contexte de sa demande, il a confirmé que la salle des appareils mécaniques du sous-sol n'était pas reliée à l'approvisionnement d'air principal des espaces occupés principaux.

[60] Le 25 octobre 2001, Mme Willan s'est plainte à Mme Janosik que le Comité conjoint de santé et de sécurité au travail n'avait pas reçu l'information donnée à DRHC en préparation de la réunion du Comité de l'édifice de base le 29 octobre 2001.

[61] Le 26 octobre 2001 vers 9 h 30, Mme Willan a écrit à l'ASS Danton pour l'informer que des employés avaient rencontré Mme Truant le 11 octobre 2001 pour déposer des rapports d'incidents dangereux concernant les fuites de chlorofluorocarbone. Elle s'est plainte que la direction n'avait pas réagi à ces rapports à ce jour. Elle l'a aussi informé qu'un employé avait été amené à l'urgence plus tôt ce matin parce qu'il éprouvait des symptômes d'étourdissement et de malaise cardiaque habituellement associés à l'exposition au chlorofluorocarbone. Comme la direction ne lui avait pas fourni de documentation pour prouver que l'équipement défectueux avait été réparé, elle a déclaré qu'un refus de travailler serait nécessaire à moins qu'elle reçoive de la documentation avant 10 h afin de rassurer les employés sur la sécurité des lieux de travail.

[62] Vers 10 h 50, Mme Helene Okeefe, co-représentante des employés au Comité conjoint de santé et de sécurité au travail, a déclaré qu'elle avait fourni à Mme Willan une confirmation de réparation des fuites de chlorofluorocarbone dans le sous-sol. M. Lancop et Mme Okeefe ont recommandé à Mme Willan que les employés participent à une conférence téléphonique avec Santé Canada et Travail Canada pour décider de la prochaine chose à faire. Mme Willan n'a pas accepté et elle et M. Klein ont refusé de travailler vers 13 h le 26 octobre 2001.

[63] Le 30 octobre 2001, plusieurs jours après le refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein, M. Mertz est allé à la salle des appareils mécaniques et a confirmé que le système de climatisation ne fuyait plus.

[64] Le 17 avril 2002, Mme Heather Hayne, P. Eng, M. Eng, a avisé Mme Leigh Campbell, gestionnaire des biens de TPSGC, que l'« Emkarate » que Mme Willan avait observé durant l'inspection du Comité conjoint de santé et de sécurité au travail en mai 2000 ne représentait pas un danger pour la santé.

[65] M. Hurajt, technicien en bâtiment pour BLJC, a témoigné à l'audience. Je retiens les points suivants de son témoignage.

[66] Selon son expérience, le chlorofluorocarbone n'est pas dangereux à moins qu'on se trouve à proximité immédiate d'une fuite. Dans ce cas, le chlorofluorocarbone liquide peut entraîner des brûlures. L'Enkarate observé dans la salle des appareils mécaniques par Mme Willan en mai 2000 était une huile réfrigérante non toxique.

[67] M. Hurajt a déclaré que si l'appareil de climatisation dans la salle des appareils mécaniques devait subir une fuite très importante, la totalité du Fréon 134A du système ne s'échapperait pas dans la salle des appareils mécaniques. Cela s'explique par le fait que les compresseurs de la salle des appareils mécaniques ne contiennent qu'une partie de la totalité du Fréon 134A du système et que l'autre partie demeure dans la tour de refroidissement sur le toit de l'édifice. Quand le temps est frais, la majeure partie du Fréon 134A se trouve dans la tour de refroidissement; quand il fait chaud, elle se trouve dans les compresseurs.

[68] Il a aussi mentionné que le système de climatisation dans la salle des appareils mécaniques avait fonctionné 30 ans sans incident avant celui d'avril 1999.

[69] M. Hurajt a soutenu que la fuite de chlorofluorocarbone détectée par M. Mertz dans l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques le 19 septembre 2001 était lente parce qu'il avait eu de la difficulté à en trouver la source et qu'il n'y avait pas eu d'arrêt soudain de la climatisation de l'édifice. Il a expliqué que M. Mertz avait ajouté assez de Fréon 134A dans le système le 19 septembre 2001 pour en permettre le fonctionnement et ajouté une charge de Fréon 134A le 2 octobre 2001. La charge totale, en ces deux occasions, était d'environ quatre-vingt-deux (82) kilogrammes de Fréon 134A. Il a confirmé que M. Mertz n'avait pas ajouté de Fréon 134A le 26 septembre 2001 et que le commentaire de M. Tom Laporte au Comité de l'édifice de base le 28 septembre 2001 était le résultat d'un malentendu.

[70] M. Hurajt a confirmé qu'un conduit de ventilation reliait la salle des appareils mécaniques abritant l'appareil de climatisation à des entrepôts au rez-de-chaussée de l'édifice. Il a soutenu, toutefois, qu'avant que du chlorofluorocarbone échappé dans la salle des appareils mécaniques puisse atteindre le rez-de-chaussée, il s'échapperait de la salle des appareils mécaniques par la fenêtre sous le niveau du sol et par la porte.

