Archivée - Décision: 05-043 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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John Vukoja
demandeur
et

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Concord (Ontario)
défendeur
________________________________
No de la décision 05-043
Le 12 octobre 2005

Cet appel, déposé en vertu du paragraphe 129 (7) de la partie II du Code canadien du travail, a été décidé par l'agent d'appel Katia Néron.

Pour le demandeur
John Vukoja

Pour le défendeur
Debbie Goulet, agent de gestion des risques

Agent de santé et de sécurité
Robert Maklan
Ressources humaines et Développement des compétences Canada
Programme du travail, Toronto (Ontario)

[1] Cette affaire concerne un appel déposé par John Vukoja le 2 mars 2005 en vertu du paragraphe 129 (7) de la partie II du Code canadien du travail contre une décision d'absence de danger rendue par l'agent de santé et de sécurité (ASS) Robert Maklan le 25 février 2005.

[2] Selon le rapport d'enquête de l'ASS Maklan, le 18 février 2005 vers 18 h, J. Vukoja a refusé de travailler comme chef d'équipe supplémentaire de niveau 2, au point de triage MacMillan, situé à Concord, à Toronto, en Ontario.

[3] Au moment du refus de travailler, J. Vukoja avait travaillé 12 heures le lundi, le mardi et le jeudi, et 13 heures le mercredi de cette semaine-là. L'équipe a même travaillé plus longtemps le jeudi pour faire une partie du travail prévue pour le lendemain. Elle espérait ainsi éviter de devoir faire du temps supplémentaire le vendredi.

[4] Le travail consistait à poser et à entretenir la voie ferrée. L'effort physique exigé était considérable, car il fallait poser manuellement des plaques de fer et des anticheminants sur le sol près de l'endroit où on devait les installer. Les plaques et les anticheminants pesaient de 25 à 35 livres chacun.

[5] Le vendredi 18 février, les employés ont travaillé à la jonction « Hagerman », sur la voie principale, près du chemin Kennedy et de l'autoroute 407 à Markham. Ils travaillaient conformément à la règle 42 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (vitesse des trains limitée et drapeaux d'avertissement). Ils devaient attendre le passage d'un train avant de se mettre à l'ouvrage, mais au lieu de cela, ils ont dû en laisser passer trois, dont le dernier est passé à 16 h 15. Ils sont arrivés sur les lieux entre 12 h 30 et 13 h, mais n'ont pu commencer à enlever les traverses avant 16 h 30, 15 minutes après le passage du dernier des trois trains. Par conséquent, J. Vukoja ne prévoyait pas terminer son travail avant 20 h.

[6] Comme il vivait à Sudbury, à environ quatre heures de route de la jonction « Hagerman », il a refusé de faire du temps supplémentaire ce vendredi là parce qu'il estimait qu'après une journée de travail de 12 heures, il allait être très fatigué et que cela allait être dangereux pour lui de conduire de nuit pendant quatre heures pour rentrer chez lui. Il a ajouté qu'il était fréquent de s'endormir au volant après une si longue journée de travail.

[7] J. Vukoja a aussi exercé son droit de refuser de travailler en raison des conditions hivernales qui rendaient plus difficiles le travail et la conduite de retour à la maison.

[8] J. Vukoja a aussi déclaré que, quelques années auparavant, un préposé à l'entretien des voies avait trouvé la mort dans un accident de voiture en rentrant chez lui, alors qu'il devait conduire plusieurs heures après avoir fait du temps supplémentaire.

[9] J. Vukoja a admis que la compagnie lui avait offert une chambre d'hôtel, ne serait-ce que pour prendre quelques heures de repos avant de rentrer chez lui. Il a dit que la compagnie faisait cette offre depuis cinq ou six ans, mais qu'après une absence de parfois plusieurs semaines, les employés refusaient l'offre parce qu'ils étaient impatients de retrouver leurs familles.

