Archivée - Décision: 05-055 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail
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Annette Robitaille, Leonard Hawkins et Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA)
demandeur
et
VIA Rail Ltée
défendeur
________________________________
No de la décision 05-055
Le 20 décembre 2005
Cette cause a été entendue par l'agent d'appel Douglas Malanka à Toronto, en Ontario, les 14 et 15 juillet 2005.
Personnes présentes
Pour le demandeur
Tony Blanchard, représentant régional, TCA
Ken Cameron, représentant en santé et sécurité, TCA
Leonard Hawkins, préposé aux services supérieur, VIA Rail Canada
Gisèle Legault, préposée aux services supérieure, VIA Rail Canada
Gary Lord, préposé aux services supérieur, VIA Rail Canada
Joseph-Marco Labrie, préposé aux services supérieur, VIA Rail Canada
Linda Poudrier, directrice des services, VIA Rail Canada
Pour le défendeur
John Campion, avocat
Carole Mackaay, avocat général, VIA Rail Canada
Brain Casey, gestionnaire, Services à la clientèle, VIA Rail Canada
Bernie LeBlanc, directeur, Services à la clientèle, VIA Rail Canada
Robert Gray, conseiller principal, Santé et sécurité au travail, VIA Rail Canada
Douglas Graham, gestionnaire, Services à la clientèle, VIA Rail Canada
Agente de santé et de sécurité
Michelle Cartmill, agente de santé et de sécurité,
Transports Canada, Toronto, Ontario
[1] Le 29 novembre 2001, VIA Rail (VIA) a remplacé une voiture-bar de classe VIA 1 par une voiture-coach LRC1 dans un train de voyageurs. Des repas chauds sont servis dans les voitures-bars VIA 1, qui comportent une cuisinette conçue à cette fin.
1 | Type de voiture-coach pour voyageurs exploitée par VIA Rail Canada. |
[2] Avant le départ du train, A. Robitaille et L. Hawkins, préposés aux services à bord, ont exprimé leur refus de travailler. Les deux employés se sont plaints du danger que présentaient la préparation et la distribution de repas chauds à partir de la cuisinette d'une voiture-coach LRC, invoquant plusieurs raisons.
[3] Selon les deux employés, la cuisinette d'une voiture-coach LRC n'est pas dotée de l'espace nécessaire pour le stockage et la protection sécuritaires des aliments et boissons, comme c'est le cas dans une voiture-bar VIA 1. A. Robitaille et L. Hawkins ont soutenu que la configuration des lieux les exposait à un risque d'ordre ergonomique s'ils avaient à se pencher et à soulever des objets lourds de la tablette inférieure du compartiment à bagages. Ils ont aussi soutenu que les aliments secs conservés sur la tablette intermédiaire pouvaient tomber et les frapper si le train bougeait brusquement au moment où le filet de sécurité du compartiment à bagages était ouvert pour accéder aux aliments.
[4] A. Robitaille et L. Hawkins ont affirmé qu'ils couraient aussi le risque d'être frappés par le contenu du compartiment à bagages du côté gauche de la voiture-coach à cause de l'obligation pour eux de se pencher pour accéder aux aliments secs. Selon eux, le risque était exacerbé pour les raisons suivantes :
- Aucun filet n'empêcherait les objets de tomber du compartiment à bagages pendant les mouvements du train aux passages à niveau et aux changements de voie;
- Le côté gauche du compartiment à bagages serait surchargé de bagages (le côté droit étant utilisé pour le stockage d'aliments secs);
- Le mécanisme de dévers dont est munie la voiture-coach serait fermé durant l'hiver.
[5] A. Robitaille et L. Hawkins se sont aussi plaints du risque de se brûler au contact de la porte du four ou des aliments chauds au moment de préparer et de servir ceux-ci. Ils ont expliqué que les voitures-coachs LRC ne sont pas équipées des fours que l'on trouve dans les voitures-bars VIA 1. Aussi faudrait-il modifier les composantes de la voiture-coach LRC en fonction du type de four utilisé dans les voitures-bars VIA 1. Insuffisante, la superficie du comptoir permet uniquement la présence de deux fours, à la place des trois habituels. A. Robitaille et L. Hawkins ont en outre déclaré que le comptoir n'était pas assez grand pour transférer les aliments chauds du four aux plateaux. À la suggestion de B. Casey, qui a proposé de transférer directement les aliments chauds du four à un chariot de service, à la place d'utiliser un plateau, A. Robitaille a répondu que le risque de se brûler au contact de la porte du four demeurait lorsque le train était en mouvement.
[6] De plus, les deux employés ont dit trouver dangereux le manque de cavités dotées d'une porte et d'une barre de sécurité à bord d'une voiture-coach LRC, qui n'en a que trois, pour le rangement sécuritaire des six chariots de distribution des aliments présents dans le train ce jour-là. Ils ont expliqué qu'une voiture-bar VIA 1 comportait six de ces cavités de sécurité. Ils ont dit craindre de trébucher ou de se heurter à un chariot en mouvement qui aurait été incorrectement rangé ou laissé de côté en attendant de servir.
[7] Après avoir fait enquête, l'agente de santé et de sécurité (ASS) Cartmill a estimé que les deux employés ne couraient aucun danger. L'ASS Cartmill a noté dans son rapport :
- que les aliments secs manipulés par les préposés aux services étaient relativement légers;
- que les compartiments à bagages étaient normalement dotés d'un filet de sécurité pour empêcher la chute d'objets, comme des bagages ou des aliments secs, pendant le mouvement du train;
- qu'il était possible d'accéder aux aliments secs des compartiments à bagages en ouvrant et en fermant le filet de sécurité;
- que les bagages étaient normalement rangés dans le compartiment et qu'il était purement hypothétique de la part des employés de penser qu'ils pouvaient tomber du compartiment du côté opposé de la voiture et les frapper alors qu'ils accédaient aux aliments secs;
- que l'employeur permettait aux préposés aux services de transférer directement les aliments chauds au chariot de service, sans utiliser de plateaux, pour éviter de se brûler au contact du four ou des aliments;
- qu'il était possible d'entreposer de façon sécuritaire les chariots lorsqu'on ne s'en servait pas, et que cela ne posait pas de risque;
- que 189 voitures-coachs LRC avaient été utilisées dans des trains de classe VIA 1 entre janvier et novembre 2001 sans qu'on ne rapporte de blessures.
[8] À son avis, les risques éventuels allégués par A. Robitaille et L. Hawkins pour justifier leur refus de travailler étaient sans fondement et purement hypothétiques.
[9] A. Robitaille et L. Hawkins ont appelé de la décision de l'ASS en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code). Ils ont soutenu que l'ASS Cartmill n'avait pas considéré le fait que le train serait en mouvement dans sa décision.
[10] Ils se sont en outre plaints du fait que l'ASS Cartmill n'avait pas tenu compte du poids réel des contenants d'aliments secs ou des bagages, ou du fait que le personnel n'avait pas reçu de formation lui permettant de servir des repas chauds à bord d'une voiture-coach LRC.
