Archivée - Décision: 07-015 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier no : 2005-23
Décision no : CAO-07-015

Agence Parcs Canada
appelant

et

Douglas Martin et
Alliance de la Fonction publique du Canada
intimés
8 mai 2007

Décision rendue par l’agent d’appel Douglas Malanka

Ont comparu pour l’appelant
Kirk Lambrecht, avocat, Contentieux des affaires civiles et des services de consultation, Justice Canada
J. Sanderson Graham, avocat, Contentieux des affaires civiles et des services de consultation, Justice Canada

A comparu pour les intimés
Andrew Raven, avocat

Témoins de l’appelant
Robert Prosper, chef de la protection des écosystèmes, Parcs Canada
Philip C. Stenning, professeur et directeur de programme, Institute of Criminology, School of Social and Cultural Studies, Université de Wellington, Victoria, Nouvelle-Zélande
Inspecteur Gregory Browning, directeur intérimaire, Services nationaux d’apprentissage, Gendarmerie royale du Canada
John Good, consultant privé, Good Communication
Bruce van Staalduinin, gestionnaire, Section des opérations et de l’aménagement des parcs, Parcs provinciaux de l’Ontario, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
Guy Mongrain, gestionnaire, Direction des services d’information et d’identité judiciaire, Gendarmerie royale du Canada

Témoins des intimés
Sergent Chris Butler, Head, Skills and Procedures Unit, Calgary Police Service, Calgary (Alberta)
Edward Davis, Training Division, Behavioural Science, Federal Bureau of Investigation, États-Unis
Duane Martin, garde de parc en chef et agent principal de l’application de la loi, Parcs Canada
Jurgen Deagle, garde de parc, parc national Jasper, Parcs Canada
Mark McIntyre, garde de parc national principal et spécialiste principal de l’application de la loi, Parcs Canada
Anders Hawkins, garde de parc, Lake Louise, Parcs Canada
Dave Hanna, agent de conservation III et chef d’équipe des parcs et aires protégées du district de Kananaski
Craig Hockley, gestionnaire, Special Investigations and Forensic Services, Fish and Wildlife Division, Alberta Sustainable Resource Development Department
Garry Bogdan, directeur, région des Prairies et du Nord, Application de la loi sur la faune, Environnement Canada

Lois
Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch.L-2
Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000 ch. 32
Code criminel, L.R.C., ch. C-36/C-46
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003
Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 1998, DORS/94-219
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.S., ch. R-9
Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304

Jurisprudence citée par l’appelant
Re Manning, [1943] 1 D.L.R 383
Bernadette Hogue‑Burzynski, Suzanne Brisson, Margaret R. Hegier et Jennifer Roy et VIA Rail Canada, [2006], BCA-SST, no 06‑015
M. Juan Verville et quinze autres agents de correction et Service correctionnel du Canada, établissement de Kent, BCA-SST, no 02‑013
Canadian Freightways Limited et Procureur général du Canada et Western
Canada Council of Teamsters, CFC 2003, No. 391, T 2279-01
Snook v. Canadian National Railway (1991), 86 di 74, CLRB 895
Douglas Martin et l’Alliance de la fonction publique du Canada c. le Procureur général du Canada, 2005 CF 156
R. v. Commissioner of Police, Exparte Blackburn, [1968] 2 QB 118
R. c. Nolan, [1987] 1 R.C.S. 1212
R. c. Pétel, [1994] 1 R.C.S. 3
R. c. Gossett, [1993] 3 R.C.S. 76
Moore et al. v. Fanning et al.,[1987] 60 O.R. (2d) 225

Jurisprudence citée par les intimés
Brent Johnstone et al. et Service correctionnel du Canada, [2005], BCA-SST, no 20
Procureur général du Canada et Mario Lavoie, [1998], Cour fédérale, T-2420-97
Canadian Freightways Limited et Procureur général du Canada et Western
Canada Council of Teamsters, CFC 2003, No. 391, T 2279-01
Pratt c. Grey Coach Lines Ltd., (1988) 73 di 218
Agence Parcs Canada et M. Doug Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada,[2002], BCA-SSR, no 8
Snook v. Canadian National Railway (1991), 86 di 74, CLRB
M. Juan Verville et quinze autres agents de correction et Service correctionnel du Canada, établissement de Kent, BCA-SST, no 02‑013
Douglas Martin et l’Alliance de la fonction publique du Canada c. le Procureur général du Canada, 2005 CF 156
Revenue Canada et Robin Edwards, [1991] C.C.T.A.R.S., no 23
Annette Robitaille, Leonard Hawkins et Travailleurs canadiens de l’automobile et VIA Rail Ltée, [2005], BCA-SST, no 55
Brailsford c. Worldways Canada Ltd., (1992) 87 di 98
Juan Verville et Service Correctionnel du Canada, Institution pénitentiaire de Kent, 2004 CF 767

Introduction

La plainte

[1] Le 5 juin 2000, Douglas Martin, un garde de parc et spécialiste de l’application de la loi au service de l’Agence Parcs Canada (Parcs Canada) au parc national Banff a déposé une plainte en vertu de la partie II du Code canadien du travail (le Code). La plainte indiquait que Parcs Canada ne fournissait pas aux gardes de parc l’équipement de protection prévu à la norme de protection applicable aux agents de la paix canadiens exécutant des fonctions semblables en matière d’application de la loi de la protection des ressources naturelles, dont une arme de poing et la formation à son utilisation. Dans le formulaire d’enregistrement de la plainte utilisé par le Programme du travail de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC), le garde de parc Martin a énoncé ce qui suit :

JE SUIS UN AGENT DE LA PAIX DÉSIGNÉ PAR LA LOI SUR LES PARCS NATIONAUX POUR FAIRE APPLIQUER LE RÈGLEMENT AFFÉRENT À CETTE LOI ET ASSURER L'ORDRE PUBLIC DANS LES PARCS NATIONAUX. JE N'OBTIENS PAS TOUT LE MATÉRIEL DE DÉFENSE CORRESPONDANT AU DEGRÉ DE DILIGENCE IMPOSÉ À DES AGENTS DE LA PAIX CANADIENS QUAND ILS EFFECTUENT DES TÂCHES ANALOGUES AUX MIENNES POUR FAIRE APPLIQUER LA LOI SUR LA CONSERVATION DES RESSOURCES. Plusieurs auteurs d'études de Parcs Canada et équipes désignées par sa direction ont reconnu que les gardes de parcs chargés de faire appliquer la loi devaient recevoir tout le matériel de défense, ainsi que la formation y afférente, correspondant au degré de diligence imposé aux agents de conservation des ressources au Canada, y compris une arme de poing.

[2] Après un examen préliminaire de la plainte du garde de parc Douglas Martin, l’agent de santé et sécurité (ASS) Robert Grundie a décidé de lancer une enquête nationale sur la question. Son enquête l’a amené à conclure qu’un danger existait pour les gardes de parcs exerçant des activités d’application de la loi étant donné qu’ils peuvent subir des lésions corporelles graves ou la mort et qu’ils ne sont pas munis d’un équipement de protection personnelle approprié.

La décision et les instructions formulées par l’ASS

[3] L’ASS Grundie a formulé deux instructions à l’intention de Parcs Canada le 1er février 2001, conformément aux alinéas 145(2)a) et b) du Code. Une instruction a été communiquée au directeur général de Parcs Canada et s’appliquait à tous les gardes de parc qui voient à l’application de la loi au Canada. L’autre instruction a été communiquée au directeur de l'unité de gestion du parc national Banff et s’appliquait aux gardes de parc chargés de l’application de la loi dans le parc national Banff. Dans les instructions, l’ASS Grundie a notamment indiqué :

[Traduction]
Les gardes [de ce parc1] chargés de l’application de la loi par des rondes de surveillance, la collecte de renseignements, des enquêtes sur des présumées infractions et des arrestations dans le cadre de la protection des ressources et du maintien de l’ordre public, activités qui peuvent les mettre en danger de subir des lésions corporelles graves ou la mort, ne sont pas munis d’une protection personnelle appropriée. D’autres agents effectuant des activités semblables, par exemple les agents des pêches, les agents de l’application de la loi d’Environnement Canada, les agents de conservation provinciaux, sont autorisés à porter une arme de poing.

1

La mention "dans ce parc" ne figurait que dans l’instruction formulée à l’intention du parc national Banff.

[4] Les instructions de l’ASS Grundie enjoignaient Parcs Canada, conformément à l’alinéa 145(2)a) du Code, de prendre dans les six mois des mesures pour corriger le danger ou la situation ou modifier les pratiques d’application de la loi des gardes de parc ou pour les protéger du danger. Les instructions enjoignaient en outre Parcs Canada, conformément à l’alinéa 145(2)b), d’interrompre l’activité constituant un danger jusqu’à ce que Parcs Canada se soit conformé aux instructions émises conformément à l’alinéa 145(2)a) du Code.

Les appels et l’examen judiciaire

[5] Parcs Canada de même que le garde de parc Douglas Martin et l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ont interjeté appel des instructions auprès d’un agent d’appel, conformément à l’alinéa 146(1) du Code, devant le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (Bureau d’appels). Parcs Canada a demandé que les instructions soient annulées, alléguant qu’il n’existait pas de danger pour les gardes de parc. Le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont demandé que les instructions soient modifiées, pour exiger expressément que Parcs Canada accorde des armes de poing aux gardes de parc ou établisse des procédures visant l’utilisation d’armes de poing.

[6] L’agent d’appel Serge Cadieux a examiné les appels, conformément à l’alinéa 146.1 du Code. Par une décision écrite datée du 23 mai 2002, il a conclu qu’il n’existait pas de danger pour les gardes de parc et a annulé les instructions émises par l’ASS Grundie à l’endroit de Parcs Canada.

[7] Le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont demandé un examen judiciaire de la décision de l’agent d’appel Cadieux auprès de la Cour fédérale. La Cour fédérale a rejeté leur demande par une ordonnance2 du 6 octobre 2003.

2

Martin c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 1158

[8] Le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont interjeté appel de la décision de la Cour fédérale auprès de la Cour d’appel fédérale. Dans une décision3 du 6 mai 2005, la Cour d’appel fédérale a accordé l’appel, écarté les décisions de la Cour fédérale et de l’agent d’appel Cadieux et soumis l’affaire à une révision du Bureau des appels.

3

Douglas Martin et Alliance de la fonction publique du Canada et Procureur général du Canada, 2005 CF 156

La revision de l’affaire

[9] L’appel de Parcs Canada a été entendu par l’agent d’appel soussigné entre novembre 2005 et juillet 2006, principalement à Ottawa en Ontario. Au total, il a fallu environ 34 jours pour entendre la preuve de 16 témoins et plus de 170 documents ont été déposés en pièces. Les conclusions finales ont été formulées en juin 2006.

[10] Alors que Parcs Canada, et le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC, en ont appelé des instructions de l’ASS Grundie, les parties ont convenu que pour le présent examen de l’affaire, Parcs Canada serait l’appelant tandis que le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC seraient les intimés.

[11] La présente décision reflète les témoignages entendus et les documents présentés. Les parties peuvent être certaines que tous les témoignages et tous les documents ont été soigneusement examinés et pris en compte.

Le témoignage de l’ASS Grundie

[12] L’enquête de l’ASS Grundie a duré environ six mois. Il a consulté des dirigeants de Parcs Canada, des gardes de parc, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et divers spécialistes de l’application de la loi recommandés par les parties. Il a également examiné les documents de politiques et de procédures de Parcs Canada ainsi que les études de Parcs Canada sur la sécurité des agents. L’ASS Grundie a conclu qu’il existait un danger pour les gardes de parc et c’est pourquoi il a formulé des instructions à l’intention de Parcs Canada.

[13] L’enquête de l’ASS Grundie l’a amené à conclure que les gardes de parc étaient dotés d’un double mandat d’application de la loi. Ils étaient à la fois responsables de l’application de la loi, de la gestion des ressources et de l’établissement et du maintien de l’ordre public dans les parcs, conformément à la Loi sur les parcs nationaux du Canada et au Code criminel. L’ASS Grundie a conclu que les gardes de parc avaient une responsabilité secondaire concernant l’application du Code criminel à titre de premier intervenant. L’ASS Grundie a affirmé que la double responsabilité de l’application de la loi était confirmée par les divers protocoles d’entente (PE) entre Parcs Canada et la GRC et entre Parcs Canada et la Police provinciale de l’Ontario. Il a également signalé que le partage des responsabilités était confirmé par le Bulletin de gestion de l’application de la loi 2.1.94 de Parcs Canada.

4

Le Bulletin de gestion de l’application de la loi 2.1.9 de Parcs Canada a été remplacé en mars 2003 par la Directive de gestion de l’application de la loi 2.1.9. Pour de plus amples détails, voir le témoignage de R. Prosper.

[14] L’ASS Grundie a fait remarquer que les gardes de parc étaient autorisés à faire appliquer d’autres lois provinciales et fédérales dans les parcs, notamment la Loi sur les pêches (Canada), la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial,la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et le Règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux.Il a également signalé que des organismes fédéraux et provinciaux avaient la responsabilité première de l’application de ces lois et règlements et accordaient des armes de poing à leurs agents de l’application de la loi. Il s’agit de Pêches et Océans Canada, Environnement Canada et neuf des dix organismes de conservation provinciaux.

[15] De plus, l’ASS Grundie a relevé que les gardes de parc étaient embauchés à titre de constables spéciaux en Ontario, au Nouveau- Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Le titre leur confère les pouvoirs d’un policier de préserver et maintenir la paix et de faire appliquer les lois provinciales sur et concernant les terres et les eaux administrées par Parcs Canada dans ces provinces.

[16] L’ASS Grundie a témoigné que les gardes de parc utilisaient des véhicules clairement identifiés, portaient des uniformes distincts semblables à ceux des policiers et portaient un ceinturon de service.

[17] L’ASS Grundie a déclaré que les gardes de parc étaient souvent seuls dans l’arrière‑pays5 dans l’exercice de leurs activités d’application de la loi de la protection des ressources, étant donné l’isolement de la plupart des parcs nationaux. Ils sont également parfois seuls devant des affaires liées au Code criminel parce que les forces policières chargées principalement des violations au Code ne sont pas toujours en mesure de réagir rapidement ou peuvent être grandement retardées (jusqu’à trois heures) étant donné les distances à franchir.

5

Ni le Law Enforcement Administration and Operational Manual ni la Directive de gestion de l’application de la loi 2.1.9 ne définissent les termes « arrière-pays » ou « avant-pays ». Cependant, les termes sont définis dans les plans d’application de la loi dans les parcs. Selon le plan d’application de la loi de l’unité de gestion du parc national Banffpour 2003-2004, l’arrière-pays comprend tous les secteurs de la zone ll; ce sont les secteurs jugés non développés et où l’accès est difficile et où l’on peut normalement pénétrer à pied, à bicyclette, à cheval, par avion ou par bateau, ou par une route non asphaltée et parfois des routes asphaltées, selon la surface de la chaussée, la température et les conditions saisonnières. L’avant-pays comprend les secteurs faciles d’accès ou les banlieux menant à une route asphaltée ou les secteurs de type banlieux comme les terrains de camping, les zones accessibles le jour et la plupart des sites offrant des services (eau, égout, électricité). Selon la definition, « accès facile » s’applique aux 100 m d’une route d’accès ou d’une installation de banlieu, selon la topographie. Seuls quelques plans définissent les termes et d’autres utilisent des définitions semblables à celles utilisées dans le plan d’application de la loi de l’unité de gestion du parc national Banff susmentionné, modifiées en fonction de la topographie des différents parcs.

[18] L’ASS Grundie a conclu que l’équipement de communication fourni aux gardes de parc par Parcs Canada n’était pas toujours fiable ni utile, étant donné les zones de communications mortes dans certains endroits des parcs. Il a également conclu que l’information provenant du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) n’était pas fiable.

[19] L’ASS Grundie a fait remarquer que, selon le document de Parcs Canada intitulé Direction stratégique du Programme d’application de la loi de Parcs Canada, le niveau de protection de santé et sécurité accordé aux gardes de parc se rapprochait de celui des organismes ayant des mandats semblables. Cependant, à partir des preuves recueillies dans le cours de son enquête, il a constaté que la norme de mesures mises en place par les organismes fédéraux et provinciaux exerçant des activités semblables d’application de la loi incluait le port d’une arme de poing pour la protection de l’agent. Il a aussi constaté que le document de Parcs Canada indiquait que des allégations de manquement aux obligations pouvaient être formulées en cas de défaut d’agir de la part d’un garde de parc.

[20] L’ASS Grundie a relevé qu’en 1995, Parcs Canada avait établi une norme de niveau de service à utiliser par les parcs dans l’élaboration de son plan d’application de la loi. La norme comportait quatre niveaux de risque dans l’application de la loi, le niveau quatre étant le plus élevé. L’ASS Grundie a indiqué que pour le parc national Banff, le parc national de l’Île-du-Prince-Édouard, le parc national de la Péninsule-Bruce, le parc marin national Fathom Five et le parc national Kouchibouguac, les plans d’application de la loi avaient établi un risque de niveau trois alors que le niveau de risque pour les gardes de parc est de quatre. Selon la norme des niveaux de service, un risque de niveau trois exige l’utilisation temporaire d’une arme de poing en vertu d’une autorisation spéciale de Parcs Canada et un niveau de risque quatre, considéré comme un niveau supérieur de service d’application de la loi, exige le port d’une arme de poing pour tous les gardes de parc. L’ASS Grundie a également mentionné que le plan d’application de la loi du parc national de l’Île-du-Prince-Édouard indiquait que l’absence d’équipement permettant de faire face à une situation présentant un risque grave de lésion corporelle ou de mort pouvait nuire à la capacité des gardes de parc de se protéger ou de protéger les visiteurs. Malgré les recommandations des plans d’application de la loi, Parcs Canada refuse de fournir des armes de poing aux gardes de ces parcs.

[21] L’ASS Grundie a cité deux études effectuées par des tiers et commandées par Parcs Canada en 1993 et en 1997 pour examiner la sécurité des agents en matière d’application de la loi par les gardes de parc. Un rapport de cégep de 1993 intitulé Étude sur la sécurité des gardes de parcs dans leurs fonctions d’application de la loi et l’étude de 1997 de Rescue 3 Risk Management Inc. intitulée Rapport final recommandant un niveau de services pour les parcs nationaux de la région de l’Alberta recommandaient que les gardes de parc soient munis d’armes de poing pour assurer leur propre protection. Dans les deux cas, Parcs Canada n’a pas tenu compte des recommandations.

[22] L’ASS Grundie a aussi déclaré que Parcs Canada n’avait pas non plus tenu compte des résultats et des recommandations d’une étude de 1991 de Buker et Frey intitulée Officer Safety Implications to Supervisors, Administrators and the Department. Rédigée par Joe Buker, spécialiste de l’application de la loi de la région des Prairies et du Nord et Ray Frey, garde de parc en chef, parc national du Mont-Riding, le rapport recommandait la formation et le port d’une arme de poing pour les gardes de parc chargés de l’application de la loi.

[23] L’ASS Grundie a mentionné un rapport rédigé par David Jivcoff, coordonnateur national de l’application de la loi chez Parcs Canada, intitulé Analyse de la question des armes à feu-1999. Le rapport indiquait qu’au cours des deux années précédentes, les provinces de la Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Ïle-du-Prince-Édouard avaient armé leurs agents de conservation, que Pêches et Océans avaient armé ses agents chargés de l’application de la loi et que l’Alberta était sur le point d’armer ses conservateurs de parc. David Jivcoff faisait remarquer que Parcs Canada pourrait bientôt être le seul organisme dont les normes seraient inférieures. Il laissait entendre que le fait d’accorder une arme de poing renforcerait l’autorité des gardes de parc à titre de responsables de l’application de la loi auprès du public.

[24] L’ASS Grundie a mentionné des études effectuées par Edward Davis du American Federal Bureau of Investigation (FBI), Criminal Behaviour Science Unit. Les études démontraient qu’un des facteurs déterminant la décision d’assaillir un agent de façon à lui causer des lésions corporelles importantes ou la mort était l’image qu’il projetait. Edward Davis prétend que les sujets qui ont tendance à attaquer un agent de l’application de la loi lorsqu’ils sont confrontés, le font s’ils décèlent une occasion d’attaquer et si l’agent semble vulnérable. L’évaluation de l’image de l’agent par l’assaillant est influencée par l’apparence physique de celui-ci, l’équipement de protection dont il dispose ainsi que par la confiance manifestée par l’agent et son comportement professionnel. Edward Davis est d’avis que les assaillants potentiels sont plus enclins à initier une attaque contre un agent qui, entre autres facteurs, ne porte pas d’arme de poing. Edward Davis ajoute qu’aucun geste d’un agent de l’application de la loi ne peut arrêter le tiers des assaillants qui les attaquent avec l’intention de les blesser gravement ou de les tuer.

[25] L’ASS Grundie a établi que l’élément clé de l’atténuation des risques pour la sécurité d’un garde de parc est l’utilisation du Modèle d’intervention de la gestion des incidents (MIGI), un outil d’utilisation de la force mis au point par la GRC. L’ASS Grundie a indiqué que le MIGI est utilisé d’une façon ou d’une autre par tous les organismes d’application de la loi au Canada. Aux termes du MIGI, le comportement humain est imprévisible et subit l’influence du stress, des drogues et de l’alcool. LE MIGI reconnaît de plus que le comportement humain n’est pas assujetti au risque et peut sans avertissement passer de la coopération à l’attaque physique grave ou au meurtre, ce qui donne droit à l’utilisation de la force meurtrière pour maîtriser la situation.

[26] L’ASS Grundie s’est adressé à M. Gary Bell, agent de formation à la GRC, qui lui a dit qu’il était inutile d’équiper un agent de gaz poivré, d’une matraque ou d’un gilet pare-balles sans lui donner également une arme de poing. L’ASS Grundie a conclu que fournir aux gardes de parc qui exercent des activités d’application de la loi des armes limitées comme les menottes, le gaz poivré, une matraque ou un gilet pare-balles sans leur donner une arme de poing n’était pas conforme au MIGI et n’assurait pas adéquatement la protection de leur santé et leur sécurité. L’ASS Grundie a précisé que le gilet pare-balle vise particulièrement à assurer la protection d’un individu contre le tir d’une arme.

[278] L’ASS Grundie a conclu que la pratique mise en place par Parcs Canada autorisant l’utilisation temporaire d’une arme d’épaule pour se défendre, au lieu d’une arme de poing, n’était ni sensée, ni sécuritaire. L’ASS Grundie a cité de nombreuses raisons dans sa décision pour lesquelles le milieu de l’application de la loi rejetait l’option jugée non viable. Il a entre autres mentionné divers éléments pouvant transformer la situation au détriment des intervenants : l’image d’un garde de parc portant une arme d’épaule ou un fusil de chasse; le fait que les armes d’épaule ne soient pas des armes appropriées à la défense à courte distance; le fait que ces armes aient une vitesse rapide et une pénétration importante pouvant donner lieu à des blessures accidentelles.

[2] L’ASS Grundie a déclaré que l’Association des gardes de parcs nationaux lui avait signalé des rapports d’incidents de l’application de la loi confirmant que les gardes de parc avaient été menacés dans le passé ou avaient vécu des incidents où la violence pouvait monter au point de donner lieu à des blessures graves.

[29] L’ASS Grundie a cité en preuve des documents de Parcs Canada attestant du fait que l’application de la loi constitue une activité potentiellement dangereuse qui expose la vie des gardes de parc à des risques graves de blessures ou de mort. Les document cités incluaient la description de travail d’un garde de parc, des plans d’application de la loi, des rapports d’incidents, des rapports et des évaluations organisationnels internes, des études effectuées par des tiers et le matériel de formation au MIGI de la GRC.

[30] L’ASS Grundie a conclu que la nature de la plainte du garde de parc Douglas Martin ne lui était pasréservée à titre de spécialiste de l’application de la loi au parc national Banff, et qu’elle n’était pas unique au parc national Banff. Il a plutôt constaté que le danger existait pour tous les gardes de parc engagés dans l’application de la loi. Il a ajouté que la question consistait à déterminer si la formation et l’équipement de protection personnel fournis par Parcs Canada aux gardes qui assuraient l’application de la loi répondaient aux normes de protection respectées par les organisations policières du Canada ou d’autres sources de gestion de groupes chargés de l’application de la loi, par exemple les agents de conservation.

[31] L’ASS Grundie a mentionné que l’atténuation des risques exige que toutes les mesures raisonnables soient mises en place pour minimiser les dangers connexes aux activités d’application de la loi par les gardes de parc. Plus particulièrement, les gardes de parc ont besoin de formation et de l’équipement nécessaire pour utiliser la force meurtrière prévue au MIGI dans des situations de risques de lésions corporelles graves ou de mort. Il a conclu que, dans le milieu de l’application de la loi, ces dispositions exigent le port d’une arme de poing.

[32] L’ASS Grundie a également confirmé que sa décision quant à l’existence d’un danger pour les gardes de parc chargés de l’application de la loi n’avait pas été influencée par le fait que les caractéristiques géographiques de chaque parc fédéral étaient différentes. Il a plutôt allégué que le risque lié à la gestion des ressources et l’application de la loi en vertu du Code criminel constituait un facteur commun plus important.

[33] L’ASS Grundie a convenu que les gardes de parc pouvaient utiliser la matraque comme force meurtrière mais a maintenu que son utilisation était contraire aux tactiques de défense policières (TDP) enseignées par Parcs Canada. De plus, il a ajouté que la formation aux TDP n’inclut pas de directives précises et de formation sur l’utilisation de la matraque. Il a déclaré qu’un garde de parc devait être près d’un assaillant muni d’une arme tranchante pour utiliser une matraque comme arme meurtrière. Il estime que la nécessité d’être près ajoute un risque inacceptable aux circonstances. Il a ajouté qu’une arme de poing permet aux gardes de parc d’utiliser une force meurtrière à une distance sécuritaire dans des situations de risques de blessures graves ou de mort.

[34] À propos des positions tactiques dont fait mention le MIGI, l’ASS Grundie a témoigné qu’un agent ne peut pas toujours se déplacer pour augmenter sa sécurité, et qu’il faut tenir compte du caractère imprévisible du comportement humain.

[35] L’ASS Grundie a déclaré que l’absence d’une arme de poing dans le cadre des activités d’application de la loi excède le risque que son port pourrait comporter.

[36] L’ASS Grundie a confirmé savoir que les constables auxiliaires de la GRC portaient du gaz poivré, un gilet pare-balles et des matraques mais pas d’arme de poing. Cependant, il a répété que le professeur Bell lui avait dit qu’on peut difficilement justifier le fait de porter du gaz poivré, une matraque et un gilet pare-balles mais pas d’arme de poing.

[37] L’ASS Grundie a admis ne pas savoir le nombre de rondes de surveillance du braconnage effectuées par les gardes de parc par année ni le nombre de braconniers appréhendés. Mais les rapports d’incidents dangereux qui lui ont été remis par les gardes de parc confirment la présence d’incidents où les gardes sont attaqués.

Témoins de l’appelant

Témoignage de Robert Prosper

[38] Robert Prosper, chef, Protection des écosystèmes, Parcs Canada, a témoigné qu’il avait exercé diverses fonctions à Parcs Canada, de garde de parc à directeur, depuis 1980 et qu’il occupait le poste de chef, Protection des écosystèmes depuis environ trois ans. À ce titre, il a pour responsabilités : l’ensemble de l’élaboration des politiques; les orientations stratégiques et les procédures; l’élaboration des procédures; les normes d’application de la loi à Parcs Canada; les normes de sécurité du public; la formation en conservation des ressources à l’échelle nationale; la participation à divers conseils d’administration et comités intergouvernementaux et extragouvernementaux en relation à la protection-incendie et à l’application des lois sur la faune.

[39] Robert Prosper a déclaré que tous les gardes de parc appliquent la loi partout où ils sont employés sur les territoires qui relèvent de Parcs Canada et qu’ils ont tous des responsabilités de contrôle d’application de la loi aux termes de la Loi sur les parcs nationaux du Canada (LPNC). Leurs fonctions comprennent également la gestion des ressources, les sciences appliquées, la sécurité publique, ce qui comprend l’application du Code criminel, et les activités liées aux incendies. L’application de la loi représente moins de vingt-cinq pour cent du travail des gardes de parc. Les spécialistes dont l’application de la loi constitue la principale activité sont l’exception qui confirme la règle; seuls trois des 345 gardes de parc ont une telle spécialisation, et ces trois personnes travaillent dans les grands parcs de montagne de l’Ouest, soit à Jasper, Banff et Lake Louise/Yoho/Kootenay.

[40] Robert Prosper a présenté brièvement une perspective historique de l’application de la loi par les gardes de parc. Le premier parc national, le parc national Banff, a été établi en 1885. Le service des gardes de parc a suivi en 1909 et des gardes de parc ont été habilités à appliquer la législation du parc et les mesures de protection contre les incendies. Leur rôle a évolué vers trois responsabilités principales, soit la gestion des ressources, la sécurité publique et l’application de la LPNC et de ses règlements. Au fil des ans, à mesure que le nombre de visiteurs dans les parcs nationaux du Canada s’accroissait, leur rôle s’est axé de plus en plus sur l’application de la LPNC et de ses règlements et sur la sécurité publique.

[41] En 1967, les gardes de parc Sime et Schuler ont mené une étude exhaustive des fonctions des gardes de parc en réponse à une sensibilisation sociale à l’égard de l’environnement et de sa protection. Dans le Sime-Schuler Report qui en a découlé, ils concluent que les gardes de parc ont pour rôle principal la gestion des ressources et que les responsabilités quant à l’application de la loi et à la sécurité publique devraient être secondaires.

[42] Malgré le Sime-Schuler Report, la fonction d’application de la loi assumée par les gardes de parc a continué de s’accentuer. Robert Prosper a signalé que les gardes de parc s’étaient chargés d’activités d’application de la loi de plus en plus nombreuses et complètes, notamment l’application du Code criminel à titre de premier intervenant, du code de la route provincial et des lois et règlements provinciaux et fédéraux sur la faune et les pêches à l’extérieur des limites des parcs, de même que l’arrestation des sujets visés par un mandat en circulation pour infraction au Code criminel. Dans certains cas, les gardes de parc menaient des enquêtes internationales sur le braconnage; ils participaient à des opérations secrètes d’infiltration et on les déléguait ou les autorisait à appliquer la loi à l’extérieur des parcs.

[43] Robert Prosper a expliqué que les gardes de parc avaient acquis des compétences en application de la loi parce qu’il n’y avait pas d’autres forces de police ou organismes pour s’en charger, et qu’ils avaient assumé de plus en plus de responsabilités de premier intervenant.

[44] Conformément aux instructions données par l’ASS Grundie le 1er février 2001, Parcs Canada a commandé deux études parallèles : l’Étude sur la fonction de conservation des ressources et l’Étude sur la sécurité des gardes de parc.

[45] L’Étude sur la fonction de conservation des ressources était la deuxième étude nationale sur les rôles et responsabilités des gardes de parc, pour ce qui est des activités menées par le personnel chargé de la conservation des ressources et les gardes de parc, comparativement aux attentes de Parcs Canada. Au cours de ce processus, on a consulté les gardes de parc dans le cadre de séances de questions préparées et menées avant la rédaction du rapport final. Ce rapport finalisé en 2002 confirme pour l’essentiel les conclusions du rapport Sime‑Schuler, à savoir que la responsabilité principale des gardes de parc est la gestion des ressources et que l’application de la loi et la sécurité publique sont des rôles secondaires.

[46] L’Étude sur la sécurité des gardes de parc a été menée en consultation avec le Comité des politiques de santé et sécurité, parallèlement à l’Étude sur la fonction de conservation des ressources. Elle regroupait une étude quantitative et une étude qualitative. L’étude quantitative, dirigée par M. Evans, détermine les risques relatifs associés aux activités d’application de la loi menées par les gardes de parc. Robert Prosper a produit un exemplaire du rapport de M. Evans, intitulé National Assessment of Relative Risk in Warden Law Enforcement Occurrence Reports,mais M. Evans n’a pas été appelé à témoigner.

[47] Robert Prosper a dirigé le groupe de travail sur l’aspect qualitatif de l’Étude sur la sécurité des gardes de parc et a reçu l’aide de membres de la GRC. Ce groupe de travail n’a jamais produit de rapport officiel, mais ses observations, de même que l’évaluation quantitative de M. Evans, ont mené à l’élaboration de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 de Parcs Canada. Finalisée et adoptée en mars 2003, au moment où les gardes de parc reprenaient leur rôle d’application de la loi révisé, la Directive 2.1.9 a remplacé le Bulletin 2.1.9 qui s’appliquait antérieurement. Elle fait maintenant partie du Law Enforcement Administration and Operational Manual de l’Agence Parcs Canada, qui a fait l’objet d’une révision et d’une réédition en septembre 2005, bien que certaines portions soient encore incomplètes.

[48] La nouvelle politique sur l’application de la loi avait pour objectif de recentrer les activités des gardes de parc, pour passer de l’application de la loi sur l’ordre public à la conservation des ressources. Le deuxième objectif visé par la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 était d’éliminer les activités d’application de la loi à haut niveau de risque, de réduire la fréquence des autres activités d’application de la loi présentant un risque et d’atténuer tous les risques qui subsistaient. Robert Prosper a déclaré que les mesures d’atténuation comprennent : l’amélioration de la formation et de l’équipement de communications; l’amélioration du suivi et de la réponse aux occurrences d’application de la loi et de violence; l’instruction donnée aux gardes de parc de faire preuve de discrétion et d’éviter les risques dans leur travail d’application de la loi; l’instruction donnée aux dirigeants de chaque parc de préciser leurs besoins locaux en matière d’atténuation au besoin; enfin, l’évaluation annuelle du programme.

[49] Robert Prosper a passé en revue la nouvelle Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, de même que le Law Enforcement Administration and Operational Manual qui l’accompagne, afin de souligner les changements apportés aux politiques.

Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9

[50] La nouvelle Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 avait pour but d’apporter les changements suivants :

  • modifier la culture de l’application de la loi et recentrer les gardes de parc sur l’application de la loi en lien avec la protection et la gestion des ressources naturelles et culturelles;
  • donner aux gardes de parc la liberté de ne pas intervenir dans une activité d’application de la loi susceptible de constituer un risque pour leur santé et leur sécurité;
  • éliminer les activités d’application de la loi comportant une exposition à un niveau de risque élevé;
  • modifier les activités d’application de la loi de manière à réduire la fréquence de l’exposition au risque;
  • établir des mesures d’atténuation de tous les risques qui subsistent;
  • officialiser les procédés administratifs de manière à favoriser la santé et la sécurité.

Modifier la culture de l’application de la loi

[51] La Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 a modifié la culture de l’application de la loi. Par exemple, elle a supprimé la référence au fait que les gardes de parc agissent à titre de premier intervenant quand ils relèvent des infractions au Code criminel dans le contexte de leur travail. La clause « Orientations stratégiques » confirme désormais que le maintien de l’ordre est une responsabilité qui relève du premier chef des services de police compétents.

[52] La clause « Objectifs du programme » précise que Parcs Canada entend assurer le maintien de l’ordre public sur toutes les terres qu’il administre, en collaborant avec d’autres organismes et services de police compétents et en établissant des protocoles d’entente avec eux.

[53] La clause 6.1, « Autorités », indique que les fonctions d’application de la loi des gardes se limitent à celles qui leur ont été assignées par le directeur général de l’Agence tel que prévu par l’alinéa 13(3)b) de la Loi sur l’Agence Parcs Canada.

Donner la liberté aux gardes de parc

[54] La Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 donne aux gardes de parc la liberté de ne pas intervenir dans une activité d’application de la loi susceptible de constituer un risque pour leur santé et leur sécurité. À cet égard, l’article 2, « Principes », précise que les gardes de parc ne sont pas obligés, en connaissance de cause, de s’exposer à un danger, ni d’intervenir directement lorsqu’il a été déterminé qu’il y a des risques de blessure grave ou de mort.

[55] La clause 6.1.6 stipule que le garde de parc qui arrive le premier sur les lieux d’un incident n’est pas tenu d’intervenir directement dans toutes les situations liées à l’application de la loi. En outre, la clause 6.1.8 précise que les gardes doivent recourir à la discrétion dans l’exercice de leurs fonctions.

[56] La clause 6.3.5 établit que le degré d’intervention dans un incident relié à la paix publique et qui a lieu durant l’exécution des tâches régulières d’un garde doit être compatible avec la formation reçue par le garde, son expérience, son équipement, et toute autre mesure d’atténuation mise en place, et que cette intervention doit s’effectuer au plus bas niveau approprié dans les circonstances.

[57] À cet égard, la clause 6.1.10, « Pouvoirs », indemnise les gardes de parc en cas de poursuites civiles s’ils ont agi dans l’exercice de leurs fonctions et compte tenu de la portée de leur emploi.

Éliminer les activités d’application de la loi comportant une exposition à un niveau de risque élevé

[58] Les clauses 6.1.16 à 6.1.18 portent sur les activités d’application de la loi relatives à la protection des ressources. Aux termes de ces articles, les gardes de parc ne sont plus autorisés à appliquer les lois et règlements fédéraux, provinciaux ou territoriaux visant la conservation des ressources à l’extérieur des parcs. Cependant, la clause 6.1.17 précise que les gardes de parc peuvent appliquer la LPNC (ou toute autre loi qu’ils ont l’autorisation d’appliquer) à l’extérieur des limites d’un parc si l’infraction a des effets collatéraux qui ont pour conséquence une infraction à l’intérieur du parc. C’est par exemple le cas lorsqu’un chasseur qui se trouve à l’extérieur des limites d’un parc a abattu un animal à l’intérieur des limites du parc.

[59] De plus, la clause 6.2.3 stipule que les gardes de parc ne peuvent exécuter un mandat de perquisition dans un bâtiment qu’après que le service de police compétent en a assuré la sécurité. La clause 6.2.4 élimine les activités d’application de la loi liées aux opérations spéciales comme l’infiltration ou le recours à une fausse identité. Toutefois, les gardes de parc peuvent encore mener des activités d’application de la loi sans porter d’uniforme ou dans des véhicules ou embarcations non identifiés.

[60] La clause 6.2.7 interdit aux gardes de parc d’effectuer un barrage routier pour assurer la protection de la faune. Mais la clause 6.2.6 confirme qu’ils peuvent intercepter un véhicule dans le cadre d’une enquête portant sur une infraction relative à la protection des ressources lorsque les mesures d’atténuation du risque identifiées à l’Annex A de la Directive sont mises en place.

[61] Quant aux activités de maintien de l’ordre à haut niveau de risque, elles sont éliminées. La clause 6.2.5 interdit désormais aux gardes de parc d’intercepter des véhicules en vertu du Règlement sur la circulation routière dans les parcs nationaux, pour des infractions telles que l’excès de vitesse dans les zones fréquentées par la faune et les infractions relatives à la conduite des véhicules. Néanmoins, les gardes de parc demeurent autorisés à appliquer les règlements concernant les déplacements hors des routes et l’utilisation de motoneiges ou de véhicules tout terrain (VTT), dans la mesure où l’activité est liée à la protection des ressources naturelles ou culturelles. Les gardes de parc peuvent encore intercepter un véhicule dans le cadre d’une enquête sur une infraction relative à la protection des ressources lorsque les mesures d’atténuation du risque établies à l’Annex A de la Directive sont mises en place.

[62] La clause 6.3.3 enjoint les gardes de parc de ne pas intervenir dans les cas d’infraction aux règlements de la circulation sur les routes au-delà du fait d’observer, de prendre des notes et de rapporter l’incident.

[63] En outre, aux termes de la clause 6.3.8, l’expulsion physique d’une personne résultant d’un incident lié au maintien de la paix publique doit être effectuée par le service de police compétent et non par les gardes de parc.

[64] Enfin, le Law Enforcement Administration and Operational Manual interdit aux gardes de parc d’appliquer les dispositions de la loi concernant les assemblées publiques illégales ou d’intervenir en cas d’atteinte à la sécurité dans les édifices d’un parc.

Modifier les activités d’application de la loi

[65] L’article 3 réduit la fréquence des interventions par les gardes de parc en lien avec les permis et droits. Par le passé, les gardes de parc effectuaient des contrôles de ces documents au hasard. Maintenant, ils n’interviennent que lorsqu’un autre membre du personnel du parc les informe d’une infraction.

[66] Aux termes de la clause 6.1.20, les gardes de parc ne sont autorisés en vertu d’une loi provinciale de conservation de la faune à répondre aux enjeux de conservation des ressources à l’extérieur des limites territoriales d’un parc (p. ex. en cas de problème avec la faune) que si cette autorisation générale n’inclut pas de pouvoirs d’application de la loi.

[67] Aux termes de la clause 6.2.11, les patrouilles ciblées pour l’application de la loi dans l’arrière-pays doivent être composées d’au moins deux agents de la paix. Les meures d’atténuation prévues à l’Annex A doivent être mises en place. Les deux agents de la paix peuvent être soit deux gardes de parc, soit un garde de parc et un policier, ou un garde de parc et un agent de la paix d’un autre organisme fédéral ou provincial de conservation des ressources. Les patrouilles ciblées pour l’application de la loi agissent, par exemple, pendant la saison de la chasse ou lorsqu’on signale un braconnier. Nonobstant ce qui précède, un bon nombre de patrouilles dans l’arrière-pays ne sont pas liées à l’application de la loi. Si le garde de parc observe une infraction au cours d’une ronde de surveillance, il a le choix d’intervenir ou non. De plus, Parcs Canada laisse à chaque parc le soin de définir, dans le cadre de son plan d’application de la loi, ce qui constitue l’arrière-pays, car cette définition varie en fonction de la géographie et de circonstances telles que la facilité d’accès routier.

[68] Dans la même veine, la clause 6.2.12 précise que l’activité d’application de la loi faisant suite à un rapport d’incident concernant la chasse ou le braconnage suspecté ou connu doit être effectuée par deux agents de la paix au minimum et les mesures d’atténuation prévues à l’Annex A doivent être mises en place.

[69] En outre, la clause 6.2.13 interdit aux gardes de parc de mener ou conduire une enquête indépendante à l’extérieur du Canada, bien qu’ils puissent jouer un rôle dans une telle enquête.

[70] Aux termes de la clause 6.3.4, les gardes ne peuvent constituer de patrouilles ciblées pour assurer le maintien de la paix publique, ni être appelés à agir comme premier intervenant dans les plaintes reliées au maintien de la paix publique. Les appels concernant une affaire criminelle sont acheminés à la police. Nonobstant ceci, la clause 6.3.6 autorise les gardes à effectuer des rondes de surveillance dirigées et à appliquer les dispositions du règlement général et du règlement sur le camping qui concernent des infractions liées à l’agression sonore (bruit) dans les campings et les aires de fréquentation diurne. Cependant, le degré d’intervention doit être compatible avec la formation reçue par le garde, son expérience, son équipement et toute autre mesure d’atténuation mise en place, et cette intervention doit s’effectuer au plus bas niveau approprié dans les circonstances.

[71] En outre, la clause 6.3.7 stipule que toute surveillance ou intervention de ce genre exige la présence d’au moins deux agents de la paix. Cependant, ces surveillances dirigées doivent être décrites dans la stratégie complète de conformité et approuvées dans le plan d’application de la loi du parc ou du lieu historique. De plus, le processus de planification d’application de la loi doit réduire au minimum la nécessité d’une intervention en application de la loi dans ce domaine.

[72] La clause 6.3.5 précise que le garde de parc est autorisé à intervenir lorsqu’il est témoin d’un incident de paix publique commis dans le parc lorsqu’il effectue d’autres tâches régulières. Cependant, le degré d’intervention doit être compatible avec la formation reçue par le garde, son expérience, son équipement, et toute autre mesure d’atténuation mise en place, et cette intervention doit s’effectuer au plus bas niveau approprié dans les circonstances.

[73] La clause 6.3.8 est un autre exemple d’une activité d’application de la loi modifiée afin de réduire l’exposition au risque. D’après cet article, l’expulsion physique d’une personne résultant d’un incident lié au maintien de la paix publique doit être effectuée par le service de police compétent et non par les gardes de parc.

[74] Enfin, la clause 6.4.1 confirme que la responsabilité du garde de parc reliée à l’application de la loi pour assurer le respect des mesures administratives relatives aux droits et permis se limite aux situations où un visiteur refuse soit de remplir son permis de camping ou d’utilisation du parc, soit de payer. Auparavant, les gardes de parc effectuaient des vérifications de permis dirigées, une activité qui n’est plus autorisée aux termes de la Directive 2.1.9.

Établir des mesures d’atténuation des risques qui subsistent

[75] L’Annex A de la Directive 2.1.9, rédigée en anglais seulement sous le titre « Staff Safety and Risk Mitigation » [Sécurité du personnel et atténuation des risques], confirme l’existence d’un élément de risque inhérent aux activités d’application de la loi. Cependant, Parcs Canada effectue des évaluations effectives des risques courus par les employés et met en œuvre des mesures d’atténuation dans tous ses parcs et lieux historiques. L’Annex A prescrit aux gardes de parc de limiter toute intervention en application de la loi à observer, prendre des notes et faire rapport tant et aussi longtemps qu’au moins une des mesures d’atténuation énoncées dans le plan d’application de la loi du parc n’est pas respectée.

[76] La clause 6.10.2 précise expressément qu’aucune activité d’application de la loi, au-delà d’observer, prendre des notes et faire rapport, n’aura lieu dans l’avant-pays et l’arrière-pays, tant que le système de communications ne sera pas conforme aux normes établies à l’Annex A. En l’absence, même temporaire, d’une capacité de répartition et de communications, l’application de la loi se limite à observer, prendre des notes et faire rapport.

[77] Les mesures d’atténuation nationales décrites à l’Annex A comprennent des exigences relatives à la formation; à l’équipement de défense; aux télécommunications, pour la communication avec le garde de parc au lieu d’application de la loi; aux systèmes d’intervention, notamment le Système d’information sur les incidents (SII) du Centre d’information de la police canadienne (CIPC), le mécanisme de répartition et le système de sauvegarde.

[78] La clause 6.1.2 stipule, pour l’essentiel, que les gardes de parc ne sont pas limités à un ensemble d’outils particulier pour assurer l’utilisation efficace de la force lorsque le Code criminel les y autorise. Les gardes de parc ne reçoivent pas d’arme de poing pour exercer une force meurtrière dans des situations présentant un danger de mort ou de lésions corporelles graves, mais advenant le cas, il est en leur pouvoir d’utiliser n’importe quoi pour se protéger, y compris une arme d’épaule.

Officialiser les procédés administratifs

[79] Le terme CAPRA – Clients, acquisition et analyse d’information, partenariats, réponse et auto-évaluation – et sa définition ont été ajoutés à la Directive 2.1.9 afin de souligner aux gardes de parc que la politique d’application de la loi repose sur les services de police communautaires, l’information, les partenariats et les alertes, et pas seulement sur l’application de la loi.

[80] L’article 4, « Éléments du programme », confirme que l’atténuation des risques par la détermination des dangers, l’évaluation des risques et la mise en œuvre de mesures d’atténuation font partie de la politique d’application de la loi.

[81] La clause 6.5.1, « Plans d’application de la loi », enjoint les unités de gestion de préparer pour chaque site des plans d’application de la loi qui seront basés sur une approche multidisciplinaire visant la résolution des enjeux liés à l’application de la loi. Ainsi, les services de police compétents sont inclus au processus, de même que les gestionnaires des installations ou des services aux visiteurs ou toute autre organisme fédéral ou provincial d’application de la loi qui peut contribuer à l’élaboration d’une stratégie détaillée.

[82] Par le passé, le processus ne prévoyait pas la participation de la police et des autres parties intéressées à l’élaboration d’un plan visant à régler les problèmes d’application de la loi de manière à ce que chacun sache à quoi s’attendre. Actuellement, si, par exemple, il faut appliquer des zones de limite de vitesse pour protéger la faune, le service de police compétent est mis à contribution dans l’élaboration du plan d’application de la loi du parc et la police reconnaît la nécessité de cette mise à contribution. On s’attendait à ce que le service de police compétent s’engage à assurer les activités d’application de la loi nécessaires. À cet égard, Parcs Canada a établi des protocoles d’entente nationaux avec la GRC et passé des accords locaux avec la Police provinciale de l’Ontario. Cependant, les détachements de police locale ne signent pas d’ententes individuelles avec les parcs.

[83] La clause 6.5.2 apporte une modification importante, à savoir que le plan d’application de la loi de chaque parc doit préciser comment les mesures d’atténuation décrites à l’Annex A s’incorporent aux activités d’application de la loi du parc.

[84] La clause 6.5.3 stipule que les plans d’application de la loi seront soumis à l’approbation du directeur de l’unité de gestion et approuvés par le directeur général, Direction générale des parcs nationaux. En outre, la Direction générale des parcs nationaux a la responsabilité de faire vérifier les plans pour s’assurer qu’ils sont conformes aux politiques et aux normes nationales. Cet article assure l’exécution d’un examen national des plans d’application de la loi et la mise en œuvre de la politique par les parcs.

[85] La clause 6.8.1, « Formation », fixe la formation sur l’application de la loi à suivre par les gardes de parc. La clause 6.8.3 précise que la formation sur l’application de la loi doit comprendre une formation portant sur le Modèle d’intervention pour la gestion des incidents (MIGI) et les tactiques de défense policières (TDP).

[86] La clause 6.9.2, « Distribution, utilisation et contrôle de l’équipement », donne aux gardes de parc l’instruction de porter l’équipement protecteur et défensif pour l’application de la loi décrit à l’Annex A qui est mis à leur disposition. Cet équipement comprend des menottes, du gaz poivré, une matraque et un gilet pare-balles. L’Annex A précise les conditions dans lesquelles cet équipement doit se porter et s’utiliser. La clause 6.9.4 stipule que les gardes de parc doivent porter un uniforme visuellement distinct de celui des autres employés lorsqu’ils exercent leurs fonctions d’application de la loi, sauf lorsqu’ils mènent des activités de surveillance sans porter d’uniforme ou dans un véhicule ou une embarcation non identifié.

[87] La clause 6.10.1, « Systèmes de communication et gestion de l’information », précise maintenant que chaque unité de gestion et chaque parc doit veiller à ce que les gardes de parc ayant des tâches d’application de la loi soient soutenus par un système adéquat de répartition et de communication, ce qui ne constituait pas une exigence auparavant.

[88] Pour assurer le suivi des incidents d’application de la loi, la clause 6.10 stipule que chaque unité de gestion et chaque parc recueillera des données sur les incidents et tiendra à jour un système de rapport des incidents. En outre, tous les incidents, y compris les avis verbaux et écrits, les inculpations, enquêtes et poursuites doivent être enregistrés dans le système de suivi des incidents. Le système comprendra un système de rapports sur les incidents violents, où seront inscrits tous les incidents qui ont pour résultat une lésion corporelle ou qui donnent lieu à des menaces ou à une agression verbales. Cette dernière disposition constitue un changement, parce que le Système de suivi des incidents est un instrument nouveau et important pour le suivi des incidents mineurs et graves et pour la détermination des tendances.

[89] Enfin, aux termes de la clause 6.11.1, « Surveillance, évaluation du programme et rapports », le Bureau national, avec l’aide des spécialistes en application de la loi, doit désormais vérifier si les unités de gestion et les parcs satisfont aux normes; si les lacunes et ambiguïtés de la politique nationale, des normes et des procédures sont corrigées dans les plus brefs délais; si on fournit des niveaux adéquats de service en matière de protection des ressources et de maintien de la paix publique, conformément aux plans d’application de la loi du parc; et si on a corrigé toute erreur ou ambiguïté dans les protocoles d’entente.

[90] Parcs Canada a élaboré une description de travail générique pour les gardes de parc qui confirme ce qu’on attend d’eux relativement à l’application de la loi, quel que soit le lieu où ils travaillent.

Law Enforcement Administration and Operational Manual

[91] Robert Prosper a expliqué que le Law Enforcement Administration and Operational Manual de Parcs Canada, approuvé en septembre 2005, donnait aux gestionnaires des directives pour la gestion et la supervision du programme d’application de la loi de Parcs Canada en conformité avec les lois et règlements applicables, la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, les divers plans d’application de la loi et les valeurs et principes relatifs aux ressources humaines. Les sections suivantes du manuel traitent principalement de la mise en œuvre de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9.

[92] Le manuel propose une table des matières type pour la préparation des plans d’application de la loi et confirme la nécessité de consulter les municipalités locales et le service de police approprié, de même que le comité local de santé et sécurité au travail.

[93] Aux termes de la section sur la coopération entre organismes, les gardes de parc peuvent porter assistance à un autre organisme si celui-ci en fait la demande et qu’il se conforme aux politiques d’application de la loi de Parcs Canada. En outre, les gardes ne doivent pas porter assistance au‑delà des possibilités que leur donnent leur expérience et leur formation.

[94] La section des ressources humaines et de la formation confirme que le la désignation PC-4 du certificat de compétences exige une formation obligatoire dans les domaines suivants : activités de conservation des ressources; composante de l’application de la loi de la formation des recrues (cours de 12 semaines); atelier de formation aux compétences en application de la loi, y compris une recertification tous les cinq ans et vingt heures par an pour perfectionner la mémoire musculaire; formation sur le MIGI et les TDP, avec formation de recertification tous les deux ans; formation à la conformité.

[95] Aux termes de la section sur le recours à la force et de l’intervention lors d’un incident, les gardes de parc sont autorisés à utiliser le Modèle d’intervention pour la gestion des incidents et doivent le faire d’une façon conforme au MIGI.

[96] haute vitesse lorsqu’un suspect tente d’éviter une arrestation. Cependant, dans le cas d’une infraction présumée aux règlements de la circulation, les gardes de parc peuvent suivre le véhicule visé afin de maintenir un contact visuel ou signaler à l’automobiliste de s’arrêter. Dans un tel cas, il faut respecter les vitesses normales à moins de circonstances raisonnables et justifiées en relation avec la sécurité du public, des gardes de parc et du suspect, la gravité de l’infraction présumée et la possibilité d’employer d’autres moyens raisonnables pour appréhender le suspect.

[97] Bien que le manuel confirme l’interdiction d’intercepter un véhicule ou une embarcation de façon arbitraire ou régulière, il autorise l’interception lorsqu’il y a des motifs raisonnables et probables de soupçonner l’occupant d’avoir commis une infraction relative à la protection des ressources. De plus, un garde de parc peut intercepter un véhicule ou une embarcation pour apporter une aide supplémentaire à une enquête récente, pour recueillir de l’information et des renseignements de passants et pour repérer d’éventuels suspects.

[98] Le manuel concède que l’interception d’un véhicule ou d’une embarcation dans le cadre d’une enquête sur une infraction présumée est considérée comme une situation à haut risque. Un mécanisme de répartition doit être informé de l’interception planifiée et imminente d’un véhicule ou d’une embarcation; le numéro d’immatriculation, le numéro d’enregistrement, l’emplacement et tout autre renseignement pertinent doit alors être fourni.

[99] Aux termes de la section sur les procédures des patrouilles servant à l’application de la loi, les patrouilles ciblées, telles les patrouilles des limites de parc à l’automne, pendant la saison de la chasse, doivent se composer de deux agents de la paix. Cependant, les rondes de surveillance multifonctionnelles peuvent se faire en solo. Tout garde en patrouille doit se rapporter et s’enregistrer au mécanisme de répartition et préciser son numéro de garde, le plan de travail du secteur et l’heure de son retour ou de son enregistrement. On rappelle aux gardes de parc d’utiliser des codes sur les lignes ou lors des transmissions radio, car elles ne sont pas sécurisées.

[100] La section sur les accidents confirme que les gardes de parc continuent d’intervenir lors d’accidents de véhicules et d’assurer la sécurité et le bien-être du public. S’il est le premier sur les lieux, le garde de parc a la responsabilité de contrôler la circulation et de sécuriser les lieux jusqu’à l’arrivée du service de police compétent.

[101] Au sujet de l’annulation des permis de camping et de l’expulsion des terrains de camping, le manuel indique qu’il demeure approprié que les gardes de parc continuent d’avoir une présence visible et une capacité d’intervention quant au contrôle des agressions sonores sur les terrains de camping et dans les aires de fréquentation diurne. Le manuel précise que cette présence d’un agent peut être assurée par un garde de parc travaillant seul.

[102] Aux termes de la section sur les forces mixtes et les opérations de patrouille, les gardes de parc peuvent se livrer à des opérations ou constituer des patrouilles mixtes avec le service de police compétent ou d’autres organismes en relation avec des enjeux communs touchant l’application de la loi sur la protection des ressources naturelles et culturelles. Il pourrait s’agir, par exemple, d’une opération mixte avec la GRC ou d’autres organismes le long des limites de parc dans une aire marine nationale de conservation. Cependant, il est interdit à un garde de parc de se livrer, dans le cadre d’une opération ou d’une patrouille mixte, à toute activité contraire à la Directive 2.1.9 ou au manuel.

[103] La section sur les enquêtes stipule qu’un garde de parc peut enquêter seul sur les lieux d’un incident afin de déterminer si une infraction a eu lieu ou de recueillir des éléments de preuve d’une infraction. Cependant, les infractions graves à l’ordre public relèvent du service de police approprié. Si un garde de parc découvre une infraction, il a pour consignes de préserver l’état des lieux, d’informer le service de police compétent et de confier à la police la responsabilité des lieux le plus tôt possible.

[104] La section portant sur les enquêtes relatives au Code criminel indique que les gardes de parc ont la responsabilité de mener les enquêtes mettant en jeu des infractions à la LPNC ou d’autres infractions à la réglementation qui relèvent de leur mandat. Elle confirme que le service de police compétent a la responsabilité exclusive des enquêtes sur les infractions au Code criminel ou autres qui ne relèvent pas du mandat des gardes. Pour ce qui est des enquêtes internationales, le rôle des gardes de parc se borne à celui de conseiller.

[105] D’après la section sur le Centre d’information de la police canadienne (CIPC), Parcs Canada conserve un statut de catégorie 2B : accès limité, aucune entrée de données. L’Agence procure un accès direct ou indirect au CIPC, en conformité avec les mesures d’atténuation visant la sécurité des agents énoncées à l’Annex A de la Directive 2.1.9. Le répartiteur a accès au système du CIPC dans les parcs dotés d’un système de répartition complet. Cependant, dans certains parcs, on ne peut obtenir de renseignements du CIPC que par l’entremise d’une personne ressource; dans d’autres, les gardes de parc ont la même fréquence radio que la police et peuvent obtenir des renseignements du CIPC par l’entremise du service de police.

[106] En ce qui concerne les alarmes relatives aux incidents de sécurité, le manuel précise maintenant que les gardes de parc ne répondent plus aux alarmes dans les immeubles de Parcs Canada et que la réponse à ces alarmes relève désormais du service de police compétent.

[107] arrestation, avec ou sans mandat, ainsi qu’à une fouille, à une saisie, à des accusations et à des poursuites. Cette section précise que les gardes de parc n’ont plus le pouvoir d’exercer un mandat en circulation, sauf s’il a un lien avec une infraction relative à l’application de la loi sur la gestion des ressources. Dans ce cas, si le CIPC indique que l’individu est violent, on recommande aux gardes de parc de confier l’affaire au service de police compétent et d’exécuter un repositionnement tactique. D’après Robert Prosper, les gardes de parc transfèrent toute personne arrêtée et détenue au service de police compétent, car ils n’ont pas de moyens d’assurer la détention préventive, mais les arrestations ne donnent pas toutes lieu à une détention.

[108] Au printemps 2003, Parcs Canada a remis à tous les parcs et lieux historiques le Guide de planification de l’application de la loi. Ce guide souligne lui aussi que le niveau de service de base qu’un parc ou un lieu historique doit attendre du service de police compétent ne doit pas être supérieur à celui qui est accordé à tout autre citoyen ou exploitant privé. Cela n’empêche pas toutefois un parc ou un lieu historique de s’entendre avec les détachements du service de police local sur des mesures stratégiques ciblées d’application de la loi afin de traiter certaines activités d’application de la loi, comme par exemple l’application d’une interdiction de consommer de l’alcool en fin de semaine afin de réduire le nombre de plaintes relatives aux agressions sonores.

[109] Robert Prosper a également passé en revue et commenté les documents suivants : Banff National Park Field Unit Law Plan, 2003‑2004; Jasper National Park Law Plan, 2003; Riding Mountain National Park of Canada Law Plan, 2005; Bruce Peninsula/Fathom Five National Marine Park Law Plan, 2005; St. Lawrence Islands National Park Law Enforcement Plan, 2005; Gwaii Haanas National Park Reserve and Haida Heritage Site Law Enforcement Plan, 2003; Lake Louise, Yoho, Kootenay Field Unit Law Enforcement; Yukon Field Unit‑Chilkoot Trail National Historic Site, avril 2005; Georgian Bay Islands National Park of Canada Law Enforcement Plan, 2005. Bien que volumineux, cet examen est important, car il éclaire les préoccupations et les conditions qui règnent dans les parcs et leurs relations avec la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9.

Banff National Park Field Unit Law Plan, 2003‑2004

[110] Robert Prosper a commenté la question du braconnage dans le parc national Banff et démontré en quoi elle suit le modèle du plan d’application de la loi. Sur la question de la sécurité publique, le plan d’application de la loi confirme la responsabilité d’appliquer le Code criminel, le code de la route provincial et la Gaming and Liquor Act de l’Alberta. L’annexe H cite un protocole d’entente avec la GRC et le district d’amélioration no 9.

JasperNational Park Law Plan, 2003

[111] Ce plan d’application de la loi suit lui aussi le modèle. Robert Prosper a cité le Statistical Summary of 2004 Occurrence Reports pour démontrer l’effet de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 sur les incidents. Il a souligné que le nombre d’incidents d’application de la loi sur l’ordre public a chuté de 678 en 2000 à 42 en 2003, l’année où les gardes de parc ont repris leurs fonctions d’application de la loi, pour remonter à 127 en 2004. Ces chiffres démontrent que la Directive a eu pour effet de réduire l’exposition aux risques liés à application de la loi sur l’ordre public. M. Prosper a souligné que les données de 2001 et 2002 concernent des années où les gardes de parc n’ont participé à aucune activité d’application de la loi à cause des instructions formulées par l’ASS Grundie.

RidingMountainNational Park of Canada Law Plan, 2005

[112] La section 11, concernant les plans tactiques et les agressions sonores dans les terrains de camping et les aires de fréquentation diurne stipule que, conformément à la Directive 2.1.9, les gardes de parc effectuent les activités suivantes : des patrouilles proactives de maintien de l’ordre, des communications, la sécurité publique, des patrouilles de gestion des ressources et, au besoin, l’annulation de permis.

[113] La même section reconnaît également que l’intervention de la GRC dépend des priorités du détachement. Robert Prosper a fait remarquer que les gardes de parc effectuaient de bonne heure la surveillance des terrains de camping pour étouffer les problèmes de façon proactive. La référence aux rondes de surveillance dirigées pour assurer l’ordre public est précisée dans le plan d’application de la loi, en conformité avec la Directive 2.1.9.

[114] possession d’un permis transportent souvent des armes à feu à l’intérieur des limites du parc afin de se rendre à leur terrain de chasse adjacent au parc. Cette pratique peut mener à des activités de chasse illégales sur le territoire du parc pendant la saison de la chasse, lorsque le gibier traverse les limites du parc dans un sens ou dans l’autre. L’article 11 confirme également que les gardes de parc doivent faire enquête et saisir les armes à feu dans tous les cas de chasse sur le territoire du parc, y compris la chasse ou le port d’armes à feu le long de la limite du parc, en conformité avec les mesures d’atténuation pertinentes.

[115] Aux termes de la section 11 sur les plans tactiques et la chasse illégale, certaines activités de chasse illégale dans des endroits isolés pourraient être détectées la nuit. Les braconniers sont généralement armés; ils peuvent être en possession d’alcool ou de drogues, et les pénalités imposées peuvent comprendre la perte des droits de chasse et de biens, des amendes importantes et une peine d’emprisonnement.

Bruce Peninsula/Fathom Five National Marine Park Law Plan, 2005

[116] La section 5.3 sur les renforts stipule que la Police provinciale de l’Ontario ne fournit de renforts que dans les situations où on perçoit un problème de sécurité pour les gardes. La Police provinciale n’est pas toujours disponible immédiatement pour assurer des renforts, et son détachement le plus proche se trouve à 80 km au sud du parc. De plus, le directeur de la Police provinciale a signalé que la Police provinciale de l’Ontario n’avait pas reçu de financement pour la prestation de services additionnels ou spécialisés aux sites de Parcs Canada. Ainsi, toute intervention de la Police provinciale lors d’un incident qui se produit dans un parc dépend de la disponibilité du personnel et de la priorité d’appel, et l’intervention n’est pas toujours immédiate. Le directeur a ajouté que la réponse aux appels provenant du parc marin national Fathom Five dépend de l’emplacement et de la disponibilité de l’unité maritime et que la Police provinciale ne peut s’engager à faire intervenir ses agents dans un délai donné. Robert Prosper a confirmé que le quartier général n’examine pas si les services de police compétents disposent de ressources suffisantes pour fournir les renforts nécessaires et qu’il n’y a pas d’entente avec eux sur la mesure dans laquelle ils assureront l’application de la loi dans les parcs ou quel sera leur délai minimal d’intervention en renfort. Le plan d’application de la loi donne aux gardes de parc la consigne de limiter leur intervention à observer, prendre des notes et rapporter les infractions à l’ordre public, y compris les querelles familiales, les voies de fait, le vol, la consommation illégale d’alcool, le vandalisme et tout autre incident majeur.

[117] Robert Prosper a confirmé que Parcs Canada ne joue aucun rôle dans l’établissement ou la détermination avec la GRC ou la Police provinciale de l’Ontario des niveaux de ressources à utiliser pour faire respecter l’ordre public dans les parcs ou fournir des renforts aux gardes de parc. Les gardes de parc sont sensibilisés à cette situation, et on s’attend à ce qu’ils en tiennent compte quand vient le temps de décider jusqu’où intervenir dans une situation d’application de la loi. M. Prosper a cité la section 7 sur la surveillance, l’ évaluation et les rapports, où l’un des produits du plan d’application de la loi porte sur le nombre de fois que la Police provinciale de l’Ontario a été appelée dans le parc, son délai d’intervention et les mesures prises.

[118] Enfin, Robert Prosper a estimé qu’environ 15 pour 100 des parcs avaient conclu un protocole d’entente avec un détachement de la police locale. Les autres ont une entente avec la police quant aux rôles et attentes de chacune des parties.

St. Lawrence Islands National Park Law Enforcement Plan, 2005

[119] La Police provinciale de l’Ontario a fait savoir qu’elle ne pouvait pas garantir une intervention en temps utile lors d’un appel lancé par un garde de parc à cause de la superficie de son territoire de compétence, de la nature du milieu marin du parc, ainsi que d’une pénurie générale de personnel et d’embarcations. La section 12 sur les plans tactiques et le respect de l’ordre public comprend l’observation suivante :

[Traduction]
Au cours des deux dernières années, on a fait appel [à la Police provinciale de l’Ontario] à maintes occasions (incidents liés à l’alcool ou à la présence de voyous), avec un taux de réponse d’environ 50 %. Lors des incidents où la Police provinciale est intervenue, les gestes posés n’ont été traités que le lendemain, alors que l’activité avait cessé d’être hautement conflictuelle.

[Nous soulignons]

Robert Prosper a constaté qu’aux termes du plan d’application de la loi, la Police provinciale de l’Ontario interviendra lors des incidents présentant un danger pour la vie et s’il est justifié de s’inquiéter pour la sécurité. Il a cependant convenu que l’intervention de la Police provinciale dépendait des priorités qu’elle traitait à ce moment-là. Il a confirmé de nouveau que le quartier général n’examine pas si le service de police compétent dispose de ressources suffisantes pour fournir les renforts nécessaires et ne précise pas de norme quant au délai d’intervention. Le plan d’application de la loi précise toutefois que cela signifie que le garde de parc devra évaluer chaque situation avant d’intervenir et déterminer si des renforts sont nécessaires et disponibles.

GwaiiHaanasNational Park Reserve and Haida Heritage Site Law Enforcement Plan, 2003

[120] Aux termes de la section 5 sur la sécurité du personnel, le parc est une exploitation d’arrière-pays et il n’y a pas beaucoup de patrouilles ciblées pour l’application de la loi. Les gardes de parc reçoivent une formation sur le MIGI et les TDP, mais pas à l’égard des situations de « mort ou blessures corporelles graves », si ce n’est la consigne d’éviter de telles situations.

[121] La section 7 sur le système de soutien révèle que les communications radio et les téléphones mobiles n’assurent pas une couverture à 100 pour 100.

Lake Louise, Yoho, Kootenay Field Unit Law Enforcement Plan, 2005

[122] La section concernant les ressources de grande valeur cite la cueillette commerciale des champignons dans les brûlis désignés, qui a le potentiel de produire une valeur d’un million de dollars de champignons sur une période de trois ans. Le braconnage se pratique en permanence et un spécimen rare de fossile des schistes de Burgess peut valoir de quelques centaines à des dizaines de milliers de dollars. La collecte illégale de tels spécimens pourrait générer des sommes substantielles.

Yukon Field Unit – Chilkoot Trail National Historic Site, avril 2005

[123] D’après la section 12 sur les plans tactiques et les permis d’accès à l’arrière-pays, les randonneurs sans permis sont généralement repérés par les gardes au cours de leurs rondes régulières de conformité et d’application de la loi, quelque part sur la piste principale. L’immigration illégale est un problème associé à l’utilisation de l’arrière-pays sans permis. La piste Chilkoot franchit la frontière internationale au col, et on sait qu’il est arrivé que des personnes qui étaient dans l’impossibilité d’entrer légalement au Canada empruntent la piste pour y pénétrer.

[124] Le profil de ces personnes et la nature internationale de la clientèle du parc soulèvent l’éventualité que des citoyens des États-Unis ou de l’Europe soient en possession d’armes à feu. Le manque d’information sur les personnes non inscrites peut compliquer encore davantage les procédures d’application de la loi et accroître le risque pour la sécurité des agents. Robert Prosper a convenu que cette situation pourrait également poser problème dans d’autres parcs dont les limites coïncident avec la frontière internationale.