[71] M. Hurajt a confirmé que la tour de refroidissement située sur le toit de l'édifice avait été remplacée par un condensateur d'air vers la fin de mars et au début d'avril 2002 par suite des refus de travailler. Le remplacement de la tour a permis de récupérer environ quarante-cinq (45) kilogrammes de chlorofluorocarbone dans le système le 11 mars 2002 et encore environ vingt (20) kilogrammes de Fréon 134A le 2 avril 2002. Une fois la tour de remplacement connectée et scellée, le système a été rechargé avec le Fréon 134A récupéré plus environ soixante (60) kilogrammes de Fréon 134A. Les quelque cinquante-neuf (59) kilogrammes de Fréon 134A non récupérés seraient demeurés dans le vieux condensateur ou se serait échappés dans l'atmosphère. Il n'a pu estimer combien de Fréon 134A aurait pu se perdre dans l'atmosphère.

[72] M. Hurajt a aussi confirmé qu'une quantité négligeable de Fréon 134A avait été libérée en lien avec des réparations à l'appareil de climatisation le 11 novembre 2002 et le 3 avril 2003.

[73] Dans son exposé définitif, Mme Liberty a soutenu qu'elle pourrait annuler la décision d'absence de danger de l'ASS Danton pour Mme Willan et M. Klein et a trouvé qu'il y avait danger pour les deux employés pour les raisons suivantes :

  • Mme Willan et M. Klein étaient constamment exposés à du chlorofluorocarbone, car il y a eu plusieurs fuites dans la salle des appareils mécaniques entre 1999 et 2002 et peut-être après;
  • Mme Willan avait pénétré dans la salle des appareils mécaniques abritant l'appareil de climatisation à deux occasions dans le cadre de l'inspection annuelle des lieux de travail menée par le Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. L'inspection faite en mai 2000 a suivi la libération accidentelle de Fréon 12 en avril 1999. La deuxième inspection a eu lieu le 25 septembre 2001 après l'ajout par M. Mertz d'environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A dans l'appareil de climatisation le 19 septembre 2001 et avant le 2 octobre 2001, quand il a ajouté encore quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A dans l'appareil de climatisation;
  • la salle des appareils mécaniques qui abritait l'appareil de climatisation n'avait pas de ventilation distincte et était reliée uniquement au rez-de-chaussée ou les demandeurs travaillaient. Toute fuite de chlorofluorocarbone devait s'échapper de la salle des appareils mécaniques par le rez-de-chaussée;
  • la note de service de M. Dan Burlac à Mme Leigh Campbell et à M. Steve Morris (titres non indiqués) le 17 juin 2003, a confirmé la présence d'un danger réel, car la salle des appareils mécaniques ne pouvait pas contenir tout le Fréon 134A échappé de l'appareil de climatisation le cas échéant;
  • une quantité insuffisante d'air frais était apportée à l'édifice parce que les régulateurs du système de chauffage, de ventilation et de climatisation étaient complètement fermés;
  • Mme Willan et M. Klein souffraient de malaises graves correspondant à une exposition constante à du chlorofluorocarbone. Dans le cas de Mme Willan, elle a subi une batterie de tests médicaux pour éliminer toute autre possibilité de maladies;
  • quatre collègues sur cinq de Mme Willan s'étaient plaints, le 11 octobre 2001, de divers symptômes.

[74] En ce qui concerne le fait que Mme Willan et M. Klein aient retiré leur refus de travailler le 20 octobre 2001, Mme Liberty a soutenu que leur retrait avait été obtenu de force par l'ASS Danton. Elle a soutenu que L'ASS Danton devait, en vertu de l'article 129 du Code, enquêter sur le refus de travailler et établir s'il y avait danger au moment de l'enquête et non au moment du refus de travailler. Elle a soutenu que, comme l'ASS Danton n'avait pas établi ce fait, il n'avait pas à tromper délibérément Mme Willan et M. Klein en leur disant qu'ils pouvaient rester dans l'édifice et assister à la réunion du Comité de l'édifice de base uniquement s'ils renonçaient à leur refus de travailler. D'après Mme Liberty, Mme Willan et M. Klein avaient le droit, en vertu du Code, de participer à l'enquête de l'ASS Danton sur leur refus de travailler.

[75] Enfin, Mme Liberty a soutenu que l'exposition réelle au chlorofluorocarbone de Mme Willan et de M. Klein ne sera jamais connue car aucun test n'a été effectué pour détecter la présence de chlorofluorocarbone dans la salle des appareils mécaniques ou de chlorofluorocarbone résiduel ailleurs dans l'édifice. Toutefois, les médecins consultés par Mme Willan ont confirmé que les symptômes éprouvés par Mme Willan et M. Klein correspondaient à une exposition au chlorofluorocarbone et qu'aucune autre étiologie n'avait été établie. Mme Liberty a affirmé que ce fait à lui seul indiquerait une exposition chronique ou massive, dangereuse pour Mme Willan.

