Archivée - Décision: 05-031 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail
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Waldin Williams
demandeur
et
Airport Group Canada Inc.
défendeur
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No de la décision 05-031
Le 8 juillet 2005
Cette affaire a été entendue le 22 juin 2005 par Katia Néron, agent d'appel, à Toronto, Ontario.
Personnes présentes
Pour le demandeur
Ian Bennie, coordonnateur national de la santé et de la sécurité, Travailleurs canadiens de l'automobile, section des lignes aériennes, no 2002
Waldin Williams
Pour le défendeur
Kathleen Chadwick, directrice, traitement des bagages, Airport Group Canada Inc.
Agent de santé et de sécurité
Greg Garron, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Programme du travail, Toronto, Ontario
[1] Cette affaire concerne un appel déposé le 6 février 2003 par Waldin Williams, en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail, contre une décision d'absence de danger rendue par l'agent de santé et de sécurité (ASS) Greg Garron après avoir enquêté sur le refus de travailler de l'employé le 29 janvier 2003.
[2] Selon le rapport d'enquête de l'ASS Garron, daté du 28 janvier 2003, W. Williams a refusé de travailler au convoyeur L21 parce qu'il croyait que, sans barrières de béton pour le protéger, il pourrait être heurté par un tracteur pour les raisons suivantes :
- les conducteurs de véhicules circulaient trop rapidement et sans faire attention, et perdaient le contrôle, surtout sur surface mouillée;
- l'espace de travail était réduit par des conteneurs prenant deux fois plus d'espace que permis et cela accroissait le risque d'être heurté par un véhicule.
- récemment, un véhicule avait été incapable de s'arrêter à temps et a heurté la porte à rideaux au bout de la porte latérale M1BP117A;
- la porte M1BP117A avait été heurtée par des véhicules quelques fois au cours des derniers mois.
[3] La déclaration de refus de travailler de Waldin Williams se lit comme suit dans le rapport de l'ASS Garron :
[TRADUCTION] Moi, Waldin Williams, croit sincèrement que travailler au convoyeur L21 sans barrières de béton met ma vie en danger. J'ai signalé cette situation à mon superviseur et à mes collègues les 26, 27 et 28 janvier 2003, et on a accepté de me transférer dans un autre secteur.
Le 28 janvier 2003, je suis entré pour mon quart de 15 h et on m'a remis au convoyeur L21. Toutefois, on a refusé de mettre des barrières en place pour me protéger. C'est un secteur à circulation intense et sans contrôle.
J'ai vu de nombreux accidents survenir dans des conditions moins extrêmes, même compte tenu des conditions météorologiques. Si vous jetez un coup d'œil aux portes à rideaux et aux barrières mises en place pour protéger le système de courroie, vous comprendrez mon inquiétude.
Même certains de mes collègues (manutention des bagages) sont également inquiets de la situation.
[4] Le secteur où travaillait W. Williams quand il a refusé de travailler était la porte latérale 21 (L21) du Terminal 3 à l'Aéroport international Lester B. Pearson à Toronto. Ce secteur est une salle à bagages où les bagages sont chargés dans des conteneurs. Ceux-ci étaient placés près des convoyeurs, chargés et ensuite attachés à un tracteur pour être amenés aux avions.
[5] Le travail de W. Williams consistait à enregistrer de l'information sur les bagages au convoyeur L21. C'était un nouveau poste créé à partir de celui de préposé à la manutention des bagages pour réintégrer W. Williams par suite de son absence résultant d'une blessure. À ce moment, aucun autre préposé n'était affecté à ce poste.
[6] L'ASS Garron a décidé que W. Williams n'était pas en danger pour les raisons suivantes :
- son employeur l'avait autorisé à être dans le secteur de manutention des matériaux quand les activités de manutention se déroulaient;
- il portait une veste de sécurité;
- il connaissait bien le travail dans ce secteur;
- la procédure exigeait que les conteneurs de bagages ne soient pas placés en double, bien que cela se produisait parfois quand on les mettait en place;
- si les conteneurs étaient placés en double, les employés devaient le signaler à leur superviseur, qui communiquait avec le manutentionnaire pour les faire enlever;
- la porte à rideaux M1BP117 à l'extrémité opposée de la porte latérale n'avait jamais été heurtée;
- jamais aucun employé travaillant dans ce secteur n'avait été heurté par un véhicule.