[125] D’après la section 12 sur les plans tactiques et les disputes conjugales et de groupe, les activités d’application de la loi liées au respect de l’ordre public sont peu fréquentes. Cela dit, cependant, il s’est déjà produit de graves incidents de disputes conjugales ou de groupe. L’environnement isolé de la piste accroît le risque pour la sécurité des agents lors de tels événements. Le caractère spontané et violent des incidents exige souvent une intervention rapide, alors que les gardes de parc sont les premiers et les seuls intervenants disponibles. Bien que la GRC ait la responsabilité d’intervenir lors d’incidents de ce genre, le délai d’intervention minimal par hélicoptère est de deux à trois heures, dans des conditions idéales. La surveillance s’effectue normalement en solo, et les agents de la paix en renfort se trouvent à plusieurs heures des lieux.

[126] D’après la section 12 sur les plans tactiques et la possession d’armes à feu, il est probable qu’une partie des randonneurs estivaux portent une arme à feu parce qu’ils craignent les ours et, malgré l’absence de cas documenté de possession ou d’utilisation d’armes à feu, le personnel peut être appelé à intervenir dans des situations mettant en jeu des armes de poing ou d’autres armes à autorisation restreinte. Robert Prosper a convenu que les gardes de parc pourraient avoir à intervenir dans des cas de braconnage ou d’agression sonore où la personne visée aurait une arme à feu.

Georgian BayIslandsNational Park of Canada Law Enforcement Plan, 2005

[127] D’après le point 5.1 de la section 5.0 sur le cadre de prestation, les gardes de parc procèdent, dans le cadre de leurs fonctions régulières, à des expulsions avec acceptation ou refus (recours à la force) résultant d’incidents d’application de la loi concernant les ressources ou d’ordre administratif et à des expulsions avec acceptation découlant d’incidents fortuits d’application de la loi sur l’ordre public. Les expulsions avec refus résultant d’incidents relatifs à l’ordre public doivent être confiées à la Police provinciale de l’Ontario.

[128] Robert Prosper a convenu que l’action d’expulser une personne est essentiellement la même quel que soit le type d’infraction, qu’elle ait un lien avec l’application de la loi sur la gestion des ressources ou le maintien de l’ordre, et qu’il est peu probable que la personne expulsée perçoive une différence entre les deux cas.

[129] Aux termes de la même section, les gardes de parc peuvent intervenir et appliquer la loi dans le cas d’infractions à l’ordre public constatées dans le cadre de leurs autres fonctions, comme par exemple les infractions à la réglementation sur l’alcool, les voies de fait sur des visiteurs du parc, la conduite d’une embarcation ou d’une motoneige dans le parc avec des facultés affaiblies par l’alcool et/ou par des narcotiques et la possession de narcotiques.

[130] De plus, les gardes de parc doivent répondre immédiatement à toutes les préoccupations et demandes d’assistance signalées concernant la sécurité des agents et du personnel du parc. Ils doivent fournir une aide d’urgence pour sécuriser le lieu d’un incident afin d’empêcher un sujet violent de causer la mort ou des lésions corporelles à des agents ou des membres du personnel du parc. Cependant, ils ne doivent pas poursuivre un sujet ayant manifesté un comportement occasionnant des lésions corporelles graves à l’endroit d’une victime qui est un agent ou un membre du personnel du parc si le sujet a quitté les lieux. Cette activité relève de la Police provinciale. Robert Prosper a concédé qu’une telle intervention ne serait pas unique à ce parc, mais c’était la première fois qu’il en voyait une mention aussi explicite dans un plan d’application de la loi.

[131] À la section 5.2, on rapporte que la Police provinciale de l’Ontario a convenu d’effectuer une intervention prioritaire lors des incidents qui présentent un danger pour la vie, des incidents où des gardes de parc sont inquiets à juste titre et de ceux qui laissent supposer qu’une infraction criminelle est ou a été commise. Cependant, la Police provinciale a indiqué que le délai d’intervention peut varier en fonction des priorités opérationnelles et de la disponibilité d’une embarcation ou d’une motoneige pour le transport jusqu’au parc.

[132] Robert Prosper a convenu que cette situation pourrait expliquer les termes explicites utilisés à la section 5.1 pour signifier que les gardes de parc répondraient immédiatement à toutes les préoccupations et demandes d’assistance signalées concernant la sécurité des agents et du personnel.

[133] Il a été fait mention d’une note de service du directeur général des parcs nationaux aux directeurs des unités de gestion et des centres de service. Cette note de service renvoie à une correspondance antérieure, datée du 8 mars 2005, où le directeur général soulignait cinq points à traiter dans le cadre du prochain cycle d’approbation des plans d’application de la loi. L’un de ces points portait sur la réduction des patrouilles à deux personnes. Robert Prosper a expliqué que les rondes de surveillance régulières dans l’arrière-pays, dont la Directive 2.1.9 ne faisait pas de mention particulière, s’effectuaient à deux personnes.

[134] En ce qui concerne le choix et l’utilisation du gilet pare-balles fourni aux gardes de parc, Robert Prosper a témoigné qu’il avait choisi le gilet pare-balles de niveau II après avoir examiné les options disponibles. Il a concédé que la seule utilisation certifiée du gilet balistique de niveau II est la protection contre les armes à feu. Mais il l’a choisi parce qu’un fournisseur, Second Chance Body Armour, lui a communiqué des renseignements anecdotiques sur des utilisateurs donnant à entendre que ce gilet assurait aussi une protection contre les blessures traumatiques (p. ex. lors d’un accident en véhicule à moteur), les armes tranchantes, les attaques d’animaux et les armes contondantes. Il a également pris en compte la constatation selon laquelle aucun agent du FBI n’avait été mortellement poignardé depuis que ces agents portaient des gilets balistiques de niveau II. Ce sont ces autres mesures de protection qui l’ont porté à choisir le gilet balistique de niveau II, et non l’existence d’une menace réaliste qu’un garde de parc soit atteint d’un coup de feu.

[135] Robert Prosper a déclaré que comme la GRC est le service de police compétent dans la plupart des parcs, c’est elle qui applique la loi en matière d’ordre public et de circulation routière dans les parcs et qui assure le renfort. Tout engagement des gardes de parc est considéré comme un incident d’application de la loi, même s’il se solde par une conformité volontaire, ce qui se produit environ dans 94 pour 100 des cas. M. Prosper a confirmé qu’un garde de parc ne peut arrêter la circulation pour assurer l’ordre public, mais qu’il peut intercepter des véhicules s’il soupçonne une infraction en matière de conservation des ressources ou d’ordre administratif.

[136] Robert Prosper a passé en revue le protocole d’entente de 1987 entre Parcs Canada et la GRC, lequel est toujours en vigueur. Il a signalé que les fonctions des gardes de parc à titre de premier intervenant sur les lieux d’un incident sont maintenant limitées par les dispositions de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Par exemple, les gardes de parc ne doivent plus participer à l’application des lois provinciales sur la circulation routière. M. Prosper a confirmé qu’à l’échelle nationale, l’administration centrale de Parcs Canada n’effectue pas de suivi ou d’examen des ententes d’ordre local entre les parcs ou lieux historiques et les services de police compétents, si ce n’est le fait d’examiner le plan d’application de la loi de chaque parc ou lieu historique afin de vérifier si les besoins en ressources assurés par les services de police répondent adéquatement aux besoins en application de la loi. Par contre, il a déclaré que les services de police ont la responsabilité de maintenir l’ordre dans les parcs, qu’il y ait ou non un protocole d’entente en place.

[137] Robert Prosper a participé avec la GRC à l’élaboration d’un protocole d’entente plus à jour, mais cette entente n’a pas encore été approuvée. Quand elle aura été signée, les gardes de parc ne seront plus appelés à titre de premiers intervenants lors d’incidents relatifs à l’ordre public signalés à un centre de Parcs Canada, et s’ils sont témoins d’un incident relatif à l’ordre public sur une route, leur intervention ne dépassera pas le fait d’observer, de prendre des notes et de faire rapport à la GRC. En outre, le protocole d’entente confirme que la responsabilité de l’application de la loi en matière de circulation routière sur les terrains de Parcs Canada demeure la responsabilité de la GRC.

[138] Robert Prosper a témoigné au sujet du Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes – Chapitre 1 : Gendarmerie royale du Canada – Les services de police à contrat, déposé au Parlement en 2005.

[139] Le titre de la section 1.16 se lit comme suit : « Les clients des services à contrat participent à l’établissement des priorités [sur l’affectation des ressources], mais reçoivent peu d’information sur leur réalisation progressive. » Robert Prosper a confirmé que Parcs Canada n’avait jamais rencontré la GRC afin de discuter des niveaux de service minimaux ou des normes policières minimales dans les parcs et lieux historiques contrôlés. Il a également admis que Parcs Canada ne reçoit pas de rapports de la GRC sur les normes policières minimales. Ainsi, l’Agence Parcs Canada ne sait pas vraiment si la GRC dispose d’un effectif suffisant pour fournir des services aux parcs, y compris les services de renforts, mais elle s’attend à bénéficier du même niveau de service que n’importe quel membre du public.

[140] Sous le titre « Déficiences constatées dans la détermination des ressources requises pour les services de police à contrat », la vérificatrice générale constate à la section 1.33 de son rapport que « la GRC n’a pas défini clairement une norme minimale pour chaque province et territoire. En 2003, une enquête interne à la GRC a confirmé qu’il n’y avait pas de définition claire de ce que devait être une norme minimale pour les provinces, ce qui était alors vu comme un problème majeur au moment de justifier les ressources humaines demandées ».

[141] Sous le titre « Les déficiences observées dans le remplacement des employés absents laissent bien des vides à combler dans les détachements », la section 1.38 contient l’observation suivante : « La GRC s’est acquittée dans une large mesure de ses obligations de doter les postes requis pour bien servir ses clients à contrat […] Par ailleurs, une fois que les détachements ont leur personnel, il arrive que des employés s’absentent pour cause de maladie, de blessure ou de congé parental, absences qui peuvent être de courte ou de longue durée. Ce problème perturbe les petits détachements qui n’ont pas les moyens de combler le manque de personnel sans devoir faire transférer des agents d’ailleurs. » La section 1.41 du rapport indique : « Les absences peuvent avoir des répercussions plus grandes dans les détachements parce que, souvent, le personnel n’y est pas remplacé et les agents en service on plus de travail à faire ou alors délaissent certaines tâches. » Robert Prosper n’avait aucun commentaire à faire à ce sujet.

[142] Sous le titre « Défaut de se requalifier et de renouveler l’accréditation dans les domaines de formation obligatoire », la section 1.57 du rapport note l’échec de la part de la GRC quant à la requalification et le renouvellement d’accréditation de ses agents dans les secteurs de formation à l’utilisation de l’arme de poing, de la matraque et du gaz poivré et au contrôle par étranglement carotidien et quant au renouvellement d’accréditation en premiers soins : « Dans l’ensemble, le nombre des agents de la paix qui se sont requalifiées ou dont l’accréditation a été renouvelée dans les six secteurs de formation obligatoire a chuté de 57 p.100 de l’effectif en 2003 à 6,2 p.100 en 2004. » Ce fait a son importance parce que, le cas échéant, ces agents pourraient être appelés en renfort par des gardes de parc. Robert Prosper a convenu que l’intervention de la GRC en cas d’urgence était un élément important de la stratégie d’atténuation des risques pour les gardes de parc. Toutefois, cette question n’a jamais été soulevée ni discutée entre la GRC et Parcs Canada.

[143] Au sujet du système du CIPC, Robert Prosper a convenu que le conducteur d’un véhicule n’est pas nécessairement son propriétaire. Par conséquent, la consultation du CIPC ne permet pas toujours au garde de parc de savoir d’avance que le conducteur a des antécédents de violence ou qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrestation en circulation. Robert Prosper a déclaré qu’après que le garde de parc a intercepté un véhicule et vérifié le permis de conduire du conducteur par le biais du CIPC, le garde de parc pourrait se repositionner pour observer, prendre des notes et rapporter l’incident si le conducteur est reconnu comme une personne violente ou qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrestation en circulation. Il a reconnu qu’il n’existait ni politique ni consigne aux gardes de parc sur la façon de se repositionner sans éveiller les soupçons du conducteur dont le garde de parc détient toujours le permis.

[144] On a demandé à Robert Prosper de commenter les incidents que Randy Fingland, garde de parc principal au parc national Jasper, a signalés à l’ASS Grundie au moment de son enquête, à la lumière des modifications apportées à la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Robert Prosper a convenu que les gardes de parc auraient toujours un rôle à jouer aux termes de la Directive dans six des onze incidents d’application de la loi en question.

[145] Incident 96-1048

Le garde de parc du secteur « est » a reçu une plainte concernant un véhicule qui, au lieu de s’arrêter à l’entrée du parc, l’avait franchie à une vitesse estimée à plus de 80 km/h. Lorsqu’un garde de parc a intercepté le véhicule, le conducteur a refusé de produire une pièce d’identité et proféré des menaces verbales de violence physique à l’endroit du garde de parc. Le conducteur a tenté de sortir du véhicule, mais les gardes de parc ont bloqué la porte. Le conducteur a pris la fuite dans son véhicule. On a constaté par la suite que le conducteur avait un casier judiciaire qui l’identifiait comme une personne violente et constituant un risque d’évasion. Son dossier comprenait deux chefs d’accusation de voies de fait sur un agent de la paix, cinq chefs d’accusation de voies de fait, huit chefs d’accusation de conduite avec facultés affaiblies, deux chefs d’accusation de méfait et d’omission de rester sur les lieux d’un accident.

Au départ, Robert Prosper a convenu que la Directive 2.1.9 autorisait toujours l’intervention d’un garde de parc, car l’omission de payer les droits d’entrée était liée à une mesure administrative d’application de la loi. Il a toutefois précisé que si la question se limitait à l’omission de faire un arrêt obligatoire, il s’agirait alors d’une infraction au code de la route traitée par la police. Le plan d’application de la loi de Jasper indiquait que les gardes de parc de Jasper ne doivent pas réagir à une omission de payer.

[146] Incident 96-451

Un garde de parc en patrouille vers 6 h 30 a aperçu une voiture dans un fossé à environ 20 km au sud de Jasper. Il y avait sur les lieux un sujet qui semblait en état d’ébriété. Le sujet n’a pas voulu dire au garde de parc comment son véhicule avait abouti dans le fossé, et le garde de parc a appelé la GRC. Le sujet a alors ouvert le coffre de sa voiture, d’où il a sorti une machette, et a menacé de se suicider. Le garde de parc a empoigné le sujet et saisi la machette. Puis le sujet est retourné au coffre de sa voiture; il en a sorti un fusil de chasse et a menacé de nouveau de se suicider. Le garde de parc a de nouveau réussi à le désarmer de force. Le rapport d’incident mentionne que les gardes de parc avaient découvert d’autres tentatives de suicide en cours et devaient garder les lieux de l’incident jusqu’à l’arrivée de la GRC. Il y est aussi écrit qu’une personne atteinte d’instabilité mentale qui tente de se suicider présente un danger tant pour le public que pour les gardes de parc.

L’intervention du garde de parc serait la même aux termes de la nouvelle Directive 2.1.9. Toutefois, le garde serait libre d’établir le degré d’intervention approprié, qui pourrait consister à se repositionner et à attendre la GRC. De plus, il serait maintenant inadéquat pour un garde de parc de désarmer un sujet de force.

[147] Incident 96-0193

Vers 14 h 50, deux gardes de parc ont aperçu un véhicule stationné sur la route à environ 20 km de Jasper; comme il se trouvait dans un secteur où sévissaient des collectionneurs de panaches, les gardes ont patrouillé le secteur à pied. Ils ont aperçu les sujets, qui ont évité le contact. Les gardes ont fini par rejoindre les deux sujets, qui ont donné leur nom, mais ne portaient aucune pièce d’identité. Une requête subséquente au CIPC a révélé que les deux sujets étaient considérés comme armés et dangereux.

Cet incident était lié à un barrage routier autochtone; or, les gardes de parc n’interviennent plus lors d’un rassemblement illégal. Ces cas sont traités par la GRC. S’il ne s’était pas agi d’un barrage routier autochtone, l’incident aurait été du ressort des gardes de parc.

[148] Incident 95-1763

Le chauffeur d’un autobus affrété a été vu en train de nourrir des mouflons à environ 75 km de Jasper. Un garde de parc s’est arrêté pour intervenir et le chauffeur a admis l’infraction. Le sujet était agressif, il argumentait beaucoup et proférait des menaces de sévices physiques à l’endroit des gardes de parc. Il avait un casier judiciaire qui comprenait une mise en garde contre son caractère violent. Son casier comprenait six chefs d’accusation pour voies de fait, désordre, possession de narcotiques, vol et infraction aux conditions de libération.

La nouvelle Directive 2.1.9 autoriserait l’intervention d’un garde de parc.

[149] Incident 94-1480

Un garde de parc a intercepté un camion gros porteur en surcharge sans plaque d’immatriculation. Les trois sujets à bord faisaient l’objet de mandats d’arrestation en circulation. Une fouille de consentement a mené à la découverte d’un petit sac de drogue. Il s’est avéré que les trois sujets avaient un casier judiciaire chargé qui, pour certains, comprenait des cas de violence, de voies de fait ayant causé des blessures corporelles, de possession de narcotiques et de dissimulation d’une arme.

La nouvelle Directive 2.1.9 n’autorise pas les gardes de parc à intercepter des véhicules ni à traiter les infractions relatives aux véhicules en surcharge.

[150] Incident 95-1323

Un véhicule a été intercepté à un point de contrôle interagences. Le conducteur s’est montré hostile aux agents du ministère des Pêches et aux gardes de parc. Par la suite, le conducteur a admis avoir des armes à feu dans sa roulotte. Le sujet est devenu agressif et s’est mis à brandir son arme à feu, sans toutefois viser aucun des agents. Une requête au CIPC a confirmé que le sujet faisait l’objet d’une mise en garde pour comportement violent. Il a souvent eu affaire à la police et aux agences de protection des ressources et il tente d’intimider les agents qui le rencontrent seul à seul. Il faisait alors l’objet d’une enquête relativement à la fabrication d’explosifs et était reconnu pour transporter avec lui des armes d’utilisation restreinte cachées.

La nouvelle Directive 2.1.9 n’autorise pas les gardes de parc à intercepter un véhicule pour une vérification relative à la protection de la faune, ni seuls ni avec des agents d’autres organismes.

[151] Incident 95-838

Un garde de parc a intercepté une semi-remorque en surcharge sur la route, à environ 80 km au sud de Jasper. Il s’agissait d’un camion volé en relation avec un vol de carburant diesel. Le conducteur faisait l’objet de mandats d’arrestation en circulation et d’une interdiction de conduire un véhicule. De plus, il venait d’être libéré d’une prison provinciale en Saskatchewan. Un garde de parc a vécu un incident semblable en 1991, à peu près au même endroit. Cette fois-là, la semi-remorque avait été volée et il y avait un fusil de chasse sous le siège du véhicule. Le chauffeur avait un casier judiciaire étoffé comprenant des condamnations pour vol, fraude, évasion et faux.

La nouvelle Directive 2.1.9 n’autorise pas les gardes de parc à intercepter un véhicule en surcharge.

[152] Incident 95-1307

Un véhicule a été intercepté pour excès de vitesse et menace pour la faune. Le conducteur a produit de fausses pièces d’identité et une adresse fictive. Il s’est avéré qu’il avait un casier judiciaire comprenant des infractions relatives à des actes de violence, à la possession de narcotiques et à la possession d’une arme prohibée.

La nouvelle Directive 2.1.9 n’autorise pas les gardes de parc à intercepter un véhicule pour excès de vitesse.

[153] Incident 95-521

À 22 h 35, le bureau des gardes de Jasper a informé le garde de réserve d’un bris de véhicule sur la route, environ 90 km au sud de Jasper. Un deuxième appel a indiqué que les occupants semblaient être sous l’influence de l’alcool ou d’une drogue. Les gardes de parc ont parlé au plaignant et demandé à un autre garde de parc en renforts de se rendre sur les lieux. Arrivés sur les lieux, les gardes ont observé un véhicule vert dont les portières arrière étaient ouvertes et des débris éparpillés sur le sol. Ils ont envoyé une requête au CIPC sur le numéro d’immatriculation du véhicule. Les sujets se sont approchés du véhicule des gardes; celui qui s’est désigné comme étant le conducteur semblait en état d’ébriété. En s’approchant du véhicule, les gardes ont aperçu un fusil et une arme de poing sur le pare-chocs arrière du véhicule. Ils ont saisi un fusil de calibre .22 chargé et une réplique de carabine à air et passé les menottes au conducteur. La requête au CIPC sur le permis de conduire du conducteur a permis de confirmer que le véhicule avait été volé dans le cadre d’un vol à main armée. Les deux sujets avaient un casier judiciaire chargé et l’un des deux était sous probation. L’autre faisait l’objet d’un mandat d’arrêt en circulation et de mises en garde pour risque d’évasion et troubles mentaux. En fouillant le véhicule, on a trouvé des appareils électroniques volés et d’autres fusils chargés. Des cartouches vides et des étuis à fusil de chasse jonchaient le sol autour du véhicule. La GRC est arrivée dans l’heure qui a suivi et a pris les suspects en charge. Les sujets ont déclaré à la GRC qu’ils avaient prévu de tirer sur tout agent qui se montrerait.

Un appel du bureau des gardes pour aider le conducteur d’un véhicule ayant des problèmes mécaniques est toujours autorisé aux termes de la nouvelle Directive 2.1.9. Mais du moment que les gardes de parc ont appris que le conducteur avait les facultés affaiblies, il s’agissait d’une affaire d’ordre public, qui relève du service de police compétent, en l’occurrence la GRC.

[154] Incident 95-230

La route était fermée pour prévenir les avalanches. Avec son véhicule, le sujet est sorti de la route et a contourné les grosses barricades d’acier, puis il a repris la route jusqu’à son interception par un garde de parc, environ 90 km au sud de Jasper. Le sujet s’est montré agressif et menaçant à l’endroit du garde de parc. Le sujet faisait l’objet de trois mandats d’amener en circulation de l’Alberta et de neuf du Québec pour voies de fait et conduites avec facultés affaiblies. Le même individu a été intercepté pour excès de vitesse à environ 20 km du village de Jasper. Il s’est montré agressif et menaçant à l’endroit du garde de parc. Après son arrestation, il a eu un comportement violent dans sa cellule au détachement de la GRC.

Les gardes de parc sont encore autorisés à fermer une route aux termes de la nouvelle Directive 2.1.9, mais ils n’appliquent pas le code de la route en ce qui a trait aux excès de vitesse.

[155] Incident 95-473

Un particulier a signalé un campement et un feu de camp illégaux. Le garde de parc a déclaré que le sujet venait de l’extérieur de l’Alberta et qu’il avait un casier judiciaire chargé comprenant des cas de vol qualifié et d’introduction par effraction.

On n’a pas demandé à Robert Prosper de commenter cet incident.

[156] Robert Prosper a convenu que les gardes de parc effectuent les mêmes activités d’application de la loi que la police dans la mesure où elles se rattachent à leur mandat premier, qui est la protection des ressources et l’application des lois régissant les parcs, ainsi que des autres lois et règlements connexes aux lois régissant les parcs, notamment les infractions au Code criminel telles que le refus de présenter des pièces d’identité ou l’obstruction et les voies de fait envers un agent de la paix. Il a toutefois précisé que, pour effectuer une arrestation, un garde de parc doit être accompagné d’une autre garde de parc ou d’un agent de la paix.

[157] Par exemple, un garde de parc pourrait intervenir dans un cas de voies de fait avec une arme dans une aire de camping, s’il en était témoin alors qu’il effectuait une ronde de surveillance régulière de gestion des ressources. Toutefois, si le garde de parc est informé du cas de voies de fait par un appel de plainte, la plainte est transmise au service de police compétent, qui est chargé d’intervenir. Si la plainte concerne une situation de voies de fait en cours, deux gardes de parc peuvent se rendre sur les lieux et tenter d’éloigner la victime des voies de fait des lieux de l’incident. Même dans ce cas, aux termes de la Directive 2.1.9, les gardes de parc ne doivent pas procéder à l’arrestation de l’agresseur, car il s’agit d’une affaire relative au Code criminel qui déborde le cadre de leur mandat principal. Néanmoins, Robert Prosper a convenu qu’à cause de leur uniforme, les gardes de parc donnent souvent la perception d’avoir des responsabilités en matière d’application de la loi.

Témoignage de Philip C. Stenning

[158] M. Philip C. Stenning, professeur et directeur des programmes à la School of Social and Cultural Studies de l’Institut de criminologie de l’Université Victoria à Wellington (Nouvelle-Zélande) a témoigné à titre d’expert en services de police et en politiques en matière de police, notamment en ce qui concerne le système de responsabilisation et l’usage d’armes à feu, et en ce qui a trait plus particulièrement aux risques associés à la distribution d’armes à feu à titre d’équipement normalisé.

[159] M. Stenning a passé en revue le cadre juridique et historique des services de police au Canada au cours de son témoignage sur l’aspect de la responsabilisation de l’usage d’armes de poing par les services d’application de la loi. Il a expliqué que vers la fin du dix-neuvième siècle, le sens du terme « police » a connu un glissement du renvoi à une situation, celle d’une saine gestion publique, au renvoi à une institution particulière du gouvernement, le service de police. On en est venu à appliquer ce terme aux corps de police fédéraux, provinciaux et municipaux tels que la GRC et la Police provinciale de l’Ontario, et les services de police ont été assujettis à des règlements officiels sur des aspects comme la conduite, les uniformes et l’équipement. On considérait que les services de police se limitaient essentiellement à la lutte contre le crime et au maintien de l’ordre, même si ces deux aspects ne constituaient qu’une faible portion des fonctions de la police. On en est venu à voir dans ces activités le champ d’expertise professionnelle exclusif des agents et des services de police.

[160] Les services de police ont connu des transformations notables depuis trente à quarante ans. L’accent est passé de la lutte contre le crime et l’application de la loi à la prévention du crime. En même temps, on s’est rendu compte de plus en plus que la police ne pouvait pas assurer par elle-même le maintien de l’ordre et qu’elle avait largement besoin de la coopération du public. Des services de police communautaires se sont créés et des partenariats se sont établis avec des membres de la collectivité et d’autres organismes du gouvernement. En outre, le secteur des services de police privés est devenu florissant. Les propriétaires d’établissements privés à l’usage du grand public tels les arénas, les centres commerciaux, les universités et les grandes copropriétés ont engagé ou organisé eux-mêmes des services de police privés au lieu de se fier aux corps policiers. Ainsi, toute la structure du maintien de l’ordre a énormément changé avec l’entrée en jeu de personnes ayant des idées et des techniques différentes sur la façon de maintenir l’ordre.

[161] Avec la croissance du maintien de l’ordre assuré par des personnes qui ne sont pas membres de services de police traditionnels, le descripteur « police » devient de moins en moins utile. Le terme « agent de la paix » est établi dans le Code criminel et en common law, et les agents de la paix ont le rôle général d’appliquer les lois. Mais aux termes du Code criminel, la définition d’« agent de la paix » englobe les pilotes d’avion, les capitaines de navire, les maires, les shérifs et les geôliers, qui ont tous, à divers degrés, le pouvoir d’appliquer la loi.

[162] L’élément critique des services de police comprend le maintien d’un certain ordre dûment autorisé dans une collectivité ou une société, tel que prescrit par la loi, par un service de police ayant pour fonction et responsabilité de maintenir et préserver l’ordre établi par le gouvernement ou par une entreprise privée.

[163] Depuis dix à quinze ans, on reconnaît de plus en plus que le maintien de l’ordre est maintenant assuré par un large éventail d’organisations publiques et privées et que l’élaboration des politiques en matière de police ne peut plus porter uniquement sur les services de police traditionnels. De plus, les services de maintien de l’ordre sont fournis par une gamme diversifiée de personnes et d’institutions. Par exemple, le maintien de l’ordre dans un grand aéroport peut nécessiter des personnes formées aux opérations antiterroristes et dotées d’un équipement, d’une préparation et d’une expertise spécialisées, contrairement au maintien de l’ordre dans un foyer pour personnes âgées. Les deux services de police peuvent avoir des mandats similaires tout en ayant des responsabilités, des fonctions et de l’équipement distincts. Ces spécifications émanent du service de maintien de l’ordre public et privé. C’est cette approche qu’ont adoptée les auteurs de la Directive sur l’application de la loi de Parcs Canada. Donc, pour définir le rôle de l’agent de police, il faut examiner le cadre de travail, l’usage et la nature des responsabilités.

[164] L’équipement des policiers canadiens a lui aussi évolué depuis quarante à cinquante ans. Les agents portent maintenant un gilet pare-balles et un ceinturon utilitaire tout équipé : menottes, matraque, bonbonne de gaz poivré, radio et arme de poing. L’équipement a accru et amélioré le niveau de protection et de sécurité de la personne, mais aussi son sentiment de sécurité. Ce sentiment de sécurité a son importance, mais il ne faut pas le confondre avec l’image de l’agent.

[165] Le contenu et la fréquence de la formation des agents de police varient beaucoup d’un territoire de compétence à l’autre au Canada. Autrefois, la formation tendait à se concentrer sur les techniques de combat et d’autodéfense, le maniement des armes, le tir à la cible et l’étude des lois et politiques relatives au recours à la force et aux armes à feu. Depuis quelques années, elle met de plus en plus l’accent sur la communication verbale et la gestion des conflits, sur l’aptitude et le jugement en matière de désescalade et d’évitement, ainsi que sur un usage accru de simulateurs vidéo interactifs informatisés. Les services de police ont également élaboré un éventail de modèles de recours à la force servant de base à leur formation.

[166] Dans son témoignage, M. Stenning a parlé des principaux risques associés à la distribution d’armes de poing : l’effet de l’arme; la victimisation de l’agent par sa propre arme à feu; le risque de blesser ou tuer accidentellement un membre du public; le suicide du policier; l’homicide volontaire ou involontaire commis par l’agent de police.

[167] Dans le cas du risque attribuable à l’effet de l’arme, où la simple vue d’une arme de poing portée par un agent de la paix peut avoir pour effet qu’un individu semble avoir une réaction plus agressive à une situation donnée, les recherches sont en grande partie désuètes et éparses et elles portent bien plus sur des données étasuniennes que canadiennes. Les études sur lesquelles reposent les conclusions sont plutôt des études cliniques que de terrain, et leurs constats ne font guère consensus. M. Stenning a concédé que le risque attribuable à l’effet de l’arme pourrait être relativement faible, mais s’est dit d’avis que ce risque n’est pas inexistant.

[168] Le risque de victimisation de l’agent par sa propre arme à feu pourrait englober l’utilisation d’une arme de poing par un agent de police pour se suicider. D’après des études canadiennes, le risque de mort ou de blessure par un assaillant auquel s’expose l’agent de police est relativement faible. Une étude portant sur la mortalité des agents de quatre services de police canadiens dans l’exercice de leurs fonctions entre 1970 et 1990 révèle que dans 19 cas, l’agent a été la victime d’un homicide et que dans un cas seulement, l’agent a été tué avec son propre revolver de service. D’après une étude plus récente, trois des 96 agents tués par une arme à feu ont été victimes d’un assaillant qui utilisait leur propre revolver. M. Stenning a dit croire que ces résultats constituent un rappel de la nécessité de prodiguer une formation de grande qualité sur le port d’une arme et du gilet pare-balles.

[169] Pour ce qui est du risque de blesser ou tuer accidentellement des citoyens, M. Stenning a déclaré que de 1970 à 1981, on a enregistré au total 126 décès par intervention des forces de l’ordre dans l’ensemble des provinces et territoires canadiens. De 1990 à 2002, 89 personnes ont été tuées par des armes à feu utilisées par la police. La situation a empiré après la mise en circulation de revolvers de service semi-automatiques Glock, mais les modifications apportées au mécanisme de détente et l’amélioration de l’étui ont abaissé le niveau de risque.

[170] Quant au risque de suicide du policier, des études canadiennes démontrent que le taux de suicide des agents de police est inférieur au taux de suicide de l’ensemble des hommes âgés de 19 à 64 ans. Toutefois, le revolver de service est l’arme de choix de ces agents. Nonobstant les données canadiennes, la documentation internationale sur le suicide chez les agents de police indique dans l’ensemble que les constats relatifs au taux de suicide des policiers ne sont pas concluants.

[171] En ce qui concerne le risque d’homicide volontaire ou involontaire commis par l’agent de police, les cas de responsabilité criminelle de la part d’agents de police ayant abattu des civils sont aussi rares au Canada qu’aux États-Unis. Néanmoins, on a reconnu que l’éventualité d’une responsabilité civile a un impact important sur le contrôle par les services de police de l’usage que font leurs agents des armes à feu.

[172] Pour ce qui est de l’impact possible de ses constatations sur les gardes de parc, M. Stenning a fait remarquer qu’il existe très peu de données canadiennes ou étasuniennes sur l’utilisation d’armes à feu par ou contre des gardes de parc ou des agents de conservation. Dans un rapport produit en 1996, la Division de l’application de la loi du Fish and Wildlife Service du ministère de l’Intérieur des États-Unis a analysé le nombre d’agents de conservation victimes de meurtre et de voies de fait de 1990 à 1992 inclusivement. On y recense au total 1 869 agents de conservation provinciaux et fédéraux au Canada en 1992 et, en moyenne, 34 agents victimes de voies de fait au cours de chaque année de la période à l’étude. Dans près de la moitié des 97 cas de voies de fait recensés, les assaillants n’étaient pas armés et ont commis les voies de fait à coups de poings et de pieds. Les assaillants ont utilisé une arme à feu dans 10 cas et d’autres armes telles que des bouteilles de bière et des matraques dans 10 autres cas. Dans six pour cent des occurrences, on a employé un couteau ou une autre arme tranchante et dans cinq pour cent des cas, un véhicule à moteur. La pluralité des cas de voies de fait (22 pour 100) se sont produits la nuit, alors que l’agent de protection de la nature confrontait un contrevenant sans détenir de mandat; 20 cas (22 pour 100) se sont produits au cours d’une ronde de surveillance régulière, 15 cas (16 pour 100) sont survenus en plein jour, alors que l’agent de protection de la nature confrontait un contrevenant sans détenir de mandat, et 15 cas (16 pour 100) se sont produits à l’occasion d’une vérification courante du permis de chasse.

[173] M. Stenning a conclu que les gardes de parc s’exposeraient à une recrudescence des agressions du public en portant une arme à feu. Il est tout à fait concevable qu’ils deviendront susceptibles de victimisation par leur propre arme de poing, comme le sont les agents des services de police publics. Comme eux, les gardes de parc qui envisagent le suicide seront susceptibles d’utiliser leur arme de service à cette fin. De plus, les gardes de parc qui tireront sur un citoyen, avec ou sans conséquences fatales, s’exposeront probablement au même examen que les membres de tout autre service de police ou d’application de la loi.

Témoignage de John Good

[174] John Good, de Good Communication, à Warsaw (Ontario), a mené une enquête visant à comparer les gardes de Parcs Canada aux employés d’autres autorités exerçant apparemment des fonctions similaires. Cette enquête portait sur les dimensions et le nombre de visiteurs des parcs, le statut d’agent de la paix, les pouvoirs de police, d’arrestation et de saisie, ainsi que l’équipement de protection individuelle fourni aux agents de chaque service, y compris les armes de poing. Son témoignage a porté sur les résultats de son enquête.

Témoignage de Bruce Van Staalduinin

[175] Bruce van Staalduinin, gestionnaire, Section des opérations et de l’aménagement, Parcs Ontario, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, a témoigné au sujet des rôles et responsabilités des gardes des parcs provinciaux ontariens.

[176] La majorité des gardes de parc de l’Ontario sont des employés saisonniers qui travaillent généralement de mai à octobre. Pendant les mois de juillet et août, il y a environ 2 500 employés répartis entre les parcs de l’Ontario. Seulement 225 d’entre eux sont des employés à temps plein, dont environ 135 travaillent dans un parc à titre de directeurs, de directeurs adjoints ou de membres du personnel administratif, de soutien ou d’interprétation. Sur les 2 500 employés environ qui travaillent dans les parcs de l’Ontario au cours des mois de juillet et août, 250 sont des gardes de parc saisonniers recrutés principalement dans les collèges et les universités. Environ cinq agents de protection de la nature ontariens munis d’une arme de poing sont en poste pour aider les divers parcs.

[177] D’après un document du Ministère intitulé Park Warden Guidelines, Policy No. PM 3.00, un garde de parc est un employé d’un parc désigné en vertu de la Loi sur les parcs provinciaux aux fins de la loi et de ses règlements. Cette désignation ne s’applique pas à l’extérieur d’un parc provincial. Un garde de parc est aussi une personne qui possède les mêmes pouvoirs qu’un membre de la Police provinciale de l’Ontario aux termes de l’article 13 de la Loi sur les parcs provinciaux.

[178] Cette nomination est nécessaire pour qu’un garde de parc ait le droit d’émettre des avis d’infraction aux fins d’assurer l’application de diverses lois provinciales : la Loi sur les parcs provinciaux, la Loi sur les permis d’alcool, la Loi sur l’entrée sans autorisation, le Code de la route, la Loi sur les véhicules tout terrain et la Loi sur les motoneiges. Les gardes de parc ne sont pas nommés à titre d’agents de police ni désignés en vertu de la Loi sur les services policiers. Par conséquent, la loi ne les oblige pas à intervenir dans toutes les situations. Ils ne peuvent faire l’objet d’accusations au criminel pour non-intervention, et, en cas d’action au civil, le Ministère assure la défense de tout garde de parc ayant agi en conformité avec la politique.

[179] La politique attribue aux gardes de parc les responsabilités suivantes :

  • fournir information et assistance aux visiteurs du parc;
  • appliquer les règlements du parc et d’autres lois et règlements connexes, selon les directives du directeur du parc;
  • répondre aux plaintes et aux demandes d’assistance du public;
  • expliquer et promouvoir les règlements du parc;
  • documenter les infractions et les incidents importants;
  • émettre des avertissements;
  • renvoyer les confrontations physiques et les incidents ou infractions de nature grave ou criminelle à la Police provinciale de l’Ontario ou à la police municipale;
  • prendre des mesures de précaution, notamment par l’emploi d’un analyseur d’haleine, pour empêcher de conduire les conducteurs aux facultés affaiblies expulsés du parc;
  • préparer l’information en vue d’une comparution au tribunal;
  • protéger les lieux d’une infraction criminelle présumée pour la police.

[180] La politique interdit aux gardes de parc de l’Ontario de risquer leur vie dans l’exercice de leurs fonctions; de se livrer ou de tenter de se livrer à quelque forme d’activité ou de fonction d’application de la loi à l’extérieur d’un parc provincial; d’exercer les pleins pouvoirs d’un agent de police en portant des accusations en vertu du Code criminel, de la Loi sur les narcotiques ou de la Loi sur les aliments et drogues, ou de poursuivre un conducteur en fuite suite à une infraction présumée.

[181] De plus, les gardes de parc ne doivent pas prendre de rôle de direction lors d’une arrestation, sauf dans une situation à faible niveau de risque, ni régler une dispute conjugale violente, un cas de voies de fait ou tout autre incident violent. Ils doivent plutôt signaler tout incident du genre à la Police provinciale de l’Ontario. On leur donne la consigne de n’envisager une intervention physique que si les ressources en personnel sont suffisantes pour qu’ils puissent intervenir sans courir de risque personnel. Il leur est en outre interdit de transporter une personne ayant fait l’objet d’une arrestation et d’une détention, à moins d’avoir suivi une formation spéciale et d’avoir l’équipement nécessaire à cette fin; le transport ne peut en aucun cas se faire à l’extérieur des limites du parc. Il leur est également interdit d’enquêter ou de porter des accusations en vertu du Code criminel, de la Loi sur les narcotiques ou de la Loi sur les aliments et drogues, ou d’enquêter ou intervenir lors d’un signalement d’introduction par effraction dans un chalet, une concession, un véhicule, un lieu d’hébergement, un équipement, etc. Les incidents du genre sont également à signaler à la Police provinciale.

[182] En ce qui concerne l’arrestation d’un particulier dans une situation à faible niveau de risque, les gardes de parc ne peuvent procéder que s’ils sont bien au fait du pouvoir d’arrestation et des responsabilités qui lui sont associés et si cette intervention n’accroît pas le risque de confrontation physique. Ils doivent se retirer s’ils font face à une confrontation qui devient risquée. De plus, s’ils ne libèrent pas la personne par la suite, ils doivent la livrer à la Police provinciale aux fins du transport et des mesures subséquentes.

[183] Bruce van Staalduinin a expliqué que pour être admissible à travailler comme garde de parc de l’Ontario, il faut être âgé d’au moins 19 ans, posséder un permis de conduire valide, obtenir un résultat satisfaisant à la vérification judiciaire et avoir déjà travaillé pendant une saison dans un parc provincial, puis réussir le cours de garde de parc, d’une durée de deux semaines. Cette exigence peut être remplacée par la réussite du cours d’agent de protection de la nature de niveau 1, par une désignation et une expérience antérieures à titre d’agent de police ou de garde de parc pour un autre organisme, conditions auxquelles s’ajoute la réussite du cours de garde de parc d’une durée de deux semaines, ou encore avoir terminé avec succès au moins une année de cours d’application de la loi et de sécurité dans un collège communautaire ainsi que le cours de garde de parc d’une durée de deux semaines. Lorsque les gardes de parc reprennent leur emploi l’année suivante, ils doivent suivre un stage de perfectionnement de trois jours.

[184] Le cours de deux semaines comprend l’étude de la Politique 3.00, un segment de 21 heures sur le recours à la force ainsi que des segments sur l’arrestation, l’évitement des conflits, la sécurité de l’agent, les techniques de combat à mains nues, les techniques de menottage et l’utilisation de la matraque. On indique aux gardes de parc que leur travail porte principalement sur les infractions relatives à la réglementation des parcs et à la consommation d’alcool et que la Police provinciale de l’Ontario est le principal intervenant dans les cas de décès, de voies de fait, de conduite avec facultés affaiblies et d’infractions au Code criminel.

[185] Les gardes de parc portent un uniforme distinctif comportant un insigne et un écusson à l’épaule; on leur fournit un porte-insigne et une carte d’identité. On leur fournit également un ceinturon de fonction où ils portent un émetteur-récepteur radio, des menottes, une matraque télescopique et une lampe de poche. Ils ne portent pas de gilet pare-balles et on ne leur distribue ni gaz poivré ni arme de poing.

[186] Le type de radio que portent les gardes de parc est un système à bande inférieure qui leur permet de communiquer avec le personnel et les véhicules du parc ainsi qu’avec le Centre de communication de la Police provinciale, lequel a accès au CIPC, peut communiquer avec la Police provinciale et dispose d’une flotte d’avions et d’hélicoptères.

[187] Bruce van Staalduinin a précisé que deux agents de protection de la nature de l’Ontario équipés d’un gilet pare-balles, de gaz poivré et d’une arme de poing travaillent dans deux parcs particuliers. Ils sont à la disposition de divers parcs pendant les longues fins de semaine. De plus, deux autres agents de protection de la nature armés ont des bureaux dans deux parcs, bien qu’ils n’y travaillent pas officiellement.

[188] Au sujet des renforts de la police, Bruce van Staalduinin a déclaré que les parcs les plus fréquentés sont situés dans le sud de l’Ontario et que la Police provinciale se trouve à proximité. Par exemple, il y a des détachements dans le parc, à la limite du parc ou encore à proximité de celle-ci.

[189] Bruce van Staalduinin a confirmé que les arrestations effectuées par les gardes de parc de l’Ontario portent principalement sur la Loi sur les permis d’alcool, pour des infractions relatives à la possession d’alcool dans un lieu public, sur la consommation d’alcool par des mineurs et sur le refus de s’identifier. Les gardes de parc de l’Ontario n’ont pas de pouvoir d’arrestation en vertu de la Loi sur les parcs provinciaux et, bien qu’ils pourraient porter des accusations dans le cas d’infractions au Code criminel, la politique les enjoint d’en laisser le soin à la Police provinciale.

[190] Bruce van Staalduinin a confirmé que Parcs Ontario ne tient pas de statistiques à jour relativement aux voies de fait sur des gardes de parc, mais que l’organisme prend en considération des cas isolés lorsqu’il examine les besoins en formation pour l’été suivant.

Témoignage de Guy Mongrain

[191] M. Guy Mongrain, gestionnaire à la Direction des services d’information et d’identité judiciaire de la GRC, a témoigné au sujet du CIPC. Il a donné un témoignage exhaustif concernant le système informatique du CIPC, les agences qui ont accès à ce système, l’état des mises à jour matérielles et logicielles au système du CIPC à la suite du renouvellement, la nature des renseignements qui figurent dans chacune des bases de données, dossiers et sous-dossiers du CIPC, la façon d’accéder à ces renseignements à distance et la mesure statistique de sa capacité opérationnelle.

[192] M. Mongrain a confirmé que le système du CIPC a fait l’objet d’une révision après la publication du rapport du Vérificateur général pour l’année 2000, qui critiquait les nombreuses déficiences du système du CIPC. Il a attesté que le CIPC est maintenant opérationnel 97,79 pour 100 du temps et que lorsque l’accès au système doit être interrompu pour des activités de mise à niveau, un message est diffusé à tous les utilisateurs pour les informer du moment prévu de l’événement. Il a confirmé que le moment de choix pour effectuer ces mises à jour du système est le dimanche matin, soit le moment de la semaine où le CIPC est le moins sollicité.

[193] M. Mongrain a confirmé que les provinces du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique ne fournissent pas au CIPC de bandes magnétiques de renseignements exclusifs sur leurs registres. Par conséquent, il peut arriver que ces renseignements soient inaccessibles lorsque les services provinciaux font leurs propres mises à jour de système. Lorsqu’une période d’indisponibilité est prévue, les provinces en informent le CIPC, qui génère un avis général. Cependant, si ces quatre provinces ne préviennent pas le CIPC, il n’y a pas d’avis diffusé. M. Mongrain a déposé un document donnant la liste de tous les messages diffusés au cours des six mois précédents concernant des coupures du CIPC. Les dix-sept entrées indiquaient des interruptions d’une durée variant de quinze minutes à cinq heures.

[194] M. Mongrain a témoigné que les agences qui interrogent le système sont tenues de former leur personnel pour accéder à l’information que contient le CIPC. Il a déclaré qu’il y a eu par le passé des cas où l’utilisateur du CIPC n’était pas au courant d’une fonctionnalité du système.

Témoignage de Gregory Browning

[195] L’inspecteur Gregory Browning, directeur adjoint des Services nationaux d’apprentissage à la GRC, a témoigné à titre d’expert du Modèle d’intervention pour la gestion des incidents (MIGI), du modèle Clients, acquisition et analyse d’information, partenariats, réponse et auto-évaluation (CAPRA), des principes fondamentaux de ces modèles et de leur mise en application pratique dans le cadre du mandat de la GRC.

[196] Le but visé par le MIGI est d’aider les agents de la paix à déterminer le niveau de risque et les choix de recours à la force qui s’offrent à eux. Le MIGI les aide aussi à expliquer à un juge des faits leur recours à la force et le niveau de force employé. Le pouvoir qu’ont les agents de recourir à la force dans l’exercice de leurs fonctions a pour origine le Code criminel et non le MIGI.

[197] Le MIGI a évolué depuis sa mise en œuvre en 1994. Le modèle actuel reflète l’importance de la résolution de problèmes et la nécessité d’évaluer continuellement le risque dans n’importe quelle situation donnée. Il reflète également l’importance de l’intervention verbale et de la capacité d’effectuer un repositionnement tactique dans les situations qui dépassent clairement la capacité des agents à les résoudre et dans les cas où un tel repositionnement réduit le niveau de danger pour le public ou pour l’agent lui-même. Pour comprendre le MIGI, les agents de la paix doivent comprendre ses principes fondamentaux et le Modèle de résolution de problèmes de la police communautaire de la GRC, qu’on appelle aussi le modèle CAPRA, parce qu’ils fournissent le contexte servant à déterminer le niveau de force le plus approprié à une intervention dans une situation donnée.

[198] D’après les principes fondamentaux du MIGI :

  • l’objectif premier de toute intervention est la sécurité publique;
  • la sécurité de la police est essentielle à la sécurité publique;
  • le modèle d’intervention doit toujours être mis en application dans le contexte d’une évaluation soignée des risques;
  • l’évaluation des risques doit prendre en compte la probabilité et l’étendue des pertes de vie, des blessures et des dommages matériels;
  • l’évaluation des risques est un processus continu qui doit évoluer avec la situation;
  • la meilleure stratégie consiste à utiliser l’intervention minimale apte à gérer le risque;
  • la meilleure intervention est celle qui cause le moins de dommages corporels ou matériels.

[199] Le CAPRA donne à l’agent de police la stratégie de résolution de problèmes nécessaire pour évaluer les risques en fonction des facteurs situationnels. Le modèle est axé sur la détermination des personnes touchées, l’analyse de l’information disponible, la coopération efficace, la recherche de la meilleure intervention et l’évaluation des mesures. L’acronyme s’explique comme suit :

  • C = Clients : qui ils sont, y compris les clients directs et indirects.
  • A = Acquisition et analyse de renseignements, ce qui comprend l’évaluation des risques.
  • P = Partenariats : qui pourrait aider à résoudre l’incident et à empêcher qu’il se reproduise.
  • R = Réponse : la réponse la plus efficace en fonction des options proposées par le MIGI.
  • A = Auto-évaluation : ce qu’on peut retenir de l’expérience.

[200] On apprend aux agents les sept stades de l’évaluation des risques qui peuvent habituellement survenir au cours d’une intervention : la collecte de renseignements, le trajet, l’arrivée, l’approche, l’introduction, l’intérieur, la sortie. Ces stades renforcent la notion qui fait de l’évaluation des risques un processus continu et qui attribue des facteurs situationnels uniques à certains stades.

[201] Ces facteurs situationnels sont : la nature de la demande d’aide et de l’emplacement; le nombre d’agents par rapport au nombre de sujets; l’âge, le sexe, la taille et le poids de l’agent par rapport ceux du ou des sujets; le niveau d’aptitude de l’agent comparativement à celui du sujet (p. ex. les aptitudes au combat); le niveau actuel de forme physique de l’agent par rapport au niveau apparent de forme physique du ou des sujets; les blessures subies par l’agent de police ou son niveau d’épuisement; enfin, les signes de menace.

[202] L’inspecteur Browning a décrit le MIGI en détail et donné certaines définitions. Il a expliqué que les anneaux central et extérieur du MIGI représentent les niveaux de résistance auxquels l’agent peut faire face et une série d’options d’intervention utilisables. Ces options sont représentées dans un cercle pour indiquer visuellement qu’il n’y a pas de continuum à suivre en matière de recours à la force ou d’intervention. Les agents peuvent passer d’une réponse d’intervention à l’autre sur la base de leur évaluation continue des risques. Le modèle reflète le fait que la situation peut évoluer rapidement et que les agents peuvent être appelés à accroître ou décroître le niveau de leur stratégie d’intervention.

[203] En ce qui concerne le repositionnement tactique, les agents peuvent se déplacer ou se repositionner s’ils accroissent leurs chances de réussir à résoudre la situation en se déplaçant vers une position qui réduit le risque que courent le suspect, le public et (ou) les agents. Le repositionnement tactique ne signifie ni qu’on décroche complètement, ni qu’on ne fait rien. Mais il accroît la sécurité et donne aux agents la possibilité de mieux recueillir et interpréter les renseignements et de choisir les options ou stratégies d’intervention appropriées.

[204] Le MIGI ne recommande pas la production ou l’utilisation d’une arme de poing. Il se borne à indiquer que la force meurtrière est une réponse adéquate à une menace de mort ou de lésions corporelles graves. Le paragraphe 25(4) du Code criminel établit le pouvoir qu’a l’agent de police d’employer contre une personne à arrêter une force qui est soit susceptible de causer la mort de celle-ci ou des lésions corporelles graves, soit employée dans l’intention de les causer. Cependant, ni le Code criminel ni le MIGI ne précise la façon dont l’agent doit ou peut recourir à la force meurtrière. Néanmoins, le MIGI suppose que les agents suivront une formation sur l’utilisation d’une arme de poing et sur toutes les autres options d’intervention, et qu’ils peuvent se servir de n’importe quoi, y compris leur matraque, leur véhicule ou tout autre objet. Le point essentiel est que le Code criminel autorise le recours à la force meurtrière, sans toutefois en préciser les moyens.

[205] Sur la question de savoir si le MIGI exige le recours à la force meurtrière lorsque l’agent perçoit une menace de mort ou de lésions corporelles graves, l’inspecteur Browning s’est dit d’avis que les agents n’y sont pas obligés même lorsqu’ils font face à une situation qui pourrait le justifier. Ils ont la latitude d’appliquer les principes fondamentaux du MIGI, y compris la reconnaissance du fait que la meilleure stratégie consiste à gérer les risques par une intervention minimale et que la meilleure intervention est celle qui cause le moins de dommages corporels ou matériels.

[206] L’inspecteur Browning a expliqué que la formation au MIGI n’exige pas de formation au maniement des armes à feu. Les agents de la GRC portent une arme de poing parce que la politique de la GRC l’exige, comme le port d’autres outils, afin de réagir à des degrés de résistance variables. De même, la politique exige que les agents soient formés au recours à chacune des options d’intervention et qu’ils maintiennent un certain niveau de compétence. L’inspecteur Browning a souligné que la GRC a donné de la formation sur le MIGI à d’autres organismes et à des membres non réguliers qui ne portent pas d’arme à feu.

[207] L’inspecteur Browning a également commenté une présentation sur PowerPoint incluse à son rapport d’expert concernant les principes tactiques. Les notes à l’intention de l’animateur de cette présentation précisent que, pour arriver à prendre et à maintenir le contrôle d’une situation, l’agent doit avoir un niveau de réaction un cran plus haut que le niveau de résistance du sujet. L’inspecteur Browning a expliqué que cette remarque n’est pas tout à fait valable, parce que les agents réagissent toujours en recourant aussi à l’intervention verbale qui, associée au repositionnement tactique, peut être un gage de réussite.

[208] D’après la présentation, plus l’agent se trouve près de la menace, plus son sentiment de crainte s’accroît. Cela peut se traduire par l’accélération du rythme cardiaque, l’exclusion auditive, le rétrécissement concentrique du champ visuel, la perte de facultés de motricité fine et complexe, la perte de la mémoire de l’incident, l’effet de ralenti et le recours à des mouvements globaux. Aussi, plus la distance entre l’agent et le sujet est grande, plus le temps de réaction augmente et plus le sentiment de vulnérabilité s’estompe. Le fait d’avoir plus de temps se traduit par un meilleur jugement et un niveau d’intervention adéquat. Le délai de réaction permet à l’agent de percevoir, analyser, formuler et mettre en œuvre, en plus de lui offrir davantage d’options d’intervention. La présentation indiquait aussi que face à une arme tranchante, la distance minimale absolue entre l’agent et l’assaillant devrait être de 8 mètres (25 pieds), que l’arme de poing soit dans son étui ou non. Si la distance est inférieure à 8 mètres, l’agent devrait se servir de n’importe quel obstacle disponible.

[209] On dit également aux agents de se poser les trois questions suivantes : « Est-ce que d’autres personnes ou moi-même courons un danger immédiat? Est-ce que je maîtrise la situation? Qu’est-ce que je peux faire pour alléger le danger? »

[210] L’inspecteur Browning a joint à son rapport d’expert de la documentation au sujet du Programme des gendarmes auxiliaires de la GRC. Les gendarmes auxiliaires peuvent être nommés agents de la paix si la loi de la province ou du territoire le prévoit. Ce sont des bénévoles ayant pour objectif premier de participer à des services communautaires de maintien de l’ordre tels que la sécurité publique et la prévention du crime. On dit qu’ils complètent le personnel de la GRC et des organisations municipales, provinciales et fédérales en fournissant de l’assistance lors d’opérations à faible risque, relatives aux situations civiles sans urgence ou d’urgence. Leurs activités sont autorisées par le commandant ou son délégué, sous la supervision d’un membre régulier de la GRC ou, indirectement, sous la supervision générale d’un détachement. Leurs fonctions peuvent comprendre la surveillance du quartier et des commerces, les vérifications de sécurité à domicile et dans les entreprises, les défilés, les allocutions publiques, les programmes de parents-secours, la formation, le contrôle de la circulation, la sensibilisation aux drogues et l’aide aux victimes. Ils détiennent un pouvoir d’arrestation, mais il ne peuvent s’en servir que sous la supervision directe (par contact visuel) d’un membre régulier de la GRC ou sous supervision indirecte si le commandant a établi que le niveau de risque est bas et qu’une supervision directe est inutile.

[211] Les gendarmes auxiliaires ne reçoivent pas le même niveau de formation que les membres de la GRC et ne peuvent agir à titre d’intervenants lors d’un incident nécessitant des compétences particulières et une formation en intervention, tels les actes de violence, les voies de fait contre un parent, la violence familiale, les incidents de nature chimique, biologique, radiologique et nucléaire, ou les cas comportant un risque de lésions corporelles graves. Cependant, ils reçoivent la formation de gendarme auxiliaire ou de réserve, ainsi qu’une formation sur le recours de la force par des moyens autres que les armes à feu et sur l’utilisation de la matraque et du gaz poivré. Ils portent un uniforme et un ceinturon de fonction qui leur est distribué et qui est semblable à celui d’un membre régulier de la GRC. On leur distribue également un gilet pare-balles, des menottes, un bâton de police ASP, du gaz poivré, une lampe de poche et des gants de caoutchouc. On ne leur fournit pas d’arme de poing.

[212] L’inspecteur Browning a témoigné que la présence d’un agent est considérée comme un niveau d’intervention qui dépend de l’aptitude du sujet à reconnaître l’agent à son uniforme, à son véhicule ou à un autre signe. La présence de l’agent peut provoquer une désescalade ou une escalade de la situation en quelques secondes. Dans certains cas, la situation peut changer instantanément d’un comportement coopératif à un danger mortel, et il n’y a guère d’indices qui puissent en avertir l’agent à l’avance. C’est par exemple le cas de l’agent de police qui s’arrête en voyant un conducteur changer un pneu crevé de son véhicule; ignorant que le conducteur a des antécédents de violence ou qu’il fuit les lieux d’un crime, l’agent considère au départ qu’il s’agit d’une situation à faible risque.

[213] L’inspecteur Browning a déclaré que le repositionnement tactique englobe tous les mouvements qui donnent un avantage à l’agent ou qui accroissent sa sécurité. Le repositionnement tactique peut notamment assurer une amélioration des communications ou de la position, créer un délai de réaction ou consister à quitter les lieux. Toutefois, certaines situations peuvent devenir violentes soudainement; il n’y a alors pas grand-chose que l’agent puisse faire pour se repositionner, y compris quitter les lieux. En ce qui concerne le délai de réaction, plus l’agent a de temps et de distance devant lui, plus il est capable de faire des plans, de se préparer et de réagir aux signes de menace, qui peuvent comprendre la façon dont la personne est vêtue, des indices non verbaux comme un poing serré ou un regard fuyant et l’impression que la personne jauge l’agent.

[21] L’inspecteur Browning a également convenu qu’à l’inverse, le sujet peut lui aussi évaluer la situation afin de décider comment réagir à l’agent de police, cette évaluation pouvant prendre en compte le nombre d’agents sur les lieux, la présence de renforts, l’emplacement où se trouve l’agent et sa capacité de se repositionner. Comme la plupart des voies de fait sur des agents se produisent à une distance de 1 m 30 à 1 m 60 (quatre à cinq pieds), il était donc raisonnable de conclure qu’ils se produisent au moment de l’échange de renseignements entre la personne et l’agent ou au cours d’une arrestation.

[215] L’inspecteur Browning a confirmé qu’un agent prend en moyenne 1,5 seconde pour dégainer une arme de poing, viser correctement la cible et tirer deux coups. Cela signifie que les options mettant en jeu la force meurtrière commencent à disparaître lorsqu’un sujet muni d’une arme tranchante s’approche de l’agent. L’inspecteur a précisé que les agents n’ont pas pour consigne de ne dégainer leur arme de poing que s’ils ont l’intention de s’en servir; ils peuvent donc la dégainer après avoir évalué la situation. Le fait de dégainer une arme de poing, en tant qu’option d’accès, est fonction du temps de réaction et de la distance; face à une menace de mort ou de lésions corporelles graves, les agents sont autorisés à dégainer.

[216] L’inspecteur Browning a convenu que même si les agents se trouvent rarement dans une situation où le recours à la force meurtrière est approprié, il est essentiel pour la sécurité du public et des agents qu’ils soient formés à réagir et équipés pour le faire.

[217] Citant l’étude réalisée en 1998 par Darrell Kean and Associates Consulting Ltd., spécialistes en formation et en recherche sur la justice pénale, sous le titre British Columbia Auxiliary/Reserve Constable Review, étude incluse à son rapport d’expert, l’inspecteur Browning a confirmé qu’il ne connaissait pas bien la recommandation faite par le Justice Institute of British Columbia à la British Columbia Transit Authority, à savoir d’équiper son personnel de sécurité d’armes de poing.

[218] D’après cette étude, il n’y a guère eu de recherches empiriques sur les risques et les torts subis par les policiers canadiens. L’inspecteur Browning s’est dit d’accord avec l’observation formulée par les auteurs, à savoir qu’il ne faut pas ignorer tout simplement les vastes recherches menées aux États-Unis, car les tendances manifestes sont semblables au Canada. Ce qui diffère au Canada, c’est la fréquence des risques.

[219] Cette étude donne la liste des causes et événements où 37 agents de police canadiens ont été tués par une arme à feu entre 1984 et 2004. Ce nombre comprend huit agents tués lors de l’interception d’un véhicule, dont deux cyclistes; quatre cas où l’agent ne faisait rien de particulier; quatre cas où il n’y avait aucune information sur les meurtres; trois cas qui se sont produits lors d’une introduction par effraction; un cas qui s’est produit au cours d’un vol qualifié; enfin, deux cas relatifs à des infractions en matière de drogue.

[220] L’inspecteur Browning a convenu que les agents sont sensibilisés par une formation à base de scénarios au fait qu’une situation qui semble anodine ou inconnue comporte un potentiel de violence au point qu’un agent pourrait être mortellement blessé. Par exemple, les agents courent le risque de se faire tuer lorsqu’ils répondent à une plainte pour agression sonore, qu’ils procèdent à une arrestation, qu’ils font enquête sur une personne suspecte ou qu’ils appliquent le code de la route.

[221] L’inspecteur Browning a également convenu que les cas de voies de fait avaient une corrélation avec les comportements suivants : l’ébriété ou l’intoxication; le chômage; le fait que l’agent et le contrevenant sont des hommes; le fait pour le suspect de frapper ou pousser l’agent; une plainte relative à une dispute; certains lieux géographiques; le fait qu’il est entre 22 h et 2 h.

[222] L’inspecteur Browning s’est dit d’accord avec la conclusion de l’étude de Donahue et Horvath citée dans l’étude de la B.C. Transit Authority, à savoir que les suspects tués par un agent avaient en général des antécédents criminels plus graves et plus nombreux que les suspects blessés par un agent. Dans bien des cas, l’agent ne connaissait pas les antécédents criminels de l’assaillant avant le début de l’échange de coups de feu.

[223] L’inspecteur Browning a reconnu qu’un grand nombre de circonstances nécessitant qu’un agent de police recoure à la force meurtrière échappent à la maîtrise de l’agent, qui doit donc être prêt à réagir lorsque survient une situation justifiant le recours à la force meurtrière. L’inspecteur a également convenu que ce sont l’activité et le suspect, plutôt que la personne de l’agent d’application de la loi, qui déterminent pour une grande part le dénouement d’une situation. Il a de plus convenu que le comportement humain est imprévisible.

[224] L’inspecteur Browning a commenté un rapport préparé par Donald J. Loree, des Services de police communautaires, contractuels et autochtones de la GRC, sous le titre Incidents violents, sur la question des renforts policiers. Il a admis que la disponibilité des renforts est souvent considérée comme un facteur critique et qu’elle fait partie intégrante de l’évaluation des risques par un agent. Il a accepté la conclusion de ce rapport, à savoir que les membres de la GRC cités dans l’étude ont appelé du renfort dans cinquante pour cent des cas, que dans trente pour cent des cas, l’agent a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’appeler du renfort et que dans treize pour cent des occurrences, l’agent n’a pas eu le temps d’appeler du renfort. Il a ajouté que parfois, l’agent n’appelle pas de renfort à cause d’une panne technique des communications radio ou parce qu’il travaille dans l’arrière-pays. D’après cette étude, dans douze pour cent des cas où un agent a appelé du renfort, celui-ci n’est pas arrivé à temps.

[225] Interrogé sur le niveau de stress qu’un agent pourrait subir s’il n’a pas d’arme de poing et qu’il sait que les renforts se trouvent à trente minutes de lui, l’inspecteur Browning a déclaré qu’il ne lui venait pas à l’esprit de cas où un agent n’avait pas d’arme de poing. Pressé d’examiner la nature hypothétique de cette question, il a répondu que si un agent n’a pas d’arme de poing, c’est qu’il n’est pas en service.

[226] L’inspecteur Browning a formulé les quelques observations supplémentaires qui suivent à propos des gendarmes auxiliaires de la GRC. Les gendarmes auxiliaires ne fournissent pas de renfort aux membres réguliers de la GRC et ne sont pas employés pour leur suppléer. Ils peuvent passer du temps avec un agent de la force régulière au cours d’une ronde de surveillance générale, mais leurs fonctions et la nature des appels auxquels ils répondent sont limitées. Par exemple, il leur est interdit de prendre part activement à une intervention en réponse à un appel à l’aide mettant en jeu un risque de blessure ou de violence, compte tenu du caractère imprévisible du comportement humain.

Témoins des intimés

Témoignage de Chris Butler

[227] Le sergent Chris Butler, sergent en charge de l’unité des compétences et procédures du service de police de Calgary, a témoigné à titre d’expert sur le recours à la force dans le contexte de l’application de la loi, y compris les modèles de recours à la force et leur application.

[228] La plupart des modèles d’intervention utilisés par les divers services de police du Canada sont pratiquement identiques pour ce qui est de leur application. Il y a des différences de terminologie quant aux descriptions du comportement du sujet et de la réaction de l’agent, mais, du point de vue de l’application tactique ou opérationnelle, les différences sont négligeables.

[229] Dans le modèle national de recours à la force (celui de la GRC) et dans celui de l’Alberta Association of Chiefs of Police (AACP), les facteurs d’impact sont essentiellement les mêmes que ceux qu’on enseigne relativement au modèle CAPRA. Dans le modèle de recours à la force de l’AACP, le cercle central se lit [traduction] « Situation, évaluation, planification, action ».

[230] Le processus d’évaluation d’incident utilisé par un agent met en jeu trois facteurs étroitement liés : la situation elle-même; les sujets observés ou leur comportement connu; la perception qu’a l’agent et ses considérations d’ordre tactique. À mesure que l’agent fait l’intégration de ces facteurs, il est en mesure d’entreprendre une réaction raisonnable faisant recours à la force et d’expliquer comment il a perçu et évalué la situation et comment il y a réagi.

[231] En ce qui a trait à la situation, l’agent doit évaluer un certain nombre de variables critiques pour gérer un incident. L’environnement est une de ces variables. Il englobe tout le contexte physique, notamment la disposition de l’emplacement, la disponibilité d’espaces où se couvrir et se dissimuler, les conditions météorologiques et l’heure du jour ou de la nuit.

[232] Le nombre de sujets est une autre variable critique. Une étude des incidents où des agents ont été assaillis et tués indique une hausse constante du nombre d’attaques par plusieurs assaillants. D’après le sergent Butler, beaucoup de gens croient à tort que plus il y a d’agents, moins il y a de risques. C’est tout le contraire. Les recherches indiquent clairement qu’il n’y a aucune corrélation directe entre le nombre d’agents et le risque de lésions corporelles. La recherche susmentionnée réalisée en 2004 par la Criminal Science Behavior Unit du FBI a établi que sur les 57 agents victimes de meurtre concomitant d’un crime cette année-là, 15 étaient seuls, 35 étaient accompagnés ou aidés d’autres agents et 7 étaient hors service. Le sergent Butler a soutenu que les tendances et statistiques étasuniennes en matière d’application de la loi sont applicables au Canada. La seule différence se trouve dans le nombre d’incidents ou leur fréquence.

[233] Le sergent Butler a commenté la disposition de la Directive 2.1.9 qui stipule que certaines activités d’application de la loi nécessitent plus d’un agent de la paix. Il s’est dit d’avis que cette mesure d’atténuation des risques n’est pas fondée sur la recherche. Au cours de leur formation sur le recours à la force, les agents sont mis en garde contre la croyance voulant qu’un contrevenant soit moins susceptible d’attaquer quand ils ont visiblement du renfort. En lien avec cet aspect, le sergent Butler a cité un incident survenu en 2005 où quatre agents de la GRC des détachements de Mayerthorpe et Whitycourt, en Alberta, ont été assassinés à Rochfort Bridge par James Rosko, alors qu’ils surveillaient sa culture hydroponique de marijuana en milieu rural. Le propriétaire est revenu, a tendu une embuscade aux agents et les a tués tous les quatre. Cela confirme le fait que, bien que la Directive 2.1.9 tente légitimement d’atténuer les risques en exigeant la présence de deux agents de la paix dans certaines situations, la présence de deux agents de la paix n’atténue pas le risque associé au fait qu’ils ne sont pas munis d’une arme de poing.

[234] Les capacités perçues des sujets constituent un autre facteur d’impact associé à l’évaluation faite par l’agent. Ce facteur influe sur le degré de force qu’un agent pourra essayer d’employer pour maîtriser un individu. Par exemple, en général, un sujet sous l’influence de l’alcool ou de la drogue ne réagit pas très bien aux techniques de contrainte par la douleur de niveau inférieur présentées dans le modèle de recours à la force; dans ce cas, l’agent devra peut-être renoncer à les employer. En outre, la carrure physique de l’individu, par comparaison avec celle de l’agent, peut inciter ce dernier à opter pour une réponse comportant un niveau supérieur de force.