[76] Dans sa présentation définitive, Mme Brunelle a soutenu que les preuves indiquaient que Mme Willan n'avait pas été forcée par l'ASS Danton pour les raisons suivantes :

  • Mme Willan était très active dans son syndicat et représentait ses collègues au travail et les employés dans leurs appels;
  • Mme Willan était représentante au Comité conjoint de santé et de sécurité au travail depuis plusieurs années et co-présidait des réunions;
  • Mme Willan était, selon ses propres dires, une personne tenace.

[77] Mme Brunelle a soutenu, plutôt, que Mme Willan avait refusé de travailler parce qu'elle en avait assez de ne pas pouvoir obtenir de l'information satisfaisante relativement aux fuites de chlorofluorocarbone dans l'édifice et à la quantité d'air frais dans l'édifice. Sa raison de renoncer à son refus de travailler était de participer à la réunion avec l'ASS Danton pour discuter de ses préoccupations sur la qualité de l'air à l'intérieur.

[78] Mme Brunelle a soutenu que l'ASS Danton devait avertir Mme Willan et M. Klein qu'il pourrait être dangereux de demeurer dans l'édifice, car il n'avait pas encore établi s'il y avait absence de danger. Par conséquent, son but était d'informer Mme Willan et M. Klein et non de les forcer à renoncer à leur refus de travailler.

[79] Enfin, Mme Brunelle a affirmé que le droit d'appel accordé à Mme Willan et à M. Klein en vertu du paragraphe 129(7) du Code avait été annulé par le retrait de leur refus de travailler, que je décide ou non que l'ASS Danton devait, en vertu du the Code, poursuivre son enquête sur leur refus de travailler malgré leur retrait. C'est pourquoi elle a demandé que je rejette leur appel. À cet égard, elle m'a renvoyé au paragraphe 7 de la décision de l'agent d'appel Michèle Beauchamp dans l'affaire Laroche et les Travailleurs canadiens de l'automobile, décision no 04-002, du 12 février 2004. L'agent d'appel Beauchamp a déclaré, au paragraphe 7 :

[7] Deux dispositions seulement de la partie II du Code canadien du travail habilitent l'agent d'appel à entendre un appel, soit les paragraphes 129(7) et 146(1). Ces dispositions visent deux situations complètement différentes.

[80] Mme Brunelle a affirmé que les faits ne démontraient pas qu'il y avait danger pour Mme Willan ou M. Klein et que la décision de l'ASS Danton devrait être confirmée.

[81] À cet égard, elle s'est reportée à la jurisprudence suivante qui, selon elle, confirmait le type de preuves nécessaires pour établir la présence d'un danger. Les passages cités ne seront pas répétés ici, mais il suffit de dire que j'en ai tenu compte dans ma décision. La jurisprudence citée par Mme Brunelle comprenait :

  1. Boucher v. Canada (Services correctionnels), [2002] C.C.T.A.D.I. no 20
  2. Byfield v. Canada (Services correctionnels), [2003] C.C.T.A.D.I. no 7
  3. Canada (Solliciteur général) v. Fletcher (CA.), [2003] 2 F.C. 475
  4. Canada (Services correctionnels) v. Schellenberg, [2002] C.C.T.A.D.I. no 6
  5. Chapman v. Canada (Agence des douanes et du revenu, [2003] C.C.T.A.D.I. no 17
  6. Employees and Amalgamated Transit Union v. Laidlaw Transit Ltd. – Para Transpo Division, [2001] C.C.T.A.D.I. no 19
  7. Laroche v. Travailleurs et travailleuses unis de l'automobile, [2004] C.C.T.A.D.I. no 3
  8. Martin v. Canada (Solliciteur général) (FC), [2004] 1 F.C.R 625
  9. Stone v. Canada (Services correctionnels), [2002] C.C.T.A.D.I. no 27
  10. Verville v. Canada (Services correctionnels), [2004] F.C.J. no 940
  11. Welbourne v. Canadian Pacific Railway Co., [2001] C.C.T.A.D.I. no 9

[82] En ce qui concerne les faits de l'affaire, Mme Brunelle a soutenu que la décision de l'ASS Danton concernant l'absence de danger était raisonnable et correcte, car elle se basait sur les nombreux documents professionnels auparavant présentés à l'audience.

[83] Mme Brunelle a souligné que la preuve présentée montrait :

  • que la fuite de Fréon 134A découverte le 19 septembre 2001 constituait une fuite lente, par opposition à une fuite soudaine, et qu'elle avait été réparée le 26 septembre 2001;
  • que les appareils de climatisation dans la salle des appareils mécaniques et sur le toit avaient été testés pour y détecter des fuites le 30 octobre, 2001 et trouvés en bon état;
  • que Mme Willan et M. Klein ont refusé de travailler le 26 octobre 2001 et les faits de l'affaire établissent qu'aucune fuite de Fréon 134A ne s'était produite après le 2 octobre 2001 quand le système de climatisation avait été rechargé pour la dernière fois;
  • que rien ne prouvait que le Fréon 134A aurait pu parvenir au rez-de-chaussée par les conduits du système de chauffage, de ventilation et de climatisation de l'édifice;
  • que la possibilité d'un tel incident était extrêmement faible et que la salle des appareils mécaniques était ventilée vers l'extérieur par une fenêtre sous le niveau du sol toujours ouverte. Comme le chlorofluorocarbone est plus lourd que l'air, il aurait pu s'échapper par l'espace entre le plancher et la porte.

