Archivée - Décision: 06-022 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Carolyn Pollard
et
La Société canadienne des postes, intimée

Décision no 06-022

Le 14 juillet 2006

Le présent appel a été entendu par Douglas Malanka, agent d'appel, à Brampton (Ontario), les 16 février, 20 mars et 25 et 26 avril 2006. Une conférence téléphonique a été tenue également le 4 mai 2006, et des observations écrites ont été reçues des parties les 12, 16 et 24 mai 2006.

Comparutions

Pour l'appelante

Wayne Nash, premier vice‑président, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, et représentant syndical au sein du comité local de santé et de sécurité, Cueillette et livraison, région de l'ouest, Toronto (Ontario)

Jane Marsh, conseillère technique, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes

Carolyn Pollard, factrice rurale et suburbaine, Société canadienne des postes

Kellie Marsh, factrice rurale et suburbaine, Société canadienne des postes

Pour l'intimée

Stephen Bird, avocat

Peter Mac avish, avocat, Société canadienne des postes

Cathy Janveau, Directrice, Opérations, Groupe de transformation, facteurs et factrices ruraux et suburbains

Agent de santé et de sécurité

Ken Manella, Programme du travail, Ressources humaines et Développement social Canada (autrefois Ressources humaines et Développement des compétences Canada) Bureau de district de Toronto, Toronto (Ontario)

[1] Le 22 décembre 2004, Carolyn Pollard, une factrice rurale et suburbaine qui travaillait à Brampton (Ontario), pour la Société canadienne des postes (SCP), a interjeté appel, en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (Code), Partie II, de la décision d'absence de danger rendue par Ken Manella, agent de santé et de sécurité (ASS), le 14 décembre 2004, au terme d'une enquête menée sur son refus de travailler en date du 24 novembre 2004.

[2] Les documents produits par C. Pollard ont permis d'établir la chronologie des événements qui ont précédé son refus de travailler le 24 novembre 2004.

[3] Du mois de septembre 1998 au mois de janvier 2004, C. Pollard s'est acquittée des tâches d'une factrice rurale et suburbaine pour la SCP à titre contractuel. Le 1er janvier 2004, la SCP l'a nommée au même poste pour une durée indéterminée et lui a attribué le même itinéraire. Au moment de cette nomination, la SCP a demandé à C. Pollard de prendre connaissance d'un Feuillet d'information sur l'itinéraire,aux termes duquel elle était tenue d'utiliser une fourgonnette offrant une spaciosité d'au moins 100 pieds cubes.

[4] En juin 2004, après que C. Pollard eut occupé son emploi pendant six mois environ (et six mois avant son refus de travailler), M. Traversy, vice‑présidente, Transformation des opérations, SCP, lui a écrit pour l'informer notamment que la SCP ne permettait plus aux facteurs et aux factrices de se déplacer sur l'accotement gauche[1] de la chaussée pour livrer[2] le courrier aux boîtes aux lettres rurales (BLR), au motif que cela contrevenait au code de la route. M. Traversy a assuré à C. Pollard que son itinéraire avait été structuré[3] de manière qu'elle puisse livrer le courrier du côté droit de la chaussée.

[5] Il s'en est suivi, au cours des quelques mois qui ont suivi, une correspondance entre C. Pollard et M. Traversy et entre C. Pollard et L. VanderPloeg, son superviseur de Brampton. Essentiellement, C. Pollard a fait valoir que son itinéraire n'avait pas été structuré par la SCP de manière qu'elle puisse effectuer la livraison sur l'accotement droit de la chaussée, par la fenêtre avant du côté du passager. Elle a affirmé également qu'il était impossible de livrer le courrier de cette manière, car une distance de six à huit pieds séparait le siège du conducteur des BLR. Elle a fait valoir que cette distance était accrue en hiver, lorsque la neige était poussée contre les BLR par les chasse‑neige.

[6] C. Pollard a dit s'inquiéter du fait également qu'elle ne pouvait dégager complètement la voie de circulation lorsqu'elle s'immobilisait devant certaines BLR, où l'accotement était trop étroit, voire même inexistant, en raison de la présence d'une bordure. Elle a fait remarquer que la circulation routière était alors entravée, ce qui rehaussait le risque d'incidents de rage au volant.

[7] Le 17 août 2004, M. Traversy a écrit à C. Pollard pour répondre que la SCP avait demandé aux usagers de déplacer leurs BLR et qu'elle avait restructuré son itinéraire de manière qu'elle puisse livrer le courrier à partir de l'accotement de droite, par la fenêtre avant du côté du passager de son véhicule.

[8] M. Traversy a dit croire également que C. Pollard serait en mesure de s'acquitter de sa tâche sans entraver la circulation parce que son itinéraire avait fait l'objet d'une première inspection dans le cadre de l'inspection annuelle des itinéraires des FFRS, puis d'une seconde inspection au mois de juin 2004, à la suite de la plainte qu'elle avait portée. Elle a demandé à C. Pollard de faire part de tout obstacle aux BLR à son superviseur, qui ferait le nécessaire pour régler la situation.

[9] En ce qui concerne la plainte de C. Pollard suivant laquelle la distance entre le siège du conducteur et les BLR était trop grande, M. Traversy a répondu que les FFRS avaient le choix d'acheter des véhicules étroits ou des véhicules dotés de bancs. Elle a fait remarquer également que de nombreux FFRS utilisent un bâton ou dispositif qui leur permet de soulever ou d'abaisser le fanion qui se trouve sur la boîte aux lettres.

[10] Le 6 septembre 2004, C. Pollard a fait parvenir à Développement des ressources humaines Canada, Programme du travail, une lettre dans laquelle elle a demandé une intervention immédiate, faisant valoir que la SCP ne se préoccupait pas de ses craintes en matière de santé et de sécurité. Elle a remis au ministère une copie de toute la correspondance pertinente. Dans la réponse qu'il a fait parvenir à C. Pollard, M. Manella, l'ASS, lui a suggéré de donner avis à la SCP en conformité avec l'article 127.1 du Code, Partie II, Processus de règlement interne des plaintes. Il lui a recommandé de tenter de régler ses problèmes de santé et de sécurité à l'interne.

[11] C. Pollard a écrit de nouveau à M. Manella le 6 octobre 2004 pour confirmer qu'elle avait donné avis à L. VanderPloeg, ainsi qu'il l'avait recommandé. Elle s'est plainte du fait que L. VanderPloeg avait répondu qu'elle devrait elle‑même acquitter le coût de l'embauche d'une personne qui serait chargée de l'aider.

[12] M. Manella a pris des dispositions pour rencontrer les parties en vue de régler la situation. Cependant, avant la tenue d'une telle rencontre, la SCP a informé C. Pollard, le 24 novembre 2004, que son itinéraire avait été modifié de manière qu'elle n'ait plus à effectuer la livraison à partir de l'accotement gauche de la chaussée. La SCP a indiqué à C. Pollard qu'elle devrait à l'avenir effectuer la livraison de tout le courrier du côté droit de la chaussée, par la fenêtre avant du côté du passager de son véhicule. C. Pollard a immédiatement refusé de travailler.

[13] M. Manella, l'ASS, a entrepris son enquête sur le refus de travailler de C. Pollard le 25 novembre 2004 et a publié son Rapport d'enquête et décision le 14 décembre 2004. Je retiens ceci de son rapport et du témoignage qu'il a donné à l'audience, tenue le 16 février 2006.

[14] M. Manella a rencontré C. Pollard le 25 novembre 2004, en la présence de 14 autres participants représentant l'employeur et l'employée. Parmi ces participants, il y avait des représentants de la direction de la SCP, des représentants du STTP et des membres du comité local de santé et de sécurité. Les représentants syndicaux ont souscrit à l'opinion de C. Pollard selon laquelle la livraison du courrier par la fenêtre avant du côté du passager engendrait des problèmes ergonomiques de santé et de sécurité. Ils ont dit partager aussi son avis selon lequel des problèmes de santé et de sécurité liés à la circulation naissaient du fait qu'à certains endroits, il était impossible de dégager la chaussée complètement en raison d'un accotement trop étroit. Ils se sont mis d'accord pour dire en outre que les deux problèmes étaient pires en hiver en raison des bancs de neige.

[15] Lors de cette rencontre, C. Pollard a rempli la présente déclaration de refus de travailler :

[traduction] Le principal problème en matière de sécurité tient au fait qu'il m'est absolument impossible, en étant assise sur le siège du conducteur, de livrer par la fenêtre les dépliants publicitaires, les colis et le courrier placé dans un plateau, d'ouvrir la porte de la boîte aux lettre, d'y déposer le courrier et de soulever le fanion. Je ne parviens même pas à m'extirper de derrière le volant pour passer par‑dessus le courrier. En outre, je m'expose à un risque si je détache ma ceinture de sécurité. J'effectue la livraison à 740 résidences en une journée. J'aurais mal, alors imaginez tous les jours. De plus, il est difficile de passer le courrier par la fenêtre lorsqu'il est trempé en raison du transfert de l'arrière vers l'avant et, en hiver, il est impossible de s'approcher des boîtes. [sic]

[16] M. Manella a confirmé que l'itinéraire de C. Pollard consistait en 743 points de service environ, soit à peu près 700 BLR, une série de boîtes postales multiples et trois boîtes postales communautaires. Pour effectuer son travail, elle a acheté une fourgonnette qui satisfaisait aux spécifications de la SCP au chapitre de la spaciosité.

[17] C. Pollard a dit à M. Manella que la SCP ne lui avait offert aucune formation sur la manière de livrer le courrier à partir de l'accotement de droite, par la fenêtre avant du côté du passager.