[11] Enfin, A. Robitaille et L. Hawkins ont déclaré que la preuve reposant sur l'utilisation de 189 voitures-coachs LRC dans des trains de classe VIA 1 sans que des blessures ne soient rapportées n'était pas fiable, puisque VIA ne recueillait pas de statistiques sur l'utilisation de voitures-coachs LRC dans les trains de classe VIA 1.
[12] Une audience a été entendue à Toronto les 14 et 15 juillet 2005. Des documents déposés par A. Robitaille et L. Hawkins avant celle-ci ainsi que des témoignages et des documents présentés à l'audience, je retiens les éléments suivants à l'appui de l'appel.
[13] Dans leurs observations écrites concernant leur appel de la décision de l'ASS Cartmill, A. Robitaille et L. Hawkins ont précisé :
- qu'ils étaient au service de VIA depuis 15 et 20 ans respectivement et qu'ils détenaient de l'expérience comme préposés aux services;
- que les bagages se trouvant dans la voiture-coach LRC avaient été enlevés pour être placés dans un endroit plus approprié durant l'enquête de l'employeur sur leur refus de travailler, et ce, avant l'arrivée de l'ASS Cartmill;
- que les provisions destinées au service de restauration consistaient en trois à onze chariots de distribution, six contenants en métal pesant jusqu'à 50 livres (environ 25 kg) et plusieurs contenants semblables à des cageots de lait;
- que plusieurs des contenants en métal plus lourds se trouvaient sur la tablette inférieure du compartiment à bagages et qu'il fallait les déplacer à la main pour accéder aux aliments;
- que le reste des contenants en métal et les cageots de lait étaient empilés sur la tablette intermédiaire;
- que, au cours des dix dernières années, A. Robitaille avait formé plus de soixante nouveaux préposés aux services et leur avait enseigné la santé et la sécurité à bord des trains; elle a déclaré qu'on ne l'avait jamais formée pour assurer le service de restauration à partir d'une voiture-coach LRC dans un train de classe VIA 1 et que, à sa connaissance, aucun manuel d'instruction ou quelconque document n'existait à cette fin;
- que la politique antérieure de VIA imposait une limite de 40 voyageurs pour l'utilisation d'une voiture-coach LRC dans un train VIA 1 à cause du manque d'espace d'entreposage sûr des bagages dans la voiture-coach;
- que, après des déraillements récents, Transports Canada avait recommandé à VIA de stocker de façon plus sécuritaire les bagages et les provisions;
- que la principale cause des blessures, après le port des bagages, était les mouvements brusques des trains;
- qu'ils avaient effectué leur travail après que la décision de l'ASS Cartmill, selon laquelle il n'y avait pas de danger, avait été rendue; ils ont expliqué qu'ils devaient retirer les repas du four ensemble, comme la superficie du comptoir était insuffisante pour qu'un seul employé puisse le faire en toute sécurité.
[14] La documentation écrite révèle que G. Legault a écrit à P. Côté, vice-président de VIA, le 6 février 2001 pour se plaindre de ses conditions de travail alors qu'elle assurait le service dans une voiture-coach LRC intégrée à un train de classe VIA 1. Elle s'est plainte des éléments suivants :
- les bagages avaient été chargés sur la tablette de rangement par-dessus la barre de sécurité;
- les bagages ne cessaient de tomber dans les couloirs;
- les provisions n'étaient pas attachées;
- aucune voiture-bar VIA 1 n'était jointe à la voiture-coach LRC dans le train de classe VIA 1;
- aucune formation ou directive n'avait été donnée sur les risques liés à l'intégration d'une voiture-coach LRC à un train de classe VIA 1.
[15] Les documents écrits remis avant l'audience comprenaient une copie d'une lettre datée du 9 septembre 2002, que T. McArthur, préposé aux services chez VIA, avait rédigée à l'intention du Bureau d'appel canadien en santé et sécurité au travail. L'auteur de cette lettre confiait que la circulation involontaire de chariots de service à bord des voitures-coachs LRC intégrées à un train de classe VIA 1 le préoccupait aussi, et que les préposés aux services n'avaient jamais reçu de formation ou de documents relativement à l'utilisation de voitures-coachs LRC dans les trains de classe VIA 1.
[16] Les documents écrits remis avant l'audience comprenaient une copie d'une lettre envoyée par A. Robitaille à son syndicat, le 17 février 2003. Celle-ci y informait son syndicat que des contraintes budgétaires avaient empêché VIA de mettre sur pied un comité de santé et de sécurité pour déterminer les adaptations nécessaires pour l'utilisation sécuritaire de voitures-coachs LRC dans des trains de classe VIA 1. Elle insistait dans sa lettre sur l'importance d'offrir une formation sur le rangement des bagages et le service de restauration sécuritaires dans une voiture-coach LRC à bord d'un train de classe VIA 1.
[17] Les documents écrits remis avant l'audience comprenaient une copie d'une lettre envoyée par A. Robitaille à P. Côté, le 14 mars 2003. Elle y demandait de la documentation sur la formation offerte par VIA aux préposés aux services sur l'intégration d'une voiture-coach LRC à un train de classe VIA 1. Elle mentionnait dans sa lettre que l'espace alloué aux bagages était moindre dans une voiture-coach LRC et qu'il y avait lieu d'offrir une formation et des directives sur le déplacement des bagages excédentaires. Par exemple, elle demandait qui devait déplacer les bagages, comment et à quel endroit. Elle demandait en outre qu'on procède à l'évaluation des risques liés à la suggestion de B. Casey, qui proposait aux préposés aux services d'utiliser un chariot à la place d'un plateau pour distribuer les aliments. Elle souhaitait savoir s'il fallait établir un nouveau délai d'exécution pour le service alimentaire à partir d'un chariot, puisqu'il faudrait plus de temps aux préposés pour exécuter cette tâche. De plus, elle demandait des détails quant aux contenants non attachés à placer sur le sol, plus précisément s'il fallait opter pour les plus légers ou les plus fréquemment utilisés.
[18] L. Hawkins a confirmé dans son témoignage lors de l'audience que la voiture-coach LRC intégrée à un train de classe VIA 1 était très chargée en bagages le jour où il a refusé de travailler. Il a indiqué que les bagages se trouvaient partout, y compris entre les sièges.
[19] G. Legault a témoigné en faveur de A. Robitaille et de L. Hawkins lors de l'audience. Elle a déclaré avoir écrit au vice-président de VIA, le 6 février 2003, afin de se plaindre de l'utilisation de voitures-coachs dans des trains de classe VIA 1 après l'un de ses déplacements. Elle s'était notamment plainte dans sa lettre :
- que la voiture-coach n'avait pas été modifiée pour le service de classe VIA 1 et que les fours, simplement placés sur le comptoir, n'avaient pas été bien attachés;
- que la voiture était pleine de passagers, que les bagages étaient empilés jusqu'au plafond, au-dessus de la barre de sécurité, et qu'ils ne cessaient de tomber dans les couloirs où travaillaient les préposés aux services;
- que les provisions alimentaires n'étaient pas bien attachées;
- qu'il n'y avait pas de place pour circuler avec les repas chauds.
