Archivée - Décision: 06-034 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Société canadienne des postes
demandeur

et

Volker Wiesener et al.
et
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes
défendeur
___________________________
Décision no°: 06-034 (S)
Le 12 octobre 2006

Cette demande de suspension a été entendue par Katia Néron, agent d’appel, sur le fondement des arguments écrits présentés par les parties.

Pour le demandeur
Stephen Bird, avocat

Pour les défendeurs
David I. Bloom, avocat

Agent de santé et de sécurité
Bruce McKeigan, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), Programme du travail, Ottawa (Ontario)

[1] La présente décision porte sur une demande de suspension d’une instruction émise à la Société canadienne des postes le 3 avril 2006 par l’agent de santé et de sécurité (ASS) Bruce McKeigan en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code). L’ASS Bruce McKeigan a émis cette instruction après avoir enquêté sur le refus de travailler, le 30 mars 2006, de quatre facteurs ruraux et suburbains (FFRS) travaillant au bureau de poste d’Englehart (Ontario).

[2] L’instruction émise par l’ASS à la Société canadienne des postes comprenait deux points. Les arguments présentés par l’avocat du demandeur à l’appui d’une suspension et les contre-arguments présentés par l’avocat des défendeurs ne portent que sur le premier point de l’instruction.

[3] Le premier point de l’instruction est ainsi libellé :

[Traduction]
« Ledit agent de santé et de sécurité estime que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail n’ont pas été respectées :

1. Paragraphe 128(10)

Saisi du rapport, l’employeur fait enquête sans délai à ce sujet en présence de l’employé et, selon le cas :
a) d’au moins un membre du comité local, ce membre ne devant pas faire partie de la direction;
b) du représentant;
c) lorsque ni l’une ni l’autre des personnes visées aux alinéas a) et b) n’est disponible, d’au moins une personne choisie, dans le même lieu de travail, par l’employé.

[4] En d’autres termes, l’ASS Bruce McKeigan a conclu que la Société canadienne des postes avait enfreint le paragraphe 128(10) du Code parce qu’au moment de l’enquête sur le refus de travailler, il a observé, même s’il ne l’a pas mentionné dans l’instruction, que le maître de poste local d’Englehart, qui agissait à titre de représentant des travailleurs, exerçait en fait des fonctions administratives puisqu’il supervisait le bureau de poste d’Englehart ainsi que les FFRS travaillant à partir de ce bureau de poste.

[5] La question à trancher dans la présente affaire consiste à déterminer s’il existe des motifs significatifs pour que j’octroie une suspension de l’instruction de l’ASS Bruce McKeigan à la Société canadienne des postes.

[6] Pour en arriver à cette décision, je dois tenir compte des preuves présentées par les deux parties ainsi que de la jurisprudence que les parties ont présentée sur les trois principaux critères pour octroyer une suspension – l’existence d’une question sérieuse à juger, un préjudice irréparable découlant d’un rejet et la prépondérance des inconvénients, c. à-d. laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse la suspension –appliqués par la Cour suprême du Canada, particulièrement dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] R.C.S. 110 et RJR-Macdonald Inc. c. Procureur général du Canada, [1994] 1 R.C.S. 311.

Arguments du demandeur et contre-arguments des défendeurs

[7] Je retiens les éléments suivants des arguments du demandeur et des contre arguments des défendeurs en ce qui concerne la demande de suspension et en prenant en compte les trois critères de la Cour suprême mentionnés ci-dessus.

Apparence d’un grief justifié

[8] L’avocat de la Société canadienne des postes, Me Stephen Bird, a soutenu que, pour qu’une suspension soit accordée, elle doit satisfaire les trois critères établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd. précité, soit :

1. le caractère sérieux de la question à juger;
2. un préjudice irréparable;
3. la prépondérance des inconvénients.