[84] En réaction aux affirmations de Mme Willan selon lesquelles elle avait été exposée à du chlorofluorocarbone en deux occasions dans le cadre de l'inspection annuelle des lieux de travail par le Comité conjoint de santé et de sécurité au travail, Mme Brunelle a affirmé que cela n'est pas pertinent, car ces visites n'ont pas invoquées pour motiver le refus de travailler le 26 octobre 2001.

[85] Mme Brunelle a noté que M. Dan Burlac avait aussi écrit dans son rapport du 17 juin 2003, que, même si toute la charge de Fréon 134A s'échappait directement au rez-de-chaussée de l'édifice, la concentration ne dépasserait la limite permise pour le Fréon 134A de mille (1000) parties par million indiquée dans le Code réfrigération mécanique de l'ACNOR, compte tenu du volume de la salle.

[86] Mme Brunelle a réagi à la lettre du Dr Heller que Mme Willan avait présenté comme preuve de blessure résultant d'une exposition au chlorofluorocarbone. Elle a soutenu que la lettre ne constituait pas une preuve directe et n'établissait pas de lien entre les expositions et les malaises de Mme Willan.

*****

[87] Dans cette affaire, deux questions exigent une décision. La première consiste à savoir si oui ou non j'ai le pouvoir de revoir la décision de d'absence de danger l'ASS Danton pour Mme Willan ou M. Klein. Cela résulte du fait que les deux employés ont retiré leur refus de travailler le 29 octobre 2001 et ont confirmé leurs retraits par écrit le même jour.

[88] Si j'établis que j'ai le pouvoir de revoir la décision de l'ASS Danton, je dois décider si oui ou non il a fait erreur quand il a rendu sa décision d'absence de danger au moment de son enquête pour Mme Willan ou M. Klein.

[89] En ce qui concerne la première question, je conclus, pour les raisons qui suivent que Mme Willan et M. Klein ont été forcés par l'ASS Danton de retirer leur plainte et que, par conséquent, le retrait n'est pas valide.

[90] D'abord, rien ne montrait que l'ASS Danton avait établi la présence de chlorofluorocarbone au rez-de-chaussée de l'édifice le matin du 29 octobre 2001, avant sa rencontre avec Mme Willan et M. Klein. Rien n'indiquait non plus que Mme Willan ou M. Klein croyaient que le chlorofluorocarbone était toujours présent sur les lieux de travail quand ils ont été interviewés. Au contraire, Mme Willan supposait que l'ASS Danton avait déjà testé la qualité de l'air. Comme il n'avait pas encore mené son enquête sur leur refus de travailler, l'insistance de l'ASS Danton à affirmer que demeurer sur les lieux entrait en contradiction avec leur refus de travailler était prématurée.

[91] Deuxièmement, l'ASS Danton savait que Mme Willan et M. Klein tenaient à assister à la réunion du Comité de l'édifice de base le 29 octobre 2001, parce qu'il y serait question de ces mêmes préoccupations de santé et de sécurité relative a chlorofluorocarbone et à la qualité de l'air à l'intérieur de l'édifice qui avait motivé leur refus de travailler. Ainsi, même si elle n'était pas intentionnelle, la prétention de l'ASS Danton qu'ils ne pourraient peut-être pas assister à la réunion du Comité de l'édifice de base s'ils ne renonçaient pas à leur refus de travailler était coercitive.

[92] Troisièmement, dans le cas de M. Klein, celui-ci a déclaré que l'ASS Danton avait tenté de le forcer en l'informant que Mme Willan avait retiré son refus de travailler. Bien que M. Klein n'ait pas participé à l'audience pour témoigner, les preuves ne m'ont pas convaincu que cela ne s'était pas produit.

[93] Enfin, j'observe qu'on ne fait pas mention, à l'article 129 du Code, du retrait d'un refus de travailler d'un employé, ou que ce retrait permette de mettre un terme à une enquête. Au contraire, je crois que l'enquête de l'ASS Danton sur le refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein s'est poursuivie non en vertu d'une politique ministérielle, par conformément aux paragraphes 129(1) à (4) qui se lisent comme suit :

129(1) Une fois informé, conformément au paragraphe 128(13), du maintien du refus, l'agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question en présence de l'employeur, de l'employé et d'un membre du comité local ayant été choisi par les employés ou du représentant, selon le cas, ou, à défaut, de tout employé du même lieu de travail que désigne l'employé intéressé, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité..

