Archivée - Décision: 06-041 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail
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Canadien Pacifique Limitée
appelant
et
Travailleurs canadiens de l’automobile
intimé
___________________________
Décision n°: CAO-06-041
Le 22 novembre 2006
Cette affaire a été entendue par Katia Néron, agente d’appel, sur le fondement des arguments écrits présentés par les parties et des documents présentés par l’agent de santé et de sécurité.
Pour l’appelant
Katherine E. Bilson, avocate, Services juridiques, Canadien Pacifique Limitée (CP)
Robert Tully, spécialiste de la sécurité des services de mécanique, Canadien Pacifique Limitée
Pour l’intimé
Jim Wilson, coordonnateur national de la santé et de la sécurité, Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA), section locale 101
Agents de santé et de sécurité
Todd Campbell, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), Programme du travail, Vancouver (Colombie-Britannique)
[1] Après avoir enquêté sur un accident survenu dans la cour de triage de la société Canadien Pacifique à Port Coquitlam (Colombie-Britannique) le 10 janvier 2005 et qui a causé le décès de Dennis Sokoliuk, un manœuvre-aiguilleur1 au service du CP, l’agent de santé et de sécurité (ASS) Todd Campbell a émis le 28 novembre 2005 une instruction au CP en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code). Dans son instruction, l’ASS Campbell déclarait que le CP avait commis trois infractions à l’article 124 du Code et lui ordonnait de mettre fin à ces infractions au plus tard le 31 janvier 2006. Le 28 novembre 2005, Robert Tully, spécialiste de la sécurité des services de mécanique, a interjeté appel contre l’instruction en vertu du paragraphe 146(1) du Code, au nom du CP.
1 | L’atelier des wagons de Port Coquitlam emploie un manœuvre-aiguilleur qui assume les deux rôles dans la cour de triage. À titre d’aiguilleur, l’employé effectue les mouvements d’aiguillage, fait fonctionner les dispositifs d’aiguillage, aligne les attelages et attelle ou dételle des locomotives ou des locotracteurs rail-route avec un conducteur de locotracteurs ou de locomotives pour déplacer les wagons dans la cour de triage. Lorsqu’il n’a pas de mouvements d’aiguillage à effectuer, l’employé travaille comme manœuvre et effectue périodiquement des tâches générales de maintenance ou d’ouvrier non spécialisé. |
[2] L’instruction de l’ASS Campbell se lit comme suit :
[Traduction]
CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION DONNÉE À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)Le 10 janvier 2005, le soussigné agent de santé et de sécurité a mené une enquête sur le décès au travail de Dennis Sokoliuk, manœuvre-aiguilleur au service de Canadien Pacifique Limitée, employeur assujetti au Code canadien du travail, à la cour de triage située au 1250, route Lougheed, à Port Coquitlam en Colombie-Britannique, lieu de travail exploité par l’employeur.
Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis qu’il y a eu contravention aux dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail :
1. L’article 124 de la partie II du Code canadien du travail (formation / évaluation)
L’employeur n’a pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés affectés à l’aiguillage et n’ayant pas rempli ces fonctions depuis longtemps, car il n’a pas fixé de période acceptable entre les séances de reformation officielle à l’intention de ces employés, y compris une évaluation objective de leur capacité à remplir ces fonctions de façon sécuritaire.2. L’article 124 de la partie II du Code canadien du travail (rapport du médecin)
L’employeur n’a pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés qui reviennent au travail après un congé de maladie, car il n’a pas tenu compte de l’opinion négative du médecin sur la capacité d’un employé à revenir au travail, ni cherché à obtenir des précisions sur celle-ci, comme l’indique le rapport médical à remplir par le médecin traitant fourni par l’employeur.3. L’article 124 de la partie II du Code canadien du travail (termes directionnels)
L’employeur n’a pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés affectés à l’aiguillage, car il a enseigné à ces employés l’utilisation de termes imprécis comme « avancer », « reculer », « en avant » et « en arrière » pour indiquer la direction du mouvement des wagons aux conducteurs des locomotives. Comme le sens de ces termes dépend de l’orientation variable de la locomotive, parfois hors du champ de vision de l’aiguilleur, ses instructions peuvent être mal interprétées et le conducteur de locomotive peut réagir de façon opposée à l’intention de l’aiguilleur.En conséquence, je vous ORDONNE PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 31 janvier 2006.
[3] Le CP a présenté une demande de suspension concernant le troisième point de l’instruction le 18 janvier 2006. L’agent d’appel Douglas Malanka a entendu la demande le 26 janvier 2006 et a accordé la suspension.
[4] Je dégage les éléments qui suivent du rapport d’enquête de l’ASS Campbell et des documents joints à ce rapport en ce qui concerne les trois points de l’instruction.
Premier point de l’instruction
[5] En se fondant sur la documentation que le CP lui a fournie pendant son enquête, l’ASS Campbell a dégagé les éléments suivants sur les antécédents professionnels de M. Sokoliuk.
[6] M. Sokoliuk a été recruté par le CP à la cour de triage de Port Coquitlam à titre de manœuvre en juillet 1976. En 1990, il est devenu aide-wagonnier2 à l’atelier des wagons. En février 1993, il a reçu une formation de « fieldman »3 et est devenu aiguilleur qualifié le 1er mars 1993. En mars 1993, il a reçu une formation de conducteur de locotracteur4 et est devenu conducteur de locotracteur qualifié le 1er avril 1993.
2 | Le terme aide-wagonnier désigne le poste des employés qui inspectent, entretiennent et réparent les éléments structurels et mécaniques des wagons de marchandise, de passagers et urbains de passage. |
3 | Les termes « switchman » et « fieldman » sont utilisés indifféremment et désignent le même poste, soit celui d’aiguilleur. |
4 | Un locotracteur est un véhicule utilisé dans une cour de triage au lieu d’une locomotive pour déplacer un petit nombre de wagons. |
[7] Entre avril 1993 et septembre 2003, M. Sokoliuk a travaillé à titre de conducteur de locotracteur et n’a effectué que peu de tâches d’aiguillage pendant cette période.
[8] En septembre 2003, la classification d’aide-wagonnier a été abolie et M. Sokoliuk a été reclassé comme manœuvre, entraînant la perte de son ancienneté et de son poste de conducteur de locotracteur. Il a ensuite été muté à l’atelier de mécanique diesel au poste de préposé aux locomotives5 du quart du soir. M. Sokoliuk a eu de la difficulté à s’adapter à ce poste ainsi qu’au quart du soir. D’octobre 2003 à novembre 2004, il a touché une « indemnité hebdomadaire »6 en raison d’un grave problème de santé.
5 | Un préposé aux locomotives conduit des locomotives et les déplace sur les rails de l’atelier. |
6 | L’« indemnité hebdomadaire », aussi connue sous le nom d’indemnité pour « invalidité de courte durée » est une indemnité versée en remplacement du salaire lors d’une brève absence d’un employé en raison d’une maladie ou d’une blessure. |
[9] Le 8 novembre 2004, M. Sokoliuk est retourné au travail à titre d’aiguilleur. Il a travaillé en équipe pendant quatre jours avec un aiguilleur expérimenté, Dan White, pour se réhabituer à ce travail. Après ces quatre jours de mentorat, M. Sokoliuk a assumé seul ses tâches d’aiguilleur pendant un total de 18 jours avant de prendre son congé annuel, du 9 décembre 2004 au 4 janvier 2005.