[235] La connaissance qu’a l’agent du sujet est la clé de l’évaluation. La connaissance préalable d’un sujet peut influer sur l’évaluation des risques. L’agent peut obtenir de l’information par des contacts ou connaissances antérieurs ou par les fichiers informatiques de la police, y compris le CIPC. Toutefois, dans la majorité des cas, l’agent ne possède aucun renseignement sur l’individu impliqué dans un incident.

[236] Le temps et la distance sont au cœur de l’évaluation des risques par l’agent. S’il dispose d’un délai suffisant pour mener une évaluation complète des risques, l’agent aura une vision élargie de l’éventail d’options disponibles. Dans le MIGI, on appelle repositionnement tactique cette capacité que peut avoir l’agent de profiter du temps et de la distance pour retarder son intervention. Toutefois, il existe trois raisons susceptibles d’empêcher le repositionnement tactique de fonctionner; l’agent peut alors se voir obligé de recourir à la force pour maîtriser le sujet ou régler le problème. Premièrement, l’environnement physique, ce qui comprend les obstacles physiques ou la présence d’autres sujets, peut empêcher l’agent de se repositionner. Deuxièmement, l’agent peut se voir obligé par la loi de recourir immédiatement à la force si une autre personne court un risque imminent. Troisièmement, l’agent peut se voir dans l’impossibilité d’effectuer un repositionnement tactique parce qu’il est assailli par le sujet. La croyance erronée que peut avoir l’agent que le repositionnement tactique est toujours un choix possible a pour conséquences directes une attitude de suffisance et une confiance excessive, deux des principales raisons pour lesquelles des agents se font assaillir, blesser et tuer.

[237] Le sergent Butler a expliqué que le sujet ne donne pas nécessairement d’indices d’une attaque imminente et que l’assaut sur l’agent peut survenir sans provocation apparente. Dans ces circonstances, c’est un fait reconnu que l’agent n’a pas le temps de se retirer et qu’il est obligé d’agir immédiatement afin d’éliminer le danger qui menace sa personne. En outre, le modèle national de recours à la force reconnaît que le choix d’effectuer un repositionnement tactique peut être compromis par le manque de temps et de distance ou la nature de la situation.

[238] Un élément central du modèle « Situation, évaluation, planification, action » de l’AACP ou du modèle CAPRA – « Clients, acquisition et analyse d’information, partenariats, réponse et auto-évaluation » est le comportement observé du sujet. Tous les modèles de recours à la force analysés distinguent cinq catégories différentes de comportement du sujet en relation avec les facteurs situationnels : la coopération; la résistance passive; la résistance active; l’assaut ou le comportement combatif; la mort ou les lésions corporelles graves.

[239] La perception et les considérations d’ordre tactique sont deux facteurs distincts mais interdépendants qui ont une incidence sur l’évaluation globale que fait l’agent des facteurs situationnels. La perception renvoie à la façon dont l’agent envisage la situation; elle est en partie fonction des caractéristiques culturelles, physiques, psychologiques et mentales propres à l’agent. Un grand nombre de facteurs influent sur l’évaluation tactique que fait l’agent d’une situation : l’uniforme et l’équipement, le nombre d’agents ou la disponibilité d’un renfort, la possibilité de s’abriter, les politiques et directives de l’agence, ainsi que les considérations pratiques relatives à la rétention, à la distance et aux communications.

[240] D’après le sergent Butler, ce sont la situation, le comportement du sujet ainsi que la perception qu’a l’agent et ses considérations d’ordre tactique qui déterminent quels choix de recours à la force s’offrent à l’agent. Le modèle national présente cinq options, le MIGI en propose cinq lui aussi. Les options de recours à la force s’étendent de la simple présence de l’agent à la force meurtrière. Contrairement aux catégories de comportement du sujet, il y a beaucoup de chevauchements entre les choix d’intervention possibles. Par exemple, les communications et l’intervention verbale chevauchent toutes les options de recours à la force, ce qui indique que l’agent peut utiliser simultanément plus d’une forme de recours à la force pour maîtriser l’incident en utilisant le minimum de force nécessaire dans les circonstances. La nature dynamique d’une situation exige de l’agent une évaluation continuelle pour pouvoir décider si une escalade ou une désescalade s’impose et, si la chose est possible et appropriée, pour effectuer un repositionnement tactique.

[241] Le sergent Butler a formulé les observations suivantes sur le principe dit « un cran plus haut ». Appelé one-up principle ou plus‑one principle en anglais, il signifie qu’un agent doit choisir un niveau de force qui soit un cran plus haut que le niveau de résistance du sujet. L’objectif visé est de permettre à l’agent d’assurer la maîtrise physique immédiate du sujet, dans le délai le plus court possible, par le recours à un niveau raisonnable de force. On estime que plus une confrontation se poursuit, plus le risque de blessure s’accroît, tant pour le sujet que pour l’agent.

[242] À propos des armes improvisées, le Code criminel autorise le recours à la force meurtrière s’il y a un danger de mort ou de lésions corporelles graves. Dans de telles circonstances, les agents peuvent se servir de tout ce qui se trouve à leur disposition. En réalité toutefois, à moins que l’agent soit formé à utiliser tous ces outils différents, il est très peu probable que, dans une situation aussi stressante, l’agent soit en mesure d’utiliser quoi que ce soit. Le sergent Butler a expliqué que dans une confrontation où la force meurtrière entre en jeu, le système nerveux sympathique prend le pas sur le système parasympathique normal et libère toutes sortes d’hormones dans l’organisme. Un des processus liés à cette libération est le glissement de la pensée cognitive à la pensée subconsciente, dite du mésencéphale. En conséquence, bien que la personne puisse fonctionner malgré une vive douleur, il est très peu probable qu’elle soit en mesure d’employer efficacement une option de recours à la force, à moins d’avoir reçu une formation approfondie à base de scénarios sur cette option.

[243] La simple présence, sur les lieux d’un incident, d’un agent en uniforme ou d’un véhicule d’application de la loi identifié peut exercer une influence négative ou positive sur le comportement du sujet ou sur la situation. La majorité des individus réagissent positivement à la présence d’un agent, et cette simple présence suffit parfois. Cependant, dans certains cas, le sujet a une réaction négative et la présence de l’agent est le catalyseur qui cause une escalade soudaine de la situation. Les statistiques confirment que les agents se font assaillir ou tuer avant d’avoir eu la possibilité d’amorcer une intervention verbale. Le sergent Butler a déclaré qu’à Calgary, par exemple, des ambulanciers avaient été assaillis parce que leur uniforme ressemblait à celui des agents d’application de la loi et qu’on les avait pris à tort pour des agents d’application de la loi.

[244] En ce qui concerne l’application de la force meurtrière, le sergent Butler a confirmé que les options de recours à la force meurtrière englobent toute utilisation d’une arme ou d’une technique à mains nues destinée, visant ou apte à causer la mort ou des lésions corporelles graves. Les agences d’application de la loi reconnaissent que les agents doivent être équipés d’armes qui leur permettront d’atténuer rapidement les risques s’ils font face à une situation présentant un risque de mort ou de lésions corporelles graves. La décision quant à ce qui constitue un équipement adéquat vise l’équilibre entre la probabilité statistique que l’agent aura besoin de l’arme en question et les conséquences auxquelles il s’expose s’il n’a pas cette arme en sa possession quand il en aura besoin. Une probabilité statistiquement faible d’assaut mortel contre l’agent n’a pratiquement aucune pertinence s’il s’agit d’un risque de mort ou de lésions corporelles graves. À cet égard, le sergent Butler a souligné que d’après une étude menée par le ministère de la Justice des États-Unis, moins de vingt pour cent des arrestations mettent en jeu le moindre recours à la force. Dans 2,1 pour 100 des cas, les agents emploient une arme telle qu’une matraque ou un irritant chimique et ce n’est que dans 0,2 pour 100 des cas d’arrestation que les agents utilisent leur arme à feu.

[245] D’après le sergent Butler, aucun modèle de recours à la force ne dicte les tactiques, la formation ou l’équipement à fournir par un service à ses agents. Chaque service doit se fier à l’expérience des experts en la matière pour déterminer quelles techniques de maîtrise enseigner et comment les utiliser. Le modèle de recours à la force offre des orientations sur les cas où ces techniques devraient servir.

[246] Le projet de loi C-45, qui a reçu la sanction royale le 7 novembre 2003, donne aux gestionnaires des directives qui les aident à déterminer la formation et l’équipement à fournir aux agents. Le projet de loi C-45 modifie le Code criminel de manière à tenir les sociétés et les organismes publics criminellement responsables des omissions ou actes commis qui causent un préjudice corporel à leurs employés. En ce qui a trait à la sécurité des employés, l’ajout du paragraphe 217.1 au Code criminel stipule qu’il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.

[247] Le sergent Butler s’est dit d’avis que cet article clarifie l’existence d’une obligation légale et facilite la constatation de la négligence criminelle. Il a ajouté que l’arme à feu est la norme de l’industrie en fait d’équipement fourni aux agents d’application de la loi pour se protéger et protéger les membres du public d’une agression mortelle. Il a signalé que l’ASS Grundie avait clairement articulé cet aspect dans son rapport sur la santé et la sécurité au travail.

[248] Le sergent Butler a cité les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, adoptés par le Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, qui s’est tenu à La Havane (Cuba) le 7 septembre 1980, et dont le Canada est signataire. Ce document énonce 26 principes directeurs à l’intention des services d’application de la loi concernant divers aspects des armes à feu, soit la distribution, le déploiement, la formation et le signalement. Il en a cité ce qui suit :

Attendu qu’il convient […] de tenir compte, sous réserve des exigences de leur sécurité personnelle, du rôle des responsables de l’application des lois dans l’exercice de la justice, de la protection du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes, de la responsabilité qui incombe à ces responsables de maintenir la sécurité publique et la paix sociale et de l’importance de leurs qualifications, de leur formation et de leur conduite […] Les pouvoirs publics et les autorités de police adopteront et appliqueront des réglementations sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu contre les personnes par les responsables de l’application des lois. En élaborant ces réglementations, les gouvernements et les services de répression garderont constamment à l’examen les questions d’éthique liées au recours à la force et à l’utilisation des armes à feu.

[249] Le sergent Butler a ajouté que dans neuf provinces sur dix, on distribue des armes à feu aux agents de conservation provinciaux. Il est pertinent de noter que le recours aux armes à feu par les agents d’application de la loi est considéré nécessaire par les Nations Unies.

[250] Après avoir examiné les écrits sur l’effet des armes cités par M. Stenning dans son rapport d’expert et son témoignage, le sergent Butler a déclaré qu’il n’existait pas suffisamment de recherches sérieuses pour confirmer la validité de cet effet. Au contraire, la recherche sur les services de police opérationnels tend à indiquer que rien ne vient étayer la théorie de l’effet des armes.

[251] Au sujet de la nature dynamique et spontanée de l’agression humaine interpersonnelle et de son effet sur la capacité de l’agent à se retirer ou à effectuer un repositionnement tactique, le sergent Butler a soutenu qu’il faut examiner le repositionnement tactique en relation avec le principe du recours à la force voulant que l’intervention la plus réussie de la police soit celle qui cause le moins de préjudice. Le repositionnement tactique nécessite que l’agent dispose du temps nécessaire pour percevoir tout ce qui se passe et pour envisager d’autres considérations d’ordre tactique.

[252] Dans le monde réel du milieu des services de police, la confrontation avec une force violente ou mortelle semble souvent arriver aux agents de nulle part, sans avertissement ni indication que quelque chose cloche. Dans bien des situations, le contrevenant est à portée de bras des agents et, avant d’attaquer, il a déjà évalué mentalement le comportement des agents et leur aptitude physique à se défendre. Le sergent Butler a signalé que la GRC, dans son manuel intitulé Public and Police Officer Safety Course Handbook (Division K, 1999), indique que [traduction] « l’agent complaisant ou mal préparé est un danger non seulement pour lui-même, mais aussi pour les autres agents et le public en général […] Les agents doivent être conscients du fait qu’une confrontation constituant un danger de mort peut survenir à tout moment et sans avertissement. »

[253] Le sergent Butler a cité la recherche menée en 1995 par Donald Loree, de la GRC, sur certains incidents violents survenus contre des membres de la GRC au cours de la même année. Les constats de cette recherche ont été compilés dans un rapport technique déposé au Centre canadien de recherches policières en avril 1995. Le sergent Butler a soutenu que cette recherche met en lumière le fait qu’une forte proportion des incidents de violence contre des agents d’application de la loi surviennent spontanément et, semble-t-il, sans avertissement, ce qui rend impossible tout repositionnement tactique.

[254] D’après le sergent Butler, la collectivité policière considère l’arme de poing fournie par le service de police comme la norme en matière de protection personnelle rapprochée. En général, le public et les agents d’application de la loi considèrent l’arme de poing comme un outil de défense nécessaire à la sécurité du public et de l’agent. L’arme de poing se porte généralement dans un étui fixé au ceinturon de service de l’agent, où elle est prête à servir si les circonstances l’exigent.

[255] Le sergent Butler a affirmé que, sur le plan tactique, l’arme de poing est supérieure à un fusil de chasse ou à une carabine en combat rapproché. Cela s’explique du fait que, dans une telle situation, l’agent se sert d’au moins une main libre pour tenter de maîtriser l’attaque mortelle du contrevenant. Comme le pistolet est conçu pour être dégainé et actionné d’une seule main, il fonctionne bien en combat rapproché. Quant à l’arme d’épaule, elle est conçue pour viser et tirer des deux mains, ce qui désavantage l’agent sur le plan tactique dans un combat rapproché. De plus, le déploiement de l’arme d’épaule nécessite une distance non négligeable entre l’agent et le contrevenant; or, les statistiques et les études prouvent que les attaques spontanées se produisent à une distance rapprochée. À une telle distance, il est facile pour un contrevenant de contrer un agent qui tente de mettre en joue une arme d’épaule et de rendre inutile la possession de cette arme.

[256] Le sergent Butler a écrit que la plupart des formateurs en recours à la force apprennent aux agents à déployer une arme de poing lors d’une attaque mortelle rapprochée en relation avec les tactiques d’escalade et de désescalade, à dégainer, à rengainer, à résister aux tentatives du contrevenant de désarmer l’agent et à faire feu efficacement en tir extrêmement rapproché dans des positions variées. Ces tactiques ne sont généralement pas applicables à l’utilisation d’une arme d’épaule. Le sergent Butler a donné comme exemple le fait qu’une arme d’épaule rend extrêmement difficile la désescalade vers des options de recours à la force plus bénignes, parce que l’agent a les mains liées à l’arme d’épaule, ce qui complique l’action de la laisser tomber ou de la mettre en bandoulière si la situation l’exige.

[257] Sur la base de son expertise, le sergent Butler s’est dit d’accord avec l’énoncé tiré d’un rapport de recherche de Steve Hess, du Justice Institute de la Colombie-Britannique, à savoir que bon nombre d’activités des gardes de parc, si elles avaient lieu à l’extérieur d’un parc, seraient exécutées par un agent de police bien armé dont l’intervention serait appuyée par un ou deux agents en renfort. Il a précisé que la présence de plusieurs agents lors d’un incident ne se traduit pas en soi par une baisse des risques de blessure, ni pour le ou les individus ni pour les agents, bien que ce résultat soit également possible. Il a ajouté que des recherches démontrent que la présence de plusieurs agents d’application de la loi dans des situations où on a exercé une contrainte par la force n’a guère eu d’incidence sur le recours à la force ou sur les blessures qui en ont résulté pour l’individu ou pour le ou les agents d’application de la loi.

[258] Au sujet du gilet pare-balles de niveau II et des armes tranchantes, le sergent Butler a fait remarquer que ce gilet offre un niveau de protection important contre les taillades, mais pratiquement aucune protection contre les coups d’estoc. Le gilet pare-balles offre une protection contre la grande majorité des armes de poing, y compris celle de l’agent, contre les coups de fusil de chasse et contre les balles rayées, mais pas contre toutes les carabines de gros calibre.

[259] Au sujet de l’utilisation de la matraque, le sergent Butler a déclaré que les agents apprennent qu’elle a pour but de faire perdre pied et tomber la personne, ce qui met fin à son comportement d’agression. La matraque peut servir à porter des coups mortels à certaines parties du corps, mais les agents sont entraînés à considérer ces régions comme des cibles interdites. Les agents ne sont pas entraînés à se servir de leur matraque pour réagir à une menace de mort ou de lésions corporelles graves.

[260] Au sujet de l’utilisation du gaz poivré, le sergent Butler a déclaré qu’il ne s’agit pas d’un dispositif à déploiement rapide et qu’il sert à priver temporairement un individu de ses capacités, de manière à pouvoir ensuite se servir de la matraque pour l’amener au sol et le maîtriser. Le gaz poivré a une portée d’environ quatre à cinq mètres (12 à 15 pieds) dans des conditions ambiantes idéales. Encore une fois, les agents ne sont pas entraînés à s’en servir pour réagir à une menace de mort ou de lésions corporelles graves. De plus, on leur apprend à faire preuve de prudence quant au déploiement du gaz poivré sur des personnes sous l’influence de drogues, d’une part parce que ces personnes ne réagissent pas à la douleur et que le gaz poivré est un moyen de contrainte par la douleur, d’autre part parce qu’il pourrait accroître leur niveau d’agressivité. En outre, en combat rapproché, il serait difficile d’orienter le jet dans la bonne direction.

[261] Le sergent Butler a cité le MIGI de la GRC, qui indique que le gaz poivré peut servir de réponse au comportement d’un sujet qui manifeste de la résistance active jusqu’aux situations comportant un danger de mort ou de lésions corporelles graves. Les armes à impact telles que la matraque peuvent s’employer contre des sujets manifestant un comportement combatif jusqu’aux situations comportant un danger de mort ou de lésions corporelles graves.

[262] Le sergent Butler a précisé que la force meurtrière n’a rien à voir avec le fait de donner la mort. Elle sert à stopper le comportement du sujet. En fait, plus de 60 pour 100 des personnes atteintes d’un coup de feu d’un agent d’application de la loi n’en meurent pas. Ce n’est donc pas l’idée de donner la mort qui occupe l’esprit de l’agent d’application de la loi.

[263] Le sergent Butler a témoigné que l’évaluation des risques est un processus multifactoriel. Pour évaluer les risques, un service de police doit examiner ses propres expériences et, en fonction de leur pertinence, celles d’autres services ayant des activités similaires.

[264] Le sergent Butler a confirmé qu’il n’avait pas enquêté sur le mandat des agents de protection de la nature et des agents de protection de la faune de certaines provinces lorsqu’il a préparé son rapport d’expert. Cependant, il avait une connaissance directe du mandat des agents de protection de la nature du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Yukon. Le sergent Butler a donné l’exemple d’un agent de protection de la nature de la Saskatchewan participant à des activités de protection des ressources, ce qui constitue le mandat principal de ces agents. Si l’agent de protection de la nature, dans l’exercice de son travail de protection des ressources, rencontrait un conducteur en état d’ébriété, l’agent, à titre d’agent de la paix dont le mandat comprend le maintien de l’ordre public, serait tenu par le Code criminel d’arrêter, de retenir et de maîtriser l’individu. À la première occasion raisonnable, l’agent transférerait l’individu à un membre de la GRC.

[265] Le sergent Butler s’est dit d’avis qu’il est probable que, dans les parcs nationaux, les gardes de parc rencontreront des individus à haut risque qui présentent un danger potentiel et qui pourraient être sous l’influence de la drogue ou de l’alcool. Il ne voyait pas en quoi le risque associé à une intervention dans un cas d’agression sonore ou de dispute familiale et dans d’autres situations diffère du risque associé à une intervention semblable dans une ville. Plus précisément, le sergent Butler croyait que les situations suivantes, dont Hess traite dans son rapport, seraient considérées comme des cas à haut risque : l’intervention dans un parc lors d’incidents d’agression sonore où la consommation d’alcool et de drogue entre en jeu; l’arrestation de personnes pour des infractions à la LPNC; le traitement de personnes en état d’arrestation pour des infractions à la LPNC; l’enquête sur des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction à la LPNC; l’interception d’un véhicule conduit par une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction à la LPNC.

[266] Enfin, le sergent Butler s’est dit d’avis que le fait que la LPNC prévoit des peines maximales d’un million de dollars d’amende et de cinq ans de prison est un important incitatif à résister à une arrestation.

Témoignage d’Edward Davis

[267] Edward Davis, de la Training Division, Criminal Behavioral Science Unit, FBI, a témoigné à titre d’expert en application de la loi, en recours à la force pour l’application de la loi, y compris l’emploi d’armes à feu par le personnel chargé de l’application de la loi, et sur la question de la violence contre le personnel chargé de l’application de la loi et de la sécurité des agents. Il a abordé les sujets suivants : les risques inconnus associés à l’interception des véhicules; le caractère imprévisible du comportement humain et son incidence sur le personnel chargé de l’application de la loi; les risques de recevoir un coup de feu de sa propre arme; les mérites relatifs de l’arme de poing et de l’arme d’épaule; la violence envers le personnel chargé de l’application de la loi. Il a présenté une mise en garde concernant les études citées dans son rapport, affirmant qu’elles avaient une portée limitée par le fait qu’elles ne seraient peut-être pas reproductibles dans tous les contextes d’application de la loi et que leurs conclusions n’étaient présentées qu’à titre informatif.

[268] À l’examen de la Directive 2.1.9, Edward Davis a constaté qu’elle établit que les gardes de parc ont des fonctions d’application de la loi. En vertu de la clause 6.2, les gardes de parc ont la responsabilité première d’appliquer les lois concernant la protection et la gestion des ressources naturelles et culturelles dans les parcs. Dans ce contexte, leurs activités comprennent des accusations, des arrestations, des saisies et des poursuites judiciaires.

[269] Edward Davis a de plus signalé qu’aux termes de la clause 6.1.3, les gardes de parc ont le devoir de préserver et maintenir l’ordre public dans les parcs nationaux conformément aux politiques établies. Son uniforme, l’équipement qu’il porte à son ceinturon de fonction et les véhicules et embarcations d’application de la loi qu’il utilise donnent au garde de parc toute l’apparence d’un agent d’application de la loi. Edward Davis a indiqué qu’une personne raisonnable qui serait témoin ou victime d’un acte criminel et qui apercevrait un véhicule d’application de la loi identifié, conduit par une personne portant un uniforme distinctif tenterait, selon toute vraisemblance, d’attirer l’attention du conducteur pour qu’il signale l’acte criminel.

[270] Sur la base de son expertise, Edward Davis s’est dit d’avis que, si le garde de parc s’arrêtait pour aider cette personne, il pourrait devenir impliqué dans une situation susceptible de le mettre en danger de mort ou de lésions corporelles avant qu’un agent de police puisse intervenir. Il a ajouté que ce n’est peut-être pas un choix efficace ou efficient que d’attendre que la police intervienne.

[271] À ce sujet, Edward Davis a cité sa recherche publiée sous le titre Killed in the Line of Fire,d’après laquelle plus un agent attend pour maîtriser la situation, plus la possibilité augmente que le contrevenant ait la perception que l’agent est mal préparé ou indécis et passe à l’attaque. Cette étude révèle également que 62 pour 100 des contrevenants ont déclaré avoir été sous l’influence de la drogue, de l’alcool ou les deux au moment d’assaillir un agent.

[272] aider les agents d’application de la loi devrait tenir compte de trois facteurs interdépendants : l’agent, le contrevenant et la situation qui les a réunis. Il a critiqué le fait que la Directive 2.1.9 ne propose aucune mesure d’atténuation relative au contrevenant et qu’elle ne traite pas d’un élément standard de l’équipement fourni aux agents d’application de la loi : l’arme de poing.

[273] Edward Davis a déclaré que les conclusions de ses deux études publiées, Killed in the Line of Fire et Killed in the Line of Duty, démontrent que la volonté et la capacité qu’a l’agent d’utiliser la force meurtrière lors d’une attaque criminelle constituent son principal facteur de survie. Il a affirmé que, sans arme de poing, les gardes de parc seraient incapables d’utiliser la force meurtrière pour accroître leurs chances de survivre à une attaque criminelle.

[274] Au sujet des risques inconnus associés à l’interception des véhicules, Edward Davis a indiqué que dans la plupart des cas, le contrevenant appréhendé pour une infraction mineure lors de l’interception de son véhicule avait commis d’autres actes criminels avant d’être appréhendé. Le contrevenant a porté une attention très soutenue au comportement de l’agent avant de le tuer; il croyait que la victime était mal préparée et indécise au moment où il l’a assaillie.

[275] Sur le deuxième sujet, le caractère imprévisible du comportement humain et son incidence sur le personnel chargé de l’application de la loi, Edward Davis a cité des statistiques tirées d’une publication intitulée Crime in the United States, de même que son étude à paraître sous le titre Felonious Assaults on America’s Law Enforcement Officers. Il a déclaré qu’il n’existe pas de profil unique du contrevenant qui tue ou agresse un agent d’application de la loi. Toutefois, la plupart des meurtriers avaient déjà fait l’objet un diagnostic indiquant un trouble quelconque de la personnalité, les meurtriers comme les agresseurs avaient fait une consommation abusive de drogue ou d’alcool et certains ont tenté de se donner la mort. Edward Davis a convenu qu’on ne peut pas régler le problème des agressions spontanées rien qu’en distribuant des armes de poing à tous les agents. Toutefois, l’arme de poing pourrait accroître les chances de l’agent de survivre à une agression spontanée.

[276] Au sujet du risque relatif d’être atteint par sa propre arme, Edward Davis a déclaré que les techniques d’anti-subtilisation de l’arme sont depuis longtemps une préoccupation majeure pour les agents d’application de la loi. Il a passé en revue les statistiques relatives aux cas survenus aux États-Unis où un agresseur a subtilisé une arme de poing ou d’épaule à un agent pour s’en servir contre celui-ci. Il en a conclu que les agents doivent être formés à protéger leurs armes et à s’en servir pour survivre aux situations présentant un danger de mort.

[277] Au sujet des mérites relatifs de l’arme de poing et de l’arme d’épaule, Edward Davis a cité des statistiques étasuniennes. Son étude Killed in the Line of Fire a confirmé que la distance moyenne à laquelle un contrevenant a tiré un coup de fusil sur un agent était de 53 mètres (174 pieds), tandis que la distance moyenne de l’agresseur faisant feu avec une arme de poing était de 4,3 mètres (14 pieds). À sa connaissance, aux États-Unis, aucun organisme d’application de la loi n’omet d’équiper ses agents d’armes de poing et aucun ne distribue à ses agents une arme d’épaule au lieu d’une arme de poing comme dispositif de protection et de défense destiné à employer la force meurtrière.

[278] En ce qui concerne le dernier sujet, soit la violence envers le personnel chargé de l’application de la loi, Edward Davis a passé en revue les statistiques sur les agressions survenues aux États-Unis contre les agents d’application de la loi fédéraux, ceux du National Park Service, ceux du Fish and Wildlife Service et les membres des services d’application de la loi locaux et d’État. Il en a conclu que dans le monde d’aujourd’hui, aucun endroit n’est libre de contrevenants et d’actes criminels.

[279] Edward Davis s’est dit d’accord avec la déclaration de l’inspecteur Browning, à savoir que le but visé par le modèle de recours à la force est d’aider les agents de la paix à prendre des décisions relativement au recours à la force et à l’emploi de celle-ci, et que l’évaluation des risques est la clé des problèmes de sécurité en matière d’application de la loi. Toutefois, il a soutenu que n’importe quel agent court un risque permanent quand il endosse un uniforme qui l’identifie comme un agent d’application de la loi et quand il entre dans un véhicule d’application de la loi identifié ou qu’il en sort. L’évaluation des risques et des menaces est une question complexe à laquelle les agents sont confrontés lorsqu’ils établissent le contact avec un individu qui, en apparence, est calme, amical et coopératif et qui soudain, sans hésitation, dégaine un couteau ou une arme de poing et attaque.

[280] Citant son ouvrage Killed in the Line of Fire, Edward Davis a rappelé que 64 pour 100 des agents victimes d’agression avaient déclaré ne pas s’être rendu compte qu’on était sur le point de les assaillir, tandis que 62 pour 100 des contrevenants considéraient que l’agent avait été surpris ou qu’il était mal préparé ou indécis.

[281] Edward Davis a également cité une publication annuelle intitulée Law Enforcement Officers Killed and Assaulted, qui emploie le terme « zone d’abattage » (killing zone) pour représenter la distance d’environ 3 mètres (10 pieds) ou moins à laquelle est survenue la grande majorité des meurtres d’agents aux États-Unis. Cette référence à la zone d’abattage vise à sensibiliser les agents au fait qu’ils doivent faire preuve d’un surcroît de prudence lorsqu’ils s’approchent.

[282] En ce qui concerne la disposition de la Directive 2.1.9 qui précise que les gardes de parc doivent observer, prendre des notes et rapporter l’incident quand ils perçoivent un danger, Edward Davis a déclaré que chaque incident représente une situation de mouvement et que les agents sont parfois incapables de comprendre la complexité de ce qui se passe sans s’approcher pour examiner et évaluer la situation. Une fois qu’un garde de parc s’est approché pour examiner et évaluer la situation, il est peut-être déraisonnable de s’attendre à ce qu’il batte en retraite, puis se rapproche de nouveau, ce qui rendrait sa situation périlleuse et dangereuse.

[283] D’après les recherches menées par Edward Davis, la grande majorité des agents victimes de meurtre ou d’agression étaient des personnes très travaillantes, et ce sont eux qui ont pris l’initiative de l’intervention en voyant un problème, avant qu’il ne leur soit signalé. Dans sa plus récente édition, Violence against Law Enforcement Officers, ilrecommande aux superviseurs des organismes d’application de la loi de vérifier constamment si les agents mettent bien en œuvre les mesures de sécurité dans l’exercice de leurs fonctions.

[284] Interrogé à savoir si des patrouilles à deux personnes donnent aux agents la capacité de développer leur travail en équipe et, partant, de travailler plus efficacement, Edward Davis a répondu que deux agents placés ensemble ne deviennent pas nécessairement une équipe de travail, à moins d’être formés en ce sens.

[285] Au sujet de l’accès aux renseignements et au renfort de la police, Edward Davis a déclaré qu’un agent devrait avoir accès à tous les renseignements de police disponibles si la situation le permet ou attendre le renfort, ou les deux. Toutefois, les études indiquent que les agents de police ont tendance à intervenir sur les lieux d’un incident s’ils entendent des cris et des hurlements avant l’arrivée du renfort, même s’il serait plus prudent d’attendre le renfort et d’éviter de s’exposer au danger.

Témoignage de Duane Martin

[286] Duane Martin, agent d’application de la loi principal à Parcs Canada, a commencé à travailler pour l’agence en 1966, à titre de garde de parc saisonnier au parc national Waterton, en Alberta. Il a ensuite été garde de parc adjoint à temps plein au poste des gardes de parc de Saskatchewan Crossing, à Banff en Alberta, pendant un an et demi. Après cinq ans dans le secteur privé, il est revenu à Parcs Canada, où il a travaillé comme garde au parc national Jasper pendant environ 2 ans. À l’époque, la fonction de gestion des ressources des gardes de parc consistait à aider les responsables du Service canadien de la faune qui menaient des études. L’application de la loi tendait à être une fonction saisonnière associée aux rondes de surveillance et à l’intervention en cas de plainte pour agression sonore et de problèmes avec des animaux sauvages (des ours) dans deux vastes terrains de camping à Jasper. Les gardes de parc des années 1970 n’étaient pas équipés d’un ceinturon de fonction, mais comme le nombre d’arrestations augmentait au fil des ans, on a commencé à leur distribuer de l’équipement de protection individuelle.

[287] En 1981, Duane Martin est devenu coordonnateur du Service national des gardes de parc à l’administration centrale, à Ottawa. Il y était responsable de l’élaboration des politiques d’application de la loi, des protocoles de dotation en personnel, de la formation et des exercices de classification. C’est lui qui a mis au point la politique d’application de la loi connue sous le nom de Bulletin 2.1.9. Ce bulletin faisait l’objet d’une réautorisation annuelle, mais le document n’a guère changé depuis sa première autorisation en 1987. Duane Martin est également le coauteur d’un protocole d’entente avec la GRC qui a été signé par des cadres supérieurs des deux organismes et était toujours en vigueur au moment de l’audience.

[288] En 1987, Duane Martin est passé au bureau régional de Calgary, où il est devenu spécialiste de l’application de la loi. Il s’agissait d’un nouveau poste créé dans la foulée du Plan vert du gouvernement fédéral, qui visait à améliorer l’environnement et prévoyait le financement de 50 à 60 nouveaux postes de gardes de parc afin de protéger l’environnement des parcs. Duane Martin a eu la responsabilité de fournir un soutien opérationnel aux gardes de parc et aux gestionnaires, ainsi que de prodiguer des conseils sur la politique (dont le Bulletin 2.1.9) et de l’interpréter, et d’aider les gardes de parc dans le cadre des grandes enquêtes relatives au braconnage et au trafic des animaux sauvages et des ressources du parc.

[289] En 1995, il est devenu spécialiste principal de l’application de la loi et d’autres spécialistes de l’application de la loi relevaient de lui. Pour l’essentiel, il conservait les mêmes fonctions, mais il avait également la responsabilité de conseiller le directeur général de la région de l’Ouest et du Nord sur l’application de la loi. Il était également bien au courant du rôle des gendarmes auxiliaires de la GRC, ayant fait partie de ce groupe pendant environ trois ans.

[290] À titre de spécialiste principal de l’application de la loi, Duane Martin représente Parcs Canada au sein de l’Équipe nationale de gestion de la formation sur les enquêtes spéciales depuis 1995. Cette équipe a notamment pour mandat la conception et la prestation d’une formation ciblée à l’intention des agents des gouvernements fédéral et provinciaux ayant des responsabilités en matière de braconnage et d’infractions au code de la route. Duane Martin a également été membre du Groupe de l’Alberta des Services canadiens du renseignement. Composé d’organismes fédéraux et provinciaux d’application de la loi, ce groupe se réunissait deux fois par année pour produire des bulletins sur des questions liées aux actes criminels et au renseignement. Duane Martin a ajouté qu’il avait reçu de ce groupe un avis concernant un programme de la GRC, appelé Opération Pipeline en Alberta, qui ciblait le transport de drogues et d’argent entre Calgary et Vancouver.

[291] Duane Martin a témoigné relativement à l’évolution du Bulletin 2.1.9 jusqu’à sa forme actuelle, la Directive 2.1.9. Le Bulletin 2.1.9 a été élaboré et mis en œuvre à l’intention des gestionnaires et des gardes de parc afin de préciser le rôle d’application de la loi des gardes de parc, et non pour modifier l’orientation des gardes de parc ou leurs activités d’application de la loi. En 1994, la pratique relative à la réautorisation du Bulletin 2.1.9 a été modifiée, et sa version de 1994 a été adoptée. Cette version était encore en vigueur en 2000, au moment où l’ASS Grundie a mené son enquête. Duane Martin a également confirmé que la formation sur le MIGI de la GRC avait débuté en 1994.

[292] Duane Martin a examiné la version de 1993 du Bulletin 2.1.9 et l’a comparée à la Directive 2.1.9. Le Bulletin prévoyait une base de données nationale normalisée, et on a mis au point une base de données appelée OTIS, sans toutefois la tenir à jour. Les gardes de parc ont élaboré et utilisé leur propre base de données à l’échelle de chaque parc. Appelée Mile+, elle est demeurée opérationnelle pendant plusieurs années. Comme la Directive 2.1.9, le Bulletin 2.1.9 considérait l’éducation et la sensibilisation du public comme un outil de prévention, sans toutefois prévoir de procédures officielles.

[293] L’article 3 du Bulletin 2.1.9 définissait et précisait les rôles respectifs des gardes de parc et des services de police compétents, ce qui a donné lieu à la production d’un document d’accompagnement, le protocole d’entente entre Parcs Canada et la GRC. En rapport avec ce protocole, Duane Martin a cité une note dans la section « Contexte du bulletin », où il est écrit qu’il y a des moments où les circonstances exigent que chaque organisme joue un rôle directeur dans le champ de responsabilité principal de l’autre.

[294] Duane Martin a également signalé la clause 3.3 du Bulletin 2.1.9, où il était écrit que Parcs Canada avait la responsabilité d’assurer une couverture policière adéquate dans les parcs, par des arrangements avec le service de police compétent et (ou) le procureur général de chaque gouvernement provincial.

[295] La clause 3.4.6 du bulletin autorisait les gardes de parc à appliquer d’autres lois fédérales ou provinciales ou à faire enquête dans le contexte de ces lois dans certaines circonstances, notamment lorsqu’une infraction signalée au Code criminel ou à une loi provinciale mettait en danger la vie humaine, la sécurité ou des biens matériels et que le service de police compétent n’était pas en mesure d’intervenir dans un délai raisonnable. Cela se produisait souvent, et cette disposition n’était qu’un simple reflet de la réalité. Le terme « délai raisonnable » n’était pas défini; il dépendait de l’urgence de la situation et de l’évaluation des risques menée par les gardes de parc.

[296] Par exemple, un agent de la GRC prendrait la direction de l’intervention dans le cas d’une infraction aux lois sur la protection des ressources s’il la détectait dans le cadre de ses activités. De même, un garde de parc patrouillant sur un sentier ou une route stopperait ou préviendrait une infraction au Code criminel ou à une loi provinciale, un vol ou une agression, par exemple, s’il la découvrait dans le cadre de son travail, puis il confierait l’affaire à la GRC.

[297] La coopération mutuelle avec les services de police locaux était habituelle et permanente au fil des ans. Les gardes de parc et les agents provinciaux et fédéraux d’application des lois sur la protection des ressources participaient fréquemment à des patrouilles mixtes le long des limites d’un parc afin de détecter les activités de braconnage, et sur les routes des parcs, les gardes de parc participaient à des opérations multilatérales de vérification des armes à feu, de la possession d’animaux sauvages et d’autres activités de contrebande.

[298] Duane Martin a déclaré que Robert Prosper était l’auteur principal de la nouvelle Directive 2.1.9, et que lui-même n’y avait pas participé et qu’on ne l’avait pas consulté à ce sujet. Toutefois, il s’en sert tous les jours pour donner des conseils, des consignes et de l’aide sur son interprétation aux gardes et aux gestionnaires des parcs. Il donne aussi des instructions sur cette directive dans le cadre des cours de formation des nouveaux gardes de parc et des cours de perfectionnement des gardes de parc actifs.

[299] Malgré les modifications apportées à la Directive 2.1.9, le travail des gardes de parc demeure essentiellement le même. Le public a toujours eu et continue d’avoir des attentes quant au rôle des gardes de parc. Les gardes de parc sont la présence en uniforme de première ligne dans les parcs nationaux; ils roulent dans des véhicules identifiés et portent un uniforme distinctif. Leurs postes sont identifiés à l’intention des personnes ayant besoin d’information ou d’assistance. Dans le modèle de recours à la force CAPRA de la GRC, la lettre C indique que Parcs Canada a pris position en faveur des « clients »; le mandat de l’agence et la formation de ses gardes de parc confirment que les attentes de la clientèle sont une caractéristique essentielle de l’application de la loi.

[300] Au sujet du renfort assuré par les divers services de police compétents, Duane Martin a soutenu que les gardes de parc sont généralement confiants que les services de police feront de leur mieux, bien qu’ils sachent que la police a des ressources limitées, ce qui rend le renfort incertain. Il en a toujours été ainsi. Duane Martin a présenté des photos de divers emplacements dans les parcs Banff, Jasper, Kootenay et Yoho, où les gardes de parc mènent en solo des rondes de surveillance portant sur la gestion des ressources et la sécurité publique. Il faut deux à trois jours pour atteindre ces endroits à dos de cheval et entre une heure et une heure et demie en hélicoptère, si les conditions météo sont bonnes. Les gardes ont parfois des problèmes techniques de signal radio, car le soir et la nuit, le froid peut causer une panne des piles du répéteur radioélectrique. Quant aux téléphones cellulaires, il arrive souvent qu’ils ne fonctionnent pas.

[301] Duane Martin a fait remarquer que le Bulletin 2.1.9 prévoyait la possibilité pour les gardes de parc de demander à disposer d’une arme de poing ou d’une arme d’épaule en guise d’outil d’aide à l’application de la loi. Il s’est souvenu qu’il y avait eu de huit à dix demandes d’armes de poing, mais qu’aucune n’avait été accueillie. Pour deux de ces demandes, Parcs Canada a autorisé l’utilisation d’une carabine comme mesure de protection. L’un de ces cas concernait un individu qui accostait des gardes de parc à la pointe du fusil depuis quatre à cinq ans; il leur volait leurs chevaux et leur radio et il avait déjà agressé un garde de parc.

[302] Duane Martin ne s’est rappelé qu’une seule occasion où un garde de parc avait été autorisé à se servir d’une arme de poing pour une période limitée. C’était dans le cadre d’une étude sur les ours à laquelle ce garde de parc travaillait avec des agents d’autres organismes de gestion des ressources qui, eux, étaient munis d’une arme de poing. Duane Martin a déclaré qu’il était courant que les biologistes et les personnes qui avaient affaire aux ours portent une arme de poing pour leur protection personnelle alors que les agents n’ont pas d’accès immédiat à une arme d’épaule. Il a ajouté que la plupart des organismes de protection des ressources au Canada distribuent des armes de poing à leurs agents pour leur protection personnelle. Pour le travail sur des animaux, les armes de poing sont souvent d’un plus gros calibre que celles qu’utilisent les services de police.

[303] Duane Martin a témoigné au sujet d’un document que Shawn Mackenzie, un garde de parc du parc national Riding Mountain, lui avait envoyé. D’après ce document anonyme et non daté, une base de données des contrevenants tenue à jour par les gardes du parc au cours des six à huit dernières années contenait les noms de 83 individus reconnus comme étant des contrevenants aux lois sur la protection des ressources qui étaient actifs aux limites du parc. Soixante-dix-neuf de ces personnes avaient un casier judiciaire; d’après le CIPC, 59 d’entre elles étaient considérées violentes, 11 constituaient un risque d’évasion et 14 avaient déjà agressé un agent de la paix. Duane Martin a confirmé que le document était antérieur à la nouvelle Directive 2.1.9 et qu’il n’établissait pas que ces individus avaient eu des activités dans le parc.

[304] Duane Martin a parlé d’un résumé qu’il avait préparé en 2004 au sujet d’un incident de braconnage au parc national Banff, où un mouflon avait été illégalement abattu et emporté à l’extérieur du parc. L’enquête s’est faite en partenariat avec des agents de protection de la nature de l’Alberta, l’Alberta Conservation Officers’ Special Investigation Unit et des membres de la Section des crimes graves de la GRC à Banff, Canmore et Kelowna. Les principaux suspects et deux de leurs associés avaient un casier judiciaire portant des remarques sur leur potentiel de violence, d’accès aux armes à feu et d’utilisation de celles-ci. Ce dossier n’était pas un cas unique pour ce qui est du crime et des contrevenants; il reflétait également le type de partenariats qui s’établissaient dans tous les parcs avant les modifications à la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9.

[305] Duane Martin a confirmé que la Directive 2.1.9 établit que le maintien de la paix publique relève du service de police approprié. Il a ajouté qu’il en a toujours été ainsi. De plus, il a soutenu que les gardes de parc ne procédaient plus à l’interception habituelle de véhicules pour des infractions au code de la route. Il ignorait toutefois si la police avait accru le nombre d’agents ou de patrouilles dans les parcs de l’Ouest afin de prendre en charge ces activités abandonnées par les gardes de parc en conformité avec la Directive 2.1.9. À son avis, dans le cas contraire, les risques pour les gardes de parc et les autres utilisateurs du réseau routier s’en trouveraient accrus.

[306] Duane Martin a témoigné que les gardes de parc de l’Ouest avaient exprimé des préoccupations en matière de santé et sécurité relativement au renfort de la GRC. Dans l’avant-pays, le renfort peut être non disponible ou retardé à cause des ressources limitées dont dispose la GRC et de leur nécessité d’intervenir en priorité là où leurs principales responsabilités d’application de la loi l’exigent. Cet état de choses influait sur le niveau de confiance des gardes de parc envers leur sécurité, en relation avec les mesures d’atténuation décrites à l’Annex A de la Directive 2.1.9. Dans l’arrière-pays, comme la GRC ne fait pas de rondes de surveillance régulières, les gardes de parc ont le sentiment que les membres de la GRC n’ont peut-être pas une formation et une expérience de l’arrière-pays suffisantes pour assurer un renfort efficace.

[307] Duane Martin a décrit le système du CIPC comme un système efficace et efficient permettant d’obtenir les renseignements nécessaires sur les contrevenants potentiels. Jasper, Banff et Calgary ont un accès direct au système, et le parc national Jasper exploite un système de répartition jour et nuit, tous les jours, en français et en anglais. Les gardes de parc n’ont pas directement accès au système; ils doivent communiquer avec un répartiteur du parc pour obtenir et communiquer des renseignements. Or, la répartition peut être retardée de cinq à vingt minutes. Certains parcs n’ont pas accès au système de répartition de Jasper. Par exemple, à Waterton, les gardes de parc doivent communiquer avec un centre de répartition de la GRC pour obtenir des renseignements du CIPC. Les zones mortes rendent parfois problématique la communication par téléphone cellulaire, et il peut y avoir des délais le temps que le centre de répartition de la GRC obtienne et transmettre les renseignements du CIPC. Duane Martin a dit ignorer s’il existait à Parcs Canada des normes quant au délai maximal d’intervention du CIPC.

[308] En ce qui concerne le Comité Victoria, Duane Martin a affirmé que ni lui ni le Comité n’avait reçu de Parcs Canada la moindre indication qu’il y avait des failles dans l’approche adoptée par le Comité ou dans sa recommandation que les gardes de parc chargés de l’application de la loi soient équipés d’une arme de poing. Il a indiqué que Gaby Fortin, directeur général de Parcs Canada pour l’Ouest et le Nord, était présent et qu’il avait passé un certain temps avec les membres du Comité. M. Fortin a examiné la troisième ébauche du rapport du Comité sans indiquer le moindre désaccord.

[309] Duane Martin a confirmé qu’à maintes occasions, des gens l’avaient pris pour un agent de police. Il s’est souvenu qu’un contrevenant lui avait dit, pour l’essentiel, qu’il aurait résisté à son arrestation s’il s’était rendu compte qu’il n’avait pas affaire à un agent de police. L’uniforme et le ceinturon de fonction qu’il portait pour ses activités d’application de la loi étaient semblables à ceux du sergent Butler. Sa chemise porte à l’épaule un écusson qui l’identifie comme un garde de Parcs Canada, tout comme ses couvre-chef d’été et d’hiver. Son anorak est de la même coupe que ceux de la GRC, mais d’une couleur différente.

[310] Duane Martin s’est dit d’avis que le port d’une arme de poing est essentiel pour employer la force meurtrière face à un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et que les gardes de parc ne peuvent pas compter trouver ou utiliser une arme improvisée pour assurer leur propre sécurité. Au cours de ses 33 années d’expérience, il a parlé avec beaucoup d’agents de conservation et de membres d’autres organismes armés d’une arme de poing, qui lui ont dit qu’ils ne ferait pas leur travail sans elle, même s’il se peut qu’ils n’aient jamais à s’en servir.

[311] Duane Martin a dit croire que la comparaison faite par l’ASS Grundie entre les gardes de parc et les services de police canadiens n’a rien d’étonnant, pour plusieurs raisons. Autrefois, selon la version de 1932 de la LPNC, les gardes de parc étaient nommés à titre d’agents de police afin de maintenir l’ordre public. Actuellement, le maintien de l’ordre public fait encore partie du mandat statutaire des gardes de parc. En outre, la GRC, à qui Parcs Canada a confié par contrat la formation en application de la loi des gardes de parc, a examiné le mandat des gardes de parc et leur apprend le droit pénal et l’application du Code criminel.

[312] Malgré cela, Duane Martin ne considérait pas les gardes de parc comme des agents de police, mais plutôt comme des agents autorisés à assurer le maintien de l’ordre public aux termes de la politique de l’agence. Il a convenu que la Directive 2.1.9 avait pour résultat que les gardes de parc n’étaient plus obligés d’intervenir lorsque survenait un problème de paix publique si l’intervention comportait un risque pour leur santé et leur sécurité. Il a également convenu que les gardes de parc devaient évaluer le risque avant toute intervention, mais il a soutenu que le niveau de risque peut grimper de façon brusque et rapide jusqu’à un niveau dangereux et ce, sans avertissement. En ce sens, donc, la politique n’a pas tout à fait atténué les risques associés à l’application de la loi.

[313] Duane Martin a reconnu l’existence de lacunes sur le plan des communications entre les gestionnaires de Parcs Canada et les gardes de parc relativement à la Directive 2.1.9 et les préoccupations des gardes de parc pour leur santé et leur sécurité. Il a confirmé que la Directive 2.1.9 n’autorise plus les gardes à intercepter un véhicule pour une infraction au code de la route, à intercepter des véhicules au hasard, ni à se livrer à des poursuites à haute vitesse où à des opérations d’infiltration. Néanmoins, il a soutenu que les préoccupations des gardes de parc portaient sur leur incertitude à savoir s’ils doivent appliquer la loi ou non. Il a convenu que ces résultats et la Directive 2.1.9 menaient à une réduction du nombre d’enquêtes d’application de la loi.

Témoignage d’Andres Hawkins

[314] Anders Hawkins, garde de parc à Lake Louise en Alberta, est à Parcs Canada depuis une quinzaine d’années. Il a travaillé aux parcs nationaux Gwaii Haanas, Banff, Yoho et Kootenay. En 2001 et 2002, il a servi d’agent de liaison avec les membres de la GRC responsables de l’application des lois sur la gestion des ressources dans les parcs nationaux au nom de Parcs Canada. En 2002 et 2003, il a participé à la préparation du plan d’application de la loi de Gwaii Haanas et au retour des gardes de parc aux activités d’application de la loi. Au parc national Banff, il a fait partie d’une patrouille d’application de la loi de deux personnes ayant pour mission de détecter les chasseurs le long des limites du parc pendant la saison de la chasse.

[315] Le garde de parc Hawkins venait de terminer une période de travail de deux ans dans l’arrière-pays, dans un secteur appelé le Cyclone District, un district alpin situé à environ deux jours de cheval de Lake Louise, un trajet de 40 à 60 minutes en hélicoptère quand les conditions météo sont favorables. Il avait été seul 98 pour 100 du temps et avait été prisonnier de la neige quatre fois, pendant environ trois jours, au cours du dernier été. Ses activités d’application de la loi consistaient à savoir qui visitait le parc, à examiner les permis de pêche et, le cas échéant, à vérifier les infractions aux lois sur la gestion des ressources. Pour ce qui est du renfort de la GRC, il a dit douter que bien des membres de la GRC aient assez d’expérience pour agir dans cet arrière-pays. Par conséquent, le renfort devrait inclure un autre garde de parc. Son travail dans l’arrière-pays durait normalement d’avril à novembre, après quoi il se joignait au groupe général des gardes de parc qui travaillaient dans l’avant-pays.

[316] Quand il travaillait dans l’avant-pays, le garde de parc Hawkins a vu des véhicules rouler à des vitesses dépassant de 20 à 70 km/h la limite de 90 km/h affichée sur la route à quatre voies qui relie Banff à Lake Louise. Si les gardes de parc n’interceptent plus de véhicules pour excès de vitesse, d’autres organismes tels que les services d’incendie et d’ambulance bénévoles font souvent appel à eux pour intervenir lors d’un accident de la route causé par la vitesse et ayant fait des blessés ou des morts, et même pour dégager et sécuriser une zone d’atterrissage pour un hélicoptère. La GRC leur demande aussi de se rendre sur les lieux d’un accident lorsque ses membres sont occupés sur les lieux d’un autre accident ou non disponibles pour d’autres raisons.

[317] Le garde de parc Hawkins a été formé par la GRC en 2000 pour donner de la formation en défense policière aux gardes de Parcs Canada. Cette formation reflète la formation sur le MIGI de la GRC, mais elle ne parle pas du recours à la force meurtrière dans les situations comportant un risque de lésions corporelles graves, parce que Parcs Canada ne distribue à ses gardes aucun outil particulier à cette fin. Anders Hawkins a cessé de participer à la formation fournie aux gardes de parc recrues et aux cours de perfectionnement offerts aux gardes de parc après que Parcs Canada eut mis en œuvre la Directive 2.1.9, en 2003. S’il a cessé cette activité, c’est parce qu’en toute conscience, il ne pouvait pas continuer en l’absence d’outils permettant aux gardes de faire face à des risques de lésions corporelles graves. Il craignait que lui-même et les autres gardes de parc courent des risques désastreux si une situation connaissait une escalade jusqu’au niveau des lésions corporelles graves. Ce risque jurait avec son sens personnel du professionnalisme et sa capacité de prendre en charge et de régler une situation.

[318] Le garde de parc Hawkins a témoigné au sujet du document intitulé High Risk Officer Safety Incidents, qu’il a remis à l’ASS Grundie. Ce document décrit une douzaine d’incidents dont il a été parti et qui illustrent comment il peut arriver qu’une situation apparemment anodine mette en cause des individus aux facultés affaiblies, menaçants et violents.

[319] Le garde de parc Hawkins a relaté deux incidents récents survenus après la mise en œuvre de la Directive 2.1.9. Le premier incident s’est produit quand lui et un autre garde de parc ont fermé la route Transcanadienne à cause d’une avalanche. Quand il a téléphoné pour obtenir des renseignements du CIPC sur un conducteur récalcitrant et menaçant à qui il tentait d’expliquer la raison de la fermeture de la route, il a dû attendre plus de 45 minutes pour obtenir du répartiteur de Banff la confirmation que l’individu faisait l’objet d’une mise en garde pour comportement violent. Le répartiteur l’a également informé qu’aucun renfort du détachement de la GRC n’était disponible de son côté de l’avalanche. Le garde de parc Hawkins a expliqué qu’il avait eu du mal à joindre le répartiteur de Banff parce que plusieurs relais radioélectriques de montagne étaient en panne depuis des jours.

[320] Lors du second incident, il a observé un membre de la GRC au bord de la route avec cinq individus qu’il avait interceptés. Le membre de la GRC a accepté son aide avec joie parce qu’il n’y avait pas d’autre agent disponible. Il a demandé au garde de parc Hawkins de le couvrir pendant qu’il fouillait les sacs qui se trouvaient dans la voiture des prévenus. L’agent a trouvé de la drogue et une matraque, qu’il est illégal de porter sur soi et de cacher. Il a procédé à l’arrestation du conducteur et des passagers, et le garde de parc Hawkins a aidé au transport des prévenus jusqu’à la prison.

[321] La principale inquiétude du garde de parc Hawkins en matière de santé et sécurité est que la Directive 2.1.9 n’indique pas comment les gardes de parc doivent traiter les situations marquées par une escalade jusqu’au risque de mort ou de lésions corporelles graves. Les gardes ne savent pas à quoi ils s’exposent avant le déclenchement de la situation, et il n’est alors pas toujours possible d’effectuer un repositionnement tactique. Cette incertitude s’ajoute au risque auxquels s’exposent les gardes de parc.

[322] Le garde de parc Hawkins a fait remarquer que les détachements de la GRC à Lake Louise, Golden et Invermere connaissaient généralement beaucoup de changements de personnel et qu’ils n’attendaient pas de nouveaux effectifs. Il ne se rappelait pas la dernière fois où il avait vu un membre de la GRC dans les parcs nationaux Yoho ou Kootenay. Qui plus est, il avait récemment appelé des membres de la GRC à venir à Kootenay et à Yoho concernant des infractions à l’ordre public sur la route, mais ceux-ci avaient été incapables d’intervenir.

[323] Le garde de parc Hawkins a témoigné que les radiotéléphones sont sujets à des pannes de batterie. Les téléphones cellulaires ne fonctionnent que dans le voisinage immédiat de Lake Louise, parce qu’il y a une antenne au sommet des pentes de ski, mais ils ne fonctionnent pas dans les parcs nationaux Kootenay et Yoho. Le téléphone par satellite du service mobile n’est fourni qu’aux gardes qui travaillent dans l’arrière-pays; c’est un excellent outil. Parfois, il faut s’élever bien au-dessus de la vallée pour s’en servir; Anders Hawkins s’est donc déjà trouvé en zone morte. De plus, les piles ont une autonomie moyenne d’environ 20 minutes, ce qui permet à l’utilisateur d’avoir deux bonnes conversations en neuf jours pour chaque ensemble de piles qu’il transporte.

[324] Il est déjà arrivé au garde de parc Hawkins qu’on le prenne pour un agent d’application de la loi, mais cela n’arrive pas souvent. On l’a déjà pris aussi pour un agent de Pêches et Océans Canada, un agent de conservation provincial ou un agent de protection de la nature; ces agents sont tous munis d’une arme de poing.

[325] Le garde de parc Hawkins a informé son gestionnaire des problèmes relatifs aux délais de répartition du CIPC et ces problèmes ont été traités cas par cas; en effet, comme on manque toujours d’argent à consacrer aux gardes de parc et à la direction, on traite les problèmes de façon réactive plutôt que de chercher une solution à long terme.

Témoignage de Jurgen Deagle

[326] Le garde de parc Deagle a travaillé comme garde de parc saisonnier de 1990 à 1992. Il a obtenu un diplôme en études sur les recours environnementaux de l’Université de Waterloo en 1993. C’est en 1995 qu’il est entré au Service des gardes de Parcs Canada à Jasper en Alberta, à titre de garde de parc à temps plein. Bien qu’il soit employé en tant que spécialiste en environnement, il a encore des tâches opérationnelles, dont des opérations d’application de la loi et de la sécurité publique dans l’avant-pays et l’arrière-pays. Il a travaillé dans plus de 24 parcs.

[327] Le parc national Jasper emploie de 20 à 30 gardes de parc pendant les mois d’hiver et de 35 to 40 gardes en été, dont plusieurs travailleurs saisonniers. Depuis la mise en œuvre de la Directive 2.1.9, le Service des gardes est devenu la Fonction de la conservation des ressources naturelles, qui se compose de gardes de parc généralistes et spécialistes ainsi que de spécialistes de la protection des ressources chargés des opérations d’application de la loi et de la protection.

[328] Le garde de parc Deagle a confirmé que l’uniforme et le ceinturon de fonction qui lui sont fournis par Parcs Canada sont les mêmes que pour les autres gardes de parc, mais comme ses fonctions au parc national Jasper comprennent des contacts avec les animaux sauvages, il porte un pistolet d’alarme qui décharge divers types d’effaroucheurs acoustiques pour faire fuir les animaux sauvages. À maintes occasions, des visiteurs ont pris ce pistolet pour une arme de poing et ont posé des questions à Jurgen Deagle sur le modèle et le calibre de l’arme.

[329] Le garde de parc Deagle porte lui aussi un uniforme et un ceinturon de fonction semblable à ceux des agents d’application de la loi; il est donc arrivé que des visiteurs du parc le prennent pour un agent de police, un agent de Pêches et Océans Canada ou un agent de conservation de la faune, qui portent tous une arme de poing. De plus, il est écrit sur une étiquette de son gilet pare-balles que celui-ci n’est pas conçu pour protéger l’utilisateur des coups de fusil et des armes pointues ou à bords tranchants.

[330] Au cours de sa première année de service, le garde de parc Deagle a travaillé dans l’arrière-pays du parc national Jasper. Environ 98 pour 100 de ce territoire est de l’arrière-pays sauvage, inaccessible sauf à pied ou à cheval. Le secteur le plus reculé du parc se trouve à quatre à cinq jours de la route la plus proche. Le travail dans l’arrière-pays consiste à passer quatorze ou quinze jours dans les bois, le plus souvent seul. Pendant la saison de la chasse, les gardes de parc effectuent des rondes de surveillance ciblées visibles ou subreptices. La patrouille visible a pour but de se faire voir et de favoriser la conformité à la réglementation du parc par la présence de l’agent. Les opérations subreptices visent à détecter les infractions aux règlements sur la chasse et à intervenir le cas échéant. Bien que les rondes de surveillance ciblées se fassent obligatoirement à deux gardes de parc, la politique n’interdit pas aux gardes de se séparer pendant un certain temps pour chercher des chasseurs ou des infractions aux règlements sur la chasse, une pratique courante. Dans l’arrière-pays, les gardes de parc peuvent se trouver à 20 ou 30 minutes l’un de l’autre. Dans l’avant-pays, ils peuvent se trouver dans des véhicules séparés ou patrouiller des secteurs distincts, à 10 ou 15 minutes l’un de l’autre.

[331] La chasse aux trophées de mouflons à l’automne le long de la frontière du parc est un problème important. À cette époque de l’année, les mouflons commencent à quitter le parc pour gagner des régions de moindre altitude. Les chasseurs les attendent avec impatience aux limites du parc; on peut voir de 40 à 50 chasseurs le long d’un segment de 20 km. Jurgen Deagle a rappelé un incident survenu en 2000 où trois chasseurs armés ont pénétré environ 15 km à l’intérieur des limites du parc. Il est intervenu avec la GRC en hélicoptère, mais comme les membres de la GRC étaient réticents à marcher à travers bois pour trouver les chasseurs dans le parc, les gardes de parc ont dû s’en charger eux-mêmes. Jurgen Deagle a fait remarquer que les membres de la GRC n’ont généralement ni l’équipement ni la formation nécessaires pour intervenir en milieu sauvage.

[332] Le garde de parc Deagle s’est dit d’accord avec l’extrait suivant, tiré du plan d’application de la loi du parc national Jasper (2003) :

[Traduction]
Les gardes de parc qui ont affaire à des contrevenants aux règlements sur la protection de la faune ou à des suspects courent un risque élevé, car l’emplacement peut être éloigné, il peut être tard le soir, ces personnes sont généralement armées, elles peuvent avoir consommé de l’alcool ou de la drogue et les sanctions peuvent comprendre la perte du droit de chasser et de l’équipement de chasse, une forte amende et une peine d’emprisonnement.

[333] Outre ses tâches d’application de la loi, le garde de parc Deagle a déjà été répartiteur au parc national Jasper, et il continue de remplacer les répartiteurs qui doivent quitter temporairement leur poste au cours d’un quart. Jasper sert de centre de répartition pour quelque 17 parcs du Canada et du Nord, ainsi que pour l’Alberta Fish and Wildlife Agency et Environnement Canada. Durant les mois d’été, Jasper est doté de deux répartiteurs pour le quart de jour et d’un pour le quart de soir. Il n’y a qu’un seul répartiteur durant les mois d’hiver.

[334] D’après le garde de parc Deagle, la réponse aux requêtes au CIPC est une composante mineure du travail des répartiteurs. Ceux-ci ont pour responsabilités d’assurer le suivi des déplacements des gardes de parc, de leur fournir des renseignements sur l’état des routes, de répondre aux appels du public et aux plaintes concernant les infractions en matière de protection des ressources et de sécurité publique. L’ordre de priorité des réponses aux appels est le suivant : les appels au service de téléphone d’urgence 911 concernant les accidents ou les incidents relatifs à la santé tels que les « crises cardiaques »; les appels du « trafic radio », ce qui comprend les requêtes au CIPC; enfin, les appels ou plaintes concernant la protection des ressources, par exemple un bouchon causé par des automobilistes qui observent un ours ou une agression sonore dans un terrain de camping.

[335] Au sujet du CIPC, le garde de parc Deagle a déclaré qu’il s’agit d’un outil d’information important, mais non infaillible. Il y a un arrêt normal du système le dimanche matin; les utilisateurs sont informés des autres arrêts nécessaires, et certaines composantes sont parfois en arrêt parce qu’il faut en effectuer l’entretien. L’arrêt de système du dimanche matin pose problème pour Parcs Canada, car on enregistre une activité supérieure à la moyenne au cours de la période qui couvre le vendredi soir, le samedi et le dimanche matin; les campeurs doivent normalement quitter le dimanche matin et le nombre d’expulsions peut alors augmenter.

[336] Le garde de parc Deagle a également témoigné que le parc national Jasper avait été dans l’impossibilité d’obtenir de l’information sur le système du CIPC le 31 janvier 2006. Le répartiteur en fonction a tenté d’obtenir des renseignements du CIPC au bénéfice d’un garde de parc qui procédait à la vérification du propriétaire d’un véhicule, et on lui a dit que le système du CIPC était en panne partout. Le système a finalement fourni l’information 16 minutes après la requête, mais Jurgen Deagle a soutenu que cet incident l’avait convaincu que le CIPC n’était pas infaillible.

[337] En ce qui concerne le renfort du service de police compétent, le garde de parc Deagle a signalé que Parcs Canada n’a pas précisé de délai d’intervention minimum du renfort. La GRC a un détachement au village de Jasper. L’accès à l’arrière-pays se fait par hélicoptère; on peut ainsi rejoindre un garde de parc dans un délai qui varie de 40 minutes à quelques heures, voire quelques jours, tout dépendant des conditions météorologiques. Il est interdit aux pilotes de survoler les régions montagneuses après le coucher du soleil; le cas échéant, l’arrivée du renfort serait retardée au moins jusqu’au lendemain matin. De plus, les membres de la GRC n’ont généralement ni l’équipement ni la formation nécessaires pour intervenir en milieu sauvage et la plupart connaissent mal la géographie des parcs de montagne; il faut donc qu’un autre garde de parc les guide ou les accompagne.

[338] Le garde de parc Deagle s’est dit d’avis que les situations comportant un risque de mort ou de lésions corporelles graves peuvent survenir spontanément et sans avertissement. Il croyait donc que la Directive 2.1.9 prêtait à confusion en précisant que les gardes de parc ne devaient pas intervenir dans ces situations. De plus, il a dit croire que toute incertitude de la part des gardes de parc pourrait être interprétée par un individu comme un signe de faiblesse et l’encourager à attaquer. De plus, la Directive 2.1.9 contredit le MIGI et le modèle CAPRA, qui prennent en considération l’attente du public quant à l’assistance que doivent offrir les agents, que la situation soit susceptible ou non d’entraîner des lésions corporelles graves ou la mort.

[339] Le garde de parc Deagle a de plus soutenu que l’absence d’une arme de poing mine la confiance du garde de parc et que les mesures établies dans la Directive 2.1.9 n’atténuent pas le risque associé au fait de ne pas porter une arme de poing. Il a dit croire qu’il faut avoir une arme de poing pour se défendre contre le caractère imprévisible du comportement humain.

[340] Le garde de parc Deagle a également trouvé que la Directive 2.1.9 prêtait à confusion en ce qui concerne l’application du Code criminel par les gardes de parc. La Directive précise que les gardes de parc ne doivent pas appliquer le Code criminel, mais elle les autorise à répondre aux plaintes pour agression sonore. À son avis, il n’y a pas de différence réelle entre une agression sonore et une infraction à l’ordre public prévue par le Code criminel; en fait, il pourrait s’agir d’une agression en cours.

[341] Le garde de parc Deagle a fait remarquer que même si le maintien de la paix publique n’est pas une responsabilité première des gardes de parc, la Directive 2.1.9 les autorise toujours à intercepter des véhicules aux fins de la protection des ressources, pour des raisons liées à la sécurité publique tels les accidents de véhicules à moteur, les feux de forêts ou les avalanches, de même que pour des infractions relatives à la conduite hors route et à la conduite hors route avec facultés affaiblies. La Directive manque de cohérence et est source de confusion pour les gardes de parc; elle n’est pas cohérente avec la formation sur le MIGI et le modèle CAPRA que Parcs Canada a organisée à l’intention des gardes de parc. Le fait de ne pas réagir dans ces situations soulève des questions d’ordre éthique chez les gardes, à qui il semble moralement douteux qu’on les enjoigne de ne pas arrêter et détenir jusqu’à l’arrivée de la police un conducteur aux facultés affaiblies qu’ils trouveraient au bord d’une route. La politique met en danger le public ou les autres gardes de parc qui empruntent la route. Il est déjà arrivé qu’un garde de parc informe la GRC de la présence d’un conducteur aux facultés affaiblies, mais que la GRC soit incapable de trouver le conducteur quand elle a été prête à intervenir. De l’avis de Jurgen Deagle, le nombre de membres de la GRC dans le parc national Jasper a diminué depuis que la Directive 2.1.9 a été mise en œuvre et que les gardes de parc ont arrêté d’appliquer le code de la route. Il a cependant dit croire que la politique adoptée par Parcs Canada de ne plus intercepter les véhicules sur les routes n’a pas réduit de façon significative les risques auxquels s’exposent les gardes de parc sur les routes.

[342] Au sujet de la Directive 2.1.9, des patrouilles ciblées à deux gardes de parc et des patrouilles imprévues, Jurgen Deagle a affirmé que le risque associé aux rondes de surveillance en solo est plus grand, parce que le garde de parc ne dispose guère de renseignements préliminaires avant d’intervenir. En outre, il a dit ne pas croire que la politique relative aux patrouilles ciblées à deux personnes atténuait les dangers potentiels d’une intervention, parce que la présence de deux gardes de parc n’ajoute pas au degré de sûreté d’une situation. Il a néanmoins concédé que le parc national Jasper avait élargi la politique en exigeant la présence de deux gardes de parc dans les situations de braconnage connu ou soupçonné, lorsqu’une arrestation est imminente.

[343] Le garde de parc Deagle a témoigné au sujet des « avis d’ouvrir l’œil » (BOLF [be on the lookout for] ) que Parcs Canada reçoit d’autres organismes d’application de la loi. Ces avis signalent des véhicules ou des personnes impliquées dans des infractions et donnent de l’information concernant le dernier endroit connu où se sont trouvés les suspects, leur destination prévue ou probable et les mises en garde applicables. Le parc national Jasper reçoit deux ou trois avis d’ouvrir l’œil chaque semaine. Toutefois, ces avis sont communiqués par courriel aux gardes de parc ayant des responsabilités opérationnelles et non directement aux gardes de parc qui se trouvent dans leur véhicule et qu’il faudrait peut-être prévenir. Les avis qui ne sont pas donnés directement aux gardes de parc ayant des responsabilités opérationnelles sont placés dans un dossier physique au bureau des répartiteurs, aux fins de consultation subséquente par l’ensemble des gardes de parc.