[20] Dans son témoignage à l'audience, G. Legault a aussi confirmé qu'elle avait travaillé à plusieurs reprises à bord de voitures-coachs LRC intégrées à un train de classe VIA 1 et qu'elle s'était déjà blessée une fois. Elle n'a cependant pas précisé la nature et les circonstances de sa blessure.
[21] Avant l'audience, B. Casey a répondu par écrit, au nom de VIA, aux allégations faites par A. Robitaille et L. Hawkins. Sa lettre contenait des statistiques confirmant que VIA avait régulièrement utilisé des voitures-coachs dans des trains de classe VIA 1 de janvier 2001 à novembre 2001. À sa lettre était annexé un courriel de B. LeBlanc, confirmant qu'on n'avait rapporté aucune blessure liée à des activités professionnelles durant cette période.
[22] B. Casey a écrit qu'aucun des contenants d'aliments secs ne pesait plus de 22 livres (environ 11 kg) et que leur stockage dans le compartiment à bagages était sûr et sécuritaire lorsque le compartiment à bagages était fermé.
[23] B. Casey a confirmé avoir suggéré à A. Robitaille et à L. Hawkins de transférer directement les aliments chauds du four au chariot de service, à la place d'utiliser un plateau, pour leur éviter de se brûler au contact du four ou des aliments chauds.
[24] En ce qui concerne les chariots de service, B. Casey a écrit dans sa lettre qu'il n'y avait que six chariots à bord ce jour-là, que l'espace était suffisant pour en ranger trois et que les trois autres pouvaient être placés dans la voiture-coach LRC voisine.
[25] Enfin, B. Casey a écrit que VIA fournissait une formation à l'entrée en service dans un train de classe VIA 1, mais qu'on n'y abordait pas les lieux de stockage des contenants.
[26] B. Casey a également témoigné à l'audience. Je retiens les éléments suivants de son témoignage :
- Les préposés aux services reçoivent une formation de 5 semaines sur les tâches à effectuer à bord des trains. La formation porte entre autres sur l'utilisation de l'équipement destiné au service alimentaire, y compris les chariots de service. B. Casey ne pouvait cependant pas confirmer si la formation abordait le service dans les voitures-coachs LRC intégrées à un train de classe VIA 1 ou le transfert des plats chauds du four au chariot de service;
- Il est possible d'ouvrir le filet du compartiment à bagages pendant que le train est en mouvement, lorsque celui-ci ralentit avant une halte, afin que les passagers puissent récupérer leurs bagages;
- Le jour où les employés ont refusé de travailler, aucun bagage n'était posé sur les sièges.
[27] Dans ses conclusions finales, T. Blanchard a soutenu que la nouvelle définition du danger comprend maintenant les situations, les tâches ou les risques éventuels, dont on peut raisonnablement dire qu'ils sont susceptibles de causer une blessure ou de rendre malade. Selon lui, le travail à bord d'une voiture-coach dans un train de classe VIA 1 représente un risque ou une tâche éventuels.
[28] T. Blanchard a maintenu que la jurisprudence2, dans Verville c. Canada (Service correctionnel), (Verville) C.F. 767 (Gauthier J.), le 26 mai 2004 (C.-B.), a établi que le danger doit être susceptible de causer une blessure en tout temps, mais pas nécessairement toutes les fois qu'il se pose. Il note que la jurisprudence établit en outre qu'il n'est pas nécessaire d'indiquer précisément le moment auquel la situation, la tâche ou le risque éventuels se produira. La définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que de telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.
2 | Référence à la décision en général, et non à des paragraphes en particulier. |
[29] T. Blanchard a ajouté que « avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée » a été interprété de façon à signifier que les blessures peuvent se produire en tout temps.
[30] T. Blanchard s'est opposé à la conclusion de l'ASS Cartmill, selon laquelle les risques invoqués par A. Robitaille et L. Hawkins étaient purement hypothétiques. Il soutient que l'agente de santé et de sécurité n'a pas considéré la dimension ergonomique des tâches, dans la mesure où celles-ci sont effectuées dans un train roulant à grande vitesse qui tremble, secoue et fait perdre l'équilibre régulièrement.
[31] T. Blanchard a également soutenu que l'ASS Cartmill n'avait pas tenu compte du fait qu'il fallait ouvrir le filet du compartiment à bagages pendant que le train était en mouvement pour accéder aux provisions alimentaires. Il y a lieu de se demander pourquoi VIA a pour politique d'imposer la fermeture du filet du compartiment à bagages pendant un voyage, mais s'attend par ailleurs à ce que ses préposés l'ouvrent pour accéder aux aliments secs lorsque le train est en mouvement.
[32] T. Blanchard m'a demandé de conclure à un danger pour A. Robitaille et L. Hawkins, et d'ordonner à VIA de cesser d'intégrer des voitures-coachs LRC aux trains de classe VIA 1.
[33] Dans ses conclusions finales, J. Campion a noté que la nature de l'examen confié à un agent d'appel était de novo. Selon lui, comme l'examen est de novo, je dois connaître les faits que l'ASS n'avait pas en sa possession ou conclure que l'ASS avait omis un élément fondamental ou mal interprété la Loi. Les faits doivent ensuite me convaincre de l'existence d'un danger.
[34] J. Campion a indiqué que l'appel fait par A. Robitaille et L. Hawkins était entaché d'une erreur fatale parce que A. Robitaille n'avait pas comparu à l'audience. Aussi, je m'appuie sur des éléments de preuve moins nombreux que ceux détenus par l'ASS Cartmill lorsqu'elle a rendu sa décision.
[35] En ce qui concerne les faits en l'espèce, J. Campion a soutenu que la norme d'examen servant à établir les faits à l'appui d'une conclusion de danger est élevée, comme je l'ai énoncé aux paragraphes 41 et 42 de la décision « Canada (Service correctionnel) et Schellenberg », D.A.A.C.C.T. no 6, décision no 02 005, [2002].
[41] Pour décider s'il y a un danger, l'agent de santé et de sécurité doit prendre en compte tous les aspects de la définition du mot « danger » et, à l'achèvement de son enquête, décider si les faits invoqués dans cette affaire permettent de conclure à un danger au sens où l'entend le Code. Pour cela, il ne doit se fonder que sur des faits convaincants, étant donné que le droit de refus et les dispositions prises dans le Code en matière de danger sont considérés comme des mesures exceptionnelles. Pour qu'un agent de santé et de sécurité puisse conclure qu'une situation ou un risque éventuels constituait, au moment de son enquête, un danger au sens où l'entend le Code, comme dans la présente affaire, les faits invoqués doivent permettre d'établir :
- que ce risque ou cette situation se présentera;
- qu'un employé y sera alors exposé;
- que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
- que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.