[10] M. Sokoliuk est retourné au travail le 5 janvier 2005. Il a été blessé mortellement le 10 janvier 2005, soit le 22e jour après avoir commencé à faire seul son travail d’aiguilleur.
[11] À la lumière des éléments mentionnés ci-dessus, l’ASS Campbell a conclu que lors de son retour au travail au poste d’aiguilleur en novembre 2004, M. Sokoliuk commençait essentiellement un nouveau travail, car il n’avait fait le travail d’aiguilleur qu’un seul mois environ depuis mars 1993.
[12] Selon la déclaration de D. White recueillie par l’ASS Campbell le 15 février 2005, on a demandé à D. White de mettre à niveau les connaissances de M. Sokoliuk sur les fonctions d’aiguilleur. D. White a déclaré qu’il avait déjà fourni un mentorat semblable par le passé. Il croyait qu’une période de quatre jours de mentorat au lieu des trois semaines de formation habituelle n’était pas suffisante pour remettre à niveau ses connaissances et lui permettre d’effectuer le travail d’aiguillage de façon appropriée. Il supposait qu’après le mentorat, les aptitudes de M. Sokoliuk seraient mises à l’épreuve pour vérifier si ce dernier pouvait faire le travail, mais il ne savait pas si cela avait eu lieu.
[13] Selon la déclaration recueillie le 13 janvier 2005 auprès de Mike Gans, coordonnateur des processus de la cour de triage du CP à Port Coquitlam, par Randy Congdon et Bob Tully, au nom du CP, et par Jim Wilson, au nom de la section locale 101 de TCA, Mike Gans avait suivi M. Sokoliuk de très près et lui avait parlé pendant les quatre jours de mentorat. M. Gans était d’avis qu’à la fin de sa réorientation, M. Sokoliuk était tout à fait capable d’accomplir les tâches d’aiguilleur de façon sécuritaire et fiable.
[14] L’ASS Campbell a aussi noté pendant son enquête que M. Gans avait effectué quelques vérifications des employés chargés de la conduite des locotracteurs, y compris M. Sokoliuk. Cependant, ces vérifications ne comprennent aucun renseignement sur les procédures d’aiguillage et portent surtout sur les questions d’équipement de protection personnelle. De plus, aucune documentation n’a été conservée sur la formation offerte à M. Sokoliuk par mentorat.
[15] En outre, dans la déclaration recueillie le 30 septembre 2005 par l’ASS Campbell de M. Douglas Evans, celui-ci, collègue de travail de M. Sokoliuk au moment de l’accident, avait douté de la capacité de M. Sokoliuk d’effectuer les tâches d’aiguilleur de manière sécuritaire dès qu’il avait commencé à travailler avec ce dernier jusqu’en novembre 2004, parce qu’il avait vu M. Sokoliuk monter sur des leviers d’attelage, se glisser entre des wagons et tenter l’aligner des attelages en enroulant la courroie d’alignement autour d’une mâchoire d’attelage et en tirant dessus à la force de ses bras.
[16] À la lumière de ces renseignements, l’ASS Campbell a conclu que M. Sokoliuk n’avait pas reçu une formation appropriée pour remplir les fonctions d’aiguilleur.
[17] L’ASS Campbell a aussi conclu qu’en novembre 2004, lorsque M. Sokoliuk avait été affecté au poste d’aiguilleur, aucune évaluation officielle n’avait été menée pour vérifier si ce dernier était capable d’effectuer le travail de façon sécuritaire. L’employeur avait affecté D. White aux côtés de M. Sokoliuk pendant quatre jours parce qu’il reconnaissait que M. Sokoliuk pourrait tirer avantage d’une certaine réorientation. Toutefois, M. White n’avait reçu aucun programme écrit à suivre pour cette réorientation. Comme aucun examen oral, écrit ou pratique n’avait été effectué après les quatre jours de mentorat et que M. White et M. Evans n’avaient pas été invités à présenter leurs commentaires sur les capacités de M. Sokoliuk, l’ASS Campbell a déterminé que le CP n’avait pas mis à l’épreuve ou évalué objectivement la capacité de M. Sokoliuk de faire le travail et avait compté sur ce dernier pour en parler s’il avait des problèmes.
[18] Par conséquent, comme il l’a indiqué dans le premier point de l’instruction, l’ASS Campbell a conclu de manière générale que l’employeur n’avait pas veillé à la protection de la santé et de la sécurité de ses employés, car le CP n’avait pas fixé d’échéance acceptable de recyclage pour les employés qui n’avaient pas travaillé comme aiguilleurs depuis longtemps, y compris une évaluation objective de leur capacité à remplir ces fonctions de façon sécuritaire.
Deuxième point de l’instruction
[19] L’ASS Campbell a aussi examiné les deux rapports médicaux fournis par le psychologue traitant de M. Sokoliuk, M. O. James, et par son médecin traitant, le Dr Wilson, avant le retour au travail de M. Sokoliuk. Le CP avait reçu le rapport de M. James le 25 octobre 2004 et celui du Dr Wilson le 4 novembre 2004.
[20] Pour sa part, M. James avait déclaré que M. Sokoliuk était capable d’effectuer des tâches critiques pour sa santé et sa sécurité ainsi que celles d’autres personnes. Il avait aussi indiqué que M. Sokoliuk était apte à retourner au travail sans restriction le 8 novembre 2004.
[21] D’un autre côté, le Dr Wilson avait déclaré que M. Sokoliuk n’était pas capable d’effectuer des tâches critiques pour sa santé et sa sécurité ou pour celles d’autres personnes. Il avait aussi souligné que M. Sokoliuk n’était pas apte à reprendre les fonctions qu’il assumait avant sa maladie ou son accident. Cependant, selon l’avis du Dr R. Wilson, les problèmes de santé de M. Sokoliuk et les médicaments qui lui étaient prescrits n’avaient pas d’incidence négative sur sa vivacité d’esprit, son attention, son sens de l’orientation, son jugement, sa mémoire, son humeur ou ses fonctions psychomotrices. Le Dr Wilson avait aussi mentionné que M. Sokoliuk était apte à reprendre des fonctions modifiées à partir du 8 novembre 2004 et que, dans le cadre de ces fonctions, il ne devait pas lever d’objets de plus de 50 livres à l’occasion ou lever et transporter de manière fréquente un poids de plus de 20 livres, jusqu’au moment de sa réévaluation le 8 décembre 2004.
[22] Dans ses réponses écrites aux questions de l’ASS Campbell, le Dr Wilson avait affirmé n’avoir jamais été consulté au sujet des restrictions de travail estimées et de la réévaluation suggérée pour le 8 décembre 2004.
[23] Dans une lettre transmise à l’ASS Campbell, Mme Jacqui Bartkiewicz, conseillère en santé des employés pour les services de santé au travail du CP, avait déclaré qu’elle avait communiqué avec M. Sokoliuk après avoir reçu les deux rapports médicaux pour préciser la situation et obtenir des renseignements sur les restrictions énumérées par le Dr Wilson dans son rapport. M. Sokoliuk l’avait informée que sa santé devait être réévaluée un mois plus tard et qu’il lui communiquerait au besoin tout changement apporté aux restrictions. Il lui avait également dit qu’il ne pouvait pas soulever de poids de plus de cinquante livres et qu’il n’avait aucune crainte sur sa capacité de remplir les fonctions de manœuvre-préposé aux wagons.