[344] Le garde de parc Deagle a reçu une formation, puis une certification de la GRC en 2000 en tant qu’instructeur en tactiques de défense policières défensives (TDP). Il donne de la formation en TDP aux gardes du parc national Jasper et à d’autres gardes de parc. Il se sert du manuel fourni par les instructeurs en TDP de la GRC et d’une version du manuel de la GRC que Parcs Canada a passée au crible et modifiée pour qu’elle reflète la terminologie applicable à l’agence et à sa propre politique d’application de la loi, la Directive 2.1.9. Il donne maintenant cinq ou six cours de TDP par an.

[345] Le garde de parc Deagle a cité plusieurs extraits du manuel de formation en TDP de la GRC où figurent des mises en garde relatives aux divers outils et moyens de défense couverts dans la formation.

[346] Au sujet du gaz poivré, le manuel mentionne plusieurs inconvénients associés à l’utilisation de cet aérosol. Par exemple, sa portée est limitée à 1 à 3 mètres, et le vent et la pluie peuvent avoir un effet négatif sur son emploi. Son efficacité globale peut se trouver réduite si le sujet porte des lunettes ou un chapeau ou s’il est sous l’influence de l’alcool ou de la drogue. Et plus encore, certains sujets ne sont pas affectés par le gaz poivré et peuvent même devenir plus agressifs si on l’utilise contre eux. Le gaz peut prendre plusieurs minutes à produire l’effet escompté; on ne peut pas s’en servir pour se défendre contre une arme tranchante.

[347] Au sujet des moyens de défense contre les armes tranchantes ou à impact, le manuel précise que le but visé par ces moyens de défense n’est pas de répondre à la menace d’une attaque lorsque l’agent a le temps de déployer son arme de poing conformément à la formation sur le MIGI. De plus, la meilleure option d’intervention primaire est l’arme à feu, si le rapport distance-temps est convenable.

[348] Au sujet du repositionnement tactique, le manuel indique que dans la plupart des circonstances où il est confronté à un sujet armé d’une arme tranchante, l’agent devrait tenter d’effectuer un repositionnement tactique jusqu’à une distance sécuritaire et dégainer son arme de poing. Le repositionnement tactique ne peut fonctionner que si le sujet n’a pas déjà commencé à attaquer et que l’attaque n’est pas imminente. Si l’assaillant laisse tomber son arme tout en continuant d’attaquer, l’agent contrôle le comportement de l’individu à l’aide du gaz poivré ou de sa matraque. Le garde de parc Deagle s’est dit d’avis qu’un garde de parc qui se servirait d’une arme d’épaule comme arme défensive, comme le laisse entendre la Directive 2.1.9, devrait déposer l’arme d’épaule par terre pour réagir à l’assaillant et ne serait probablement pas en mesure de la récupérer si la situation dégénérait.

[349] Dans la section portant sur les zones cibles, amener au sol par frappes en mode rapproché, de la partie sur le mode rapproché, le manuel indique que la matraque n’est pas conçue comme une arme meurtrière et n’est pas non plus un moyen d’exercer une force meurtrière. Il sert plutôt à contrer ou à stopper une agression. L’agent doit savoir quelles parties du corps, lorsqu’on les frappe, permettent de maîtriser le sujet en lui causant le moins de lésions ou de tort possible.

[350] Dans la section sur le port à profil bas ouvert et fermant, amener au sol par frappes en mode rapproché de la partie sur le modèle opératoire et la matraque, le manuel mentionne que l’arme à feu est l’option d’intervention de choix contre un assaillant armé, bien que la matraque puisse être indiquée dans certaines circonstances. D’après des recherches, l’agent a besoin de 6,5 mètres (21 pieds) entre lui-même et l’assaillant au cours d’une attaque imprévue pour être en mesure de dégainer sa matraque.

[351] D’après le garde de parc Deagle, l’un des éléments essentiels de la formation en TDP est la pratique de l’emploi de chaque outil ou technique enseigné. Cette acquisition de la « mémoire musculaire » est essentielle pour que les réactions soient automatiques lorsque le garde de parc se trouve en situation de stress élevé et que le recours à la force meurtrière est indiqué. Les armes improvisées n’exigent aucune formation ou mémoire musculaire et l’emploi de la matraque pour appliquer une force meurtrière non plus, même si la formation de la mémoire sur l’emploi de la matraque a de bonnes chances d’amener le garde de parc à diriger ses coups vers des régions non vitales du corps.

[352] La section du manuel portant sur la position légale mentionne que le repositionnement tactique n’est pas une option lorsque le repositionnement peut s’avérer bénéfique pour l’agent mais préjudiciable au public. Jurgen Deagle a soutenu qu’il s’agissait là d’un autre exemple de contradiction entre la politique d’application de la loi de Parcs Canada (la Directive 2.1.9) et la formation au MIGI.

[353] Lorsqu’on lui a demandé de commenter la réduction apparente, de 1 422 à 498, du nombre d’occurrences d’application de la loi entre 2000 et 2004, tel que le rapporte le plan d’application de la loi du parc national Jasper, le garde de parc Deagle répondu qu’elle peut s’expliquer de trois façons. D’abord et surtout, il était difficile d’inscrire ces incidents dans le compte rendu électronique lorsque le Système de suivi des incidents a été mis en œuvre en 2004. Donc, au départ, on a cessé d’inscrire les incidents de moindre importance du genre « chien sans laisse ». Deuxièmement, Jasper est devenu une municipalité distincte au cours de la période de 2000 à 2004. Par conséquent, certains incidents traités auparavant par les gardes de parc, tels les cas de chiens aboyant ou courant sans attache, ont désormais été traités par le village lui-même, et les statistiques relatives à ces incidents n’ont plus été incluses au SII. Troisièmement, Parcs Canada a adopté un système de fichiers en vrac où un type d’incident ne figurait qu’une seule fois. Par exemple, le SII générait un incident de camping illégal, bien qu’il ait pu y avoir en fait de 40 à 50 incidents à des heures, des lieux ou des dates différents.

Témoignage de Mark McIntyre

[354] Mark McIntyre, garde de parc national principal et spécialiste de l’application de la loi, a commencé à travailler pour Parcs Canada à l’été 1991 en tant que garde de parc saisonnier au parc national des Îles-du-Saint-Laurent. L’année suivante, il a travaillé trois mois au parc national de la Pointe-Pelée. Plus tard la même année, il a été muté au parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne à titre de garde de parc national. Il a été nommé à son poste actuel en 1994.

[355] Les titres du garde de parc McIntyre sont les suivants : garde de parc national / agent de la paix; agent spécial, Police provinciale de l’Ontario; agent des pêches; garde-chasse au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs; agent de protection de la nature au titre de la Loi sur la protection du poisson et de la faune; agent de l’autorité au titre de la Loi sur les espèces en péril.

[356] Le garde de parc McIntyre est un instructeur agréé qui donne de la formation à Parcs Canada en vue de la certification des instructeurs en tactiques de défense policières (TDP), en maniement du bâton télescopique ASP (GRC) et en maniement de l’aérosol de OC (GRC).

[357] À titre de spécialiste en application de la loi, le garde de parc McIntyre supervise toutes les activités d’application de la loi des gardes de parc, à l’intérieur comme à l’extérieur des limites du parc, où les gardes de parc peuvent aussi agir lorsqu’une infraction a son origine dans le parc.

[358] À titre de garde de parc, Mark McIntyre a mené des enquêtes sur des affaires de braconnage et fait partie de patrouilles à pied, en embarcation, en motoneige, à bicyclette et en véhicule tout terrain afin de détecter et de décourager les activités illégales. Il a aidé à la mise en œuvre du programme d’intervention sur les ours et la faune, coordonné la distribution, le contrôle et la réparation de tous les téléphones cellulaires et autres équipements de télécommunication utilisés par les gardes de parc et mis au point le protocole d’intervention d’urgence à suivre lorsqu’un garde de parc ou un membre du personnel se trouve dans une situation comportant un danger de mort ou de lésions corporelles graves causé par un sujet violent. Il applique également la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur les permis d’alcool et les lois provinciales à titre d’agent spécial de la Police provinciale de l’Ontario, et il révise et met à jour le protocole d’entente entre Parcs Canada et la Police provinciale de l’Ontario concernant les rôles respectifs des deux organismes.

[359] Le garde de parc McIntyre a expliqué que le parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne regroupe 59 îles disséminées sur environ 56 km, à environ deux heures au nord de Toronto. Ni clôture ni barrière n’en contrôle l’accès; l’enregistrement et le versement des droits d’utilisation du parc pour amarrer un bateau ou utiliser un terrain de camping se font par autocontrôle. En été, le parc n’est accessible qu’en embarcation; en hiver, l’accès se fait en motoneige. Parcs Canada dispose de deux bureaux de gardes de parc sur la terre ferme, à Honey Harbour et à Midland.

[360] En 2004, il y a eu 44 000 visiteurs inscrits, ce qui et probablement une sous-estimation du nombre total de visites. Les plaisanciers s’amarrent souvent en groupes pouvant atteindre six embarcations, et de 40 à 60 embarcations peuvent être amarrées au même quai. Pour l’année en cours, le parc a mis en œuvre une politique de tolérance zéro à l’égard de l’autocontrôle et du versement des droits dans les boîtes de paiement.

[361] Le garde de parc McIntyre a cité le plan d’application de la loi du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, daté d’avril 2005, où on lit que les gardes de parc mènent trois types de surveillance dans le parc : les surveillances de protection des ressources, les surveillances générales et ils forment aussi des patrouilles ciblées. Les patrouilles de protection des ressources servent à surveiller l’état des ressources naturelles ou culturelles; ces patrouilles comportent une faible probabilité de rencontrer des contrevenants, car elles se déplacent dans des secteurs peu fréquentés. Les patrouilles générales ont pour but premier de surveiller l’état des ressources naturelles ou culturelles et d’assurer la sécurité publique. Ces patrouilles se déplacent dans des secteurs à fréquentation moyenne à élevée; la probabilité que les gardes de parc rencontrent des individus en infraction et mettent en œuvre une intervention d’application de la loi y est donc plus élevée. Le rôle principal des patrouilles ciblées est d’enquêter, de détecter et de décourager les infractions et problèmes relatifs aux dispositions prioritaires d’application de la loi et de conformité énumérées dans le plan d’application de la loi. Ce type de patrouille peut s’engager n’importe où dans le parc.

[362] Les gardes de parc procèdent à des expulsions avec acceptation ou avec refus résultant d’incidents relatifs à la réglementation sur les ressources et aux dispositions administratives, ainsi qu’à des expulsions avec acceptation résultant d’infractions à l’ordre public dont ils ont été témoins dans le cadre de leurs fonctions habituelles. Les expulsions avec refus pour infraction à l’ordre public sont confiées à la Police provinciale de l’Ontario.

[363] Le garde de parc McIntyre a témoigné que, nonobstant le fait que la Directive 2.1.9 stipule que les gardes de parc ne doivent pas jouer le rôle de premier intervenant, le plan d’application de la loi du parc mentionne que les gardes de parc interviennent dans tous les cas signalés qui sont préoccupants pour la sécurité des agents et du personnel ainsi qu’en réponse aux demandes d’assistance. Le plan précise en outre qu’en cas d’urgence, les gardes de parc qui interviennent doivent offrir de l’aide aux autres gardes de parc, à la police, aux agents de protection de la nature et aux membres du personnel du parc qui demandent de l’aide pour stopper ou décourager le comportement violent d’un sujet. Les gardes de parc doivent confirmer que la Police provinciale a été informée de tout comportement du genre et qu’elle est intervenue sur les lieux de l’incident. Le plan d’application de la loi précise de plus que les gardes de parc doivent fournir des services d’urgence pour empêcher un sujet violent de tuer ou blesser des agents ou des membres du personnel du parc, mais qu’ils ne doivent pas poursuivre un sujet ayant causé des lésions corporelles graves ou la mort qui a fui les lieux de l’incident. La poursuite et l’arrestation d’un tel individu sont laissées aux soins de la Police provinciale.

[364] Le garde de parc McIntyre a déclaré que cette précision avait été incluse au plan d’application de la loi à cause de la confusion sur la façon d’interpréter les clauses 6.1.9 et 6.3.5 de la Directive 2.1.9. Il a élaboré un protocole de communication afin d’assurer une intervention adéquate dans l’éventualité où un garde ou un membre du personnel du parc serait exposé à un comportement violent.

[365] Le garde de parc McIntyre a déclaré qu’en été, les violations les plus courantes de l’ordre public sont l’entrée sans autorisation, la consommation d’alcool, les infractions liées à l’alcool, les infractions liées aux narcotiques, l’agression sonore et le vandalisme sur des biens du parc. En hiver, les violations courantes de l’ordre public sont l’entrée sans autorisation, la consommation d’alcool, les infractions liées à l’alcool, les infractions liées aux narcotiques et l’abandon de détritus. Marc McIntyre a souligné que la Directive 2.1.9 stipule que les gardes de parc ne peuvent réagir qu’aux violations de l’ordre public découvertes à l’occasion d’une ronde de surveillance non ciblée, bien que cette disposition n’ait pas eu d’influence significative sur le nombre d’incidents d’application de la loi.

[366] Le garde de parc McIntyre a témoigné qu’en été, les patrouilles se composent de deux gardes de parc dans l’embarcation, mais qu’en hiver, il effectue en solo des rondes de surveillance qui durent de 4 à 6 heures, 5 jours par semaine. Il a justifié le recours à des rondes en solo par le fait qu’un autre garde de parc soit patrouille à proximité, soit est à l’écoute de la radio et en mesure d’intervenir immédiatement, affirmant que c’est ainsi que la direction du parc a interprété la politique de la Directive 2.1.9 relativement aux patrouilles à deux personnes. Il a toutefois admis qu’en hiver, il apparaît seul aux sujets qui utilisent les pistes désignées ou qui circulent sans autorisation.

[367] Le détachement de la Police provinciale de l’Ontario le plus près est situé à Midland, à environ 30 minutes de Honey Harbour par voie de terre. De mai à novembre, la Police provinciale patrouille les eaux de la baie Georgienne, mais son territoire de compétence est vaste. En hiver, les agents à motoneige de la Police provinciale surveillent les sentiers de motoneige, mais leur présence dans le parc a nettement diminué depuis 1994, après qu’un agent se fut enfoncé sous la glace avec sa motoneige au cours d’un incident d’application de la loi. Mark McIntyre s’est dit d’avis que les agents de la Police provinciale ne connaissent pas aussi bien le secteur que les gardes de parc et qu’ils ne sont donc pas à l’aise quand ils patrouillent le parc.

[368] Le garde de parc McIntyre a cité un protocole d’entente conclu en 1995 entre le parc et le détachement de Midland de la Police provinciale de l’Ontario. Ce protocole d’entente devait faire l’objet d’une révision annuelle, mais il n’y a pas eu de révision depuis quatre ou cinq ans, parce que la Police provinciale a informé Parcs Canada qu’elle ne voulait plus avoir d’ententes signées à l’échelon des détachements locaux. Malgré cela, le protocole d’entente est considéré comme un document d’intention officieux.

[369] Le garde de parc McIntyre a signalé que le paragraphe 2.2.1.2 du protocole d’entente prévoit toujours que les gardes de parc qui arrivent les premiers sur les lieux jouent le rôle de premier intervenant et qu’ils sécurisent les lieux ou les preuves ou assurent la sécurité publique jusqu’à l’arrivée de la Police provinciale dans le cas d’infractions au Code criminel. Il a également signalé qu’aux termes du paragraphe 2.2.1.3 du protocole d’entente, la Police provinciale peut demander à des gardes de parc de l’aider lors d’une enquête ou d’une autre opération d’application de la loi à l’intérieur du parc ou dans son voisinage immédiat. Cette pratique est encore en vigueur.

[370] Le garde de parc McIntyre a confirmé l’information donnée en 2005 dans le plan d’application de la loi du parc au sujet du protocole d’entente entre Parcs Canada et la Police provinciale de l’Ontario, à savoir que la Police provinciale ne peut pas avoir pour pratique courante de fournir expressément des services de surveillance générale à des parcs nationaux. Le protocole mentionne que le délai d’intervention peut varier en fonction des priorités opérationnelles et de la disponibilité du personnel de la Police provinciale et de l’équipement de terrain en activité au moment de la demande de renfort.

[371] Le gade de parc McIntyre a témoigné au sujet d’une lettre envoyée par le commandant du détachement de Midland de la Police provinciale de l’Ontario à M. Hugh Bremner, garde de parc en chef, le 11 avril 2000. L’auteur de la lettre mentionne l’excellence des relations de travail qui existaient alors entre les gardes de parc et la Police provinciale au parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, mais il souligne que le délai d’intervention peut varier. Le transport des membres de la Police provinciale de la terre ferme aux îles incombe aux gardes de parc, sauf si une unité marine de la Police provinciale se trouve dans le secteur, mais le délai d’intervention sera plus long si l’embarcation de la Police provinciale se trouve à une extrémité du parc. La lettre précise qu’il peut aussi y avoir des retards si les agents de la Police provinciale sont aux prises avec une autre priorité et que le délai d’intervention peut varier de 15 minutes à environ une heure. L’auteur ajoute que le garde de parc enquêteur doit être disponible à la fois pour informer les agents de la Police provinciale présents et pour les aider à appliquer les dispositions de la Loi sur les parcs nationaux.

[372] Le gade de parc McIntyre a illustré le problème du renfort en relatant une arrestation liée aux narcotiques qu’il a effectuée en janvier 2005. Il a affirmé que, si les conditions météo sont favorables, le délai d’intervention moyen de la Police provinciale de l’Ontario varie de 20 à 30 minutes si des agents de la Police provinciale sont déjà à bord d’une embarcation ou en train de patrouiller les sentiers en motoneige. Toutefois, ce jour-là, aucun membre de la Police provinciale n’était disponible en renfort, et il a dû relâcher l’individu.

[373] Sur la question des avis d’ouvrir l’œil, le protocole d’entente stipule que la Police provinciale fournit ces avis aux gardes de parc dans les meilleurs délais possibles. Le gade de parc McIntyre a témoigné n’avoir encore jamais reçu d’avis d’ouvrir l’œil de la Police provinciale de l’Ontario.

[374] Malgré cela, le gade de parc McIntyre a témoigné qu’il fait régulièrement des recherches dans le système du CIPC sur le nom des individus qu’il a rencontrés au cours de ses rondes de surveillance. Il a déclaré qu’il peut accéder au CIPC soit, au téléphone, par le Centre provincial de coordination de l’Ontario, soit, au moyen de son radiotéléphone, par le Centre de répartition du parc national Jasper. Très souvent, la réponse du CIPC confirme que le sujet a déjà été impliqué dans des affaires de drogue ou de vol et qu’il est considéré violent. Le gade de parc McIntyre s’est dit d’avis qu’il est malavisé pour un garde de parc de présumer que chaque personne qu’il rencontre respecte la loi et ne présente aucune menace pour l’agent.

[375] Le gade de parc McIntyre a également déclaré que le CIPC fournit de bons renseignements, mais que parfois, les codes utilisés par les agences de requête du CIPC pour confirmer le statut d’une personne varient énormément. Par exemple, à l’hiver 2005, il a intercepté un motoneigiste parce que la plaque d’immatriculation de la motoneige ne portait pas de vignette autocollante. Lorsqu’il a interrogé le CIPC sur le nom de l’individu par l’entremise du Centre provincial de coordination de l’Ontario, on lui a dit que cette personne faisait l’objet d’un mandat d’arrestation en circulation et qu’elle avait des antécédents criminels. En même temps, il a fait une autre requête sur le nom du sujet par l’entremise du répartiteur du CIPC au parc national Jasper, qui lui a répondu qu’il n’y avait aucun mandat enregistré. Il a téléphoné au détachement de Midland de la Police provinciale de l’Ontario, qui lui a confirmé que le mandat était valide, mais personne ne pouvait venir prendre le sujet en charge. Il a relâché l’individu parce que la Directive 2.1.9 lui interdisait d’exercer un mandat et qu’il ne pouvait pas procéder à l’arrestation sans un renfort de la Police provinciale.

[376] Le gade de parc McIntyre a ajouté qu’il peut aussi y avoir un délai dans le traitement des interrogations du CIPC si le répartiteur du Centre provincial de coordination ne connaît pas bien le garde de parc qui fait la demande. Les répartiteurs n’ont la permission de diffuser les renseignements du CIPC qu’aux personnes autorisées, dont les gardes de parc, mais il peut y avoir un délai le temps que le répartiteur vérifie l’identité du garde de parc.

[377] Le gade de parc McIntyre a témoigné au sujet du gilet pare-balles approuvé par la directive du garde de parc en chef Hugh Bremner. Il a signalé que le gilet pare-balles est distribué pour empêcher que les gardes de parc soient blessés grièvement ou tués par un sujet qui leur tirerait dessus accidentellement ou intentionnellement. La directive confirme que les gardes du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne rencontrent régulièrement des individus ou des groupes d’individus qui ont un casier judiciaire pour des infractions en matière de narcotiques, de port d’arme et de voies de fait. En outre, entre 1983 et 2002, dans neuf incidents d’application de la loi survenus dans le parc, des sujets ont résisté à leur arrestation par un garde de parc dans l’intention d’échapper à une garde légitime. Dans huit de ces neuf incidents, les gardes de parc ont subi une agression physique armée ou non et les sujets ont menacé les gardes de parc de blessures sérieuses.

[378] Le gade de parc McIntyre a témoigné qu’en 2002, il avait écrit à M. Bremner que les gardes de parc avaient des préoccupations en matière de santé et sécurité à l’égard de ce que proposait la nouvelle Directive 2.1.9, à savoir que les gardes de parc ne devaient pas répondre aux plaintes relatives à la paix publique, mais les confier directement au service de police compétent, en l’occurrence la Police provinciale de l’Ontario. Il a cité un incident récent mettant en cause une employée du bureau administratif de Honey Harbour demeurée seule après le départ de ses collègues. Vers 16 h 30, un homme en état d’ébriété et au comportement bizarre est entré dans le bureau et a refusé d’en sortir. L’employée s’est sentie menacée et a téléphoné à la Police provinciale. Elle a également communiqué par radio avec Le gade de parc McIntyre et lui a expliqué la situation. L’affaire ne s’est pas mal terminée, mais tous se sont inquiétés du fait que la Directive 2.1.9 interdisait aux gardes de parc d’intervenir s’ils étaient disponibles et qu’ils pouvaient arriver sur les lieux avant la Police provinciale. M. Bremner a répondu qu’il ne permettrait pas que la sécurité du personnel soit compromise par la Directive 2.1.9 et a autorisé les gardes de parc, dans l’éventualité d’une situation semblable, à intervenir pour sécuriser les lieux et à prendre toutes les mesures qu’ils jugeraient nécessaires tout en préservant leur propre sécurité.

[379] Le gade de parc McIntyre a déclaré qu’un incident s’était produit en 2003, après la mise en œuvre de la Directive 2.1.9, lorsqu’un employé du parc qui travaillait au terrain de camping Cedar Spring, sur l’île Beausoleil, a été menacé par un homme qui avait déjà reçu quelques avertissements à propos de son chien sans laisse. L’employé lançait des appels à l’aide frénétiques au garde de parc de fonction. Le gade de parc McIntyre et un autre garde de parc venaient d’amarrer leur embarcation à Honey Harbour lorsqu’ils ont entendu la communication radio; ils sont immédiatement allés aider l’employé, gyrophare et sirène en fonction. Le sujet a été arrêté, puis expulsé du parc.

[380] Le gade de parc McIntyre a témoigné au sujet d’un rapport de Parcs Canada sur la demande locale d’armement, rédigé sur la recommandation du comité de santé et sécurité des Îles-de-la-Baie-Georgienne. Il a expliqué qu’en 2002, les gardes de parc avaient présenté au comité du milieu de travail leurs préoccupations en matière de santé et sécurité quant au fait de ne pas être munis d’une arme de poing dans l’exercice de leurs fonctions. Le comité a analysé et documenté dans ce rapport l’historique des incidents d’actes et de menaces de violence à l’endroit des gardes de parc. Il a également dressé un sommaire des antécédents criminels d’individus que les gardes avaient rencontré dans le parc de 1992 à 1999. Figuraient à ce sommaire 37 casiers judiciaires comprenant des cas de violence, de voies de fait sur un agent de la paix alors que l’assaillant avait les facultés affaiblies, de possession de drogue, d’association avec des bandes de motards, de refus de se soumettre à l’alcootest, de conduite dangereuse d’une embarcation et de vol, ainsi qu’un mandat d’arrestation en circulation et d’autres infractions au Code criminel. Le rapport sur la demande locale d’armement n’a pas été traité parce que le garde de parc en chef, Hugh Bremner, et le directeur du parc, Robert Prosper, ont refusé de le signer.

[381] Le gade de parc McIntyre a témoigné au sujet d’un message électronique qu’il avait reçu de Brett Moore, chef de la protection des ressources, en mai 2000, en réponse à un message que lui-même lui avait envoyé plus tôt en 2000 pour lui demander ce qui arriverait en cas d’échec des mesures d’atténuation des risques associés à l’application de la loi prescrites par la nouvelle Directive 2.1.9. Il a cité divers extraits de la réponse de M. Moore, dont j’ai relevé ce qui suit :

[Traduction]
Il y a une politique en place. Elle ne comprend pas la distribution d’armes de poing. Les discussions continuelles fondées sur la rhétorique ne sont pas productives. Nous avons reçu la consigne de réaliser les plans d’application de la loi en fonction de cette politique, ce qui comprend l’évaluation et l’atténuation des risques afin de maximiser la sécurité des agents dans les limites des outils autorisés.

Il y a des risques inhérents à l’exercice des fonctions d’application de la loi […] Il est reconnu qu’il n’y a aucune garantie.

[…] En ce qui concerne plus particulièrement votre note de service : Parcs Canada ne croit pas que l’atténuation des risques puisse éliminer la nécessité de se déployer ou d’utiliser de l’équipement défensif. L’organisme ne croit pas que le MIGI ait pour but d’assurer l’emploi exclusif des outils indiqués ou de la force nécessaire en réaction à un comportement donné. Les agents peuvent se trouver dans une situation où ils doivent exercer une force meurtrière pour leur propre défense ou pour celle d’autrui. Ils sont autorisés à utiliser les outils qui sont à leur disposition, ce qui comprend l’autodéfense au moyen des armes à feu en leur possession, tels les fusils ou carabines qu’ils transportent aux fins de la protection de la faune.

[…] L’atténuation des risques n’est pas un substitut aux outils de défense. C’est pourquoi on distribue aux gardes des menottes, un aérosol de OC, une matraque et un gilet pare-balles. Le renvoi répété à une « norme de l’industrie » comme fondement à l’inclusion d’armes de poing en tant qu’outils essentiels n’est pas considéré comme une justification acceptable.
L’application de la loi est et continuera d’être un élément essentiel des fonctions des gardes en matière de conformité et de protection des ressources patrimoniales, tel que le prévoit la LPNC. Il est reconnu qu’il y a des risques inhérents à l’exercice de ces fonctions […] Rien ne garantit qu’un agent peut contenir la situation au moyen de la coopération. La formation et les outils doivent permettre à l’agent de faire face à une escalade au-delà de ce niveau, de se défendre face au comportement et de reconnaître les situations où un repositionnement tactique s’impose.

La planification de l’application de la loi et l’évaluation des risques visent à anticiper et, dans la mesure du possible, à éviter ou à réduire au minimum les risques auxquels s’exposent les agents. Il n’y aucune garantie, avec ou sans arme à feu.

[…] L’atténuation se fera en conjonction avec la distribution d’outils de défense. À l’exclusion des armes de poing.

[…] Nous savons que la gestion (tactiques verbales) et l’anticipation du comportement du sujet peuvent échouer. Nous savons qu’il n’y a aucune garantie.

La politique demeure en vigueur […]

[382] Le gade de parc McIntyre a signalé qu’on lui avait enseigné, à titre d’instructeur en MIGI, à dire aux gardes de parc d’utiliser la technique de l’artère carotide dans les situations présentant un danger de mort ou de lésions corporelles graves où le sujet est sans arme. Cependant, cette technique n’est pas indiquée lorsque l’assaillant est armé d’une matraque ou d’un couteau, car elle oblige le garde de parc à s’approcher du sujet. Ainsi, les gardes de parc ne reçoivent d’instructions ou de formation sur aucun outil apte à exercer une force meurtrière lorsque l’assaillant est muni d’une matraque, d’un couteau ou d’une arme à feu. La position de Parcs Canada, à savoir que les gardes de parc peuvent compter sur leur arme d’épaule, leur fusil de chasse ou toute autre arme improvisée pour exercer une force meurtrière face à un danger de mort ou de lésions corporelles graves est impraticable, parce que les agents doivent développer leur mémoire musculaire de l’utilisation de l’outil pour qu’il soit efficace en situation de stress d’intensité élevée. De plus, il pourrait être difficile de trouver une arme improvisée en milieu aquatique, après le coucher du soleil ou par mauvais temps. Le gade de parc McIntyre a donné plusieurs exemples d’incidents d’application de la loi survenus par le passé où les gardes de parc avaient dû agir sous un stress d’intensité élevée.

[383] Enfin, le gade de parc McIntyre s’est dit d’avis que les mesures d’atténuation des risques prévues par la Directive 2.1.9 ne tiennent pas compte de la réaction du contrevenant au garde de parc, en particulier face à un danger de mort ou de lésions corporelles graves. La directive porte uniquement sur ce que font les gardes de parc; elle n’empêche pas le comportement du sujet.

Témoignage de Dave Hanna

[384] Dave Hanna, agent de protection de la nature III et chef d’équipe, parcs et aires protégées, district de Kananaski (Alberta), a commencé à travailler pour Alberta Park Services en 1976 à titre de garde saisonnier et est devenu garde de parc à temps plein en 1979. En 2000, à la suite de la réorganisation de son organisme, il a été nommé agent de protection de la nature. Il est actuellement agent de protection de la nature de niveau III et supervise quatre agents de protection de niveau II et deux agents saisonniers. En 2000, les agents de protection de la nature de l’Alberta ont été équipés d’une arme de poing et entraînés à l’utiliser.

[385] Comme les gardes de parc fédéraux, les agents de protection de la nature albertains ont pour mandat de gérer les ressources des parcs et territoires protégés et de veiller à ce que les visiteurs vivent une bonne expérience dans les parcs. Les agents de protection de la nature de l’Alberta sont nommés agents de la paix et ont un pouvoir d’arrestation. Leur travail consiste à appliquer la loi en matière de protection des ressources, de sécurité publique, de protection du patrimoine et d’administration. Il comprend la protection des ressources fossiles, la surveillance des terrains de camping, l’intervention lors d’agressions sonores, le traitement des incidents relatifs à l’ordre public, le traitement de la faune et la vérification de divers permis administratifs. En plus d’appliquer la législation sur les parcs provinciaux, les agents de protection de la nature font appliquer d’autres lois relatives aux ressources telles les forêts (Forest Act) et la faune (Wildlife Act). Ils font également appliquer la réglementation sur la circulation dans les parcs et les aires de fréquentation diurne, mais pas sur les routes publiques, celles-ci relevant de la GRC.

[386] Les activités d’application de la loi sur la faune des agents de protection de la nature consistent à traiter les incidents de braconnage et une multitude de permis administratifs relatifs aux permis de chasse, à l’étiquetage des animaux et aux armes chargées découvertes dans des voitures. L’an dernier, les agents ont mené moins de dix enquêtes sur le braconnage.

[387] Le territoire de compétence de Dave Hanna est adjacent au parc national Banff; il a donc de fréquents contacts avec des gardes de parc fédéraux. Avec eux, il a patrouillé les limites de parc, échangé des renseignements et siégé à un comité mixte sur les enjeux de la faune, en plus de participer avec la direction locale de Parcs Canada à l’élaboration du plan d’application de la loi du parc. Il s’est dit d’avis que les agents de protection de la nature et les gardes de parc font un travail très semblable.

[388] Dave Hanna a confirmé qu’on l’a souvent pris pour un type quelconque d’agent d’application de la loi. On l’a déjà pris pour un garde de parc, pour un agent du service de la pêche et de la faune et pour un membre de la GRC alors qu’il se trouvait à côté d’un agent de la GRC. L’uniforme de Dave Hanna est semblable à celui des gardes de parc, exception faite de la couleur et des insignes.

[389] Les agents de protection de la nature sont munis d’un gilet pare-balles ainsi que d’un ceinturon de fonction comprenant les mêmes outils que portent les gardes de parc : menottes, lampe de poche, gaz poivré et matraque. Ils portent également une arme de poing Glock et deux chargeurs, qui constituent leur principal équipement pour l’application d’une force meurtrière dans les situations présentant un risque de mort ou de lésions corporelles graves.

[390] En plus de leur arme de poing, les agents de protection de la nature à temps plein reçoivent une arme d’épaule à utiliser contre les animaux sauvages. Ils ne reçoivent pas de formation sur son utilisation en tant qu’arme défensive, parce qu’il serait trop facile de la leur enlever, qu’elle nuirait à leur emploi des autres outils de défense qu’ils portent à leur ceinturon de fonction et qu’elle comporte un risque plus élevé de dommages collatéraux involontaires.

[391] Dave Hanna a déclaré que malgré le fait que les agents de protection de la nature sont équipés d’une arme d’épaule, il considère que l’arme de poing est absolument essentielle contre les animaux, parce que dans certaines situations, il n’est pas possible de tenir une arme d’épaule tout en gérant l’équipement, ou alors des campeurs peuvent se trouver à proximité d’un lieu de carnage et l’arme d’épaule risque de causer des blessures ou des dommages collatéraux.

[392] Dave Hanna n’a jamais fait feu avec son arme de poing pour appliquer la loi; il n’a eu à dégainer son arme que trois fois. Dans tous les cas, la GRC s’est occupée de l’incident.

[393] Dave Hanna a déclaré que son agence applique le modèle de recours à la force de l’AACP, qui est très semblable au MIGI utilisé et enseigné par la GRC. Ces deux modèles emploient une terminologie différente, mais ils sont identiques pour l’essentiel.

[394] Dave Hanna connaissait bien le principe « un cran plus haut ». Ce principe ne fait pas partie du modèle de recours à la force, mais on en parle souvent pendant la formation sur le recours à la force. D’après ce principe, l’agent d’application de la loi devrait avoir la capacité de prendre l’avantage afin de désamorcer ou de calmer une situation. La formation ne justifie pas le recours à la force meurtrière face à un danger de mort ou de lésions corporelles graves, mais elle laisse supposer que le fait de dégainer l’arme de poing dans une situation où l’agent en a le temps et se trouve à la distance nécessaire pour le faire en toute sécurité serait conforme au modèle de recours à la force.

[395] Dave Hanna a déclaré que le système du CIPC est généralement fiable, mais qu’il est souvent fermé pour mise à jour le dimanche matin, ce qui cause un problème aux agents de protection de la nature, car c’est le vendredi soir, le samedi après-midi et soir et le dimanche matin qu’ils ont affaire à des campeurs indisciplinés.

[396] Dave Hanna a commenté la différence entre les infractions pour agression sonore et les infractions au Code criminel. Beaucoup d’infractions commises dans les parcs relèvent essentiellement du Code criminel. Toutefois, comme les règlements du parc prévoient des infractions pour agression sonore, les agents de protection de la nature peuvent traiter les cas d’agression sonore comme un problème d’ordre public plutôt que comme une infraction au Code criminel, ce qui constitue une manière plus douce de traiter des infractions au Code criminel.

[397] Dave Hanna a témoigné que le renfort de la GRC est variable et qu’il a vécu des délais d’intervention variant de deux à cinq minutes jusqu’à deux jours. Le renfort dépend de la situation de la dotation en personnel au détachement et des autres responsabilités qu’ont les agents au moment voulu. Il avait l’impression que les pénuries de personnel n’étaient pas rares. En outre, la GRC demande souvent aux agents de protection de la nature de l’aider à transporter des sujets.

[398] À propos de l’équipement de communication, Dave Hanna a déclaré que tous les agents de protection de la nature sont équipés d’une radio personnelle et d’une radio montée sur camion. Cependant, il y a beaucoup de zones mortes en raison des problèmes que posent les répéteurs radioélectriques dans les montagnes. Le téléphone cellulaire a une utilité limitée dans 30 à 40 pour 100 du district. Des téléphones par satellite sont fournis aux agents qui patrouillent l’arrière-pays, mais contrairement au cellulaire, il faut programmer les appels, car ils doivent s’aligner sur un satellite; cela peut prendre de deux à cinq minutes.

[399] Dave Hanna a déclaré que le service emploie environ 65 agents de protection de la nature saisonniers en été (généralement des étudiants), et que pour leur deuxième saison, les agents de protection de la nature saisonniers sont nommés gendarmes auxiliaires au lieu d’agents de la paix. On leur fournit un ceinturon de fonction et un gilet pare-balles, une matraque, du gaz poivré, des menottes, mais pas d’arme de poing. Ils patrouillent l’avant-pays et l’arrière-pays, mais ne reçoivent pas d’arme d’épaule. À titre de gendarmes auxiliaires, ils ont cependant un pouvoir d’arrestation en lien avec des infractions aux lois sur l’alcool (Gaming and Liquor Act), la circulation (Highway Act), la faune (Wildlife Act), les pêches (Fisheries (Alberta) Act) et l’ASRPWF (Alberta Sport, Recreation, Parks and Wildlife Foundation Act). Toutefois, avant d’entreprendre une activité d’application de la loi, ils doivent obtenir l’autorisation d’un agent de protection de la nature, qui essaiera de les accompagner.

[400] Dave Hanna a convenu que les organisations peuvent adopter des politiques pour orienter les activités de leurs agents d’application de la loi. Toutefois, les politiques n’ont pas préséance sur l’obligation juridique qui incombe à l’agent de protection de la nature de par sa nomination comme agent de la paix. Le témoin a beaucoup réfléchi au fait d’être armé d’une arme de poing et, étant donné la situation actuelle dans les parcs et l’importance qu’a sa famille pour lui, il ne travaillerait pas sans avoir une arme de poing pour employer la force meurtrière dans des situations comportant un risque de mort ou de lésions corporelles graves.

Témoignage de Craig Hockley

[401] Craig Hockley, directeur des enquêtes spéciales, Division du poisson et de la faune, Alberta Sustainable Resource Development Department, occupe son emploi actuel depuis 19 ans. Auparavant, il a travaillé pendant 11 ans comme garde de parc national saisonnier, comme agent fédéral des pêches à temps plein et comme agent de protection de la nature en Colombie-Britannique.

[402] Craig Hockley supervise huit agents des pêches et de la faune à temps plein, trois experts en criminalistique, cinq agents d’infiltration des pêches et de la faune et 16 surveillants. Il peut avoir accès à d’autres agents des pêches et de la faune des Enforcement Field Services (Services d’application de la loi sur le terrain) en fonction des besoins des projets. Les agents des pêches et de la faune sont responsables de la gestion des ressources et de l’application de la loi, y compris des enquêtes spéciales et des opérations d’infiltration liées à la commercialisation illégale du gibier et du poisson, et ils sont munis d’une arme de poing. Ils ont aussi la responsabilité d’éduquer les clients dans le cadre d’un effort de promotion de la conformité volontaire à la loi. De plus, ils collaborent avec les agents de protection de la nature de l’Alberta, qui font un travail similaire dans les parcs provinciaux.

[403] Les agents de protection de la nature de l’Alberta et les agents des pêches et de la faune portent un uniforme, un ceinturon de fonction et un équipement semblables, y compris des menottes, une lampe de poche, une matraque, du gaz poivré et un couteau universel. Ils reçoivent en outre la même formation sur le recours à la force.

[404] Les agents des pêches et de la faune de l’Alberta sont responsables de l’application des lois sur la faune (Wildlife Act) et les pêches (Fisheries (Alberta) Act, Loi sur les pêches) de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, de la Forest Act, de la Gaming and Liquor Act, de la Highway Act, de portions de l’Environmental Protection and Enhancement Act et du Code criminel.

[405] Leurs principales activités sont l’éducation du public, le traitement des animaux problématiques, la réalisation de patrouilles générales, la réponse à un éventail de plaintes du public et la tenue d’enquêtes. Ils travaillent dans les régions sauvages et l’arrière-pays, où ils se déplacent à cheval, à pied, en motoneige, en VTT et dans diverses embarcations. Ils sont nommés agents de la paix et ont le pouvoir d’arrestation et de saisie, avec ou sans mandat.

[406] Les agents d’infiltration ne portent pas d’arme de poing dans l’exercice de leurs fonctions. Pour atténuer la lacune qui en résulte dans le modèle de recours à la force pour l’emploi de la force meurtrière, ils reçoivent une formation et un entraînement supplémentaires au combat à mains nues, y compris le karaté, les techniques à main ouverte et le maniement du couteau, ainsi qu’une formation mentale qui prend la forme d’une formation à la survie face à des situations désespérées comportant un danger de mort ou de lésions corporelles graves.

[407] Craig Hockley a convenu que les agents pourraient tenter d’utiliser une arme improvisée ainsi que d’autres options face à un danger de mort ou de lésions corporelles graves. Il est cependant important qu’ils disposent d’un ensemble d’outils complet et d’une formation exhaustive pour être en mesure d’assurer leur propre protection et celle d’autrui dans une telle situation. Leur formation doit comprendre le développement de la mémoire musculaire dans le maniement des outils ou l’utilisation des techniques, de manière à en faire des automatismes et des réflexes dans les situations à haut niveau de stress. L’arme de poing est importante parce qu’elle leur permet de suivre les transitions brusques chez le sujet entre les comportements coopératif et combatif.

[408] Craig Hockley a soutenu que l’employeur a le devoir d’équiper et de former ses employés en fonction des dangers qui comportent un risque élevé de maladie, de blessure ou de mort, peu importe la fréquence du risque. Il s’est dit d’avis que sans arme de poing, les agents sont désavantagés lorsqu’une situation dégénère en danger de mort ou de lésions corporelles graves. Il ne connaît aucun service qui utilise une arme d’épaule comme outil défensif d’application de la loi.

[409] Au cours de ses 19 années de service avec une arme de poing, Craig Hockley n’a jamais fait feu de son arme pour appliquer la loi et ne l’a dégainée qu’à trois occasions. Il a cependant déjà dégainé son arme de poing et fait feu lorsqu’il aidait à la manipulation ou au guidage d’animaux sauvages.

[410] Craig Hockley a confirmé que lui et ses agents sont équipés d’une arme d’épaule et d’un fusil de chasse pour faire face aux animaux sauvages, mais que l’arme de poing leur est utile en ce qu’il n’est pas nécessaire de la déposer quand on a les mains occupées à autre chose.

[411] Les agents des pêches et de la faune n’ont pas l’habitude d’appliquer le code de la route (Highway Act), mais s’ils sont au volant d’un véhicule portant l’identification d’un véhicule d’application de la loi et qu’ils sont témoins d’une activité ou d’une conduite dangereuse, ils interviennent à l’occasion. Il leur est toutefois interdit de se livrer à une poursuite à haute vitesse.

[412] Craig Hockley était au fait du principe « un cran plus haut » (one-up ou plus-one principle). Il a expliqué que lorsque le comportement d’un assaillant passe de coopératif à résistant ou combatif, l’agent est en retard sur la transition et se trouve donc désavantagé. L’application du principe « un cran plus haut » est donc une mesure que les agents prennent pour rattraper en temps et en distance l’escalade d’un assaillant, afin d’assurer leur propre protection ou celle d’autrui, de maîtriser la situation et de la désamorcer.

[413] Craig Hockley a commenté les déclarations de Robert Prosper quant au nombre d’incidents de braconnage liés au travail de ses agents des pêches et de la faune. Les statistiques citées ne représentaient pas toutes des incidents de braconnage. Certains incidents pouvaient porter sur des infractions à l’étiquetage des animaux, au port d’une veste de la mauvaise couleur ou à l’entreposage inadéquat d’armes à feu.

[414] Craig Hockley a formulé des observations sur l’équipement de communication que les agents des pêches et de la faune se font distribuer et utilisent. On leur fournit un radiotéléphone, un téléphone cellulaire et un téléphone par satellite lorsqu’ils travaillent seuls. Chacun de ces dispositifs présente des problèmes, et les communications par satellite peuvent être compromises sous le feuillage et au fond des vallées de montagne.

Témoignage de Garry Bogdan

[415] Garry Bogdan, directeur, Application de la loi sur la faune, Région des Prairies et du Nord, Environnement Canada, travaille pour Environnement Canada depuis 28 ans et est agent de la paix depuis 32 ans. Il gère le programme d’application de la loi et de conformité du Service canadien de la faune. Il supervise actuellement onze agents d’application de la loi sur la faune, trois experts en criminalistique et cinq agents d’infiltration. Les agents d’application de la loi sur la faune sont nommés agents de la paix et détiennent un pouvoir d’arrestation. Ils sont armés d’une arme de poing.

[416] Les principales fonctions de sa direction générale ont trait à des inspections et enquêtes en lien direct avec l’application de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, de la Loi sur les espèces sauvages du Canada, de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

[417] La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs régit la chasse aux oiseaux et la protection des sanctuaires d’oiseaux. La plupart des instances canadiennes, exception faite des gardes de parc national, ont l’autorisation générale d’appliquer cette loi. Certains gardes de parc sont désignés aux termes de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs sur l’autorisation du directeur d’un parc. La Loi sur les espèces sauvages du Canada établit des réserves nationales de la faune dans tout le Canada pour la préservation de la nature. Dans certaines réserves, l’accès est autorisé; ailleurs, il est complètement interdit. Les activités d’application de cette loi comprennent l’application de l’interdiction d’accès, le cas échéant, et la vérification des permis là où l’accès et la chasse sont régis par permis. La Loi sur les espèces en péril est placée sous la responsabilité conjointe de Parcs Canada, de Pêches et Océans Canada et d’Environnement Canada. La Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial régit le commerce international des espèces. À cet égard, les agents d’application de la loi sur la faune consacrent beaucoup de temps et d’efforts aux postes frontaliers, à travailler avec les agents des douanes à détecter et décourager les infractions.

[418] Les agents de la faune qui relèvent de Garry Bogdan mènent des opérations de la loi ouvertes ou secrètes. Les opérations ouvertes sont effectués par des agents avec ou sans uniforme et traitent de chasseurs, d’inspections de permis et d’inspections de routine de chasseurs et de non-chasseurs. Ces opérations se font dans l’arrière-pays, en solo ou en compagnie d’agents d’autres services tels la GRC ou Parcs Canada, des agents provinciaux de protection de la nature, des agents d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et des agents de pays étrangers.

[419] Les activités secrètes d’application de la loi comprennent des enquêtes spéciales menées lorsque les autres mesures de conformité ont échoué. Elles sont principalement menées par des agents d’application de la loi sur la faune en civil, qui prennent une autre identité pour infiltrer et prendre sur le fait des organisations criminelles qui tirent profit du commerce illégal des animaux sauvages et des parties d’animaux sauvages. Les agents d’application de la loi sur la faune ne portent pas leur arme de poing au cours de leurs opérations secrètes, mais ils reçoivent une formation de survie spécialisée au combat à mains nues.

[420] L’incidence du braconnage et du commerce illégal de la faune est significative et sous-déclarée. Au moment de son témoignage, Garry Bogdan avait entre 50 et 60 dossiers ouverts sur le transport interprovincial d’animaux sauvages aux fins d’un commerce illégal. Les agents d’application de la loi sur la faune interviennent dans des cas d’infractions à la Loi sur les parcs nationaux du Canada, soit par l’entremise des gardes de parc si un garde de parc a été nommé au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, soit conjointement avec les gardes de parc si aucun n’a été nommé au titre de cette loi. Leurs activités comprennent l’interception de véhicules, à laquelle ils invitent encore les gardes de parc à prendre part.

[421] Garry Bogdan est responsable de veiller à la santé et à la sécurité des employés en évaluant le danger au cours des opérations sur le terrain et de s’assurer que les agents reçoivent la formation nécessaire au maintien de leur sécurité. Il lui incombe également d’assurer la disponibilité et le bon fonctionnement de l’équipement nécessaire aux opérations. De même, il annule toute opération qui met les agents en danger à cause de l’équipement ou du danger associé à l’enquête.

[422] Garry Bogdan a confirmé que sa description de travail comprend les observations suivantes au sujet du danger :

[Traduction]
Lors de la tenue d’inspections et d’enquêtes, l’inconfort psychologique associé au contact avec des contrevenants allégués qui peuvent être en colère, tendus et, parfois, ont une attitude hostile ou conflictuelle […]

[…] Le fait d’être loin de chez soi pendant de longues périodes, dans des conditions météorologiques défavorables, à traiter avec des suspects au langage ordurier, armés et en colère est une source d’inconfort psychologique. Ces conditions durent plusieurs jours à certaines périodes de l’année.

Les activités d’enquête et d’application de la loi exécutées une ou deux fois par semaine, en particulier au cours de la saison de la chasse, soit de septembre à décembre, comportent des allers-retours vers des emplacements reculés sur de mauvaises routes et des déplacements en embarcation et en petit avion nolisé; l’exposition à une météo défavorable sur les rivières et sur l’océan, vêtu de vêtements protecteurs ou d’un gilet pare-balles, et, à l’occasion, la menace de dommages corporels de la part de suspects ou de contrevenants armés ou potentiellement dangereux.

[423] Comme l’indique la section de sa description de poste portant sur les risques pour la santé :

[Traduction]
il y a un risque de mort ou de lésions corporelles graves associé à la possibilité d’un coup de feu lors des activités suivantes : porter une arme à feu au cours des enquêtes, des inspections et des patrouilles; administrer des sommations et exécuter des mandats de perquisition; pratiquer le maniement des armes à feu et se qualifier au maniement des armes à feu; aider des agents d’autres services d’application de la loi; mener des enquêtes et des activités d’application de la loi comportant un niveau de risque significatif ou élevé, qui peuvent mettre en jeu la confrontation avec des suspects ou contrevenants armés et potentiellement dangereux; recourir à la force pour appréhender un accusé; effectuer des patrouilles d’application de la LCOM et de vérification des chasseurs. Ces activités se déroulent de quatre à huit heures à la fois, de 15 à 20 fois par année, en particulier pendant la saison de la chasse, soit de septembre à décembre.

[424] Garry Bogdan a confirmé que, dans la section sur l’environnement, la description de travail des agents d’application de la loi sur la faune stipule que

[Traduction]
la nature du travail du titulaire, à titre d’agent de la paix armé, l’oblige à composer constamment avec le risque d’une exposition à un comportement ou à des réactions imprévisibles lorsqu’il a affaire à des clients et chasseurs en détresse, en colère ou à l’attitude conflictuelle.

Il s’est dit d’avis qu’on pourrait supprimer le mot « armé » sans modifier le sens de cet énoncé.

[425] Garry Bogdan a également confirmé que la description de travail des agents d’application de la loi sur la faune précise, dans la section sur les risques pour la santé, que

[Traduction]
le port d’une arme à feu au cours des enquêtes, des inspections, des rondes de surveillance, de la signification d’assignations, de l’entraînement, de la qualification et de l’aide aux autres agences d’application de la loi, comporte un risque de décharge accidentelle par tout autre agent de la paix participant aux opérations. Les patrouilles d’application de la LCOM et les vérifications de chasseurs comportent un risque de se faire assaillir ou tirer dessus par le client. Ces deux circonstances peuvent entraîner des blessures invalidantes ou la mort. Ce genre de situation peut se produire de huit à douze heures à la fois, 175 fois par an.

[426] Environnement Canada a ses propres instructeurs, qui ont été formés par la GRC à donner de la formation sur le MIGI, les armes à feu et les TDP à ses agents d’application de la loi sur la faune. Environnement Canada applique, comme modèle de recours à la force, le MIGI de la GRC, mais il ne donne pas à ses agents de formation sur le modèle CAPRA, auquel il substitue sa propre version.

[427] Garry Bogdan a confirmé que la formation sur le MIGI donnée aux agents d’application de la loi sur la faune traite de tous les comportements du sujet, jusqu’à la force meurtrière inclusivement, et que la formation applicable à la force meurtrière porte sur l’arme de poing. Toutefois, il a convenu que les agents d’application de la loi sur la faune pouvaient utiliser d’autres armes, tels un couteau, une arme d’épaule et un véhicule, pour employer la force meurtrière afin de mettre fin à une situation où l’agent ou un membre du public risquerait de subir un préjudice. En fait, on donne aux agents d’application de la loi sur la faune une formation sur l’arme de poing en tant qu’arme défensive principale pour l’emploi de la force meurtrière et sur l’arme d’épaule en tant qu’arme défensive secondaire pour l’emploi de la force meurtrière. L’arme d’épaule sert essentiellement d’outil de défense de renfort pour les agents portant une arme de poing pendant les barrages routiers ou le nettoyage de maisons. C’est l’arme de poing qui s’utilise la plupart du temps, parce qu’elle permet aux agents d’avoir les mains libres et que, pendant une transition de désescalade (en réponse au comportement d’un sujet), l’agent qui utiliserait une arme d’épaule devrait la déposer, ce qui pourrait lui être préjudiciable dans une situation où il ferait face à plus d’un individu. L’arme de poing a l’avantage de permettre à l’agent de faire une transition dans les deux sens en toute sécurité en réponse au comportement des sujets.

[428] Garry Bogdan était au fait du terme « un cran plus haut » (one-up ou plus-one); à son sens, ce terme signifie que l’agent utilise l’outil ou la technique de recours à la force du MIGI nécessaire pour regagner et maintenir la maîtrise de la situation lorsque le comportement du sujet passe à un niveau d’agressivité supérieur. Autrement dit : « On n’apporte pas de canif à un duel au pistolet. »

[429] Depuis plus de 25 ans, Garry Bogdan travaille avec des gardes de parc ou les côtoie. Avant d’entrer à Environnement Canada, il a été agent de protection de la nature en Alberta et a travaillé en étroite collaboration avec les gardes du parc national Prince-Albert. Dans un passé plus récent, les agents qui relèvent de lui ont traité les mêmes espèces de gros gibier qui se trouvent dans les parcs nationaux. Ils ont travaillé avec des gardes de parc dans le cadre de surveillances conjointes des limites de parc et d’enquêtes sur la vente illégale de pièces d’ours.

[430] Bien qu’il n’ait pas observé de gardes de parc dans l’exercice de leurs fonctions au cours des deux ou trois dernières années, Garry Bogdan a tout de même soutenu que le travail des gardes de parc et des agents d’application de la loi sur la faune était semblable en ce qu’ils sont tous responsables de la protection des ressources et qu’ils s’acquittent de fonctions semblables dans ce domaine. Il a ajouté qu’il y a un certain temps, les uniformes des agents d’application de la loi sur la faune étaient achetés du même fournisseur et qu’il y a quatre ans, les deux uniformes étaient presque identiques, à l’exception des insignes d’épaule et des éléments identificateurs. Actuellement, l’uniforme des agents d’application de la loi sur la faune est de la même couleur que celui des agents de Pêches et Océans Canada, mais il ressemble encore à celui des gardes de parc. En outre, les agents d’application de la loi sur la faune portent le même chapeau Stetson que les gardes de parc. Les agents d’application de la loi sur la faune sont également équipés d’un ceinturon de fonction et d’un arsenal d’outils défensifs semblable à ceux des gardes de parc. La seule exception est qu’on distribue des armes de point aux agents d’application de la loi sur la faune, qui portent toujours la leur, sauf pour les opérations secrètes.

[431] Garry Bogdan a abordé le sujet du caractère imprévisible du comportement humain avec l’agent de formation de la GRC Gary Bell, et s’est dit d’accord avec la position de ce dernier. Il a fait ses propres recherches après avoir pris connaissance du rapport de M. Bell, et il a constaté qu’environ 60 pour 100 des individus qu’ils avaient appréhendés au cours d’une période de deux ans avaient déjà fait des infractions graves au Code criminel et que 35 pour 100 d’entre eux faisaient l’objet d’un code de mise en garde pour comportement violent. Il a également participé à une étude sur les chasseurs nocturnes réalisée par le gouvernement provincial de la Saskatchewan, étude qui a permis de constater que plus de 80 pour 100 de ces contrevenants avaient perpétré d’autres infractions au Code criminel. Il a dit croire qu’environ 90 pour 100 des gens respectent la loi, cinq pour cent commettent des infractions par qu’ils sont stupides ou qu’ils ignorent la loi et environ cinq pour cent ont l’intention criminelle d’enfreindre la loi afin d’améliorer leurs gains personnels ou leur réputation. Ce sont ces individus qui sont considérés potentiellement violents.

[432] Garry Bogdan a témoigné que les agents d’application de la loi sur la faune sont équipés d’un téléphone cellulaire, de radiotéléphones sur leur personne et dans leur véhicule et d’un téléphone par satellite. L’équipement de communication est utile à avoir, mais tout équipement est sujet à des pannes ayant pour cause, par exemple, les limites des piles et les zones mortes, et on ne peut pas toujours compter sur lui. C’est pourquoi, dans ses opérations, Environnement Canada prévoit généralement la possibilité que la communication soit impossible à établir.

[433] Pour l’essentiel, Garry Bogdan a exprimé la même opinion à l’égard du système du CIPC. Le système est sujet à des arrêts sur programme, et il peut arriver qu’on ait justement besoin du système à ce moment-là.

[434] Garry Bogdan a expliqué que les agents d’application de la loi sur la faune doivent souvent travailler seuls, mais la politique d’Environnement Canada sur le sujet les encourage, si possible, à demander des agents d’autres services en renfort. Un garde de parc non armé est considéré comme une aide, mais pas comme un renfort. Garry Bogdan s’est dit d’avis qu’un agent sans arme est un handicap.

[435] Garry Bogdan a confirmé qu’il n’avait dégainé son arme de poing qu’à trois occasions au cours d’opérations d’application de la loi, mais qu’il n’avait jamais eu à faire feu. Il connaît personnellement des agents de la GRC qui n’ont jamais dégainé ou déchargé leur arme de poing dans le cadre d’activités d’application de la loi. Il a dit croire que les sujets qui sont peut-être sous l’influence de drogues ou de l’alcool et qui voient qu’un agent est désarmé et qu’ils sont en surnombre pourraient s’enhardir du fait que l’agent n’a pas d’arme avec laquelle attaquer. Le MIGI apprend aux agents d’application de la loi sur la faune que la présence est une condition sine qua non de l’application de la loi. Ils apprennent qu’on perçoit l’agent comme une personne ayant autorité, qui est digne de respect. Même un criminel endurci y pensera à deux fois en présence d’un agent qui semble confiant et qui est armé d’une arme de poing. En revanche, le public s’attend à ce qu’un agent de la paix l’aide au besoin et qu’il applique la loi.

[436] Garry Bogdan a déclaré que, par le passé, il avait déjà fait ce type de travail sans arme de poing. Maintenant, toutefois, il ne travaillerait pas sans arme de poing et ne s’attendrait pas non plus à ce que ses agents le fassent. Si un agent d’application de la loi sur la faune n’a pas conservé son accréditation en maniement des armes à feu, il ne participera à aucune opération d’application de la loi et demeurera dans le véhicule, même s’il est en uniforme. Tous ses agents ont déjà subi une agression verbale ou physique, mais aucun n’a jamais été tué en devoir. Garry Bogdan a dit croire qu’un agent de la paix, qu’il passe cinq pour cent ou 60 pour 100 de son temps à des activités d’application de la loi, a besoin d’une arme de poing pour faire un travail sérieux et pour assurer sa propre protection et celle du public.

[437] En ce qui concerne l’option d’observer, prendre des notes et rapporter un incident, par opposition à celle d’intervenir, Garry Bogdan a déclaré que c’est ce qu’Environnement Canada et les gouvernements provinciaux enjoignent les citoyens de faire quand ils sont témoins d’une infraction. Les agents de la paix, par contre, sont équipés et formés pour appliquer la loi, et le public s’attend à ce qu’ils agissent. Garry Bogdan s’est dit d’avis que la stratégie consistant à observer, prendre des notes et rapporter l’incident n’empêcherait pas les agents de subir une attaque, car ce n’est pas le genre de stratégie à laquelle un contrevenant s’attendrait d’une personne ayant autorité qui conduit une embarcation ou un véhicule identifié, est vêtue d’un uniforme et porte un arsenal d’outils défensifs.

[438] Au sujet du repositionnement tactique, Garry Bogdan a réitéré l’opinion déjà exprimée par d’autres, à savoir qu’il n’est pas possible pour un agent d’effectuer un repositionnement tactique dans toutes les situations. Il n’y a pas toujours d’issue, l’agent peut faire face à un surnombre ou l’attaque peut avoir déjà commencé.

[439] Au sujet du renfort de la GRC, Garry Bogdan a signalé que depuis 1985, Environnement Canada a constaté une baisse constante de la participation des membres de la GRC aux activités d’application des lois autres que le Code criminel. La GRC peut convenir au départ d’aider aux opérations d’un ministère, mais d’après son expérience, neuf fois sur dix, les membres de la GRC sont appelés ailleurs. Environnement Canada se fie à la GRC pour fournir des cellules de détention pour les individus en état d’arrestation et prélever leurs empreintes digitales, mais le Ministère ne peut pas s’attendre à ce que la GRC transporte les individus jusqu’à leur cellule.

[440] Au sujet des armes de poing et du travail avec les animaux sauvages, Garry Bogdan a déclaré que les membres du personnel scientifique et technique sont équipés d’armes de poing qu’ils portent quand ils effectuent des recherches. Ils portent aussi une arme d’épaule, mais comme ils ont souvent besoin d’avoir les mains libres pour les activités d’étiquetage, d’appâtage et de mesure, ils ne peuvent pas la tenir longtemps. Garry Bogdan a ajouté qu’Environnement Canada emploie également environ 150 agents de lutte contre la pollution, qui sont nommés agents de la paix et ont un pouvoir d’arrestation, mais qui ne portent pas d’arme de poing.

[441] Au sujet des statistiques d’application de la loi d’Environnement Canada, Garry Bogdan a confirmé que l’année précédente, un agent d’application de la loi sur la faune avait effectué le contrôle routier de 200 personnes, dont des chasseurs qui transportaient des armes à feu. De plus, d’après les statistiques, un agent pouvait effectuer jusqu’à 400 interceptions en une seule saison. Dans la plupart des cas, les personnes interceptées étaient des chasseurs en règle.

[442] Enfin, Garry Bogdan a confirmé être au courant du fait que, contrairement aux agents d’application de la loi sur la faune, les gardes de parc ont cessé d’intercepter des véhicules sur la route, de faire du travail d’infiltration, d’exécuter des mandats de perquisition et de d’effectuer des rondes de surveillance ciblées en solo.

Arguments de l’appelant

[443] Me Graham et Me Lambrecht ont présenté un résumé oral et écrit de l’argumentation pour Parcs Canada. Bien que leur mémoire ne soit pas reproduit dans la présente, il a été soigneusement examine et étudié dans le cadre de ma décision. J’ai retenu ce qui suit aux fins de ma décision.

[444] Me Graham a examiné la preuve présentée par les témoins. Il a fait d’abord remarquer que l’ASS Grundie avait mentionné qu’il ne possédait aucune expérience antérieure ni de connaissances en matière d’armes de poing ni en ce qui concerne les activités d’application de la loi exercées par les gardes de parcs nationaux. Il a également souligné que, dans son témoignage, l’ASS Grundie avait mentionné qu’il s’agissait de sa première enquête nationale et qu’iI n’avait aucune ligne directrice pour mener une telle enquête.

[445] Me Graham a affirmé que la décision de l’ASS Grundie voulant qu’un danger existe pour les gardes de Parcs Canada et ses instructions subséquentes à Parcs Canada devaient être annulées. L’ASS Grundie a commis une erreur parce qu’il a accepté les anecdotes ou les opinions dont lui ont fait part l’AFPC ou l’Association des gardes de parc qui est un groupe pro-armes. L’ASS Grundie a été victime d’un biais en matière de confirmation et, finalement, a pris une décision erronée lorsqu’il a confondu risque avec danger.

[446] Me Graham a rappelé le témoignage de Phillip C. Stenning relativement aux mécanismes de responsabilisation institutionnelle en place à l’égard des services de police dont les membres sont autorisés à employer une force meurtrière. Il a mentionné la preuve présentée par le professeur Stenning montrant que la recherche documentée laisse entendre que le port courant d’armes par la police peut entraîner des agressions supplémentaires de la part des sujets (« l'effet des armes »), le risque que la police soit la victime de sa propre arme de poing et que des officiers de police soient poursuivis pour homicide involontaire ou meurtre.

[447] Me Graham a rappelé que, de l’avis du professeur Stenning, le terme police peut avoir divers sens. Il a mentionné la preuve du professeur Stenning voulant que le terme fasse traditionnellement référence aux services de police nommés en vertu des lois sur le maintien de l’ordre, des services de police sont de plus en plus souvent offerts à une variété de personnes et d’institutions ayant des mandats différents en termes de devoirs et de responsabilités. Il a soutenu que le fait d’offrir une formation, de l’équipement et des ressources à ces personnes dépendait du travail accompli par celles-ci plutôt que de leur pouvoir légal.

[448] Me Graham a relevé, dans le témoignage du professeur Stenning, que dans le modèle de « recours à la force », la principale caractéristique sur laquelle on mettait l’accent consistait à éviter le recours à une force meurtrière à moins que ce soit absolument nécessaire à la lumière de la nature et de la portée de la menace.

[449] Me Graham a souligné que l’objectif de cet examen n’était pas de décider si la sécurité du public était en péril ou non en modifiant les activités d’application de la loi des gardes de parc, en suivant les instructions de l’ASS Grundie envoyées à Parcs Canada, ni de décider si les gardes de parc devaient prendre des instructions des membres du public qui signalent la perpétration de crimes grave et s’attendent à ce que les gardes de parc prennent les choses en main. Il s’agit plutôt, a-t-il soutenu, de l’application du Code canadien du travail en vigueur dans une situation axée sur l’application de la loi.

[450] Me Graham a rappelé le témoignage de Robert Prosper qui disait que le rôle des gardes de parc consiste à gérer les ressources, à maintenir l’ordre public et à faire appliquer la loi. Il a aussi rappelé que selon Robert Prosper, la fonction de gestion des ressources devenait de plus en plus importante pour Parcs Canada et le fait que 23 à 30 pour 100 des gardes de parc recrutés possèdent une maîtrise ou un doctorat le reflète. Robert Prosper a aussi démontré que pour les quelques 400 gardes de parc du Canada, l’application de la loi ne représentait approximativement que 15 à 20 pour 100 de leur temps. M. Prosper a mentionné que certains gardes de parc n’avaient jamais à faire appliquer la loi et que peu participait à l’application de la loi 100 pour 100 du temps.

[451] Me Graham a indiqué que selon Robert Prosper, le Law Enforcement Administration and Operational Manual et la Directive de gestion sur l'application de la loi 2.1.9 avaient été révisés suite aux études Resource Conservation Function Study et Park Warden Officer Safety Study menées par Parcs Canada, études qui examinaient d’un oeil critique les rôles et responsabilités des gardes de parc. Dans sa preuve, Robert Prosper mentionnait que la stratégie globale de la nouvelle politique en matière d’application de la loi consistait à atténuer les risques en réduisant la fréquence d’exposition aux risques ou à limiter les risques résiduels.

[452] En ce qui concerne l’élimination des risques élevés liés aux activités d’application de la loi, Me Graham a souligné que la Directive 2.1.9 n’autorise plus les gardes de parc à exercer des activités d’application de la loi relativement à la chasse en dehors des limites du parc, à mener des perquisitions à domicile sans qu’un service de police compétent s’assure d’abord que la scène est sûre, à mener des opérations d’infiltration ou à recourir à une fausse identité, à appliquer la loi sur les routes. Il a souligné qu’en vertu de la Directive 2.1.9, les gardes de parc ne font plus de barrage routier pour assurer la protection de la faune ni d’arrestation pour mandat non exécuté à moins qu’il s’agisse d’infractions à la Loi sur les parcs nationaux du Canada, et n’interviendront pas en cas de trouble de la paix publique observé sur les routes, leur intervention se limitant à observer, à prendre des notes et à signaler l’incident au service de police compétent.

[453] Me Graham a rappelé que selon la Directive 2.1.9, les gardes de parc n’agissent pas en tant que premier intervenant dans les plaintes liées au maintien de la paix publique, ils ne feront pas de rondes de surveillance pour assurer le maintien de la paix publique sauf en cas de bruit et de perturbation dans les campings et n’effectuent pas d’expulsions en cas d’incident lié au maintien de la paix publique, y compris en cas de bruit et de perturbation dans les campings. Ces expulsions seront effectuées par le service de police compétent. Il a également souligné que la Directive 2.1.9 n’autorise pas les gardes de parc à dresser des barrages routiers pour intercepter les véhicules pour excès de vitesse, à procéder à des poursuites à haute vitesse, à disperser des attroupements illégaux ni à intervenir en cas d’atteinte à la sécurité des immeubles du parc.

[454] En ce qui concerne le fait de minimiser l’exposition au danger liée à l’application de la loi, Me Graham a mentionné la Directive de gestion de l’application de la loi 2.1.9, le Law Enforcement Administration and Operational Manual et le témoignage de Robert Prosper. Il a soutenu que selon la preuve, les gardes de parc n’ont plus à intervenir incidemment lors de toute infraction relative au maintien de la paix publique et qu’ils n’ont pas à s’exposer au danger s’ils interviennent en respectant la politique établie. De plus, les gardes de parc n’ont plus à intervenir directement dans tous les incidents relatifs au maintien de la paix publique et leur intervention peut varier en fonction de l’évaluation des risques. Il a rappelé que Robert Prosper avait dit dans son témoignage que les gardes de parc pouvaient demander l’aide du service de police compétent. Finalement, il a mentionné que les gardes de parc ne devaient plus effectuer de rondes de surveillance dirigées ayant pour but l’application de la loi pour assurer le respect des mesures administratives.