(2) Lorsque plusieurs employés maintiennent leur refus, ils peuvent désigner l'un d'entre eux pour agir en leur nom dans le cadre de l'enquête.

(3) L'agent peut procéder à l'enquête en l'absence de toute personne mentionnée aux paragraphes (1) ou (2) qui décide de ne pas y assister.

(4) Au terme de l'enquête, l'agent décide de l'existence du danger et informe aussitôt par écrit l'employeur et l'employé de sa décision.

[Les soulignements et les caractères gras sont de moi.]

[94] J'accepte l'affirmation de l'ASS Danton selon laquelle il n'a pas tenté de contraindre Mme Willan ou M. Klein à retirer leur refus de travailler, et qu'il n'a agit que pour protéger leur santé et leur sécurité. Toutefois, qu'il ait indiqué qu'ils ne pourraient assister à la réunion que s'ils retiraient leur refus de travailler était inadéquat dans les circonstances et, à mon avis, suffisamment coercitif pour annuler la validité des retraits.

[95] Maintenant, je vais examiner la deuxième question, à savoir la décision d'absence de danger de l'ASS Danton pour Mme Willan ou M. Klein au moment de son enquête.

[96] Afin de décider s'il existe un danger pour Mme Willan ou M. Klein, il est nécessaire de tenir compte des lois, de la jurisprudence et des faits particuliers à l'affaire.

[97] À cet égard, le terme « danger » est défini comme suit à l'article 122.1 du Code :

Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[98] Pour établir s'il y a danger, je dois examiner les circonstances dans lesquelles le danger potentiel ou actuel ou la situation au travail aurait pu raisonnablement causer des blessures ou des malaises pour Mme Willan ou M. Klein avant que le danger ou la situation puisse être corrigés. Je dois déterminer si les circonstances existaient au moment de l'enquête de l'ASS Danton ou si on pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'elles se produisent à l'avenir.

[99] Dans le cas présent, les dangers ou la situation étaient :

  • l'exposition à du chlorofluorocarbone utilisé dans le système de climatisation de l'édifice;
  • l'exposition à des moucherons.

[100] Les circonstances relatives au chlorofluorocarbone étaient qu'une fuite continuelle permettait au gaz venant du système de climatisations de s'infiltrer dans les lieux de travail au rez-de-chaussée par les conduits d'alimentation en air. Cela, selon Mme Willan, était démontré par les cinq fuites de chlorofluorocarbone qui s'étaient produites dans le passé et le fait qu'elle et ces collègues aient signalé à leur superviseur des malaises au cours des mois précédent leur refus de travailler.

[101] Mme Willan et M. Klein ont aussi soutenu que leur exposition au chlorofluorocarbone avait été exacerbée par le manque d'air extérieur. Mme Willan a déclaré qu'elle avait été exposée à du chlorofluorocarbone à l'occasion des deux visites d'inspection dans la salle des appareils mécaniques dans le cadre de l'inspection annuelle des lieux de travail par le Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. Enfin, Mme Willan a soutenu que les médecins qu'elle a consultés ont confirmé que ses malaises résultaient d'une exposition à du chlorofluorocarbone et qu'ils n'avaient pas trouvé d'autre cause.

[102] En ce qui concerne l'affirmation que le chlorofluorocarbone fuyait constamment, il nous faut tenu compte de cinq événements.

[103] Le premier incident a eu lieu en avril 1999, quand quelque soixante-dix-sept (77) kilogrammes de Fréon12 se sont échappés du condensateur situé dans le stationnement derrière l'édifice. À mon avis il est plus plausible que le chlorofluorocarbone se soit dissipé directement dans l'atmosphère et qu'il n'ait pas pénétré dans l'édifice. Au-delà de cette simple affirmation, les demandeurs n'ont pas fourni de preuve concrète d'une présence de Fréon 12 dans le sous-sol de l'édifice et d'une infiltration au rez-de-chaussée de sorte qu'ils auraient été exposés le lundi suivant. Durant cet événement, la perte de Fréon s'est produite en conséquence de dommages accidentels et non en raison d'une défaillance du système. Par conséquent, l'événement n'a pas donné lieu à l'attente que cet appareil de climatisation fuirait encore à l'avenir.

[104] La preuve incontestable d'une fuite de chlorofluorocarbone a été donnée en septembre 2000 quand elle s'est produite dans un système de climatisation distinct. Ce système de climatisation était situé sur le toit de l'édifice, loin des bureaux de Mme Willan et de M. Klein et loin des prises d'air frais de l'édifice. Il est donc hautement improbable que le chlorofluorocarbone échappé ait pénétré dans l'édifice et ait contaminé Mme Willan ou M. Klein. En outre, cet événement n'a pas donné lieu à l'attente que l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques fuirait encore à l'avenir.