[9] En ce qui concerne le premier critère, Me Bird a soutenu que, dans l’arrêt Manitoba c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd. précité, la Cour suprême a examiné la jurisprudence sur les suspensions et les injonctions et a souligné que deux lignes de pensée ont évolué au sujet du premier critère.

[10] La Cour a déclaré que, d’un côté, le critère traditionnel consiste à se demander si la partie qui demande l’injonction interlocutoire est en mesure d’établir une apparence de droit suffisante. Si elle ne le peut pas, l’injonction sera refusée. Cette ligne de pensée nécessite une évaluation préliminaire et provisoire du fond de l’affaire.

[11] Me Bird a concédé que, dans la présente affaire, on doit surtout déterminer si les maîtres de poste locaux exercent des pouvoirs de direction suffisants pour être exclus de leur rôle de représentants des travailleurs en vertu de la partie II du Code. Pour ce faire, on doit analyser leurs devoirs et leurs responsabilités dans le cadre de la jurisprudence établie et une interprétation de l’interrelation de la signification de ces termes en vertu des parties I et II du Code canadien du travail.

[12] Cependant, Me Bird a soutenu que ces preuves ne sont pas nécessaires pour que la Société canadienne des postes assume son fardeau à cette étape de l’enquête, et qu’on ne devrait pas tenir compte de cet élément à cette étape de l’audience. À l’appui de cet argument, il a mentionné le paragraphe 50 de l’arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Procureur général du Canada précité, dans lequel la Cour suprême a déclaré qu’« il est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire ».

[13] En outre, Me Bird a déclaré que, même si on appliquait le critère plus rigoureux, il a déjà établi solidement, à première vue, le bien-fondé de la demande, étant donné que les maîtres de poste en région rurale sont membres de l’unité de négociation de l’Association canadienne des maîtres de poste et adjoints (ACMPA). Il a également déclaré que les maîtres de postes n’exercent pas de pouvoirs de direction au sens de la partie I du Code canadien du travail. S’ils exerçaient ce genre de pouvoirs, ils ne pourraient faire partie de l’unité de négociation en vertu du paragraphe 3(1).

[14] D’un autre côté, Me Bird a déclaré que la deuxième ligne de pensée pour le premier critère est celle adoptée par la Chambre des Lords britannique dans l’arrêt American Cyanamid Co. c. Ethicon Ltd., [1975] 1 All E.R. 504, où elle a conclu que, pour satisfaire ce critère, il suffisait de convaincre la cour de l’existence d’une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire.

[15] Me Bird a déclaré que la question de l’exercice de pouvoirs de direction par les maîtres de poste aux fins du Code est une question sérieuse, car elle aurait une incidence sur environ 1 700 bureaux de poste de moins de 20 employés, partout au pays où travaillent une combinaison de FFRS et de membres de l’ACMPA et où ces derniers occupent de manière prédominante les postes de représentants en matière de santé et de sécurité.

[16] Sur le fondement de ce qui précède, Me Bird a soutenu que la Société canadienne des postes avait satisfait au premier critère, car la question n’est pas frivole et il y a apparence de grief justifié.

[17] En réponse aux arguments de Me Bird pour le premier critère, Me David I. Bloom, avocat des défendeurs, a déclaré que, dans la présente affaire, le premier critère nécessite une forte apparence de grief justifié, ou qu’on démontre, au moins en apparence, le bien-fondé de l’affaire. Il a ajouté que c’est à la Société canadienne des postes qu’incombe le fardeau de la preuve d’un grief justifié et que l’employeur n’a pas satisfait à cette exigence pour les raisons suivantes :

  • La Société canadienne des postes fonde son argument sur le fait que les maîtres de poste sont membres du syndicat et qu’il existe une convention collective en vigueur entre l’ACMPA et l’employeur. Cependant, la Société canadienne des postes n’a fourni aucun aperçu ou analyse des devoirs et des responsabilités actuels du maître de poste d’Englehart;
  • Bien qu’il convienne avec le demandeur que la question à trancher consiste à déterminer si le maître de poste d’Englehart exerce des fonctions de direction justifiant son exclusion du rôle de représentant des travailleurs en vertu du Code, Me Bloom croit que la détermination de cette question devrait être fondée sur une analyse des devoirs et des responsabilités réelles du maître de poste, et qu’en l’absence d’un aperçu ou d’une analyse de ses devoirs et de ses responsabilités, l’employeur n’a pas établi le bien-fondé en apparence de l’affaire.