[42] Il s'ensuit que si un risque ou une situation existe au moment où l'agent de santé et sécurité mène son enquête, les faits invoqués doivent seulement permettre d'établir :
- qu'un employé sera exposé à ce risque ou à cette situation;
- que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
- que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.
[36] J. Campion a indiqué que le premier point du paragraphe 41 confirmait que la probabilité liée à un risque, à une situation ou à une tâche éventuels devait être très élevée.
[37] J. Campion a soutenu que le deuxième point du même paragraphe établissait également que les faits devaient confirmer l'existence d'une probabilité élevée que l'employé serait exposé à un risque, à une situation ou à une tâche éventuels, et que cela justifierait la nécessité de considérer toutes les circonstances atténuantes liées à l'exposition. Il a fait valoir dans cette affaire que A. Robitaille et L. Hawkins :
- détenaient de l'expérience professionnelle;
- avaient reçu une formation et des directives sur la préparation des aliments et l'utilisation de l'équipement de distribution;
- étaient protégés par un filet empêchant les aliments secs ou les bagages de tomber du compartiment;
- avaient d'autres moyens de s'acquitter de leurs tâches pour éviter de se brûler au contact du four ou des aliments chauds.
[38] En ce qui a trait au troisième point, J. Campion a soutenu qu'on pouvait douter que le risque, la situation ou la tâche cause une blessure ou qu'une blessure survienne à l'exposition à ceux-ci en raison des facteurs déjà relevés.
[39] J. Campion a fait valoir que je n'avais pas le pouvoir d'ordonner à VIA de cesser d'intégrer des voitures-coachs à des trains de classe VIA 1, comme le demande T. Blanchard. D'après lui, aucune des parties dans l'affaire n'a soumis de preuves relativement aux répercussions financières que subirait VIA si j'exigeais la modification d'une politique en vigueur sur l'équipement ferroviaire. De plus, aucune preuve dans l'affaire n'appuie l'argument en vertu duquel il est impossible d'atténuer les risques invoqués par A. Robitaille et L. Hawkins, forçant l'interdiction des voitures-coachs dans les trains de classe VIA 1.
[40] J. Campion estime que le témoignage de B. Casey représente la seule preuve fiable dans l'affaire. Dans ce témoignage, B. Casey a confirmé qu'il avait proposé à A. Robitaille et à L. Hawkins de placer directement les plats chauds sur le chariot de service, plutôt que d'utiliser un plateau. Comme A. Robitaille et L. Hawkins étaient désireux de travailler si VIA annulait le service chaud, J. Campion soutient que toute notion de danger disparaissait dès lors.
[41] En ce qui a trait au témoignage de G. Legault, qui a déclaré avoir été blessée alors qu'elle assurait le service dans une voiture-coach LRC intégrée à un train de classe VIA 1, J. Campion a fait remarquer que je ne pouvais en tenir compte, puisqu'elle n'avait pas précisé comment elle avait été blessée.
[42] À titre subsidiaire, J. Campion m'a renvoyé à l'alinéa 128(2)b) du Code, qui précise que le refus de travailler est interdit en vertu du Code si le danger invoqué est une condition de travail normale. Il a soutenu que l'utilisation d'une voiture-coach dans un train de classe VIA 1, la préparation de repas chauds et l'utilisation de plateaux et de chariots de service se faisaient depuis vingt ans, sans qu'on n'ait rapporté de blessures. Il a ajouté que la distribution de repas à l'aide d'un chariot ou d'un plateau faisait également partie des tâches normales et ne dépendaient pas du fait que le travail était effectué dans une voiture-coach intégrée à un train de classe VIA 1 ou dans une voiture-bar VIA 1.
[43] J. Campion a soumis à mon attention les citations suivantes, qu'il considérait liées à ses conclusions finales :
- « Martin c. Canada (Procureur général) », Cour d'appel fédérale 156 (Rothstein, Noel et Sexton J.C.A.), le 6 mai 2005 [2005]. Référence au paragraphe 28, qui se lit comme suit :
[28] L'appel interjeté devant l'agent d'appel est un appel de novo. Aux termes de l'article 146.2, l'agent d'appel peut convoquer des témoins et les contraindre à comparaître, recevoir sous serment, par voie d'affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu'il juge indiqués, qu'ils soient admissibles ou non en justice, et procéder, s'il le juge nécessaire, à l'examen de dossiers ou registres et à la tenue d'enquêtes. Compte tenu de ces vastes pouvoirs et de l'ajout du paragraphe 145.1(2), il n'y a aucune raison qui justifierait d'empêcher l'agent d'appel de rendre une décision en vertu du paragraphe 145(1), s'il estime qu'il y a eu contravention à la partie II du Code et ce, malgré le fait que l'agent de santé et sécurité a donné des instructions en vertu du paragraphe 145(2);
- « Verville c. Canada (Service correctionnel) » (Verville), Cour fédérale 767 (Gauthier J.), le 26 mai 2004 (C.-B.);
- « Canada (Procureur général) c. Fletcher (C.A.) », Cour d'appel fédérale 424 (Desjardins, Decary et Noel J.C.A.), le 5 novembre 2002 (Fletcher) [2002];
- « Charmard et Canada (Service correctionnel) », D.A.A.C.C.T. no 4 (M. Beauchamp, agent d'appel), le 20 janvier 2005 [2005];
- « Canada (Service correctionnel) c. Shellenberg », décision no 02-005 (Malanka), le 9 mai 2002. Référence aux paragraphes 41 et 42, qui se lisent comme suit :
[41] Pour décider s'il y a un danger, l'agent de santé et de sécurité doit prendre en compte tous les aspects de la définition du mot « danger » et, à l'achèvement de son enquête, décider si les faits invoqués dans cette affaire permettent de conclure à un danger au sens où l'entend le Code. Pour cela, il ne doit se fonder que sur des faits convaincants, étant donné que le droit de refus et les dispositions prises dans le Code en matière de danger sont considérés comme des mesures exceptionnelles. Pour qu'un agent de santé et de sécurité puisse conclure qu'une situation ou un risque éventuels constituait, au moment de son enquête, un danger au sens où l'entend le Code, comme dans la présente affaire, les faits invoqués doivent permettre d'établir :
- que ce risque ou cette situation se présentera;
- qu'un employé y sera alors exposé;
- que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
- que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.
[42] Il s'ensuit que si un risque ou une situation existe au moment où l'agent de santé et sécurité mène son enquête, les faits invoqués doivent seulement permettre d'établir :
- qu'un employé sera exposé à ce risque ou à cette situation;
- que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;
- que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation;
- « Welbourne c. Canadien Pacifique Limitée », décision no 01-008 (Cadieux) (décision Welbourne), le 22 mars 2001. Référence aux paragraphes 13, 17, 18 et 23, qui se lisent comme suit :
[13] Le rôle d'un agent d'appel saisi de l'appel d'une décision d'absence de danger prise par un agent de santé et de sécurité à la suite d'un refus de travailler n'est pas d'effectuer une nouvelle enquête sur la cause en appel. L'enquête de l'agent d'appel débute et se base sur l'enquête initiale et le rapport de l'agent de santé et de sécurité. L'agent d'appel examine les circonstances qui ont fait l'objet de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité, analyse les faits qui ont été pris en considération ou présentés, détermine et interprète la législation pertinente aux faits et rend une décision. Finalement, l'agent d'appel décide, comme l'agent de santé et de sécurité avant lui, si l'employé ayant refusé de travailler faisait face à un danger au sens du Code et, si c'était le cas, émet les instructions appropriées en vertu du paragraphe 145(2) ou (2.1).