[10] Enfin, il a déclaré qu'il devait revenir au travail le lundi matin et qu'il prévoyait prendre la route à destination de Toronto le dimanche soir ou le lundi matin.

[11] Voici la traduction du refus de travailler de J. Vukoja :

« Vers 15 h 30, le 18 février 2005, j'ai communiqué avec Wayne Dobbie, surintendant adjoint SOZ du CN . J'ai discuté avec lui du fait que l'équipe de pose de rails 3Z29 n'avait pu commencer à changer les quelque 100 pieds de rail en raison du passage des trains et qu'il ne lui serait pas possible de commencer avant encore une heure. Nous avions commencé à travailler à 10 h et il nous faudrait nous déplacer pendant encore une heure, ce qui ne nous laissait qu'une demi-heure pour faire un travail d'au moins quatre heures dans notre quart de travail normal de 8 heures. C'était notre dernier jour de travail de la semaine et plusieurs de mes collègues et moi-même devions parcourir une grande distance pour rentrer chez nous pour le week-end. Le voyage à Sudbury me prend généralement de 4 à 5 heures. J'ai essayé d'expliquer à M. Dobbie qu'après toute une journée de travail au froid, le voyage était dangereux en soi et que l'effet cumulatif de ces longues heures de travail pendant toute la semaine dans les mêmes conditions ne faisait qu'ajouter au danger. M. Dobbie est resté indifférent à mes arguments. Il m'a simplement dit que la compagnie me paierait une autre nuit dans un motel. Je lui ai répondu que mes collègues et moi avions hâte de rentrer chez nous et qu'il savait bien que personne ou presque n'accepterait cette offre. Cette option nous est offerte depuis de nombreuses années, plus précisément depuis qu'un de nos confrères, employé de M. Dobbie, s'est endormi au volant après avoir travaillé de longues heures le dernier jour d'un cycle de travail et a perdu la vie quand son véhicule a quitté la route pour percuter un mur de roc sur la route 69. C'est tout à fait humain de vouloir retourner chez soi après de longues périodes de travail loin du foyer. Il faut comprendre que la plupart des travailleurs des équipes de poseurs de rails sont perpétuellement sur la route et qu'il n'est pas raisonnable de retarder notre retour à la maison. Comme le sait parfaitement M. Dobbie, il est extrêmement rare que les travailleurs choisissent de rester une nuit supplémentaire. Et M. Dobbie ne peut manquer de le savoir étant donné le peu de notes d'hôtel qu'il a à payer pour cela. M. Dobbie a la réputation de ne pas beaucoup se soucier des employés qui relèvent de lui. C'est sa nature. Il faudrait peut-être aussi tenir compte du problème de sécurité publique posé par les travailleurs épuisés qui rentrent chez eux après de tels quarts de travail.

Avant de conclure notre conversation téléphonique, j'ai informé M. Dobbie que, comme je voulais rentrer chez moi, j'estimais que la solution qu'il m'imposait était dangereuse. J'ai donc décidé d'exercer mon droit de refuser de travailler en vertu de la partie II du Code canadien du travail.

Je vous implore de tenir compte de la situation dans son ensemble et non seulement de l'offre irréaliste de la compagnie de nous payer une nuit dans un motel. Ce n'est pas une solution réaliste, mais seulement un faux fuyant pour se laver les mains de toute responsabilité. La compagnie a décidé d'autoriser le passage des trains au lieu de nous laisser terminer cet important tronçon de 1 000 pieds pendant nos heures de travail normales. C'est la compagnie qui a choisi de ne pas changer les rails ce jour-là. Nous n'avions pas à accepter cette décision qui mettait notre sécurité en péril. J'ai été le seul à refuser de travailler, car nombre de mes confrères craignent des représailles, mais on m'a dit de demander à l'agent de santé et de sécurité d'aller rencontrer les membres de l'équipe pendant son enquête, car ils souhaitent lui parler en l'absence d'un représentant de la compagnie. »

[12] L'employeur croyait que la mise d'une chambre d'hôtel à la disposition des employés pour quelques heures ou pour toute la nuit leur permettait de se reposer suffisamment avant de rentrer chez eux. Il estimait donc que la sécurité de J. Vukoja ne serait pas en péril s'il travaillait en temps supplémentaire le vendredi.

