Archivée - Décision: 06-045 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Service correctionnel du Canada
demandeur

et

Howard Page, agent de correction
___________________________
Décision no°: 06-045(S)
Le 8 décembre 2006

Cette demande d’arrêt de procédure a été entendue par l’agent d’appel Richard Lafrance, à partir des documents soumis et des arguments présentés verbalement par les parties le 8 décembre 2006.

Pour le demandeur
Richard Fader, avocat, Justice Canada

Pour le défendeur
John Mancini, avocat, Confédération des Syndicats nationaux (CSN)

Agent de santé et de sécurité
Bob Tomlin, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), Programme du travail, Toronto, Ontario

[1] La présente décision porte sur une demande d’arrêt de procédure concernant une instruction donnée par l’agent de santé et de sécurité (ASS) Bob Tomlin le 8 novembre 2006 au Service correctionnel du Canada (SCC), en vertu de l’alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail (le Code).

[2] L’ASS a émis son instruction suite à son enquête sur un refus de travailler exercé le 8 septembre 2006 par les agents de correction Batson, Chesbrough, O’Grady, Crispin et Page qui travaillent à l’établissement de Millhaven à Bath, en Ontario, pour le Service correctionnel du Canada.

[3] L’instruction de l’ASS Tomlin se lit comme suit :

[Traduction]

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT LE CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR AUX TERMES DE L’ALINÉA 145(2)a)

Le 20 septembre 2006, l’agent de santé et sécurité soussigné a enquêté sur un refus de travailler exercé par de nombreux employés, représentés par l’agent de correction Howard Page, sur le lieu de travail exploité par le Service correctionnel du Canada, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, à l’établissement de Millhaven, boîte postale 280, 5775, route 33, Bath, Ontario, K0H 1G0. Le dit lieu de travail est parfois appelé Service correctionnel du Canada.

L’agent de santé et sécurité est d’avis que les conditions de travail présentent effectivement un danger pour l’employé.

Les employés sont encore exposés à la fumée secondaire.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre les mesures qui s’imposent pour corriger la situation ou modifier l’activité qui constitue un danger ou pour protéger les personnes exposées à ce danger d’ici le 9 décembre 2006.

Délivrée à Millhaven, le 8 novembre 2006.

[4] La question à trancher dans la présente affaire consiste à déterminer s’il existe des motifs significatifs pour justifier un arrêt de procédure concernant l’instruction de l’ASS Tomlin au Service correctionnel du Canada.

[5] Pour prendre cette décision, je dois tenir compte du rapport de l’ASS et des arguments présentés par les deux parties sur les trois critères qui justifient un arrêt de procédure.

[6] Établis dans l’arrêt Metropolitan Stores1 , les trois critères sont : l’existence d’une question sérieuse à juger, un préjudice irréparable découlant d’un rejet et la prépondérance des inconvénients, c.-à-d. laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice si on accorde ou refuse l’arrêt de procédure, en attendant la décision sur l’affaire.

1 Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110, dossier 19609.

[7] De plus, j’ai demandé qu’un quatrième critère soit respecté : une solution de rechange doit être présentée par le demandeur, s’il ne prévoit pas se conformer à l’instruction, pour veiller à la santé et à la sécurité des employés ou d’autres personnes qui pourraient être exposés au danger défini par l’agent de santé et sécurité.

Arguments du demandeur et contre-arguments du défendeur

[8] En ce qui concerne le premier critère, Me Fader affirme que l’employeur est dans l’embarras face à cette instruction, parce que le SCC vient de créer, en collaboration avec son comité national mixte sur la santé et la sécurité, une politique interdisant la consommation de tabac à l’intérieur.

[9] Il ajoute que les éléments de preuve n’appuient pas l’existence d’un « danger », d’après d’autres décisions dans des affaires semblables par un agent d’appel. Selon lui, la décision de l’agent de santé et sécurité était injustifiée et devrait être rejetée en appel.

Préjudice irréparable

[10] En ce qui concerne le deuxième critère, Me Fader a affirmé que l’instruction donnée par l’agent de santé et de sécurité était une instruction sans instruction.

[11] Il a souligné que l’ASS semble ne pas tenir compte du fait que le SCC impose une interdiction complète de fumer. Il a ajouté que l’établissement Millhaven essaie graduellement d’interdire la consommation du tabac chez les détenus, sauf à l’extérieur, en milieu ouvert. Il a aussi indiqué qu’un projet pilote est à l’essai dans l’unité d’isolement où des boîtes verrouillées ont été installées pour ranger les produits de tabac des détenus.

[12] Enfin, Me Fader a affirmé qu’une interdiction complète de fumer à l’extérieur comme à l’intérieur constituerait un risque pour la santé et la sécurité de l’établissement.

Prépondérance des inconvénients

[13] Me Fader a maintenu que l’employeur continue de faire des progrès appréciables dans l’imposition de son interdiction de fumer à l’intérieur, entrée en vigueur le 31 janvier 2006.

[14] Il a indiqué qu’il s’agissait d’un exercice continu qui nécessite l’appui de la direction, des employés et des syndicats concernés.

[15] Il a répété que cette question avait déjà fait l’objet d’un appel et que l’agent d’appel avait confirmé l’absence de danger. Le SCC fait aussi l’objet d’un contrôle judiciaire sur cette question devant la Cour fédérale.