[24] Cependant, comme nous l’avons mentionné, M. Sokoliuk est retourné au travail le 8 novembre 2004 à titre d’aiguilleur.
[25] À la lumière de ces renseignements, l’ASS Campbell avait conclu, comme l’indique le deuxième point de son instruction, que le CP n’avait pas en général assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés, car il n’avait pas cherché à obtenir des précisions sur l’opinion du deuxième spécialiste de la santé en ce qui avait trait à la capacité de M. Sokoliuk de retourner au travail. L’ASS Campbell a aussi conclu que le CP n’avait pas respecté l’évaluation négative du médecin traitant sur la capacité de M. Sokoliuk de retourner au travail.
Troisième point de l’instruction
[26] Dans son rapport, l’ASS Campbell mentionnait également les instructions suivantes qui font partie du programme de formation du CP pour les préposés aux locomotives et la conduite des locotracteurs relativement aux communications par radio entre un aiguilleur et un conducteur de locotracteur ou de locomotive :
[Traduction]
5e point : Programme des opérations des voies d’atelier (février 1999) 1-1
Veiller à la clarté de toutes les communications et instructions entre les membres du personnel au travail.2e point : Opérations des locotracteurs (février 1999) 1-1
S’assurer que tous les messages sont bien compris tant par l’aiguilleur que par le conducteur avant d’amorcer le mouvement.2e point : Programme des opérations des voies d’atelier (février 1999) 2-6
Opérations des locotracteurs (février 1999), p. 11
(Fournir) l’orientation et la distance du mouvement.8e point : Opérations des locotracteurs (février 1999) 1-1
Le conducteur et l’aiguilleur doivent connaître les termes à utiliser dans les communications sur les mouvements et s’entendre sur ces termes.5e point : Programme des opérations des voies d’atelier (mars 1999), p. 8
Identifier tout d’abord l’avant et l’arrière de la locomotive : - la lettre F (front) sera peinte sur le côté de la locomotive pour indiquer l’avant.3e point : Programme des opérations des voies d’atelier (février 1999) 2-5
Opérations des locotracteurs (février 1999) 1-1, p. 10
Les messages par radio doivent être faits de manière à être clairement compris et DOIVENT ÊTRE RÉPÉTÉS par l’employé qui conduit la locomotive ou le locotracteur. Si le message n’est pas répété, l’employé n’y obéira pas et agira comme si le message n’avait pas été fait.Règle 5 : Opérations des locotracteurs (février 1999) 1-8
Répétez les instructions de l’aiguilleur avant d’y obéir. De cette façon, l’aiguilleur peut s’assurer que vous avez compris le message correctement. Cela est encore plus important pour les messages par radio qui comprennent des directions, comme avancer, reculer, vers l’est ou vers l’ouest.4e point : Programme des opérations des voies d’atelier (février 1999) 2-5
Opérations des locotracteurs (février 1999) 1-1, p. 10
La personne qui reçoit le message ne doit faire savoir qu’elle a bien reçu le message que lorsqu’elle est certaine qu’elle a tout reçu et compris le message correctement.
[27] En se fondant sur les directives mentionnées ci-dessus, l’ASS Campbell avait conclu que le CP n’avait pas fixé de termes normalisés pour les termes à utiliser pour indiquer la direction du mouvement de l’équipement et avait laissé au conducteur et à l’aiguilleur la responsabilité de s’entendre entre eux sur les termes à utiliser lors de leurs activités.
[28] En outre, dans sa déclaration du 13 janvier 2005 recueillie par R. Congdon et J. Wilson, D. Evans avait indiqué qu’au moment de l’accident du 10 janvier, il travaillait avec M. Sokoliuk dans la cour de l’atelier (c.-à-d. la cour X) à l’extrémité est de la voie X29, pour effectuer des opérations d’aiguillage. Il conduisait lui-même la locomotive CP 1203. Vers 15 h 10, M. Sokoliuk avait aligné l’aiguillage pour la voie X29 et avait dit à M. Evans de pousser les 21 wagons vers l’ouest sur la voie X29 avec le wagon GTW5040887 à l’extrémité ouest vers des wagons en attente.
7 | Le wagon GTW504088 était un des 21 wagons attelés à la locomotive CP 1203, conduite par D. Evans. |
[29] D. Evans avait aussi déclaré que les derniers messages par radio de M. Sokoliuk portaient sur le « décompte » de la distance (un wagon…, un demi-wagon…, 5 pieds) à parcourir vers l’ouest avec le wagon GTW504088 avant d’atteindre le wagon stationnaire 3DTTX64527 sur la voie X29. D. Evans avait déclaré que ce « décompte » était habituellement utilisé par l’aiguilleur pour informer le conducteur de locomotive de la distance à parcourir entre les wagons et au lieu de lui dire quand s’arrêter.
[30] D. Evans avait aussi déclaré que M. Sokoliuk ne lui avait pas donné le signal de « s’arrêter ». Sans ce signal, D. Evans avait déclaré que son intention avait été d’atteler et de continuer à pousser vers l’ouest, car, en arrêtant, il aurait eu du mal à repartir. D. Evans avait ajouté qu’il avait répondu par radio au dernier signal de « cinq pieds » en demandant à M. Sokoliuk s’il voulait qu’il arrête. Il avait répété cette question plusieurs fois et, comme il n’avait pas reçu de réponse, il avait arrêté le mouvement.
[31] Le 30 septembre 2005, D. Evans avait fourni une deuxième déclaration à l’ASS Campbell dans laquelle il avait affirmé qu’il y avait eu d’autres communications avec M. Sokoliuk après le message des « cinq pieds ». Toutefois, il ne pouvait se souvenir clairement du contenu de ces communications.
[32] La deuxième déclaration de D. Evans indiquait que M. Sokoliuk avait mentionné avant l’accident que l’orientation de la locomotive sur la voie avait changé pendant l’année où il avait été en congé.
[33] Dans sa deuxième déclaration, neuf mois après l’accident, D. Evans avait aussi affirmé que, pendant le dernier mouvement des wagons vers l’ouest sur la voie X29, après le décompte de la distance restante entre les wagons (« un wagon…, un demi-wagon…, 5 pieds »), M. Sokoliuk lui avait demandé de reculer de 20 pieds. D. Evans avait cru que M. Sokoliuk lui demandait de reculer pour pouvoir se glisser de manière sécuritaire entre les wagons afin d’effectuer les ajustements nécessaires aux mâchoires pour l’attelage des wagons. D. Evans avait affirmé qu’il avait reculé de 20 pieds vers l’est et qu’il s’était arrêté pour attendre d’autres directives. Après quelques minutes, M. Sokoliuk lui avait demandé d’avancer de 20 pieds, et D. Evans avait effectué ce mouvement. D. Evans avait alors demandé à M. Sokoliuk s’il voulait qu’il arrête, mais il n’avait pas reçu de réponse. Il avait répété plusieurs fois sa question à M. Sokoliuk, et il s’était finalement arrêté parce qu’il n’avait pas obtenu de réponse.
[34] D. Evans en avait conclu que M. Sokoliuk ne lui avait peut-être pas donné les bonnes instructions quant à la direction du mouvement compte tenu de l’orientation de la locomotive.