[455] Me Graham a mentionné également ces documents et le témoignage de Robert Prosper pour soutenir que, selon la preuve, les gardes de parc ne peuvent plus intervenir et doivent simplement observer, prendre des notes et signaler l’incident, à moins de satisfaire à des mesures d’atténuation en ce qui concerne ce qui suit : accès au CIPC; répartition, assistance, fiabilité des communications, uniforme, équipement défensif et gilet pare-balles souple. De plus, les gardes de parc ne sont pas obligés d’intervenir directement en cas d’infraction lorsqu’il y des risques de blessure grave ou de mort et ils ne sont pas restreints à un ensemble d’outils particuliers pour appuyer le recours efficace à la force, à condition qu’elle soit justifiée.

[456] Me Graham a souligné également que la Directive 2.1.9 n’autorise plus les gardes de parc à faire des rondes de surveillance relatives à l’application de la loi en arrière-pays sans être accompagnés d’un agent de la paix ou d’un autre garde de parc. Il a rappelé aussi que la Directive 2.1.9 interdit aux gardes de parc d’intervenir lors d’un rapport d’incident de braconnage suspecté ou connu sans être accompagné d’un agent de la paix ou d’un autre garde de parc ni d’intervenir en cas de plainte concernant du bruit ou une perturbation sans être accompagné d’un agent de la paix ou d’un autre garde de parc.

[457] Me Graham a ajouté que, conformément à la Directive 2.1.9, les plans d’application de la loi du parc doivent définir les circonstances où des mesures obligatoires locales d’atténuation du risque pour les agents doivent être appliquées en plus des mesures nationales d’atténuation du risque précisées dans la Directive. De plus, les gardes de parc doivent suivre une formation en matière de sécurité (MIGI/TDP) deux fois par année avec 20 heures de pratique de l’habileté pour améliorer la mémoire musculaire.

[458] Me Graham a mentionné la preuve présentée par John Good concernant l’étude comparative qu’il a menée pour Parcs Canada sur l’application de la loi dans les parcs nationaux, provinciaux et territoriaux du Canada. Selon cette preuve, la plupart des administrations au Canada emploient des gardes de parc à plein temps et saisonniers qui sont désignés comme agents de la paix en vertu du Code criminel mais qui n’ont pas d’arme de poing. Ces agents, a-t-il soutenu, ont l’autorisation d’effectuer des perquisitions et des saisies.

[459] Me Graham a soutenu que l’étude de John Good démontrait que le nombre d’interventions pour faire appliquer la loi, le nombre de voies de fait et le nombre de blessures subies par les gardes de parc étaient uniformément bas, l’évaluation la plus élevée étant de dix voies de fait au Manitoba. L’étude a aussi démontré que la plupart des infractions se rapportaient au maintien de la paix publique et à la protection des ressources tandis que le braconnage représentait un faible pourcentage.

[460] Me Graham a relevé que les résultats de l’étude de John Good avaient établi que toutes les administrations fournissaient des uniformes et des radios à leurs gardes de parc et que plusieurs leur fournissaient du gaz poivré, des menottes et une matraque télescopique. Il a rappelé que certaines administrations fournissaient également des armes d’épaule pour se protéger de la faune tandis que les provinces du Manitoba et de l’Alberta étaient les seules à fournir une arme d’épaule et une arme de poing à leurs gardes de parc pour leurs programmes d’application de la loi. L’étude a aussi montré que les agents de conservation des ressources responsables de l’application de la loi sur la chasse et la pêche dans les provinces de l’Alberta, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario, de la Saskatchewan et dans le territoire du Yukon sont munis d’armes de poing.

[461] Me Graham a précisé que selon la preuve présentée par Bruce van Staalduinin, les parcs provinciaux de l’Ontario emploient approximativement 250 gardes de parc dans leur réseau et qu’ils n’ont pas d’arme de poing aux fins de la Loi sur les parcs provinciaux. Une grande partie de ces gardes sont des employés saisonniers qui travaillent de mai à l’Action de grâce.

[46] Me Graham a mentionné le témoignage de Bruce van Staalduinin concernant les similitudes entre les gardes de parc du fédéral et de l’Ontario. Par exemple, les gardes de parc de l’Ontario ne sont pas obligés de porter des accusations en vertu des lois fédérales sur le crime et la drogue et renvoient ces cas à la Police provinciale de l’Ontario. De plus, ils ne sont pas obligés de poursuivre des véhicules en fuite ni d’intervenir autrement que recevoir des plaintes concernant diverses affaires et tenter de garder intacte la scène des infractions.

[463] Me Graham a fait remarquer que les gardes de parc de l’Ontario ne sont pas autorisés à procéder à des arrestations en vertu de la Loi sur les parcs provinciaux mais qu’ils le peuvent en vertu de la Loi sur les permis d'alcool, du Code de la route, de la Loi sur l'entrée sans autorisation et du Code criminel. La politique des parcs de l’Ontario exige également que les gardes de parc fassent preuve de discrétion et ne prennent pas de mesures qui les exposent à des risques ou augmentent les risques de confrontation physique lorsque que le sujet devient agressif ou menaçant.

[464] Me Graham a mentionné la preuve voulant que les nouveaux gardes de parc de l’Ontario suivent un cours de deux semaines qui traite de leurs pouvoirs, de leurs responsabilités, de leur imputabilité et de leurs obligations et que le cours comporte trois jours de formation sur le recours à la force sur le modèle provincial de recours à la force. Les gardes de parc qui reprennent du service suivent un cours d’un jour et demi sur le recours à la force pour être agréés de nouveau sur ce sujet.

[465] Me Graham a souligné que la preuve démontrait que les gardes de parc de l’Ontario, comme les gardes de parc fédéraux, portaient des uniformes distinctifs avec des insignes et portaient un insigne pour portefeuille, étaient équipés avec des ceinturons de service sur lesquels sont accrochés une radio, une lampe de poche, des menottes et une matraque télescopique ASP 21. Toutefois, les gardes de parc de l’Ontario ne disposent pas de gaz poivré et ne portent pas de gilet pare-balles.

[466] Me Graham a examiné la preuve présentée par l’inspecteur Browning. Il a souligné que le MIGI aidait les membres de la GRC à prendre des décisions concernant le recours à la force. Il a dit que, selon l’inspecteur Browning, il servait aussi à débriefer les membres de la force après une intervention et les aidait à formuler leur processus de prise de décision. Il a rappelé la preuve de l’inspecteur Browning selon laquelle le MIGI n’exige pas que les agents aient recours à un niveau d’intervention supérieur à celui de la résistance offerte par un individu, ce qu’on appelle la règle du « cran supérieur ».

[467] Me Graham a mentionné que l’inspecteur Browning, dans sa preuve, avait souligné que l’intervention verbale et les techniques de négociation sont les options les plus importantes du MIGI pouvant être appliquées efficacement en réaction à n’importe quel niveau de résistance. Dans son témoignage, l’inspecteur Browning a aussi dit que les membres de la GRC ne sont pas formés pour utiliser leur matraque afin d’exercer une force meurtrière mais qu’ils comprennent qu’ils peuvent l’utiliser, de même que tout autre équipement à leur disposition, pour exercer une force meurtrière dans des situations où ils peuvent être gravement blessés ou tués.

[468] Me Graham a mentionné que l’inspecteur Browning avait déclaré que le MIGI n’exige pas que les agents qui l’appliquent soient équipés d’une arme de poing ou formés dans l’utilisation d’une arme de poing. D’après le témoignage de l’inspecteur Browning, la décision de munir les membres de la GRC d’une arme de poing est une question de politique et non une exigence du MIGI.

[469] Me Graham rappelle que l’inspecteur Browning a aussi confirmé qu’il y avait un risque à sortir son arme de poing si une bagarre s’ensuivait et que l’agent perdait son arme.

[470] Me Graham a examiné la preuve de Guy Mongrain qui décrivait le système informatique du CIPC, les agences qui ont accès au système, l’état du matériel et les mises à jour du logiciel du système du CIPC à la suite du renouvellement, la nature de l’information dans chaque base de données, les fichiers et les sous-fichiers du CIPC, les façons d’accéder à distance à l’information et les mesures statistiques de sa capacité d’exploitation. Dans sa preuve, M. Mongrain expliquait l’aspect message du CIPC et les messages BOLF (avis d’ouvrir l’œil) ainsi que les messages envoyés pour avertir les utilisateurs des périodes de maintenance régulière prévues.

[471] Pour sa part, Me Lambrecht a soutenu que l’examen de l’agent d’appel était un nouvel examen et qu’il devait étudier les politiques et pratiques d’application de la loi contemporaines en vigueur à Parcs Canada plutôt que les politiques et pratiques en vigueur quand le garde de parc Douglas Martin a déposé une plainte relative à la santé et la sécurité en 2000. À cet égard, il a cité les décisions rendues par l’agent d’appel R. Lafrance dans Bernadette Hogue‑Burzynski et al. et VIA Rail Canada6, par la Cour d’appel fédérale dans la cause précitée Douglas Martin, à l’alinéa 28, et par la Cour fédérale dans Juan Verville et Service Correctionel du Canada7, à l’alinéa 32.

6

Bernadette Hogue‑Burzynski, Suzanne Brisson, Margaret R. Hegier et Jennifer Roy et VIA Rail Canada, [2006], BCA-SST, Décision no 06‑015

7

Juan Verville et Service correctionnel du Canada, Institution pénitentiaire de Kent, 2004 CF 767

[472] Me Lambrecht a soutenu que le problème dans ce cas était de déterminer si les activités contemporaines d’application de la loi exercées par les gardes de parc sans arme de poing comme équipement standard constituaient un danger en vertu de la partie II du Code canadien du travail. Il a soutenu que les gardes de parc qui assuraient l’application de la loi sans porter d’arme de poing n’étaient pas en danger parce qu’il était peu probable, raisonnablement, qu’ils soient exposés à une situation où ils seraient gravement blesses ou tués dans les circonstances actuelles, étant donné le mandat ciblé actuel d’application de la loi confié aux gardes de parc et les politiques et pratiques en vigueur en matière d’application de la loi reflétés dans le Law Enforcement Administration and Operational Manual révisé et la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Il a mentionné tout particulièrement l’équipement de protection individuel, la formation et les mesures d’atténuation de la Directive 2.1.9.

[473] En ce qui concerne la nature et la portée des tâches liées à l’application de la loi accomplies par des gardes de parc, Me Lambrecht a précisé que les gardes de parc sont nommés conformément à l’article 18 de la Loi sur l’Agence Parcs Canada qui se lit comme suit :

18. Le ministre peut désigner comme agent de l’autorité, à titre individuel ou au titre de son appartenance à une catégorie déterminée, tout fonctionnaire de l’administration publique fédérale ou tout employé d’une autorité provinciale, municipale ou locale ou d’un gouvernement autochtone dont les fonctions comportent le contrôle d’application de lois. Pour l’exécution de leur mission, qui est de faire respecter certaines dispositions de la présente loi et de ses règlements qui visent des parcs précis, ces agents de l’autorité jouissent des pouvoirs et de la protection que la loi accorde aux agents de la paix au sens du Code criminel.

[474] Me Lambrecht a précisé que l’article 2 du Code criminel donne une définition statutaire d’un agent de la paix. Il a mentionné qu’elle comprend la police, sans s’y limiter. Il en a conclu que les agents de police sont des agents de la paix mais que ce ne sont pas tous les agents de la paix qui sont des agents de police.

[475] Me Lambrecht a soutenu qu’au lieu de créer un service de police, l’article 18 de la LPNC autorisait seulement le ministre à nommer des gardes de parc à des fins particulières d’application de la loi. À cet égard, il a soutenu que les articles 4 et 8 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada confirmaient que le principal mandat de Parcs Canada et de ses employés est la gestion des ressources. Il a ajouté que la nomination en vertu de l’article 18 permettait à un garde de parc de faire respecter le Code criminel dans les limites de l’autorité pré-existante et de bénéficier de certaines mesures de protection seulement accordées aux agents de la paix.

[476] Me Lambrecht a insisté sur le fait que la LPNC ne crée pas un service de police. Une loi particulière, notamment la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ou une loi provinciale équivalente permet de créer des services de police. Il a précisé que le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada exige expressément que les agents de la GRC assurent le respect de la loi et le maintien de l'ordre dans les parcs nationaux. À cet égard, Me Lambrecht a mentionné l’article 42 du Code de conduite du Règlement de la GRC qui se lit comme suit :

42. Le membre autre que le membre civil doit prendre les mesures policières voulues pour aider toute personne qui encourt un danger ou qui se trouve dans une situation pouvant présenter un danger imminent.

[477] Me Lambrecht a soutenu également que le fait d’accorder le statut d’agent de la paix aux gardes de parc ne faisait pas d’eux des agents de police et que cela ne signifiait pas que les gardes de parc avaient un mandat de police. Cela confère plutôt au garde de parc le pouvoir d’appliquer le Code criminel dans les limites de l’autorité de Parcs Canada. À cet égard, il a cité la Cour suprême du Canada dans R. c. Nolan8 :

8

R c. Nolan, [1987], R.C.S. 1212

Sur le plan des principes, il est important de se rappeler que la définition d'un "agent de la paix" à l'art. 2 du Code criminel ne vise pas à créer un corps policier. Cette définition porte simplement que certaines personnes qui tirent leur autorité d'autres sources seront également considérées comme des "agents de la paix", afin qu'elles puissent appliquer le Code criminel par l'exercice de l'autorité dont elles se trouvent déjà investies et afin qu'elles puissent bénéficier de la protection accordée uniquement aux "agents de la paix". Toute interprétation plus large de l'art. 2 risque d'entraîner de grandes difficultés constitutionnelles.

[478] Me Lambrecht a précisé que, bien que l’article 18 de la LPNC confère une autorité générale, il ne précise pas comment elle doit être exercée. Ce sont généralement les politiques qui déterminent les obligations des gardes de parc assurant l’application de la loi. Ces politiques sont précisées dans le Law Enforcement Administration and Operational Manual et la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Les politiques limitent l’intervention. Me Lambrecht a fait remarquer que l’autorité générale conférée aux gardes de parc en vertu de l’article 18 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada n’éclipse pas et n’annule pas les politiques de l’employeur.

[479] À cet égard, Me Lambrecht a cité la capacité d’un service de police à influencer le mandat et l’exercice de la discrétion individuelle décrite à l’alinéa 118 de la décision, en anglais, prise dans R. c. Commissioner of Police, exparte Blackburn9, qui se lit comme suit :

9

R. v. Commissioner of Police, exparte Blackburn [1968] 2 QB 118

[Traduction]
Bien que les policiers soient assujettis à la loi, ils ont la capacité d’exercer leur discrétion en dehors du cadre de la loi. Ainsi, in incombe au commissaire de police ou à un agent en charge, selon le cas, de décider de mener une enquête, d’effectuer une arrestation ou d’engager une poursuite, dans un cas particulier. Il lui incombe d’assurer la disposition de ses forces et la concentration de ses ressources sur la scène d’un crime ou dans un secteur donné. Il peut également prendre des décisions sur les politiques et les mettre en vigueur, ce qui par exemple, s’est souvent produit lorsque aucune poursuite n’était lancée en cas de tentative de suicide.

[480] Me Lambrecht a soutenu que dans leur témoignage, certains gardes de parc interprétaient la phrase « préservation et maintien de la paix publique dans les parcs » comme s’il était de leur devoir d’intervenir dans des affaires relevant du Code criminel surpassant des fonctions d’application de la loi précisées dans la Directive 2.1.9, comme s’ils étaient des agents de police. Il a soutenu que ces témoins, des gardes de parc, pensaient qu’il y avait un conflit présumé entre les « attentes du public » ou les « obligations morales » subjectivement perçues, d’intervenir à la demande du public en exerçant l’application de la loi d’une manière qui dépassait les limites fixées par la politique et mettait leur vie en danger. Il a soutenu que la phrase « préservation et maintien de la paix publique dans les parcs » n’accorde aux gardes de parc que la protection des articles 231 et 235 du Code criminel.

[481] Me Lambrecht a précisé que la protection accordée en vertu de l’article 231 du Code criminel a été soulevée parce que le Parlement avait jugé bon d’inclure la phrase « préservation et maintien de la paix publique dans les parcs » dans l’article 18 de la LPNC. Les gardes de parc qui interviennent dans l’exercice de leurs fonctions en assurant la préservation et le maintien de la paix publique entrent donc dans le cadre de la protection accordée par les articles 231 et 235 du Code criminel. Il a mentionné qu’en vertu du paragraphe 231(4), le meurtre de toute personne employée à la préservation et au maintien de la paix publique, pendant de l’exercice de ses fonctions, est un meurtre au premier degré, que l’acte ait été planifié ou délibéré, et l’article 235 précise que la peine minimale est l’emprisonnement à perpétuité. Il a ajouté que l’article 25 du Code criminel permet aux gardes de parc d’avoir recours à une force meurtrière. Cependant, a ajouté Me Lambrecht, le seuil légal permettant le recours à une force mortelle est aussi défini dans le Code criminel et la Cour suprême du Canada le définit dans R. c. Pétel10 comme suit :

10

R. v. Pétel, 1 R.C.S. 3

… les trois éléments constitutifs de la légitime défense lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée: (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'agresseur.

[482] À cet égard, Me Lambrecht a ajouté qu’aucun des témoins n’a décrit un événement où ce seuil avait été atteint. Il a affirmé que l’évaluation de la probabilité du danger, dans ce cas, et la nécessité de fournir des armes de poing comme équipement standard doivent se rapporter au fait qu’un tel équipement est seulement employé lorsque les critères légaux soulignés dans le cas précité R. c. Pétel sont respectés.

[483] Me Lambrecht a précisé que les gardes de parc ne sont pas des agents de police, qu’ils n’ont pas le même mandat et ne courent pas les mêmes risques qu’un membre des services de police municipaux, provinciaux ou fédéraux. Il a souligné que le sergent Butler avait témoigné qu’il avait procédé à des centaines d’arrestations pendant ses huit ans de service et que son expérience était semblable à celle des autres agents du service de police de Calgary. Il a rappelé le témoignage de Duane Martin qui disait qu’il n’avait procédé à aucune arrestation depuis 1993. Il a maintenu que la différence quant à la fréquence des arrestations illustre les différences en matière de risque entre le mandat d’un agent de police et le mandat l’application de la loi des gardes de parc employés par Parcs Canada.

[484] De plus, Me Lambrecht a précisé qu’on ne peut pas comparer les gardes de parc aux agents de conservation des ressources ni aux agents d’application de la loi sur la faune du Canada parce que l’application de la loi ne représente approximativement que 15 à 25 pour 100 de leur temps et que les gardes de parc national n’ont pas le mandat d’aborder des chasseurs armés pour vérifier leur permis. Partant de cela, il a soutenu que les activités d’application de la loi des gardes de parc se comparent davantage à celles des agents de conservation des ressources provinciaux, qui ne sont pas armés, et que tout examen d’une norme de l’industrie visant le port d’une arme par les gardes de parc ne peut pas ignorer les agents de conservation provinciaux de l’Ontario et de l’Alberta.

[485] Me Lambrecht a soutenu que les gardes de parc ne sont pas obligés de vérifier les permis de chasse récréative à l’intérieur des limites du parc parce que la chasse est interdite dans les parcs nationaux. Il a maintenu que les membres d’organismes dont le mandat est semblable ont un statut d’agent de maintien de la paix, assurent l’application de la loi criminelle, possèdent et exercent des pouvoirs d’arrestation et portent des gilets pare-balles mais ne portent pas d’arme de poing. Il a précisé que les fonctions des gardes de parc se comparent beaucoup plus à celles des gardes de parc provinciaux. Il a donc soutenu que l’examen du port d’armes de poing en tant que « norme de l’industrie » ne peut pas ignorer les gardes de parc provinciaux.

[486] Me Lambrecht a rappelé que la politique actuelle de Parcs Canada concernant l’application de la loi élimine les activités à risque plus élevé, réduit la fréquence d’exposition aux autres activités d’application de la loi et atténue tout autre risque lié aux activités d’application de la loi exercées par les gardes de parc. Il a comparé l’examen qu’a fait Parcs Canada de son programme d’application de la loi aux exigences de la partie XIX (Programme de prévention des risques) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, en vertu de la partie II du Code canadien du travail, pour démontrer que l’Agence Parcs Canada s’était conformée aux exigences.

[487] Me Lambrecht a soutenu que Parcs Canada avait intégré une stratégie de conformité dans l’ensemble de ses fonctions et qu’elle permet de réduire le nombre d’occasions entraînant une activité d’application de la loi.

[488] Me Lambrecht a maintenu que les gardes de parc reçoivent une formation actualisée sur l’application contemporaine du MIGI et le recours aux tactiques de défense policières (TDP) pour qu’ils puissent réagir dans des situations où ils peuvent être assaillis ou menacés. Il a signalé que peu de gardes avaient mentionné le recours généralisé aux TDP en dehors de l’entraînement.

[489] Me Lambrecht a souligné le fait que les gardes de parc reçoivent de l’équipement moderne de protection défensive et ont accès à de l’équipement de communication moderne leur permettant de communiquer partout dans les parcs et d’avoir accès en temps utile au CIPC.

[490] Me Lambrecht a soutenu qu’une méthode d’identification et d’évaluation des risques, que les exigences en matière de rapport du Système national de suivi des incidents, que la formation des employés et l’évaluation du programme atténuaient les risques inhérents auxquels les gardes de parc font face lorsqu’ils assurent l’application de la loi. De plus, les gardes de parcs participent à un exercice de planification de l’application de la loi lors duquel des mesures d’atténuation supplémentaires sont définies et appliquées.

[491] Me Lambrecht a précisé que les gardes de parc comprennent qu’ils peuvent intervenir pour aider une personne exposée à un danger si cette intervention ne les met pas en danger ou ne fait pas en sorte qu’ils outrepassent les limites de la politique sur l’application de la loi de Parcs Canada énoncé dans la Directive 2.1.9. Selon cette directive, si les gardes de parc ne peuvent pas intervenir pour aider une personne exposée à un danger sans se mettre en danger ni outrepasser les limites de la politique sur l’application de la loi de Parcs Canada énoncées dans la Directive 2.1.9, les gardes de parc doivent observer, prendre des notes et signaler l’incident au service de police ou à une autre autorité appropriée. Ce sont là, a soutenu Me Lambrecht, les règles d’engagement des gardes de parc.

[492] Me Lambrecht a soutenu qu’il n’y a pas d’exposition aux risques de façon régulière ou envisagée car de telles situations sont exceptionnellement rares et inconnues dans les parcs nationaux en matière d’application de la loi. Il a mentionné l’étude sur la sécurité des agents menée par M. Evans qui reposait sur des milliers de rapports d’incident rédigés par des gardes de parc de tout le Canada. Il a mentionné également le Système national de suivi des incidents qui a été mis sur pied en 2003. Ni l’étude sur la sécurité des agents ni le Système national de suivi des incidents n’ont révélé de situations où des gardes de parc avaient été gravement blessés ou tués dans l’exercice de leurs activités d’application de la loi. Les données de ces études confirment que le risque qu’un garde de parc subisse des blessures graves ou meure est rare et que le risque de blessures est encore plus rare.

[493] Me Lambrecht a soutenu que la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 contenait des mesures permettant de résoudre tous les incidents auxquels ils avaient fait face sans être blessés ou tués. Il a mentionné le témoignage du garde de parc Hawkins concernant son intervention lors de plusieurs incidents et a souligné que tous avaient été résolus par l’intermédiaire d’une négociation verbale, d’un repositionnement tactique et de l’intervention du service de police. Il a ajouté que les gardes de parc n’étaient pas restreints à un ensemble d’outils pour appuyer le recours efficace de la force, à condition qu’ils soient justifiés de le faire. Par conséquent, les gardes de parc pouvaient utiliser leur arme d’épaule ou une autre arme improvisée.

[494] Me Lambrecht a mentionné que l’imprévisibilité du comportement humain ne serait pas modifiée si on donnait des armes de poing à tous les gardes de parc comme le demandaient l’AFPC et le garde de parc Douglas Martin. Il a soutenu que rares sont les événements où un garde de parc courait le risque d’être gravement blessé ou tué en ayant recours à une force meurtrière par l’utilisation d’une arme de poing comme seul moyen d’intervention efficace. Il a ajouté qu’il n’était pas sûr qu’une arme de poing serait utile ou nécessaire dans une telle situation. Il a souligné que la menace pouvait venir de l’extérieur de la portée utile d’une arme de poing ou à l’intérieur de ce qu’on appelle la « règle des 21 pieds ».

[495] Me Lambrecht a ajouté que le port d’une arme de poing par les gardes de parc pouvait représenter un risque pour ceux-ci. Il a cité le témoignage du professeur Stenning mentionnant que la vue d’une arme de poing pouvait rendre un sujet plus agressif envers l’agent d’application de la loi, que l’arme pouvait être subtilisée et employée contre l’agent; que l’arme de poing pouvait être utilisée pour une tentative de suicide, y compris par l’agent, ou qu’un coup de feu accidentel pouvait blesser quelqu’un et que l’agent pouvait être inculpé dans le cadre d’une affaire criminelle. Il a réitéré que les gardes de parc ont d’autres solutions, y compris le repositionnement tactique, la négociation verbale et des armes défensives intermédiaires.

[496] Me Lambrecht a soutenu qu’il fallait seulement avoir recours à une arme de poing dans des situations où un risque de blessure grave ou de mort existait. Une arme de poing ne doit pas servir à donner plus de confiance en soi à un garde de parc, à forcer quelqu’un à se conformer à la loi ni à intervenir audacieusement en cas de trouble de la paix publique à la demande pressante d’un membre du public.

[497] Me Lambrecht a précisé que l’AFPC n’a pas présenté de preuve autre que des anecdotes et des conjectures pour appuyer sa position voulant que les gardes de parc exerçant l’application de la loi courent plus de risque en raison d’amendes plus élevées en vertu de la LPNC. Il a soutenu que les amendes en vertu de la LPNC avaient substantiellement augmenté lorsque la LPNC avait été modifiée en 1988. Il a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve, au cours des 18 ans suivant les modifications, d’une relation de cause à effet entre l’augmentation des amendes et les risques auxquels les gardes de parc font face.

[498] Me Lambrecht a soutenu également que la LPNC prévoit une fourchette d’amendes et un plafond maximal. Il a signalé que les intimés n’avaient cité aucun cas investigué par un garde de parc où les tribunaux avaient appliqué l’amende maximale en vertu de la LPNC

[499] Me Lambrecht a ajouté que tout garde de parc qui prévoit être exposé au danger peut refuser de travailler en vertu de la partie II du Code canadien du travail. Il a souligné, à cet égard, que seul le garde de parc Douglas Martin l’avait fait.

[500] En ce qui concerne le Système national de suivi des incidents, Me Lambrecht a souligné que le système fait le suivi de tous les incidents violents, y compris les situations où un garde de parc fait l’objet d’un abus verbal ou de menace. Il a mentionné que le paragraphe 6.11 de la Directive 2.1.9 prévoit la surveillance et l’évaluation annuelle du programme d’application de la loi pour s’assurer que les unités de gestion et les parcs satisfont aux normes de la politique et que les lacunes et ambiguïtés à la politique nationale, aux normes et procédures sont corrigées dans les plus brefs délais.

[501] Me Lambrecht a relevé qu’on avait allégué que l’Agence Parcs Canada était intransigeante en refusant d’accepter les recommandations de tiers concernant le port d’armes par les gardes de parc. Il a soutenu que cette allégation néglige entièrement le fait que ces tiers avaient fait plusieurs autres recommandations concernant la santé et la sécurité des gardes de parc et que Parcs Canada en avait accepté plusieurs. Il a ajouté que l’élaboration d’un protocole d’entente moderne avec la GRC était en cours et que Parcs Canada se conformait aux alinéas 125(1)(z.03) du Code canadien du travail et à la partie XIX du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail, Programme de prévention des risques.

[502] Me Lambrecht a fait remarquer que la Cour fédérale avait confirmé qu’un agent d’appel pouvait recevoir une preuve anecdotique mais que le poids que lui accorde un agent d’appel peut faire l’objet d’un examen judiciaire. Il a soutenu que ce cas, en appui de la plainte, se caractérisait par une preuve anecdotique et était fondé sur une opinion. Me Lambrecht a fait une mise en garde en disant qu’une preuve anecdotique peut être erronée ou fausse et que les déductions basées sur une telle preuve peuvent être erronées parce qu‘elle n’est pas nécessairement typique.

[503] Me Lambrecht a soutenu qu’aucun organisme assurant l’application de la loi ne fournissait de l’équipement pour parer à tous les risques imaginables. Par conséquent, Parcs Canada n’avait pas manqué à son devoir en vertu du paragraphe 145(1) (contravention) et de l’article 124 (devoir de l’employeur) ni du paragraphe 145(2) (danger) du Code canadien du travail, en n’accordant pas d’arme de poing comme équipement standard aux gardes de parc.

[504] Me Lambrecht a soutenu qu’il n’est pas nécessaire que l’employeur prouve que l’ASS Grundie avait fait une erreur pour obtenir le redressement contre l’agent d’appel. À cet égard, il a cité la décision de la Cour fédérale dans Canadian Freightways11 et, plus récemment, la décision de l’agent d’appel Cadieux dans M. Juan Verville12.

11

Canadian Freightways Limited et Procureur général du Canada et Western Canada Council of the Teamsters, 2003 PCF no 391, P 2279-01

12

M.Juan Verville et quinze autres agents de correction et Service correctionnel du Canada, Institution pénitenciaire de Kent, BCA-SST, no 02‑013

[505] Sans égard à sa position sur le fardeau de la preuve, l’employeur a présenté que l’ASS Grundie avait commis des erreurs fondamentales dans sa méthodologie et dans son raisonnement. Par exemple, l’ASS Grundie n’a jamais observé d’activités d’application de la loi exercées par des gardes de parc au Canada malgré son manque de connaissances quant à leur mandat et à leurs tâches. De plus, l’ASS Grundie n’a pas conservé de notes sur le contenu des communications avec le plaignant Douglas Martin. Par ailleurs, l’ASS Grundie n’a interrogé un cadre supérieur qu’à la toute fin de son enquête et il ne lui a posé que trois brèves questions. Il n’a pas posé de questions à propos de la position de l’Agence quant aux documents ou aux affaires dont il était question et sur lesquels il s’est fié dans les motifs de sa décision, y compris la norme de diligence, l’orientation stratégique et le mandat des gardes de parc comparativement à ceux des services de police et des agents de conservation.

[506] Selon la présentation, l’ASS Grundie a également omis de joindre tous les documents pertinents à son rapport après avoir recueilli des documents par l’entremise de l’AFPC et de l’Association des gardes de parc. Il a tout particulièrement omis de joindre à son rapport final un courriel à propos d’un garde de parc victime d’une agression dans lequel le garde de parc écrivait qu’il avait craint que s’il avait eu une arme de poing, on la lui aurait subtilisée et on s’en serait servi pour le tuer.

[507] Me Lambrecht a soutenu que l’ASS Grundie a commis une erreur lorsqu’il a comparé le mandat d’application de la loi de Parcs Canada à celui d’un service de police municipal, provincial ou fédéral sans d’abord obtenir le mandat des services de police au Canada. Il a interrogé le sergent Butler du service de police de la ville de Calgary; cependant, ses notes de l’entrevue ne reflètent pas une compréhension de l’équipement particulier fourni au service de police de la ville de Calgary, à savoir un véhicule blindé de transport, de l’équipement de détection de bombes, de l’équipement de détection chimique, de l’équipement d’escouade anti-émeute et d’escouade de tireurs d’élite.

[508] Selon Me Lambrecht, l’ASS Grundie a commis une erreur lorsqu’il a comparé les gardes de parc aux agents de conservation, un agent provincial dans la plupart des administrations provinciales au Canada, sans savoir quoi que ce soit au sujet des fonctions de ces agents ni des conditions dans lesquelles ils travaillent. Il ne savait pas, en particulier, que la chasse était la principale activité que les agents de conservation régissaient.

[509] De plus, l’ASS Grundie n’a pas comparé les gardes de parc aux gardes forestiers provinciaux. Par conséquent, il ne savait pas que les agents provinciaux de l’Alberta et de l’Ontario exerçaient des activités d’application de la loi, y compris l’application du Code criminel, sans porter d’arme de poing comme équipement standard. À cet égard, le garde de parc Douglas Martin n’a pas informé l’ASS Grundie que les agents provinciaux du parc provincial de Kananaskis, adjacent au parc national de Banff, exerçaient des activités d’application de la loi sans porter d’arme de poing même s’il faut supposer qu’il connaissait ce fait.

[510] Me Lambrecht a soutenu également que l’ASS Grundie a commis une erreur parce qu’il a appliqué une norme erronée pour déterminer l’existence du danger en confondant possibilité pour probabilité.

[511] Me Lambrecht a allégué que la partie II emploi les termes risque et danger mais qu’elle définit uniquement le terme danger. Il a soutenu que, dans la langue commune, risque et danger sont des termes dont la signification se chevauche dans une certaine mesure et que, lorsqu’ils sont utilisés en séquence, ces termes reflètent une probabilité accrue de blessure ou de maladie de la personne qui y est exposée. Il a déclaré que la formulation « susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade… » qui se trouve dans l’article 122 du Code a intégré une probabilité dans la définition statutaire de danger.

[512] Me Lambrecht a allégué que le juge Rothstein a tenu compte de cette formulation dans l’alinéa 37 de la cause précitée Douglas Martin. Dans ce cas, a-t-il dit, la cour, à l’unanimité, a appliqué la norme civile de probabilités pour décrire la tâche de l’agent d’appel en revendiquant un danger. Le juge Rothstein a écrit ce qui suit : « La tâche du tribunal dans un tel cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer s’il est plus probable ou non que ce qu’un requérant allègue se produira dans le futur ». Selon Me Lambrecht, cela implique une pondération de la probabilité de la norme civile souvent décrite en tant que « prépondérance des probabilités ». Il a soutenu que cette norme est de beaucoup inférieure à la norme criminelle de preuve « hors de tout doute raisonnable » mais qu’elle est légèrement supérieure à la norme de « possibilité raisonnable » appliquée dans d’autres cas.

[513] Me Lambrecht a soutenu que les instructions émises par l’ASS Grundie devaient être annulées parce que cinq ans se sont écoulés depuis qu’elles ont été émises et qu’elles concernent des pratiques d’application de la loi qui n’existent plus. De plus, Me Lambrecht a soutenu qu’il faut tirer une inférence défavorable du fait que le garde de parc Douglas Martin n’a pas témoigné.

[514] Me Lambrecht a demandé que l’appel de l’employeur soit accueilli et que l’appel de l’AFPC et du garde de parc Douglas Martin soit rejeté.

Arguments des intimés

[515] Me Raven a présenté un résumé oral et écrit de l’argumentation dans sa plaidoirie. Bien que cette documentation ne soit pas reproduite dans la présente, elle a été soigneusement examinée et étudiée. Cependant, j’ai retenu ce qui suit aux fins de ma décision écrite.

[516] Me Raven a mentionné que ce cas était important en ce qui concerne la régularisation de la définition du mot danger dans le cadre des tâches d’application de la loi. Il a déclaré que le cas concernait des appels contre deux instructions émises par l’ASS Grundie, le 1er février 2001, en vertu de la partie II du Code canadien du travail, à la suite de l’enquête menée en raison de la plainte déposée par Douglas Martin, un employé de Parcs Canada au parc national de Banff.

[517] Me Raven a rappelé que l’ASS Grundie avait demandé à l’employeur, Parcs Canada, de prendre des mesures pour « écarter le risque, corriger la situation ou modifier la tâche d'application de la loi des gardes » ou de « protéger les gardes contre ce danger ». L’instruction a été émise en vertu des alinéas 145(2) a) et 145(2) b) du Code. Il a écrit ce qui suit dans sa décision :

Les gardes de parcs dont la tâche consiste à faire appliquer la loi en procédant à des patrouilles, au recueil de renseignements, à des enquêtes à la suite d'infractions possibles et à des arrestations pour les besoins de la gestion des ressources et le maintien de l'ordre public, tâche dans laquelle ils encourent des lésions corporelles graves ou la mort, ne sont pas pourvus de l'équipement de protection individuel nécessaire. Or, des agents accomplissant le même genre de tâche, tels que les agents fédéraux des pêches et ceux chargés de l'exécution de la loi sur la faune d'Environnement Canada, ainsi que les agents de conservation provinciaux, sont autorisés à porter une arme de poing dans des circonstances semblables.

[518] Me Raven a déclaré que le garde de parc Douglas Martin, représenté par l’AFPC, a fait appel de l’instruction de l’ASS Grundie parce que l’instruction aurait dû comprendre un ordre demandant que des armes de poing soient remises aux gardes de parc accomplissant des tâches d’application de la loi. Il a souligné que le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC demandaient également que l’agent d’appel établisse une procédure concernant l’identification et l’armement des gardes de parc à qui il incombe d’appliquer la loi.

[519] Me Raven a fait remarquer que dans la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale ne s’est pas prononcée sur les critères avec lesquels évaluer l’obligation de Parcs Canada d’assurer la santé et la sécurité de ses employés. Cependant, le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont soutenu qu’elle procurait une orientation significative sur la preuve que les agents d’appel devaient examiner. Il s’agit de la preuve concernant les incidents précédents, la nature de l’équipement de protection individuel et les particularités du travail d’application de la loi des gardes de parc.

[520] Me Raven a soutenu que le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont produit une preuve pour chacun de ces critères par l’entremise de leurs témoins et de leur contre-interrogatoire des témoins de Parcs Canada. Il a soutenu que la preuve établissait que l’application de la loi comporte fondamentalement l'imprévisibilité du comportement humain. De plus, en tant qu’agent de maintien de la paix, les gardes de parc exercent une vaste gamme d’activités d’application de la loi qui les exposent à des situations présentant des risques de voie de fait, de lésions corporelles graves ou de mort sans avertissement. La preuve confirme que les gardes de parc peuvent être confrontés physiquement à des sujets armés impliqués dans des activités criminelles.

[521] Me Raven a souligné que tous les témoins présentés par le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC avaient offert un témoignage sous serment traitant de ces questions. Tous, à l’exception de M. Edward Davis, connaissaient bien le travail des gardes de parc fédéral soit parce qu’ils avaient assumé ces tâches eux-mêmes ou parce qu’ils avaient un contact avec des gardes de parc dans le cadre de leurs responsabilités professionnelles.

[522] Me Raven a fait également remarquer que parmi les cinq témoins présentés par Parcs Canada, seul Robert Prosper était au service de Parcs Canada. Toutefois, il n’avait pas assumé de tâches d’application de la loi en vertu de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 en vigueur. Les autres témoins n’ont pas déclaré connaître le travail de garde de parc.

[523] Les conclusions finales de Me Raven comprennent une récapitulation du Code canadien du travail, partie II, et renferment les décisions ultérieures pertinentes de la Cour fédérale, de la Cour d’appel fédérale, des agents d’appel et du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI). Les assertions suivantes ont été faites à l’égard du présent cas :

  • La partie II du Code s’applique à Parcs Canada et aux employés de Parcs Canada, tel que stipulé dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (2003, ch. 22, art. 240).
  • Le Code révisé prévoit qu’aux fins d’un appel d’une directive émise par un agent de santé et de sécurité, un agent d’appel possède tous les pouvoir et devoirs d’un agent de santé et de sécurité.
  • À la suite d’un appel, l’agent d’appel peut, en vertu de l’alinéa 146.1(1), soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions d’un agent de santé et de sécurité, soit donner les instructions qu’il juge indiquées en vertu des paragraphes 145(2) ou (2.1).
  • Les pouvoirs d’un agent d’appel quant à la conduite d’un appel sont définis dans l’article 146.2 du Code.
  • L’effet combiné des articles modifiés du Code fait qu’un appel conduit devant un agent d’appel est considéré comme un nouveau cas permettant à l’agent d’appel d’examiner la preuve qui n’avait pas été présentée à l’agent de santé et de sécurité et d’appliquer des articles du Code que l’agent de santé et de sécurité n’avait pas examiné. Voir M. Juan Verville, supra, à l’alinéa 15; H.D. Snook13, à l’alinéa 2; Douglas Martin, CAF 156, supra, aux alinéas 27 à 29.
13

Snook v. Canadian national Railway (1991) 86 di 74, CLRB 895

  • Dans l’alinéa 28 de la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale acceptait que l’agent d’appel puisse déterminer à nouveau les articles du Code qui s’appliquent à une situation particulière.
  • Dans l’alinéa 29 de la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale a décidé qu’un agent d’appel avait la compétence de déterminer que les articles du Code que l’agent de santé et de sécurité n’avait pas retenus sont applicables et qu’une fois qu’un agent d’appel avait déterminé qu’un autre article était applicable, il devait exercer sa compétence en évaluant complètement l’applicabilité de l’article. Faire rien de moins est manifestement déraisonnable et constitue un rejet de compétence préjudiciable.
  • Dans les alinéas 20 à 24 et à l’alinéa 28 de la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale a confirmé que l’agent d’appel avait l’autorité d’examiner les affaires concernant l’obligation générale de l’employeur en vertu de l’article 124 du Code lorsqu’il se prononçait sur un appel. Toutefois, comme l’ASS Grundie avait décidé, en vertu du paragraphe 145(2), que les gardes de parc étaient exposés au danger et avait émis des instructions à cet égard, l’applicabilité de l’article 124 et du paragraphe 145(2) doit être complètement explorée dans ce cas.
  • Dans l’alinéa 25 de la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale a tout particulièrement attiré l’attention sur l’article 122.1 du Code, Objet, et l’article 122.2 du Code, Prévention des accidents et des maladies. Conformément à ces dispositions, un agent d’appel qui détermine qu’il n’est pas possible d’éliminer les risques ou de les atténuer peut, en vertu des paragraphes 145(1) et 145.1(2), demander à l’employeur de fournir un niveau approprié d’équipement de protection individuel, y compris des armes de poing, si l’agent d’appel le juge nécessaire pour assurer la conformité avec l’article 124. L’article 122.2 se lit comme suit :

La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

  • La définition de danger a été modifiée en 2000 lorsque le Code a été modifié. La nouvelle définition de danger a clarifié le fait que le danger n’avait pas à être imminent. Voir Annette Robitaille et al. et VIA Rail ltée14 à l’alinéa 68.
14

Annette Robitaille, Leonard Hawkins et Travailleurs canadiens de l'automobile et VIA Rail ltée, [2005], BCA-SST, no 55

  • Aux alinéas 37 à 41 de la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale a souligné qu’en évaluant si un risque potentiel, une situation ou une activité future pouvaient constituer un danger, il était approprié de tenir compte de la preuve concernant les circonstances passées et présentes afin de déterminer le niveau de probabilité des événements futurs. La Cour a également accepté qu’une preuve anecdotique d’incidents passés impliquant des gardes de parc, qu’une preuve que les gardes avaient reçu des gilets pare-balles, des armes d’épaule et d’autre équipement de protection individuel et que des descriptions de fonctions qui précisaient des activités d’application de la loi, y compris des confrontations physiques avec des sujets, était une preuve pertinente dont on aurait dû tenir compte lorsqu’on évaluait si l’AFPC et Douglas Martin avaient établi la présence d’un danger.
  • Par ailleurs, dans les alinéas 48 à 51 la cause précitée Juan Verville, la Cour fédérale a traité des genres de preuve qu’un juge des faits pourrait accepter comme suffisants pour appuyer une conclusion de danger dans des circonstances imprévisibles qui feraient en sorte qu’un employé soit blessé. Le juge Gauthier a déterminé que les opinions d’expert et de témoins ordinaires qui, en raison de leur expérience professionnelle, possèdent une grande expertise sont des genres de preuve acceptables. La cour a conclu que la preuve n’avait pas à se composer uniquement d’incidents antérieurs de blessure impliquant exactement la même preuve. Voir également Douglas Martin, supra, à l’alinéa 37.
  • La Cour d’appel fédérale a rejeté judicieusement la conclusion de l’agent d’appel Cadieux voulant que les risques de blessure découlant de l’imprévisibilité du comportement humain ne pouvaient pas constituer un danger dans le cadre de la définition contenue dans le Code. Voir Douglas Martin, supra, alinéa 35.
  • Un risque ou une situation tomberait sous la définition de danger s’il pouvait devenir une réalité ou un acte, même si quelqu’un ne pouvait pas établir avec précision quand il le deviendrait, aussi longtemps qu’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il provoque une blessure lorsqu’il se produira. Voir Martin, supra, alinéas 35 à 41, et Juan Verville, supra, alinéas 39 à 43.
  • À l’alinéa 33 de la cause précitée Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale a rejeté la conclusion de l’agent d’appel Cadieux voulant que les risques, pour les gardes de parc, étaient suffisamment atténués en raison de leur formation et de leur équipement de protection individuel. La Cour a également contesté le fait que l’agent d’appel Cadieux n’avait pas expliqué pourquoi d’autres mesures d’atténuation, notamment le port d’une arme de poing, ne réduirait pas davantage les risques de blessure.
  • De plus, la Cour fédérale a décidé dans la cause précitée Juan Verville,qu’il existe une distinction entre le niveau de risque inhérent à un emploi et que le niveau de risque dépend de la méthode appliquée pour accomplir un travail ou exercer une activité. La Cour a dit :

[55] [Traduction]
……Il serait illogique d’exclure un niveau de risque qui n’est pas une caractéristique essentielle mais qui dépend de la méthode appliquée pour accomplir un travail ou exercer une activité….

[524] Me Raven a soutenu que les articles 18 et 19 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada précise que le mandat des gardes de parc est double; il comprend l’application de la loi partout au Canada et, en tant qu’agent de la paix, la préservation et le maintien de l’ordre public dans les parcs. L’article 21 leur donne le pouvoir d’arrêter sans mandat pour toute infraction à la présente loi ou toute autre loi dans un parc national. Les pouvoirs exprès de perquisition et de saisie viennent appuyer l’exercice de ces pouvoirs d’arrestation.

[525] Selon Me Raven, l’article 26 de la LPNC condamne à des amendes substantielles les personnes déclarées coupables d’infraction à la loi. Par exemple, chasser, faire le trafic ou être en possession d’animaux sauvages, notamment des faucons, des serpents à sonnette, des ours grizzly ou des ours polaires, dans un parc ou en provenance de celui-ci est punissable, le contrevenant étant déclaré coupable, d’amendes variant de cent cinquante à deux cent cinquante mille dollars et de jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Chasser, faire le trafic ou être en possession d’animaux sauvages, notamment des loups, des cerfs, des orignaux, des saumons, des caribous ou des ours noirs dans un parc ou en provenance de celui-ci est punissable, le contrevenant étant déclaré coupable, d’amendes de cinquante à cent mille dollars et de jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

[526] Me Raven a souligné qu’en tant qu’agent de la paix, les gardes de parc sont expressément autorisés par l’article 25 du Code criminel à employer divers niveaux de force, y compris une force meurtrière, à condition que cela soit nécessaire. Ils ont également droit aux protections de l’article 34 du Code criminel à l’égard de l’emploi d’une force meurtrière.

[537] Me Raven a soutenu que l’ASS Grundie a tenu compte de tous les facteurs nécessaires pour parvenir à une décision dans cette affaire. L’ASS Grundie a interrogé des employés, la direction, le syndicat et des experts dans le domaine de l’application de la loi et de l’emploi de la force, y compris le M. Gary Bell en ce qui concerne son rapport sur les agents de conservation des ressources. Il a étudié des centaines de rapports d’incidents sur la sécurité des agents provenant de partout au Canada, rapports qui documentaient que des gardes de parc avaient été attaqués ou que leur vie avait été menacée. Il a examiné les principales études, évaluations et recommandations relatives à la question de sécurité et d’armement des gardes de parc, y compris un historique de la question de l’armement. Il a étudié les tâches et responsabilités des gardes de parc en matière d’application de la loi en vertu du Code criminel, de la LPNC et du Bulletin de gestion 2.1.9 en application de la loi en vigueur à ce moment. Il a examiné la formation sur l’emploi de la force que reçoivent les gardes de parc, leur équipement de protection individuel, les préceptes du MIGI, les questions d’imprévisibilité du comportement humain dans le contexte de l’application de la loi par des gardes de parc et le bien-fondé d’une arme d’épaule comme article de protection individuel. Il a tenu compte du fait que Parcs Canada se préoccupait de l’image et de l’impact que l’image de la faiblesse d’un agent pouvait avoir sur la décision d’un sujet d’agresser l’agent. Il a consulté le protocole d’entente entre la GRC et Parcs Canada et entre la Police provinciale de l'Ontario et Parcs Canada.

[538] Me Raven a souligné que la question de sécurité des gardes de parc n’était pas nouvelle. L’ASS Grundie a examiné des études connexes pendant qu’il enquêtait au sujet de la plainte du garde Douglas Martin voulant que les gardes de parc qui assumaient des responsabilités d’application de la loi étaient régulièrement mis en situation de danger selon la définition du Code.

[539] À cet égard, Me Raven a mentionné de l’étude de 1991, menée par Buker et Frey, qui concluait essentiellement que les gardes de parc ne se sentaient pas en sécurité lorsqu’ils accomplissaient leurs tâches d’application de la loi et que Parcs Canada ne devait pas leur permettre d’intervenir dans le cadre de leur mandat d’application de la loi sans avoir une politique, de l’équipement et une formation appropriés. Il a fait remarquer que Parcs Canada avait commandé l’étude et que l’Agence n’a pas présenté de preuve qui en contredisait la crédibilité.

[530] Me Raven a mentionné le rapport du cégep de Trois-Rivières de 1993, aussi demandé et payé par Parcs Canada. Il a indiqué que le rapport mentionnait l’examen du milieu de travail des gardes de parc dans le contexte de cinq activités types et formulait plusieurs recommandations. L’une d’elle était que les gardes de parc disposent d’un revolver de service pour leur protection. Me Raven a fait remarquer que Parcs Canada n’avait pas présenté de preuve pour attaquer la crédibilité de cette étude. Par ailleurs, il a signalé que Parcs Canada n’avait pris aucune mesure relativement à la recommandation du rapport du cégep voulant que les gardes de parc disposent d’armes de poing.

[531] Me Raven a rappelé qu’en 1996, Gary Bell avait mené une étude documentaire, recueilli des données quantitatives et entrepris une analyse inter-territoriales de la norme de l’industrie pour déterminer si on devait fournir des armes de poing aux agents de conservation de la Saskatchewan qui assumaient des fonctions de conservation des ressources. M. Bell a fait remarquer que l’atténuation du risque ne se substitue pas au besoin d’avoir un équipement de protection individuel. Me Raven renvoie à la page 19 du rapport de M. Bell où il a écrit que [traduction] « en fait, l’arrivée d’un agent de la paix peut susciter une agression avec force mortelle totalement imprévue ». M. Bell a également écrit que les agents de conservation se sentent mieux en mesure de maîtriser la situation lorsqu’ils ont reçu une formation, qu’ils sont équipés, supervisés et bien préparés. Il recommandait que les agents de conservation de la Saskatchewan disposent d’armes de poing. En 1997, ils ont reçu une arme de poing, en vertu d’une ordonnance d’un agent de la santé et de la sécurité du ministère du Travail de la Saskatchewan.

[532] Me Raven a fait remarquer qu’environ à la même époque que celle du rapport de M. Bell, Parcs Canada avait demandé l'Étude Rescue-3 pour déterminer le niveau de service des parcs de l’Alberta. L’étude recommandait que les parcs nationaux de la région de l’Alberta soient classés comme des parcs de « niveau 4 » de telle manière que les gardes de parc reçoivent une formation et soient munis d’une arme de poing. Parcs Canada n’avait pris aucune mesure à la suite de cette recommandation et n’avait présenté aucune preuve indiquant que l’Agence n’était pas d’accord avec la conclusion de l'Étude Rescue-3. Au contraire, Me Raven a rappelé que dans la preuve, M. Gaby Fortin, directeur de la région Ouest de Parcs Canada, disait que le rapport était « bien documenté » et que c’était « un produit d’une grande valeur ».

[533] Me Raven a mentionné le document intitulé Analyse de la question des armes à feu, 1999, par David Jivcoff, spécialiste principal de l'application de la loi, Administration centrale de Parcs Canada. Le document a été préparé pour mettre au point la politique d’armement actuelle et mettre en œuvre le port partiel d’armes aux Service des gardes de parc. Me Raven a soutenu que M. Jivcoff avait longuement mis l’accent sur la norme de l’industrie concernant les agents ayant un mandat de protection des ressources et des agents ayant un mandat de maintien de la paix publique. Il a déclaré que M. Jivcoff disait dans sa conclusion que Parcs Canada n’avait pas satisfait à cette norme à l’égard de ses gardes de parc parce que l’Agence refusait de leur fournir des armes de poing. Me Raven a maintenu que M. Jivcoff avait également étudié le bien‑fondé de l’emploi d’une arme d’épaule comme équipement de protection individuel et avait recommandé que des armes de poing soient remises aux gardes de parc exerçant des activités d’application de la loi.

[534] Me Raven a rappelé ensuite que le Groupe de travail national, aussi appelé Comité Victoria, avait été mis sur pied en 1999 pour formuler des recommandations sur la mise au point d’une politique d’armement. La direction de Parcs Canada reconnaissait qu’il serait nécessaire d’armer les gardes de parc dans certaines circonstances. Le Comité Victoria disposait du document détaillé préparé par M. Jivcoff. Après délibérations, le Comité a recommandé les critères à appliquer pour fournir des armes de poing aux gardes de parc. Toutefois, le directeur général de Parcs Canada, M. Tom Lee, a rejeté catégoriquement cette recommandation : « Si cette mesure avait été acceptée, a-t-il expliqué le 28 janvier dans une note de service, un grand nombre de gardes de parc auraient été admissibles à porter une arme de poing ».

[535] Me Raven a souligné que Parcs Canada avait conclu une entente avec le Justice Institute of B.C en 2001 pour qu’il formule des recommandations concernant les tâches d’application de la loi des gardes de parc. Il a noté que Parcs Canada demandait que ces recommandations soient conformes à la politique existante de Parcs Canada de non-armement des gardes de parc avec des armes de poing.

[536] Me Raven a signalé que M. Steve Hess, du Justice Institute of B.C., avait déclaré qu’il avait tenu compte des données relatives aux risques et aux blessures chez les agents de conservation provinciaux et les agents de police pour évaluer le risque potentiel de blessure dans les services de gardes de parc. Il a fait mention de la page 11 du rapport où M. Hess déclarait :

[Traduction]
Bien que jusqu’à maintenant il semble que les gardes de parc ne soient pas gravement blessés par d’autres personnes lorsqu’ils exercent des tâches d’application de la loi, il est clair que la question n‘est pas si mais quand un garde de parc sera-t-il gravement blessé ou tué en exerçant ses tâches d’application de la loi. Exercer l’application de la loi est imprévisible et rien ne peut être fait pour éliminer tous les risques. Les agences professionnelles d’application de la loi reconnaissent ce fait et s’efforcent de fournir à leur personnel une formation et de l’équipement de pointe pour permettre aux employés de mieux gérer les événements violents imprévisibles et arbitraires en apparence.

(Me Raven souligne)

[537] Me Raven a fait également remarquer que M. Hess décrivait un modèle de prévention des risques qui procure tout l’équipement de protection nécessaire aux agents d’application de la loi ainsi qu’une formation de niveau approprié. Selon M. Hess, cette approche proactive de l’atténuation des risques est « celle adoptée par les services de police et la plupart des agences de gestions des ressources en Amérique du Nord ».

[538] Me Raven a signalé également qu’Edward Davis, instructeur en enquêtes criminelles de l’unité Criminal Behavioural Science de la FBI Academy, avait témoigné à titre d’expert en emploi de la force dans un contexte d’application de la loi, y compris en utilisation d’armes à feu par le personnel responsable de l’application de la loi, de même que dans le domaine de la violence dont le personnel assurant l’application de la loi faisait l’objet.

[539] Me Raven a déclaré que M. Edward Davis avait interrogé des personnes jugées coupables d’avoir tué des agents d’application de la loi de même que des agents d’application de la loi qui ont survécu à des agressions. Une série d’articles et de rapports présentent les conclusions de cette recherche et plusieurs ont été présentés dans la preuve.

[540] Me Raven a souligné que M. Edward Davis avait déterminé par l’entremise de sa recherche que les personnes qui envisagent d’agresser un agent d’application de la loi évaluent d’abord, typiquement, leurs chances de réussite. C’est à dire si l’agent d’application de la loi semble hésitant, distrait, mal formé ou mal équipé – bref, un agent qui présente une image de « faiblesse » – court un risque accru d’agression spontanée. Selon M. Edward Davis, les agents qui ont été agressés ont dit avoir été attaqués sans aucun avertissement.

[541] Me Raven a déclaré qu’il est intéressant de remarquer que les rapports de l’inspecteur Browning, d’Edward Davis, du sergent Butler et du Justice Institute of B.C. présentés en évidence reconnaissaient tous la valeur des données américaines et louaient leur pertinence dans le contexte de l’application de la loi au Canada.

[542] Me Raven renvoie au rapport 2004 du Justice Institute of B.C. intitulé Review of Force Options Requirements of Greater Vancouver Transportation Authority Policy Service (GVTAPS) Designated Constables. Selon les auteurs, vingt ans de recherche en application de la loi confirment que les agents d’application de la loi courent des risques considérables d’être tués pendant qu’ils exercent des activités régulières, notamment les interventions pour des troubles de la paix, l’arrestation de contrevenants, les enquêtes concernant des suspects et l’interaction avec le public lors d’un contrôle routier. Le rapport établit également que les agressions envers un agent d’application de la loi surviennent souvent lorsqu’un suspect est intoxiqué, qu’un agent intervient lors d’un incident entre 22 h et 2 h, qu’un agent intervient en raison d’un rapport de dispute ou d’inconduite et qu’un agent de sexe masculin intervient lors d’incidents où les suspects sont aussi des hommes.

[543] Me Raven a souligné qu’une étude de 1995 par l’agent de la GRC Donald Loree concernant les circonstances d’une agression sur des agents de la GRC avait établi que l’alcool et les drogues avaient contribué au comportement des individus dans 69 pour 100 des incidents. Dans 25 pour 100 des cas où les agents ont demandé un renfort, les agents devaient résoudre eux-mêmes l’incident parce qu’aucun renfort n’était disponible ou qu’il n’était pas arrivé à temps. Selon le rapport, de manière significative, dans 13 pour 100 des incidents violents, les agents agressés n’avaient pas eu le temps de demander du renfort.

[544] Me Raven a rappelé l’étude de 2002 du caporal Brian Largy de la GRC concernant des agents de police canadiens tués entre 1980 et 2002. Le caporal Largy a découvert que les incidents qui provoquaient 36 pour 100 des meurtres de policiers étaient les contrôles routiers, les conflits familiaux et les vérifications de routine de personnes. Me Raven a déclaré que la recherche du caporal Largy contredit la théorie voulant que la seule présence de plusieurs agents de police protégerait un agent du danger puisque dans 54 pour 100 des meurtres, plus d’un agent de police était présent. Il a ajouté que cette étude avait établi que des modifications de l’étui à revolver et une formation sur la rétention des armes avait coïncidé avec une réduction significative de blessures ou de meurtres d’un agent avec sa propre arme : aucun agent de police canadien n’a été tué avec sa propre arme entre 1991 et 2002.

[545] Me Raven a soutenu que divers modèles de recours à la force ont été présentés en preuve, y compris le Modèle d'intervention pour la gestion des incidents (MIGI) et le modèle de recours à la force de l’Alberta Association of Chiefs of Police; de même que le Cadre national de l'emploi de la force. Il a maintenu que, sans égard à un plan particulier, l’objet de ces représentations visuelles est d’aider le public à comprendre le niveau de risque et les options d’intervention dont disposent les agents qui mènent des enquêtes et exercent des activités d’application de la loi, en général. Il a signalé que le modèle aide également les agents à déterminer le niveau de force approprié dans des situations données jusqu’à opter pour le recours à une force meurtrière en réaction à une menace de blessure grave ou de mort.

[546] Me Raven a souligné qu’un agent n’était pas obligé de suivre dans l’ordre les options de recours à la force établies dans le MIGI mais qu’il devait plutôt réagir en fonction du niveau de force employé par le sujet. Il a déclaré que l’évaluation des risques n’était pas un processus statique mais un processus continuel. Donc, à mesure que le comportement du sujet change, il en va de même de l’intervention de l’agent d’application de la loi. Dans tous les cas, l’objet de l’intervention est d’assurer la sécurité du public et il est entendu que la sécurité de l’agent est essentielle à celle du public.

[547] Me Raven a maintenu que la preuve était donc qu’un agent d’application de la loi doit pouvoir faire une transition en intervenant de manière appropriée à mesure que le comportement d’un sujet change. La preuve montre que cela ne peut s’accomplir que si l’agent a physiquement confiance dans sa capacité de la faire. Il a souligné que le MIGI ne dicte pas l’outil ni la technique avec lequel intervenir en employant une force meurtrière, mais repose sur la capacité d’un agent à passer d’une force meurtrière à une force moindre et à revenir à une force meurtrière si nécessaire.

[548] Me Raven a déclaré que tous les témoins experts en matière d’emploi de la force et de violence contre le personnel d’application de la loi reconnaissent que la présence d’un agent peut entraîner une dégénération ou une amélioration du comportement du sujet. Ils reconnaissent également que le simple fait qu’un agent d’application de la loi tient le rôle d’un agent de contrôle social suffit pour avoir cet effet sur un individu.

[549] Me Raven a rappelé que plusieurs agents d’application de la loi ont confirmé la thèse de M. Edward Davis voulant qu’un agent qui manque de confiance contribue à la violence d’une agression. Autrement dit, la présence d’un agent faible peut aussi provoquer une dégénération du comportement du sujet.

[550] Me Raven a déclaré que, selon la preuve, le MIGI établit que toute intervention exige qu’un agent envisage l’option d’un repositionnement tactique. Il a toutefois indiqué que tous les témoins, sans exception, reconnaissaient qu’un repositionnement tactique n’était pas toujours possible. Selon la preuve, cela n’est pas possible dans les circonstances suivantes : lorsque des limites physiques empêchent les agents de le faire, par exemple des barrières physiques; lorsque la sécurité du public empêche un agent de le faire ou lorsque le sujet empêche l’agent de le faire, notamment lors de l’agression d’un agent.

[551] Me Raven a fait remarquer que le sergent Butler mettait l’accent sur l’importance d’enseigner aux agents qu’un repositionnement tactique ou un « décrochage » n’était pas toujours possible. Il a expliqué ce qui suit

[Traduction]
En ne l’enseignant pas, un agent pourrait croire, par erreur, qu’il est toujours possible de décrocher. Cette croyance peut (et a) faire en sorte que des agents s’engagent dans des situations dont ils croyaient pouvoir se dégager en se repositionnant tactiquement, situation dans lesquelles ils n’auraient pas dû s’engager. Cette croyance irréaliste entraîne directement une attitude de suffisance et de trop grande confiance en soi; deux des principales raisons pour lesquelles les agents sont agressés, blessés et tués.

[552] Me Raven a déclaré que le sergent Butler, dans son témoignage, disait que la matraque et le gaz poivré sont des dispositifs intermédiaires que l’agent d’application de la loi peut employer pour réagir à un comportement hostile. Ils ne sont pas destinés à réagir à une menace de blessure grave ou de mort. C’est pourquoi l’agent d’appel n’a pas entendu en preuve une formation qui enseigne aux agents comment employer une force meurtrière avec le gaz poivré ou la matraque.

[553] Me Raven a soutenu que personne ne niait que lors d’un affrontement stressant, un agent applique la formation qu’il a reçue. Étant donné que les gardes de parc reçoivent une formation pour éviter d’employer une force meurtrière avec une matraque, il est irréaliste et déraisonnable de s’attendre à ce qu’un garde ignore cette formation lors d’une agression et emploie la matraque avec une force meurtrière. Les gardes de parc appelés à témoigner par les intimés ont dit qu’ils doutaient pouvoir planifier et exécuter un tel plan lorsque leur vie était menacée. Le garde Mark McIntyre a caractérisé son potentiel cognitif de « panique totale » si sa vie était menacée. Le sergent Butler et M. Craig Hockley ont également douté de la réussite d’une telle stratégie.

[554] Me Raven s’est rapporté aux éléments qui prouvent que le gaz poivré n’est pas efficace en toutes circonstances et peut même éveiller l’hostilité d’une personne plutôt que permettre de la maîtriser. Il a indiqué que le sergent Butler et le garde de parc Deagle ont tous deux exposé les limites de son utilisation : il faut plusieurs secondes avant qu’il n’agisse; il peut n’avoir aucun effet sur le sujet, particulièrement s’il est sous l’emprise de l’alcool et de drogues; le gaz peut atteindre et exercer ses effets sur l’agent; il est inefficace contre les personnes qui portent des lunettes; et pour des raisons évidentes, il est dangereux de l’utiliser en cas de vent.

[555] Me Raven a indiqué que tous les témoins qui portent une arme de poing disent qu’elle constitue un dispositif essentiel pour pouvoir recourir à un degré de force meurtrière en cas de menace de blessure grave ou de mort. Tous les témoins sans exception équipés d’une arme de poing ont déclaré qu’ils ne pourraient pas exercer leurs fonctions d’application de la loi sans cette arme. Par ailleurs, plusieurs témoins ont expliqué que l’arme de poing est la seule arme à feu qui permet aux agents d’application de la loi d’atténuer rapidement les risques de blessure de grave ou de mort tout en leur donnant la possibilité de recourir à l’usage d’une force moindre.

[556] Me Raven s’est rapporté aux éléments qui confirment que les avantages d’une arme de poing par rapport à une arme d’épaule sont aussi caractéristiques que nombreux : une seule main suffit pour dégainer, la seconde n’est pas mobilisée, le geste est donc plus rapide; l’arme de poing est bien plus facile à transporter que l’arme d’épaule; elle est plus facile à conserver en cas de lutte; elle est plus facile à utiliser aux distances auxquelles la plupart des agressions ont lieu; elle n’engendre pas les dommages collatéraux d’une arme d’épaule et inquiète moins le public que la vue d’une arme d’épaule. En bref, l’agent accède facilement à son arme de poing, même lorsque le risque n’est pas prévisible.

[557] Me Raven s’est rapporté au témoignage de l’inspecteur Browning, qui a expliqué de la manière suivante la nécessité de porter une arme de poing :

[Traduction]
... On est conscient du fait que dans le cadre de leurs fonctions, les agents sont parfois obligés de se mettre en danger. On leur fournit une arme à feu pour répondre à votre question, pour qu’ils exécutent leur mandat qui consiste à assurer la sécurité du public et de la police.

[558] Me Raven a déclaré que dans de nombreux documents de Parcs Canada, par exemple dans la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 et dans le Law Enforcement Administration and Operational Manual, il est indiqué que les gardes de parc sont susceptibles de se retrouver dans une situation d’une telle extrémité. Brett Moore, ancien gestionnaire de la conservation des ressources à Parcs Canada, a également confirmé que le risque de blessure ou de mort est bien réel pour les gardes de parc :

[Traduction]
On sait qu’aucune garantie ne peut être donnée. Les agents peuvent se retrouver dans une situation où il leur est indispensable de recourir à un degré de force meurtrière pour se défendre ou défendre une tierce personne.

[559] Me Raven a rapporté les propos du sergent Butler, selon lesquels il est légitime qu’un agent d’application de la loi fasse usage d’une force d’un cran supérieur au degré de force ou de résistance dont fait preuve le sujet, afin d’assurer la sécurité du public et la sienne.

[560] Me Raven a attiré l’attention sur le témoignage de nombreux témoins sur le « principe du cran » supérieur. Il a indiqué que les témoins formés à l’usage de la force avaient confirmé que ce principe est généralement en adéquation avec le principe juridique d’autodéfense. Plus de 90 p. 100 des conflits violents avec des agents d’application de la loi sont amorcés par le sujet, et le principe du cran de force supérieur illustre la nécessité bien réaliste de maîtriser la situation en recourant à une possibilité d’intervention déterminante.

[561] Sur la question de l’imprévisibilité du comportement humain, Me Raven a attiré l’attention sur le témoignage de plusieurs témoins experts, selon lesquels le comportement humain est souvent imprévisible. D’autres éléments montrent qu’un nombre considérable d’agressions envers des agents d’application de la loi sont spontanées et ne peuvent être détectées grâce à une évaluation des risques. Les témoins conviennent que les agents d’application de la loi peuvent se retrouver dans une situation donnant lieu à des risques de blessure grave ou de mort sans signe avant-coureur.

[562] Me Raven s’est rapporté aux témoignages de gardes de parc qui ont indiqué que leurs craintes pour leur santé et leur sécurité sont directement liées à leur manque de formation et à l’absence d’équipement qui leur permettraient de réagir à ce type de menaces imprévues de blessure grave ou de mort. Il importe de noter que cette crainte était répandue lorsque les gardes de parc accomplissaient leurs fonctions d’application de la loi en vertu de l’ancien Bulletin de gestion 2.1.9 en application de la loi à Parcs Canada, et qu’elle est toujours présente maintenant qu’ils exercent en vertu de l’actuelle Directive 2.1.9.

[563] Me Raven a rappelé que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux rejeté la notion selon laquelle l’imprévisibilité du comportement humain ne pourrait constituer un danger dans le cadre d’activités d’application de la loi.

[564] Dans sa Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 de 2003, Parcs Canada a énoncé une série de stratégies visant à atténuer le risque que les gardes de parc soient exposés à des blessures ou à la mort. Les intimés soutiennent que toute politique d’atténuation des risques doit tenir compte des interactions dynamiques en jeu dans une situation dangereuse et des conséquences pour l’agent.

[565] En ce qui a trait aux interactions dynamiques en jeu, Me Ravena déclaré que selon le témoignage d’expert de M. Edward Davis, l’interaction entre un agent d’application de la loi, un sujet et les circonstances qui les réunissent sont les éléments constitutifs de toute situation susceptible de comporter un danger. Il a ajouté que M. Edward Davis qualifie cette notion de « mélange fatal ».

[566] Me Raven a déclaré que, quoique la Directive 2.1.9 modifiée entend porter sur le comportement à adopter par les gardes de parc, elle ne porte ni sur les circonstances donnant lieu à un affrontement, ni sur le comportement du sujet.