Préjudice irréparable

[18] En ce qui concerne le deuxième critère, Me Bird a soutenu que la Société canadienne des postes souffrirait un préjudice irréparable parce que, pour respecter l’instruction, elle devrait non seulement retirer le rôle de représentant en matière de sécurité et de santé au maître de poste d’Englehart, mais également réorganiser toute la structure des comités de santé et de sécurité dans l’ensemble du pays. Cela entraînerait des dépenses, tant pour la réorganisation que pour la formation des nouveaux représentants.

[19] Me Bird a ajouté que les nouveaux représentants en matière de santé et de sécurité seraient inexpérimentés tant qu’ils n’auraient pas terminé leur formation, ce qui entraînerait des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

[20] En outre, Me Bird a soutenu que si la Société canadienne des postes obtenait gain de cause dans le présent appel, elle n’aurait aucun moyen de récupérer les fonds déjà dépensés pour la formation des nouveaux représentants. De plus, il n’existe aucun moyen de compenser la baisse d’efficacité des comités de santé et de sécurité pendant la période de transition.

[21] En réponse aux arguments de Me Bird sur le deuxième critère, Me Bloom a mentionné la définition d’« irréparable » articulée au paragraphe 59 de l’arrêt RJR-McDonald Inc. c. Canada (Procureur général) précité, qui se lit comme suit :

59. Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry (1988), 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu’une activité contestée n’est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.-B.)). Le fait qu’une partie soit impécunieuse n’entraîne pas automatiquement l’acceptation de la requête de l’autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages-intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

[22] Me Bloom a également mentionné les arrêts Syntex Inc. c. Novopharm Ltd., [1991] F.C.J. n° 424 (C.A.), Centre Ice Ltd. c. National Hockey League, [1994] F.C.J. n° 68 au paragraphe 7 (C.A.) et Boston Pizza International c. Boston Market Corp., [2003] F.C.J. n° 531 aux paragraphes 28 et 35 (T.D.), où les cours ont conclu que des indices empiriques ou indirects de préjudice étaient insuffisants.

[23] Me Bloom a affirmé que la Cour fédérale avait récemment appuyé cette approche, comme l’indique le paragraphe 52 de Société canadienne des postes et Procureur général du Canada et Carolyn Pollard, 2006 CF 1011, qui se lit comme suit :

52. La Cour d’appel fédérale a conclu que la partie sollicitant la suspension d’une procédure doit présenter une preuve claire et convaincante du préjudice irréparable. Les cours ont régulièrement jugé qu’un préjudice qui n’est que conjectural, ou qui n’est prouvé qu’indirectement, ne suffit pas.
Syntex Inc. c. Apotex Inc., [1991] A.C.F. no 423 (C.A.F.)
Centre Ice Ltd. c. Ligue nationale de Hockey, [1994] A.C.F. no 68 (C.A.F.), au paragraphe 7
Boston Pizza International c. Boston Market Corp., [2003] A.C.F. no 531 (1re inst.), aux paragraphes 28 et 35

[24] Puisque l’instruction ne vise que le bureau de poste d’Englehart, Me Bloom a déclaré que la Société canadienne des postes n’a pas démontré qu’elle réorganiserait l’ensemble de sa structure de santé et de sécurité en attendant le résultat de l’appel interjeté contre l’instruction de l’ASS Bruce McKeigan.

[25] Me Bloom a ajouté que, pour obtenir une suspension de l’instruction dans la présente affaire, la Société canadienne des postes devait établir qu’un refus de la suspension lui causerait un préjudice irréparable.