[35] D. Evans avait ajouté qu’au moment de l’accident, M. Sokoliuk ne lui avait jamais dit qu’il avait l’intention d’aller entre les wagons pour ajuster les mâchoires d’attelage. Il avait ajouté qu’avant l’accident, M. Sokoliuk lui avait souvent demandé d’arrêter pendant un déplacement, mais qu’il ne savait pas la raison de ces demandes, si c’était, par exemple, pour ajuster une mâchoire. D. Evans n’avait pas l’habitude de poser des questions sur les raisons qui pouvaient pousser un aiguilleur à donner la directive d’arrêter ou de faire autre chose, tout comme il n’avait pas en général l’habitude de répéter les directives de l’aiguilleur. Il demandait cependant des éclaircissements ou une confirmation s’il ne comprenait pas une directive.
[36] D. Evans avait ajouté qu’il n’y avait pas de cohérence quant à l’utilisation par les aiguilleurs de termes directionnels comme « en avant ou en arrière », « avancer ou reculer » ou « vers l’est ou vers l’ouest ».
[37] À la lumière de ces renseignements, l’ASS Campbell avait conclu que, comme les termes directionnels dépendaient de l’orientation de la locomotive qui, comme l’avait souligné M. Sokoliuk, avait été modifiée pendant l’année où il avait été en congé et n’était pas bien visible pour lui, la dernière directive de M. Sokoliuk sur la direction du mouvement n’était peut-être pas correcte ou avait pu être mal interprétée par son collègue.
[38] L’ASS Campbell en était également arrivé à la conclusion que, comme le CP n’avait pas établi de termes directionnels normalisés, les employés utilisaient différents termes comme « en avant ou en arrière » et « avancer ou reculer » au lieu de termes plus spécifiques, comme « vers l’est ou vers l’ouest ». À son avis, cela augmentait les risques d’erreurs de communication entre l’aiguilleur et le conducteur de locomotive. Par conséquent, le CP n’avait pas veillé à la protection de la sécurité des employés.
[39] Comme l’indique le troisième point de son instruction, l’ASS en avait conclu que le CP n’avait pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés, car il leur avait enseigné à utiliser des termes imprécis comme « avancer », « reculer », « en avant » et « en arrière » pour indiquer la direction du mouvement des wagons aux conducteurs des locomotives. Les instructions de l’aiguilleur pouvaient donc être mal interprétées et le conducteur pouvait réagir de façon opposée à l’intention de l’aiguilleur.
Autres notes de l’enquête de l’ASS Campbell
[40] Dans le cadre de son enquête, l’ASS Campbell avait examiné divers documents faisant partie du matériel de formation du CP pour les conducteurs de locotracteurs et les préposés aux locomotives. Ces documents étaient en vigueur au moment de l’accident et établissaient des procédures visant à protéger les employés des risques de heurts par des mouvements accidentels des wagons.
[41] L’ASS Campbell avait conclu de cet examen que les directives du CP sur les procédures à suivre pour ajuster les mâchoires, qui faisaient partie de la formation d’aiguilleur suivie initialement par M. Sokoliuk en 1993, étaient de nature générale et ne précisaient pas la distance sécuritaire à respecter entre les dispositifs d’attelage des wagons.
[42] Selon l’ASS Campbell, les directives du CP les plus détaillées qu’il avait trouvées sur l’alignement des mâchoires étaient les suivantes :
[Traduction]
30e point :Lorsqu’il est nécessaire d’aligner les dispositifs d’attelages, la locomotrice doit s’arrêter complètement avant de tenter l’alignement. Après l’arrêt complet des wagons, les lignes directrices suivantes s’appliquent :
A. Veillez à ce qu’il y ait au moins la distance d’un wagon entre les deux wagons pour vous permettre de travailler à cet endroit;
B. Assurez-vous que le conducteur est bien conscient que vous travaillez à l’alignement de l’attelage;
C. Gardez toujours un pied à l’extérieur du rail;
D. Saisissez l’attelage et glissez-le de préférence. Si vous n’arrivez pas à le glisser, demandez au conducteur de vous aider pour le soulever et le glisser en position. Ne le secouez pas;
E. Si vous devez soulever l’attelage, gardez le dos droit, tenez fermement l’attelage et levez en forçant avec vos jambes.
(Souligné par mes soins)
[43] Dans son rapport, l’ASS Campbell avait aussi mentionné le Safety Related Investigation - Fatality Report (enquête portant sur la sécurité – rapport sur le décès) préparé par le CP au sujet du décès de M. Sokoliuk. Le rapport avait été rédigé à la suite d’une enquête conjointe sur l’accident menée par le CP et TAC. Voici un extrait du sommaire :
[Traduction]
Le programme de formation ne stipulait pas que l’aiguilleur devait informer le conducteur lorsqu’il devait se glisser entre deux wagons. Il ne contenait pas non plus d’exigence pour l’arrimage de la locomotive. Le programme de formation auquel M. Sokoliuk a participé initialement ne comprenait qu’une discussion de l’exigence d’une distance de 50 pieds entre les wagons avant de s’y glisser. L’ensemble plus récent de formation ne comprenait pas la partie sur l’aiguilleur, ni l’exigence d’une distance de 50 pieds. Même si l’exigence d’une distance de 50 pieds n’a jamais été abrogée, l’introduction d’une courroie d’alignement de neuf pieds pour aider les employés à aligner les attelages a créé une certaine confusion.
[44] À la lumière de ces renseignements, l’ASS Campbell en était arrivé à la conclusion que l’exigence d’une « distance de 50 pieds entre les wagons » dont M. Sokoliuk avait entendu parler remontait à sa formation initiale en 1993.
[45] L’ASS Campbell avait aussi indiqué dans son rapport que la pratique de la « courroie d’alignement de l’attelage » mise en place par le CP en 2000 ne respectait pas l’exigence de la « distance d’un wagon ». Les aiguilleurs utilisaient cette courroie en tissu d’une longueur d’environ neuf pieds pour aligner les mâchoires. La courroie était enroulée autour des mâchoires mal alignées des deux wagons. Le conducteur de la locomotive tirait alors les wagons et les mâchoires étaient alignées par la courroie tendue. Selon les renseignements inscrits dans l’Employee Current Training Record (dossier de la formation actuelle de l’employé), M. Sokoliuk avait reçu une formation d’une heure sur l’utilisation de cette courroie le 19 septembre 2000. Cependant, l’utilisation de cette courroie exigeait que les deux wagons soient séparés par une distance de moins de 8 pieds environ, ce qui était contradictoire avec la politique précédente exigeant une distance d’une longueur de wagon (environ 50 pieds).
[46] L’autre document examiné par l’ASS Campbell et mentionné dans son rapport est intitulé Safety and Accident Prevention 300-3 (sécurité et prévention des accidents 300-3). Il contient 32 règles de sécurité et interdictions. L’ASS avait souligné que les trois interdictions suivantes étaient contradictoires et imprécises sur la distance minimum sécuritaire à observer entre deux wagons :
[Traduction]
[Il est interdit : ]
28. d’être entre la locomotive et un wagon ou entre deux wagons qui bougent ou sont sur le point de bouger SAUF lorsque cela est nécessaire pour faire fonctionner le frein à main et seulement en faisant très attention;
29. d’être entre la locomotive et un wagon ou entre deux wagons lors de l’attelage;
30. d’ajuster les mâchoires ou les attelages avant que le mouvement soit complètement arrêté, qu’il n’y ait plus de jeu et que toutes les personnes concernées soient au courant de vos intentions.