[7] L'ASS Garron a confirmé sa décision d'absence de danger par écrit le 31 janvier 2003, Toutefois, l'ASS Garron a ajouté dans son rapport :
[TRADUCTION] Nonobstant cette décision, il y avait des risques associés au travail à proximité de l'équipement motorisé de manutention des bagages. Les dommages subis par les bornes de protection et les portes montrent bien que les conducteurs des véhicules conduisent de façon imprudente, comme l'affirme M. Williams. Il revient à l'employeur de régler ce problème de vitesse excessive par une supervision constante pour que soit respectée la limite de vitesse dans la salle des bagages.
Le comité de santé et de sécurité au travail devrait se pencher sur cet incident pour déterminer s'il y a d'autres mesures qui pourraient être mises en œuvre pour améliorer la sécurité des employés travaillant à la porte latérale 21.
[8] L'ASS Garron a aussi pris des photos du convoyeur L21 au moment de son enquête. Ces photos ont été intégrées à son rapport et je les ai examinées de près.
[9] Plusieurs des photos montraient que les bornes de protection étaient placées en face de chacun des deux convoyeurs présents dans le secteur. Toutefois, j'ai observé qu'il n'y avait pas assez d'espace pour que les employés se tiennent entre les convoyeurs et les bornes de protection mises là pour protéger les employés. Aussi, il n'y avait pas de passage clairement indiqué le long des convoyeurs à l'usage exclusif des piétons ou pour les employés travaillant devant les convoyeurs. Sur d'autres photos, des bornes de protection et un ruban adhésif d'avertissement avaient été placés devant le siège du coin placé près de la porte à rideaux. Sur d'autres, il y avait des flaques d'eau et des traces d'humidité sur le plancher laissées par les roues du tracteur et du conteneur, et une accumulation d'eau sur le plancher près d'une porte à rideaux. J'ai aussi observé que la porte à rideaux et la base d'une poutre jaune avaient été endommagées. Enfin, j'ai pu voir que la plupart des bornes de protection étaient couvertes de tapis noirs.
[10] Selon mes observations et parce que j'ai trouvé que le rapport d'enquête de l'ASS Garron n'expliquait pas clairement comment le travail était effectué, j'ai décidé de tenir une conférence téléphonique avec les deux parties le 1er juin 2005 pour clarifier trois points :
- le lieu de travail (secteur de la porte latérale L21) existe-t-il toujours?
- les employés qui font encore ce travail ont-ils participé à ce refus de travailler et de la même manière que W. Williams?
- exactement, comment W. Williams faisait-il son travail?
[11] À la conférence téléphonique, K. Chadwick a déclaré que :
- la porte latérale 21 (L21) existait toujours, mais que des changements avaient été apportés depuis le refus de travailler de W. Williams;
- les employés travaillant comme préposé au traitement des bagages utilisaient une procédure différente qu'au moment du refus de travailler de W. Williams;
- Le travail de W. Williams avait été créé pour le réintégrer après une absence due à une blessure;
- W. Williams ne faisait pas son travail assis au siège du coin, mais devait se déplacer devant le convoyeur L21.
[12] Après avoir reçu cette information, dans le cadre de mon audience à ce sujet, j'ai décidé de visiter le lieu de travail le 22 juin 2005 en présence des deux parties pour mieux recueillir l'information nécessaire à la prise d'une décision éclairée.
[13] W. Williams a témoigné à l'audience. Je retiens les points suivants de son témoignage.
[14] W. Williams a déclaré qu'il devait faire son travail debout devant le convoyeur L21 au moment où les conteneurs attachés à un tracteur entraient sur les lieux et passaient rapidement tout près dans son dos.
[15] Comme il n'y avait pas de barricade pour le protéger, il craignait de se faire heurter par des véhicules en mouvement en faisant son travail. Il a déclaré que les bornes de protection protégeaient le convoyeur de tout contact avec des véhicules en mouvement, mais qu'il ne se sentait pas lui-même protégé.