[26] Me Bloom a soutenu qu’il est évident que, pour respecter l’instruction, il suffisait d’interdire au maître de poste d’Englehart d’agir à titre de représentant des travailleurs en matière de santé et de sécurité jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur l’appel.

[27] Si tel était le cas et qu’un employé refusait de travailler au bureau de poste d’Englehart, Me Bloom a soutenu que l’employé refusant de travailler pourrait être accompagné d’un représentant syndical ou, s’il y avait lieu, d’un collègue de travail, comme l’autorise l’alinéa 128(10)c) du Code. Par conséquent, tout indice de préjudice n’est qu’hypothétique dans la présente affaire.

[28] Pour les raisons mentionnées ci-dessus, Me Bloom a déclaré que rien ne prouvait véritablement que le rejet de la suspension causerait un préjudice irréparable à la Société canadienne des postes selon la définition et l’interprétation de ces termes dans la jurisprudence pertinente.

Prépondérance des inconvénients

[29] Enfin, en ce qui concerne le critère de la prépondérance des inconvénients, Me Bird a déclaré que la Société canadienne des postes reconnaissait sans problème que le critère favorisait en général la mise en œuvre de pratiques sécuritaires en milieu de travail, et qu’il ne favorisait que rarement, ou même jamais, l’accomplissement d’activités dangereuses pour l’employé.

[30] Toutefois, Me Bird a soutenu que ces deux choix ne s’appliquaient pas en l’espèce pour les raisons suivantes :

  • Bien que l’instruction ne porte que sur le bureau de poste d’Englehart en Ontario, cette situation est fréquente au Canada;
  • La Société canadienne des postes subirait plus d’inconvénients si la demande de suspension était refusée parce que le respect de l’instruction entraînerait un changement fondamental dans la composition des comités de santé et de sécurité et que, pendant la période de transition, les comités seraient moins efficaces;
  • Le maintien de la situation qui existe depuis janvier 2004 - quand les entrepreneurs de routes rurales sont devenus des employés de la Société canadienne des postes, maintenant appelés FFRS et membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) - , en n’incluant pas automatiquement les représentants des FFRS dans les comités de santé et de sécurité, constitue un préjudice moindre que d’exiger que la Société canadienne des postes réorganise toute sa structure de santé et de sécurité, engage des fonds importants dans la formation d’employés membres du STTP pour qu’ils deviennent représentants en matière de santé et de sécurité et, à court terme, mette en danger la santé et la sécurité des employés en ayant des représentants moins expérimentés et travaillant donc de manière moins optimale;
  • Le préjudice que subiraient les employés serait minimal, pour ne pas dire inexistant.

[31] En réponse, Me Bloom a déclaré que le troisième critère pour la partie qui demande la suspension consiste à établir que le refus de la demande causerait plus de préjudice que la confirmation de l’instruction. Me Bloom croit que la Société canadienne des postes n’a pas satisfait à ce critère pour les motifs suivants :

  • Le premier point de l’instruction visait à protéger les droits des travailleurs en matière de santé et de sécurité, et à assurer une représentation appropriée en matière de santé et de sécurité;
  • Le fait qu’une personne exerçant des fonctions de direction agisse à titre de représentant des travailleurs en matière de santé et de sécurité a pour conséquence de causer un préjudice inhérent aux membres du STTP et entrave la protection vigoureuse des droits de ces membres en matière de santé et de sécurité en vertu du Code et de la convention collective;
  • L’étendue de tout inconvénient pour la Société canadienne des postes d’une modification de la situation pour une période temporaire afin de respecter l’instruction n’est pas apparente à priori;
  • Dans l’arrêt RJR-Mac Donald c. Canada (Procureur général) précité, la cour a indiqué que, lorsque la prépondérance des inconvénients ne penchait pas plus d’un côté que de l’autre, le critère n’était pas satisfait et ne justifiait pas l’octroi d’une suspension;
  • L’inconvénient qu’entraînerait pour la Société canadienne des postes le retrait temporaire de ce conflit d’intérêt possible n’est pas évident.