[18] Les représentants de la direction de la SCP ont fait valoir que leurs procédures opérationnelles étaient sécuritaires et que la livraison du courrier sur le côté droit de la chaussée ne constituait pas un danger.

[19] La SCP a dit à M. Manella également que l'employeur n'était pas tenu de fournir, à ses frais, aux FFRS, les services d'une aide ou un véhicule doté de la conduite à droite. Les représentants de l'employeur ont fait valoir qu'il était loisible aux FFRS d'acheter un véhicule muni d'un banc plutôt que de sièges baquets ou individuels, de manière à faciliter leur accès aux BLR.

[20] Le 3 décembre 2004, M. Manella a accompagné Wayne Pike, surveillant des facteurs et factrices, aux fins d'examiner le travail des FFRS et l'itinéraire de C. Pollard. M. Manella a invité Wayne Nash, 1er vice‑président du syndicat et représentant des employés au sein du comité local de santé et de sécurité, à participer à son enquête. Ce dernier ne pouvant se libérer, M. Manella a décidé d'aller de l'avant en son absence.

[21] Aux fins de sa démonstration, M. Pike a suivi deux FFRS qui effectuaient la livraison du courrier ensemble dans la région de Brampton, l'un en tant que conducteur et, l'autre, en tant qu'aide. Il a ensuite amené M. Manella voir une portion de l'itinéraire de C. Pollard et démontré la manière dont on s'y prend pour livrer le courrier par la fenêtre avant du côté du passager. Aux fins de cette démonstration, cependant, il n'a pas utilisé de courrier comme tel. M. Manella a par la suite indiqué dans son rapport d'enquête que chaque route, chaque itinéraire, chaque accotement et chaque point de livraison était différent. Il en est arrivé à la conclusion qu'il était difficile de comparer deux points de livraison.

[22] Au cours de son enquête, M. Manella a déterminé que la SCP n'avait aucune procédure de sécurité professionnelle exigeant l'utilisation d'une signalisation ou de feux d'avertissement sur les véhicules personnels des FFRS immobilisés sur l'accotement ou concernant la livraison du courrier du côté droit de la chaussée par un facteur ou une factrice travaillant seul. La SCP a remis une copie du Guide d'entretien des itinéraires donnés à contrat, juin 2000 à l'ASS, qui a cependant déterminé que le document en question ne réglait pas de manière satisfaisante les questions telles l'analyse des risques au travail, les procédures de sécurité professionnelle ou la formation du personnel. Il a fait remarquer également qu'il semblait destiné au personnel de la direction.

[23] Au terme de son enquête, M. Manella a déterminé qu'il n'existait aucun danger pour C. Pollard. Il a informé cette dernière et la SCP de sa décision le 14 décembre 2004. À cet égard, M. Manella a précisé à l'audience qu'il avait conclu que le refus de C. Pollard de travailler se rapportait uniquement aux risques ergonomiques liés à la livraison du courrier par la fenêtre avant du côté du passager. Il n'avait donc pas pris en considération, relativement à son refus de travailler, les problèmes de sécurité liés à la circulation attribuables au fait que, dans certains cas, C. Pollard ne pouvait dégager complètement la chaussée.

[24] Malgré sa décision d'absence de danger, l'ASS a formulé une instruction à l'intention de la SCP le 14 décembre 2004, en vertu du paragraphe 145(1) du Code. Aux termes de cette instruction, la SCP devait effectuer une évaluation des risques associés au travail de tous les FFRS travaillant seuls sous la supervision de la succursale postale du chemin Hale, à Brampton. L'évaluation des risques devait permettre de déterminer l'existence, le cas échéant, des risques connus ou prévisibles pour la santé et la sécurité auxquels la livraison du courrier risquait d'exposer un employé. L'évaluation devait servir également à mettre au point des procédures écrites de sécurité professionnelle et à informer les employés visés des procédures en question.

[25] C. Pollard a témoigné et déposé des documents à l'audience. Je retiens ce qui suit des documents en question et de son témoignage.

[26] C. Pollard a confirmé qu'il lui fallait habituellement entre six et huit heures pour effectuer le tri de son courrier et approximativement quatre heures pour en effectuer la livraison. Elle a dit croire que son itinéraire couvrait une distance de 150 kilomètres environ.

[27] Pour expliquer la manière dont le courrier à livrer était disposé dans sa fourgonnette, C. Pollard a précisé qu'il consistait habituellement en des lettres, des colis et des dépliants publicitaires. Le courrier trié était placé dans des plateaux de plastique mesurant environ 36 x 18 x 8 à 10 pouces. C. Pollard déposait l'un de ces plateaux sur le siège du passager et le reste, à l'arrière. Les colis étaient eux aussi placés à l'arrière et les dépliants publicitaires, au milieu, entre le siège du conducteur et celui du passager. Lorsque le plateau de courrier placé sur le siège du passager était vide, elle sortait de son véhicule pour changer de plateau. Elle devait sortir de son véhicule également pour livrer les colis qui, en raison de leur taille, ne pouvaient être laissés dans les boîtes aux lettres.

[28] C. Pollard a déclaré dans son témoignage que la limite de vitesse affichée sur les diverses routes relevant de son itinéraire variait de 40 à 80 kilomètres l'heure. La circulation routière s'était accrue depuis qu'elle avait commencé à livrer le courrier.

[29] C. Pollard a tenté de livrer le courrier du côté droit de la chaussée, par la fenêtre du passager, après que M. Traversy lui eut dit pour la première fois que les FFRS n'étaient plus autorisés à emprunter l'accotement de gauche pour livrer le courrier. Elle a donc dû à cette fin effectuer un mouvement de torsion, ce qui lui a causé des blessures au dos et des bleus à la jambe. Elle a fait valoir également qu'elle risquait d'être blessée gravement ou mortellement si son véhicule était frappé par l'arrière au moment où elle était immobilisée devant une BLR et penchée sur le siège du passager avant sans être munie de sa ceinture de sécurité.

[30] C. Pollard a confirmé également qu'elle avait obtenu une note de son médecin après que la SCP l'eut informée pour la première fois qu'elle devait maintenant effectuer la livraison du courrier à partir de l'accotement de droite, par la fenêtre du passager. Si la note fait état d'un mal de dos permanent, C. Pollard a précisé dans son témoignage qu'elle souffre d'arthrite au dos et que son médecin a confirmé que le mouvement de torsion lié à la livraison du courrier par la fenêtre avant du côté du passager de son véhicule avait aggravé ce problème. La note du médecin est libellée dans les termes suivants :

[traduction] La patiente, qui souffre de problèmes permanents au dos, ne sera pas en mesure de s'acquitter de son travail en raison du mouvement de torsion qu'elle doit effectuer pour livrer le courrier du côté du passager, dans un véhicule doté de la conduite à gauche.

[31] C. Pollard a confirmé que la SCP ne lui avait offert aucune directive ni aucune formation sur la manière dont elle devait livrer le courrier du côté du passager. À titre d'exemple, la SCP ne lui a donné aucune directive sur l'endroit où elle devait placer les plateaux de courrier ou sur la manière dont elle pouvait franchir la distance qui séparait les BLR et le siège du conducteur. Elle a, à une occasion, tenté d'utiliser un dispositif lui permettant d'atteindre les BLR, mais celui‑ci n'a fait qu'ajouter à la difficulté de livrer le courrier et ne l'a pas aidé à cueillir le courrier dans les boîtes aux lettres. C. Pollard a noté que M. Manella ne l'avait pas lui‑même observée en train de livrer le courrier lorsqu'il avait fait enquête sur son refus de travailler.

[32] C. Pollard a déposé un document daté du 19 septembre 2005, dans lequel se trouvait une liste de 90 adresses faisant partie de son itinéraire, où, alléguait‑elle, la livraison du courrier était dangereuse. À toutes ces adresses, sauf cinq, a‑t‑elle soutenu, l'accotement devant les BLR était trop étroit pour lui permettre de dégager complètement la chaussée. Le danger associé aux cinq autres arrêts tenait au fait que la neige était entassée sur l'accotement en hiver. Cette liste a été remise à la direction. À sa connaissance, personne n'y a donné suite, ni semblé faire quoi que ce soit, et elle ignore si la SCP a examiné le l'emplacement des BLR en question avec deux représentants du STTP, ainsi qu'il a été allégué à l'audience.

[33] K. Marsh a déclaré dans son témoignage qu'elle travaille pour la SCP depuis trois ans. Au cours de cette période, elle a travaillé à titre de factrice rurale et suburbaine de remplacement pendant approximativement trois mois et a effectué l'itinéraire de livraison de courrier de C. Pollard. Elle en connaît donc bien les arrêts.

[34] K. Marsh a admis que l'accotement devant certaines BLR relevant de l'itinéraire de C. Pollard était trop étroit et que les véhicules y circulaient à une vitesse variant de 60 à 80 kilomètres l'heure. Elle s'est plainte elle aussi à son superviseur de l'absence d'accotements assez larges pour lui permettre de dégager complètement la chaussée dans le but de s'immobiliser devant les BLR, et elle a dit ignorer si la SCP avait pris des mesures à cet égard.

[35] K. Marsh a éprouvé des difficultés à livrer le courrier de la fenêtre avant, du côté du passager. Le mouvement d'étirement qu'elle devait faire pour atteindre les boîtes aux lettres créait beaucoup de tension sur son dos et son épaule, et cette situation empirait si les boîtes aux lettres étaient penchées vers l'arrière ou trop élevées.