[47] En se fondant sur ces lignes directrices antérieures, l’ASS Campbell avait déterminé que les procédures du CP pour se positionner entre les wagons étaient vagues et contradictoires, et qu’elles ne protégeaient pas la santé et la sécurité des employés.
[48] Néanmoins, l’ASS Campbell avait choisi de ne pas mentionner ces conclusions dans son instruction parce que le CP avait aboli la pratique des courroies d’ajustement après l’accident mortel et avait émis, le 12 janvier 2005, une nouvelle instruction intitulée General Safety Information – Aligning Coupler during Switching Operations (information générale de sécurité – alignement des attelages pendant les opérations d’aiguillage) stipulant que les courroies d’alignement ne devaient plus être utilisées. En outre, le 18 janvier 2005, le CP avait émis une autre instruction intitulée Switching Operations for Mechanical Services Employees (opérations d’aiguillage pour les employés des services de mécanique). Cette instruction stipulait que les employés devaient informer le conducteur de locomotive ou de locotracteur avant de se glisser entre deux wagons et qu’ils devaient s’assurer que l’équipement était immobilisé et arrimé avant d’effectuer leurs tâches entre les wagons. Ces instructions se lisent en partie comme suit :
[Traduction]
Information générale de sécurité
Alignement des attelages pendant les opérations d’aiguillageChaque fois qu’un employé doit aligner un attelage pendant des opérations d’aiguillage, il doit respecter les règles de sécurité mentionnées ci-dessous :
1. Veiller à appliquer la protection des rails appropriée;
2. Veiller à maintenir une distance de 50 pieds entre l’équipement et à vérifier l’arrimage de l’équipement avant de se glisser entre l’équipement;
3. Ne pas ajuster les attelages en les frappant du pied;
4. Respecter les pratiques locales pendant les opérations d’aiguillage;
5. Maintenir une communication appropriée par radio pendant toutes les opérations d’aiguillage.
[…]
NOTA : On a porté à notre attention le fait que les courroies d’alignement ne permettent pas de respecter la distance de 50 pieds entre les wagons. Par conséquent, l’utilisation des courroies d’alignement est abandonnée jusqu’à ce que nous vous avisions du contraire.
OPÉRATIONS D’AIGUILLAGE POUR LES EMPLOYÉS DES SERVICES DE MÉCANIQUE
[…]
1. S’assurer que la protection de rail appropriée est en place (drapeau bleu, dérailleurs).
2. Organiser une séance de préparation avec toute l’équipe avant de commencer le travail.Avant de se glisser entre deux pièces d’équipement
3. Communiquer avec les collègues sur le travail à effectuer.
4. Arrimer tout l’équipement relié à la locomotive ou au locotracteur en utilisant la protection en 3 points*.
5. Bloquer tout l’équipement de secours (freins à main – selon les procédures locales)
6. Effectuez le travail nécessaire.Pratiques recommandées
- S’assurer d’avoir une prise de pied sécuritaire.
- Garder les doigts et les mains loin des endroits où ils pourraient rester coincés.
- Écouter les bruits alentour. Si une pièce d’équipement fait du bruit parce qu’elle bouge, s’en éloigner immédiatement.
*Protection en 3 points : C’est une procédure utilisée pour protéger les employés lorsqu’ils accrochent de l’équipement. Elle exige que l’employé protégé et l’employé fournissant la protection agissent de concert lorsqu’ils mettent en place ou retirent la protection.
[…]
[49]  Sur le fondement de la position des mâchoire des wagons et de l’emplacement du corps de M. Sokoliuk ainsi que des blessures qu’il a subies8 , on a conclu qu’alors que les wagons en mouvement s’approchaient des wagons arrêtés sur la voie X29, M. Sokoliuk était allé devant l’équipement en mouvement pour aligner l’attelage et avait ensuite été coincé entre les attelages des wagons.
8 | Selon le rapport de l’ASS Campbell, les mâchoires des deux wagons DTTX645427 et GTW504088 n’étaient pas attelées et étaient séparées de plusieurs pouces. Les attelages des deux mâchoires étaient en position fermée, ce qui les auraient empêchées de s’atteler. La mâchoire du wagon GTW504088 était poussée dans la position la plus au nord dans le bras d’attelage. Ce désalignement de la mâchoire aurait aussi empêché les mâchoires de s’atteler, même si un des attelages avait été ouvert. Le corps de M. Sokoliuk a été trouvé au sol directement entre les mâchoires des wagons DTTX645427 et GTW504088. Il avait eu le côté gauche de l’abdomen, des organes internes et la main droite mortellement écrasés. Son casque de protection a été retrouvé à environ 180 pieds à l’est de son corps entre les rails de la voie 29. Le chariot motorisé que M. Sokoliuk avait utilisé a été trouvé stationné sur le côté sud de la voie 29, à environ trois longueurs de wagon à l’est de l’endroit où on a retrouvé son corps, tout près de l’endroit où était son casque de protection. Deux traces parallèles dans la neige entre les rails de la voie 29, de l’endroit où était le casque de protection à l’endroit où était le corps, semblaient indiquer que le corps de M. Sokoliuk avait été traîné sur cette longueur. |
Arguments de l’appelant
[50] Je dégage les éléments qui suivent des présentations écrites fournies par Me Katherine E. Bilson au nom de l’appelant.
[51] En ce qui concerne les deux premiers points de l’instruction, Me Bilson avait déclaré que le CP acceptait le bien-fondé des préoccupations de l’ASS Campbell et reconnaissait le besoin d’apporter des améliorations en élaborant un processus plus structuré de recyclage des employés restés longtemps sans travailler ainsi qu’en assurant mieux la transition des employés vers de nouveaux secteurs de service. Le CP a accepté de se conformer à ces deux premiers points de l’instruction.
[52] Néanmoins, Me Bilson avait déclaré que le CP n’était pas du tout d’accord avec le début de l’énoncé des deux premiers points de l’instruction, où il avait écrit que « l’employeur n’a pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de ses employés… », parce que le CP n’était pas du tout d’avis que les deux premiers points décrits dans l’instruction avaient contribué à la situation et que, en fin de compte, cela n’aurait en rien empêché l’accident mortel survenu.
[53]À l’appui de ce point de vue, Me K.E. Bilson avait affirmé que l’ASS Campbell avait fondé sa conclusion initiale sur des commentaires et des opinions recueillis lors d’entrevues menées bien après l’accident et qui laissaient entendre que M. Sokoliuk n’était pas qualifié pour exercer des fonctions d’aiguilleur à son retour au travail.
[54] Me Bilson avait ajouté que, même si le CP n’avait pas de processus officiel de recyclage des employés restés longtemps loin des fonctions d’aiguilleur avant l’accident, le système de formation du Shop Track Operation Curriculum (STOC) (programme d’opération des voies de l’atelier) du CP fonctionnait comme une sécurité intégrée, car les employés devaient se requalifier tous les trois ans.
[55] En outre, Me K. E. Bilson a souligné que M. Sokoliuk avait dû travailler avec un mentor pendant quatre jours pour se familiariser de nouveau avec les fonctions d’aiguilleur.