[105] Le troisième événement était lié au fait que M. Mertz avait rechargé l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques le 19 septembre 2001 avec environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A. Les preuves suivantes m'ont convaincu que le Fréon 134A s'échappait doucement de l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques entre septembre 2000, lors de l'inspection antérieure de l'appareil de climatisation dans la salle des appareils mécaniques et le 19 septembre 2001, quand l'appareil de climatisation a été rechargé avec environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A :

  • BLJC a soupçonné une fuite du condensateur seulement quand le système de climatisation a commencé à geler. Il n'y avait aucune preuve que l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques avait soudainement cessé de refroidir l'édifice;
  • M. Mertz avait de la difficulté à détecter la fuite de chlorofluorocarbone dans le système quand il a inspecté l'appareil de climatisation le 19 septembre 2001. En fait, ce n'est pas avant d'avoir rechargé le système avec environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A qu'il a découvert la fuite dans le conduit capillaire, le 26 septembre 2001. M. Mertz a déclaré qu'il lui semblait que la fuite avait été causée avec le temps par les vibrations;
  • M. Mertz a déclaré qu'il n'avait pas éprouvé de malaise quand il avait travaillé dans la salle des appareils mécaniques. Il croyait donc que la concentration de Fréon 134A dans la salle des appareils mécaniques ne dépassait les niveaux d'exposition admissibles.

[106] Le quatrième incident est le fait que M. Mertz ait dû ajouter encore environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A dans le système le 2 octobre 2001. Cela signifie qu'environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A doivent avoir fuit de la salle des appareils mécaniques entre le 19 septembre 2001 et le 2 octobre 2001.

[107] Le cinquième incident a été le remplacement d'une tour de refroidissement sur le toit de l'édifice en mars et avril 2002. Cet événement s'est produit après le refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein et n'aurait pu constituer pour eux un danger existant. Comme la libération de chlorofluorocarbone était liée à des travaux d'entretien prévus, l'activité n'a pas donné lieu à un danger potentiel ou à une fuite prévisible.

[108] De ces cinq incidents, seuls le troisième et le quatrième concernaient une fuite de chlorofluorocarbone dans la salle des appareils mécaniques. Bien que j'aie fait une distinction entre les deux événements, je crois qu'ils sont liés à une seule et même fuite du système. Le témoignage de M. Hurajt était que le système de climatisation avait fonctionné sans incident pendant environ trente ans avant de subir des dommages en avril 1999. À mon avis, Mme Willan et M. Klein n'ont pu prouver que le chlorofluorocarbone s'échappait constamment de l'édifice ou qu'une fuite constante future dans la salle des appareils mécaniques était raisonnablement possible, par opposition à une fuite simplement possible, comme c'était le cas ici. De plus, rien ne prouvait que Mme Willan ait eu raison de dire que les dossiers de BLJC relatifs aux fuites n'étaient pas fiables.

[109] Mme Willan et M. Klein ont soutenu que le chlorofluorocarbone dans la salle des appareils mécaniques pouvait s'infiltrer au rez-de-chaussée parce que l'alimentation principale en air de l'édifice était liée à la salle des appareils mécaniques et qu'un conduit de ventilation reliait la salle des appareils mécaniques au rez-de-chaussée. Toutefois, la preuve la plus concluante de M. Campbell indiquait que la salle des appareils mécaniques n'était pas reliée à l'alimentation en air de l'édifice.

[110] Mme Willan a affirmé qu'elle et ses collègues avaient présenté un dossier de situations dangereuses à Mme Truant le 11 octobre 2001 et qu'ils s'étaient plaints de malaises liés à l'exposition à du chlorofluorocarbone. C'est cette seule preuve qui a donné du poids à l'affirmation de Mme Willan et de M. Klein selon qui au moins une partie du Fréon 134A qui avait fuit dans la salle des appareils mécaniques au cours de l'été de 2001 avait atteint le rez-de-chaussée. Toutefois, j'hésitais à m'en remettre aux rapports de situations dangereuses des employés pour les raisons suivantes :

  • les employés n'avaient pas été précis quant au moment où ils ont ressenti des malaises;
  • deux employés (Mme Willan et M. Klein) ont signalé des symptômes en 1997, longtemps avant que les fuites de chlorofluorocarbone se produisent dans l'édifice;
  • on a signalé des symptômes en 1999, avant que les fuites se produisent dans l'édifice;
  • on a signalé des symptômes ailleurs qu'au travail.

[111] Quoi qu'il en soit, pour les trois raisons suivantes le rapport présenté par les employés n'est pas particulièrement pertinent pour ma décision, à savoir s'il y avait ou non présence de danger pour Mme Willan ou M. Klein au moment de l'enquête de l'ASS Danton. D'abord, le rapport d'incidents dangereux faisait référence à une période antérieure à la réparation des fuites. Ensuite, j'avais déjà conclu que les fuites de chlorofluorocarbone durant la période couverte par le rapport n'avait pas donné lieu à une attente raisonnable que l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques fuirait encore dans l'avenir. Enfin, personne d'autre que Mme Willan et M. Klein ne s'est plaint de malaise correspondant à l'exposition au chlorofluorocarbone le jour de leur refus de travailler.