[36] K. Marsh a rappelé qu'elle avait déposé un rapport faisant état de blessures et qu'elle avait refusé de continuer à livrer le courrier rural par la fenêtre, du côté du passager. Elle l'a fait en raison des risques ergonomiques et liés à sa sécurité, et en raison de la possibilité de se faire frapper par un autre véhicule. La SCP lui a fourni les services d'un assistant rémunéré pour la durée de son emploi. Elle a ajouté qu'elle avait essayé d'utiliser un dispositif conçu pour atteindre les boîtes aux lettres, mais que celui‑ci était difficile à manipuler et qu'il ne l'aidait en rien pour les colis.

[37] Une vidéo tournée par le STTP le 9 décembre 2004 a été produite en preuve à l'audience. Bien qu'elle porte sur l'itinéraire de C. Pollard, il a été confirmé que cette dernière n'avait pas été consultée sur sa production. Mme Pollard a confirmé cependant que les BLR montrées dans la vidéo relevaient de son itinéraire. Je retiens ce qui suit de cette vidéo :

· Les accotements n'étaient pas suffisamment larges à plusieurs endroits et devant de nombreuses BLR relevant de l'itinéraire de C. Pollard. Dans certains cas, il n'y avait pas d'accotement en raison de la présence de bordures.

· Les accotements au bas des collines et dans les courbes n'étaient pas suffisamment larges non plus.

· La circulation d'automobiles et de camions lourds était dense à plusieurs endroits où elle devait s'arrêter, le long de son itinéraire.

· On a vu à plusieurs reprises des véhicules changer de voie pour éviter une collision avec le véhicule de livraison immobilisé devant des BLR de l'itinéraire de C. Pollard.

· À une occasion au moins, un conducteur a klaxonné au moment de changer de voie pour éviter d'entrer en collision avec la fourgonnette de livraison du courrier qui s'était immobilisée à un arrêt.

· Les limites de vitesse affichées variaient, sur les différentes routes, entre 50 et 80 kilomètres l'heure.

· Plusieurs BLR étaient penchées vers l'arrière.

· La taille, la forme, l'emplacement et l'état des BLR variaient.

[38] Cathy Janveau, directrice, Opérations, Groupe de transformation, SCP, a témoigné à l'audience. Je retiens ce qui suit de son témoignage.

[39] C. Janveau occupe son poste actuel depuis 2003. En sa qualité de directrice des opérations, elle a pour tâche d'élaborer des politiques opérationnelles destinées aux FFRS et de les communiquer aux bureaux de poste locaux, régionaux et nationaux partout au Canada. Elle doit également offrir des conseils aux gestionnaires locaux des FFRS sur les activités quotidiennes sur le terrain.

[40] C. Janveau a déclaré que les activités touchant les FFRS étaient couvertes par une gamme de manuels de la SCP, notamment le Manuel de référence sur la livraison, novembre 2000, qui, entre autres choses, traite de l'organisation des itinéraires, offre un aperçu des produits et aborde les problèmes de sécurité et de livraison.

[41] Cette même gamme de manuels comprend également le Guide d'entretien des itinéraires donnés à contrat, juin 2000, remis aux superviseurs, aux surintendants et aux maîtres de poste des bureaux de poste locaux. Ce manuel traite des points de remise des itinéraires, des inspections annuelles des itinéraires, des boîtes aux lettres dangereuses et d'autres questions.

[42] À cet égard, j'ai remarqué que le Guide d'entretien des itinéraires donnés à contrat, juin 2000, confirme à la page 17 que la SCP juge qu'une BLR est dangereuse dans les cas où l'accotement est trop étroit pour permettre la livraison du courrier. La disposition est libellée dans les termes suivants :

[traduction]

Directives relatives aux boîtes aux lettres rurales (BLR) et aux boîtes aux lettres multiples (BLM) dangereuses

L'inspecteur devrait se fonder sur les directives suivantes pour déterminer si une BLR ou une BLM est dangereuse :

· L'accotement n'est pas suffisamment large pour permettre à l'employé qui effectue la livraison ou les clients de dégager complètement la chaussée;

[43] C. Janveau a admis que la vidéo préparée par le SSTP montrait que certains des arrêts prévus dans l'itinéraire de C. Pollard étaient dangereux, l'accotement n'étant pas suffisamment large devant certaines des BLR, de sorte qu'il y avait entrave à la circulation automobile. Elle a confirmé la politique de la SCP selon laquelle les itinéraires des FFRS doivent faire l'objet d'une inspection annuelle, et les difficultés relevées à l'égard des BLR doivent être corrigées par les superviseurs, les surintendants et les maîtres de poste locaux. En revanche, C Janveau n'a pas été en mesure d'expliquer la raison pour laquelle le problème lié aux BLR penchées vers l'arrière et aux accotements trop étroits devant certaines BLR sur l'itinéraire de C. Pollard n'avait pas été corrigé au cours des deux ou trois années depuis qu'elle avait exercé son droit de refuser de travailler.

[44] C. Janveau a témoigné également que la formation des FFRS était laissée à la discrétion des superviseurs, surintendants et maîtres de poste locaux. Elle ignorait si la SCP tenait un registre central de la formation dans lequel elle consignait la formation suivie par les employés.

[45] C. Janveau a confirmé que, le 2 mars 2000, G. Stephenson, directeur, Groupe régional des achats et des services de contrat de transport, région du centre, a écrit aux FFRS qui travaillaient aux termes d'un contrat dans sa région pour leur rappeler que le code de la route provincial interdisait à quiconque de conduire sur le mauvais côté ou le côté gauche de la chaussée pour effectuer des livraisons. Toutefois, elle a confirmé que M. Traversy ne l'avait rappelé à C. Pollard qu'en 2004.

[46] Pour démontrer que la SCP agissait de manière proactive à l'égard des questions de santé et de sécurité, C. Janveau a renvoyé à une étude sur la circulation menée en janvier 2006 par le Conseil national de recherches (CNR) pour le compte de la SCP. L'étude abordait la question de la sécurité de certains FFRS qui n'étaient pas visibles lorsqu'ils livraient le courrier. À la suite de cette étude, soit le 10 avril 2006, la SCP a conclu avec le STTP un protocole d'entente (PE) aux termes duquel elle s'est engagée à fournir aux FFRS une signalisation, des feux de secours et des bandes réflectrices pour leurs véhicules. C. Janveau a ajouté que la SCP avait fait participer ses employés à l'étude du CNR en leur soumettant la version préliminaire du rapport final. Au moment de témoigner, l'étude en était, croyait‑elle, au niveau du comité national d'orientation en matière de santé et de sécurité.

[47] C. Janveau a renvoyé également à un rapport intitulé Étude des risques ergonomiques liés au travail de livraison des FFRS, daté du 10 avril 2006, qui fait état d'un examen de la livraison du courrier aux boîtes aux lettres rurales et suburbaines, du point de vue ergonomique. Mme Janveau est l'une des deux personnes qui ont participé à cette étude et dont le rôle consistait à livrer le courrier à approximativement 45 BLR pour chaque scénario, sur une période de deux jours.

[48] C. Janveau a confirmé que les accotements étaient trop étroits devant certaines des BLR visées par l'étude ergonomique, mais qu'il n'en avait pas été tenu compte.

[49] L'objet de l'étude était d'examiner la sécurité ergonomique des FFRS qui effectuaient, dans leur véhicule, la livraison du courrier aux BLR, en fonction de trois techniques différentes, à savoir :

· La livraison à partir du siège du passager dans trois véhicules (berline Ford Taurus, camion GMC et fourgonnette Venture), avec diverses options comme des bancs, des sièges baquets et des consoles au centre.

· La livraison du courrier du côté du conducteur, au moyen d'un dispositif que l'on fait passer par la fenêtre avant, du côté du passager.

· La livraison par la fenêtre du côté du conducteur au moyen d'un véhicule doté d'une conduite à droite.

[50] Deux séances de cueillette de données ont été tenues à l'extérieur, dans des conditions hivernales. Elles représentaient les pires scénarios sur le plan des conditions météorologiques, puisque des bancs de neige limitaient souvent la distance dont les participants pouvaient se rapprocher des boîtes aux lettres rurales.

[51] Le rapport indique que les itinéraires des FFRS étaient structurés différemment selon le nombre total de BLR comprises dans un itinéraire et le nombre de BLR visitées à l'heure. Il confirme que cela modifie l'exposition des FFRS à un facteur de risque ergonomique inhérent à la livraison aux BLR. En relation avec cette exposition, le rapport confirme également que peu d'usagers se conforment aux modalités de conception et d'installation des BLR élaborées par la SCP. En effet, la hauteur totale des BLR, la hauteur des ouvertures et le type d'ouverture, la largeur et la profondeur des BLR variaient, de même que la distance entre les BLR et la route.

[52] Le rapport indique ce qui suit en ce qui concerne la livraison du courrier par les FFRS à partir du siège du conducteur, par la fenêtre du passager, qui les force à s'étirer pour se déplacer du côté du passager :

· Les problèmes ergonomiques empirent sans égard à la méthode de livraison utilisée à mesure que le nombre de BLR à heure augmente.

· Les résultats des tests indiquent que la livraison du courrier dans les camions ou les fourgonnettes mises à l'épreuve ne crée pas de risque immédiat de blessure, mais que ce risque existe à long terme lorsqu'il y a plus de 37 à 40 BLR à l'heure.

· La livraison à partir du siège du conducteur d'une automobile dotée de sièges baquets et d'une console au centre pose un risque inacceptable au chapitre de la sécurité ergonomique.