[56] Ce sont les raisons pour lesquelles Me K. E. Bilson avait soutenu que le programme de recyclage en place lorsque M. Sokoliuk était revenu au travail n’était pas un facteur de causalité de l’accident et que le CP n’avait pas failli à son devoir de protéger la santé et la sécurité des employés. Néanmoins, le CP reconnaissait que ce genre de mentorat pouvait être amélioré par l’ajout d’une évaluation objective des capacités de l’employé et de la mise à jour de ses connaissances sur les normes à observer.
[57] En outre, Me Bilson avait affirmé que l’ASS Campbell avait fondé la deuxième conclusion de son instruction sur l’avis médical du Dr Wilson à l’effet que M. Sokoliuk était incapable d’effectuer des tâches critiques pour sa santé et sa sécurité ou celles des autres.
[58] Cependant, de l’avis de Me K. E. Bilson, on avait précisément demandé au Dr Wilson de donner son opinion sur l’incidence négative qu’auraient eu ou non les problèmes de santé de M. Sokoliuk et les médicaments qui lui avaient été prescrits sur sa coordination, sa vivacité d’esprit, son jugement ou sa capacité d’effectuer ses tâches de manière sécuritaire. Le Dr Wilson avait répondu que les problèmes de santé de M. Sokoliuk et les médicaments prescrits n’avaient aucune incidence négative sur sa vivacité d’esprit, son attention, son sens de l’orientation, son jugement, sa mémoire, son humeur ou sa psychomotricité.
[59] De l’avis de Me Bilson, les seules restrictions imposées à M. Sokoliuk par le Dr Wilson étaient que le travail physique ne devait exiger qu’un niveau d’effort « moyen », soit de ne lever à l’occasion que des poids ne dépassant pas 50 livres et de ne lever ou de ne déplacer fréquemment que des poids ne dépassant pas 20 livres.
[60] Me Bilson avait ajouté qu’une conversation téléphonique ultérieure entre M. Sokoliuk et J. Bartkiewicz avait permis de confirmer que ces restrictions avaient été motivées par des douleurs dans le bas du dos.
[61] Par conséquent, Me Bilson croyait que l’opinion du Dr Wilson à l’effet que M. Sokoliuk était incapable d’effectuer des tâches dangereuses pour sa santé et sa sécurité ou celles des autres visait directement le besoin de modifier les tâches pour respecter les restrictions, soit un effort physique ne dépassant pas un niveau « moyen ».
[62] Me Bilson avait aussi affirmé que les services de santé au travail du CP avaient aussi prévu que le Dr R. Wilson réévaluerait la capacité de M. Sokoliuk d’effectuer des efforts de niveau « moyen » lors d’une consultation prévue pour le 8 décembre 2004. C’est à cette date que le Dr Wilson aurait pu formuler une autre opinion médicale sur la capacité de travailler de M. Sokoliuk.
[63] Me Bilson avait ajouté que, lorsque M. Sokoliuk avait confirmé à J. Bartkiewicz que les restrictions étaient liées à des douleurs lombaires, il était prévu que M. Sokoliuk allait retourner au travail à titre de manœuvre wagonnier, un poste ne présentant pas de risque pour la sécurité et ne nécessitant aucune nouvelle formation. Rien n’indiquait à ce moment-là que les tâches de M. Sokoliuk incluraient du travail d’aiguillage ou d’autres tâches nécessitant une formation additionnelle avant son retour au travail.
[64] Compte tenu de ces circonstances, Me K. E. Bilson avait soutenu que l’évaluation négative du médecin n’était pas un facteur de causalité dans le décès de M. Sokoliuk et que, par conséquent, le CP n’avait pas failli à son devoir d’assurer la santé et la sécurité de ses employés.
[65] En ce qui concernait le troisième point de l’instruction, Me Bilson avait déclaré que les conclusions de l’ASS Campbell étaient essentiellement fondées sur les souvenirs de D. Evans du jour de l’accident, souvenirs qui, de l’avis même de ce dernier, demeuraient imprécis neuf mois après l’accident.
[66] Me K. E. Bilson avait aussi affirmé que les termes utilisés par M. Sokoliuk et M. D. Evans pour communiquer sur la direction du mouvement, comme « en avant » et « en arrière », n’avaient aucun rapport avec l’accident et qu’ils correspondaient aux termes utilisés dans toute l’industrie ferroviaire.
[67] À l’appui de ce point de vue, Me Bilson avait mentionné une partie du paragraphe 12.2 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada qui porte sur les manœuvres dirigées par radio et qui se lit comme suit :
12.2 Manœuvres dirigées par radio
Quand on utilise la radio pour diriger une manœuvre, et après que les intéressés se sont identifiés de la façon prescrite, il faut procéder comme suit :
i). le sens du mouvement à effectuer par rapport à l’avant de l’engin menant doit être indiqué dans l’instruction initiale et, par la suite, chaque fois qu’il faut inverser le sens du mouvement.
[68] Me Bilson avait également mentionné l’article 7 du Règlement qui porte sur les procédures visées par la règle 12.2 et fournit des exemples de termes directionnels de mouvement comme « en arrière ». Cette partie se lit en partie comme suit :
[Traduction]
7.0 Règle 12.2
7.1 Dans l’application des règles 12.2 et 123 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, l’exemple suivant est acceptable après avoir établi une identification positive :Conducteur
« Locomotive 5550, reculer de cinq longueurs de wagon. »Ingénieur de locomotive
(Souligné par mes soins)
« Locomotive 5550, reculer de cinq longueurs de wagon. »
[…]
[69] Me K. E. Bilson avait ajouté que les procédures appropriées de communication par radio étaient surtout traitées dans le module deux de la formation du Shop Track Operation Curriculum.
[70] Me Bilson avait affirmé que ce module exige que toute personne travaillant à des activités d’aiguillage reçoive une formation. En plus de cette formation, les employés reçoivent dans le cadre de quarts de familiarisation des directives sur les procédures locales, spécifiques à chaque installation.
[71] Me Bilson avait aussi déclaré qu’à Port Coquitlam, on enseignait aux employés que la « cour X » des services de mécanique était orientée d’est en ouest et que les mouvements d’aiguillage étaient formulés selon cette orientation.
[72] Me Bilson avait ajouté que, depuis l’accident, le CP avait pris des mesures pour souligner l’importance et la nécessité de procédures de communications claires entre les employés. Par exemple, des bulletins ont été affichés sur les lieux de travail pour apporter des éclaircissements sur la terminologie directionnelle à utiliser dans le lieu en cause. En outre, la formation des employés comprend maintenant des modules sur la communication. Par exemple, lors de l’apprentissage de l’utilisation du protocole de protection en trois points, les employés doivent apprendre la terminologie précise à utiliser dans leurs communications avec leurs collègues afin de bien assurer cette protection en trois points.
[73] C’est pour ces motifs que Me Bilson avait déclaré que le CP était en désaccord avec les postulats qui avaient servi de fondement à la troisième partie de l’instruction.
Arguments de l’intimé
[74] Jim Wilson a répondu aux arguments écrits de Me Bilson au nom de TAC. Je dégage les éléments suivants de ses présentations écrites.