[17] La définition actuelle du « danger » vise à améliorer la définition du même terme que l'on retrouvait avant la modification du Code, qui était jugée comme trop limitative pour protéger la santé et la sécurité des employés. Selon la jurisprudence basée sur l'ancienne notion de danger, celui-ci devait être présent et immédiat au moment de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité. La nouvelle définition élargit cette notion pour tenir compte des risques, situations ou tâches éventuels. Cette approche reflète mieux le but du Code, énoncé à l'article 122.1 :
122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi régi par ses dispositions.
[18] Selon la définition actuelle du terme, le risque, la situation ou la tâche n'ont plus à être présents uniquement lors de l'enquête de l'agent de santé et de sécurité, mais peuvent l'être éventuellement ou dans le futur. Le New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, définit le mot « potential » (éventuel) ainsi : « possible, par opposition à réel; capable de se produire; latent ». Le dictionnaire Black's Law Dictionary, septième édition, définit « potential » comme « capable de se produire, possible ». L'expression « future activity » (tâche éventuelle) indique que cette tâche n'est pas « réellement » exécutée [en présence de l'agent de santé et de sécurité], mais devra être éventuellement effectuée par une personne. Par conséquent, en vertu du Code, le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.
[23] Il n'y a aucun doute dans mon esprit que l'utilisation de la soufflette dans les conditions actuelles présente quelques risques. En général, on reconnaît qu'elle peut se détacher, et cela se produit effectivement. Contrairement à la suggestion de M. Veith selon laquelle il est peu probable que cela cause des blessures, M. Scammel a soutenu que si la soufflette se détache, elle ne sera pas projetée en ligne droite et pourrait blesser un employé. Donc, M. Welbourne s'expose à des risques de blessure en utilisant la soufflette. La question est de savoir si une telle situation est susceptible de le blesser personnellement;
- « Jeanson c. Canada (Service correctionnel) », décision no 01-023 (Beauchamp), le 1er juin 2001.
- « Bouchard c. Canada (Service correctionnel) », décision no 01-027 (Beauchamp), le 12 décembre 2001.
- « Paul Stein et coll. c. CCRI ", décision no 760, le 30 octobre 1989.
[44] J. Campion estime que l'appel porté par A. Robitaille et L. Hawkins n'a aucun fondement, et demande donc de le rejeter.
*****
[45] La question à trancher dans cette affaire est de savoir si l'ASS Cartmill s'est trompée en décidant, en fonction des circonstances, que la préparation et la distribution de boissons et d'aliments chauds à bord d'une voiture-coach LRC intégrée à un train de classe VIA 1 A ne posaient aucun danger à Robitaille et à L. Hawkins.
[46] Pour rendre ma décision, je dois considérer l'interprétation et l'application des dispositions pertinentes du Code, les faits de l'affaire et tout élément approprié de la jurisprudence.
[47] La définition du terme « danger » a été revue en septembre 2001, comme en témoigne le paragraphe 122(1) du Code, qui se lit comme suit :
"danger" means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system. | « Danger » : Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. |
[48] La première décision d'un agent d'appel concernant l'interprétation et l'application de la nouvelle définition du danger a été rendue par l'agent d'appel Serge Cadieux, dans « Welbourne c. Canadien Pacifique Limitée », décision no 01-008, le 22 mars 2001. Les extraits pertinents, sur lesquels J. Campion a attiré l'attention, ont déjà été cités dans cette décision et ne seront donc pas répétés. Cela dit, j'aimerais cependant apporter les observations suivantes concernant les paragraphes 17, 18 et 19 de la décision Welbourne.
[49] Au paragraphe 17 de la décision Welbourne, supra, l'agent d'appel Serge Cadieux explique qu'on jugeait la définition antérieure du danger3 trop limitative pour protéger la santé et la sécurité des employés. Il indique que la nouvelle définition élargit cette notion pour tenir compte des risques, des situations ou des tâches éventuels. Il convient qu'elle reflète mieux la disposition relative au but du Code, à l'article 122.1 de celui-ci.
3 | Le code a été modifié en septembre 2000. Avant cette modification, la définition du danger se lisait ainsi : Le « danger » désigne un risque ou une situation susceptible, selon toutes attentes raisonnables, de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu'il puisse y être remédié. |
[50] Après avoir examiné les acceptions que donne le dictionnaire aux termes « potential » (éventuel) et « future activity » (activité future), l'agent d'appel Cadieux conclut aux paragraphes 18 et 19 que le « risque » peut être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou de la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. À mon sens, cela n'exprime pas une probabilité de réalisation particulièrement élevée. (La différence entre les termes « hazard » et « risk » – tous deux rendus par « risque » en français – tient à ce que le second est associé à une probabilité de réalisation plus élevée ou à la production d'effets indésirables plus graves.)
[51] Cette interprétation tranche avec celle que j'ai donnée aux paragraphes 41 et 42 de la décision Schellenberg, supra. Dans ces paragraphes, déjà cités dans les conclusions finales de J. Campion et que je ne répèterai pas, j'ai précisé que la norme d'examen consistait à établir si l'on pouvait « raisonnablement s'attendre » à ce que le risque se présente, ce qui traduit une probabilité de réalisation plus élevée.
[52] Dans le même ordre d'idées, l'agent d'appel Cadieux invoque une norme d'examen élevée au paragraphe 144 de sa décision concernant Parcs Canada, M. Doug Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada (décision no 02-009), rendue le 23 mai 2002. Le paragraphe 144 se lit ainsi :
[144] La présence du mot « éventuel » dans la définition signifie que l'on peut prendre en considération une tâche susceptible d'être exécutée dans le futur pour déclarer qu'il y a « danger » au sens où l'entend le Code. Il y a, cependant, des limites. Pour conclure à l'existence d'un danger au moment de l'enquête, l'agent de santé et de sécurité doit se faire une opinion sur les points suivants, en se fondant sur les faits recueillis au cours de ladite enquête, à savoir :
- que la tâche éventuelle en question sera accomplie4;
- qu'un employé aura à l'exécuter le moment venu;
- que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce :
que la tâche occasionne une blessure ou une maladie chez l'employé appelé à l'exécuter;
que la blessure ou la maladie se produise dès que la tâche aura été entreprise.
4 | La première condition est redondante dans les cas où l'agent de santé et de sécurité a constaté que la tâche était en train de s'accomplir au moment de son enquête. |
[53] Selon moi, les deux décisions dépassent la norme d'examen que l'agent d'appel Cadieux a établie dans sa décision Welbourne, supra.