[567] En ce qui a trait aux conséquences pour l’agent, les intimés ont allégué que toute politique relative au besoin de posséder un équipement de protection devrait reposer sur le principe selon lequel si la fréquence est faible, le risque est néanmoins élevé. Me Raven a signalé que selon les témoignages du sergent Butler et de Craig Hockley, ce principe repose sur la conviction que, si l’on sait que les conséquences d’un événement particulier seront désastreuses ou critiques pour une personne, il faut prendre des mesures de prévention pour éviter une telle issue désastreuse, quelle que soit la probabilité que cet événement puisse se produire.

[568] Me Raven a ajouté que Craig Hockley, Dave Hanna et Garry Bogdan ont tous déclaré ne s’être jamais servi de leur arme de poing dans une situation d’application de la loi. Ils ont toutefois tous affirmé qu’ils n’accompliraient pas leurs fonctions sans porter leur arme.

[569] Les intimés ont fait valoir que Parcs Canada n’avait fourni aucune raison cohérente justifiant sa décision de mettre en œuvre ces stratégies particulières d’atténuation du risque. Malgré l’intention déclarée de Parcs Canada que Brian Evans témoigne à l’audience et établisse une base statistique des changements apportés aux fonctions d’application de la loi des gardes de parc, il n’en a rien été.

[570] Me Raven a fait référence au témoignage de Duane Martin, rédacteur principal de l’ancien Bulletin 2.1.9 et spécialiste de l’application de la loi chargé d’interpréter et d’expliquer la Directive 2.1.9. Son témoignage confirme que la Directive 2.1.9 contient toujours la notion de responsabilité de faire appliquer la loi en lien avec la protection des ressources. Me Raven a ajouté que la paix publique demeure un sous-ensemble des activités que les gardes de parc continuent d’exercer. Selon Duane Martin, l’équipement fourni aux gardes de parc est le même; les gardes de parc remplissent toujours les tâches suivantes : éducation, enquêtes, patrouilles, surveillance, obtention et exécution de mandats de perquisition; les gardes de parc ont toujours le pouvoir d’arrestation en vertu de la LPNC et dans les cas d’infractions au Code criminel; les gardes de parc émettent toujours des avertissements; et ils prennent toujours part à des activités de perquisition et de saisie.

[571] Me Raven a indiqué que le témoignage de Mark McIntyre confirmait que les activités liées à l’application de la loi découlant d’interventions pour des troubles à la paix publique sont aussi fréquentes depuis la mise en œuvre de la Directive 2.1.9 qu’elles ne l’étaient à l’époque du Bulletin 2.1.9. Il a également témoigné au sujet de sa demande de port d’une arme de poing dans le cadre de ses fonctions d’application de la loi à l’époque du Bulletin 2.1.9, demande qui ne fut jamais approuvée.

[572] Me Raven s’est rapporté aux témoignages de Robert Prosper et de Duane Martin, à la Directive 2.1.9 et au Bulletin 2.1.9, et a déclaré que la définition même d’application de la loi qui figure dans la nouvelle directive montre clairement que les gardes de parc continuent d’exercer le même éventail d’activités liées à l’application de la loi que celles indiquées dans la définition d’application de la loi qui figure dans l’ancien Bulletin 2.1.9. En particulier, les gardes de parc continuent d’enquêter sur les infractions à la paix publique, d’intercepter des véhicules, d’enquêter sur les infractions relatives à la protection des ressources, y compris le braconnage, et d’interagir dans le cadre de fonctions d’application de la loi avec des personnes qui sont sous l’emprise de l’alcool ou de drogues. Ils poursuivent ces activités la nuit, dans des zones éloignées ou en tout cas peu hospitalières d’un point de vue géographique, sans pouvoir raisonnablement compter sur des renforts viables. Toutes ces activités sont qualifiées en termes clairs d’activités dangereuses dans les témoignages. Me Raven a fait remarquer que Parcs Canada n’avait fait comparaître aucun garde de parc exerçant ses activités depuis la mise en vigueur de la Directive 2.1.9 pour contredire ces témoignages.

[573] Me Raven a fait référence aux témoignages des gardes de parc Deagle, McIntyre et Hawkins qui ont déclaré que, dans l’avant-pays, leurs tâches liées à l’application de la loi consistaient à intervenir pour des problèmes de bruit et de troubles à la paix publique, à procéder à des vérifications d’immatriculation, à gérer les incompatibilités entre l’être humain et la nature, à enquêter sur des infractions relatives à la protection des ressources et à patrouiller dans les zones de camping. Leurs témoignages ont également confirmé que les activités liées à l’application de la loi dans l’arrière-pays consistaient également à vérifier les permis, à patrouiller dans les campings, à mener des opérations à découvert ou secrètes visant à appréhender les braconniers, et à enquêter sur les rapports d’infractions liées à la protection des ressources et sur les infractions accidentelles liées à la protection des ressources causées par les véhicules, tels que les motoneiges.

[574] Me Raven a souligné que, selon le garde de parc Deagle, les gardes de parc peuvent également être amenés à constituer des barrages routiers et à intercepter des véhicules pour prévenir les conducteurs en cas de fermeture de routes. Ils arrêtent les véhicules pour des infractions liées à la protection des ressources, en cas de conduite hors des routes en vertu de la LPNC et pour des questions de sécurité publique. Ils apportent également leur assistance s’ils aperçoivent un véhicule arrêté ou en panne sur le bord de la route.

[575] Me Raven a fait remarquer que tous les gardes de parc qui ont témoigné ont déclaré qu’environ 25 p. 100 de leur travail consiste à faire appliquer la loi. Cette activité peut être fortuite et survenir alors qu’ils sont occupés à d’autres tâches; ils sont régulièrement amenés à intervenir suite à l’appel d’un répartiteur ou d’un autre membre du personnel du parc sans posséder beaucoup de précisions sur la situation.

[576] Me Raven a déclaré que le garde de parc Hawkins a décrit de nombreux incidents qui lui ont fait craindre pour sa sécurité. Il devra continuer de faire face à la majorité d’entre eux en vertu de la nouvelle Directive 2.1.9. Le garde de parc Deagle a confirmé que les gardes de parc n’ont pas senti une grande différence dans leur travail depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle directive.

[577] Me Raven a souligné un autre élément : tous les gardes de parc sont également désignés agent des pêches en vertu de la Loi sur les pêches et aux fins de son application. Les gardes de parc, tels que M. McIntyre, sont également autorisés à faire appliquer la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

[578] Me Raven a cité le témoignage du garde de parc Hawkins, pour qui le fait d’exercer d’autres activités, telles qu’assurer la sécurité publique ou faire des recherches sur la faune, ne change ni n’enlève rien au fait qu’il est d’abord et avant tout un garde de parc responsable, en vertu de l’article 18 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, de l’intégrité écologique et de la sauvegarde de la paix publique. Le garde de parc Hawkins a déclaré que lorsqu’il n’exerçait pas ces autres activités, c’est à cela qu’il songeait, et c’est à cela que songent également ses collègues lorsqu’ils exercent leurs tâches quotidiennes.

[579] Me Raven a rappelé que M. Edward Davis avait déclaré qu’il était facile de constater que les gardes de parc sont des agents d’application de la loi. Leur uniforme est similaire à celui de la GRC, leur ceinturon de service comporte tout un équipement de protection bien visible – menottes, gaz poivré et matraque – et ils portent un gilet pare-balles. Ils conduisent un véhicule comportant un insigne officiel et équipé d’un ensemble lumineux. Il a fait également remarquer que de nombreux témoins ont déclaré qu’on confondait généralement les gardes de parc avec d’autres agents d’application de la loi, notamment les membres de la GRC et les employés d’autres organismes équipés d’une arme de poing.

[580] Me Raven s’est rapporté aux témoignages du garde de parc Duane Martin et de l’inspecteur Browning, ainsi qu’au rapport d’expert de M. Edward Davis, selon lesquels les agents d’application de la loi ont parfois peu, voire pas d’information sur les sujets avec lesquels ils interagissent. Mais les sujets, eux, peuvent penser que leurs antécédents criminels ont été ou sont divulgués aux agents, par le CIPC par exemple. Ceci peut notamment être le cas lorsque le sujet est sous l’emprise de l’alcool ou de drogues, qu’il est paranoïaque ou ne réfrène pas son envie d’agresser l’agent.

[581] Me Raven a attiré l’attention sur le témoignage du sergent Butler selon lequel, dans un tel contexte, une situation en apparence à « faible risque » telle que le fait de s’approcher d’un campeur pour lui communiquer un avis de tempête en cours, peut amener le sujet à initier une agression. Il est incontestable que les agressions qui surviennent dans le cadre d’interactions routinières sont rarement liées au motif initial de l’interaction avec le sujet.

[582] Me Raven a indiqué que le sergent Butler a également déclaré que, selon des études effectuées par le FBI en 2004, entre 42 et 50 p. 100 de toutes les agressions des agents d’application de la loi sont portées à une distance n’excédant pas 1,50 m (5 pieds), distance à laquelle les agents interagissent avec le public. Il a ajouté que l’étude Loree relative aux agressions sur les membres de la GRC a établi de manière probante que dans une proportion considérable des cas, les agents n’avaient pas le temps de demander des renforts avant d’être agressés. Pour lui, cela montre qu’un grand nombre d’agressions perpétrées sur des agents d’application de la loi se produisent spontanément, sans signe avant-coureur. Il a ajouté que le repositionnement tactique n’est pas possible lorsqu’un agent se fait agresser.

[583] Me Raven a souligné les témoignages des témoins experts, l’inspecteur Browning et Edward Davis, et des gardes de parc Martin, Deagle, Hawkins et McIntyre, qui ont déclaré, sans être contredits, que le recueil d’information est crucial dans l’évaluation des risques. Ils ont déclaré que Parcs Canada allait à l’encontre du but recherché en interdisant aux gardes de parc d’intervenir à partir d’information transmise au sujet de troubles à la paix publique, mais en les autorisant à exercer des activités d’application de la loi dans le cas de troubles à la paix publique auxquels ils doivent faire face par hasard. Les gardes de parc qui se retrouvent dans une situation où ils doivent faire appliquer la loi en vertu de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 révisée se disent très préoccupés par le risque que cet aspect de la politique les mette en plus grand danger. Les intimés maintiennent qu’absolument rien ne prouve que cela renforce la sécurité des gardes de parc, et qu’il existe même des raisons évidentes de penser que les situations où les agents sont appelés à faire appliquer la loi sans avoir reçu d’information précise au préalable sont plus dangereuses que lorsqu’ils interviennent suite à un appel. Me Raven a ajouté que dans le parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, cette politique a carrément été écartée par la direction de l’unité de gestion, et que les gardes ont reçu l’ordre d’intervenir en cas d’appel du personnel du parc pour des questions de sécurité.

[584] Me Raven a indiqué que tous les témoins qui exercent en tant que gardes de parc ont confirmé qu’intercepter un véhicule pour diverses raisons faisait partie des responsabilités des gardes. Il a souligné que, selon le sergent Butler et Edward Davis, les agents d’application de la loi ne sont pas en mesure de savoir avec certitude ce que les personnes dont ils s’approchent ont en tête, ni à quelles activités criminelles ils peuvent récemment avoir pris part. Il a ajouté que les vidéos montrées par le sergent Butler illustrent très clairement ce propos, tout comme les recherches citées par le sergent Butler et Edward Davis dans leurs rapports. Il a fait remarquer que Jurgen Deagle et Anders Hawkins ont également tous deux cité des exemples d’incidents où ils se sont approchés de véhicules pour des raisons de sécurité publique, pour y trouver un occupant extrêmement agressif ou connu pour être violent à l’égard des services de police.

[585] Me Raven a souligné qu’on peut évaluer le risque inhérent aux interceptions routières en se fondant sur les propos du sergent Butler et de l’inspecteur Browning, qui ne les qualifient pas d’activités « à faible risque ». Selon ces agents, on les qualifie plutôt d’activités « à risque inconnu », en partie pour que les agents ne relâchent pas leur vigilance dans ces situations.

[586] Me Raven a indiqué que plusieurs gardes de parc ainsi que d’autres témoins exerçant leur mandat de protection des ressources ont décrit les dangers que représente l’interception de braconniers et d’autres personnes commettant des infractions à la protection des ressources. Duane Martin a présenté des éléments qui prouvent la présence de braconniers à l’intérieur et aux alentours du parc national Mont-Riding, dans le sud du Manitoba. Ces braconniers sont connus pour leur lourd dossier criminel et sont fichés dans la base de données du CIPC, assortis pour certains de la mention « attention, individu violent ». Craig Hockley a expliqué l’existence d’un marché noir pour des parties et des trophées animaux et a décrit le braconnage comme une activité lucrative tant que le braconnier ne se fait pas surprendre.

[587] Me Raven a mentionné le témoignage de Garry Bogdan, qui a expliqué que des études confirment que plus de 60 pour 100 des personnes accusées d’infraction à la protection des ressources ont déjà enfreint le Code criminel; plus de 35 pour 100 d’entre elles sont désignées comme ayant un comportement violent ou ont déjà été accusées d’infractions graves au Code criminel. Garry Bogdan a également transmis des données de la province de la Saskatchewan sur les chasseurs nocturnes et déclaré que plus de 80 pour 100 des accusés avaient déjà commis d’autres infractions au Code criminel. Garry Bogdan a indiqué que les braconniers peuvent aussi être sous l’emprise de l’alcool ou de drogues et en possession d’armes à feu de gros calibre. Il a ajouté que les espèces sauvages étaient considérées par les braconniers comme une marchandise qui rapporte de l’argent et que leurs chances d’être surpris étaient minimes.

[588] Me Raven a rappelé le témoignage du garde de parc Deagle et fait référence au plan d’application de la loi du parc national Jasper. Il ne faut pas oublier, a-t-il dit, que les gardes de parc croisent des braconniers dans des endroits extrêmement reculés, sans pouvoir compter sur des renforts immédiats, et parfois sans être munis d’un équipement de communication en état de fonctionner. Ils peuvent également se retrouver face à face avec des braconniers alors qu’ils travaillent seuls. Le plan d’application de la loi de Jasper, par exemple, mentionne le risque de rencontre fortuite avec des braconniers et souligne que le nombre de braconniers appréhendés ne reflète pas précisément l’ampleur de cette activité illégale.

[589] Me Raven a déclaré que plusieurs plans d’application de la loi attestent d’autres préoccupations pour la sécurité des gardes de parc. Il a fait référence au plan d’application de la loi du lieu historique national de la Piste-Chilkoot, qui mentionne qu’on sait pertinemment que les personnes qui ne sont pas autorisées à entrer légalement au Canada empruntent cette piste pour y entrer et peuvent être en possession d’une arme à feu. Il a fait également référence au plan d’application de la loi du parc national Mont-Riding, dans lequel est exposé un problème concernant les bouteilles d’alcool débouchées et les dangers de la navigation de plaisance. Il a mentionné aussi au plan d’application de la loi de la Réserve du parc national Gwaii Haanas, qui indique que les gardes de parc peuvent se retrouver nez à nez avec des personnes armées ou ayant une arme à portée de main, ou face à des personnes en train d’effectuer des passages de clandestins. Selon Me Raven, les plans d’application de la loi de Yoho, de Kootenay et de la région du lac Louise indiquent que la Route transcanadienne engendre de nombreux problèmes de sécurité pour les agents, en raison notamment des trafics de drogues et autres marchandises de contrebande. Ce point a été confirmé par Duane Martin. Il est également précisé dans ce plan que les gardes peuvent se retrouver face à face à ce type de personnes dans le cadre d’activités d’application de la loi consécutives à des infractions à la gestion des ressources.

[590] Me Raven a souligné que le Law Enforcement Proficiency Training Manual de Parcs Canada décrit toute une série d’actes violents dont les gardes de parc doivent s’attendre à pouvoir être victimes dans l’exécution de leurs fonctions, dont des agressions au couteau, au bâton de baseball et à la massue, l’utilisation d’armes à feu et les coups de pied à une personne inconsciente. Par ailleurs, les scénarios de formation des gardes de parc partent du principe qu’aucuns renforts policiers ne seront disponibles. Les intimés ont fait valoir que la seule solution consiste à s’adapter à la situation vu qu’il n’y a pas de service de police dans les parcs nationaux.

[591] Me Raven a signalé qu’en décrivant les activités d’application de la loi des gardes de parc, Steve Hess a déclaré que les circonstances dans lesquelles les agents de police courent le plus de risques d’être blessés ou tués englobent les interventions en cas de troubles à la paix publique, les arrestations, le traitement des prisonniers, la réalisation d’enquêtes sur des suspects et les interruptions de circulation. Me Raven fait remarquer que les gardes de parc exercent toutes ces activités, à l’exception des interventions dans des bagarres de bar, et que si ces activités devaient se produire en dehors d’un parc national, elles entraîneraient, pour une grande partie, l’intervention d’agents de police pleinement armés, renforcés par un ou deux autres policiers. Le sergent Butler a confirmé cette observation dans son témoignage.

[592] Me Raven est revenu sur le témoignage du sergent Butler et des gardes de parc Deagle et McIntyre, ainsi que sur la directive du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne. Il a déclaré que le gilet pare-balles fourni aux gardes de parc ne les protège pas de toutes les agressions dont ils pourraient être victimes dans le cadre de leurs fonctions d’application de la loi. Ils peuvent être poignardés à l’arme blanche, à l’aide par exemple de couteaux de pêche ou de chasse, et être la cible de fusils de gros calibre ou de fusils de chasse, armes le plus communément utilisées par les braconniers. En fait, le revêtement intérieur du gilet pare-balles montre les limites de ses qualités de protection. Me Raven a expliqué que le gilet pare-balles est destiné à protéger contre les agresseurs prêts à tirer avec une arme de poing, ce qui montre bien que Parcs Canada accepte la vraisemblance de cette menace.

[593] Me Raven a fait référence aux recherches de la GRC et aux témoignages verbaux des experts Butler et Davis, qui établissent que la simple présence de plusieurs agents de police n’est pas, en soi, un élément dissuasif pour un agresseur. Dans 53,8 % des cas de meurtres d’agents de police perpétrés entre 1980 et 2002 au Canada, plus d’un agent était présent au moment du drame. Il a ajouté que le sergent Butler et Edward Davis ont catégoriquement rejeté l’idée que des patrouilles constituées de deux personnes puissent être un bon substitut au port d’une arme de poing. Ces témoignages n’ont pas été contredits.

[594] Me Raven s’est rapporté aux témoignages des gardes de parc Deagle, Hawkins et McIntyre, de MM. Hanna, Bogdan et Mongrain, et du sergent Butler concernant le CIPC. Me Raven a maintenu que si ce système est important, il n’est pas infaillible dans son rôle d’élément d’atténuation du risque. Le CIPC subit des coupures « prévues » et « imprévues » durant lesquelles ses utilisateurs ne peuvent accéder à la base de données. Il a ajouté que les gardes de parc et d’autres agents d’application de la loi ont témoigné sur l’indisponibilité régulière du CIPC le dimanche matin, et des témoins lui reprochent également les délais de réponse à leurs requêtes.

[595] Me Raven a maintenu que, au mieux, le CIPC donne de l’information sur des personnes qui ont fait l’objet d’une saisie dans le système. Cependant, il ne donne aucune information sur les personnes qui se sont dérobées aux services de police, sur les véhicules loués ni sur leur chauffeur, ni sur les personnes qui intéressent la police en raison de soupçons sur l’utilisation de leur arme à feu; d’autre part, les gardes de parc ne peuvent pas y saisir d’éléments qui permettraient de transmettre un message d’alerte instantané à l’usage d’autres gardes d’autres parcs.

[596] Me Raven était d’avis que le matériel de communication fourni aux gardes de parc n’est pas toujours fonctionnel. Il a fait référence aux témoignages de gardes de parc selon lesquels chacune des trois méthodes de transmission - radio avec émetteur-récepteur, téléphone satellite et téléphone cellulaire – a ses points faibles; le mauvais fonctionnement de ces appareils est généralement dû aux caractéristiques du terrain, aux conditions météorologiques ou aux limites du dispositif d’alimentation.

[597] Me Raven a fait remarquer que Duane Martin a raconté qu’un garde de parc travaillant seul dans la région du lac Louise est parfois dans l’impossibilité d’utiliser sa radio en raison de pannes du répéteur par temps froid, que son téléphone cellulaire ne fonctionne pas dans cette zone et qu’on ne lui fournit pas de téléphone satellite pour ses rondes de surveillance routières dans l’avant-pays.

[598] Me Raven a fait référence au témoignage de Anders Hawkins, qui a relaté une expérience similaire avec un répéteur qui n’a pas fonctionné pendant deux semaines et demie. Il a déclaré que le matériel de communication équipé d’une batterie peut tomber en panne, ce qui s’est déjà produit, en raison de batteries défectueuses ou que les batteries peuvent se décharger au cours d’une tournée dans l’arrière-pays de plusieurs jours. Me Raven a ajouté que son témoignage non contesté indique que l’intégralité des parcs de Kootenay et Yoho sont des « zones mortes » non couvertes par les réseaux téléphoniques, qu’il existe des zones mortes pour les téléphones satellites également, de même que des pannes de batterie.

[599] Me Raven a rappelé le témoignage de Mark McIntyre, selon lequel le fait de ne pas pouvoir se fier aux batteries des téléphones continue de poser un vrai problème aujourd’hui, et que les téléphones cellulaires ne sont pas toujours couverts par un réseau dans certaines zones du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne. Le garde de parc McIntyre a également déclaré qu’on peut passer et recevoir beaucoup de communications durant la haute saison d’été, et qu’en cas de problème à la toute fin d’un quart de travail, les batteries peuvent être déchargées.

[600] Me Raven a indiqué que la non-fiabilité du matériel de communication a été confirmée par d’autres agents de protection des ressources qui ont témoigné. Craig Hockley, qui travaille aussi en Alberta, a expliqué que la réception par satellite est difficile dans les vallées parce que la réception du téléphone est bloquée par les montagnes. Selon lui, le feuillage fait également obstacle à la réception des téléphones par satellite. Par ailleurs, il a estimé que le temps nécessaire pour réussir à passer un appel par un téléphone par satellite s’élève à deux à cinq minutes. Dave Hanna a déclaré que les téléphones cellulaires ne fonctionnent que sur 30 à 40 % de la surface de son district.

[601] Me Raven a indiqué que Garry Bogdan, responsable de la région des Prairies et du Nord, a reconnu que le matériel de communication n’était pas fiable à cause des pannes de batterie et des zones mortes pour les téléphones cellulaires et par satellite.

[602] Sur la question des renforts policiers, Me Raven a déclaré que déjà en 1991, Parcs Canada avait été mis au courant de l’insuffisance des renforts policiers auprès des gardes de parc. Il s’est rapporté à l’étude de Buker et Frey, où les auteurs décrivent le « mythe » d’une intervention rapide de la GRC en cas d’appels de renfort lancés par des gardes en cas de situation dangereuse. Me Raven a cité la page 8 de l’étude, où les auteurs écrivent :

[Traduction]
De nombreux parcs/lieux n’ont pas de détachement de la GRC à proximité qui pourrait leur prêter main-forte en cas de besoin. Même dans les lieux où existent des détachements de la GRC, les agents y sont trop occupés et ne peuvent intervenir au pied levé. Dans l’arrière-pays, la GRC demande souvent à être assistée ou escortée d’un garde. Cette organisation s’apparente de plus en plus à une force de police urbaine. Les aptitudes des membres de la GRC à se déplacer dans l’arrière-pays et la disponibilité d’équipement pour ce faire posent également un problème.

[603] Me Raven a cité plusieurs plans contemporains d’application de la loi produits en preuve qui confirment le délai d’intervention policière. On trouve un bon exemple des réserves exprimées au sujet de la réaction de la police dans le plan d’application de la loi du Parc national du Canada des Îles-du-Saint-Laurent, où l’on affirme que la PPO n’est pas toujours disponible immédiatement pour offrir son soutien et qu’elle ne peut garantir une réponse rapide à un appel des gardes de parc. On estime dans ce document que, au cours des deux dernières années, la PPO a été appelée à l’aide de nombreuses fois et que son taux de réponse a été d’environ 50 %.

[604] Me Raven a mentionné le plan d’application de la loi du parc national de la Péninsule-Bruce, qui cite le commandant d’un poste de la PPO déclarant que la PPO n’est pas financée pour offrir des services additionnels sur le territoire du parc et que ses interventions dépendront de la disponibilité du personnel et de la priorité des appels. La PPO a confirmé qu’elle n’est pas en mesure de s’engager à ce que ses agents interviennent dans un délai déterminé.

[605] Me Raven a souligné que, dans le plan d’application de la loi de la région du lac Louise, on indique que la distance éloignée à laquelle se trouvent la plupart des détachements risque d’avoir pour effet d’allonger le délai d’intervention de la GRC. De même, le temps de réaction de la GRC est estimé de 1 à 5 heures au minimum dans le plan d’application de la loi du Parc Gwaii Haanas.

[606] Me Raven s’est référé aux témoignages des gardes de parc Deagle, McIntyre et Duane Martin et de Garry Bogdan, selon lesquels le service de police responsable a de la difficulté à localiser les agents qui travaillent dans l’arrière‑pays. Le terrain montagneux, l’obscurité, les conditions hivernales, les plans d’eau et le temps inclément peuvent retarder davantage les renforts. Selon Me Raven, il est prouvé de manière incontestable que les services de police responsables connaissent souvent mal le terrain et ne sont pas formés pour fournir aux gardes de parc une assistance viable dans l’arrière-pays.

[607] Me Raven a affirmé que l’observation, l’enregistrement et le signalement des cas ne réduisent pas le risque et que le fait de représenter un symbole d’autorité peut mettre en danger un agent de la paix.

[608] À cet égard, Me Raven s’est référé au témoignage d’Edward Davis, selon lequel les agents prennent un risque lorsqu’ils revêtent un uniforme qui les identifie comme agents de la paix et qu’il en va de même lorsqu’ils montent à bord ou sortent de leur véhicule aux couleurs de la loi.

[609] Me Raven a mentionné le témoignage des gardes de parc Deagle et McIntyre, selon lesquels Parcs Canada ne peut sérieusement proposer l’observation, l’enregistrement et le signalement des cas comme solution de rechange à une arme de poing, car il est prouvé hors de tout doute que le comportement humain est imprévisible, que les sujets peuvent devenir très violents en une fraction de seconde et que, dans beaucoup de situations, un repositionnement tactique est impossible.

[610] Me Raven a soutenu que, comme les gardes de parc n’ont pas suivi de formation sur l’emploi d’une force meurtrière, ils n’ont pas acquis les réflexes musculaires essentiels pour réagir instantanément à un danger de blessure grave ou de mort, où leur vie peut tenir à une fraction de seconde. À ce sujet, il a cité le témoignage du sergent Butler, selon lequel il est crucial, dans des situations de stress comme celles où les agents de la paix courent le risque de subir une blessure grave ou fatale, que les agents disposent d’un outil ou d’une technique leur permettant de mettre fin rapidement à la menace. Dans son témoignage, le sergent Butler a expliqué que le but de la formation était que les agents acquièrent des réflexes musculaires afin de pouvoir réagir promptement et de manière appropriée au comportement d’un sujet, sans avoir à formuler un plan au préalable. Selon lui, une personne non entraînée n’est guère capable d’employer une force meurtrière, car, dans une situation de stress, on utilise moins ses facultés cognitives et c’est le système nerveux autonome qui réagit.

[611] Me Raven a déclaré que plusieurs témoins ont souligné le peu de fiabilité du cerveau lorsqu’on est « soumis à un stress ». Mark McIntyre a raconté l’erreur d’analyse d’un collègue qui, lorsqu’il s’est trouvé cerné par des assaillants, a jeté les clés de son auto dans le bois pour les empêcher de s’emparer de son arme d’épaule. L’agent ne s’était pas rendu compte que les sujets étaient déjà armés de fusils.

[612] Me Raven a soutenu que les témoignages livrés par Edward Davis et les gardes de parc Martin, Deagle et McIntyre montrent que les gardes de parc ne reçoivent aucune formation sur l’application de la loi de nuit, malgré le fait que les agents de la paix courent un plus grand risque d’être blessés gravement ou tués pendant la nuit. En outre, on ne leur a pas appris à se préparer mentalement à employer une force meurtrière ni à reconnaître ce qui peut constituer une arme improvisée, à s’en emparer ou à l’utiliser.

[613] Me Raven a affirmé que Parcs Canada n’a pas fourni aux gardes de parc de directives sur ce qui constitue un renfort efficace et de quelle manière on peut constituer des patrouilles de deux personnes pour accroître la sécurité des agents.

[614] Quoi qu’il en soit, Me Raven a relevé que Parcs Canada a donné à ses gardes de parc la directive quelque peu contradictoire de réduire « l’utilisation excessive » des patrouilles à deux.

[615] Me Raven a affirmé que tous les gardes de parc qui remplissent des fonctions d’application de la loi selon la nouvelle Directive 2.1.9 trouvent que la politique manque de clarté. Les gardes de parc qui ont témoigné ont confirmé que la confusion suscitée par la nouvelle politique concerne leur responsabilité civile en cas de défaut d’agir; le soutien de l’employeur aux gardes de parc qui interviennent pour faire respecter la loi; la différence entre l’annulation des permis de camping et les évictions; les directives contradictoires de Parcs Canada en ce qui regarde l’interception des conducteurs aux facultés affaiblies; la distinction entre le « trouble de l’ordre public » et une « agression sonore »; la recherche d’un équilibre entre, d’une part, la ligne de conduite en matière d’application de la loi, qui consiste à observer les incidents, à les enregistrer et à les déclarer, et, d’autre part, les attentes du client, ainsi que l’instruction voulant que la sécurité publique soit primordiale; et l’utilisation d’une arme d’épaule aux fins de maintien de l’ordre.

[616] Me Raven a rappelé le témoignage de Jurgen Deagle, qui a dit craindre fortement que cette politique confuse provoque une hésitation de sa part, nuise à son action et, en fin de compte, à sa santé et à sa sécurité.

[617] Au sujet de l’utilisation d’une arme d’épaule, Me Raven a renvoyé à la publication récente de Parcs Canada Law Enforcement Administration and Operational Manual, qu’on pourrait, selon lui, décrire adéquatement comme un exposé détaillé de la manière dont les gardes de parc sont tenus d’appliquer la loi. Pourtant, a‑t‑il souligné, nulle part dans le document Parcs Canada n’autorise explicitement l’utilisation d’une arme d’épaule aux fins d’exécution de la loi. À la section 6.1.11 de la Directive 2.1.9, on lit que [traduction] « des carabines et des fusils de chasse seront remis aux gardes pour l’accomplissement des tâches liées à la gestion des ressources ».

[618] Me Raven a signalé également que, dans la section consacrée à l’équipement de protection personnelle, l’arme d’épaule ne fait pas partie de la liste de l’équipement protecteur ou défensif. On y indique plutôt que [traduction] « seul l’équipement protecteur ou défensif distribué par Parcs Canada peut être porté ou transporté durant le service ».

[619] Me Raven a souligné en outre que la section de la Directive 2.1.9 qui porte sur le recours à la force et l’intervention en cas d’incident réitère que [traduction] « les gardes porteront seulement l’équipement défensif approuvé et distribué par Parcs Canada ». La version provisoire de la Firearms Directive 2.1.25 (directive sur les armes à feu) ne fait aucune mention de l’utilisation d’une arme d’épaule aux fins de protection personnelle.

[620] Me Raven a fait valoir que ces documents offraient à maintes reprises à Parcs Canada l’occasion d’exprimer clairement son appui à l’endroit de l’arme d’épaule comme instrument défensif et de fournir des directives ainsi qu’une formation relativement à son utilisation. Pour des raisons inexpliquées, toutefois, Parcs Canada s’est abstenu de le faire.

[621] Quoi qu’il en soit, Me Raven a maintenu qu’il est prouvé hors de tout doute qu’une arme d’épaule n’est pas un bon moyen de défense. Par exemple, le sergent Butler a déclaré qu’à sa connaissance, aucun organisme d’application de la loi, sauf Parcs Canada, ne distribuait une arme d’épaule à ses agents de la paix à titre d’arme défensive principale permettant de répondre à une menace de blessure grave ou de mort. Edward Davis, Craig Hockley et Duane Martin ont confirmé ces propos.

[622] En ce qui concerne l’utilisation d’armes improvisées non définies, Me Raven estime qu’il faut supposer qu’une telle arme est disponible et que le garde de parc est en mesure de la repérer quand il en a besoin. Il a souligné qu’on n’a présenté aucun témoignage établissant que, dans une situation de stress, un garde de parc serait capable de reconnaître ce qui peut constituer une arme improvisée et de l’utiliser.

[623] Me Raven a mentionné un témoignage attestant que les armes de poing sont nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité des gardes de parc quand ils effectuent leur travail de protection des ressources. Il a expliqué que les gardes de parc qui ont déjà rencontré ou affronté des ours ou des cougars, par exemple, jugeaient avoir besoin d’une arme de poing pour se protéger contre les attaques d’animaux agressifs. Une arme d’épaule, au contraire, pourrait par exemple être projetée hors d’atteinte du garde par l’animal ou être difficile à pointer parce qu’elle est trop encombrante. Dans certaines circonstances, il peut être dangereux de porter une arme d’épaule en bandoulière.

[624] Me Raven a affirmé qu’on doit, au moyen d’une formation, enseigner aux gardes de parc à tenir compte des attentes du public. Dans les situations où ils doivent appliquer la loi, les gardes de parc ont pour consigne de considérer que leur client est aussi le public, que celui‑ci soit ou non touché directement ou indirectement par l’incident. Ils sont également informés que le public s’attend à ce qu’ils interviennent pour résoudre le problème ou « maîtriser » d’une manière quelconque la situation.

[625] Me Raven croit que le fait que le public demande que les gardes aient l’autorité voulue pour résoudre les conflits est corroboré par le contenu du matériel de formation des gardes de parc de Parcs Canada. Le Law Enforcement Proficiency Manual enseigne aux gardes de parc que le client s’attend à ce que, quand un garde est appelé sur les lieux d’un incident, il « règle le problème » et « mette fin à l’infraction ». De même, lorsqu’un garde de parc a affaire à une personne qui cause des difficultés ou qui est potentiellement violente, le client souhaite que le garde de parc « informe et sensibilise [la personne en question] et maîtrise la situation, en plus de faire respecter la loi et d’assurer la sécurité ».

[626] Me Raven a affirmé que les gardes de parc apprennent également que, selon le MIGI, ils peuvent se repositionner tactiquement seulement s’il est dans l’intérêt du public de le faire; si cela peut réduire la probabilité d’un préjudice pour le public et l’ampleur de celui‑ci; s’il y a un risque de mort ou de blessure grave; sous réserve que le repositionnement n’expose pas d’autres personnes à une blessure ou à une force mortelle; si la recherche d’aide contribue à la sécurité du public et de l’agent; si le fait de gagner du temps et de s’éloigner contribue à la sécurité du public et de l’agent; et s’il faut s’assurer que la situation est maîtrisée et qu’il n’y a pas de danger de blessure.

[627] Me Raven a prétendu que cette manière de caractériser le rôle des gardes de parc dans un conflit concorde en général avec les nombreux témoignages attestant que le public considère les gardes de parc, en tant qu’agents de la paix, comme l’autorité légalement compétente pour régler les problèmes. Elle est également en accord avec la reconnaissance du mandat d’application de la loi des gardes de parc et de leurs fonctions d’agents de la paix en vertu de l’article 18 de la LPNC. Bien que les gardes de parc s’acquittent d’autres tâches comme la protection des ressources, la sécurité publique et la protection contre les incendies, leur pouvoir selon l’article 18 est directement lié à leur rôle d’agent de la paix.

[628] Me Raven a souligné que tous les gardes de parc convoqués comme témoins par les intimés ont montré qu’ils avaient une attitude professionnelle et étaient passionnés par leur travail. Ils ont également exprimé une véritable inquiétude pour leur propre sécurité dans l’accomplissement de leurs fonctions. Duane Martin, par exemple, n’a pas attendu que Parcs Canada en fasse la distribution pour acheter lui-même son gilet pare-balles. Mark McIntyre a installé son propre matériel d’enregistrement dans sa voiture afin de documenter les blessures dont il pourrait être victime quand il intercepte des véhicules. Le garde de parc Deagle a exprimé le malaise d’ordre moral qu’il éprouvait lorsqu’il laissait aller un conducteur aux facultés affaiblies au volant d’un véhicule motorisé. Le garde de parc Hawkins a décrit le dilemme dans lequel il se trouvait quand il enseignait à des recrues qu’elles étaient autorisées à utiliser une force meurtrière, alors qu’on ne leur fournissait pas d’équipement ou de technique viable pour le faire. Les gardes de parc envisageaient également avec un sérieux sincère leur fonction d’agent de la paix chargé de répondre aux attentes du public, conformément aux instructions de Parcs Canada. Me Raven affirme qu’on devrait considérer avec attention le dévouement, la crédibilité et le professionnalisme de ces témoins.

[629] Me Raven a déclaré que l’article 18 de la LPNC définit un mandat double pour les gardes : voir au respect des dispositions de la loi et, dans leurs fonctions d’agents de la paix, maintenir l’ordre public dans les parcs. Il a soutenu que les organismes qui assument un mandat comparable et qui accomplissent des tâches de même nature dans le domaine de l’application de la loi dotent leurs agents d’une arme de poing.

[630] Me Raven a rappelé que chaque étude commandée par Parcs Canada au cours des 15 dernières années le confirme. Il cite l’étude de Buker et Frey, qui fait référence aux « organismes frères » que sont Parcs Canada, la GRC, les services de police provinciaux et les organismes d’application des règlements de la faune au Canada et aux États‑Unis. Il mentionne que le Firearms Issues Analysis Paper de David Jivcoff fait un résumé utile de la « norme de diligence » qui s’applique dans ce secteur d’activité aux agents de la paix relativement aux deux mandats que sont la protection des ressources et l’ordre public. Dans cette étude, M. Jivcoff fait remarquer que Parcs Canada pourrait bientôt être le seul organisme à ne pas atteindre la norme de diligence en question.

[631] Me Raven a fait référence à l’étude Rescue 3 qui recommande de doter les gardes de parc d’une arme de poing. Il a cité les explications de l’auteur de ce rapport : [traduction] « Cette conclusion s’impose en raison du "mandat" qui leur est imposé par la loi (...) et de la "norme de diligence" établie par l’approche adoptée par d’autres organismes de mandat similaire. Elle n’est pas fondée sur le nombre de gardes agressés. » Il ajoute que le Comité Victoria a recommandé d’armer les gardes de parc, en accord avec la norme établie par le service de police de la juridiction. Il a déclaré que le rapport de 2001 du Justice Institute of B.C. a étudié le travail accompli par les agents de conservation au Canada et examiné les données sur les agents de police des États-Unis afin d’évaluer le risque que courent les gardes de parc. Il cite la conclusion de M. Hess : [traduction] « Les gardes qui interviennent dans ces situations sans protection suffisante agissent dans des conditions bien inférieures à la "norme policière". »

[632] Me Raven a rappelé le témoignage de Craig Hockley selon lequel les agents de conservation de toutes les provinces canadiennes et du Yukon portent une arme de poing.

[633] Me Raven s’est rapporté aux témoignages de Garry Bogdan et de l’ASS Grundie, qui établissent que le mandat des agents de la faune en matière de protection des ressources fait de ce travail un travail éminemment comparable à celui des gardes de parc. Il a ajouté que Garry Bogdan avait affirmé que les fonctions et les responsabilités des agents de la faune d’Environnement Canada et des gardes de parc sont très similaires et que les agents de la faune travaillent aux côtés des gardes de parc. Il a indiqué que les agents de la faune, comme les gardes, accomplissent leurs fonctions dans l’arrière-pays et, à l’occasion, dans les parcs nationaux; ils sont également responsables de la protection des ressources et de l’application d’une loi fédérale; et ils sont aussi dotés du pouvoir d’arrestation. Me Raven a cité la description de travail d’un gent de la faune, qui énonce que la nature des fonctions d’application de la loi met ces agents en contact avec des personnes hostiles et violentes. Me Raven a fait valoir que cela est également vrai pour les fonctions d’application de la loi des gardes de parc, comme en témoignent de nombreux rapports.

[634] Me Raven a expliqué que les gardes de parc et les agents de conservation de l’Alberta font face à des problèmes d’application de la loi dans les terrains de camping, à des problèmes de préservation et de protection des ressources, et à des problèmes liés à la faune. Ils ont, les uns comme les autres, un statut d’agent de la paix et le Code criminel leur confère le pouvoir d’arrestation. Me Raven a signalé que le type de personnes qui fréquentent ces parcs et le type de faune qu’on y trouve sont quasiment les mêmes, vu la proximité du parc national Banff et des terres provinciales. Il a ajouté que les agents de conservation de l’Alberta travaillent en collaboration avec les gardes de parc fédéraux et qu’ils échangent des renseignements entre eux. Il a rappelé le témoignage de Dave Hanna, qui a affirmé que le travail des agents de conservation de l’Alberta et celui des gardes de parc fédéraux étaient très comparables.

[635] Me Raven s’est rapporté au témoignage de Craig Hockley, selon lequel les agents des pêches et de la faune de l’Alberta, tout comme les gardes de parc, sont confrontés à des questions liées à la vie sauvage, accomplissent des fonctions de sécurité du public et d’application de la loi dans les terrains de camping, font des patrouilles dans l’arrière-pays et interceptent des braconniers. Selon son témoignage, le travail des gardes de parc et celui des agents des pêches et de la faune sont comparables.

[636] Me Raven a maintenu qu’une quantité écrasante de témoignages montre que l’arme à feu fournie aux agents dotés d’un mandat similaire à celui des gardes de parc est une arme de poing.

[637] Me Raven a fait référence au protocle d’entente (PE) de 1987 conclu entre Parcs Canada et la GRC sur le rôle de la police compétente. Ce PE régit les rôles et les responsabilités de la police dans les parcs nationaux du Canada. Un nouveau PE a été ébauché, mais il n’a pas encore été signé.

[638] Me Raven a déclaré que le PE en vigueur et le PE qu’on se propose de conclure énoncent explicitement que la GRC se déclare proactivement engagée à l’égard de l’application de la loi dans les parcs nationaux, et que son rôle ne se limite pas un rôle d’intervention. Il ajoute que le PE de 1987 se lit comme suit : [traduction] « La GRC a les responsabilités suivantes : détecter les infractions au Code criminel, enquêter sur ces infractions et y donner suite… » (Me Raven souligne). Par ailleurs, le PE qu’on se propose de conclure énonce que la GRC est chargée de [traduction] : « accomplir toutes les fonctions qui relèvent des compétences d’agents de la paix en lien avec la préservation de la paix publique, la prévention de la criminalité (…) et l’arrestation des criminels… »

(Me Raven souligne).

[639] Me Raven a déclaré que le témoignage non contesté des gardes de parc qui témoignent en faveur des intimés montrait qu’aucun service de police, que ce soit à Jasper, Banff, la-Baie-Georgienne, Yoho, Kootenay ou la région du lac Louise, n’effectue des patrouilles régulières dans les parcs. Ces témoignages sont confirmés par les plans d’application de la loi produits en preuve. Par exemple, le plan d’application de la loi du parc national des Prairies énonce que la GRC n’intervient que sur demande aux troubles à l’ordre public. Le plan d’application de la loi de la réserve du parc national Gwaii Haanas indique que la GRC n’effectue généralement pas de patrouilles dans la réserve. Le plan du parc national du Mont-Riding précise qu’une intervention de la GRC en cas de plainte pour troubles de la paix publique ne pourra être effectuée qu’en fonction des priorités établies par les membres de la GRC. Quant au plan du parc national des Îles-du-Saint-Laurent, il indique que le parc a été prévenu qu’en raison de sa taille, de sa nature (milieu marin) et d’un manque général de personnel et d’équipement (bateaux), la GRC ne peut garantir d’intervention immédiate en cas d’appel des gardes de parc.

[640] Me Raven a maintenu que ces vagues engagements à assurer une présence policière dans les parcs nationaux sont bien au-dessous de la norme énoncée dans le PE conclu entre Parcs Canada et la GRC, selon laquelle cette dernière doit « détecter les infractions » ou du moins assumer des fonctions de prévention criminelle. De plus, en dépit des engagements pris dans le PE de 1987, il n’y a eu aucune réunion d’un comité de liaison des administrations centrales pour discuter de questions nationales. Parcs Canada n’a pas contrôlé les services de secours de la GRC dans les parcs nationaux et Robert Prosper n’était pas conscient de la nature du marché de services entre la GRC et chaque procureur général provincial.

[641] Me Raven a fait remarquer qu’en vertu de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, il n’est plus du ressort des gardes de parc d’exercer des activités telles que l’application des règles de circulation routière et les interceptions de véhicules destinées à vérifier si ses occupants ont enfreint des règles relatives à la vie sauvage. Il fait référence au témoignage de tous les gardes de parc qui ont déclaré n’avoir constaté aucune augmentation des activités policières, augmentation qui aurait pu se produire puisque cette nouvelle politique leur en donnait l’occasion. Au contraire, ils ont déclaré que les patrouilles de police dans les parcs avaient diminué et sont généralement rares. Me Raven a indiqué que le rapport du vérificateur général de novembre 2005 confirme que la GRC a du mal à recruter, à former et à maintenir en fonction un effectif complet, au point tel que certains postes demeurent parfois vacants.

[642] Me Raven a maintenu que la question de la santé et de la sécurité est une question d’ampleur nationale. Il a affirmé que Parcs Canada n’a pas fourni de preuve étayant la supposition selon laquelle la plainte du garde de parc Douglas Martin serait unique et ne serait formulée que par lui ou par le parc national Banff. Au contraire, a-t-il ajouté, l’ASS Grundie a affirmé que les gardes de parc d’un grand nombre de parcs nationaux de l’Ouest du Canada avaient assisté à la réunion de Canmore en Alberta, en février 2000.

[643] Me Raven a déclaré que de nombreux gardes de parc ont expliqué être préoccupés par cette question, qu’ils soient ou non détachés auprès de parcs marins ou de parcs montagneux, en C.‑B. en Ontario ou en Alberta. Leurs préoccupations sont nées de la décision de Parcs Canada de ne pas leur fournir d’arme de poing et non d’autres questions propres à leur parc. Leur préoccupation est née des risques connexes à leurs fonctions d’application de la loi et de l’assimilation de leur image à l’autorité. En bref, cette question est et demeure une question de santé et de sécurité pour les gardes de parc de tout le Canada. Cette affirmation n’a pas été contestée durant l’audience.

[644] Me Raven a indiqué que les intimés maintiennent que l’ASS Grundie a correctement interprété et appliqué la définition en vigueur du terme « danger » telle qu’elle figure à la partie II du Code canadien du travail et telle qu’elle a été interprétée par un élément récent de jurisprudence. Me Raven a fait valoir que la conclusion de l’existence d’un danger formulée par l’ASS Grundie est valide et raisonnable dans les circonstances, et entièrement étayée par des éléments de preuve. Il a ajouté que l’ASS Grundie a amassé une énorme quantité de documents et de renseignements, et qu’il a examiné en bonne et due forme tous les tenants et les aboutissants relatifs à l’établissement de ce qui constitue un danger.

[645] Me Raven a affirmé que Parcs Canada a reconnu le danger inhérent aux fonctions des gardes de parc, tels qu’en témoignent les documents rédigés par Parcs Canada, notamment l’actuelle Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, le Law Enforcement Administration and Operational Manual de Parcs Canada et une note de service émanant d’un gestionnaire de Parcs Canada, Brett Moore. Tous ces documents attestent du risque d’agressions physiques, de blessures graves et de mort que courent les gardes de parc dans l’accomplissement de leurs fonctions d’application de la loi. Il ajoute que Parcs Canada ne peut donc pas nier le danger que courent les gardes de parc dans l’application de leurs fonctions d’application de la loi.

[646] Me Raven a déclaré que les témoignages confirment que les activités que les gardes de parc exercent d’ordinaire englobent les interceptions de véhicules, les patrouilles dans les campings, les enquêtes liées au bruit et aux troubles à la paix publique, les enquêtes sur les activités de braconnage, et les arrestations pour des questions liées à la gestion des ressources, à des infractions et à des troubles à la paix publique. Il a maintenu que les gardes de parc ont l’autorisation claire et précise d’accomplir ces activités en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de la politique de Parcs Canada. Il ajoute que les gardes de parc continuent d’exercer un vaste éventail de responsabilités liées à l’application de la loi, y compris de procéder à des poursuites criminelles.

[647] Me Raven a indiqué qu’il faut rappeler que nombre de ces fonctions sont généralement accomplies par un garde seul ou dans l’arrière-pays, où l’on sait qu’aucuns renforts armés ne peuvent intervenir rapidement. Il a répété que tous les témoignages confirment que ni la GRC ni la Police provinciale de l’Ontario ne peuvent habituellement intervenir rapidement en raison des conditions qui prévalent dans les parcs nationaux. Il a ajouté que le gaz poivré, la matraque et l’équipement de communication seraient bien inutiles en cas d’agression visant à tuer un agent d’application de la loi.

[648] Me Raven a déclaré que le port obligatoire du gilet pare-balles confirme que les gardes de parc sont en danger dans le cadre de leur travail d’application de la loi. Il a rejeté et jugé fallacieuse au plus haut point la déclaration de Robert Prosper selon laquelle ils doivent porter ce gilet pour se protéger du traumatisme que pourrait causer un véhicule moteur. Il a maintenu que, par définition, les braconniers sont armés et participent à des activités criminelles dans les parcs nationaux. Ce seul fait montre bien qu’un niveau de protection plus élevé est nécessaire pour contrer le risque de force meurtrière à laquelle les braconniers sont capables de recourir.

[649] Me Raven a fait remarquer que la Directive 2.1.9 indique que les gardes de parc doivent faire preuve de discernement et tenir compte des risques et des circonstances avant et pendant une intervention liée à l’application de la loi. Il a ajouté que la dynamique des interactions humaines, la proximité immédiate d’une agression spontanée et l’impossibilité pour un garde de procéder à un repositionnement tactique indiquent la nécessité de porter une arme fiable et rapide à manier pour contrer tout risque de blessure mortelle. L’absence d’une telle arme dans l’équipement d’un garde est susceptible d’affaiblir sa confiance ce qui, en soi, engendre un handicap. La situation peut dégénérer au point que le besoin de porter une arme de poing pour assurer sa sécurité devienne essentiel.

[650] Me Raven a fait référence aux documents rassemblés par l’ASS Grundie, aux témoignages verbaux et aux éléments de preuve documentaires produits durant l’audience. Il a maintenu qu’ils montrent tous que la nouvelle Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 ne protège pas les gardes de parc d’un préjudice éventuel et que ce n’est qu’une question de temps avant qu’un drame se produise. Il a ajouté que M. Hess, tierce partie indépendante chargée d’étudier la question de l’application de la loi pour Parcs Canada, croit également que les blessures graves ou mortelles sont une éventualité pour les gardes de parc qui accomplissent des fonctions d’application de la loi. Il se rapporte au témoignage d’expert du sergent Butler qui corrobore l’opinion selon laquelle toute activité d’application de la loi exercée sans arme de poing est, par nature, une activité à haut risque. Il a souligné que Parcs Canada n’a proposé aucune autre solution pour gérer le risque qu’engendrent les fonctions d’application de la loi.

[651] Sur la question de la formation à l’usage de la force et aux armes de poing, Me Raven a indiqué que les modèles de recours à la force, qu’il s’agisse du MIGI ou du modèle de l’AACP, fournissent tout un ensemble de solutions de force qui prévoient le recours à la force meurtrière dans le cas d’un risque de blessure grave ou mortelle. Il a fait remarquer que Parcs Canada soutient l’emploi du MIGI par les gardes de parc, mais interdit le recours à la force meurtrière avec une arme de poing, alors que celle-ci constitue l’équipement de protection de choix de quasiment tous les organismes d’application de la loi de mandat similaire à celui de Parcs Canada. Me Raven a concédé que si le MIGI ne rend pas obligatoire le recours à un article d’équipement précis avec lequel répondre à tel ou tel comportement du sujet, il requiert tout de même des agents qu’ils soient en mesure de passer d’un type de force à un autre en accord avec la jurisprudence sur l’application de la force meurtrière. Il a conclu, par conséquent, que les modèles de recours à la force excluent l’arme d’épaule en tant qu’arme défensive adaptée dans la mesure où on ne peut l’intégrer facilement et en toute sécurité dans la panoplie des outils utilisés pour faire usage de la force. Il a maintenu qu’il est irréaliste de déclarer qu’une arme d’épaule est un substitut convenable à l’arme de poing. Il a ajouté que la déclaration de Gaby Fortin à la réunion de Canmore en février 2000, selon laquelle les gardes de parc pourraient utiliser des pelles pour se défendre est tout aussi irréaliste.

[652] Me Raven a précisé que le MIGI repose sur l’aptitude de l’agent à exercer un continuum complet de réactions en réaction à un continuum complet de comportements. Il a ajouté que l’accélération d’une agression en une fraction de seconde, tel que l’ont démontrée le sergent Butler et Douglas Martin, établit que ces réactions doivent être immédiates pour être efficaces.

[653] A propos du repositionnement tactique, Me Raven a indiqué que des témoignages non contredits démontrent qu’un agent d’application de la loi n’a pas toujours la possibilité de procéder à un repositionnement tactique lorsqu’il est victime d’une agression spontanée et que son aptitude à se repositionner peut à tout moment être entravée par l’obscurité, les conditions météorologiques ou l’environnement physique. Il a maintenu que ce fait à lui seul confirme qu’il existe un danger pour les gardes de parc et que la position de Parcs Canada illustre que le principe même selon lequel les gardes de parc peuvent tout simplement se désengager quand ils le souhaitent d’une situation ennuyeuse est erroné.

[654] Me Raven a déclaré que la position de Parcs Canada selon laquelle le fait d’imposer des limites aux responsabilités des gardes en matière d’application de la loi atténue les dangers qu’ils courent doit être rejetée, parce qu’elle omet de partir du principe que ces employés en uniforme qui font appliquer la loi font régulièrement face au danger. Il a maintenu que si la position que fait valoir Parcs Canada était fondée, les gardes de parc n’auraient pas besoin de porter un gilet pare-balles, une matraque et du gaz poivré.

[655] Me Raven a déclaré qu’il est inexact de la part de Parcs Canada de dire qu’on peut se servir de n’importe quoi pour contrer une menace mortelle. Il a ajouté que la réaction à pareille menace doit être automatique, que l’arme avec laquelle réagir doit être à portée de main et qu’il ne faut recourir qu’au degré de force nécessaire. Il a répété que tous les autres organismes d’application de la loi reconnaissent que l’arme de poing est le seul article d’équipement de protection personnelle viable permettant à un agent d’application de la loi de réagir de façon adaptée et efficace à la menace mortelle occasionnée par un comportement violent, arbitraire, imprévisible.

[656] Me Raven s’est rapporté aux témoignages de nombreux témoins qui étayent la thèse selon laquelle la présence d’un agent qui semble faible ou non préparé peut modifier le comportement d’un agresseur. Il a ajouté que la présence d’une arme de poing contribuerait au renforcement de l’autorité que dégagent ces agents de la paix auprès du grand public et donnerait aux agents la confiance en eux dont ils ont besoin.

[657] Me Raven était d’avis que l’ASS Grundie a justement reconnu que la panoplie normale des agents de la paix englobe les armes de poing. Il a indiqué que de nombreux éléments de preuve démontrent que tous les organismes fédéraux et provinciaux de protection des ressources dotés d’un mandat d’application de la loi similaire à celui de Parcs Canada fournissent une arme de poing à leurs agents. Par exemple, les agents fédéraux de Pêches et Océans Canada et les agents du Service canadien de la faune chargés d’exécuter la loi d’Environnement Canada portent tous une arme de poing pour accomplir leurs activités liées à la protection des ressources. Me Raven a ajouté que les dix provinces fournissent des armes de poing à leurs agents de conservation, de même que le territoire du Yukon. Ces faits indiquent clairement qu’il existe une norme d’armement des agents de la paix qui comporte les armes de poing.

[658] Me Raven a ajouté que, que Parcs Canada le veuille ou non, il existe bien une norme dans le milieu des organismes de conservation du Canada. Il a précisé que toutes les études menées par Parcs Canada ont conclu que l’arme de poing est la norme dans le milieu des organismes chargés de la protection des ressources ou autres organismes dotés d’un mandat d’application de la loi similaire à celui dont il est question ici. Tous les agents de conservation des ressources qui ont témoigné ont jugé que leur travail était très similaire à celui qu’exercent les gardes de parc et déclaré qu’ils n’exerceraient pas un tel travail sans porter une arme de poing.

[659] Me Raven a déclaré que, sans parler de la question des organismes dotés d’un mandat similaire, le fait que les activités d’application de la loi qui donnent lieu à des interactions avec le public mettent les gardes de parc en danger est en soi un élément de preuve incontesté. Des activités telles que : mener des enquêtes sur des troubles à la paix publique, interagir avec des personnes qui boivent de l’alcool ou qui sont sous l’emprise de drogues, et arrêter des personnes sont toutes des activités qui peuvent présenter le plus grand danger qui soit pour des agents d’application de la loi. Il a ajouté que les agents de police, les agents du Service canadien de la faune chargés d’exécuter la loi et les agents de Pêches et Océans Canada sont armés, tandis que les gardes de parc, qui sont dotés d’un mandat identique, ne le sont pas.

[660] Me Raven a déclaré que la Cour d’appel fédérale a confirmé la compétence d’un agent d’appel pour examiner les points en litige relativement à l’article 124 et à l’alinéa 125(1)l) du Code canadien du travail.

[661] À titre subsidiaire, Me Raven a déclaré que, malgré le fait que le danger est un élément évident des activités d’application de la loi des gardes de parc, de nombreux éléments de preuve ont également été présentés qui permettent de conclure que Parcs Canada doit fournir une arme de poing à ses gardes dotés de fonctions d’application de la loi en vertu de l’article 124 du Code, qui contraint l’employeur à garantir la santé et la sécurité de ses employés. Me Raven a déclaré qu’en vertu du seul modèle cohérent de gestion du risque présenté à l’audience, toute personne qui s’engage dans une situation comportant un risque élevé de blessure ou de mort doit être dotée d’un équipement de protection adapté au risque encouru. C’est-à-dire qu’un degré de risque élevé exige une protection totale, quelle que soit la probabilité d’être victime de blessures. Il a déclaré qu’il s’agit d’une norme de protection qu’il est tout à fait raisonnable d’exiger de Parcs Canada en vertu de l’article 124. Il a ajouté que Parcs Canada a fourni l’équipement qui permet aux gardes de parc de réagir en toute sécurité à tous les niveaux de comportement, sauf aux menaces de blessures graves ou mortelles.

[662] Me Raven a ajouté qu’il faut insister sur le fait que les parcs sont le lieu de travail des gardes et qu’il incombe donc à Parcs Canada, en tant qu’employeur, d’assurer la sécurité de ce lieu de travail. Parcs Canada a soustrait aux gardes de parc la possibilité d’intercepter les conducteurs de véhicules qui conduisent trop vite, les conducteurs aux facultés affaiblies et les personnes détenant illégalement des armes à feu; toutefois, Parcs Canada n’a pas fait le nécessaire pour veiller à ce que la police compétente organise des patrouilles ou intercepte ce type de personnes afin d’assurer la sécurité des routes et autres zones du parc pour les gardes de parc et pour le public. Me Raven a affirmé que, vu leur statut d’agent de la paix et le lien de familiarité unique qui les unit à leur parc, y compris dans l’arrière-pays, il est raisonnable d’exiger de l’Agence Parcs Canada qu’elle équipe ses gardes d’armes de poing et qu’elle leur donne une formation pour qu’ils soient en mesure d’intercepter les activités illégales et de contribuer à la sécurisation de leur lieu de travail.

[663] Me Raven a déclaré qu’on a entendu des témoignages sur huit parcs différents, de tailles différentes, de reliefs différents, dans trois provinces différentes et avec des niveaux de fréquentation radicalement différents. Tous les témoignages ont démontré que les préoccupations relatives à la santé et à la sécurité qui ont abouti à la plainte déposée par le garde de parc Douglas Martin ne sont pas propres à un seul parc, mais existent dans tout le pays. Il a ajouté que les gardes de parc se retrouvent souvent dans des situations dangereuses, quel que soit le parc.

[664] Me Raven a indiqué également que l’agent d’appel détient le pouvoir d’ordonner à l’employeur de prendre des mesures précises afin de fournir des armes de poing aux gardes de parc qui exercent des activités d’application de la loi.

[665] Me Raven est d’avis que cet ordre doit être donné à l’échelle national, précisément parce que les témoignages entendus sur différents parcs de différentes tailles, de différents reliefs, en des lieux différents et avec des niveaux de fréquentation différents indiquent que les préoccupations du garde de parc Douglas Martin relativement à sa santé et à sa sécurité ne sont pas propres à un seul parc, mais concernent tout le pays.

[666] Me Raven a demandé le rejet de l’appel de Parcs Canada et le maintien de l’appel du garde de parc Douglas Martin. En conséquence, M. Martin et l’AFPC ont l’honneur de demander que l’agent d’appel ordonne à Parcs Canada d’équiper immédiatement d’une arme de poing convenable tous les gardes de Parcs Canada qui exercent des activités d’application de la loi et de les former en bonne et due forme à l’usage de cette arme.

Décision

[667] Dans le dossier précité Douglas Martin, la Cour d’appel fédérale a indiqué, à l’alinéa 28 de sa décision, qu’un appel devant un agent d’appel était un appel de novo. La Cour a ajouté qu’un agent peut rendre une décision en vertu du paragraphe 145(1) du Code s’il estime qu'il y a eu contravention à la partie II du Code et ce, malgré le fait que l’ASS ait formulé des instructions en vertu du paragraphe 145(2). Selon la Cour d’appel fédérale, cette situation découle des vastes pouvoirs qui sont conférés à l’agent d’appel en vertu du paragraphe146.2 du Code et du fait que l’alinéa 145.1(2) du Code confère à l’agent d’appel les pouvoirs d’un agent de santé et sécurité. L’alinéa 28 de la décision se lit comme suit :

[28] L'appel interjeté devant l'agent d'appel est un appel de novo. Aux termes de l'article 146.2, l'agent d'appel peut convoquer des témoins et les contraindre à comparaître, recevoir sous serment, par voie d'affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu'il juge indiqués, qu'ils soient admissibles ou non en justice, et procéder, s'il le juge nécessaire, à l'examen de dossiers ou registres et à la tenue d'enquêtes. Compte tenu de ces vastes pouvoirs et de l'ajout du paragraphe 145.1(2), il n'y a aucune raison qui justifierait d'empêcher l'agent d'appel de rendre une décision en vertu du paragraphe 145(1), s'il estime qu'il y a eu contravention à la partie II du Code et ce, malgré le fait que l'agent de santé et sécurité a donné des instructions en vertu du paragraphe 145(2).

[668] La question posée dans ce dossier consiste à déterminer si le fait de mener des tâches d’application de la loi sans que l’équipement de protection personnel standard ne comprenne d’arme de poing constituait un danger pour les gardes de parcs ou une infraction au Code au moment de l’enquête menée par l’ASS Grundie. En raison du temps considérable écoulé depuis les instructions données à Parcs Canada par l’ASS Grundie le 1er février 2001 et des changements apportés par Parcs Canada à son programme d’application de la loi, il est également nécessaire d’examiner les tâches actuelles des gardes de parcs en matière d’application de la loi et les circonstances dans lesquelles ces tâches sont exercées pour déterminer s’il existe actuellement un danger ou une infraction au Code. Il faut procéder ainsi parce je devrai, en bout de ligne, déterminer s’il faut modifier, annuler ou confirmer les instructions données par l’ASS Grundie à Parcs Canada. Si je détermine qu’il existait une infraction au Code, je devrai également déterminer si je dois émettre ou non des instructions en vertu du paragraphe 145(1) ou du paragraphe 145(2).

[669] Pour ce faire, je dois examiner les dispositions pertinentes de la partie II du Code canadien du travail, les faits en cause et la jurisprudence citée par les parties.

Pouvoirs de l’agent d’appel

[670] Le paragraphe 146(1) prévoit qu’un agent d’appel qui est saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146 doit mener sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur leur justification. Il peut alors modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions et donner les instructions qu’il juge indiquées dans le cadre des paragraphes 145(2) (danger) ou 145(2.1). Tel qu’indiqué ci-dessus, la Cour d’appel a confirmé que cela incluait l’émission d’instructions en vertu du paragraphe 145(1) (contravention).

Le paragraphe 146.1 se lit comme suit :

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :
(a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;
(b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

Les paragraphes 145(1) et (2) se lisent respectivement comme suit :

145 (1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :
(a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;
(b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

145(2) S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l’agent :
(a) en avertit l’employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu’il précise, à la prise de mesures propres :
i. soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,
ii. soit à protéger les personnes contre ce danger;
(b) peut en outre, s’il estime qu’il est impossible dans l’immédiat de prendre les mesures prévues à l’alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l’employeur, l’utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l’accomplissement de la tâche en cause jusqu’à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n’ayant toutefois pas pour effet d’empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

(2.1) S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose par un employé, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche par un employé constitue un danger pour cet employé ou pour d’autres employés, l’agent interdit à cet employé, par instruction écrite, et sans préjudice des instructions données au titre de l’alinéa (2)a), d’utiliser la machine ou la chose, de travailler dans ce lieu de travail ou d’accomplir la tâche en cause jusqu’à ce que l’employeur se soit conformé aux instructions données au titre de cet alinéa.

[671] Me Raven allègue que la Cour d’appel fédérale avait accepté, à l’alinéa 28 de Douglas Martin, cité ci-dessus, que l’agent d’appel avait le pouvoir de déterminer de nouveau quels articles du Code s’appliquaient à une nouvelle situation. Il ajoute que la Cour d’appel fédérale a également déterminé, à l’alinéa 29, que l’agent d’appel avait la compétence nécessaire pour décider que des articles du Code que l’agent de santé et sécurité n’avait pas pris en considération s’appliquaient en l’espèce. Une fois que l’agent d’appel a déterminé qu’un autre article peut s’appliquer, il doit exercer ses compétences en évaluant pleinement l’applicabilité de l’article. En faire moins, allègue-t-il, est manifestement déraisonnable et constitue un refus injustifié d’exercice des compétences.

[672] Relativement à cette affaire, j’ai reçu des répondants des éléments et des arguments selon lesquels la décision de Parcs Canada de ne pas fournir d’armes de poing à ses gardes de parcs lorsqu’ils doivent contrôler des animaux sauvages dangereux constitue également un danger au sens de la partie II.

[673] Bien que je convienne avec Me Raven que le Code m’autorise à examiner des éléments de preuves qui n’ont pas été utilisés par l’agent de santé et sécurité et à appliquer des articles du Code que l’agent de santé et sécurité n’a pas pris en considération, la question soulevée à l’égard des armes à feu utilisées à des fins de manipulation ou de contrôle des animaux sauvages dangereux ne relève à mon avis pas de ma compétence, parce que cette question n’est pas reliée à la plainte déposée à l’origine par le garde de parc Douglas Martin selon laquelle Parcs Canada exigeait des gardes de parc qu’ils fassent appliquer la loi sans arme de poing.

[674] Me Lambrecht a fait valoir qu’aucune des deux parties n’avait le fardeau de la preuve à l’égard d’une enquête menée par un agent d’appel en vertu de l’alinéa 146.1(1) du Code. À cet égard, il a mentionné la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canadian Freightways Limited et Procureur général du Canada et Western Canada Council de la Teamsters, citée ci-dessus. Madame la juge Dawson a confirmé que l’agent d’appel mène simplement une enquête sur les circonstances entourant une décision rendue ou des instructions données par un agent de santé et sécurité. Aux paragraphes 25 et 26, elle écrit :

[25] Plus récemment, dans la décision Verville et Canada (Correctional Service), [2002] C.L.C.A.O.D. no 12, au paragraphe 15, l'agent d'appel a décrit comme suit la nature d'un appel du genre ici en cause :

[Traduction]
Le Code permet à quiconque est « lésé » par des instructions d'interjeter appel de celles-ci à un agent d'appel (paragraphe 146(1)). L'agent d'appel mène ensuite une enquête « sommaire » sur les circonstances ayant donné lieu aux instructions et peut modifier, annuler ou confirmer les instructions (alinéa 146.1(1)). L'agent d'appel doit se mettre à la place de l'agent de santé et sécurité et rendre la décision que ce dernier aurait dû rendre. Un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) n'est pas un « appel » au sens technique du terme et, par conséquent, la charge de la preuve n'incombe à personne (voir H.D. Snook [...]). En se fondant sur l'article 122.1, qui prévoit que la partie II du Code a pour objet « de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi » l'agent d'appel cherche simplement à en arriver à la décision correcte au point de vue de la santé et de la sécurité.

[26] Ces arrêts faisant autorité donnent à entendre que l'audience, dans un appel d'un pouvoir discrétionnaire, est de la nature d'une nouvelle audience, l'agent d'appel devant examiner toutes les circonstances et rendre ensuite une décision.

Droit de la Partie II et jurisprudence applicables

[675] L’article 122.1 stipule que la partie II a pour objet de prévenir les accidents et les maladies pour les employés. Il se lit comme suit :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[676] À l’article 122.2, le Code indique que la hiérarchie des mesures de prévention doit viser d’abord l’élimination des risques, puis la réduction des risques qui ne peuvent être éliminés et enfin la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection. L’article 122.2 se lit comme suit :

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

[677] L’article 124 du Code exige de l’employeur qu’il veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail. Il se lit comme suit :

124 L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[678] Le mot « danger » est défini comme suit, à l’article 122 :

“danger” means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system.

« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats -, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[679] La première décision d’un agent d’appel à l’égard de l’interprétation et de l’application de la nouvelle définition de danger, entrée en vigueur en septembre 2000, a été rendue par l’agent d’appel Serge Cadieux dans Darren Welbourne c. Canadian Pacific Railway Company15. Aux alinéas 18 et 19, l’agent Cadieux indique que :

15

Darren Welbourne c. Canadian Pacific Railway Company, C.L.C.A.O.D. no 01-008

[18] Selon la définition actuelle du terme, le risque, la situation ou la tâche n’ont plus à être présents uniquement lors de l’enquête de l’agent de santé et de sécurité, mais peuvent l’être éventuellement ou dans le futur. Le New Shorter Oxford Dictionary, édition de 1993, définit le mot « potential » (éventuel) ainsi : « possible, par opposition à réel; capable de se produire; latent ». Le dictionnaire Black’s Law Dictionary, septième édition, définit « potential » comme « capable de se produire, possible ». L’expression « future activity » (tâche éventuelle) indique que cette tâche n’est pas « réellement » exécutée [en présence de l’agent de santé et de sécurité], mais devra être éventuellement effectuée par une personne. Par conséquent, en vertu du Code, le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peut prendre place et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[Nous soulignons]

[19] La situation, la tâche ou le risque -existant ou éventuel -, mentionné dans la définition doit être susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Donc, cette notion « d'être susceptible de causer » exclut toutes les situations hypothétiques.

[680] La déclaration de l’agent d’appels Cadieux à l’alinéa 18, selon laquelle le danger peut aussi être éventuel dans la mesure où le risque, la situation ou la tâche peuvent prendre place se retrouve également dans la définition française du danger dans le Code, mentionnée ci-dessus. Selon la définition française, le danger est une « Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade ». Le Nouveau Petit Robert de la langue francaise, édition de 1996, indique que l’expression « susceptible de » signifie :

… qui peut éprouver; capable de; qui peut éventuellement; apte.

[681] Il faut souligner ici que, dans leur interprétation comme dans leur application, les deux définitions de « danger » dans le Code renvoient à la possibilité, plutôt que la probabilité, qu’un risque, une situation ou une tâche puisse prendre place. Pour constater la présence d’un danger, il est nécessaire de déterminer que le risque, la situation ou la tâche qui peuvent prendre place soient aussi raisonnablement susceptibles de causer des blessures ou une maladie avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Le caractère raisonnable de cette situation est déterminé selon la norme civile de probabilité, qui est la prépondérance des probabilités.

[682] Deux décisions rendues ultérieurement par la Cour fédérale, en 2003 et en 2004, représentent une étude et une évaluation importantes de l’interprétation et de l’application de la définition révisée de « danger » :

  • Martin c. Canada (Procureur général), 2003 FC 1158, par madame la juge Tremblay-Lamer le 6 octobre 2003;
  • Juan Verville et Service Correctionnel du Canada, Institution Pénitentiaire de Kent, 2004 FC 767, par madame la juge Gauthier le 26 mai 2004.

[683] Dans sa décision dans Martin, citée ci-dessus, qui fait référence à la décision dans Darren Welbourne, citée ci-dessus, Madame la juge Tremblay-Lamer confirme, à l’alinéa 58, que le Code ne précise pas que la blessure ou la maladie doit survenir immédiatement pour qu’il y ait danger. Cependant, à l’alinéa 59, elle écrit que la nouvelle définition de danger rend quand même nécessaire un élément d’imminence, parce que la blessure ou la maladie doit raisonnablement survenir avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Madame la juge Tremblay-Lamer écrit, aux alinéas 58 et 59 :

[58] On énonce aussi clairement dans la nouvelle définition, toutefois, qu'une situation, tâche ou risque pourrait constituer un danger « même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats ». Je suis donc d'avis, contrairement à ce qu'a déclaré l'agent d'appel, qu'il n'est pas nécessaire qu'une tâche soit susceptible immédiatement de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, pour constituer un danger au sens du Code.

[59] J'estime malgré tout que la nouvelle définition rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée

[Nous soulignons]

[684] La décision de la juge Gauthier est postérieure à celle de Madame Tremblay-Lamer et en tient compte. Aux alinéas 34, 35 et 36, Madame Gauthier conclut que la blessure ou la maladie peut ne pas se produire dès l’exposition, et qu’il faut plutôt qu'elle se produise avant que la situation ou la tâche ne soit modifiée; elle ne croit pas que la définition de danger exige que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures; et elle ne croit pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Voici la teneur des alinéas 34, 35 et 36 :

[34] Les propos susmentionnés ne sont pas tout à fait exacts. Comme il est indiqué dans l'affaire Martin, précitée, la blessure ou la maladie peut ne pas se produire dès que la tâche aura été entreprise, mais il faut plutôt qu'elle se produise avant que la situation ou la tâche ne soit modifiée. Donc, ici, l'absence de menottes sur la personne d'un agent correctionnel impliqué dans une empoignade avec un détenu doit être susceptible de causer des blessures avant que des menottes ne puissent être obtenues du poste de contrôle ou par l'intermédiaire d'un surveillant K-12, ou avant que tout autre moyen de contrainte ne soit fourni.

[35] Je ne crois pas non plus que la définition exige que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures. La version anglaise « could reasonably be expected to cause » nous dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[36] Sur ce point, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[685] À l’alinéa 36, Madame la juge Gauthier écrit que la définition de danger exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit raisonnablement possible que telles circonstances se produiront dans l'avenir :

[36] …Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront dans l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[686] La juge Gauthier a également abordé la notion de danger s’inscrivant dans les conditions normales de travail à l’alinéa 55 de sa décision dans l’affaire Juan Verville, citée ci-dessus. Elle y affirme que le danger normal d’un travail inclut un niveau de risque qui en constitue une caractéristique essentielle, tout en excluant logiquement un niveau de risque qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. Voici ce qu’elle écrit :

[55] Le sens ordinaire des mots de l'alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un gardien de sécurité de transporter de l'argent à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?

[687] La Cour d’appel fédérale s’est elle aussi penchée sur la notion de danger normal ou inhérent à l’alinéa 33 de l’arrêt Douglas Martin, cité ci-dessus. Plus particulièrement, la Cour d’appel a mis en cause la décision de l’agent d’appel de n’avoir pas expliqué pourquoi l'instauration d'autres mesures d'atténuation des risques ne réduirait pas encore plus les risques de blessures. Monsieur le juge Rothstein écrit :

[33] M. Cadieux estime par ailleurs que le risque d'être blessé, qui fait partie intégrante du travail de gardien de parc, a été atténué efficacement à ce jour grâce aux connaissances spécialisées et à la formation que les gardiens reçoivent et à leur équipement de protection individuel. Il n'explique pas pourquoi l'instauration d'autres mesures d'atténuation des risques, telles que le port d'armes de poing, ne réduirait pas encore plus les risques de blessures.

[688] Dans l’arrêt Douglas Martin, cité ci-dessus, la Cour d’appel a rejeté, à l’alinéa 35, la notion selon laquelle l'imprévisibilité du comportement humain ne saurait constituer un « danger » au sens du Code. Le juge Rothstein écrit :

[35] Parce que l'imprévisibilité du comportement humain constitue un aspect incontournable du travail de ceux qui sont chargés de l'application de la loi, M. Cadieux conclut qu'elle ne saurait constituer un « danger » au sens du Code. Il serait donc impossible de conclure que les fonctions d'application de la loi comportent un « danger ». M. Cadieux n'explique pas pourquoi il en serait catégoriquement ainsi.

[689] Dans le même ordre d’idées, la Cour fédérale a commenté, dans l’arrêt Juan Verville, cité ci-dessus, la norme de preuve requise pour établir une infraction en vertu de l’article 124 du Code. La juge Gauthier a écrit, à l’alinéa 68, qu’un employeur doit prendre toutes les mesures raisonnables pour repérer les risques pour la santé et la sécurité sur le lieu de travail et, une fois qu'un risque a été constaté, il doit prendre des mesures raisonnables pour l'éliminer ou le minimiser autant que cela est raisonnablement possible. L’alinéa 68 se lit comme suit :

[68] S'agissant des autres affirmations faites par l'agent d'appel aux paragraphes 19, 20 et 24 de sa décision, elles signifient d'après moi qu'un employeur doit prendre des mesures raisonnables pour repérer les risques pour la santé et la sécurité sur le lieu de travail et, une fois qu'un risque a été constaté, à la faveur d'une analyse des risques, à l'occasion d'une plainte déposée par un employé ou d'une autre manière, il doit prendre des mesures raisonnables pour l'éliminer ou le minimiser autant que cela est raisonnablement possible.

[690] Finalement, dans le même arrêt Juan Verville, cité ci-dessus, la Cour fédérale a traité des types de preuves que le juge des faits pourrait accepter comme suffisant à appuyer une conclusion de danger. À l’alinéa 51, la juge Gauthier indique que le juge des faits peut s’appuyer sur des avis d'expert, sur les avis de témoins ordinaires ayant l'expérience requise ou sur une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus. J’ai interprété cela comme une opinion fondée sur l’expérience de travail. L’alinéa 51 se lit comme suit :

[51] Finalement, la Cour relève qu'il existe plus d'un moyen d'établir que l'on peut raisonnablement compter qu'une situation causera des blessures. Il n'est pas nécessaire que l'on apporte la preuve qu'un agent a été blessé dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d'expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l'expérience requise, lorsque tels témoins sont en meilleure position que le juge des faits pour se former l'opinion. Cette supposition pourrait même être établie au moyen d'une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[691] Me Lambrecht a allégué que ce dossier contient beaucoup d’éléments de preuve empirique ou fondée sur des opinions de gardes de parc à l’appui des intimés. Il a averti que ces deux formes de preuve présentent des limites, les preuves empiriques n’étant pas nécessairement typiques alors que les opinions peuvent être adaptées. S’il a concédé que la Cour fédérale a confirmé qu’un agent d’appel pouvait accepter des preuves empiriques et des preuves fondées sur des opinions, il a rappelé que la Cour a laissé le poids accordé par l’agent d’appel à la preuve ouvert à la révision judiciaire.

[692] À cet égard, le poids que j’ai accordé à la preuve d’opinion fondée sur l’expérience de travail présentée en l’espèce dépend de plusieurs facteurs. Il s’agit notamment de la spécificité, de la pertinence, de l’impartialité et de la valeur probante de la preuve; de la crédibilité et de la véracité des témoins; de l’étendue de l’expérience sur laquelle est fondée la preuve empirique et la preuve d’opinion; et de la cohérence aux autres éléments de preuve déposés en l’espèce.

[693] Je dois souligner que j’ai été impressionné par l’expérience, les connaissances, la maturité, la candeur, le souci du travail bien fait et le professionnalisme des gardes de parc qui ont témoigné à l’audience. J’ai trouvé qu’ils avaient des principes et qu’ils étaient véritablement intéressés à leur santé, à leur sécurité et à leur bien-être et à ceux des autres gardes de parc. J’en ai tenu compte dans le poids que j’ai accordé à la preuve empirique et d’opinion fondée sur leur expérience de travail.

[694] Comme je l’ai indiqué précédemment, afin de décider si le fait pour les gardes de parc d’appliquer la loi sans disposer d’une arme de poing constituait un danger ou une infraction au Code au moment de l’enquête menée par l’ASS Grundie et en constituait un ou une maintenant, il faut examiner les tâches d’application de la loi et les circonstances dans lesquelles elles sont conduites.

[695] Pour ce faire, je dois examiner la nomination des gardes de parcs à titre d’agents de Loi sur les parcs nationaux du Canada, les tâches d’application de la loi menées par les gardes de parc et les changements survenus dans ces tâches en vertu du programme révisé d’application de la loi de Parcs Canada. Il faut également tenir compte du caractère suffisant des mesures d’atténuation des risques mises en place pour minimiser le risque inhérent aux tâches d’application de la loi, qui est l’imprévisibilité du comportement humain, notamment lorsque la personne peut être mentalement instable, agressive face à l’autorité ou sous l’influence de drogues ou de l’alcool. Enfin, il faut se demander si d’autres mesures d’atténuation, comme la fourniture d’une arme de poing aux gardes de parc menant des tâches d’application de la loi permettrait ou non de réduire le risque de blessures pour eux-mêmes et serait de ce fait nécessaire et approprié. Dans tout cela, il est nécessaire d’examiner la portée nationale de la directive formulée par l’ASS Grundie à l’endroit de Parcs Canada.

Nomination des gardes de parc

[696] Dans son enquête, l’ASS Grundie a constaté que les gardes de parc étaient nommés à titre d’agents de la paix en vertu de l’article 18 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Il a conclu que les gardes de parc avaient un double mandat en matière d’application de la loi, étant responsables à la foi de l’application de la loi en ce qui concerne la gestion des ressources et du maintien de l’ordre public dans les parcs.

[697] L’ASS Grundie a également conclu que la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 de Parcs Canada confirmait que les gardes de parc avaient une responsabilité secondaire d’application du Code criminel à titre de « premiers intervenants ». Il a ajouté que ce double mandat était confirmé par les différents protocoles d’entente intervenus entre Parcs Canada et les services de polices.

[698] L’ASS Grundie a également établi que les gardes de parc étaient autorisés à appliquer d’autres lois fédérales et provinciales dans les parcs, notamment la Loi sur les pêches, la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et le Règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux du gouvernement fédéral. Il a souligné que les gardes de parc étaient assermentés à titre de gendarmes spéciaux en Ontario, au Nouveau‑Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard, et que la nomination confère aux gardes de parc les pouvoirs d’un agent de police de préserver et de maintenir l’ordre et de faire appliquer les lois provinciale sur et à l’égard des terres et des eaux administrées par Parcs Canada dans chacune des provinces respectives.

[699] La preuve présentée en l’espèce confirme que les gardes de parc sont encore aujourd’hui désignés à titre d’agents de la paix en vertu de l’article 18 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Leur nomination confirme leur double mandat d’application de la loi en matière de gestion des ressources et de maintien de l’ordre public, au sens de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et du Code criminel. L’article 18 se lit comme suit :

18. Le ministre peut désigner à titre de garde de parc toute personne nommée sous le régime de la Loi sur l’Agence Parcs Canada dont les fonctions comportent le contrôle d’application de la présente loi, pour faire respecter la présente loi et ses règlements au Canada et pour maintenir l’ordre public dans les parcs. Les gardes de parc sont, pour l’exercice de ces fonctions, des agents de la paix au sens du Code criminel.

[700] Les articles 21 et 22 de la LPNC donnent aux gardes le pouvoir d’arrêter sans mandat toute personne prise en flagrant délit d’infraction à la Loi ou à toute autre loi dans un parc national. L’exercice de ces pouvoirs est appuyé par le pouvoir de perquisition et de saisie. Ces articles se lisent comme suit :

Arrestation par les gardes ou agents

21. (1) Le garde de parc ou l’agent de l’autorité peut, en conformité avec les dispositions du Code criminel, arrêter sans mandat toute personne qu’il prend en flagrant délit d’infraction à la présente loi ou dont il a des motifs raisonnables de croire qu’elle a commis ou est sur le point de commettre l’une des infractions visées à l’article 26.

(2) Le garde de parc peut, en conformité avec les dispositions du Code criminel, arrêter sans mandat toute personne qu’il prend en flagrant délit d’infraction à toute autre loi dans les limites d’un parc.

Perquisition et saisie

22. (1) Le garde de parc ou l’agent de l’autorité peut
(a) en conformité avec le mandat délivré aux termes du paragraphe (2), visiter un lieu, à toute heure du jour ou, si le mandat le précise, à toute heure de la nuit, y procéder à des perquisitions et, en outre, ouvrir et examiner tout contenant;
(b) saisir toute chose qu’il croit être, pour des motifs raisonnables, l’une des choses visées au paragraphe (2).

[701] À titre d’agents de la paix, les gardes de parc sont autorisés en vertu des paragraphes 25(1) et (4) du Code criminel à employer la force, y compris la force mortelle, tel que prescrit. Ils se lisent comme suit :

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi:
(a) soit à titre de particulier;
(b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
(c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
(d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

25(4) L’agent de la paix, ainsi que toute personne qui l’aide légalement, est fondé à employer contre une personne à arrêter une force qui est soit susceptible de causer la mort de celle-ci ou des lésions corporelles graves, soit employée dans l’intention de les causer, si les conditions suivantes sont réunies :
(a) il procède légalement à l’arrestation avec ou sans mandat;
(b) il s’agit d’une infraction pour laquelle cette personne peut être arrêtée sans mandat;
(c) cette personne s’enfuit afin d’éviter l’arrestation;
(d) lui-même ou la personne qui emploie la force estiment, pour des motifs raisonnables, cette force nécessaire pour leur propre protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves — imminentes ou futures;
(e) la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d’une façon moins violente.

[702] La preuve présentée confirme également que les gardes de parc sont encore autorisés à faire appliquer d’autres lois fédérales et provinciales dans les parcs, notamment la Loi sur les pêches, la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et le Règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux du gouvernement fédéral. La preuve confirme en outre qu’un certain nombre de gardes de parc, comme le garde Mark McIntyre, sont toujours désignés à titre de gendarmes spéciaux en Ontario, au Nouveau‑Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard.

[703] Par conséquent, en ce qui a trait à la désignation et aux pouvoirs des gardes de parc à titre d’agents de la paix, je suis d’accord avec l’ASS Grundie lorsqu’il affirme que la désignation comprend un double mandat d’application de la loi en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et du Code criminel.

Activités d’application de la loi réduites ou éliminées par la Directive 2.1.9

[704] Me Lambrecht a maintenu que les pouvoirs généraux conférés aux gardes de parc par l’article 18 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada ne peuvent primer sur les politiques de l’employeur ou les remplacer. À l’appui de cette assertion, il a cité l’alinéa 118 de la décision anglaise dans R. v. Commissioner of Police, citée ci-dessus.

[705] Me Lambrecht a soutenu que Parcs Canada faisait usage de sa prérogative d’employeur et avait éliminé, par la voie de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, une partie des tâches d’application de la loi présentant un risque plus élevé, réduit la fréquence de certaines autres et mis en place des mesures d’atténuation pour traiter les risques restants. Il a ajouté que la Directive 2.1.9 accordait aux gardes de parc la discrétion d’intervenir ou non dans les situations d’application de la loi et, selon le degré de risque, a confirmé que les gardes de parc pouvaient s’acquitter de leurs devoirs en observant les incidents, en les consignant et en les signalant à la police.

[706] Bien que j’accepte le point de vue de Me Lambrecht selon lequel Parcs Canada puisse utiliser ses politiques internes pour modifier ou réduire les tâches d’application de la loi, il ne lui est pas possible de faire en sorte que les gardes de parc dérogent à l’application de la loi l’appliquent partiellement ou évitent de l’appliquer, particulièrement lorsque l’omission d’agir peut comporter un danger pour la vie du garde de parc ou de toute autre personne.

[707] Me Lambrecht a affirmé que les principes d’application de la loi énoncés à l’article 2 (Principes) et à l’article 6 (Lignes directrices) de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 fournissent aux gardes de parc des précisions sur la discrétion qu’il leur est possible d’exercer. Ils se lisent comme suit :

  • Les gardes ou tout employé de Parcs Canada en intervenant en application, de la loi ne sont pas obligés, en connaissance de cause, de s'exposer à un danger comme défini dans le Code canadien du travail.
  • Un garde n'est pas obligé d'intervenir directement lorsqu'il a été déterminé qu'il y a des risques de blessure grave ou de mort.
  • Les gardes en tant qu'agent de la paix présent les premiers sur la scène ne sont pas tenus d'intervenir directement dans toutes les situations liées à l'application de la LPNC et au maintien de la paix publique dans les parcs nationaux. L'intervention requise… peut varier considérablement en fonction de l'évaluation du risque dans une situation donnée.
  • Les gardes doivent recourir à la discrétion dans l'exercice de leur fonction.
  • Le degré d'intervention choisi pour un incident relié à la paix publique et qui a lieu durant l'exécution des tâches régulières d'un garde devra être compatible avec la formation reçue par le garde, son expérience, son équipement, et toute autre mesure d'atténuation mise en place. Cette intervention s'effectuera au plus bas niveau approprié dans les circonstances.

[Je souligne]

[708] À mon avis, la signification de mots et d’expression comme « pas obligé », « pas… dans toutes les situations », « approprié dans les circonstances », ou « doivent recourir à la discrétion » est imprécise et n’est pas utile aux gardes de parc dans un moment critique. Pour l’essentiel, j’interprète ces principes comme signifiant que les gardes de parc désignés conformément à l’article 18 de la LPNC peuvent faire appliquer les lois de conservation des ressources et maintenir l’ordre public dans les parcs nationaux dans la mesure où ils estiment pouvoir le faire sans risque d’être blessés ou tués.

[709] Qui plus est, la discrétion imposée aux gardes de parc par la Directive 2.1.9 leur impose un fardeau inversé de protection de leur propre santé et leur propre sécurité. Ce fardeau dépasse l’obligation faite aux employés en vertu des l’alinéa 126(1)(c) du Code canadien du travail et ne satisfait pas à l’obligation faite à l’employeur par l’article 124 de protéger la santé et la sécurité des employés.

[710] Parcs Canada a raison de dire que les employés ont un devoir général, en vertu de l’alinéa 126(1)(c) du Code, de prendre toutes les mesures et les précautions raisonnables pour protéger leur santé et leur sécurité. Cependant, cela ne remplace pas et ne diminue pas la responsabilité faite à l’employeur en vertu de l’article 124 de protéger la santé et la sécurité de ses employés. L’alinéa 126(1)(c) se lit comme suit :

126(1) L’employé au travail est tenu:
(c) de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sa propre sécurité, ainsi que celles de ses compagnons de travail et de quiconque risque de subir les conséquences de ses actes ou omissions;

[711] À mon avis, la discrétion imposée par la Directive 2.1.9 excède les devoirs de l’employé en vertu de l’alinéa 126(1)(c) du Code, parce qu’elle présuppose que les gardes de parc sont en mesure de déterminer avec une certitude raisonnable si une intervention d’application de la loi est susceptible ou non de les exposer à la mort ou à des blessures. Une telle prémisse est contraire à la réalité confirmée par le MIGI et par les experts qui ont témoigné,en indiquant qu’une intervention d’application de la loi peut dégénérer d’une situation inoffensive à une situation de blessure grave ou de décès en quelques secondes, sans aucune provocation de la part du garde de parc. Par conséquent, la réalité est que les gardes de parc ont peu sinon aucun temps pour réfléchir au risque potentiel, ou pour un désengagement immédiat. Cela peut être comparé au fait de s’avancer dans ce qui semble être un flaque de boue pour se retrouver dans des sables mouvants.

[712] En ce qui concerne la stratégie d’application par observation, notation et signalement, Messieurs Garry Bogdan et Edward Davis ont témoigné qu’elle n’empêcherait pas une attaque contre un agent, puisqu’il ne s’agit pas d’une stratégie qu’un contrevenant s’attend à observer chez une personne en autorité conduisant un véhicule ou une embarcation identifié, portant un uniforme et un ensemble d’outils de défense. M. Davis a témoigné que les agents prennent des risques lorsqu’ils endossent un uniforme qui les identifie comme agent d’application de la loi. Il a affirmé que ce risque se poursuit lorsqu’ils montent dans leur véhicule identifié ou en descendent. M. Bogdan a déclaré que la triade « observer, noter et signaler » représente ce qu’Environnement Canada et les provinces attendent des citoyens lorsque ces derniers sont témoins d’une infraction. Sur la foi de la longue expérience de M. Garry Bogdan en matière d’application de la loi en conservation des ressources et du fait que cette expérience est cohérente avec les résultats des recherches de M. Edward Davis, je suis enclin à accorder un poids considérable à l’opinion de ces deux témoins.

[713] Dans ses conclusions finales, Me Lambrecht a soutenu que certains gardes de parc avaient mal interprété l’expression « maintenir l’ordre public dans les parcs » de l’article 18 de la LPNC, et créé un devoir d’intervention dans des affaires relevant du Code criminel qui dépasse les devoirs d’application de la loi énoncés dans la Directive 2.1.9. Il a soutenu que l’expression « maintenir l’ordre public dans les parcs » a pour seul effet d’accorder aux gardiens de parc la protection des articles 231 et 235 du Code criminel.

[714] Cependant, le garde de parc Duane Martin a témoigné qu’en vertu du CAPRA, le module de résolution des problèmes du modèle d’utilisation de la force élaboré par la GRC et adopté par Parcs Canada, le premier C signifie Clients. Il a souligné que la formation donnée aux gardes de parc et le mandat de Parcs Canada confirment que les attentes des clients sont un élément clé de l’application de la loi. Le garde de parc Deagle a souligné que le point de vue des gardes de parc était cohérent avec le MIGI et avec le modèle CAPRA, qui tiennent compte de l’attente du public selon laquelle les agents doivent lui porter renfort sans égard aux situations de blessures graves ou de mort. Il a ajouté que le Law Enforcement Proficiency Training Manual enseigne aux gardes de parc que les clients, lorsqu’un gardien est appelé sur les lieux d’un incident, s’attendent à ce que ce dernier « règle le problème » et qu’il « mette fin à la poursuite de l’infraction ».

[715] Je rappelle également que le garde de parc Duane Martin a témoigné que la réalité était que les gardes de parc constituaient la première ligne de présence en uniforme dans les parcs nationaux, conduisant des véhicules identifiés et portant un uniforme distinctif. En outre, les postes de garde situés dans les parcs sont identifiés pour permettre aux membres du public de les reconnaître s’ils ont besoin d’information ou d’assistance.

[716] Je n’ai pas reçu suffisamment de preuves ou d’arguments pour commenter l’affirmation de Me Lambrecht selon laquelle « maintenir l’ordre public dans les parcs » de l’article 18 de la LPNC avait pour seul effet d’accorder aux gardiens de parc la protection des articles 231 et 235 du Code criminel. Cependant, les preuves présentées m’ont convaincu que ni l’affirmation de Me Lambrecht ni la Directive 2.1.9 n’étaient cohérentes avec le MIGI et le CAPRA ou avec la formation de perfectionnement en application de la loi en ce qui concerne les attentes du public et la réponse des gardes de parc en matière d’application de la loi. Je suis par ailleurs enclin à être d’accord avec les gardes de parc selon quoi il s’agit là d’une source de confusion et de doute qui peut en bout de ligne ajouter un élément de risque aux interventions d’application de la loi.

[717] En ce qui a trait à la position de Me Lambrecht selon laquelle Parcs Canada a éliminé une partie des tâches d’application de la loi comportant un degré de risque plus élevé de la tâche des gardes de parc et réduit la fréquence de certaines autres par l’application de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, j’ai examiné de près les dispositions particulières de la directive sur la protection des ressources, l’ordre public et l’application des mesures administratives. Voici ce que j’ai retenu de chacun des aspects de ces tâches d’application de la loi.

Élimination et réduction des tâches à haut risque – Application de la loi pour assurer la protection des ressources

[718] L’alinéa 6.2 de la Directive 2.1.9 stipule que les gardes de parc ne font plus appliquer la loi lorsqu’une infraction est commise hors des limites du parc et qu’aucune infraction collatérale n’est commise à l’intérieur des limites du parc; ne font plus appliquer les lois sur la protection de la faune à l’extérieur du parc; ne font plus de perquisitions sans que la police n’ait d’abord sécurisé les lieux; n'effectueront pas d'opérations spéciales comme l'infiltration ou le recours à une fausse identité; ne font plus appliquer les règlements sur la circulation routière; ne feront plus de barrage routier pour assurer la protection de la faune; et ne feront plus d’arrestations sauf en application de mandats émis en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Me Lambrecht a ajouté que les alinéas 6.2.11 et 6.2.12 de la Directive 2.1.9 exigeaient la présence de deux agents de la paix, en plus de l’application des mesures d’atténuation des risques prévues à l’Annex A de la Directive 2.1.9, pour la conduite des rondes de surveillance dédiées ou planifiées pour l'application de la loi en arrière pays.

[719] Nonobstant ces limitations, cependant, la preuve confirme que les gardes de parc sont toujours autorisés à mener des opérations de surveillance à l’intérieur du parc, en civil ou dans un véhicule ou une embarcation non identifié; à effectuer des perquisitions une fois que la police a sécurisé les lieux; à faire appliquer le Règlement sur la circulation routière dans les parcs nationaux à l’égard des véhicules hors route; à intercepter un véhicule dans le cadre d'une enquête portant sur une infraction au Code criminel; à appliquer la loi en dehors des limites du parc dans les cas d'infractions directement liées aux dispositions de la LPNC ou de toute infraction commise à l'intérieur du parc et pour laquelle les gardes ont les pouvoirs d'application de la loi; à établir un barrage routier à des fins de protection de l’environnement, de situation d’urgence ou de sécurité publique; à patrouiller les zones limitrophes des parcs.

[720] À mon avis, l’élimination ou la modification des tâches d’application de la loi a modifié la fréquence de l’exposition au risque pour les gardes de parc, sans modifier la nature inhérente du risque associé à ces tâches et auquel les gardes sont exposés. Ce risque tient à l’imprévisibilité du comportement humain, exacerbé par le fait que la personne peut avoir des tendances à la violence, ne pas aimer l’autorité, être mentalement instable ou être sous l’influence de drogues ou de l’alcool.

[721] En outre, les intimés ont fait valoir que la prohibition énoncée à la Directive 2.1.9 à l’égard de l’application de la loi à l’extérieur des limites du parc a pour effet d’ajouter au risque pour les gardes de parc, parce qu’elle leur interdit de demander aux chasseurs évoluant à proximité du parc de s’identifier. Qui plus est, la preuve incontestée des intimés établit que les gardes de parc n’ont maintenant plus aucun moyen de déterminer si un indicateur de violence ou d’avertissement est associé à un chasseur qu’ils rencontrent près des limites du parc et qui pourrait par la suite y entrer illégalement.

[722] Les intimés ont également fait valoir des préoccupations à propos de la règle des patrouilles à deux personnes de la Directive 2.1.9, parce que l’amélioration de la sécurité des agents qu’elle suppose relève selon eux du mythe. À l’appui de leur position, ils ont affirmé que les recherches conduites par la GRC et la preuve de vive voix présentée par les experts Butler et Davis avait établi que la simple présence de plusieurs agents de police n’était pas, en elle-même, un élément dissuasif à une agression.

[723] À cet égard, l’étude conduite en 2002 par le caporal Brian Largy de la GRC sur les agents de police assassinés entre 1980 et 2002 montre que, dans 53,8 % des cas survenus au Canada entre 1980 et 2002, plus d’un agent était présent lorsqu’un agent de police a été tué. De plus, tant le sergent Butler que M. Edward Davis étaient en désaccord avec le fait qu’une patrouille à deux personnes puisse constituer un substitut légitime à une arme de poing. Le sergent Butler a témoigné qu’une telle croyance pouvait entraîner un relâchement de la vigilance, les agents se croyant davantage en sécurité. M. Davis a dit douter que deux agents forment une équipe, notamment s’ils n’ont pas été formés à cet effet.

[724] J’ai également relevé qu’un rapport publié le 14 décembre 2004 par le Justice Institute of British Columbia et intitulé Review of Force Options Requirements of Greater Vancouver Transportation Authority Police Service (GVTAPS) Designated Constables avait examiné le recours à un nombre accru d’agents pour augmenter la sécurité. Le rapport indique que certains services croyaient que le fait de disposer d’un plus grand nombre d’agents sur les lieux d’un incident pouvait en permettre une résolution plus sécuritaire. Le rapport indique également que [traduction] « cette approche pourrait ne pas être appropriée, notamment lorsque les agents ont les mêmes options limitées en matière d’utilisation de la force ». L’exemple donné est celui de deux ou trois agents armés de matraques à l’occasion d’un incident impliquant un suspect armé d’un couteau. Selon le rapport, cela n’augmente pas la sécurité des agents, puisque la matraque (peu importe le nombre) ne peut pas être utilisée pour se défendre adéquatement contre une arme blanche. Le rapport conclut que les services ont en fait augmenté leur exposition au risque en adoptant cette théorie de réponse à plusieurs agents.

[Je souligne]

[725] L’opinion des experts et les recherches de la GRC citées par les intimés selon lesquelles l’augmentation du nombre d’agents présents sur les lieux d’un incident ne permet pas d’assurer la sécurité de ces derniers n’ont pas été réfutées par Parcs Canada. De plus, Parcs Canada n’a fourni aucune preuve, par exemple une analyse des risques liés à l’emploi, pour confirmer l’efficacité de la patrouille à deux agents dans les circonstances où elle est appliquée. Il n’y a pas non plus de justification de cette politique dans la Directive 2.1.9 ou dans le Law Enforcement Administration et Operational Manual.

[726] Au contraire, le Jasper National Park Law Plan, 2003 précise que [traduction] « le renfort de la GRC est recommandée dans les situations où un garde de parc sait ou que l’enquête a établi que des armes à feu sont ou peuvent être présentes ». À mon avis, ceci démontre qu’il est bien compris que le fait que des gardes de parc non armés patrouillent deux par deux peut ne pas suffire à assurer leur sécurité.

[727] Par ailleurs, le témoignage des gardes de parc Deagle et McIntyre affirmait qu’il est courant que les gardes de parc se séparent durant les patrouilles à deux dans le parc et dans l’arrière-pays, pour des raisons pratiques. Je suis davantage préoccupé par le fait que M. Robert Prosper ne semblait pas informé de cette déviation à la politique, malgré ses assurances voulant que les programmes d’application de la loi sont révisés annuellement et que des mesures correctives sont rapidement prises, ou pire encore, que Parcs Canada tolérait cet écart à la politique.

[728] Je suis également préoccupé par la note de service du directeur général des parcs nationaux selon laquelle la patrouille à deux était surutilisée. Dans son témoignage, M. Robert Prosper a insisté sur le fait que le Law Enforcement Administration et Operational Manual incite les parcs à resserrer les normes nationales d’atténuation dans la mesure jugée appropriée. Il m’apparaît inapproprié et incompatible avec la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 que l’administration centrale renverse la décision des parcs sans en fournir les raisons et surtout sans offrir de solution de rechange à la patrouille à deux.

[729] Je ne peux que conclure que l’efficacité de cette politique de patrouille à deux pour atténuer les risques associés aux tâche d’application de la loi pour lesquelles elle est prescrite par la Directive 2.1.9 est douteuse.

Élimination et réduction des tâches à haut risque – Maintien de l’ordre public

[730] En ce qui a trait au maintien de l’ordre public, Parcs Canada reconnaît à l’article 3 de la Directive 2.1.9 avoir la responsabilité d’assurer un niveau adéquat d’ordre public sur les terres qu’elle administre et dirige.

[731] Cependant, dans le même article, Parcs Canada dit à ses gardes de parc que les services de police compétents ont la responsabilité principale du maintien de l’ordre public. Plus loin, à l’article 6.3.2, Parcs Canada affirme que « Parcs Canada établira au besoin des PE avec la GRC, la PPO, la SQ, les services de police municipaux et des Premières nations pour l'application de la loi efficace en vue d'assurer le maintien de la paix publique sur les terres de Parcs Canada ». Robert Prosper a déclaré en outre que la direction locale des parcs tient des rencontres avec la police locale durant le processus de l’élaboration des plans d’application de la loi dans les parcs, afin de s’assurer auprès d’elle qu’elle offrira un niveau approprié de maintien de l’ordre public et de renfort à ses gardes de parc.

[732] À sa face même, ceci semble impliquer que le rôle des gardes de parc dans le maintien de l’ordre public est mineur et qu’au moindre signe de risque, les gardes de parc peuvent se retirer et appeler la police. Cependant, l’examen des faits montre que ce n’est pas le cas.

[733] Premièrement, la preuve corrobore le fait que ni le PE national avec la GRC ni aucune des ententes locales avec les services de police compétents (autres que les ententes particulières avec les villes situées dans les parcs) ne précise le niveau de service que ces corps policiers fourniront pour l’application de la loi ou le renfort aux gardes de parc. En fait, le témoignage de M. Robert Prosper et le Law Enforcement Administration et Operational Manual confirment que Parcs Canada accepte que le degré de réponse qu’elle obtient des différents corps policiers, y compris dans les situations d’urgence nécessitant du renfort pour les aux gardes de parc, est celui auquel tout citoyen est en doit de s’attendre.

[734] Le rapport déposé en novembre 2005 par la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes a été déposé en preuve. Il confirmait que la GRC éprouve de sérieux problèmes d’effectif. Ce commentaire est compatible avec les témoignages selon lesquels le travail de police n’apparaît pas toujours de façon évidente dans tous les secteurs des parcs et que la présence policière n’a pas augmenté depuis que Parcs Canada a révisé sa politique d’application des lois.

[735] Dans son témoignage, le gardien de parc Hawkins a expliqué que le détachement de lac Louise de la GRC comptait quatre membres, de sorte qu’un seul est de service le jour. Si l’agent est malade, il se peut qu’il ne soit pas remplacé; le lundi, le membre de la GRC peut ne pas être disponible du tout, puisqu’il est possible qu’il doive être présent au tribunal durant la plus grande partie de la journée.

[736] Le gardien de parc Deagle a témoigné avoir constaté que le nombre de membres de la GRC dans le parc national Jasper avait diminué depuis que la Directive 2.1.9 est entrée en vigueur et que les gardes de parc ne font plus appliquer les règlements de circulation. À cet égard, j’ai également constaté que le Jasper National Park Law Plan, 2003 signale que le nombre d’événements d’application de la loi a chuté de 678 en 2001 à 211 et 110 au cours des années subséquentes, alors que c’est la GRC et non plus les gardes de parc qui assurent les tâches d’application de la loi.

[737] Dave Hanna a témoigné que l’appui de la GRC était variable et qu’il avait connu des délais variant de deux à cinq minutes et pouvant aller jusqu’à deux jours. Il avait l’impression que les pénuries de personnel au sein de la GRC dans son ressort étaient fréquentes et a signalé que les membres de la GRC faisaient souvent appel à ses agents de conservation pour les aider à transporter des sujets.

[738] Le garde de parc Duane Martin a également témoigné qu’il ne savait pas si les services de police compétents avaient augmenté le nombre d’agents ou la fréquence des rondes de surveillance dans les parcs de l’Ouest, afin d’assurer les tâches abandonnées par les gardes de parc conformément à la Directive 2.1.9. Il a exprimé l’opinion que cette situation avait augmenté le risque pour les gardes de parc et les autres personnes qui utilisent les routes.

[739] Les constatations de la vérificatrice générale du Canada sont compatibles avec le contenu du témoignage de Robert Prosper, qui a confirmé que Parcs Canada ne reçoit pas de rapports de la GRC sur les normes minimales de services policiers et l’appui en temps opportun. Par conséquent, Parcs Canada ne sait pas si la GRC ou les autres services policiers compétents disposent des ressources suffisantes pour faire respecter l’ordre public dans les parcs tel que prévu par la Directive 2.1.9 et assurer un renfort en temps opportun aux gardes de parc. M. Prosper ne pouvait que se dire confiant que la GRC et les autres services de police agissent de manière appropriée.

[740] Enfin, les plans d’application de la loi des différents parcs nationaux confirment que les ressources des autres services de police compétents sont soumises aux mêmes pressions.

[741] La preuve me laisse une forte impression qu’il existe un écart entre la politique actuelle découlant de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 et la pratique actuelle d’application de la loi en matière d’ordre public dans les parcs par les services de police compétents. Ceci ne peut qu’avoir une incidence sur les attentes du public envers les gardes de parc et le désir de ces derniers d’intervenir selon la formation qu’ils ont reçue sur les attentes des clients.

[742] Dans le cadre de mon examen, j’ai étudié de près les dispositions de la Directive 2.1.9 en ce qui concerne le maintien de l’ordre public. À cet égard, je note que l’ordre public comprend, sans s’y limiter, les querelles de ménage, les agressions, le vol, la consommation illégale d’alcool, le vandalisme, les infraction liées à l’alcool, le bruit et le dérangement, les drogues illégales et l’obstruction envers un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions.

[743] L’alinéa 6.3.3 de la Directive 2.1.9 stipule que les gardes de parc qui sont témoins d'un incident de paix publique ne doivent pas intervenir au delà d'observer, prendre des notes et rapporter l'incident. Cependant, le Law Enforcement Administration et Operational Manual indique que les gardes de parc peuvent dépasser cette intervention limitée dans les situations où la sécurité du public est mise en cause.

[744] L’article 6.3.4 de la Directive 2.1.9 interdit aux gardes de parc de constituer des patrouilles dédiées pour assurer le maintien de la paix publique et d’agir comme premiers intervenants dans les plaintes reliées au maintien de la paix publique. Cependant, le garde de parc McIntyre a déclaré dans son témoignage que dans le parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, la pratique pour les gardes de parc consistait à agir comme premiers intervenants si la plainte venait d’un garde de parc ou d’un autre membre du personnel du parc, parce que le délai de réponse de la PPO était insuffisant. Dans son témoignage, Robert Prosper a dit que cette initiative ne le surprenait pas et qu’il s’attendait à ce que cette pratique soit également en vigueur dans d’autres parcs. L’importance de cette révélation comporte deux volets. D’une part, il s’agit d’une déviation par rapport à la politique officielle et l’administration centrale n’en est pas informée, malgré les assurances de M. Prosper voulant que les programmes d’application de la loi sont révisés annuellement et que des mesures correctives sont rapidement prises, ou pire encore, Parcs Canada a choisi de tolérer cet écart à la politique. D’autre part, la déviation indique que la Directive 2.1.9 n’est pas applicable en pratique sur le terrain.

[745] Qui plus est, l’alinéa 6.3.6 de la Directive 2.1.9 autorise les gardes de parc à effectuer des rondes de surveillance à deux agents, et à répondre à des plaintes, pour appliquer le règlement général et le règlement sur le camping qui concernent des infractions liées au bruit et au dérangement dans les campings et les aires de fréquentation diurnes, ceci dans le cadre d'une stratégie approfondie de conformité décrite et approuvée dans le plan d'application de la loi du site. J’ai déjà abordé la question de l’aspect sécuritaire des patrouilles à deux agents de la paix.

[746] L’alinéa 6.3.5 de la Directive 2.1.9 autorise les gardes de parc à intervenir lorsqu’ils sont témoins d’une infraction concernant l’ordre public ou qu’ils en sont informés, durant l’exécution de leurs tâches régulières, à condition que l’intervention ne les place pas en danger et qu’elle soit compatible avec les mesures d’atténuation prévues par la Directive 2.1.9 et l’Annex A. La question de l’efficacité de ces mesures d’atténuation sera abordée plus loin, mais qu’il suffise de dire ici que ces mesures, à mon avis, ne sont jamais infaillibles.

[747] Il convient de souligner ici, en ce qui concerne l’alinéa 6.3.5 de la Directive 2.1.9, que la version précédente du Bulletin de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 reconnaissait que certaines circonstances exigeaient que chaque garde de parc de Parcs Canada et chaque service de police compétent joue un rôle de premier plan dans l’aire de responsabilité première de l’autre. Parcs Canada a soutenu que les gardes de parc ne jouent plus un rôle de premier intervenant dans les incidents de paix publique. Cependant, je suis d’avis que la réponse occasionnelle dont il est fait mention à l’alinéa 6.3.5 n’est pas très éloignée du rôle de premier intervenant joué antérieurement.

[748] Me Raven a rappelé les témoignages des témoins experts Browning et Davis et ceux des gardes de parc Duane Martin, Deagle, Hawkins et McIntyre selon lesquels la collecte de l’information était cruciale dans l’évaluation du risque. Me Raven a soutenu qu’il existe des raisons importantes de croire que le travail occasionnel d’application de la loi sans information sur le contexte est plus dangereux que l’intervention en réponse à un appel. Je suis entièrement d’accord avec cette opinion.

[749] Finalement, l’alinéa 6.3.8 interdit aux gardes de parc de procéder aux expulsions résultant d’incidents liés au maintien de la paix. Cependant, Robert Prosper a confirmé que les gardes de parc pouvaient intervenir dans le processus d’expulsion jusqu’à ce que les services de police compétents soient appelés. À mon avis, cette politique ne tient pas compte du fait que la situation peut dégénérer soudainement, passant de coopérative à une situation de blessures graves ou de mort avant l’arrivée de la police. Encore une fois, j’ai déjà donné mon opinion sur la sécurité des patrouilles à deux agents.

Confusion chez les gardes de parc à propos du maintien de l’ordre public

[750] Je note que les gardes de parc se sont plaints en outre que la Directive 2.1.9 est ambiguë quant à leur responsabilité en matière d’application de la loi lorsqu’ils sont témoins d’un incident de paix publique sur la voie publique durant l’exécution de leurs tâches normales ou lorsqu’ils sont informés d’un incident de paix publique. Ils ont exprimé leur préoccupation sur le fait qu’ils pourraient faire l’objet de poursuites civiles ou pénales s’ils n’intervenaient pas autrement qu’en observant, en prenant des notes et en rapportant l’incident.

[751] Les gardes de parc ont donné l’exemple d’un incident dans lequel un garde de parc s’était arrêté pour porter assistance à une personne dont le véhicule était stationné en bordure de la route. Robert Prosper a confirmé que ces situations survenaient fréquemment et que les gardes de parc étaient autorisés par la Directive 2.1.9 à s’arrêter et à offrir leur aide lorsqu’ils étaient témoins d’un accident ou voyaient un véhicule immobilisé sur le bord de la route, durant l’exécution de leurs tâches régulières.

[752] Dans l’incident dont il est ici fait mention, le conducteur du véhicule immobilisé avait clairement les facultés affaiblies. La question était de savoir si le garde de parc devrait sécuriser la scène et empêcher le conducteur de quitter les lieux avant que la police n’arrive, ou lui permettre de quitter les lieux au volant de son véhicule, avec les facultés affaiblies. Les gardes de parc étaient préoccupés par le fait que laisser le conducteur quitter les lieux avec les facultés affaiblies pouvait possiblement causer des blessures à un collègue de travail en patrouille dans le secteur ou à un membre du public. Ils étaient également préoccupés par le fait que s’ils laissaient partir le conducteur, ils pouvaient s’exposer à des poursuites civiles ou à des poursuites pour négligence criminelle si un membre du public devait être grièvement blessé en raison de l’inaction des gardes de parc.

[753] À la suite de mon examen des dispositions de la Directive 2.1.9 concernant l’application de la loi dans les questions de paix publique, je dois convenir avec les gardes de parc qu’elles ne contiennent aucune instructions claires sur ce qu’ils doivent faire s’ils trouvent un conducteur avec les facultés affaiblies arrêté en bordure de la route.

[754] Je conviendrais également que les gardes de parc ont raison d’être préoccupés par le fait de permettre ou non à un conducteur aux facultés affaiblies de reprendre la route en vertu de la Directive 2.1.9. Selon l’alinéa 126 c) du Code canadien du travail, ils sont tenus, à titre d’employés, de pendre toutes les précautions nécessaires pour assurer que leurs actes ou leurs omissions ne mettent pas en danger la santé ou la sécurité d’autres employés ou d’autres personnes. L’alinéa 126 c) se lit comme suit :

126(1) L’employé au travail est tenu:
(c) de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sa propre sécurité, ainsi que celles de ses compagnons de travail et de quiconque risque de subir les conséquences de ses actes ou omissions[.]

[Je souligne]

[755] Me Lambrecht a fait référence à l’alinéa 6.1.10 de la Directive 2.1.9, qui promet d’indemniser les gardes de parcs en cas de poursuites civiles s'ils ont agi dans l'exercice de leurs fonctions et compte tenu de la portée de leur emploi. L’alinéa 6.1.10 se lit comme suit :

6.1.10 … Parcs Canada indemnisera les gardes de parcs en cas de poursuites civiles s'il ont agit honnêtement et sans malice dans l'exercice de leurs fonctions et compte tenu de la portée de leur emploi.

[756] L’interprétation que donnerait un tribunal à l’expression « dans l'exercice de leurs fonctions et compte tenu de la portée de leur emploi » reste à déterminer. Cependant, je m’attendrais à ce qu’il tienne compte du rôle attribué aux gardes de parc par l’article 18 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et du serment d’office que les gardes de parc doivent prêter conformément au paragraphe 20(1) de la Loi. Dans le « Serment d’office des gardes » défini dans le Law Enforcement Administration et Operational Manual, un garde de parc accepte de [traduction] « accomplir et exécuter pleinement les tâches et les devoirs des gardes de parc conformément à la lettre et à l’intention véritables de la LPNC et de sa réglementation »

[Je souligne].

[757] Il semble donc que, pour bénéficier de la protection offerte par l’alinéa 6.1.10 de la Directive 2.1.9, les gardes de parc doivent se demander si le fait de ne pas intervenir ne pourrait pas plus tard être interprété par Parcs Canada et par les tribunaux comme ne pas avoir agi dans l'exercice de leurs fonctions et compte tenu de la portée de leur emploi, compte tenu de la nature de la menace pour le public et de toutes autres circonstances ayant pu jouer. Cela correspond au moment précis auquel le MIGI demande aux gardes de parc d’évaluer le risque pour eux-mêmes et pour le public. Ici encore, je suis d’avis que la Directive 2.1.9 de Parcs Canada a pour effet de miner la certitude et la confiance des gardes de parcs, à un moment où cette situation augmente le degré de risque pour eux.

[758] Les gardes de parc se sont également plaints du fait que la Directive 2.1.9 ne leur donnait aucune information sur la façon de mettre en équilibre la politique qui leur demande d’observer, de prendre des notes et de rapporter l’incident avec leur formation du MIGI, qui leur apprend que les attentes du client et la sécurité du public priment sur tout. Je conviendrais avec les gardes de parc que la Directive 2.1.9 n’est pas compatible avec la fonction d’application de la loi conférée aux gardes de parcs en vertu de la LPNC et que cela constitue un autre facteur qui place les gardes de parc en situation de tension entre les dispositions de la Directive 2.1.9 et les impératifs de la situation. La situation est exacerbée par l’absence d’ententes entre Parcs Canada et les services de police compétents pour assurer un niveau adéquat d’application de la loi dans les questions de paix publique et par la preuve démontrant que le niveau de présence policière est relativement faible dans plusieurs parcs.

[759] Sur la question du système du CIPC, Robert Prosper a reconnu que le conducteur d’un véhicule stationné en bordure de la route pouvait bien ne pas en être le propriétaire. Par conséquent, il a admis qu’une vérification des fichiers du CIPC à partir du numéro d’immatriculation pourrait ne pas permettre au garde de parc de savoir si le conducteur a des antécédents de violence ou s’il fait l’objet d’un mandat d’arrestation. Cependant, il a soutenu que le garde de parc pourrait savoir si le conducteur avait des antécédents de violence ou fait l’objet d’un mandat d’arrestation en vérifiant le permis de conduire dans les fichiers du CIPC et pourrait à se moment effectuer un repositionnement tactique et attendre l’arrivée de la police. Malgré tout, il a reconnu que la Directive 2.1.9 n’offre aucune politique ou instruction aux gardes sur la façon d’effectuer un repositionnement tactique de manière sécuritaire, compte tenu du fait qu’ils ont toujours le permis de conduire entre leurs mains et que le conducteur ne peut que supposer qu’ils sont avertis des antécédents de violence ou du mandat d’arrestation et qu’il sait, du fait de l’uniforme semblable à celui des policiers et du ceinturon de service que portent les gardes, et de leur véhicule identifié, qu’ils exécuteront probablement le mandat d’arrestation.

[760] Enfin, la Directive 2.1.9 confirme que Parcs Canada a la responsabilité d’assurer un niveau adéquat de protection de l’ordre public dans les parcs. Cependant, je n’ai pu trouver dans la Directive 2.1.9 aucune orientation à l’intention des gardes concernant un incident de paix publique en progression, alors qu’il apparaît clairement qu’il existe un danger pour un membre du public et qu’il est hautement improbable qu’un policier arrivera en temps opportun. L’incertitude contenue dans la Directive 2.1.9 ne peut que constituer une source de frustration et de stress pour les gardes de parc, à un moment critique alors qu’ils doivent évaluer un risque selon leur formation du MIGI.

Élimination et réduction des tâches à haut risque – Application de la loi pour assurer le respect des mesures administratives

[761] En ce qui a trait à l’application des mesures administratives, l’alinéa 6.4.1 de la Directive 2.1.9, intitulé Application de la loi pour assurer le respect des mesures administratives, confirme que les gardes de parc sont toujours responsables du traitement des infractions aux règles administratives, touchant par exemple la possession d’un permis de campeur ou d’accès au parc valide. Dans son témoignage, Robert Prosper a indiqué que le changement tenait au fait que les gardes de parcs réagissaient maintenant à des plaintes déposées par d’autres membres du personnel, plutôt que de faire des rondes de surveillance dans ce but. Bien que cela puisse avoir une incidence sur la fréquence de telles interventions, la nature du risque associé à cette tâche n’en est pas modifiée.

Évaluation globale des tâches d’application de la loi éliminées ou réduites en vertu de la Directive 2.1.9

[762] Les témoignages des gardes de parc Duane Martin, Hawkins, Deagle et McIntyre portaient sur le fait que les tâches d’application de la loi sont restées essentiellement inchangées malgré les changements apportés à la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9.

[763] Selon le garde de parc Duane Martin, l’application de la loi en matière de gestion des ressources reste le mandat premier des gardes de parc. Les gardes de parc continuent de mener des enquêtes et de former des patrouilles, d’exercer de la surveillance, des perquisitions et des saisies et d’obtenir et d’exécuter des mandats; ils continuent d’émettre des avertissements; et ils conservent les pouvoirs d’arrestation pour les infractions relevant de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et du Code criminel. De plus, les attentes du public ont toujours été présentes dans le passé et se maintiennent.

[764] Selon le garde de parc McIntyre, les incidents de maintien de la paix publique restent aussi fréquents sous l’empire de la Directive 2.1.9 qu’ils ne l’étaient sous l’ancien Bulletin 2.1.9, parce que le nombre d’interventions accessoires n’a pas radicalement évolué.

[765] J’ai accordé un poids significatif aux opinions fondées sur l’expérience de travail des gardes de parc. Le garde de parc Duane Martin compte 33 années d’expérience à titre de garde de parc; il a dirigé la conception et la mise en œuvre du bulletin de gestion précédent et il est actuellement responsable de l’interprétation de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 pour les gardes et les gestionnaires de parcs. Les gardes de parc Deagle et McIntyre sont responsables de la formation des agents et leurs témoignages démontrent une sensibilité et une appréciation réfléchies des risques associés aux tâches d’application de la loi et des préoccupations des gardes de parc.

[766] Dans son témoignage, Robert Prosper a déclaré que les mesures d’atténuation contenues dans la Directive 2.1.9 tenaient compte de l’évaluation quantitative faite par le professeur Evans dans son rapport intitulé National Assessment of Relative Risk in Warden Law Enforcement Occurrence Reports. M. Prosper qualifie l’étude du professeur Evans d’importante, ses conclusions étant fondées sur un ensemble de données de quelque 14 000 incidents d’application de la loi signalés dans les parcs de l’ensemble du Canada.

[767] Cependant, le professeur Evan a conclu son étude en disant que [traduction] « c’est la nature des risques particuliers et les circonstances entourant l’exposition aux risques », avec les considérations de risque, de formation, d’éducation et d’équipement, qui déterminent dans une grande mesure les stratégies appropriées et raisonnables de gestion et d’atténuation. Il a souligné que la prise en compte de ces éléments ne faisait pas partie du champ de son rapport.

[Je souligne]

[768] Parcs Canada a déposé des statistiques annuelles concernant la diminution du nombre d’incidents d’application de la loi au parc national Jasper dans la foulée de la mise en œuvre de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Cependant, le garde de parc Deagle a témoigné que la réduction apparente du nombre d’incidents d’application de la loi dans le parc national Jasper n’était pas nécessairement attribuable à la nouvelle Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Bien que le témoignage du garde de parc Deagle n’ait porté que sur le parc national Jasper et ne soit peut-être pas représentatif, il soulève des questions qui à mon avis n’ont pas trouvé réponse dans la preuve présentée devant moi par Parcs Canada.

[769] Plus important, la preuve confirme que les modifications apportées à la Directive 2.1.9 n’ont pas modifié la nature du risque pour les gardes de parc qui assurent les tâches d’application de la loi.

[770] En raison des principes vagues énoncés dans la Directive 2.1.9, du fait que les parcs locaux ne suivent pas les dispositions de la Directive 2.1.9 à l’égard des patrouilles à deux agents et qu’ils répondent aux appels d’urgence reliés à l’ordre public provenant de membres du personnel ou d’autres gardes de parc et de la préoccupation qu’un garde de parc qui se conformerait de façon stricte à la Directive 2.1.9 pourrait potentiellement le placer en infraction à l’alinéa 126 c) du Code, j’ai l’impression qu’il existe, dans des secteurs importants, un écart marqué entre la politique établie par la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 et la pratique actuelle sur le terrain.

[771] À l’égard de cette question et des circonstances qui existaient au moment de l’enquête menée par l’ASS Grundie sur la plainte déposée par le garde de parc Douglas Martin, je rappelle la preuve de Robert Prosper selon laquelle les gardes de parc avaient assumé des tâches toujours croissantes en matière d’application de la loi, et notamment : application du Code criminel à titre de premiers intervenants; application des lois provinciales sur la sécurité routière; application des lois et de la réglementation provinciales et fédérales sur la faune et la pêche en dehors des limites des parcs; arrestation de suspects faisant l’objet de mandats en vertu du Code criminel. Il a déclaré en outre que dans certaines circonstances, les gardes de parc dirigeaient des enquêtes internationales sur le braconnage, participaient à des opérations d’infiltration et ont été autorisés à faire appliquer la loi en dehors des limites des parcs. Il a supposé que les gardes de parc ont développé un talent en matière d’application de la loi en l’absence d’autres forces ou organismes de police pour le faire et ont de plus en plus assumé les responsabilités de premiers intervenants.

Mesures d’atténuation des risques

[772] Selon l’Annex A de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, dans tous les cas d’application de la loi en matière de protection des ressources, d’ordre public ou de respect des mesures administratives, les interventions des gardes de parc se limitent à observer, prendre des notes et rapporter les incidents, lorsque les mesures d’atténuation prévues à la Directive 2.1.9 et à l’Annex A ne peuvent être prises. Ces mesures d’atténuation comprennent la formation, l’équipement défensif, les appareils de télécommunications, le port d’un gilet pare-balles, le recours au CIPC/OTS; les mécanismes de répartition et l’appui. Je fais les constatations suivantes à l’égard de chacune de ces mesures d’atténuation.

Formation

[773] En ce qui a trait à l’alinéa 6.8.1 de la Directive 2.1.9, les intimés n’ont pas présenté d’éléments de preuve contredisant ou indiquant une insatisfaction face aux exigences générales de formation énoncées au Volume 3, Partie III, Chapitre 1, Formation, du Law Enforcement Administration and Operational Manual. Le manuel confirme que la désignation PC‑4 comprend une formation obligatoire sur les sujets suivants : tâches de conservation des ressources; élément d’application de la loi de la formation des recrues (cours de 12 semaines); atelier de compétence en application de la loi, avec requalification tous les cinq ans et 20 heures de formation annuelle afin de rafraîchir la mémoire musculaire; formation sur le MIGI et instruction préalable au déploiement, avec requalification tous les deux ans; formation en conformité.

Gilet pare-balles

[774] Les intimés n’ont pas contesté la pertinence du port d’un gilet pare-balles de niveau II contre les attaques avec une arme de poing.

Appareils de télécommunications

[775] Parcs Canada a soutenu que les gardes de parc ont accès à de l’équipement de télécommunications moderne, permettant les communications à longue distance et un accès en temps raisonnablement opportun au CIPC et aux autres renseignements de sécurité des agents contenus dans le système. Parcs Canada a amélioré l’accès aux communications depuis l’audience devant l’agent d’appel Cadieux, en améliorant l’équipement de radio et en se procurant des appareils de communication par satellite.

[776] Les témoignages des gardes de parc et de MM. Dave Hanna, Craig Hockley et Garry Bogdan ont établi que les défaillances de communication sont généralement attribuables à la topographie, aux temps ou aux limitations des sources d’énergie. Dans son témoignage, le garde de parc Duane Martin a déclaré que les gardes de parc travaillant seuls dans le secteur du lac Louise étaient parfois incapables d’utiliser leur radio en raison des défaillances du répéteur par temps froid. Le garde de parc Hawkins a témoigné qu’un répéteur avait été hors fonction durant deux semaines et demie et que l’équipement de radio à piles avait cessé de fonctionner parce que les piles étaient défectueuses ou s’étaient déchargées lors d’une ronde de surveillance de plusieurs jours dans l’arrière-pays. Il a déclaré que la totalité des parcs de Kootenay et Yoho étaient des « zones mortes » pour la téléphonie cellulaire. Il a ajouté qu’il disposait d’un téléphone satellitaire pour le travail dans l’arrière-pays, mais que les piles pour ces appareils n’avaient qu’une durée utile moyenne de 20 minutes, ce qui correspond à deux conversations moyennes, de sorte qu’il devait transporter des piles de rechange. Le garde de parc McIntyre a témoigné que le manque de fiabilité des piles restait un problème aujourd’hui et que le téléphone cellulaire était aussi inutilisable dans certains secteurs du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne. Dans son témoignage, Craig Hockley a indiqué que la réception satellitaire était compromise dans les vallées en raison de l’obstruction causée par les montagnes ou le feuillage des arbres. Dave Hanna a déclaré que le téléphone satellitaire ne fonctionnait que dans environ 30 à 40 % de sont district. Il a estimé qu’il fallait entre deux et cinq minutes avant qu’un téléphone satellitaire ne soit pleinement fonctionnel. Garry Bogdan a insisté sur le fait qu’il n’était pas possible de se fier à l’équipement de communication en raison des piles et du nombre de zones mortes pour la téléphonie cellulaire et satellitaire.

[777] Je rappelle également le témoignage de Robert Prosper, qui a déclaré que le plan d’application de la loi de Banff indiquait que la couverture de télécommunication était supérieure à 85 % pour le personnel ayant accès à des appareils de radio VHF et à des téléphones cellulaires et satellitaires. Selon le plan, il existe certains secteurs géographiques dans lesquels les communications sont difficiles en raison de la topographie des lieux; ces zones sont toutefois identifiées et des mesures d’atténuation sont prévues dans des plans tactiques définis. Robert Prosper a déclaré que ces déficiences étaient connues et que les mesures d’atténuation étaient traitées dans la section tactique du plan, pour les différentes tâches d’application de la loi en matière de gestion des ressources, de maintien de l’ordre public et de respect des mesures administratives. Cependant, les mesures d’atténuation qu’il mentionne sont celles prévues à l’Annex A de la Directive 2.1.9, qui stipule qu’il doit y avoir une communication fiable sur l’emplacement d’un incident d’application de la loi ou de conformité.

[778] La preuve démontre clairement que Parcs Canada a apporté des améliorations importantes aux communications depuis l’enquête qui a mené au deux directives de l’ASS Grundie, et d’autres améliorations continuent d’être apportées. Cela dit, les radios avec émetteur-récepteur, les téléphones cellulaires et les téléphones satellitaires ne sont toujours pas entièrement fiables du fait qu’ils fonctionnent à pile et que ces dernières se déchargent souvent durant les rondes de surveillance. De plus le temps froid peut diminuer la durée utile des piles des appareils et des répéteurs. Je garde à l’esprit le commentaire de Me Lambrecht selon lequel la preuve empirique peut ne pas être typique et peut mener à des conclusions incorrectes. Cependant, je ne suis pas convaincu que les témoignages ont confirmé l’existence d’un problème généralisé de déchargement des piles et de zones mortes de communications causées par le feuillage et les montagnes. Cependant, leurs témoignages ont suffi à me convaincre que les appareils de communication à distance ou sans fil utilisés par les gardes de parc, parce qu’ils utilisent des piles, sont susceptibles de connaître de telles défaillances, qui pourraient raisonnablement survenir à un moment critique. Bien que les efforts de Parcs Canada pour améliorer les communications soient louables, il n’en demeure pas moins que les appareils et l’infrastructure de communication à distance ne sont pas infaillibles et que l’assistance d’urgence aux gardes de parc est compromise lorsqu’il survient des défaillances.

[779] En ce qui concerne cette question et les circonstances qui prévalaient au moment de l’enquête de l’ASS Grundie sur la plainte déposée par le garde de parc Douglas Martin, je note également que la situation était pire à ce moment, puisque Parcs Canada n’avait pas encore entrepris d’améliorer les communications.

CIPC

[780] Les intimés ont fait valoir que le CIPC, bien qu’il soit important, ne constitue pas un élément infaillible de l’atténuation des risques. Il a connu des défaillances « planifiées » et « non planifiées », durant lesquelles les utilisateurs n’ont pas accès aux bases de données. Les gardes de parc et les autres agents de la paix ont témoigné de la non disponibilité usuelle du système le dimanche matin. Les témoins ont également mentionné des délais dans le temps de réponse aux demandes d’information.

[781] Les intimés ont soutenu que dans le meilleur des cas, le CIPC fournit des renseignements sur les personnes inscrites au système. Il ne fournit cependant pas d’information sur les personnes qui ont échappé à la police, les véhicules loués ou leurs conducteurs et les personnes qui intéressent la police en raison de l’utilisation qu’elles font des armes à feu, et ne permet pas non plus au gardes de parc d’inscrire des renseignements au système, ce qui permettrait d’alerter immédiatement les gardes d’autres parcs.

[782] La conclusion que je tire du témoignage de Guy Mongrain et de la preuve est que le CIPC semble extrêmement utile, avec une note de fonctionnement de 97,79 %. Lorsque des mises à jour doivent être faites, le CIPC en avise les utilisateurs. Cela dit, le système n’est pas infaillible, puisqu’il dépend du caractère opportun des données fournies par d’autres organismes fédéraux et provinciaux et des avis en temps opportun des autres agences, notamment celles des quatre provinces mentionnées, voulant que leurs systèmes ne seront pas disponibles en raison d’une mise à niveau. M. Mongrain a également laissé entendre que des problèmes pouvaient aussi survenir du côté des utilisateurs, lorsque la formation du personnel faisant les demandes est insuffisante ou n’est pas à jour, ou que leur matériel informatique devient désuet. De plus, dans le cas des gardes de parcs et des témoins provenant d’autres organismes de conservation, la non disponibilité du système le dimanche matin est particulièrement malheureuse, puisqu’il s’agit d’une de leurs périodes les plus occupées.

[783] En ce qui concerne cette question et les circonstances qui prévalaient au moment de l’enquête de l’ASS Grundie sur la plainte déposée par le garde de parc Douglas Martin, je note également que la situation était beaucoup plus mauvaise à ce moment, puisque le CIPC n’avait pas encore pris de mesure pour corriger les déficiences du système.

Renfort

[784] L’étude réalisée en 1991 par Buker et Frey qualifie de « mythe » la réponse en temps opportun de la GRC aux demandes d’assistance des gardes de parcs lorsqu’une situation dangereuse se produit.

[785] Lorsque j’ai examiné la Directive 2.1.9, j’ai constaté que le terme « back-up » (renfort) ne figure qu’à l’Annex A. Dans la note de bas de page no4, l’Annex A indique que [traduction] « les paramètres d’un système de répartition approprié et les paramètres de renfort seront inclus dans les plans locaux d’application de la loi et comprendront des consultations avec les comités locaux de SST, conformément au Code canadien du travail ». Le terme « back up » (renfort) n’est défini ou expliqué nulle part dans la Directive ou dans l’Annex A. J’ai cependant noté que la définition de système de répartition dans la Directive 2.1.9 renvoie non pas au renfort d’un corps policier, mais à « un renfort offert par un garde en service ». Un garde en service n’est pas muni d’une arme de poing.

[786] Dans son témoignage, Robert Prosper a mentionné que la Directive 2.1.9 stipule que Parcs Canada assure le maintien de la paix sur toutes les terres qu’elle administre par des PE avec la GRC et les autres corps de police compétents. Il a mentionné nommément le PE que Parcs Canada a avec la GRC depuis 1987. Un examen approfondi de ce PE confirme qu’il ne contient aucune disposition sur le fait que la GRC doit assurer le renfort aux gardes de parc. Cependant, à l’article 4 du PE, Parcs Canada convient de fournir du renfort à la GRC. Robert Prosper a indiqué avoir rencontré la GRC afin d’élaborer un PE reflétant les dispositions de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Si un nouveau PE a été élaboré, il n’a pas encore été signé. J’ai quand même examiné le projet de PE entre Parcs Canada et la GRC afin de voir s’il prévoyait le renfort de la GRC aux gardes de parc. Ce n’est pas le cas, mais comme dans le PE actuel, Parcs Canada accepte de fournir à la GRC le renfort que ses membres pourraient demander.

[787] Un examen semblable des deux autres PE non signés, entre Parcs Canada et la PPO et entre le parc national des Prairies de Parcs Canada et la GRC, confirme que ni l’un ni l’autre ne font mention d’un renfort par le corps de police compétent.

[788] Interrogé sur les normes minimums de temps de réponse pour une assistance de la part du corps de police compétent, Robert Prosper a confirmé que Parcs Canada n’avait pas établi de telles normes et qu’il n’y avait pas d’ententes à ce sujet avec les corps policiers. Il a répété que toute demande de renfort de la part d’un garde de parc serait traitée de la même façon que si elle émanait d’un simple citoyen : c’est-à-dire que la réponse du corps de police compétent dépendrait de ses propres priorités et de tout autre facteur atténuant, par exemple la disponibilité des ressources.

[789] Dans son témoignage, Robert Prosper a confirmé que Parcs Canada ne reçoit pas de rapports de la GRC sur les normes minimales de services policiers et l’appui en temps opportun. Par conséquent, Parcs Canada ne sait pas si la GRC ou les autres services policiers compétents disposent des ressources suffisantes pour faire respecter l’ordre public dans les parcs tel que prévu par la Directive 2.1.9 et assurer un renfort en temps opportun aux gardes de parc. M. Prosper ne peut que se dire confiant que la GRC et les autres services de police agissent de manière appropriée.

[790] Puisque, selon Robert Prosper, les plans d’application de la loi doivent comprendre des mesures d’atténuation locales, j’ai examiné de nouveau celles présentées, afin de déterminer ce qui était compris par la direction locale des parcs et par les gardes au sujet du renfort fourni par le corps policier compétent.

[791] Aucun des plans présentés ne contient de normes minimales de temps de réponse par le corps policier compétent, même si les directeurs locaux des parcs doivent consulter le corps policier au moment de rédiger le plan. Au contraire, plusieurs plans avertissent les gardes de parc que la police n’est pas en mesure de garantir un délai de réponse ou même qu’elle sera en mesure de répondre à toutes les situations.