[75] En ce qui concerne le premier point de l’instruction, J. Wilson avait souligné que M. Sokoliuk avait reçu une formation d’aiguilleur en 1993 et qu’il avait utilisé ces compétences pendant deux mois au plus. M. Sokoliuk avait ensuite travaillé comme conducteur, et n’avait pas retravaillé comme aiguilleur avant novembre 2004.
[76] J. Wilson avait affirmé que M. Sokoliuk n’avait jamais renouvelé ses qualifications depuis qu’il avait reçu la formation en 1993. M. Wilson n’estimait pas que le mentorat constituait un renouvellement des qualifications, expirées depuis plus de sept ans.
[77] J. Wilson avait soutenu que la formation du Shop Track Operation Curriculum (STOC) ne comprenait pas la formation d’aiguilleur et qu’il n’était au courant de l’existence d’aucun programme officiel de mentorat du CP. Il avait affirmé qu’on n’avait découvert les lacunes de la formation qu’après l’accident mortel et l’enquête, et qu’on n’avait mis à jour la formation du STOC pour y inclure un module pour les aiguilleurs qu’à ce moment-là. Il avait ajouté qu’au moment de l’accident, la formation de M. Sokoliuk était à jour en ce qui concernait le STOC, mais qu’il n’en était pas de même de sa formation d’aiguilleur. M. Sokoliuk n’avait pas reçu de formation sur la procédure de protection en trois points, même si, à l’époque, cette procédure était utilisée ailleurs dans les mêmes buts.
[78] En ce qui concernait le deuxième point de l’instruction, J. Wilson avait déclaré qu’il n’avait pas vu les documents médicaux mentionnés dans cette partie.
[79] Néanmoins, J. Wilson a affirmé que, dans le cadre de discussions conjointes du CP et de TAC de nombreuses années auparavant, le poste d’aiguilleur avait été désigné poste critique pour la sécurité. Le but de cette désignation consistait à repérer les tâches critiques pour la sécurité des employés, celle des autres employés et celle du public.
[80] J. Wilson avait aussi mentionné la politique du CP intitulée Fitness to Work Medical Policy for Safety Critical and Safety Sensitive Positions (Canada) modifiée à la lumière du Règlement médical des chemins de fer élaboré en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire9 . Cette politique existait avant l’accident. Elle définit les postes essentiels pour la sécurité ferroviaire comme des postes où une altération fonctionnelle peut entraîner un risque occasionnel pour la sécurité du public ou un risque pour la sécurité des employés, des clients, des employés des clients, de la propriété ou de l’environnement. Elle exige également qu’avant de revenir au travail à tout poste critique ou essentiel pour la sécurité, un employé doit satisfaire certaines exigences médicales spécifiques afin de s’assurer qu’il est apte à occuper ce poste ou à effectuer les fonctions du poste. En ce qui avait trait à cette exigence, J. Wilson avait souligné que le rapport du Dr Wilson indiquait clairement que M. Sokoliuk était incapable d’effectuer les tâches essentielles à sa sécurité ou à celle des autres.
9 | Les lignes directrices médicales relatives à l’emploi dans un poste classifié comme critique pour la sécurité relèvent du mandat fédéral et font partie du Règlement médical des chemins de fer élaboré en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire (Règlement médical). |
[81] J. Wilson avait ajouté que M. Sokoliuk n’aurait pas dû revenir au poste d’aiguilleur et qu’en fait, J. Bartkiewicz avait discuté du poste de wagonnier-manœuvre avec M. Sokoliuk, pas de celui d’aiguilleur. Il a aussi souligné que la fiche d’emploi de M. Sokoliuk indiquait clairement que, lorsque M. Sokoliuk était revenu au travail le 8 novembre 2004, on lui avait confié le poste de manœuvre-aiguilleur à l’atelier des wagons.
[82] En ce qui concernait le troisième point de l’instruction, J. Wilson avait appuyé la demande de l’appelant pour que cette partie de l’instruction soit modifiée.
[83] Comme l’avait déjà mentionné Me Bilson, J. Wilson avait déclaré que le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada utilisait les termes « en avant » et « en arrière » pour les mouvements directionnels. Cependant, il avait ajouté que les employés affectés à l’aiguillage et à la conduite à l’atelier des wagons recevaient une formation inspirée du Shop Track Operation Curriculum et non du Règlement. Néanmoins, il avait soutenu que les deux procédures étaient semblables sur l’utilisation des communications radio.
[84] J. Wilson avait également convenu, comme Me K. E. Bilson, qu’à Port Coquitlam, on enseignait aux employés que le service de mécanique de la « cour X » était orienté d’est en ouest et qu’on utilisait ces termes pour décrire les mouvements d’aiguillage.
[85] J. Wilson avait ajouté que les termes directionnels utilisés par l’aiguilleur et l’ingénieur de la locomotive pour communiquer n’étaient pas un facteur dans l’accident et que les termes utilisés pour l’aiguillage sur la voie de l’atelier ne présentaient aucun danger.
Analyse et décision
[86] En l’espèce, la question consiste à déterminer si les trois points de l’instruction de l’ASS Campbell étaient justifiés et appropriés.
[87] Pour en arriver à une décision, je dois tenir compte des éléments de preuves présentés et des circonstances de l’affaire, ainsi que des dispositions législatives pertinentes.
[88] En ce qui concerne les deux premiers points de l’instruction, les éléments de preuve indiquent que le CP n’avait ni processus officiel de recyclage des employés restés longtemps sans exercer les fonctions d’aiguilleur, ni d’évaluation officielle objective en vue de déterminer si ces employés étaient capables d’effectuer leurs tâches de manière sécuritaire.
[89] En outre, les éléments de preuve indiquent que deux rapports médicaux contradictoires ont été présentés au CP avant le retour au travail de l’employé. Contrairement au psychologue traitant, le médecin traitant de M. Sokoliuk était d’avis que son patient n’était pas capable d’effectuer des tâches critiques à sa sécurité ou à la sécurité d’autres personnes et qu’il n’était pas en état de reprendre les activités qu’il effectuait avant son accident ou sa maladie.
[90] Les éléments de preuve indiquent aussi que le CP a compté sur l’opinion de l’employé pour déterminer s’il était capable de retourner au travail, sans chercher à obtenir des éclaircissements sur les deux opinions médicales contradictoires.
[91] Je suis également d’avis que les restrictions en raison des douleurs lombaires de l’employé auraient dû être interprétées séparément de l’opinion médicale à l’effet que le patient était incapable d’effectuer des tâches essentielles à la sécurité.
[92] En outre, les éléments de preuve indiquent que M. Sokoliuk devait revenir au travail à titre de wagonnier-manœuvre, poste que le CP n’avait pas désigné comme essentiel à la sécurité. Rien n’indiquait non plus à ce moment-là que les fonctions de M. Sokoliuk comprendraient des tâches d’aiguilleur ou des tâches nécessitant une formation, nouvelle ou additionnelle, avant son retour au travail. Pourtant, les preuves indiquent que M. Sokoliuk a repris le travail à titre d’aiguilleur, poste qu’il n’avait pas assumé depuis 1993.
[93] À la lumière de tous ces éléments de preuve, même si je crois que le deuxième point de l’instruction aurait dû être plus spécifique étant donné la situation unique de l’employé, au lieu d’être de nature générale, j’adhère aux deux premiers points de l’instruction de l’ASS Campbell pour les motifs suivants :
- Comme le mentionne le paragraphe 122.1 du Code, le but de ce dernier est la prévention des accidents liés à un emploi. Ce paragraphe se lit comme suit :
-
122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.