[53] Le rapport recommande la prise des mesures suivantes dans le but de réduire l'exposition aux facteurs de risques ergonomiques :

· À court terme, la SCP devrait mettre en place des pratiques ergonomiques exemplaires en ce qui concerne le déplacement jusqu'à l'autre extrémité du siège, la manipulation des plateaux de lettres et le mouvement visant à atteindre les BLR. La SCP devrait déterminer que toute situation où un FFRS ne peut s'immobiliser à moins de 25 pouces de la BLR constitue un obstacle à la livraison du courrier. En outre, la SCP devrait informer les FFRS des caractéristiques du véhicule qui sont avantageuses du point de vue ergonomique.

· À long terme, la SCP devrait étudier des modes de livraison de rechange qui ne forcent pas les FFRS à se glisser sur le siège de leur véhicule jusqu'à l'autre extrémité.

[54] L'étude a permis de déterminer également que les FFRS ne devraient pas utiliser de dispositif pour effectuer la livraison à partir du siège du conducteur, par la fenêtre du passager, parce que l'utilisation d'un tel outil a accru les risques ergonomiques et a rendu la livraison du courrier difficile, voire impossible.

[55] Enfin, l'étude a indiqué que la livraison du courrier du côté du conducteur, par la fenêtre d'un véhicule spécial doté de la conduite à droite, ne crée aucun risque immédiat de blessure, mais qu'à long terme, ce risque existe lorsqu'il y a plus de 50 BLR à l'heure.

[56] Dans ses conclusions finales, Wayne Nash a fait valoir que je devrais conclure à l'existence d'un danger pour C. Pollard en raison des risques ergonomiques et des risques liés à la circulation qui existaient dans les cas où l'accotement était trop étroit pour permettre aux FFRS de dégager la chaussée pour se ranger devant les BLR.

[57] En ce qui concerne les risques ergonomiques associés à la livraison du courrier par les FFRS dans leur véhicule, par la fenêtre avant du côté du passager, W. Nash a souligné que C. Pollard n'avait obtenu aucune formation sur cette méthode. Il a répété que l'itinéraire de C. Pollard consistait en 700 arrêts et qu'elle travaillait cinq jours par semaine. Il a noté également qu'elle s'était blessée au dos et qu'elle s'était fait des bleus à la jambe lorsqu'elle avait essayé de livrer le courrier de cette manière. Il m'a rappelé que K. Marsh avait parcouru l'itinéraire de C. Pollard et témoigné que la livraison du courrier par la fenêtre avant du côté du passager lui avait causé des problèmes au dos. Enfin. W. Nash a déterminé que l'étude ergonomique menée par la SCP n'était d'aucune aide, car elle n'avait porté que sur 45 BLR.

[58] En ce qui concerne les risques liés à la circulation qui découlent de la livraison du courrier par les FFRS en automobile, W. Nash a répété que les FFRS ne pouvaient pas toujours dégager complètement la chaussée en raison d'accotements étroits. Il a souligné que les limites de vitesse affichées le long de certaines des routes parcourues dans le cadre de l'itinéraire de C. Pollard pouvaient atteindre 80 kilomètres l'heure et qu'il pouvait arriver que certains véhicules dépassent cette limite. Il a noté que K. Marsh partageait les inquiétudes de C. Pollard et se sentait en danger lorsqu'elle devait détacher sa ceinture de sécurité sans être en mesure de voir la circulation qui venait derrière elle. Il a ajouté que K. Marsh avait reconnu également que le risque était accru si les FFRS étaient frappés de l'arrière par un autre véhicule pendant qu'ils effectuaient un arrêt à une BLR et qu'ils s'étiraient pour livrer le courrier par la fenêtre du passager.

[59] Le 18 mai 2006, W. Nash a répondu aux décisions[4] que j'avais portées à l'attention des parties pour commentaires à la suite des audiences. Il a répété que les faits permettent de conclure à l'existence d'un danger en ce qui concerne les risques ergonomiques et liés à la circulation éventuels qui découlent du travail, et que ces risques étaient susceptibles de causer des blessures à C. Pollard avant que la situation ne soit corrigée. Il a répété que l'itinéraire de livraison de courrier rural de C. Pollard comprenait au moins 700 arrêts et qu'il lui était impossible de dégager complètement la chaussée à certains arrêts où l'accotement était trop étroit.

[60] Dans ses conclusions finales, Stephen Bird, avocat pour Poste Canada, a fait valoir que j'outrepasserais ma compétence si je traitais, dans ma décision, des dangers liés à la circulation automobile découlant de la livraison effectuée par les FFRS en automobile. Il a expliqué que le refus de travailler de C. Pollard se rapportait à des craintes de nature ergonomique et que cette dernière n'avait pas soulevé la question de la circulation auprès de M. Manella, l'ASS, lorsque ce dernier avait fait enquête sur son refus de travailler.

[61] À l'appui de son argument selon lequel les inquiétudes de nature ergonomique de C. Pollard ne constituaient pas un danger, S. Bird m'a reporté aux décisions suivantes :

· Service correctionnel du Canada, Établissement de Drumheller et M. Larry de Wolfe[5];

· Darren Welbourne et Chemin de fer Canadien Pacifque[6];

· Juan Verville et Service Correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[7];

· Leah Walton, Shepody Healing Centre et Service correctionnel du Canada[8];

· United Electrical, Radio and Machine Workers of Canada Re Ontario Ministry of Labour Occupational Health and Safety Division[9];

· Brunet c. Conseil canadien des relations du travail[10];

· Chemins de fer nationaux du Canada et Tetley[11];

· Johnson c. Chemins de fer nationaux du Canada[12];

· Francois Lalonde c. Société canadienne des postes.[13];

· Nella Spadafora c.Lignes aériennes Canadien international Ltée[14];

· Michelle Dawson et Société canadienne des postes[15].

[62] S. Bird m'a d'abord reporté à la décision rendue dans l'affaire Service correctionnel du Canada, Établissement de Drumheller et M. Larry de Wolfe[16]. Il a fait valoir que les faits dans l'affaire n'étaient pas suffisamment convaincants pour m'amener à conclure à l'existence d'un danger si j'appliquais les critères énoncés au paragraphe 41 de la décision. Sur ce fondement, je devrais confirmer la décision rendue par M. Manella, l'ASS, suivant laquelle il n'existait aucun danger pour C. Pollard. Le paragraphe 41 de la décision est reproduit ci‑après :

[41] Pour décider s'il y a un danger, l'agent de santé et de sécurité doit prendre en compte tous les aspects de la définition du mot danger et, à l'achèvement de son enquête, décider si les faits invoqués dans cette affaire permettent de conclure à un danger au sens où l'entend le Code. Pour cela, il ne doit se fonder que sur des faits convaincants, étant donné que le droit de refus et les dispositions prises dans le Code en matière de danger sont considérés comme des mesures exceptionnelles. Pour qu'un agent de santé et de sécurité puisse conclure qu'une situation ou un risque éventuel constituait, au moment de son enquête, un danger au sens où l'entend le Code, comme dans la présente affaire, les faits invoqués doivent permettre d'établir :

· que ce risque ou cette situation se présentera;

· qu'un employé y sera alors exposé;

· que l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que ce risque ou cette situation lui cause une blessure ou une maladie;

· que la blessure ou la maladie surviendra immédiatement après l'exposition à ce risque ou à cette situation.

[63] À cet égard, S. Bird a renvoyé également à la décision rendue dans l'affaire Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[17], où la juge Gauthier s'est reportée à la décision rendue par l'agent d'appel Cadieux dans l'affaire Agence Parcs Canada et M. Doug Martin et l'Alliance de la Fonction publique du Canada[18], qui essentiellement énonçait les mêmes critères.

[64] S. Bird m'a reporté au paragraphe 16 de la décision rendue dans l'affaire United Electrical, Radio and Machine Workers of Canada[19], où l'arbitre de grief a déterminé que l'objectif de la loi ontarienne sur la santé et la sécurité consistait à protéger le travailleur ordinaire et non le travailleur qui a des besoins particuliers qui découlent de son propre état physique. S. Bird a indiqué que la SCP pouvait avoir été tenue à une obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de C. Pollard, qui avait un problème au dos, mais que sa plainte ne constituait pas un danger parce qu'elle se rapportait à son état physique.

[65] S. Bird m'a reporté également au paragraphe 24 de la décision que j'ai rendue dans l'affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Tetley[20], où j'ai déterminé que l'employé aurait pu rajuster sa position de manière à atténuer les risques ergonomiques. S. Bird a fait valoir qu'il n'existait aucun danger pour C. Pollard parce qu'elle aussi aurait pu rajuster sa position de manière à atténuer les risques ergonomiques. À cet égard, il a répété qu'il n'existait aucun danger pour C. Pollard parce qu'elle contrôlait son environnement et décidait elle‑même de la manière de placer son corps ou du mouvement à exécuter pour effectuer la livraison. Il a ajouté qu'elle déterminait également le type de véhicule de même que les options qu'elle utilisait pour effectuer la livraison sur son itinéraire.

[66] S. Bird m'a ensuite reporté à la décision rendue dans l'affaire Leah Walton, Shepody Healing Centre et Service correctionnel du Canada[21], où M. McDermott, l'agent d'appel, avait accepté le retrait de l'appel de l'employé et fermé le dossier. Il a fait valoir que je devrais fermer le dossier dans la présente affaire sans rendre de décision sur la question du danger parce que C. Pollard avait elle aussi signé une entente de règlement avec son employeur et accepté de retirer son appel.