[112] Mme Liberty a soutenu dans sa présentation que Mme Willan avait surexposée au Fréon 134A quand elle a inspecté la salle des appareils mécaniques en mai 2000 et le 26 septembre 2001 dans le cadre de l'inspection annuelle des lieux de travail du Comité conjoint de santé et de sécurité au travail. [113] En ce qui concerne l'inspection de mai 2000, la preuve montre que l'appareil de climatisation avait été inspecté en septembre 2000 et trouvé sans défaillance. Il n'y avait donc pas lieu de conclure que du chlorofluorocarbone était présent dans la salle des appareils mécaniques quand Mme Willan l'a inspectée en mai 2000.

[114] En ce qui concerne l'inspection du 25 septembre 2001, cela correspond à la période où il semble qu'environ quarante-et-un (41) kilogrammes de Fréon 134A se sont échappés de l'appareil de climatisation dans la salle pendant douze à treize jours. Toutefois, ce qu'on retient de cet événement est l'absence de preuve que Mme Willan s'est plainte immédiatement aux membres du Comité de santé et de sécurité des malaises éprouvés ou plus tard à son employeur.

[115] Cela semblerait soutenir l'affirmation de M. Hurajt selon qui la fuite de chlorofluorocarbone de l'appareil de climatisation de la salle des appareils mécaniques se serait diffusée à l'extérieur avant que la concentration à l'intérieur s'avère nuisible aux employés. Si ce n'avait pas été le cas, cela contredisait l'affirmation de Mme Willan selon laquelle elle était particulièrement sensible au chlorofluorocarbone.

[116] Dans sa présentation, Mme Liberty a soutenu que la lettre du Dr Heller avait confirmé que Mme Willan avait souffert d'un grave malaise correspondant à une exposition constante au chlorofluorocarbone. Toutefois, cette conclusion ne me convainquait pas pour les raisons suivantes.

[117] D'abord, le Dr Heller a noté, dans l'historique médical de sa lettre que Mme Willan avait signalé que ses malaises avaient commencé en 1997, avant que se produisent les incidents.

[118] Ensuite, nulle part dans son rapport le Dr Heller n'a conclu que les malaises de Mme Willan étaient attribuables à une exposition au chlorofluorocarbone sur ses lieux de travail. Ce n'est pas étonnant, car rien n'indique, dans le rapport du Dr Heller, qu'elle ou qui que ce soit d'autre ait vérifié indépendamment que la source des malaises de Mme Willan résultait bel et bien d'une exposition au chlorofluorocarbone et que cette source ait été son lieu de travail. Le rapport semble se baser sur les affirmations de Mme Willan pour dire qu'elle était exposée constamment à du chlorofluorocarbone au travail et qu'elle s'était sentie mieux après une absence de huit semaines de son travail. La seule preuve indépendante était qu'une clinique consultée par Mme Willan a confirmé l'existence de ses malaises.

[119] Enfin, je dois reconnaître avec Mme Brunelle que la preuve du Dr Heller ne constitue pas une preuve directe et qu'il n'est pas possible pour Mme Brunelle de remettre ses conclusions en question.

[120] En ce qui concerne le rapport de M. Burlac du 17 juin 2003, Mme Liberty avait raison de dire que M. Burlac avait indiqué qu'une perte soudaine et immédiate de chlorofluorocarbone dans la salle des appareils mécaniques était théoriquement possible. Il a aussi affirmé que, si cela se produisait, le volume de chlorofluorocarbone dépasserait celui de la salle des appareils mécaniques. Toutefois, M. Burlac a aussi dit que si tout le chlorofluorocarbone s'échappait soudainement au rez-de-chaussée, la concentration de chlorofluorocarbone dans la salle ne dépasserait la quantité admissible pour le Fréon 134A de 1000 parties par million indiquée dans le Code de réfrigération mécanique de l'ACNOR, compte tenu du volume de la salle. J'observe que son opinion a été contestée par Mme Willan, qui a soutenu que le volume du rez-de-chaussée calculé par M. Burlac est basé sur des données incomplètes ou incorrectes. Toutefois, je répète que j'estime que la possibilité d'une fuite complète constitue une simple possibilité par opposition à une possibilité raisonnable.

[121] Mme Willan et M. Klein ont affirmé que leur constante exposition à du chlorofluorocarbone avait été exacerbée par le fait que la quantité d'air provenant de l'extérieur ne satisfaisait pas aux exigences minimales de la norme de l'ASHRAE. À cet égard, les preuves sont divergentes.

[122] Pour sa part, Mme Willan insistait sur le fait que Caltab avait signalé à TPSGC que les régulateurs de prise d'air étaient fermés quand elle a mené son enquête relativement à la supposée insuffisance d'air frais. Elle a aussi soutenu que TPSGC avait sous-estimé le nombre de personnes pouvant être présente en même temps dans l'édifice au moment du calcul d'air frais nécessaire pour satisfaire à la norme de l'ASHRAE.