- Pour réaliser cet objectif, l’article 124 du Code exige que les employeurs veillent à la protection de la santé et de la sécurité de leurs employés. L’article se lit comme suit :
-
124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.
- Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, M. Sokoliuk n’avait pas rempli les fonctions d’aiguilleur depuis 1993 et, avant son retour au travail à titre d’aiguilleur en 2004, le CP n’avait pas réévalué objectivement ses aptitudes et sa connaissance du travail, car aucune réévaluation normalisée n’avait été faite sur cette question;
- En outre, le CP n’a pas respecté l’évaluation négative du Dr Wilson sur la capacité de M. Sokoliuk de retourner au travail, et l’employeur n’a pas non plus cherché à obtenir des éclaircissements sur les deux opinions médicales contradictoires.
[94] Je suis donc d’avis que la signification des deux premiers points de l’instruction est claire lorsqu’on en prend connaissance dans le contexte des éléments de preuve et des dispositions du Code.
[95] Comme le CP a convenu de se conformer aux deux premiers points de l’instruction, je n’ajouterai pas d’autres commentaires sur ces questions.
[96] En ce qui a trait au troisième point de l’instruction, les éléments de preuve indiquent qu’à Port Coquitlam, on enseignait aux employés que la « cour X » du service de mécanique était orienté d’est en ouest et que les mouvements d’aiguillage étaient désignés selon cette orientation.
[97] Toutefois, les éléments de preuve indiquent qu’au moment de l’accident, non seulement M. Sokoliuk, mais également d’autres aiguilleurs utilisaient d’autres instructions directionnelles, comme « reculer » ou « avancer », au lieu des termes précis enseignés pour cet emplacement.
[98] En tenant compte de tous ces éléments, je conclus que le troisième point de l’instruction de l’ASS Campbell était erroné et aurait dû indiquer de manière plus spécifique que le CP n’avait pas veillé à ce que les termes utilisés par les aiguilleurs à la « cour X » du service de mécanique soient les mêmes que ceux enseignés pour cet emplacement afin d’éviter les interprétations erronées des communications pendant les activités d’aiguillage.
[99] Par conséquent, comme l’autorise le paragraphe 146.1(1) du Code, je modifie le troisième point de l’instruction de l’ASS Campbell comme je l’ai indiqué dans la nouvelle instruction en annexe.
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Katia Néron
Agente d’appel
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION DONNÉE À L’EMPLOYEUR EN VERTU DES ALINÉAS 145(1)a) ET b)
À la suite d’un appel interjeté en vertu de l’article 146, la soussignée agente d’appel a mené une enquête, conformément à l’article 146.1 de la partie II du Code canadien du travail, sur une instruction émise par l’agent de santé et de sécurité Todd Campbell le 28 novembre 2005, après que ce dernier ait mené une enquête sur l’accident mortel de M. Dennis Sokoliuk dans la cour de triage ferroviaire de Canadien Pacifique Limitée située au 1250, route Lougheed, à Port Coquitlam (Colombie-Britannique). M. Dennis Sokoliuk était manœuvre aiguilleur à la société Canadien Pacifique Limitée, employeur assujetti au Code canadien du travail.
À la suite de l’enquête effectuée par l’agente d’appel et sur le fondement des documents présentés par les parties et l’agent de santé et de sécurité Todd Campbell, la soussignée agente d’appel est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail n’a pas été respectée :
L’article 124 de la partie II du Code canadien du travail, relativement à l’utilisation des termes directionnels :
L’employeur n’a pas veillé à ce que les termes directionnels utilisés par les aiguilleurs à la « cour X » du service de mécanique pour la direction du mouvement de wagon demandé au conducteur de locomotive ou de locotracteur soient les mêmes que ceux enseignés à cet emplacement afin d’éviter les interprétations erronées pendant les activités d’aiguillage. Comme le sens de ces termes dépend de l’orientation variable de la locomotive, parfois hors du champ de vision de l’aiguilleur, ces instructions peuvent être mal interprétées et le conducteur de la locomotive peut réagir de façon opposée à l’intention de l’aiguilleur.
En conséquence, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES à l’employeur, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 7 décembre 2006.
De plus, il est aussi ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES à l’employeur, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures, au plus tard le 7 décembre 2006, pour veiller à ce que la contravention ne se poursuive pas ou ne se reproduise pas.
En outre, il est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES à l’employeur, en vertu du paragraphe 145(5) de la partie II du Code canadien du travail, d’afficher sans délai un exemplaire de cette instruction bien en évidence dans le lieu de travail et d’en donner un exemplaire au Comité de santé et de sécurité du lieu de travail.
Émis à Ottawa, le 22 novembre 2006.
Katia Néron
Agente d’appel
À :Canadien Pacifique Limitée
1250, route Lougheed
Port Coquitlam (Colombie-Britannique)
V3B 5C8
Sommaire de la décision de l’agent d’appel
Decision No°: CAO-06-041
Demandeur : Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP)
Défendeur : Travailleurs canadiens de l’automobile
Dispositions : Code du travail du Canada, Partie II 145(1), 146(1), 122.1, 124
Règles d’exploitation ferroviaire du Canada, Règle 12.2, article 7.0,
Mots clés : fonctions d’aiguilleur, accident mortel, formation, confirmé, élément trois modifié.
Sommaire :
Le 10 janvier 2005, l’agent de santé et sécurité au travail (ASS) a donné une instruction fondée sur trois éléments à la suite d’une enquête sur l’accident mortel d’un aiguilleur survenu à Port Coquitlam, en Colombie-Britannique. Un homme a été mortellement blessé pendant qu’il exerçait des fonctions d’aiguilleur pour lesquelles il n’avait pas reçu de formation ni d’attestation de compétences adéquates, après avoir réintégré son poste à la suite d’un congé de maladie prolongé. L’agent d’appel a confirmé les deux premiers éléments de l’instruction donnée par l’ASS. Celui-ci avait conclu que « l’employeur n’avait pas veillé à la santé et à la sécurité des employés qui exerçaient les fonctions d’aiguilleur après une période d’arrêt prolongée, en omettant d’établir les exigences de renouvellement de formations, y compris une procédure d’évaluation objective de la capacité d’exercer ces fonctions en toute sécurité », et (au paragr. 2) que « l’employeur n’avait pas veillé à la santé et à la sécurité des employés qui recommençaient à travailler après un congé de maladie, parce qu’il n’avait pas tenu compte de l’évaluation négative du médecin sur la capacité de l’employé (mortellement blessé) de retourner au travail, ou n’avait pas demandé d’éclaircissements à ce sujet, comme l’exige le Rapport médical à remplir par le médecin traitant fourni par l’employeur ».
L’agent d’appel a modifié l’élément trois et souligné que l’ASS devait indiquer plus précisément que, pour prévenir toute interprétation erronée pendant les aiguillages, le CFCP aurait dû s’assurer que les termes sur les directions utilisés par les aiguilleurs à l’emplacement mécanique de la « cour X » étaient bien ceux qui étaient enseignés à cet emplacement. Par conséquent, l’élément trois de l’instruction a été modifié.
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