[67] S. Bird a par la suite répondu aux décisions que j'avais portées à l'attention des parties pour commentaires au terme des audiences. Il a fait valoir qu'elles m'offraient deux options aux fins de conclure à l'existence d'un danger dans la présente affaire. Suivant la première option, je devais supposer qu'un mouvement non déterminé lié à la livraison du courrier par C. Pollard dans son véhicule était susceptible de lui causer des blessures. À son avis, il fallait écarter cette option parce que, a‑t‑il soutenu, C. Pollard n'avait précisé aucun mouvement dangereux en particulier lié à la livraison du courrier rural par la fenêtre avant du côté du passager de son véhicule. En conséquence, je devais faire des conjectures sur la question de savoir si C. Pollard pouvait exécuter un mouvement dangereux et ainsi subir des blessures. Suivant la seconde option, a‑t‑il fait valoir, je devais supposer que tout mouvement lié à la livraison du courrier rural par les FFRS posait le risque éventuel de causer des blessures. Une telle conclusion, à son avis, était irrationnelle.

[68] Enfin, S. Bird m'a reporté également au paragraphe 71 de la décision que j'ai rendue dans l'affaire Charmion Cole et Lynn Coleman et Air Canada[22], et fait valoir que la définition actuelle de danger nécessitait l'existence d'un élément d'imminence parce que la blessure ou la maladie devait se produire avant que le risque ne soit écarté ou la situation corrigée, ou avant que la tâche future ne soit modifiée. À son avis, ce n'était pas le cas en l'espèce.

*****

[69] La question dans la présente affaire est celle de savoir s'il existait ou non un danger pour C. Pollard au moment où M. Manella, l'ASS, a mené son enquête sur son refus de travailler. Pour trancher cette question, je dois prendre en considération la Partie II du Code, les faits propres à l'affaire et la jurisprudence citée par les parties.

[70] Le danger est défini au paragraphe 122(1) de la Partie II dans les termes suivants :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur[.]

[71] Cette définition signifie que le risque ou la situation peut être existant ou éventuel et que la tâche peut être actuelle ou future. Dans la présente affaire, puisque C. Pollard a refusé de travailler avant d'entreprendre ses livraisons, les risques en question étaient éventuels.

[72] L'honorable juge Gauthier a déterminé, au paragraphe 36 de la décision rendue dans l'affaire Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[23], que pour conclure à l'existence d'un danger, il faut déterminer dans quelles circonstances le risque ou la situation éventuel ou la tâche future est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou de la rendre malade, et déterminer que de telles circonstances se produiront à l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable. Madame la juge Gauthier a écrit ceci :

[36] Sur ce point, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable. [Je souligne]

[73] Plus récemment, la Cour d'appel fédérale a formulé des commentaires sur ce point dans l'affaire Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général)[24]. L'honorable juge Rothstein a déclaré au paragraphe 37 que, pour conclure à l'existence d'un danger, il fallait déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produira à l'avenir. Le juge Rothstein a écrit ceci :

[37] Je conviens qu'une conclusion de danger ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses. Mais lorsqu'on cherche à déterminer si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque éventuel ou une activité future cause des blessures avant que le risque puisse être écarté ou que la situation soit corrigée, on traite nécessairement de l'avenir. Les tribunaux administratifs sont régulièrement appelés à interpréter le passé et le présent pour tirer des conclusions sur ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. Leur rôle en pareil cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produise plus tard.

[74] À mon avis, la conclusion à laquelle la juge Gauthier en est arrivée dans l'affaire Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[25], ne vient pas contredire la déclaration susmentionnée du juge Rothstein.

[75] À la lumière de ces décisions récemment rendues par la Cour fédérale, je conclus qu'effectivement le renvoi par M. Bird à la décision que j'ai rendue dans l'affaire Service correctionnel du Canada et M. Larry De Wolfe[26] et à celle qu'a rendue M. Cadieux, l'agent d'appel, dans l'affaire Agence Parcs Canada et Doug Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada[27] est particulièrement utile.

[76] La définition de danger énoncée à la Partie II précise également que, pour conclure à l'existence d'un danger, le risque, la situation ou la tâche doivent être susceptibles de causer des blessures ou de rendre malade avant que, selon le cas, le risque ne soit écarté, la situation corrigée ou l'activité modifiée. Deux décisions de la Cour fédérale nous permettent d'interpréter cette notion. Dans l'affaire Martin c. Canada (Procureur général)[28], la juge Tremblay‑Lamer a déclaré au paragraphe 59 que la définition de danger adoptée en septembre 2000 requiert encore un élément d'imminence parce que la blessure ou la maladie doit se produire avant que, selon le cas, le risque ne puisse être écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Le paragraphe 59 est reproduit ci‑après :

[59] J'estime malgré tout que la nouvelle définition rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ».

[Je souligne]

[77] Dans l'affaire Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[29], la juge Gauthier a déterminé au paragraphe 34 que la définition de danger ne requiert pas que le risque, la situation ou la tâche soit raisonnablement susceptible de causer une blessure ou une maladie chaque fois qu'elle se produit. Au paragraphe 35, elle a déclaré qu'il doit pouvoir causer une blessure ou une maladie à tout moment, mais non pas chaque fois. Au paragraphe 36, la juge a affirmé qu'il n'est pas nécessaire d'établir l'heure précise à laquelle le risque, la situation ou la tâche se produira. Voici le texte de ces paragraphes :

[34] Les propos susmentionnés ne sont pas tout à fait exacts. Comme il est indiqué dans l'affaire Martin, précitée, la blessure ou la maladie peut ne pas se produire dès que la tâche aura été entreprise, mais il faut plutôt qu'elle se produise avant que la situation ou la tâche ne soit modifiée. Donc, ici, l'absence de menottes sur la personne d'un agent correctionnel impliqué dans une empoignade avec un détenu doit être susceptible de causer des blessures avant que des menottes ne puissent être obtenues du poste de contrôle ou par l'intermédiaire d'un surveillant K-12, ou avant que tout autre moyen de contrainte ne soit fourni.

[35] Je ne crois pas non plus que la définition exige que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures. La version anglaise "could reasonably be expected to cause" nous dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[36] Sur ce point, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable. [Je souligne]

[78] Il découle des passages reproduits ci‑dessus qu'il n'est pas nécessaire d'établir l'heure précise à laquelle le risque, la situation ou la tâche en question se produira, ou qu'il se produira chaque fois. J'en conclus également que, lorsqu'il n'est pas possible de déterminer précisément l'heure à laquelle la blessure ou la maladie se produira, il est néanmoins nécessaire de déterminer les circonstances dans lesquelles l'élément d'« imminence » de la définition se produira.

[79] En ce qui concerne la prétention de S. Bird selon laquelle j'outrepasserais ma compétence prévue au paragraphe 146.1(1) du Code si je traitais de la question des risques pour la sécurité liés à la circulation, je ne peux souscrire à aucune de ses deux hypothèses. Plus précisément, je ne peux me rallier à sa prétention selon laquelle le refus de travailler de C. Pollard le 24 novembre 2004 se rapportait uniquement aux risques ergonomiques associés à la livraison du courrier rural. Je ne puis accepter non plus sa prétention selon laquelle j'outrepasserais ma compétence si je traitais de la question des risques pour la santé liés à la circulation même si C. Pollard n'en a pas fait mention dans sa plainte de refus de travailler.

[80] Quant à la question de savoir si le refus de travailler de C. Pollard portait également sur les risques pour la sécurité liés à la circulation routière, la preuve établit qu'elle a fait parvenir à M. Manella, l'ASS, une lettre datée du 6 octobre 2004 dans laquelle elle lui a fait part des craintes qu'elle éprouvait constamment concernant la livraison du courrier rural par la fenêtre avant du côté du passager de son véhicule. Elle a remis à M. Manella des copies de documents échangés entre elle et la direction de la SCP confirmant que ses craintes se rapportaient aux risques ergonomiques et aux risques liés à la circulation routière.

[81] De plus, lors de la rencontre que M. Manella a tenue le 25 novembre 2004 pour faire enquête sur son refus de travailler, C. Pollard a réitéré ses craintes pour sa santé et sa sécurité. Les notes de l'ASS confirment qu'au cours de la discussion, les participants à la rencontre ont mentionné tant les risques ergonomiques que les risques liés à la circulation routière.

[82] En outre, dans la déclaration de refus de travailler qu'elle a remise à M. Manella le 25 novembre 2004, C. Pollard mentionne notamment qu'elle s'exposait à un risque également lorsqu'elle détachait sa ceinture.

[83] Je remarque également que la vidéo produite sur l'itinéraire de C. Pollard par le STTP quelques jours après son refus de travailler portait principalement sur les risques pour la santé liés à la circulation routière que présentait son itinéraire.

[84] Finalement, M. Manella a formulé une instruction à l'intention de la SCP relativement aux risques liés à la circulation à la suite de son enquête conformément au paragraphe 145(1) (Cessation d'une contravention) de la Partie II. Il a ainsi conclu en réalité que les risques liés à la circulation routière ne constituaient pas un danger pour C. Pollard.

[85] À mon avis, M. Manella avait obtenu suffisamment de renseignements pour savoir – ou il aurait dû savoir – que les craintes de C. Pollard concernant sa santé et sa sécurité au moment de son refus de travailler se rapportaient à des risques ergonomiques ainsi qu'à des risques liés à la circulation.