Analyse et décision

[32] La Société canadienne des postes a-t-elle des motifs significatifs qui justifient l’obtention d’une suspension de l’instruction de l’ASS McKeigan?

[33] Dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) précité, la Cour suprême du Canada a mentionné le critère en trois étapes à appliquer lors de l’examen d’une demande de suspension, critère qu’elle a adopté dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd. précité. Ce critère est résumé au paragraphe 43 qui se lit comme suit :

L’arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d’instance ou d’injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu’il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond.

[34] Les arguments présentés par Me Bird pour la Société canadienne des postes révèlent que l’employeur craint que, s’il n’obtient pas la suspension de l’instruction, cette dernière sera applicable à tous les autres bureaux de poste du Canada où la situation est similaire, et que cela aura une incidence sur la structure des comités de santé et de sécurité de partout au Canada.

[35] En ce qui concerne le premier critère, je conclus que, comme l’instruction ne porte que sur le bureau de poste d’Englehart et que l’ASS McKeigan y mentionne qu’elle a été émise après une enquête sur le refus de travailler en vertu du paragraphe 129(1) du Code, il n’existe pas à cette étape-ci de mon enquête de raison de déduire que cette instruction s’applique aux autres bureaux de poste au Canada qui présentent une situation semblable. Par conséquent, je conclus que la Société canadienne des postes n’a pas établi qu’il y avait une question sérieuse à juger.

[36] En ce qui a trait au critère sur le préjudice irréparable, je conclus que l’instruction n’aurait pas d’incidence sur la structure nationale des comités de santé et de sécurité. Par conséquent, la Société canadienne des postes ne subirait pas de préjudice irréparable tant en ce qui concerne la réorganisation que la formation de nouveaux représentants en matière de santé et de sécurité afin de respecter l’instruction.

[37] En outre, sur la question du critère de la prépondérance des inconvénients, en attendant l’audience de l’agent d’appel, le paragraphe 129(1) du Code mentionne d’autres moyens de protéger les droits des travailleurs à une représentation appropriée pendant une enquête sur un refus de travailler.

[38] Par conséquent, les arguments présentés par le demandeur ne m’ont pas convaincue qu’il existe une question sérieuse à juger, que l’employeur subirait un préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de la Société canadienne des postes.

[39] Pour ces motifs, je refuse d’accueillir la demande de la Société canadienne des postes pour une suspension de l’instruction de l’ASS Bruce McKeigan.



_________________
Katia Néron
Agente d’appel


Sommaire de la décision de l’agent d’appel

Decision No°: 06-034

Demandeur : Société canadienne des postes

Défendeur : Volker Weissner et coll. et le Syndicat des travailleurs et des travailleuses des postes

Dispositions : Code du travail du Canada, 145(1), 128(10),

Mots clés : Sursis d’exécution, fonctions de gestion, refusé.

Sommaire :

La Société canadienne des postes a demandé de suspendre l’exécution des instructions données par l’agent de santé et sécurité (ASS) Bruce McKeigan le 3 avril 2006, à la suite du refus de travailler de quatre facteurs de banlieue ruraux. L’ASS a donné ces instructions en raison d’une contravention à la disposition du paragraphe 128(10) de la Partie II du Code canadien du travail (le Code), son enquête ayant révélé qu’un représentant des employés exerçait des fonctions de gestion. Le Code interdit clairement à toute personne exerçant des fonctions de gestion de représenter les employés, comme le faisait le maître de poste au moment de l’enquête. L’agent d’appel a examiné la demande de sursis à la lumière du critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., fondé sur l’examen des trois éléments suivants : 1) la gravité de l’affaire à instruire, 2) le risque de préjudice irréparable et 3) la prépondérance des inconvénients. À la suite de cette analyse, il a refusé d’accorder le sursis d’exécution.

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