[54] Pour ma part, je ne peux que suggérer que le critère sur lequel je me suis appuyé dans la décision Schellenberg, supra, montrait une réticence à dévier d'une notion longtemps défendue par la Cour fédérale et ce tribunal, soit que les dispositions du Code en ce qui a trait au droit de refuser de travailler constituent uniquement une mesure d'urgence.
[55] Également d'avis que le droit de refuser de travailler se limite aux cas d'urgence, J. Campion a cité l'affaire Fletcher, supra, dans ses conclusions finales. Les paragraphes 18 et 19 de cette décision se lisent comme suit :
[18] Le mécanisme constitue une occasion particulière donnée aux employés, à un moment déterminé et à un endroit déterminé, de s'assurer que leur travail immédiat ne les exposera pas à une situation dangereuse. C'est la protection à court terme de l'employé qui est en jeu, non une protection hypothétique ou éventuelle.
[19] Le mécanisme est une mesure d'urgence. C'est un outil dont dispose l'employé devant une situation qui pourrait entraîner pour lui une blessure ou une maladie avant que cette situation ne soit corrigée. Voir « Scott c. Montani », 95 di 157, 1994, à la page 7.
[56] Deux décisions récentes de la Cour fédérale témoignent d'efforts importants dans la recherche et l'essai d'exercices d'interprétation et d'application de la définition révisée du danger :
- la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire de Douglas Martin et l'Alliance de la fonction publique du Canada contre le Procureur général du Canada, référence : 2003 CF 1158, dossier : T 950 02, le 6 octobre 2003;
- la décision de la juge Gauthier dans l'affaire de Juan Verville contre le Service correctionnel du Canada, référence : 2004 CF 767, dossier : T 1207 02, le 26 mai 2004.
[57] Dans sa décision, la juge Tremblay-Lamer a confirmé la décision Agence Parcs Canada, supra, qui renvoyait à la décision Welbourne, supra. Elle n'apporte pas de commentaire sur la norme d'examen décrite dans chaque décision, sauf pour préciser que le Code n'indique pas si la blessure ou la maladie doit se produire immédiatement pour que l'on parle de danger. Toutefois, elle écrit que la nouvelle définition du danger rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.
[58] Dans sa décision, qui succède à celle de la juge Tremblay-Lamer et en tient compte, la juge Gauthier indique au paragraphe 36 :
[...] que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que de telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.
[59] À mon avis, l'extrait ci-dessus du paragraphe 36 de la décision de la juge Gauthier corrobore l'évaluation qu'a faite l'agent d'appel Cadieux, dans la décision Welbourne, supra, où la norme d'examen établissant un danger en vertu du Code actuel est modérée en fonction de la probabilité de réalisation. Pour la juge Gauthier, il s'agit là d'une « possibilité raisonnable », qui dépasse la « simple possibilité ».
[60] Je crois en outre que le critère mentionné ci-dessus confirme que le mécanisme du Code permettant aux employés de refuser de travailler ne se limite plus aux situations exceptionnelles ou aux cas d'urgence, ou redéfinit ce qui constitue une situation exceptionnelle ou un cas d'urgence.
[61] Sur ce point, je me permets de noter que le Code a été modifié en 1984 et qu'on a alors enlevé le qualificatif « imminent » de la nouvelle définition donnée à « danger ». Toutefois, dans son premier examen du processus d'appel, le Conseil canadien des relations du travail a interprété la définition révisée de façon à y intégrer encore la notion de « danger imminent ». Aussi, la modification au Code en 2000 constitue le deuxième effort du Parlement pour préciser que le danger n'a pas à être imminent.
[62] Après les décisions des juges Tremblay Lamer et Gauthier, j'ai rendu à mon tour une décision dans l'affaire C. Brazeau, B. Martin, B. Thoms, B. Woods, A. Ozga et P. Gour et TCA-Canada et Securicor Canada Limited (Securicor), décision no 04-049, le 16 décembre 2004. Aux paragraphes 172 et 173 de cette décision, j'insiste sur ce que qui m'apparaît comme la principale conclusion des juges relativement à l'interprétation et à l'application de la définition actuelle du danger dans le Code, à laquelle je souscris d'ailleurs sans réserve. On ne répétera pas le contenu de ces paragraphes ici, mais ma décision s'en inspire.
[63] Pour interpréter et appliquer la définition du danger dans le contexte global du Code et des faits cités dans l'affaire, il est nécessaire de considérer les différentes dispositions du Code. À cet égard, je remarque que l'article 24 établit qu'il est du devoir général de chaque employeur d'assurer la santé et la sécurité de ses employés en milieu de travail. Les articles 125 et 125.1 précisent les normes minimales prescrites, auxquelles, à mon sens, doit satisfaire tout programme de prévention en santé et en sécurité au travail. Les articles 124 et 125.1 ainsi que le paragraphe 125(1) se lisent comme suit :
124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail
125. (1) Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :
a) de veiller à ce que tous les ouvrages et bâtiments permanents et temporaires soient conformes aux normes réglementaires;
[…]
z.19) de consulter le comité local ou le représentant pour la mise en œuvre et le contrôle d'application des programmes élaborés en consultation avec le comité d'orientation.125.1 Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124 et des obligations spécifiques prévues à l'article 125, mais sous réserve des exceptions qui peuvent être prévues par règlement, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :
a) de veiller à ce que les concentrations des substances dangereuses se trouvant dans le lieu de travail soient contrôlées conformément aux normes réglementaires;
[…]
g) de veiller à la tenue, en conformité avec les règlements, de dossiers sur l'exposition des employés à des substances dangereuses et de faire en sorte que chacun d'eux puisse avoir accès aux renseignements le concernant à cet égard.
[64] L'article 122.2 précise en outre – bien qu'il ne figure pas dans la partie obligatoire du Code – que la conformité au Code devrait respecter les priorités suivantes :
122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d'assurer la santé et la sécurité des employés.
[65] Le programme de prévention devrait donc d'abord contenir toutes les mesures raisonnables possibles pour éliminer les risques. S'il est impossible d'éliminer les risques liés à un risque éventuel, à une situation ou à une tâche, la prochaine priorité consisterait à les contrôler afin de protéger les employés. Cette étape obligerait à se conformer à toutes les directives des articles 125 à 125.2 du Code, qui, en ce qui concerne le programme de prévention, va de la protection des machines à l'évaluation des risques, en passant par la formation, entre autres éléments.
[66] Lorsqu'il est en pratique impossible d'éliminer ou de contrôler les risques liés à la santé et à la sécurité, l'article 12.1 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST) indique que toute personne ayant accès au lieu de travail et étant exposée aux risques doit utiliser l'équipement de protection personnel réglementaire. L'article 12.1 se lit comme suit :
Toute personne à qui est permis l'accès au lieu de travail doit utiliser l'équipement de protection réglementaire, visé par la présente partie, dans les cas suivants :
a) lorsqu'il est en pratique impossible d'éliminer ou de maintenir à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la sécurité ou la santé;
b) lorsque l'utilisation de l'équipement de protection peut empêcher une blessure ou en diminuer la gravité.