[86] En ce qui concerne la thèse de M. Bird selon laquelle j'outrepasserais ma compétence aux termes du paragraphe 146.1(1) du Code si je me penchais sur la question des risques liés à la circulation routière, je me fonde sur ce qui suit :

· Le paragraphe 146.1(1) précise que l'agent d'appel doit faire enquête sur les circonstances d'un appel interjeté en vertu du paragraphe 146.(1) ou du paragraphe 129(7), dont voici le libellé :

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions ;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

· L'article 146.2 confère à l'agent d'appel de vastes pouvoirs d'enquête à l'égard d'un appel. Ainsi, il peut convoquer des témoins et les contraindre à témoigner et à produire des documents; faire prêter serment; recevoir tous témoignages qu'il juge indiqués; procéder à l'examen de dossiers; et fixer lui‑même sa procédure, sous réserve de l'obligation de respecter les principes de justice naturelle;

· L'article 122.1, qui énonce l'objectif de la Partie II, me convainc qu'il serait négligent de ma part, voire complètement irresponsable, de m'abstenir d'agir lorsque les faits d'une affaire me convainquent qu'un danger existe pour une personne, quelle qu'elle soit. Voici le texte de la disposition :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

· Dans l'affaire Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général)[30], la Cour d'appel fédérale a déterminé que l'examen mené par l'agent d'appel est une instance de novo;

· Dans cette même décision, le juge Rothstein a déterminé que l'agent d'appel est autorisé par le paragraphe 145.1(2) de la Partie II à formuler une instruction en vertu du paragraphe 145(1) s'il conclut qu'il y a contravention à la Partie II. Le paragraphe 145.1(2) est libellé dans les termes suivants :

(2) Pour l’application des articles 146 à 146.5, l’agent d’appel est investi des mêmes attributions — notamment en matière d’immunité — que l’agent de santé et de sécurité.

[87] Je ne peux voir comment cela ne pourrait viser une conclusion d'existence de danger dans le contexte de l'enquête menée à l'égard d'un appel interjeté en vertu des paragraphes 146(1) ou 129(7). Pour ces motifs, j'en arrive à la conclusion que je suis habilité aux termes du Code à examiner toutes les circonstances entourant un appel et à prendre la décision qui, à mon avis, est nécessaire, appropriée et conforme aux faits et à l'objectif de la Partie II.

[88] Dans ma décision, je n'accorde pas de poids à l'argument de S. Bird selon lequel C. Pollard aurait pu éviter de se blesser parce qu'elle avait la possibilité d'acheter le véhicule de son choix. Je n'accorde pas de poids non plus à son argument selon lequel elle aurait pu modifier la méthode de livraison en fonction des plateaux de courrier. À l'époque où elle a refusé de travailler, C. Pollard travaillait pour la SCP à titre d'employée pour une durée indéterminée et non pas en tant qu'entrepreneure autonome. Aux termes de l'article 124 du Code, l'employeur a l'obligation de veiller à la santé et à la sécurité de tous ses employés. Par conséquent, s'il était possible de prévenir les blessures grâce à des options au chapitre de la sélection d'un véhicule ou des modalités de travail, la SCP avait l'obligation, sous le régime de la Partie II, d'informer ses employés de ces options et de leur offrir la formation nécessaire à cet égard. À titre d'information, l'article 124 est libellé dans les termes suivants :

124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[95] À cet égard, je remarque que le spécialiste de l'ergonomie qui a participé à l'étude ergonomique de la SCP a recommandé la prise des mesures suivantes en vue de réduire l'exposition des FFRS aux facteurs de risques ergonomiques.

· À court terme, la SCP devrait mettre en place des pratiques ergonomiques exemplaires en ce qui concerne le déplacement jusqu'à l'autre extrémité du siège, la manipulation des plateaux de lettres et le mouvement visant à atteindre les BLR. La SCP devrait déterminer que toute situation où un FFRS ne peut s'immobiliser à moins de 25 pouces de la BLR constitue un obstacle à la livraison du courrier. En outre, la SCP devrait informer les FFRS des caractéristiques du véhicule qui sont avantageuses du point de vue ergonomique.

· À long terme, la SCP devrait étudier des modes de livraison de rechange qui ne forcent pas les FFRS à se glisser sur le siège de leur véhicule jusqu'à l'autre extrémité.

[96] S. Bird a fait valoir que C. Pollard souffrait déjà d'une blessure au dos et que, pour cette raison, le danger, le cas échéant, auquel elle serait exposée, était attribuable à son propre état de santé. En conséquence, il a statué que l'unique responsabilité de la SCP pouvait avoir consisté également à répondre aux besoins de C. Pollard. Je n'accorde pas beaucoup de poids à cet argument, car j'ai jugé fiable et crédible le témoignage de C. Pollard selon lequel elle souffrait d'arthrite au dos, et non d'un problème permanent au dos nécessitant officiellement l'aménagement du lieu de travail dont S. Bird avait fait mention. Je conclus également de la note de son médecin que le problème de C. Pollard tenait dans le mouvement de torsion qu'elle devait effectuer pour livrer le courrier du côté du passager de son véhicule.

[97] Si je ne me prononce pas sur l'application du concept de la « personne ordinaire » aux fins d'interpréter la définition de danger à la Partie II, je crois que le concept de la « personne ordinaire » mentionné par S. Bird laisse place notamment à une gamme de fragilités physiques et mentales qui sont propres à la condition humaine. Ces fragilités physiques et mentales sont normalement amplifiées avec l'âge, sans que l'employeur ne soit tenu officiellement d'aménager le lieu de travail.

[98] Dans cette perspective, l'article 14.48 de la Partie XIV, Manutention des matériaux, du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, démontre que l'employeur est tenu de concevoir des procédures qui tiennent compte des capacités de l'employé. Je ne vois guère de différence de principe en ce qui concerne la manutention du courrier. L'article 14.48 est libellé dans les termes suivants :

14.48 L’employeur doit donner à tout employé chargé de soulever ou de transporter manuellement des charges de plus de 10 kg la formation et l’entraînement portant sur :

a) la façon de soulever et de transporter les charges en toute sécurité, tout en réduisant l’effort au minimum;

b) les techniques de travail adaptées à l’état physique de l’employé et aux conditions du lieu de travail. [Je souligne]

[99] Compte tenu de la preuve, je crois que le problème au dos mentionné par le médecin de C. Pollard appartient au concept de la « personne ordinaire » et qu'il n'est pas associé à une obligation d'aménagement du lieu de travail sous le régime d'une loi autre que la Partie II.

[100] Je suis d'avis également que la prétention de S. Bird selon laquelle on ne peut conclure à l'existence d'un danger parce que C. Pollard n'avait pas précisé quel mouvement lui causerait des blessures n'est pas fondée. Au contraire, C. Pollard a indiqué qu'elle devait s'étirer sur une distance de six à huit pieds pour livrer le courrier par la fenêtre avant du côté du passager, pour cueillir le courrier dans les BLR et pour soulever le fanion sur celles‑ci. Elle a précisé que ce mouvement d'étirement et de torsion lui avait causé des blessures au dos et à la jambe. Elle s'est plainte du fait que cette situation avait été empirée compte tenu des 700 arrêts environ qu'elle devait effectuer chaque jour, cinq jours par semaine, et qu'il lui fallait approximativement 4 heures pour accomplir son itinéraire.

[101] Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, la juge Gauthier a déclaré dans l'affaire Juan Verville et Service Correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[31] qu'il suffit, pour satisfaire à la définition, que l'on détermine dans quelles circonstances le risque éventuel pourrait être susceptible de causer des blessures et que l'on établisse que de telles circonstances se produiront à l'avenir, non pas comme une simple possibilité, mais comme une possibilité raisonnable. Les circonstances suivantes ont été établies en preuve à cet égard.

[102] Dans le rapport ergonomique de la SCP, on a conclu que les problèmes ergonomiques empiraient sans égard au mode de livraison observé à mesure que le nombre de BLR à l'heure augmentait. On a fait mention également du fait que la livraison du courrier dans le camion ou la fourgonnette mis à l'épreuve n'entraînait aucun risque immédiat de blessure, mais qu'à long terme, ce risque existait dans les cas où le nombre de BLR à l'heure dépassait entre 37 et 40. Dans la présente affaire, C. Pollard devait effectuer 700 arrêts sur une période de quatre heures environ. Pour respecter le taux de 40 BLR l'heure, il lui aurait fallu plus de 17 heures chaque jour pour boucler son itinéraire. Donc, son taux de livraison véritable excédait de quatre fois le taux de 40 BLR à l'heure. Compte tenu de cette situation et du fait que l'étude ergonomique n'a porté que sur 45 BLR pour chaque scénario, j'accorde peu de poids à l'affirmation, dans le rapport, suivant laquelle il pourrait ne pas y avoir pour les FFRS de risque immédiat attribuable au travail.

[103] En outre, la SCP n'a offert à C. Pollard aucune formation sur la livraison du courrier rural à partir de l'accotement de droite qui soit adaptée à son état physique et à son environnement de travail lorsqu'il l'a informée, le 24 novembre 2004, que c'est ainsi qu'elle devait effectuer ses livraisons. En fait, la SCP ne lui a offert aucune formation, ce qui n'est guère étonnant, puisqu'il semble que la SCP n'ait pas jugé nécessaire de revoir ses procédures de livraison en automobile aux BLR après avoir informé les FFRS que la livraison sur l'accotement de gauche de la chaussée n'était plus permise.

[104] En ce qui concerne l'environnement de travail de C. Pollard, la vidéo a confirmé que plusieurs BLR relevant de son itinéraire étaient penchées vers l'arrière, de telle sorte que la distance que la factrice devait franchir pour atteindre la boîte aux lettres et soulever le fanion était encore plus grande qu'en temps normal.