[123] La preuve contradictoire de M. Hurajt était qu'au moins 20 p. cent d'air frais entrait dans le système de chauffage, de ventilation et de climatisation même dans les régulateurs étaient fermés. Cela a été confirmé pour l'essentiel par MM. Sammit et Doobay qui ont mené des tests de qualité de l'air à l'intérieur respectivement en avril 2000 et le 12 novembre 2001. Ils ont tous deux trouvé que les niveaux de concentration de dioxyde de carbone confirmaient un apport d'air extérieur suffisant et une circulation adéquate dans le système de chauffage, de ventilation et de climatisation.

[124] La question a laquelle je dois m'attaquer est de savoir si ou non la quantité d'air provenant de l'extérieur répondait à la norme de l'ASHRAE, plutôt que de savoir si la qualité de l'air intérieur constituait un danger potentiel ou actuel ou une situation pouvant raisonnablement donner lieu à des malaises ou des blessures pour Mme Willan ou M. Klein avant qu'on puisse y apporter des correctifs. Cela indique qu'une contravention au Code et au Règlement sur la santé et la sécurité au travail ne confirme pas nécessairement qu'il y a danger.

[125] Selon la preuve de MM. Hurajt, Sammit et Doobay, je suis convaincu d'un apport suffisant en air frais et d'une circulation d'air adéquate au lieu de travail de Mme Willan et de M. Klein. Par conséquent, je conclus que la qualité de l'air à l'intérieur ne représentait pas un danger potentiel ou actuel ou une situation pouvant exacerber une exposition à du chlorofluorocarbone qu'aurait pu subir Mme Willan ou M. Klein.

[126] Pour ce qui est de la dernière question relativement au refus de travailler de Mme Willan et de M. Klein, je conclus à une absence de danger en lien avec la présence de moucherons dans les conduits de chauffage, de ventilation et de climatisation. Je tire cette conclusion en me basant essentiellement sur la preuve apportée par M. Léger à l'ASS Danton le 8 mars 2002 montrant que les moucherons trouvés dans le système de ventilation étaient agaçant mais pas dangereux pour la santé. Rien ne prouve que ces moucherons aient menacé la santé de Mme Willan ou de M. Klein ou qu'ils aient représenté un risque ou une situation potentiellement dangereux.

[127] En conclusion, je trouve que le chlorofluorocarbone ne constituait pas un danger actuel ou potentiel pour Mme Willan ou M. Klein qui aurait pu, dans les circonstances donner lieu à des attentes raisonnables de blessures ou de malaises pour l'un ou l'autre d'entre eux avant qu'on puisse y apporter des correctifs. Rien ne montre qu'il y ait eu fuite de chlorofluorocarbone dans la salle des appareils mécaniques le jour de leur refus de travailler et, comme je l'ai indiqué, on ne pouvait s'attendre raisonnablement à ce qu'une fuite se produise à l'avenir dans la salle des appareils mécaniques. En outre, la qualité de l'air à l'intérieur était jugée correcte et les moucherons représentaient plutôt un inconvénient qu'un problème de santé.

[128] Par conséquent, je suis d'accord avec la décision d'absence de danger de l'ASS Danton pour Mme Willan et M. Klein au moment de cette enquête et je confirme sa décision.



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Douglas Malanka
Agent d'appel


Sommaire de la décision de l'agent d'appel

No de la décision : 05-021

Demandeur : D. Willan et J. Klein

Défendeur : RHC (M. Janosik)

Mots clés : Fréon, chlorofluorocarbone, Emkarate, appareil de climatisation, tête, étourdissement, maux de tête, malaise, qualité de l'air à l'intérieur, air frais, extérieur, dioxyde de carbone, circulation de l'air, répartition de l'air, norme de l'ASHRAE, moucherons, moisissures, bactéries, danger.

Dispositions : Code 128, 129, 146.1
Règlement

Résumé :

Deux employés de la prestation des services ont refusé de travailler car ils estimaient éprouver des malaises résultant d'une exposition à du chlorofluorocarbone et affirmaient que du chlorofluorocarbone se répandait constamment du système de climatisation situé dans le sous-sol de leur édifice. Ils ont soutenu que l'exposition au chlorofluorocarbone était exacerbée parce qu'une quantité insuffisante d'air frais pénétrait dans l'édifice. En outre, ils se sont plaints que des moucherons tombaient des conduits d'air.

Un agent de santé et de sécurité a mené une enquête sur leur refus de travailler et a rendu une décision d'absence de danger pour l'un ou l'autre des employés. En ce qui concerne leur plainte concernant le chlorofluorocarbone, l'agent a déterminé dans son enquête que rien ne prouvait qu'il y avait eu fuite de chlorofluorocarbone et qu'on ne pouvait prévoir avec un degré de certitude acceptable qu'une fuite se produirait à l'avenir dans la salle des appareils mécaniques. L'agent a ensuite établi que la qualité de l'air à l'intérieur était suffisante et que les moucherons étaient un inconvénient, mais pas une menace pour la santé.

Après examen, l'agent d'appel a confirmé la décision d'absence de danger de l'agent de santé et de sécurité au moment de l'enquête pour l'un ou l'autre des employés.

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