[13] Le 22 février 2005, après avoir tenté en vain de régler cette affaire, l'employeur a demandé à l'ASS Maklan d'enquêter sur le maintien du refus de travailler de J. Vukoja.

[14] L'ASS Maklan a décidé qu'il y avait absence de danger pour J. Vukoja parce qu'en lui offrant une chambre d'hôtel avant de rentrer chez lui, la compagnie avait proposé une mesure corrective valable pour lui permette de se reposer avant de prendre la route. En conséquence, l'ASS Maklan estimait que le risque d'un accident pendant son voyage de retour au foyer avait été ramené à un niveau acceptable.

[15] L'ASS Maklan a confirmé par écrit sa décision d'absence de danger le 25 février 2005.

[16] Nonobstant cette décision, l'ASS Maklan a signalé le point suivant dans son rapport d'enquête daté du 8 mars 2005 :

[TRADUCTION] Il importe de tenir compte de l'argument de M. Vukoja selon lequel, après avoir passé environ cinq jours loin de sa famille, un travailleur désire rentrer chez lui le plus rapidement possible. Ce désir est renforcé par le fait que le travailleur devra quitter de nouveau sa famille après le week-end. Par conséquent, les employés ne veulent pas retarder leur retour en allant se reposer dans un hôtel. En fait, la compagnie offre cette option depuis plusieurs années, et M. Vukoja n'a jamais vu aucun travailleur s'en prévaloir. C'est une réaction toute naturelle et les intervenants en santé et sécurité au travail doivent en tenir compte.

[17] En conséquence, l'ASS Maklan a décidé de demander à la compagnie de signer une promesse de conformité volontaire (PCV), pour, entre autres choses, élaborer, en consultation avec le comité d'orientation et le comité local de santé et de sécurité au travail, une politique concernant les heures de travail autorisées le dernier jour d'une période de travail et ce, en prenant en considération la longue route que doivent faire les employés pour rentrer chez eux.

[18] Le 30 septembre 2005, J. Vukoja a demandé par écrit qu'on retire son appel. Selon sa lettre, son syndicat, le Syndicat canadien des métallurgistes unis d'Amérique, par l'entremise du comité d'orientation et du comité local de santé et sécurité au travail, veillera à l'application de la PCV recommandée par l'ASS Maklan. Par conséquent, il a conclu que l'application de cette recommandation remédiera à la situation.

[19] En me basant sur la lettre de J. Vukoja et sur le rapport d'enquête de l'ASS, j'accepte la demande de retrait de l'employé et je confirme la fermeture du dossier.



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Katia Néron
Agent d'appel


Sommaire de la décision de l'agent d'appel

No de la décision :05-043

Demandeur : John Vukoja

Défendeur : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Concord (Ontario)

Mots clés : Refus de travailler, décision d'absence de danger, temps supplémentaire avant une longue route à faire pour rentrer chez soi

Dispositions : Code canadien du travail 129 (7)
Règlement

Résumé :

Le demandeur a appelé d'une décision d'absence de danger rendue par un agent de santé et de sécurité par suite d'un refus de travailler. L'employé a retiré son appel parce que l'ASS a demandé à la compagnie d'élaborer, en consultation avec le comité d'orientation et le comité local de santé et de sécurité, une politique concernant les heures de travail le dernier jour d'une période de travail et ce, en prenant en considération la longue route que doivent faire les employés pour rentrer chez eux. L'agent d'appel a accepté la demande de retrait de l'employé et confirmé la fermeture du dossier.

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