DORS/94-263, art. 44(F); DORS/95-533, art. 2(F); DORS/2002-208, art. 39.
[67] Considérant les dispositions du Code mentionnées ci-dessus et les conclusions des juges Tremblay-Lamer et Gauthier, j'estime qu'un danger existe lorsque l'employeur n'a pas réussi, dans la mesure où cela était en pratique possible :
- à éliminer le risque, la situation ou la tâche en question;
- à maintenir à un niveau sécuritaire le risque, la situation ou la tâche en question;
- à garantir la protection personnelle des employés face au risque, à la situation ou à la tâche en question;
Il faut alors déterminer :
- les circonstances dans lesquelles le risque, la situation ou la tâche qui demeure est susceptible de causer des blessures à une personne y étant exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée;
- la possibilité raisonnable, et non la simple possibilité, que ces circonstances soient observées dans l'avenir.
[68] Dans ses observations, J. Campion a maintenu que tout danger auquel étaient exposés A. Robitaille et L. Hawkins était normal dans l'exercice de leurs fonctions à titre de préposés aux services à bord, parce qu'ils avaient assuré le service alimentaire dans une voiture-coach LRC remplaçant une voiture-bar VIA 1 pendant plus de vingt ans.
[69] La juge Gauthier a abordé le concept de danger normal dans l'exercice des fonctions au paragraphe 55 de sa décision, et J. Campion a fait référence à ce concept dans ses conclusions finales. Ce paragraphe indique qu'un danger normal dans l'exercice des fonctions inclut un risque correspondant à une caractéristique essentielle, mais, en tout logique, exclut un risque qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. La juge Gauthier écrit au paragraphe 55 de sa décision que :
Le sens ordinaire des mots de l'alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un gardien de sécurité de transporter de l'argent à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?
[70] Dans la présente affaire, J. Campion n'a pas produit d'éléments de preuve établissant comme une caractéristique essentielle, qu'on n'aurait pu éliminer ou contrôler, ou dont on n'aurait pu se protéger, un risque lié aux fonctions d'un préposé aux services, malgré tous les efforts de VIA. Les risques examinés dans l'affaire tiennent plutôt à la façon de procéder. Aussi, je n'accepte pas l'argument de J. Campion selon lequel aucun danger invoqué dans la plainte de A. Robitaille et de L. Hawkins était normal dans l'exercice de leurs fonctions.
[71] En ce qui a trait à la façon de procéder des préposés aux services à bord et des préoccupations particulières de A. Robitaille et de L. Hawkins que soulève l'utilisation de voitures-coachs LRC dans un train de classe VIA 1 en matière de santé et de sécurité, j'en viens aux conclusions suivantes.
[72] A. Robitaille et L. Hawkins se sont plaints de leur exposition à un risque d'ordre ergonomique s'ils avaient à se pencher et à soulever des objets lourds du fond du compartiment à bagages. Cependant, aucun élément de preuve n'a été produit concernant la nature précise des blessures qu'ils risquaient sur le plan ergonomique, la gravité des blessures craintes ou le fait que quelqu'un ait jamais été blessé.
[73] La preuve contraire de B. Casey tenait à ce que les voitures-coachs LRC étaient utilisées dans des trains de classe VIA 1 depuis plus de vingt ans sans qu'on ne rapporte de blessures, et à ce que le poids des contenants d'aliments secs ne dépassait pas 20 livres (environ 10 kg).
[74] Compte tenu des circonstances à ce chapitre, je ne suis pas convaincu que la manipulation d'aliments secs était susceptible de causer des blessures à A. Robitaille et à L. Hawkins avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée, ou que de telles circonstances étaient appelées à se produire au-delà de la simple possibilité.
[75] A. Robitaille et L. Hawkins se sont plaints du risque de recevoir sur la tête le contenu du compartiment à bagages, à côté de la cuisinette, parce qu'aucun filet n'empêchait les objets de tomber du compartiment alors que le train était en mouvement. Dans son témoignage lors de l'audience, L. Hawkins a déclaré qu'il y avait des bagages dans l'ensemble de la voiture, y compris entre les sièges, au moment où il a refusé de travailler.
[76] Dans un témoignage également fiable, B. Casey a déclaré qu'il n'y avait pas de bagages sur les sièges, ce qui a incité T. Blanchard à lui demander si ceux-ci avaient été enlevés.
[77] Si B. Casey n'a pas personnellement enlevé les bagages, je suis persuadé que quelqu'un participant à l'enquête sur les refus de travailler l'a fait. Ce geste singulier qui a consisté à réorganiser et à déplacer les bagages avant le départ du train montre que ceux-ci ne constituaient pas un danger, puisqu'il était possible d'écarter le risque ou de corriger la situation avant que des personnes puissent être blessées ou devenir malades.
[78] En ce qui concerne l'allégation de A. Robitaille et de L. Hawkins selon laquelle les aliments secs pouvaient leur tomber dessus au moment où ils retiraient le filet pour y accéder, l'élément de preuve fourni dans l'affaire ne me convainc pas qu'il s'agit là de plus qu'une simple possibilité. De plus, comme ils étaient conscients du risque, ils pouvaient éviter d'être blessés en faisant preuve de prudence et de soins supplémentaires ou en travaillant ensemble pour s'entraider au besoin. Aussi était-il possible d'écarter le risque ou de corriger la situation avant que A. Robitaille et L. Hawkins puissent être blessés ou devenir malades.
[79] A. Robitaille et L. Hawkins se sont plaints du danger de trébucher ou de se heurter à des chariots de service utilisés pour la distribution d'aliments et de boissons. La preuve soumise par L. Hawkins reposait sur le fait que neuf chariots étaient présents dans le train, mais qu'il n'y avait que trois cavités pour ranger en sécurité ceux dont on ne se servait pas. En revanche, la preuve apportée par B. Casey indiquait que seuls six chariots de service avaient été attribués au train, jamais neuf, et qu'il y avait trois cavités pour ranger les chariots de façon sécuritaire. Il a ajouté que A. Robitaille et L. Hawkins auraient pu se servir des cavités de sécurité des voitures-bars VIA 1 voisines pour ranger les trois autres chariots. Ni T. Blanchard ni A. Robitaille et L. Hawkins n'ont pu prouver que cette solution n'était pas valable. Je dois donc conclure que le stockage des six chariots ne constituait pas un danger, puisqu'il était possible d'écarter le risque ou de corriger la situation avant que A. Robitaille et L. Hawkins puissent être blessés ou devenir malades.
[80] Enfin, en ce qui a trait à l'allégation de A. Robitaille et de L. Hawkins selon laquelle ils risquaient de se brûler au contact de la porte du four ou des aliments chauds en raison de la superficie insuffisante du comptoir dans les voitures LRC pour le transfert des aliments chauds du four aux plateaux, j'estime que cela ne constituait pas un danger.