[105] À mon avis, il est raisonnable, étant donné les circonstances susmentionnées, de s'attendre à ce que le risque lié à l'obligation de s'étirer et de se tourner pour livrer le courrier rural aux BLR par la fenêtre du passager avant du véhicule soit susceptible de causer des blessures à C. Pollard.

[106] En plus des circonstances susmentionnées, je crois que les faits suivants confirment l'élément d'imminence requis dans la Partie II.

[107] D'une part, il n'y a aucune preuve, dans la présente affaire, que la SCP a consulté ses FFRS par l'intermédiaire de ses comités de santé et de sécurité concernant les changements apportés à la pratique de longue date de livraison du courrier rural aux BLR à partir de l'accotement de gauche des routes, par la fenêtre avant du côté du passager. Une telle consultation était nécessaire, car la livraison par la fenêtre avant du côté du passager changeait considérablement la manière dont le travail était effectué et avait une incidence sur la santé et la sécurité des FFRS. À mon avis, il n'y a aucune preuve, dans la présente affaire, qui permette de conclure que cette situation serait corrigée dans un avenir rapproché. À cet égard, je renvoie l'employeur aux alinéas 125(1)z.05) et z.06) et aux alinéas 134.1(4)h) et 135(7)i) de la Partie II, dont voici les libellés :

125(1) …. l'employeur est tenu…

z.05) de consulter le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, en vue de planifier la mise en oeuvre des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail;

z.06) de consulter le comité local ou le représentant pour la mise en oeuvre des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail;

134.1(4) Le comité d'orientation :

h) participe à la planification de la mise en oeuvre et à la mise en oeuvre effective des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail.

135(7) Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué :

i) participe à la mise en oeuvre des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail et, en l’absence de comité d’orientation, à la planification de la mise en oeuvre de ces changements [.]

[108] En outre, la preuve a indiqué que le processus de règlement des plaintes en vigueur à la SCP était lacunaire. À cet égard, je me reporte à la preuve selon laquelle la SCP n'a pas répondu de manière satisfaisante aux plaintes de santé et de sécurité de C. Pollard ou de K. Marsh concernant les risques ergonomiques et les risques liés à la circulation routière.

[109] De plus, la vidéo et d'autres éléments de preuve ont établi que, soit l'itinéraire rural de C. Pollard ne faisait pas l'objet d'une inspection annuelle, contrairement à ce qu'a précisé la SCP, soit aucune mesure n'avait été prise pour écarter les risques liés à la présence d'accotements trop étroits sur les routes et à l'existence de BLR non conformes. Ces mêmes violations concernant les BLR se sont poursuivies, le long de l'itinéraire de C. Pollard, pendant plus de trois ans, sans que la situation ne soit corrigée.

[110] La preuve a confirmé également que la SCP n'avait pas été proactive, en ce sens qu'elle n'avait pas consulté ses employés sur les études sur la santé et la sécurité par l'intermédiaire de ses comités de santé et de sécurité. C'est ce qu'a démontré l'étude sur la sécurité routière que le CNR a effectuée pour le compte de la SCP. La SCP n'a pas consulté ses employés non plus, par l'intermédiaire des comités de santé et de sécurité, sur la conception et la réalisation de l'étude ergonomique des risques associés à la livraison du courrier dans le milieu rural par les FFRS. C. Janveau a déclaré dans son témoignage que la SCP avait communiqué les résultats des études après coup. À cet égard, je reporterais la SCP aux alinéas 134.1(4)d) et 135(7)e) de la Partie II, dont le texte est reproduit ci‑après :

134.1(4) Le comité d'orientation :

d) participe, dans la mesure où il l’estime nécessaire, aux enquêtes, études et inspections en matière de santé et de sécurité au travail;

135(7) Le comité local, pour ce qui concerne le lieu de travail pour lequel il a été constitué :

e) participe à toutes les enquêtes, études et inspections en matière de santé et de sécurité des employés, et fait appel, en cas de besoin, au concours de personnes professionnellement ou techniquement qualifiées pour le conseiller [.]

[111] Enfin, C. Janveau a affirmé dans son témoignage qu'elle n'avait obtenu aucune formation concernant la Partie II et les responsabilités auxquelles elle était tenue sous le régime de cette partie. Je suis d'avis de la reporter ainsi que la SCP à l'alinéa 125(1)z) de la Partie II, dont voici le texte :

125(1) …. l'employeur est tenu…

z) de veiller à ce que les employés qui exercent des fonctions de direction ou de gestion reçoivent une formation adéquate en matière de santé et de sécurité, et soient informés des responsabilités qui leur incombent sous le régime de la présente partie dans la mesure où ils agissent pour le compte de l’employeur [.]

[112] Tous ces faits indiquent que le régime de responsabilité interne de la SCP était quelque peu dysfonctionnel à l'époque. Sur ce fondement et sur le fondement de l'ensemble de la preuve, j'en arrive à la conclusion qu'il est raisonnable, dans les circonstances, de s'attendre à ce que C. Pollard subisse des blessures par suite de l'exposition aux risques ergonomiques associés à la livraison du courrier par la fenêtre avant du côté du passager de son véhicule avant que ces risques ne puissent être écartés.

[113] S. Bird a fait valoir que le danger, le cas échéant, auquel C. Pollard était exposée, était normal dans le cadre de son travail, puisque le processus était le même pour quiconque livrait le courrier dans un milieu rural. Toutefois, la juge Gauthier a souligné au paragraphe 55 de l'affaire Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent[32], qu'un danger normal n'est pas un danger lié à la méthodologie qui pourrait habituellement être modifiée pour écarter ou éviter le danger. Cela s'appliquerait à l'égard de C. Pollard. Le texte du paragraphe 55 est reproduit ci‑après :

[55] Le sens ordinaire des mots de l'alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un gardien de sécurité de transporter de l'argent à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?

[114] Enfin, je n'accorde pas de poids à l'entente conclue entre la SCP et le STTP, que C. Pollard a signée, dans cette affaire. À mon avis, cette entente ne permettait pas à la SCP de s'acquitter des obligations qui lui incombent sous le régime de la Partie II, et elle doit par conséquent être écartée.

[115] En ce qui concerne les risques éventuels associés à la sécurité routière, j'estime raisonnable de conclure que C. Pollard ou une autre personne aurait pu subir des blessures dans l'environnement de travail suivant avant que les risques ne puissent être écartés.

[116] C. Pollard et K. Marsh ont déclaré dans le cadre de leurs témoignages, qui n'ont pas été contestés, que, devant certaines BLR, C. Pollard ne pouvait dégager complètement la chaussée pour livrer le courrier en toute sécurité, parce que l'accotement était trop étroit ou inexistant en raison de la présence de bordures. La vidéo a démontré que, lorsque le véhicule des FFRS ne quittait pas la chaussée, la circulation était entravée et les véhicules devaient changer de voie pour éviter le véhicule. La vidéo démontrait également que les limites de vitesse affichées le long de certaines portions de l'itinéraire de C. Pollard pouvaient atteindre 80 kilomètres l'heure et que des camions lourds y circulaient également.

[117] À l'époque du refus de travailler de C. Pollard, les véhicules des FFRS, dont celui de C. Pollard, n'étaient pas dotés d'un équipement de sécurité ayant pour but de prévenir les autres véhicules de la présence d'un véhicule postal immobilisé sur le côté de la route pour livrer le courrier. Le risque s'accroissait lorsque les conditions météorologiques obstruaient la vision du conducteur sur la route.

[118] C. Pollard et K. Marsh ont déclaré également, dans leurs témoignages non contestés, qu'il était nécessaire de détacher la ceinture de sécurité pour livrer le courrier à une BLR. Cela exposait les FFRS, dont C. Pollard, à un risque encore plus grave.

[119] Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, la preuve a indiqué que le processus de règlement des plaintes en vigueur au sein de la SCP était lacunaire.

[120] Tout cela me donne à penser que la question tient davantage à celle de savoir quand un accident se produira à l'avenir qu'à celle de savoir si un accident se produira.

[121] À mon avis, M. Manella, l'ASS, a commis une erreur dans sa décision, en ce sens qu'il a examiné trop étroitement les questions liées au refus de travailler de C. Pollard et qu'il n'a pas pris en considération les circonstances qui existaient au moment où elle a refusé de travailler.

[122] Pour tous les motifs qui précèdent, j'en arrive à la conclusion qu'il existait un danger pour C. Pollard relativement aux risques éventuels liés à la circulation et ergonomiques se rapportant à son travail. En conséquence, j'infirme par la présente la décision du M. Manella, suivant laquelle il n'existait aucun danger pour C. Pollard au moment de son enquête sur son refus de travailler.

[123] En outre, puisque je suis convaincu qu'un danger existe encore en dépit des mesures encourageantes, mentionnées en preuve, que la SCP a récemment prises, j'ordonne à la SCP, au moyen de l'instruction jointe, de faire en sorte que C. Pollard et tout autre employé soient protégés contre le danger.

[124] Enfin, compte tenu des conclusions tirées dans la présente affaire, j'encourage M. Manella ou tout autre agent de santé et de sécurité à s'assurer que la SCP se conforme à la Partie II et à prendre toute mesure nécessaire pour aider la SCP à mettre en place un régime de responsabilité interne plus efficace aux fins des changements apportés aux procédures et modalités en vigueur au lieu de travail, et de la tenue d'enquêtes, d'études et d'inspections sur la santé et la sécurité des employés.