[16] Comme il avait vu des barrières de béton devant les convoyeurs dans d'autres salles des bagages, M. Williams a demandé que ce type de barrières soit installé pour assurer sa protection.
[17] W. Williams a soutenu qu'au moment de son refus de travailler, le plancher du lieu de travail était mouillé parce que le tracteur et les conteneurs de bagages entraient la neige qui se trouvait à l'extérieur. À cet égard, il a montré diverses photos prises par l'ASS Garron sur lesquelles on voyait des flaques d'eau et des traces d'humidité laissées par les roues du tracteur et des conteneurs et le plancher mouillé près de la porte à rideaux. W. Williams a soutenu que le plancher mouillé faisait glisser les véhicules. Il croyait que les traces de roues laissées sur le plancher prouvaient que les véhicules avaient déjà glissé sur le plancher et que cela pouvait accroître la possibilité qu'il soit heurté par un véhicule.
[18] W. Williams a soutenu que les dommages subis par la porte à rideaux et par les bornes de protection dans la salle des bagages qu'on pouvait voir sur plusieurs photos prises par l'ASS Garron étaient le résultat de collisions avec des véhicules en mouvement. Il estimait que cela prouvait que les conducteurs conduisaient vite et de façon imprudente.
[19] W. Williams a aussi mentionné que, à sa connaissance, il n'y avait jamais eu d'incident où un préposé au traitement des bagages avait été heurté par un véhicule. Cela avait été indiqué dans un rapport du comité de santé et de sécurité au travail.
[20] Enfin, W. Williams a déclaré qu'il n'avait reçu aucune instruction sur la manière de se protéger des véhicules en mouvement. Dans son esprit, quand il devait inscrire l'information sur les bagages sortant du convoyeur, il devait rester devant le convoyeur même si des véhicules passaient immédiatement derrière lui.
[21] K. Chadwick, directeur du traitement des bagages pour l'employeur, a aussi témoigné durant l'audience, Je retiens les points suivants de son témoignage.
[22] K. Chadwick a déclaré que des bornes de protection avaient été placées devant chacun des convoyeurs pour faire en sorte que l'équipement, soit les câbles d'urgence, les courroies et le convoyeur lui-même ne soit pas heurter par un véhicule.
[23] K. Chadwick a dit que les barrières de béton auxquelles faisait allusion W. Williams avaient été installées près d'un convoyeur dans un autre secteur pour délimiter un périmètre de sécurité en raison de travaux de construction effectués à ce moment-là.
[24] K. Chadwick a aussi déclaré qu'il y avait des drains pour prévenir l'accumulation d'eau sur le plancher. Elle a ajouté que le plancher était sablé pour rendre la surface moins glissante.
[25] Concernant la vitesse des véhicules, K. Chadwick a déclaré que les tracteurs étaient conduits par des employés d'une autre entreprise. Toutefois, à sa connaissance, la vitesse des véhicules était contrôlée par un système qui la limitait à 4 ou 5 km/h.
[26] En outre, K. Chadwick a mentionné que les portes à rideaux étaient fermées durant l'hiver. Un capteur détectait l'approche des tracteurs et ouvrait la porte. Cela signifie que les conducteurs devaient s'arrêter avant d'entrer dans la salle des bagages.
[27] K. Chadwick a confirmé que W. Williams n'avait pas reçu d'instruction sur la manière de se protéger des véhicules en mouvement. Toutefois, l'employeur lui avait remis une veste de couleur vive. L'employeur lui avait aussi remis de l'équipement et des vêtements de protection personnelle, comme des bottes de sécurité, un casque et des gants.
[28] K. Chadwick a déclaré qu'elle n'avait jamais demandé à W. Williams de demeurer devant le convoyeur quand des véhicules passaient derrière lui. À son avis, W. Williams pouvait se déplacer au besoin.
[29] En outre, K. Chadwick a déclaré qu'il y avait un dispositif d'avertissement audible quand les portes à rideaux s'ouvraient. En conséquence, elle croyait que W. Williams savait quand des véhicules s'approchaient et avait le temps de s'éloigner.
