Archivée - Décision: 05-041 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Air Canada
demandeur

et

Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) Composante d'Air Canada (SCFP)
défendeur
________________________________
No de la décision 05-041
le 16 septembre 2005

Cette affaire concernant une demande d'arrêt de procédure a été entendue par l'agent d'appel Richard Lafrance le 9 septembre 2005.

Pour le demandeur
Marie Cousineau

Avocate-conseil pour Air Canada

Pour le défendeur
James Robbins
Avocat-conseil pour le SCFP

[1] Cette décision concerne la demande d'arrêt de procédure d'une instruction émise par l'agent de santé et de sécurité (ASS) Frank Cook. Outre les présentations écrites, une conférence téléphonique a eu lieu le 9 septembre 2005 avec les deux parties.

[2] L'instruction indique que l'AAS est d'avis qu'Air Canada contrevient aux dispositions ci dessous de la partie II du Code canadien du travail et du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) :

Partie II du Code canadien du travail

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

125.(1) Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève,

l) de fournir le matériel, l'équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires à toute personne à qui il permet l'accès du lieu de travail;

Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs)

Protection de la peau

6.10 Lorsqu'il y a risque de blessure ou de maladie par contact cutané pour toute personne se trouvant à bord d'un aéronef, l'employeur doit fournir à cette personne :

a) soit un bouclier ou un écran protecteur;
b) soit une crème pour protéger la peau;
c) soit un vêtement de protection approprié.

[3] Marie Cousineau, avocate-conseil pour Air Canada, a soutenu que pour être accordé, un arrêt de procédure devait satisfaire à l'analyse établie par la Cour suprême du Canada dans l'affaire « RJR – Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général) », R.C.S, vol.1 (1994) p. 311.

[4] Dans cette affaire, les juges de la Cour suprême ont écrit au paragraphe 43 :

« L'arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d'instance ou d'injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond. Il peut être utile d'examiner chaque aspect du critère et de l'appliquer ensuite aux faits en l'espèce. »

[5] En ce qui concerne le critère ci-dessus, les parties se sont entendues sur le sérieux de la question.

[6] En ce qui concerne le second critère, Marie Cousineau a soutenu qu'Air Canada subirait un préjudice irréparable sous la forme de dépenses et d'affectation de ressources humaines inutiles, car pour se conformer à l'instruction, il lui faudrait :

a) mener une étude de marché pour trouver un produit conforme à l'instruction;
b) analyser le produit afin d'informer correctement les agents de bord de son contenu, de ses effets secondaires et d'autres problèmes relatifs à la santé;
c) négocier un contrat d'approvisionnement en insectifuge, y compris les pénalités en cas d'annulation; d) établir quand et comment distribuer le produit aux employés;
e) modifier le manuel des normes de rendement et de fonctionnement d'Air Canada qui fait référence aux questions de santé et de sécurité;
f) élaborer un plan de communication pour informer les employés des changements;
g) payer l'insectifuge.

[7] Marie Cousineau a soutenu que si j'acceptais l'appel d'Air Canada et annulais l'instruction, la compagnie subirait une perte importante pour se conformer à l'instruction. Elle aurait payé l'insectifuge et affecté à ce nouveau projet un grand nombre d'employés requis ailleurs. Dans les circonstances, Air Canada ne pourrait recouvrer ces coûts.

[8] En outre, Marie Cousineau a déclaré que, pour l'instant, il n'était pas nécessaire pour la compagnie de distribuer l'insectifuge, car :

a) l'épidémie de malaria en République dominicaine est sous contrôle;
b) les équipages ne débarquent pas de leurs aéronefs durant les mois d'été;
c) il y a très peu de moustiques dans les zones urbaines et aéroportuaires.

[9] James Robbins a répondu que le « préjudice irréparable » auquel Air Canada fait référence est monétaire et de peu d'importance. Il a observé qu'au paragraphe 59 du jugement « RJR – Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général) », R.C.S, vol.1 (1994) p. 311.

« Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre ».

[10] Enfin, en ce qui concerne l'analyse du plus grand préjudice ou de la prépondérance des inconvénients, Marie Cousineau a affirmé qu'Air Canada subirait un plus grand préjudice que les intérêts représentés par le syndicat du défendeur si l'arrêt de procédure était refusé.

[11] Elle a répété que le préjudice subi par le défendeur est minime sinon inexistant. L'épidémie de malaria en République dominicaine est sous contrôle. On n'exige plus des voyageurs qu'ils prennent des médicaments afin de prévenir l'infection (malaria). De même, l'Agence de santé publique du Canada recommande d'utiliser un insectifuge afin de prévenir l'infection par le virus du Nil.

[12] James Robbins, citant des documents obtenus de l'Agence de santé publique du Canada, a présenté un profil général de la maladie ainsi qu'une description de ses symptômes. Il a soutenu que le risque d'être piqué par un moustique, insecte commun dans ce pays insulaire, et le risque de contracter la malaria contrebalance incontestablement la question monétaire soulevée par Mme Cousineau dans ses arguments.

[13] De plus, James Robbins a signalé qu'Air Canada avait déjà fourni de l'insectifuge à des employés sur des vols pour d'autres destinations. Il en a conclu qu'Air Canada pouvait fournir ce produit sans subir de préjudice irréparable.

[14] Enfin, James Robbins a soutenu que les produits étaient des produits courants, d'un prix raisonnable, et sans danger pour la plupart des gens. Il a ajouté que l'étiquetage des produits avertit les consommateurs des effets secondaires et des réactions allergiques possibles, et qu'il revient à chacun d'utiliser le produit de façon appropriée. Si un employé éprouve des problèmes avec le produit en question, c'est à lui de le signaler à son employeur et de trouver un autre moyen de se protéger.

[15] Pour décider si oui ou non il y a lieu de surseoir à l'instruction émise à Air Canada, je dois tenir compte des trois critères énoncés dans l'affaire RJR-MacDonald Inc. (ci-dessus).

[16] Pour ce qui est du premier critère décrit dans cette affaire, j'estime qu'il s'agit là d'une question sérieuse qui concerne la santé et la sécurité des employés pris en considération dans l'analyse de la prépondérance des inconvénients.

[17] En ce qui concerne le « préjudice irréparable », Marie Cousineau a présenté surtout des arguments monétaires comme l'obligation de faire une étude de marché et un examen médical des produits et de fournir un insectifuge aux équipages des aéronefs à destination de Punta Cana. Toutefois, la preuve présentée par M. Robbins montre que les produits sont accessibles, abordables, généralement approuvés et inoffensifs pour la plupart des gens. Par conséquent, rien ne prouve qu'il y ait « préjudice irréparable » pour Air Canada.

[18] Quant à l'analyse de la prépondérance des inconvénients, Air Canada me demande de tenir davantage compte des efforts et des coûts possibles pour Air Canada que du risque qu'un employé soit piqué par un moustique et contracte la malaria. D'après les preuves fournies dans la demande d'arrêt de procédure, j'estime que ce sont les employés qui subissent l'inconvénient le plus grand.

[19] En me basant sur les preuves fournies par les deux parties et sur la jurisprudence1 citée et pour les raisons mentionnées ci-dessus, je refuse la demande d'arrêt de procédure d'Air Canada.

1 « RJR – Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général) », R.C.S, vol.1 (1994) p. 311



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Richard Lafrance
Agent d'appel

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