[16] Avec ces arguments, Me Fader fait valoir que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’employeur.

Solution de rechange si l’employeur ne se conforme pas à l’instruction

[17] En ce qui concerne le quatrième critère que j’ai ajouté aux conditions d’octroi d’un arrêt de procédure, Me Fader a souligné qu’il y avait déjà une interdiction de fumer, imposée par des règles et un système de pénalité si elle n’était pas respectée. Il a aussi indiqué que les boîtes verrouillées devaient être installées au plus tard le 31 mars 2007.

[18] Par ailleurs, il a ajouté qu’il n’avait vraiment aucune idée de ce que l’employeur pouvait faire d’autre pour protéger les employés contre la fumée secondaire.

[19] Pour sa part, Me Mancini a affirmé qu’il y avait encore beaucoup de fumée dans le milieu de travail et que l’avocat de l’employeur donnait une fausse idée des conditions à l’intérieur des pénitenciers. Il n’a pas présenté d’autres arguments contre l’arrêt de procédure.

Analyse et décision

[20] En ce qui a trait au premier critère, je suis d’avis qu’il s’agit d’une question sérieuse parce qu’elle concerne des personnes exposées à la fumée secondaire. Il s’agit en soi d’un risque grave, qu’il réponde ou non à la définition de danger aux termes du Code.

[21] En ce qui a trait au deuxième critère, je ne vois pas en quoi le Service correctionnel du Canada subirait un préjudice irréparable dans cette affaire. Me Fader a parlé de l’interdiction de fumer à l’intérieur, du projet pilote et des incidences possibles sur la sécurité dans l’établissement si on appliquait une interdiction de fumer complète à l’extérieur également. Je peux seulement imaginer les effets d’une interdiction soudaine de fumer, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, sur les détenus, et les conséquences qui en découleraient. Il s’agit à mon avis du seul préjudice concevable à l’heure actuelle.

[22] Cependant, l’instruction n’ordonne pas d’interdire de fumer à l’extérieur. Elle ordonne à l’employeur de protéger ses employés ou toute autre personne à l’intérieur de l’établissement contre le danger que représente la fumée secondaire. Je suis convaincu que, jusqu’à ce que l’appel soit entendu par un agent d’appel, on peut trouver une solution à ce problème, par exemple en appliquant plus sévèrement la politique ou autrement. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas de préjudice irréparable.

[23] En ce qui a trait au troisième critère (prépondérance des inconvénients), Me Fader ne m’a pas prouvé que le Service correctionnel subirait plus d’inconvénients que les employés dont la santé est menacée. Jusqu’à ce que l’appel soit entendu par un agent d’appel, l’employeur pourrait subir des inconvénients s’il devait modifier les tâches de travail, comme l’ont suggéré les agents de correction, ou s’il devait leur fournir des masques (de chirurgien, par exemple), comme l’a suggéré l’ASS Tomlin. Je suis d’avis que les inconvénients subis par les employés exposés à la fumée secondaire sont plus importants que ceux que l’employeur subirait pour protéger la santé de ces employés.

[24] En ce qui a trait au quatrième critère, Me Fader n’a pas proposé de solutions de rechange pouvant protéger les employés jusqu’à ce que l’appel soit entendu un agent d’appel et que celui-ci rende sa décision.

[25] D’après le rapport de l’agent de santé et sécurité et les commentaires de Me Mancini, il est évident que les détenus fument encore à l’intérieur de l’établissement. Pour cette raison, l’ASS a conclu, après enquête, qu’il existait un danger sur le lieu de travail et, jusqu’à ce que cette question soit entendue par un agent d’appel, je ne peux pas contredire l’ASS.

[26] Par conséquent, pour les raisons présentées ci-dessus, je n’accorde pas d’arrêt de procédure. L’employeur doit faire tous les efforts raisonnables pour gérer cette situation et protéger les employés contre la fumée secondaire à l’intérieur du milieu de travail.

[27] Me Mancini a insisté pour qu’une audience en personne ait lieu afin qu’il puisse présenter ses arguments. Je lui ai expliqué que l’audience avait lieu au moment même où nous nous parlions, comme il en avait été informé le jour précédent, et que ses arguments devaient être fournis par téléconférence durant cette même conversation.



_________________
Richard Lafrance
Agent d’appel


Sommaire de la décision de l’agent d’appel

Decision No°: 06-045 (S)

Demandeur : Service correctionnel du Canada

Défendeur : Howard Page, agent de correction

Dispositions : Code du travail du Canada, partie II, alinéa 145(2)a)

Mots-clés : Demande d’arrêt de procédure, fumée secondaire, interdiction de fumer, refusée

Sommaire :

Le 8 novembre 2006, l’agent de santé et sécurité Bob Tomlin a émis une instruction au Service correctionnel du Canada (SCC) affirmant qu’il existait un danger en raison de la fumée secondaire. Le SCC a présenté des arguments par écrit où il déclarait que l’établissement Millhaven avait adopté toutes les mesures de prévention nécessaires pour imposer une interdiction de fumer à l’intérieur. Le SCC n’a pas satisfait les quatre critères établis par l’agent d’appel. Par conséquent, celui-ci n’a pas accordé l’arrêt de procédure de demandé.

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