Douglas Malanka

Agent d'appel

ANNEXE I

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L'EMPLOYEUR EN VERTU DES ALINÉAS 145(2)a) ET b)

Les 25 novembre et 3 décembre 2004, Ken Manella, agent de santé et de sécurité, a mené une enquête sur le refus de travailler de Carolyn Pollard, factrice rurale et suburbaine (FFRS) qui, pour le compte de la Société canadienne des postes (SCP), un employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II, faisant affaires au 26, chemin Hale, Brampton (Ontario), l'entreprise en question étant connue sous le nom de Poste Canada, devait s'acquitter de tâches sur diverses routes rurales à Brampton (Ontario).

Mme Pollard a interjeté appel, en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail, Partie II, de la décision d'absence de danger rendue par M. Manella, agent de santé et de sécurité, au terme de son enquête. Après avoir examiné les circonstances entourant cette décision, j'en suis arrivé à la conclusion que la livraison ou la cueillette du courrier par les FFRS dans les boîtes aux lettres rurales (BLR), par la fenêtre avant du côté du passager du véhicule, causait un danger pour C. Pollard dans les circonstances suivantes :

Premièrement, C. Pollard doit s'étirer et se tourner de manière qu'à partir de son siège du conducteur, elle puisse livrer le courrier par la fenêtre avant du côté du passager, à environ 700 BLR par jour, cinq jours par semaine, sans avoir obtenu quelque directive ou formation que ce soit en matière ergonomique qui convienne à son état physique, aux conditions relatives à son véhicule et aux conditions des divers lieux de livraison et de cueillette (la situation des boîtes aux lettres). En outre, plusieurs des BLR relevant de son itinéraire ne sont pas conformes aux spécifications de la SCP relatives au positionnement et à l'emplacement, de sorte que la distance aux fins de livrer le courrier à ces BLR s'en trouve accrue.

Deuxièmement, il existe un danger lorsque C. Pollard doit effectuer des arrêts là où les accotements sont trop étroits ou inexistants en raison de la présence de bordures, ce qui l'empêche de dégager complètement la chaussée. Il existe un danger également parce que son véhicule n'est pas doté de l'équipement requis pour prévenir les autres automobilistes que son véhicule postal est immobilisé sur l'accotement pour effectuer la livraison. En conséquence, elle est exposée, que le temps soit clément ou non, au risque de se faire frapper par d'autres automobiles ou camions lourds sur des routes où la vitesse de circulation peut varier entre 40 et 80 kilomètre l'heure.

Par conséquent, je vous ORDONNE PAR LES PRÉSENTES, conformément au sous‑alinéa 145(2)a)(i) du Code canadien du travail, Partie II, de prendre les mesures appropriées et immédiates pour écarter ces deux risques, qui constituent un danger.

En outre, je vous ORDONNE PAR LES PRÉSENTES, conformément à l'alinéa 145(2)b) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à l'activité de livraison en automobile dont s'acquitte C. Pollard aux BLR jusqu'à ce que vous vous soyez conformé à la présente instruction, ce qui ne vous dégage pas de l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en application la présente instruction.

Ottawa, 14 juillet 2006

Douglas Malanka

Agent d'appel

À : Société canadienne des postes

26, chemin Hale

Brampton (Ontario) L6W 3M0

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT D'APPEL

Décision no : 06-022

Requérante : Carolyn Pollard

Intimée : Poste Canada

Dispositions:

Code: 122,125, 128, 129, 129 134.1, 135, 145, 145.1 et 146.1

Règlement : 14.48

Mots clés: danger, facteurs et factrices ruraux et suburbains, mouvement d'étirement et de torsion, risques ergonomiques, entrave à la circulation, accotements, livraison par la fenêtre du côté du passager.

Résumé : Une factrice rurale et suburbaine a refusé de livrer le courrier à des boîtes aux lettres rurales (BLR) sur son itinéraire. Elle s'est plainte du fait que la livraison du courrier par la fenêtre du côté du passager de son véhicule était susceptible de lui causer des blessures parce qu'elle devait s'étirer et se tourner pour atteindre la boîte, puis soulever le fanion. Elle s'est plainte du fait également que les autres véhicules qui circulaient sur les routes risquaient d'entrer en collision avec son véhicule postal parce que les accotements devant de nombreuses BLR étaient trop étroits ou inexistants et qu'elle était incapable de dégager complètement la chaussée.

L'agent de santé et de sécurité qui a fait enquête sur son refus de travailler a examiné les problèmes ergonomiques liés à la livraison du courrier par la fenêtre du passager de son véhicule et déterminé qu'il n'existait aucun danger pour la factrice. Il ne s'est pas prononcé sur les risques liés à la circulation.

À la suite de son examen de l'appel, l'agent d'appel a examiné les nombreuses circonstances se rattachant à la livraison par les FFRS aux BLR, notamment l'étude ergonomique menée par la Société canadienne des postes par suite de la décision rendue par l'agent de santé et de sécurité. L'agent d'appel a déterminé qu'il existait un danger pour les FFRS tant au chapitre des risques ergonomiques qu'à celui des risques liés à la circulation. L'agent d'appel a ordonné à la Société canadienne des postes de prendre les mesures appropriées et immédiates pour écarter les deux risques, qui constituaient un danger et, dans l'intervalle, de mettre fin à la livraison du courrier par l'employée visée.


[1] En raison de l'emplacement des diverses BLR sur les itinéraires, il existait depuis longtemps une pratique en vertu de laquelle les FFRS circulaient sur l'accotement de gauche, en sens inverse de la circulation, pour cueillir et livrer le courrier dans les régions rurales, en se penchant par la fenêtre du conducteur. Il semble que la police ait eu tendance à fermer les yeux sur cette pratique, de sorte que cette dernière a été maintenue pendant des années et subsiste encore aujourd'hui.

[2] Les termes « livrer » ou « livraison » dans le contexte de la présente affaire désignent notamment le fait de déposer le courrier — des colis, des enveloppes et des dépliants publicitaires, pour ne nommer que ceux‑là — dans les boîtes aux lettres, d'y cueillir le courrier pour livraison, et de soulever le fanion qui se trouve sur la partie supérieure des boîtes aux lettres, le cas échéant, pour indiquer que celles‑ci contiennent du courrier.

[3] La SCP structure les itinéraires des FFRS et précise notamment la direction que ces derniers doivent prendre le long des diverses routes qui forment leur itinéraire.

[4] J'ai soumis les décisions suivantes aux parties : C. Brazeau, B. Martin, B. Thoms, B. Woods, A Ozga, P. Gour et CAW et Securicor Canada Limited, agent d'appel Douglas Malanka, décision no 04‑049, 16 décembre 2004; Annette Robitaille et Leonard Hawkins et VIA Rail Limitée, agent d'appel Douglas Malanka, décision no 05‑055, 20 décembre 2005; et Charmion Cole et Lynn Coleman et Air Canada, agent d'appel Douglas Malanka, décision no 06‑004, 28 février 2006.

[5] Service correctionnel du Canada, Établissement de Drumheller, et M. Larry de Wolfe, agent d'appel D. Malanka, décision no 02‑005, 9 mai 2002.

[6] Darren Welbourne et Chemin de fer Canadien Pacifique, agent d'appel S. Cadieux, décision no 01‑008, 22 mars 2001.

[7] Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent, juge J. Gauthier, 2004 FJC 767, 26 mai 2004.

[8] Leah Walton, Shepody Healing Centre, et Service correctionnel du Canada, agent d'appel M. McDermott, décision no 05‑008, 3 février 2005.

[9] United Electrical, Radio and Machine Workers of Canada Re Ontario Ministry of Labour Occupational Health and Safety Division, J. Wolfson, directrice des appels, décision no 11, 27 mai 1987.

[10] Brunet c. Conseil canadien des relations du travail, V.L. Marleau, décision no 1239, 22 décembre 1998.

[11] Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Tetley, agent d'appel D. Malanka, décision no 01‑020, 21 août 2001.

[12] Johnson c. Chemins de fer nationaux du Canada, Conseil canadien des relations du travail, S. Fitzgerald, décision no 41, 3 décembre 1999.

[13] Francois Lalonde c. Société canadienne des postes, Conseil canadien des relations du travaik, S. Brault, décision no 731, 8 mars 1989.

[14] Nella Spadafora c. Lignes aériennes Canadien International Ltée., Conseil canadien des relations du travail, J. P. Morneault, décision no 981, 18 décembre 1992.

[15] Michelle Dawson et Société canadienne des postes, C.L.C.A.O., décision no 22, agent d'appel D. Malanka, décision no 02‑023, 23 octobre 2002.

[16] Service correctionnel du Canada, Établissement de Drumheller, et M. Larry de Wolfe, supra.

[17] Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent, supra.

[18] Agence Parcs Canada et M. Doug Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada, agent d'appel S. Cadieux, décision no 02‑009, 23 mai 2002.

[19] United Electrical, Radio and Machine Workers of Canada, supra.

[20] Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Tetley, supra.

[21] Leah Walton, Shepody Healing Centre, et Service correctionnel du Canada, supra.

[22] Charmion Cole et Lynn Coleman et Air Canada, supra.

[23] Juan Verville et Service Correctionnel du Canada, Institution Pénitentiaire de Kent, supra.

[24] Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2005 C.A.F. 156, 6 mai 2005.

[25] Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent, supra.

[26] Service correctionnel du Canada et M. Larry De Wolfe, supra.

[27] Agence Parcs Canada et Doug Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada, supra.

[28] Martin c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1158, [2003] A.C.F. no 1463 (1re inst.).

[29] Juan Verville et Service Correctionnel du Canada, Institution Pénitentiaire de Kent, supra.

[30] Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), supra.

[31] Juan Verville and Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent, supra.

[32] Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Établissement pénitentiaire de Kent, supra.

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