[30] K. Chadwick a dit qu'elle n'avait jamais entendu dire qu'un tracteur avait heurté un employé.
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[31] La question à régler dans cette affaire est de savoir si oui ou non l'ASS Garron a fait erreur quand elle a rendu une décision d'absence de danger pour W. Williams au moment de son enquête. Pour ce faire, je dois tenir compte de la définition de danger qui se trouve dans le Code et des faits et circonstances de l'affaire.
[32] Le paragraphe 122 (1) du Code définit le danger comme suit :
« danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.
[33] Conformément à cette définition, je dois voir s'il y avait danger pour W. Williams et établir s'il était susceptible de causer des blessures avant qu'il soit corrigé ou que l'activité soit modifiée.
[34] Dans l'affaire présente, le danger potentiel pour W. Williams était d'être heurté par des véhicules devant le convoyeur L21.
[35] Dans son témoignage, K. Chadwick était d'avis que les tracteurs ne se déplaçaient pas trop vite, car ils étaient munis d'un système de contrôle de la vitesse et que les conducteurs devaient s'arrêter avant d'entrer dans la salle des bagages pour laisser le temps à la porte de s'ouvrir. Elle croyait aussi que le sablage du plancher et la présence de drains pour contrôler l'accumulation d'eau à l'intérieur réduisaient les risques que les véhicules glissent. Toutefois, je peux clairement déduire, d'après les photos prises par l'ASS Garron, que la présence de marques de pneus indiquait que ce risque était réel.
[36] Dans son rapport d'enquête, l'ASS Garron a aussi mentionné que, en raison des dommages subis par les bornes de protection et la porte à rideaux, elle estimait que des risques étaient associés au fait de travailler à proximité de véhicules motorisés. Dans ce cas, je suis d'accord avec l'ASS Garron.
[37] Les deux parties ont déclaré que W. Williams n'avait pas reçu d'instructions spéciales sur la tâche modifiée créée pour lui. Les seules instructions qu'on lui avait données étaient de porter une veste de couleur vive et de l'équipement et des vêtements de protection fournis par l'employeur. Je suis convaincu que sans autres instructions spécifiques, W. Williams pouvait croire qu'il ne pourrait pas s'enlever du chemin des véhicules.
[38] Selon les faits et les circonstances décrits ci-dessus, je conclus à la possibilité d'être heurté par un véhicule et au risque de subir des blessures avant que la situation ait pu être corrigée ou l'activité modifiée.
[39] En conséquence, je ne suis pas d'accord avec la conclusion de l'agent de santé et de sécurité Garron et j'estime qu'il y avait danger pour W. Williams au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité.
[40] Toutefois, comme W. Williams ne travaille plus, je n'émettrai pas d'instruction en vertu du paragraphe 145 (2) du Code. Cependant, je signalerai à l'employeur, Airport Group Canada Inc., que le Code exige qu'il protège la santé et la sécurité de ses employés en tout temps. Par conséquent, l'employeur doit toujours évaluer les risques sur les lieux de travail quand, comme il l'a fait quand il a réintégré W. Williams au travail après sa blessure, il modifie une tâche existante ou en crée une nouvelle afin de déterminer les mesures appropriées pour assurer la protection de ses employés.
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Katia Néron
Agent d'appel
Sommaire de la décision de l'agent d'appel
No de la décision : 05-031
Demandeur : Waldin Williams
Défendeur : Airport Group Canada Inc.
Mots clés : Refus de travailler, contact avec des véhicules en mouvement, danger
Dispositions : | Code canadien du travail 129(7) Règlement |
Résumé :
Un employé a refusé de travailler parce qu'il craignait d'être heurté par des véhicules qui passaient près de lui quand il travaillait.
L'agent de santé et de sécurité a rendu une décision d'absence de danger au moment de son enquête.
L'agent d'appel a trouvé qu'il y avait danger et a annulé la décision de l'agent de santé et de sécurité. Comme la description de poste avait modifiée pour réintégrer l'employé et comme l'employé ne travaille plus, l'agent d'appel n'a pas émis d'instruction.
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