[81] Selon l'élément de preuve produit, B. Casey a suggéré à A. Robitaille et à L. Hawkins de transférer directement les aliments du four au chariot de service, et non à un plateau puis à un chariot, pour éviter de se brûler. À la place, A. Robitaille et L. Hawkins ont confirmé dans une lettre qu'ils avaient effectué leurs tâches après la décision de l'ASS Cartmill, qui avait conclu que le danger n'existait pas, et qu'ils s'étaient entraidés pour retirer les aliments du four et ainsi éviter de se brûler. La suggestion de B. Casey a surtout servi à montrer qu'il existait un moyen d'atténuer le risque avant qu'il n'entraîne des blessures ou qu'il ne rende malade.
[82] Ayant examiné les risques invoqués par A. Robitaille et L. Hawkins pour motiver leur refus de travailler, je passe maintenant à la preuve soumise par A. Robitaille, indiquant qu'un comité de santé et de sécurité avait été mis sur pied pour étudier ses préoccupations, mais que VIA avait forcé celui-ci à cesser ses activités en raison de contraintes financières, et ce, avant que les questions soient réglées.
[83] G. Legault semble avoir eu plus de succès auprès de VIA, puisque B. Casey a déclaré dans son témoignage que le comité de santé et de sécurité s'était penché sur ses plaintes relativement à l'utilisation de voitures-coachs LRC dans les trains de classe VIA 1 et, le 19 mars 2003, avait formulé les recommandations suivantes à B. LeBlanc :
- Toute voiture-coach LRC intégrée à un train de classe VIA 1 doit être attelée de telle sorte qu'elle soit adjacente à la voiture-bar VIA 1, en tout temps;
- Avant le départ, qu'il soit en disponibilité ou qu'il fasse partie du personnel de la gare, un employé doit entrer dans la voiture-coach de chaque train de classe VIA 1 pour s'assurer que les bagages du groupe sont rangés de façon sécuritaire;
- Dès qu'un four supplémentaire est placé dans une autre voiture-coach, un employé de plus doit être présent pour faciliter le transfert des plats et assurer le rangement sécuritaire des bagages;
- Tous les groupes voyageant avec VIA doivent être informés de la politique sur les bagages et du service qui leur sera offert, et doivent se conformer à cette politique le plus rigoureusement possible.
[84] Le 3 avril 2003, B. LeBlanc a écrit aux co-présidents du comité de santé et de sécurité en milieu de travail pour confirmer l'intention de VIA au sujet des recommandations. À cet égard, aucun élément de preuve n'a été produit au nom de VIA : pour expliquer pourquoi B. LeBlanc n'a pas donné suite à toutes les recommandations du comité de santé et de sécurité en milieu de travail, pourtant nécessaires afin de répondre aux préoccupations de A. Robitaille et de L. Hawkins; pour préciser les mesures qui avaient été prises; pour confirmer la façon dont les changements seraient communiqués aux préposés aux services et aux autres employés de VIA à bord. Il est en outre incompréhensible que la réponse de VIA aux plaintes ait tardé deux ans.
[85] Selon moi, les recommandations du comité de santé et de sécurité et la réponse fournie par VIA ont très clairement confirmé la légitimité des préoccupations de A. Robitaille et de L. Hawkins en matière de santé et de sécurité. Elles n'appuient pas l'assertion de l'ASS Cartmill selon laquelle les risques éventuels allégués par les deux employés dans leur refus de travailler étaient sans fondement. De plus, un risque peut exister même s'il ne pose pas de danger et, en vertu de l'alinéa 125(1)c) du Code, l'employeur est tenu d'examiner les risques soulevés par ses employés, comme l'indique d'ailleurs l'alinéa 126(1)g). Les alinéas 125(1)c) et 126(1)g) se lisent comme suit :
125. (1) Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :
[…]
c) d'enquêter sur tous les accidents, toutes les maladies professionnelles et autres situations comportant des risques dont il a connaissance, de les enregistrer et de les signaler aux autorités désignées par les règlements.126. (1) L'employé au travail est tenu :
[…]
g) de signaler à son employeur tout objet ou toute circonstance qui, dans un lieu de travail, présente un risque pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses compagnons de travail ou des autres personnes à qui l'employeur en permet l'accès.
[86] À ce propos, je note que la réponse fournie par VIA fait abstraction de la préoccupation de A. Robitaille et de G. Legault quant à l'absence de formation ou de directives sur les tâches à accomplir lorsqu'une voiture-coach LRC est substituée à une voiture-bar VIA 1. Compte tenu de l'expérience démontrée et de l'intérêt véritable des employés à l'égard de la santé et de la sécurité, de leur travail et des passagers, il m'apparaît qu'un agent de santé et de sécurité devrait prioritairement enquêter sur la pertinence des mesures prises par VIA pour contrôler les risques cernés par les employés relativement à l'utilisation de voitures-coachs LRC dans les trains de classe VIA 1, et vérifier si les mesures prises ont été communiquées aux employés.
[87] En conclusion, m'appuyant sur les éléments de preuve, la législation et la jurisprudence, je confirme la décision de l'ASS Cartmill, rendue le 4 janvier 2004, selon laquelle A. Robitaille et L. Hawkins ne couraient aucun danger.
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Douglas Malanka
Agent d'appel
Sommaire de la décision de l'agent d'appel
No de la décision : 05-055
Demandeur : A. Robitaille et L. Hawkins
et Travailleurs canadiens de l'automobile
Défendeur : VIA RAIL Canada
Mots clés : danger, voiture-coach LRC, voiture-bar VIA 1, risque d'ordre ergonomique, soulever, bagages, voitures offrant un service alimentaire, cuisinette, cavités d'entreposage, four, aliments chauds, boissons, formation, directives, gestion du temps, mouvement du train.
Disposition : | Code 122.(1), 122.1, 124, 125, 126,128, 129, 146.1. RCSST 12.1 |
Résumé :
Deux préposés aux services de VIA RAIL se sont plaints du fait que l'utilisation d'une voiture-coach LRC dans un train de classe VIA 1 les expose à un danger du fait que la voiture de substitution ne comportait pas les installations appropriées pour le rangement sécuritaire des chariots de service, des provisions en aliments et en boissons et des bagages. Ils se sont aussi plaints du risque de se brûler au contact du four ou des aliments chauds parce que la superficie du comptoir se trouvant dans la cuisinette de la voiture-coach LRC était insuffisante. Après avoir fait enquête, une agente de santé et de sécurité (ASS) a jugé que les deux préposés aux services ne couraient aucun danger.
L'agent d'appel a examiné les éléments de preuve et confirmé la décision de l'ASS. Néanmoins, l'agent d'appel a recommandé la tenue d'une enquête, par un ASS, sur les plaintes des employés visant à mesurer la pertinence des mesures prises par VIA pour répondre à ses préoccupations et communiquer les mesures adoptées aux employés. L'enquête de l'ASS devrait également porter sur les plaintes au sujet de la nécessité d'offrir une formation et des directives pour travailler en sécurité dans une voiture-coach LRC intégrée à un train de classe VIA 1.
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