[792] Le plan du parc national des Îles-du-Saint-Laurent indique que le corps policier compétent, la PPO dans ce cas, peut ne pas être en mesure d’offrir un renfort immédiat et qu’une réponse en temps opportun aux appels des gardes de parc ne peut être garantie. Le plan estime qu’au cours des deux dernières années, de nombreuses demandes d’interventions ont été faites auprès de la PPO, avec un taux de réponse d’environ 50 %. Le plan du parc national de la Péninsule-Bruce cite le commandant du détachement de la PPO, qui informe le personnel du parc que toute réponse sera fondée sur la disponibilité du personnel et la priorité d’appel et que la PPO ne peut s’engager à répondre dans un délai précis. Le plan du lac Louise indique que l’éloignement de la plupart des détachements est susceptible de causer de longs délais d’intervention pour la GRC. De la même façon, le plan du parc national Gwaii Haanas estime le temps de réponse de la GRC à entre une heure et cinq heures au minimum.

[793] De plus, il n’existe pas d’ententes locales sur le renfort accordé par les services de police compétents et certainement aucune entente sur un délai de réponse minimum. Au lieu de cela, les corps policiers ont simplement confirmé qu’ils feront de leur mieux s’ils reçoivent une demande d’assistance d’un garde de parc. Même à cela, ils se sentent obligés d’informer Parcs Canada des contraintes pratiques et des pressions de personnel auxquelles ils sont confrontés.

[794] Sur la question particulière des mesures d’atténuation, je note que les différents plans avertissent les gardes de parc de : s’assurer que le renfort est disponible; déterminer si une assistance policière est requise; prendre en considération le délai de réponse probable; déterminer s’ils se sentent prêts à faire une intervention à l’égard d’une tâche d’application de la loi dédiée ou dirigée. Les plans et le témoignage des gardes de parc confirment que le délai de renfort des gardes de parc ou des services de police compétents peut varier entre quelques minutes et quelques heures et que l’envoi immédiat de renfort dépend souvent des conditions climatiques.

[795] Nonobstant tout cela, je suis persuadé que la preuve démontre que les services de police compétents, s’ils font tous les efforts possibles pour répondre aux demandes de renfort des gardes de parc, ne disposent pas des ressources qui leur permettraient de garantir une assistance fiable et en temps opportun aux gardes de parc.

[796] À mon avis, l’absence d’une norme formelle sur le renfort à Parcs Canada explique le témoignage du garde de parc McIntyre selon lequel le plan d’application de la loi du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne demandait aux gardes de parc de répondre à toutes les préoccupations de sécurité des agents et du personnel et à toutes les demandes de renfort. Selon lui, les gardes de parc doivent fournir une assistance d’urgence aux autres gardes de parc, à la police, aux agents de conservation et aux membres du personnel du parc demandant de l’aide pour empêcher ou mettre fin au comportement violent d’un sujet et éviter les blessures ou la mort aux agents ou aux membres du personnel du parc qui en sont victimes. Cependant, les gardes de parc ne sont pas autorisés à poursuivre les sujets qui ont fait des menaces de blessures ou de mort avant de fuir les lieux. La poursuite et l’arrestation doivent être laissées à la PPO. Cela explique aussi l’absence de surprise de Robert Prosper à propos de cette déviation à la Directive 2.1.9 au parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne et le fait qu’il s’attende à ce que d’autres parcs aient adopté des politiques similaires.

[797] La vérificatrice générale a fait remarquer à l’alinéa 1.57 de son rapport une défaillance de la GRC dans son processus de requalification et de recertification de ses membres dans l’utilisation du pistolet, de la matraque, du gaz poivré, du contrôle par étranglement et des premiers soins. Globalement, le nombre d’agents de la paix qui satisfont aux six exigences de formation obligatoires est passé de 57 % en 2003 à 6,2 % en 2004. Ces données sont importantes parce que ces agents pourraient être redéployés pour répondre aux urgences. Robert Prosper a reconnu que la réponse de la GRC aux urgences était un élément important de la stratégie d’atténuation des risques pour les gardes de parc, mais a confirmé que ce point n’avait jamais été soulevé dans les discussions entre la GRC et Parcs Canada.

[798] Steve Hess, directeur des programmes contractuels d’application de la loi à l’académie de police du Justice Institute of British Columbia, a écrit ce qui suit dans son rapport à Parcs Canada, intitulé Final Report de la Third Party Review of Strategic Policy et Operational Guidelines de la Parcs Canada Agency Warden Service, September 2001 :

[Traduction]
Une stratégie d’atténuation importante proposée par le Service des gardes de parc consiste à exiger un délai de réponse de 30 minutes pour les demandes de renfort en situation d’urgence. Le délai de 30 minutes n’est pas utile en pratique comme méthode d’atténuation du risque. Les situations impliquant des personnes hostiles peuvent dégénérer en quelques minutes, et lorsque cela se produit, le renfort est requis immédiatement.

[Je souligne]

[790] Dans son témoignage, le garde de parc Duane Martin a déclaré que les gardes de parc de l’Ouest avaient exprimé des inquiétudes en matière de santé et de sécurité à l’égard du renfort offert par la GRC. Ils lui ont dit que l’assistance de la GRC dans l’avant-pays pouvait ne pas être disponible ou être retardée en raison des ressources limitées dont dispose la GRC et de la nécessité pour elle de répondre aux priorités relevant de ses responsabilité primaires en matière d’application de la loi. Ils lui ont aussi dit que la GRC ne fait pas de rondes de surveillance de routine dans l’arrière-pays et croit que les membres de la GRC n’ont pas suffisamment d’expérience de l’arrière-pays et de formation pour fournir une assistance efficace.

[800] Les preuves apportées par le garde de parc Deagle établissent que le détachement de la GRC se trouve dans la ville de Jasper et que l’accès à l’arrière-pays se ferait par hélicoptère, ce qui demanderait entre quarante minutes et quelques heures, voire quelques jours, selon les conditions climatiques. Il a ajouté que les pilotes ne sont pas autorisés à voler en région montagneuse après le coucher du soleil, de sorte qu’un renfort demandé après le coucher du soleil devrait se produire au moins le matin suivant, si le temps le permet.

[801] Le garde de parc McIntyre a illustré le problème du renfort dans le cas d’une arrestation pour stupéfiants à laquelle il a procédé en janvier 2005. Ce jour-là, aucun policier de la PPO n’était disponible pour lui porter renfort et il a dû relâcher l’individu.

[802] Dans son témoignage, Dave Hanna a déclaré que le renfort de la GRC était variable et qu’il avait vécu des délais de deux à cinq minutes et jusqu’à cinq jours, selon la situation de dotation au détachement et les autres responsabilités attribuées au détachement au moment de la demande de renfort. Il croit que les pénuries de personnel ne sont pas inhabituelles.

[803] Garry Bogdan a déclaré que depuis 1985, Environnement Canada avait senti un désengagement croissant de la GRC dans les activités autres que l’application du Code criminel.

[804] Dans son témoignage, Garry Bogdan a de plus déclaré qu’alors que ses agents doivent travailler seuls, la politique de travail en solo d’Environnement Canada a encouragé les agents de la protection de la faune à recourir à des agents d’autres organisations pour leur prêter assistance, dans la mesure du possible. Il a déclaré que les gardes de parc non armés pouvaient être appelés à apporter une aide, mais que cela n’était pas considéré comme du renfort. Il a fait valoir qu’un agent non armé constitue un passif. Compte tenu de son expérience considérable à titre d’agent de conservation de la faune, je considère son témoignage persuasif à cet égard.

[805] Dans son témoignage, Robert Prosper a reconnu que la réponse des services de police compétents aux urgences constituait un élément important de la stratégie d’atténuation du risque pour les gardes de parc. En l’absence d’une norme significative sur le temps de réaction minimum en cas de demande de renfort policier dans la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, dans les plans locaux examinés ou dans les PE entre Parcs Canada et les services de police compétents et de toute entente réelle avec les services de police compétents sur la fourniture d’une assistance en temps opportun par un agent d’application de la loi armé, je suis d’avis que les mesures d’atténuation du risque contenues dans la Directive 2.1.9 de Parcs Canada sont cruellement inadéquates.

[806] À l’égard de cette question et des circonstances qui existaient au moment de l’enquête menée par l’ASS Grundie sur la plainte déposée par le garde de parc Douglas Martin, je soulignerai également qu’il s’agissait là de l’un des critères appliqués par I’ASS Grundie pour déterminer qu’il existait un danger pour les gardes de parcs effectuant des tâches d’application de la loi.

Déterminer si la délivrance d’une arme de poing est nécessaire et appropriée dans les circonstances

[807] Compte tenu des carences signalées plus haut à l’égard de l’équipement de communication, du CIPC et de la fourniture d’une assistance fiable et en temps opportun, des éléments qui s’appliquaient également au moment de l’enquête de l’ASS Grundie, il est nécessaire d’examiner la troisième question, qui consiste à déterminer si oui ou non la délivrance d’une arme de poing aux gardes de parc à titre d’élément standard de l’équipement de protection personnel est nécessaire et approprié afin d’atténuer leur exposition aux risques associés à l’application de la loi.

[808] Les questions soulevées par l’ASS Grundie et les parties en l’espèce étaient les suivantes :

  • comparabilité des gardes de parc aux agents de police;
  • comparabilité des gardes de parc aux agents d’application de la loi au service d’organismes provinciaux et fédéraux similaires de protection des ressources qui délivrent des armes de poing à leurs agents dans le cadre de l’équipement standard;
  • comparabilité des gardes de parc aux agents d’application de la loi au service d’organismes provinciaux et fédéraux similaires de protection des ressources qui ne délivrent pas d’armes de poing à leurs agents;
  • les statistiques laissent penser que le risque de blessures graves ou de décès est faible chez les gardes de parc et que le risque d’être blessé ou agressé est encore plus faible;
  • l’arme de point ne règle pas le problème des blessures graves ou des décès;
  • le MIGI n’exige pas la délivrance d’une arme de poing et ne considère pas non plus qu’elle fait partie de l’équipement standard pour les agents engagés dans des tâches d’application de la loi;
    les gardes de parc peuvent utiliser les habiletés verbales et le repositionnement tactique si la situation dégénère et, s’ils se retrouvent dans une situation de blessures graves ou de décès, ils peuvent utiliser leur matraque, leur arme d’épaule ou des armes improvisées pour exercer une force meurtrière;
  • l’inclusion des armes de poing dans l’équipement standard des gardes de parc augmenterait le risque pour les gardes de parc et pour le public;
  • aucun organisme d’application de la loi ne délivre d’équipement permettant de répondre à tous les risques concevables;
  • la portée nationale de la question.

Comparabilité des gardes de parc aux agents de police

[809] L’ASS Grundie a déclaré que le mandat des gardes de parc était similaire à celui des policiers et d’autres organismes de protection des ressources qui délivrent des armes de poing à leurs agents en guise d’équipement de protection standard.

[810] Me Lambrecht a dit que le fait de d’accorder aux gardes de parc le statut d’agents de la paix leur donne le pouvoir de faire appliquer le Code criminel dans les limites de la compétence de Parcs Canada. Il a fait valoir que la désignation ne fait pas des gardes de parc des agents de police et ne signifie pas non plus que les gardes de parc aient un mandat policier. Me Lambrecht a soutenu également que le mandat fondamental de Parcs Canada et de ses employés, y compris les gardes de parc, porte sur la préservation et la conservation des ressources naturelles dans les parcs. Il a souligné que les gardes de parc ne consacrent qu’environ 15 à 20 % de leur temps aux tâches d’application de la loi dans les parcs.

[811] Le professeur Stenning a déclaré qu’au cours des dix à quinze dernières années, il est devenu de plus en plus reconnu que les services de maintien de l’ordre sont maintenant assurés par un large éventail d’organisations publiques et privées et que l’élaboration des politiques de maintien de l’ordre doit mettre l’accent sur d’autres éléments en plus des forces de police traditionnelles. Par exemple, le maintien de l’ordre dans un grand aéroport peut exiger des agents provenant des forces régulières et d’organisations privées, avec de l’équipement, une formation et une expertise spécialisés pour la lutte antiterroriste. À l’opposé, le maintien de l’ordre dans une résidence pour personnes âgées peut ne nécessiter qu’une personne en mesure d’assurer la protection générale des résidents. Il a conclu que pour distinguer le statut de l’agent de police, il faut examiner la nature des responsabilités, la pratique et le milieu de travail.

[812] Les intimés ont déposé un rapport du Justice Institute of British Columbia, intitulé Review of Force Options Requirements of Greater Vancouver Transportation Authority Police Service (GVTAPS) Designated Constables, publié le 14 décembre 2001, en lien avec le rapport de témoin expert de l’inspecteur Browning, que j’ai trouvé utile pour établir la différence entre les policiers et les gardes de parc.

[813] Le rapport du Justice Institute avait pour but d’établir si les constables spéciaux du GVTAPS avaient besoin de porter une arme de poing pour exercer leur rôle élargi de protection des clients du système Translink de Vancouver contre les blessures graves et la mort. L’auteur s’est penché sur le terme « agent de police » afin d’en établir la nature des responsabilités, l’usage et les milieux de travail spécifiques.

[814] Selon le rapport, la transformation proposée des constables spéciaux en une force quasi-policière a fait l’objet de discussions avec la BC Association of Chiefs of Police et la BC Association of Municipal Chiefs of Police. Aucun de ces deux groupes ne s’est opposé à ce que les constables spéciaux du GVTAPS disposent d’une arme, parce qu’ils auraient l’air de policiers; qu’ils recevraient la formation de police standard de la C.-B.; qu’ils seraient assujettis aux dispositions de la Police Act, y compris son mécanisme de plainte; qu’ils seraient régis par un conseil; qu’ils effectueraient des tâches policières; et qu’ils seraient équipés de tous les outils d’un agent de police, dont une arme de poing.

[815] Le rapport a déclaré que des organismes provinciaux de transport faisaient l’objet d’une étude examinant les aspects philosophiques de la délivrance d’une arme de service à ses agents. L’auteur conclut en disant que la décision de fournir ou non une arme de poing aux agents varie selon que le rôle de l’agent consiste principalement à protéger les usagers et les actifs de transport en commun ou sur les tâches de maintien de l’ordre. S’il s’agit d’application de la loi fondée sur le maintien de l’ordre, alors les agents doivent être armés, à condition qu’ils soient sélectionnés, formés, supervisés et dirigés par des politiques et des procédures équivalentes à celles de services de police compétents locaux.

[816] Le rapport du Justice Institute propose le continuum suivant pour l’articulation du rôle de la police et des organismes quasi-policiers :

  • gardiens de sécurité privés; agents de sécurité des transports en commun, sans pouvoirs d’application de la loi;
  • constables spéciaux provinciaux, avec des fonctions de sécurité et certaines taches d’application de la loi;
  • constables spéciaux provinciaux, par exemple les agents de la conservation, avec un degré élevé de tâches d’application de la loi;
  • policiers municipaux.

[817] Selon le rapport du Justice Institute, les deux premiers groupes mettent l’accent sur la sécurité, ils s’acquittent de leurs responsabilités dans le cadre d’un certain nombre de fonctions à haute visibilité et leur rôle est principalement d’observer et de rapporter. L’auteur indique qu’à mesure qu’on se déplace vers le bas dans le continuum, l’accent passe graduellement vers des tactiques dynamiques et actives d’application de la loi. De plus, les outils permettant d’obtenir la conformité passent de la simple présence et du dialogue aux moyens de contention et à l’application de la douleur aux points de pression, jusqu’à et incluant la force meurtrière.

[818] Je conviens que les gardes de parc ne sont pas des agents de police. Ils ne sont pas nommés en vertu d’aucune loi sur la police, ne sont pas soumis à un processus de plainte réglementaire et ne sont pas non plus régis par une commission de police. Cependant, la preuve en l’espèce a démontré que les gardes de parc s’acquittaient d’un degré élevé de tâches d’application de la loi, comme le montre la nature de leurs devoirs à titre d’agents de la paix. Ces devoirs d’application de la loi, à l’égard de la protection des ressources, du maintien de l’ordre public et de l’exécution des mesures administratives, comprennent des avertissements, des enquêtes en vertu du Code criminel, de la LPNC, des arrestations, des saisies et des poursuites. Les gardes de parc sont également mandatés pour transporter les personnes lorsque les services de police ne sont pas disponibles pour répondre ou demandent l’assistance des gardes de parc.

[819] Dans l’exécution de leurs tâches, les gardes de parc sont autorisés à utiliser des tactiques agressives tout au long du recours progressif à la force, jusqu’à et incluant la force meurtrière; ils sont formés selon les normes policières; ils portent un uniforme semblable à celui de la police; et ils sont équipés d’outils leur permettant d’obtenir la conformité. De plus, leur travail est effectué la nuit et dans des lieux isolés et géographiquement inhospitaliers, sans attentes raisonnables d’une assistance viable. En ce qui concerne la totalité de la preuve concernant les pouvoirs, l’uniforme, la formation et l’équipement, je conclus que bien qu’ils ne soient pas des policiers, ils s’acquittent d’un degré élevé d’application de la loi.

Comparabilité des gardes de parc aux agents d’application de la loi employés par des organismes provinciaux et fédéraux similaires de protection des ressources qui délivrent des armes de poing à leurs agents dans le cadre de l’équipement standard

[820] Me Lambrecht a fait valoir que les gardes de parc ne peuvent être comparés aux agents de conservation et aux agents d’exécution de la Loi sur la faune qui sont munis d’armes de point dans le cadre de leur travail. Il a soutenu que ces agents doivent faire appliquer les règlements sur la chasse et la pêche et qu’ils sont régulièrement mis en contact avec des chasseurs ayant des armes à feu en leur possession et des pêcheurs qui peuvent disposer de couteaux et d’autres outils tranchants. Il a souligné que la chasse n’est pas permise à l’intérieur des parcs nationaux et que les gardes de parcs n’ont pas la responsabilité de vérifier les permis de pêche récréative. Il a soutenu que les agents de conservation et les agents d’exécution de la Loi sur la faune sont susceptibles de traiter avec un plus grand nombre de personnes en possession d’une arme dans une année que n’importe quel corps policier.

[821] Cependant, l’étude Buker‑Frey de 1991, le rapport de 2003 d’un cégep intitulé A Study Pertaining to the Safety of the Duties of Park Wardens in Law Enforcement, l’étude publiée en 1977 par Rescue 3 Risk Management Inc. et intitulée Rapport final recommandant un niveau de service pour les parcs nationaux de la région de l’Alberta, le Comité Victoria de 1999 et le rapport publié en 1999 par David Jivcoff et intitulé An Officer Safety Issue Analysis Compilation Paper indiquent tous avoir fait des comparaisons entre les gardes de parc et les agents de conservation dans d’autres ressorts qui sont munis d’une arme de poing et recommandent tous qu’une arme de point soit aussi fournie aux gardes de parc. Parcs Canada n’a pas présenté de preuves de rejet de ces comparaisons à l’époque. Au lieu de cela, la preuve démontre que Parcs Canada était simplement en désaccord complet avec la notion de fournir des armes de poing à titre d’élément de base pour les gardes de parc. Le rapport du Comité Victoria souligne que les agents de dix des douze provinces et territoires et de trois des quatre organismes fédéraux actifs dans la protection des écosystèmes portent actuellement une arme de poing. Le rapport de David Jivcoff note que la Saskatchewan, le Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard viennent tout juste de prendre la décision d’armer leurs agents de conservation; Pêches et Océans a armé ses agents d’exécution et l’Alberta a entrepris d’armer les gardiens de ses parcs. Il fait remarquer que Parcs Canada pourrait bientôt être la seule agence à se retrouver sous la norme de précaution.

[822] Qui plus est, Parcs Canada a instauré en 1995 une norme de Niveaux de service que chacun des parcs devait appliquer dans l’élaboration de son plan d’application de la loi. La norme comprend quatre niveaux de risque en application de la loi, le niveau quatre correspondant au risque le plus élevé. Les plans du parc national Banff, du parc national de l’Île-du-Prince-Édouard, du parc national de las Péninsule-Bruce/parc marin national Fathom Five et du parc national Kouchibouguac ont tous établi que le niveau de risque général du parc était au niveau trois et au niveau quatre pour les gardes de parc. Selon la norme de Niveaux de service, un risque de niveau quatre, appelé Niveau de service d’application avancée de la loi, demande que tous les gardes de parc portent une arme de poing. Comme l’a souligné l’ASS Grundie, le plan d’application de la loi du parc national de l’Île-du-Prince-Édouard précise clairement que l’absence de l’équipement nécessaire pour composer avec une situation de blessure grave ou de mort pouvait nuire à la capacité des gardes de parc de se protéger et de protéger les visiteurs. Malgré la recommandation du plan d’application de la loi, Parcs Canada a refusé d’appliquer sa propre politique et de délivrer des armes de poing aux gardes de ces parcs.

[823] Dans son témoignage, Dave Hanna a déclaré que son territoire de compétence était adjacent au parc national Banff et qu’il avait des contacts fréquents avec les gardes de parc fédéraux dans le cadre de son travail. Il a travaillé conjointement avec les gardes de parc à l’occasion de rondes de surveillance du territoire limitrophe, échangé des renseignements, siégé à un comité conjoint sur la faune avec les gardes de parc, participé à l’élaboration du plan d’application de la loi dans le parc national avec la direction locale du parc et adopté certaines techniques des gardes de parc. Dave Hanna a ajouté que son service applique le modèle AACP de recours à la force, qui est très similaire au modèle MIGI utilisé et enseigné par la GRC. Il se dit d’avis que le travail de ses agents de conservation, qui sont armés, et des gardes de parc est très similaire.

[824] Garry Bogdan a témoigné qu’il a travaillé avec ou aux côtés des gardes de parc durant plus de vingt cinq ans. Avant de se joindre à Environnement Canada, il a travaillé comme agent de conservation en Alberta et travaillé en étroite collaboration avec les gardes de parc du parc national de Prince Albert. Ses agents travaillent sur les mêmes espèces de gros gibier que l’on retrouve dans les parcs nationaux et dans un passé récent, son bureau a participé avec les gardes de parc à des patrouilles limitrophes conjointes et dans un dossier de vente illégale de parties d’ours. Il a soutenu que le travail des gardes de parc des agents d’application des règlements de la faune, qui portent une arme de poing, est similaire, parce qu’ils sont également responsables de la protection des ressources et qu’ils exercent des tâches similaires d’application de la loi dans le cadre de ce travail.

[825] Dans le cadre d’un témoignage d’expert, Edward Davis, a démontré que tout incident d’application de la loi comportait une interaction entre l’agent d’application de la loi, le sujet et les circonstances qui les réunissent. Il a décrit cette interaction comme un « mélange mortel » (« deadly mix »). À ce sujet, Me Raven a fait valoir que si la Directive 2.1.9 modifiée visait le comportement des gardes de parc, elle ne traitait pas des circonstances menant à une rencontre, non plus que du comportement du sujet. À mon avis, l’argument de Me Lambrecht, qui met l’accent sur le rôle des agents de conservation et des agents d’application des règlements de la faune et sur la fréquence des interventions auprès de chasseurs armés, ne tient pas suffisamment compte des circonstances qui conduisent à une intervention par le garde de parc ou de l’étendue des comportements du sujet.

[826] Je suis enclin à croire que les comparaisons faites par MM. Hanna et Bogdan et par les auteurs des études internes et externes citées plus haut tiennent intuitivement compte de l’agent, du sujet et des circonstances des interventions lorsqu’ils concluent que les gardes de parcs sont comparables aux agents d’application des règlements de la faune et aux agents de conservation, qui disposent d’une arme de poing.

[827] Me Raven a présenté un argument crédible selon lequel le risque auquel sont exposés les gardes de parc dans le cadre du maintien de l’ordre public dans l’exercice de leurs fonctions est comparable à celui auquel sont exposés des agents de conservation et des agents d’application des règlements de la faune du Canada lorsqu’ils approchent un chasseur armé. Il a fait notamment valoir que les gardes de parc continuent de faire enquête sur les désordres, de procéder à des interceptions, de faire enquête sur des infractions en matière de protection des ressources, y compris des incidents de braconnage, et continuent d’interagir dans un contexte d’application de la loi auprès d’individus sous l’influence de l’alcool ou de drogues. Il a ajouté que les gardes de parc continuent de faire ce travail la nuit et dans des lieux isolés et géographiquement inhospitaliers, sans attente raisonnable d’assistance viable. Je suis d’accord avec sa position selon laquelle il a été établi en preuve que tous ces éléments étaient dangereux, et que Parcs Canada n’a appelé à la barre aucun garde de parc ayant l’expérience du travail sous la nouvelle Directive 2.1.9 pour réfuter cette preuve.

[828] J’accorde également du poids à l’annotation du Jasper National Park Law Plan 2003, qui se lit comme suit : [traduction] « les gardes [de parc] ayant à traiter avec les contrevenants aux règlements sur la faune et les font face à un risque élevé, puisque l’intervention peut être faite en un endroit isolé ou tard durant la nuit et que ces personnes sont habituellement armées, qu’elles peuvent être sous l’influence de l’alcool ou de drogues, et que les pénalités peuvent inclure la perte du droit de chasser et la confiscation des biens, des amendes importantes et des peines d’emprisonnement ».

[829] Garry Bogdan a déclaré que selon son expérience, dans quatre-vingt dix pour cent des cas, un chasseur armé est une personne qui respecte la loi; dans cinq pour cent des cas, le chasseur a commis une infraction par stupidité ou ignorance de la loi; et que dans environ cinq pour cent des cas, le chasseur est une personne qui peut avoir une inclination à la violence, détester l’autorité, être mentalement instable, être sous l’influence de l’alcool ou de drogues ou faire l’objet de mandats d’arrestation non exécutés. Tous les témoignages des experts, y compris les opinions fondées sur l’expérience des gardes de parc, on convenu que l’imprévisibilité du comportement du sujet est l’élément qui rend les tâches d’application de la loi intrinsèquement risquées.

[830] À mon avis, il faut tenir compte de l’agent, du sujet et des circonstances dans l’évaluation du risque. Dans l’ensemble, je trouve la preuve plus persuasive que non à propos du fait que le travail des gardes de parc est comparable à celui d’autres agents d’application des lois sur la conservation des ressources et qui portent une arme de poing dans l’exercice de leurs fonctions.

[831] Cette constatation correspond pour l’essentiel aux constats exprimés par l’ASS Grundie.

Comparabilité des gardes de parc aux agents d’application de la loi employés par des organismes provinciaux et fédéraux similaires de protection des ressources qui ne délivrent pas d’armes de poing à leurs agents dans le cadre de l’équipement standard

[832] Me Lambrecht a fait valoir que les gardes de parc sont comparables aux agents de conservation qui ne portent pas d’armes de poing. Me Graham a déclaré que la preuve avait établi que la plupart des administrations au Canada employaient des agents de parc à temps plein et saisonniers, assermentés à titre d’agents de la paix au sens du Code criminel mais qui ne sont pas armés d’armes de poing. Ces agents ont des pouvoirs de perquisition et de saisie. Il a soutenu que l’étude réalisée par John Good avait démontré que toutes les administrations fournissaient des uniformes et des radios à leurs agents de parc. L’étude a également établi que plusieurs administrations fournissaient à leurs agents des bombonnes de gaz poivré, de menottes et une matraque télescopique. Certaines leur fournissent également des armes d’épaule pour la faune, tandis que le Manitoba et l’Alberta fournissent à leurs agents de parc une arme de poing et une arme d’épaule, pour les fins des programmes d’application de la loi. L’étude montre en outre que les agents de conservation employés par les provinces de l’Alberta, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario et par le territoire du Yukon sont équipés d’armes de poing pour les fins de l’application de la loi.

[833] J’ai accordé peu de poids aux résultats de sondage produits et présentés par John Good, parce que les termes utilisés dans le sondage n’ont pas été définis ou n’ont pas été définis adéquatement, démontrant que M. Good et les intimés avaient une compréhension commune de l’information applicable au sondage. Mon manque général de confiance dans les résultats de l’enquête effectuée par M. Good a été confirmée par la preuve présentée par M. Bruce van Staalduinin, qui a fourni des renseignements détaillés importants sur la situation des gardes de parc en Ontario, qui ne sont pas reflétés dans le rapport de M. Good ou qui n’y figurent pas de manière évidente.

[834] Selon la preuve présentée par M. van Staalduinin, il existe des différences importantes entre les gardes de parc employés par Parcs Canada et les gardes de parc de l’Ontario. Par exemple, la majorité des employés de l’Ontario sont des employés saisonniers. La formation donnée aux gardes de parc fédéraux est beaucoup plus vaste que celle donnée aux gardes saisonniers de l’Ontario. Les gardes fédéraux doivent suivre un cours de formation obligatoire de 12 semaines sur les tâches de conservation des ressources; l’élément d’application de la loi de la formation des recrues; un atelier de compétence en application de la loi, avec requalification tous les cinq ans et 20 heures de formation annuelle afin de rafraîchir la mémoire musculaire; une formation sur le MIGI et instruction préalable au déploiement, avec requalification tous les deux ans; une formation en conformité. Les gardes de parc de l’Ontario ne suivent qu’un cours de garde de parc de deux semaines, qui comprend un segment sur le recours à la force, les arrestations ou la manière d’éviter les conflits, les techniques à main nues, les techniques de pose des menottes et l’utilisation de la matraque. Contrairement aux gardes de parc fédéraux, les gardes de parc de l’Ontario ne portent pas de gilet pare-balles et ne reçoivent pas de bombonnes de gaz poivré. Enfin, les gardes de parc de l’Ontario n’ont pas de responsabilités d’application de la loi en matière de protection des ressources et accomplissent peu sinon aucune tâche s’apparentant à des tâches d’application de la loi dans l’arrière-pays effectuées seul.

[835] Sur la question du renfort policier, Bruce van Staalduinin a déclaré que les parcs les plus fréquentés étaient situés dans le sud de l’Ontario et que la PPO était relativement proche. Par exemple, certains détachements sont situés dans le parc, près des limites du parc ou à proximité des limites du parc.

[836] Dans son rapport d’expert, l’inspecteur Browning a présenté des documents concernant le Programme des gendarmes auxiliaires de la GRC. Selon le rapport, les gendarmes auxiliaires ont un pouvoir d’arrestation mains ne peuvent l’utiliser sauf sous la supervision directe (c’est-à-dire sous les yeux) d’un membre régulier de la GRC, ou sous sa supervision indirecte lorsque le commandant a jugé que le risque était faible et qu’une supervision directe n’était pas nécessaire. Bien que les gendarmes auxiliaires reçoivent une formation de gendarme auxiliaire ou de réserve, une formation sur le recours à la force autre qu’à celui d’une arme à feu et sur l’utilisation du gaz poivré et du bâton ASP, il ne reçoivent pas le même niveau de formation que les membres réguliers de la GRC et ne peuvent intervenir dans aucun incident exigeant des compétences spéciales et des pratiques d’intervention, comme les actes de violence, les voies de fait contre un membre de la famille, les armes, la violence familiale, les incidents chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, ou les incidents pouvant mener à des blessures graves.

[837] À mon avis, ni les gardes de parc saisonniers de l’Ontario ni les gendarmes auxiliaires de la GRC ne se comparent aux gardes de parc fédéraux, parce qu’ils ne sont pas appelés à effectuer un degré élevé d’application de la loi la nuit et dans des lieux isolés et géographiquement inhospitaliers, sans attentes raisonnables d’une assistance viable de la part des services de police compétents.

[838] Cela dit, Me Lambrecht a fait référence au témoignage de Dave Hanna dans lequel ce dernier indiquait que son service employait également durant l’été environ 65 agents de conservation saisonniers qui sont habituellement des étudiants et des agents de conservation de deuxième année, et qui sont mandatés à titre d'constables spéciaux plutôt que d’agents de la paix. Ces agents de conservation saisonniers reçoivent un ceinturon de service et sont équipés d’un gilet pare-balles, d’une matraque, de gaz poivré et de menottes, mais non d’une arme de poing. Ils sont engagés à titre d'constables spéciaux et ont des pouvoirs d’arrestation en vertu des lois suivantes : Gaming and Liquor Act, Highway Act, Wildlife Act, Fisheries Act et Alberta Sport, Recreation, Parcs and Wildlife Foundation Act.

[839] Lorsque j’ai demandé à M. Dave Hanna d’expliquer pourquoi les agents de conservation à temps plein étaient armés et que les agents saisonniers ne l’étaient pas, il a expliqué que les gardes de parc saisonniers devaient obtenir l’autorisation d’un agent à temps plein armé avant d’effectuer des tâches d’application de la loi et que l’agent à temps plein armé devait s’efforcer d’accompagner l’étudiant. Cependant, son témoignage m’indique que la politique de son organisation concernant les agents de conservations saisonniers n’est pas compatible avec sa propre pensée sur la nécessité pour les agents de conservation d’être armés.

[840] Me Lambrecht, a insisté toutefois pour dire qu’on ne peut pas ne pas tenir compte de ces agents de conservation non armés dans la comparaison entre les gardes de parc de Parcs Canada et les employés d’autres organisations.

[841] Cependant, il est écrit dans le résumé d’un rapport intitulé British Columbia Auxiliary/Reserve Constables Review, 1998, préparé par Darrell Kean and Associates Consulting Limited, Criminal Justice Training and Research, ledit rapport étant contenu dans l’opinion d’expert présentée par l’inspecteur Browning, que des cadres du ministère du Procureur général, des dirigeants de police de toutes les régions de la province, la BC Federation of Police Officers et l’association des membres de la GRC ont commencé à exprimer des préoccupations à propos du programme d'agents auxiliaires/de réserve en Colombie-Britannique, notamment sur les activités de ces membres. Il a été déclaré que jamais dans le déroulement des programmes d’auxiliaires de police n’avait-on envisagé le rôle que ces agents jouent actuellement dans la prestation de services de police auprès de la collectivité. Un autre extrait du résumé indique que les autorités policières locales font souvent face à des circonstances inhabituelles qui exigent d’elles qu’elles prennent des risques. L’un de ces exemples porte sur l’attribution inappropriée de tâches d’application de la loi aux agents auxiliaires/de réserve.

[842] Sur la question de savoir s’il faut ou non fournir une arme de poing aux gendarmes auxiliaires/de réserve, le rapport indique que certains ministères ont tenté de contourner la possibilité que les gendarmes auxiliaires/de réserve aient à faire usage d’une force mortelle en ne fournissant pas d’armes aux réservistes. Le rapport note toutefois que très peu de policiers accepteraient de prendre place sur le siège de droite d’une auto-patrouille en uniforme de policier sans arme de poing. Il indique également que l’expérience a enseigné aux agents de police qu’une situation peut rapidement dégénérer à un point tel que leur seule option devient l’usage de la force mortelle. Par conséquent, les gouvernements provinciaux et municipaux ainsi que les corps policiers devront décider s’ils sont disposés à payer le prix associé au placement de volontaires ayant une formation et une expérience insuffisantes et portant un uniforme de policier dans une situation à risque élevé.

[843] Tout ceci me donne à penser qu’une certaine forme de « jeu de dé » a été utilisée, selon la notion que la fréquence d’exposition de ces agents à des situations pouvant entraîner des blessures graves ou la mort est susceptible d’être faible ou éloignée. En fait, il s’agit de l’un des arguments employés par Parcs Canada pour faire valoir que les gardes de parc n’ont pas besoin d’une arme de poing lorsqu’ils effectuent des tâches d’application de la loi. Comme je l’ai dit précédemment, je ne crois pas que cela soit le critère approprié à l’égard de dangers présentant un risque inné. Le Code canadien du travail exige plutôt que l’employeur, face à une situation de risque élevé et de faible fréquence comportant un danger inné, prenne toutes les mesures raisonnables pour éliminer et réduire le risque associé au danger inné qui sont nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité de ses employés.

Les statistiques donnent à penser que le risque de blessures graves et de mort est faible pour les gardes de parc et que le risque d’être blessé ou agressé l’est encore davantage.

[844] Me Lambrecht a cité l’étude sur la sécurité des agents effectuée par le professeur Evans, intitulée National Assessment of Relative Risk in Warden Law Enforcement Occurrence Reports. Il a fait valoir que l’étude sur la sécurité des agents et les données triennales du nouveau système national de suivi des incidents indiquaient que la probabilité qu’un garde de parc soit menacé de blessures graves ou de mort est faible et que le risque de blessure découlant des tâches d’application de la loi est encore plus faible. Il a signalé en outre que les gardes de parc peuvent choisir d’intervenir ou non si le risque est élevé et que le Code les autorise à refuser de travailler s’il existe un danger.

[845] Cependant, l’objectif de l’étude citée ci-dessus était d’établir le risque relatif, par opposition au risque absolu, d’abus, de menace et d’agression, qu’il y ait blessure ou non. De plus, le professeur Evans a indiqué dans son rapport que c’est la nature des dangers particuliers et les circonstances entourant l’exposition au danger, combinée aux considérations de risque, de formation, d’éducation et d’équipement, qui déterminent en grande partie les stratégies appropriées et raisonnables de gestion et d’atténuation. Je n’ai rien trouvé dans le rapport pour appuyer le point de vue de Me Lambrecht selon lequel les données de l’étude confirment que le risque pour un garde de parc d’être exposé à des blessures graves ou à la mort est rare et que le risque d’être blessé est encore plus rare.

[846] Dans son rapport intitulé Review of Officer Safety Occurrences, Specific Study Concerns and Injuries Associated with Law Enforcement Activities of Parks Canada Wardens, daté du 23 octobre 2001, le professeur Evans a indiqué que les incidents mettant en cause des menaces ou des armes ou impliquant la contention physique ou une agression envers un garde de parc étaient peu fréquents et que les blessures l’étaient encore moins. Le rapport confirmait cependant que les gardes de parc ont signalé au total 825 préoccupations touchant la sécurité des agents. Le rapport indiquait également que des facteurs de sécurité particuliers avaient été recensés dans 645 des rapports d’incidents examinés et que dans 33 % des cas, le facteur de sécurité le plus courant était un sujet présentant des antécédents de criminalité ou de violence. Ces 645 rapports d’incidents présentant des facteurs de sécurité particuliers confirmaient également que les incidents dans lesquels des sujets ont été agressifs verbalement envers des gardes de parc (78) ou ont menacé des gardes de parc avec des armes ou les ont agressés (6) représentaient environ 12 % de l’ensemble des incidents touchant la sécurité des agents.

[847] Dans son rapport de 2001, le professeur Evans indiquait que les données présentaient des limites du fait qu’il n’existait pas de définition standard pour un incident mettant en cause un garde de parc, que certains gardes n’avaient pas fait de vérification auprès du CIPC avant d’intervenir auprès de visiteurs du parc et que certaines préoccupations particulières n’avaient pas toutes fait l’objet de rapports.

[848] En ce qui concerne la nature des risques, la preuve présentée par les témoins experts, le sergent Butler et M. Edward Davis, indiquait que les agents d’application de la loi ne peuvent pas savoir avec certitude comment réagira le sujet; cela signifie que l’imprévisibilité du comportement humain constitue un danger inhérent qui peut être exacerbé dans le cas d’individus présentant une inclination à la violence, qui n’aiment pas l’autorité, qui sont mentalement instables, sous l’influence de l’alcool ou de drogues ou qui font l’objet de mandats d’arrestation non exécutés.

[849] Dans son témoignage, le sergent Butler a indiqué que toute politique visant à établir le besoin d’équipement de protection devait être fondée sur le principe de « faible fréquence, risque élevé ». Ce principe veut que si un événement est susceptible d’avoir des conséquences très graves ou critiques pour une personne, des mesures doivent être prises pour prévenir ces conséquences, sans égard à la probabilité que l’événement survienne. En parallèle, si le résultat potentiel de l’exposition au risque est grave ou critique pour une personne, des mesures d’atténuation visant à prévenir ce résultat doivent être prises, sans égard à la probabilité que cette exposition survienne. Je ne suis pas en désaccord avec ce principe.

[850] Dans son témoignage, M. Duane Martin a dressé la liste des braconniers actifs à l’intérieur et autour du parc national du Mont‑Riding et possédant un imposant casier judiciaire, y compris des individus fichés au CIPC pour des antécédents de violence. Il a rappelé également la preuve présentée par Garry Bogdan, qui a effectué ses propres études après celles du professeur Bell. M. Bogdan a constaté qu’environ 60 % des personnes mises en accusation par son groupe au cours d’une période de deux ans avaient à leurs dossiers de graves infractions au Code criminel et que 35 % d’entre elles étaient fichés comme violents. Il a également participé à une étude sur les chasseurs de nuit effectuée par la Saskatchewan, qui a conclu que plus de 80 % de ces contrevenants avaient commis d’autres infractions au Code criminel. Sa preuve confirmait que des personnes ayant un dossier criminel et des antécédents de violence, y compris des personnes qui ont une aversion pour l’autorité, fréquentent les parcs ou y voyagent ou vivent à proximité de ceux-ci.

[851] Il apparaît également clair selon la preuve concernant les avis BOLF (avis d’ouvrir l’œil), les renseignements secrets fournis par le garde de parc Duane Martin et d’autres gardes de parc qui ont témoigné, les plans d’application de la loi et la preuve empirique présentée par les gardes de parc que des personnes ayant des antécédents de violence fréquentent les parcs, se déplacent le long des corridors de transport des parcs et habitent à proximité des parcs.

[852] Les plans locaux d’application de la loi, préparés avec la collaboration des gardes de parc, fournissent une preuve probante selon laquelle, si faible qu’elle soit, la probabilité que les gardes de parc soient exposés à des blessures, des agressions ou des situation de blessures graves ou de mort n’est pas nulle. Dans presque tous les cas, les plans recensent des situations à risque, démontrant sans aucun doute qu’elles existent toujours. En fait, je trouve surprenant que la nouvelle description de travail révisée des gardes de parc ne fasse pas mention que l’application de la loi comporte des risques inhérents.

[853] De plus, les plans d’application de la loi suivants ont recensé des situations à risque particuliers : au lieu historique nationale de la Piste‑Chilkoot, il est connu que des personnes en possession d’une arme à feu utilisent la piste pour entrer illégalement au Canada; au parc national du Mont-Riding, il y a eu des problèmes de contenants d’alcool ouverts et d’utilisation non sécuritaire d’embarcations; à Gwaii Haanas, les gardes de parc peuvent rencontrer des personnes pratiquant la contrebande et d’autres qui sont armées; à Yoho, Kootenay et Lac Louise, on retrouve des préoccupations de sécurité associées au passage de la route Transcanadienne et au transport de drogues illégales ou d’autres articles de contrebande. Je ne considère pas que de telles mentions soient le résultat hypothétique de séances de remue-méninges. Les avertissements reflètent simplement la sagesse collective, l’expérience et les préoccupations des surintendants et des gardes de parc.

[854] De plus, les rapports d’incidents en matière d’application de la loi préparés par le garde de parc Fingland, passés en revue par Robert Prosper durant son témoignage, ont confirmé qu’il est connu que des personnes présentant des antécédents de criminalité et de violence, incluant des personnes connues pour leur dédain de l’autorité, fréquentent les parcs ou y voyagent, ou habitent à proximité des parcs; les gardes de parcs peuvent devoir composer avec ces personnes dans le cadre de l’exécution des tâches d’application de la loi.

[855] La preuve plus récente présentée par les gardes de parc Deagle et Hawkins indique qu’ils ont approché des véhicules pour des raisons de sécurité et qu’ils ont été confrontés à des individus extrêmement violents ou connus pour leur violence à l’endroit de la police. Dans un de ces cas, en 1998, le garde de parc Deagle s’est arrêté pour porter assistance aux occupants d’un véhicule immobilisé en bordure de la route. Il a reçu un message du CIPC énonçant que l’individu associé à l’immatriculation du véhicule avait un long dossier criminel et que son dossier comportait un avertissement de violence, qu’il était connu pour détester les policiers et pour transporter un fusil à canon court de défense rapprochée.

[856] Robert Prosper a reconnu dans son témoignage que les gardes de parc font tout ce que fait la police en matière d’application de la loi, pour autant que cela se fasse durant l’exécution de leurs tâches principales, qui sont la protection des ressources et l’application de la loi sur les parcs et des autres lois compatibles avec la loi sur les parcs, incluant les tâches découlant des infractions au Code criminel, comme le refus de s’identifier, l’obstruction au travail d’un agent de la paix ou l’agression envers un agent de la paix.

[857] Les documents de Parcs Canada déposés en preuve confirment l’existence de risques inhérents à l’exécution des tâches d’application de la loi. Par exemple, l’Annex A de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 dit ce qui suit : [traduction] « Il existe un élément de risque inhérent associé aux tâches d’application de la loi ». À cet égard, je rappelle la déclaration de M. Gary Bogdan selon laquelle quatre-vingt dix pour cent des gens respectent la loi, cinq pour cent des gens commettent des infractions par stupidité ou ignorance de la loi et qu’environ cinq pour cent des gens ont l’intention coupable d’enfreindre la loi pour en tirer un avantage personnel ou un avantage au plan de la réputation. Compte tenu de la preuve déposée en l’espèce, j’interprète le mot « stupidité » pour inclure les personnes agissant sous l’influence de l’alcool ou de la drogue et souffrant d’une maladie mentale, même s’il ne s’agit pas nécessairement du terme le plus précis ou le plus approprié à utiliser.

[858] De plus, M. Brett Moore, gestionnaire de la Conservation des ressources, a écrit au garde de parc McIntyre en mai 2000 que l’exécution des tâches d’application de la loi comportait des risques inhérents et qu’il n’y avait aucune garantie.

[859] L’opinion d’expert non contredite exprimée par M. Edward Davis et le sergent Butler déclarait que l’information est cruciale pour permettre à un agent de faire la meilleure évaluation possible du risque avant d’entreprendre l’exécution d’une tâche d’application de la loi. Dans les situations où les gardes de parc sont engagés dans des tâches d’application de la loi durant l’exécution de leurs tâches régulières, il peut arriver qu’ils aient peu sinon aucune information préliminaire à propos de la situation ou des sujets.

[860] La formation donnée aux gardes de parc, qui comprend le MIGI et les tactiques de défense policières, et l’équipement de protection défensif qui leur est fourni, est compatible avec la réalité d’un risque inhérent toujours présent.

[861] À mon avis, la preuve présentée ne soutient ni la position de Me Lambrecht ni son opinion voulant que la fréquence constitue le critère approprié.

[862] En outre, je considère que la position de Me Lambrecht selon laquelle la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 de Parcs Canada est adéquate et que les gardes de parc sont protégés parce qu’ils peuvent toujours refuser d’effectuer un travail en vertu du Code canadien du travail est contradictoire. L’opinion selon laquelle le recours à la disposition de refus de travailler du Code constitue un facteur d’atténuation dans le cadre d’un programme de prévention laisse entendre en soi que le programme de prévention présente des problèmes.

[863] Ceci correspond pour l’essentiel aux constats exprimés par l’ASS Grundie.

Les armes de poing ne constituent pas une solution dans les situations de blessures graves ou de mort

[864] La preuve a démontré qu’il y a un risque inhérent associé à toutes les tâches d’application de la loi et que le risque tient à l’imprévisibilité du comportement humain, qui peut être influencé par le stress, la drogue, l’alcool ou tout autre facteur.

[865] L’inspecteur Browning a témoigné que la présence d’un agent est perçue comme un niveau d’intervention et dépend de la capacité du sujet à reconnaître qu’un agent de la paix est présent par l’uniforme, le véhicule ou toute autre marque. Il a confirmé que la présence d’un agent peut désamorcer une situation ou la faire dégénérer en quelques secondes. À l’inverse, l’inspecteur Browning a reconnu que le sujet peut aussi évaluer la situation afin de décider de la réaction à donner à la présence du policier. Il a reconnu que la plupart des agressions surviennent d’une distance comprise entre quatre et cinq pieds. Par conséquent, il est raisonnable de conclure que les agressions surviennent au point d’échange d’information entre le sujet et l’agent ou durant l’arrestation.

[866] Les témoins experts ont tous convenu que la présence policière s’inscrit dans le MIGI et ont maintenu que tous les témoins qui sont des experts en matière de recours à la force et de violence à l’encontre des agents de la paix convenaient que la présence policière peut avoir pour effet de modifier positivement ou négativement le comportement du sujet. Ils ont également convenu que le seul fait qu’un agent d’application de la loi soit présent à titre d’agent de contrôle social suffit pour déclencher cet effet chez le sujet. La preuve démontre qu’une présence policière « faible » peut aussi avoir pour effet de faire dégénérer le comportement du sujet. La thèse d’Edward Davis mentionne que plusieurs agents d’application de la loi ont confirmé dans leur témoignage qu’une baisse du niveau de confiance de l’agent peut contribuer à augmenter le niveau d’agressivité du sujet.

[867] Dans son témoignage, Edward Davis a indiqué que l’uniforme, l’équipement du ceinturon de service et les véhicules et embarcations identifiés donnent aux gardes de parc tous les éléments de l’apparence d’un agent d’application de la loi. Il a témoigné qu’un sujet pouvait supposer que l’agent d’application de la loi qui s’approche connaît ses antécédents criminels et attaquer sans avertissement. Cela est particulièrement vrai dans le cas où le sujet est sous l’influence de l’alcool ou de la drogue ou qu’il est paranoïaque ou autrement inhibé.

[868] L’étude Loree sur les agressions envers les membres de la GRC à laquelle le sergent Butler renvoie irréfutablement a établi que, dans un nombre important de cas, l’agression était survenue spontanément, avant que les agents aient eu le temps de demander du renfort. Parcs Canada n'a fourni aucune preuve permettant de réfuter ce point de vue et je n’ai aucune raison de douter de la légitimité de cette préoccupation de risque.

[869] Les gardes de parc qui ont témoigné ont confirmé qu’ils avaient tous déjà été confondus, en raison de leur uniforme et de leur ceinturon de service, avec des agents de police ou d’autres agents fédéraux de conservation ou d’application de la loi munis d’une arme de poing, malgré le fait que les gardes de parc n’en portent pas. De plus, à l’audience, le garde de parc Deagle a montré son propre ceinturon de service, qui comprend un pistolet pyrotechnique fourni par Parcs Canada. Ce pistolet, qui a toutes les apparences d’une arme de poing, est utilisé en présence d’animaux et ne produit qu’un son. Malgré le fait qu’il soit porté à l’arrière du ceinturon de service, il confirme que des membres du public se sont informés à plusieurs reprises du calibre de son « arme de service ».

[870] À mon avis, la preuve découlant du témoignage de l’inspecteur Browning et des autres témoins cités ci-dessus appuie l’opinion des intimés selon laquelle la présence de l’agent fait partie du MIGI, qu’elle peut désamorcer ou faire dégénérer une situation, et que le sujet peut aussi faire sa propre évaluation de la situation afin de décider s’il doit attaquer l’agent. Une présence « faible » de l’agent peut avoir pour effet de faire dégénérer le comportement du sujet au point de causer des blessures graves ou la mort.

[871] Ceci correspond pour l’essentiel aux constats exprimés par l’ASS Grundie.

Le MIGI n’exige pas le port d’une arme de poing et ne considère pas non plus qu’il s’agisse d’une norme de l’industrie en matière d’équipement de protection personnel pour les agents engagés dans des tâches d’application de la loi

[872] La position de Parcs Canada stipule que le port d’une arme de poing n’est pas exigé par le MIGI et que sa seule utilité est de permettre d’exercer une force meurtrière et de tuer quelqu’un. D’où l’argument de Parcs Canada voulant qu’un garde de parc pourrait utiliser une matraque, l’arme d’épaule ou toute autre arme improvisée si une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort devait survenir.

[873] L’inspecteur Browning a confirmé que le MIGI n’impose pas le port ou l’utilisation d’une arme de poing. Il indique simplement que la force meurtrière est une réponse appropriée à une menace de blessures graves ou de mort. Nonobstant cela, le MIGI suppose que l’agent aura reçu une formation sur l’utilisation d’une arme de poing et de toutes les autres options d’intervention.

[874] L’inspecteur Browning a également confirmé que les membres de la GRC ne reçoivent pas d’instructions sur le fait que leur arme de poing doit être utilisée si elle est dégainée. J’ai compris qu’il disait que le but de tirer l’arme de service de son étui dans une situation pouvant conduire à des blessures graves ou à la mort était d’abord de reprendre le contrôle de la situation. Il a indiqué que les agents de la GRC devaient se poser les trois questions suivantes : Y a-t-il un danger immédiat pour moi ou pour d’autres personnes? Ai-je le contrôle de la situation? Que puis-je faire pour diminuer le danger?

[875] L’inspecteur Browning a confirmé que plusieurs circonstances dans lesquelles un policier doit faire usage de force meurtrière sont hors de son contrôle, et qu’un policier doit donc être prêt à réagir lorsqu’une situation exigeant de recourir à la force meurtrière survient. Il accepte également les conclusions du rapport Stetzer selon lesquelles ce sont la tâche et le sujet qui déterminent dans une grande mesure le résultat, et non l’agent d’application de la loi. L’inspecteur Browning a reconnu également qu’il n’est pas possible de prédire le comportement humain. Il reconnaît que s’il est rare qu’un agent de retrouve dans une situation où il est approprié de faire usage de force meurtrière, il est essentiel pour la sécurité du public et celle de l’agent qu’il soit formé et équipé pour y répondre.

[876] Le sergent Butler a indiqué que le milieu de l’application de la loi considère l’arme de service comme la norme pour la protection personnelle rapprochée. De plus, l’arme de poing est habituellement perçue par le public et les agents d’application de la loi comme un outil défensif nécessaire à la sécurité du public et de l’agent. L’arme de service est habituellement portée dans un étui sur le ceinturon de service, où elle est prête à être utilisée en situation d’urgence.

[877] Dans son témoignage, le sergent Butler a déclaré que l’arme de service n’était utilisée que si le sujet ne répondait pas, de manière à désamorcer son comportement susceptible de causer des blessures graves ou la mort. Il a donné deux exemples poignants dans lesquels le fait de tirer son arme de service a eu pour effet immédiat d’obtenir la coopération des sujets; au lieu qu’il y ait des morts, la situation a pu être résolue sans violence.

[878] Les intimés ont concédé que le MIGI ne précise pas les outils ou les techniques avec lesquelles peut s’exercer le recours à la force meurtrière, mais ont affirmé que le modèle de recours à la force est fondé sur la capacité de l’agent de passer d’une option de force moindre à la force meurtrière et de revenir à des options de force moindre, selon l’évolution de la situation. Cela ne peut être accompli que dans la mesure où l’agent n’est pas physiquement empêché de le faire.

[879] L’élément constant dans ce dossier est que les agents de la paix doivent évoluer avec leur sujet. L’inspecteur Browning et les autres témoins ont reconnu qu’au moment ou la situation pouvant mener à des blessures graves est désamorcée, la formation du MIGI leur apprend à remettre leur arme dans son étui et à utiliser la force appropriée au comportement du sujet. En même temps, les agents doivent être prêt à rehausser de nouveau le degré de force si le comportement du sujet revient à une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort. À franchement parler, l’opinion selon laquelle l’arme de service n’est dégainée que pour tuer est simplement unidimensionnelle, non éclairée et non appuyée par les faits.

[880] Les témoins experts sont unanimes à dire qu’il n’est pas nécessaire pour un agent d’application de la loi de passer de façon séquentielle à travers les différents degrés de recours à la force prévus par le MIGI mais qu’il doit plutôt réagir au niveau de force employé par le sujet. Ils conviennent également que l’évaluation du risque n’est pas un processus statique mais continu. Par conséquent, la réaction de l’agent d’application de la loi doit évoluer parallèlement à l’évolution du comportement du sujet. À tout événement, le but de toute intervention reste la sécurité du public et celle de l’agent, et il est établi que la sécurité de l’agent est essentielle à la sécurité du public.

[881] Je conclus qu’une arme de poing constitue un outil nécessaire et approprié pour prévenir une attaque, reprendre le contrôle de la situation sans faire feu si le comportement du sujet dégénère soudainement vers une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort, faire une transition vers des options plus légères si et au moment où le comportement du sujet redevient plus acceptable et enfin survivre à une situation pouvant entraîner des blessures graves lorsque la seule option est l’utilisation de la force meurtrière.

[882] Enfin, une arme d’épaule, une matraque, une pelle, un gourdin ou une autre arme improvisée ne pourrait pas donner aux gardes de parc le contrôle ou la capacité de passer d’un niveau de réaction à un autre selon le comportement du sujet. Tous les témoins s’accordent pour dire que n’importe quelle arme peut être utilisée pour exercer la force si aucune autre option n’est disponible, mais le point n’est pas là. L’outil approprié pour un agent d’application est celui qui lui permet d’évoluer dans sa réaction conformément à la formation du MIGI et de contrôler la situation de manière à atteindre l’objectif du MIGI, qui est celui-ci : « La meilleure intervention est celle qui cause le moins de tort ou de dommages ». À mon avis, l’arme de poing est cet outil.

[883] Ceci correspond pour l’essentiel aux constats exprimés par l’ASS Grundie.

Les gardes de parc peuvent utiliser les habiletés verbales et le repositionnement tactique si la situation dégénère; si la situation devient telle qu’elle peut entraîner des blessures graves ou la mort, ils peuvent utiliser leur matraque, leur arme d’épaule ou des armes improvisées pour exercer une force meurtrière.

[884] Selon le MIGI, toute intervention exige de l’agent qu’il examine la possibilité d’utiliser l’option du repositionnement tactique. Les témoins experts conviennent que le repositionnement tactique n’est pas toujours possible lorsque l’agent est physiquement limité dans sa capacité de le faire en raison d’obstacles physiques ou si le sujet l’empêche de le faire, par exemple dans le cas d’une agression.

[885] Le sergent Butler a insisté sur la croyance erronée selon laquelle [traduction] « le désengagement est toujours possible. Cette croyance peut, et cela s’est produit, conduire des agents à s’engager dans une situation dans laquelle ils n’auraient pas dû s’engager parce qu’ils croyaient à tort qu’ils pourraient simplement procéder à un repositionnement tactique. Cette croyance irréaliste entraîne directement une attitude complaisante et une confiance excessive; ce sont là deux des principales raisons pour lesquelles des agents sont agressés, blessés et tués ».

[886] Les témoins experts ont convenu que dans une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort, il est crucial que les agents disposent d’un outil ou d’une technique qui leur permettra de mettre fin rapidement à la menace. Ils ont convenu que le but de la formation est d’établir une « mémoire musculaire » et de permettre aux agents de réagir rapidement et de façon appropriée au comportement du sujet sans avoir à formuler d’abord un plan. Le sergent Butler a déclaré qu’il était improbable qu’une personne non formée soit en mesure d’exercer une force meurtrière, parce qu’en situation de stress, une personne fait moins appel à la pensée cognitive. Il a ajouté que n’ayant pas reçu de formation à l’utilisation de la force meurtrière, les gardes de parc n’ont pas développé la mémoire musculaire essentielle à l’application d’une réaction instantanée à une menace de blessure grave ou de mort lorsqu’une fraction de seconde peut faire la différence entre la vie et la mort pour eux.

[887] Les témoins experts s’entendent sur le fait que les habiletés d’intervention verbale / de négociation sont les plus importantes des options MIGI. Il y a de nombreuses preuves démontrant que l’intervention verbale est constante durant une intervention d’application de la loi et qu’elle peut permettre de résoudre la situation. Cependant, les témoins experts ont convenu également qu’une agression ou une confrontation mortelle peuvent survenir sans avertissement préalable et sans aucun signe de dégradation de la situation. À cet égard, Brett Moore a écrit au garde de parc McIntyre, en mai 2000, que [traduction] « Nous savons que la gestion (tactiques verbales) et l’anticipation du comportement du sujet peuvent échouer. Nous savons qu’il n’y a pas de garanties ». Il est clair que l’intervention verbale est un élément intégral du MIGI ou de tout autre modèle de recours à la force, mais le fait de baser une politique d’armer ou non les gardes de parc sur leur capacité à résoudre toutes les interventions d’application de la loi par des tactiques verbales ou de se sortir de danger par la discussion en face d’un sujet non coopératif ou combatif n’est tout simplement pas réaliste.

[888] En ce qui concerne l’utilisation de la matraque comme arme défensive dans des situations pouvant conduire à des blessures graves ou à la mort, le témoignage de l’inspecteur Browning a déterminé que plus l’agent se rapproche de la menace, plus la peur devient intense. Il a expliqué qu’une plus grande peur peut conduire à une accélération du rythme cardiaque, à une exclusion auditive, à un rétrécissement du champ visuel, à une perte de motricité fine et complexe, à des pertes de mémoire de l’incident, au ralentissement des mouvements et à l’utilisation de la motricité grossière uniquement. Il a déclaré que l’augmentation de la distance entre l’agent et le sujet donne à l’agent plus de temps pour prendre une décision avec une vulnérabilité moindre. Plus de temps signifie un meilleur jugement et un niveau d’intervention plus approprié. Le délai de réaction permet à l’agent de percevoir, d’analyser, de formuler et d’initier, et l’agent peut disposer d’un nombre plus grand d’options en raison de l’allongement du temps de réaction. Il a ajouté qu’en face d’une arme blanche, la distance minimale à maintenir est de 25 pieds, que l’arme de service soit dans son étui ou non. Si l’agent ne peut se placer à moins de 25 pieds de l’assaillant, il doit utiliser toutes les barrières à sa disposition.

[889] Le sergent Butler a déclaré que le Code criminel autorise le recours à la force meurtrière en présence d’un risque de mort ou de blessures graves. Dans ce cas, les agents peuvent utiliser tout ce qu’ils ont à leur disposition. Il ajoute cependant qu’en réalité, à moins que les agents n’aient reçu une formation adéquate sur ces différents outils, il est très peu probable qu’ils soient en mesure de les utiliser en situation de stress. Le sergent Butler a expliqué que dans une situation de confrontation faisant appel à la force meurtrière, le système nerveux sympathique prend le relais du système nerveux parasympathique normal et libère toutes sortes d’hormones dans le corps. L’un des processus lié à cette libération d’hormones est le passage de la pensée cognitive à une pensée subconsciente ou mésencéphalienne. Bien que la personne puisse alors continuer de fonctionner malgré une douleur importante, il est très peu probable qu’elle puisse utiliser efficacement une option de recours à la force à moins d’avoir reçu une formation poussée fondée sur l’application de scénarios pour cette option.

[890] Le Police Defensive Tactics Training Manual de la GRC, dans l’article intitulé On the subject of Target Zones, Closed Mode Strikes, Takedown from the Closed Mode,précise que la matraque n’est pas conçue pour être une arme meurtrière et ne constitue pas une solution de rechange en matière de force meurtrière. Elle doit plutôt être utilisée pour contrer ou bloquer une agression. Le sergent Butler a admis que la matraque pouvait asséner des coups mortels sur certaines parties du corps, mais la formation des agents leur inculque que ces parties du corps sont des cibles interdites. De plus, ils ne sont pas formés pour utiliser leur matraque en réponse à une menace de blessures graves ou de mort.

[891] Le garde de parc Deagle, qui est un instructeur de techniques de défense policières, a témoigné qu’un élément crucial de cette formation porte sur l’amélioration des outils ou de la technique enseignée. Il a soutenu que la mémoire musculaire est cruciale, de sorte que les réactions du garde de parc deviennent automatiques en situation de stress élevé et que la production de force meurtrière soit appropriée. Il a insisté sur le fait que ce qu’on appelle des armes improvisées ne comportent aucune formation et ne font appel à aucune mémoire musculaire, et que c’est aussi le cas de l’utilisation de la matraque comme arme meurtrière. En fait, la formation de la mémoire musculaire dans l’utilisation de la matraque fera probablement en sorte que le garde de parc dirigera les coups vers les zones corporelles non meurtrières.

[892] Dans sa décision, l’ASS Grundie s’était dit préoccupé par le fait que le garde de parc devrait se rapprocher d’un assaillant armé d’un arme blanche pour utiliser la matraque de manière à produire une force meurtrière. L’étroite proximité nécessaire pour utiliser la matraque avec une force meurtrière ajoute un risque inacceptable à la situation.

[893] Les témoins ont convenu qu’une personne utiliserait tous les éléments à sa disposition pour survivre à une attaque dans une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort et que, dans ce contexte, la matraque pouvait être utilisée. Cependant, il apparaît clairement qu’il est irresponsable pour Parcs Canada de suggérer que la matraque ou une autre arme improvisée constitue l’outil d’atténuation prescrit pour les gardes de parcs s’il devait survenir une situation pouvant conduire à des blessures graves ou à la mort.

[894] Sur la question du remplacement de l’arme de poing par une arme d’épaule, le sergent Butler a déclaré que d’un point de vue tactique, l’arme de poing est supérieure à un fusil de chasse ou à une carabine dans les situations de combat rapproché, parce que dans une telle situation, l’agent utilisera au moins une main libre pour tenter de contrôler l’attaque meurtrière du contrevenant. Puisque le pistolet est conçu pour être dégainé et utilisé d’une seule main, il fonctionne bien dans de telles situations. Pour sa part, l’arme d’épaule est conçue pour viser et tirer en utilisant les deux mains, ce qui laisse l’agent en situation de désavantage tactique en situation de combat rapproché, a écrit le sergent Butler. Il a ajouté que le déploiement de l’arme d’épaule nécessite une plus grande distance entre l’agent et le contrevenant, alors que les statistiques et les recherches ont démontré que les attaques spontanées se produisent à courte distance. De plus, il est facile à courte distance pour un contrevenant d’empêcher l’agent d’utiliser une arme d’épaule, rendant ainsi inutile la possession de cette arme.

[895] Dans son témoignage, Dave Hanna a déclaré que les agents de conservation à temps plein de l’Alberta recevaient une arme d’épaule pour utilisation dans les activités fauniques. Il a confirmé toutefois qu’ils ne reçoivent aucune formation sur son utilisation comme arme défensive. Il était d’avis que l’arme d’épaule pouvait trop facilement être arrachée à l’agent, qu’elle l’empêchait d’utiliser les autres armes défensives de son ceinturon de service et augmentait le potentiel de dommages collatéraux.

[896] À mon avis, il y a prépondérance de preuve sur le recours aux compétences verbales ou au repositionnement tactique qui peuvent ne pas représenter une option dans tous les cas. La preuve a confirmé également que l’on ne peut attendre des gardes de parc qu’ils composent avec les situations pouvant entraîner des blessures graves ou la mort en utilisant leur matraque, une arme d’épaule ou des armes improvisées pour produire une force meurtrière.

[897] Ceci correspond pour l’essentiel aux constats exprimés par l’ASS Grundie.

La délivrance d’armes de poing aux gardes de parc dans le cadre de l’équipement standard augmenterait le degré de risque pour les gardes de parc et pour le public

[898] Après avoir examiné les documents sur « l’effet des armes » auxquels le professeur Stenning a fait référence dans son rapport et son témoignage d’expert, le sergent Butler s’est dit d’avis que la recherche était insuffisante pour en confirmer la validité. Au contraire, la recherche sur les opérations de maintien de l’ordre tend à indiquer que l’effet des armes n’existe pas.

[899] Une étude menée en 2002 par le caporal Brian de la GRC sur les policiers canadiens assassinés entre 1980 et 2002 a permis d’établir que des modifications à l’étui et à la formation sur la conservation de l’arme de service avaient coïncidé avec une baisse marquée des blessures et des blessures mortelles infligées à un agent au moyen de son arme de service. En fait, aucun policier canadien n’a été tué avec sa propre arme entre 1991 et 2002.

[900] Le professeur Stenning a présenté des preuves établissant que des études canadiennes indiquaient que le taux de suicide des agents de police avec l’arme de service était moins élevé que le taux de suicide au sein de la population générale chez les hommes de 19 à 64 ans.

[901] En ce qui a trait au risqué qu’un agent de police soit accuse d’homicide, le professeur Stenning a établi que les cas de policiers reconnus coupables d’avoir abattu un civil sont rares, au Canada et aux États-Unis.

[902] Le professeur Stenning a déclaré qu’une étude sur les suicides de policiers avait révélé que ces personnes avaient des antécédents documentés de maladie mentale ou de tendances suicidaires, et que dans certains cas ils présentaient un taux élevé d’alcoolémie dans le sang au moment du décès.

[903] Dans l’ensemble, je conclus que les préoccupations du professeur Stenning en matière de sécurité méritent d’être prises en compte par tout agent d’application de la loi à qui une arme de poing est remise. Cependant, compte tenu de la conception des étuis, de la formation sur la conservation de l’arme de service et du fait qu’un sujet sous l’influence de l’alcool ou de la drogue et qui est mentalement incapacité pourrait confondre un garde de parc en uniforme avec un agent de police ou un agent en autorité, je ne crois pas que ces préoccupations soient suffisantes pour écarter l’option de fournir une arme de poing aux gardes de parc.

[904] À mon avis, la preuve établie en l’espèce est suffisamment convaincante pour conclure que les gardes de parc en uniforme pourraient être et ont été confondus avec des agents de police ou des agents d’application de la loi en autorité.

[905] Le fait que les gardes de parc effectuent des tâches d’application de la loi de haut niveau, qu’ils travaillent dans des endroits isolés et difficiles d’accès, qu’une assistance en temps opportun par les services de police compétents ne soit pas assurée et que l’équipement de communication ne soit pas infaillible appuie la réalité, qui est que la délivrance d’une arme de poing représente une mesure d’atténuation nécessaire et appropriée, qui répond largement aux défis reliés au travail d’application de la loi effectué par les gardes de parc.

[906] Ceci correspond pour l’essentiel aux constats exprimés par l’ASS Grundie.

L’argument de Me Lambrecht selon lequel aucun organisme chargé de l’application des lois ne fournit d’équipement pour répondre à tous les risques imaginables

[907] L’article 124 du Code canadien du travail exige de l’employeur qu’il assure la protection de la santé et de la sécurité de ses employés.

[908] Dans Juan Verville, cité ci-dessus, la Cour d’appel a commenté à l’alinéa 68 la norme de preuve nécessaire à l’établissement d’une infraction au sens de l’article 124 du Code. Tel qu’indiqué précédemment, la Cour a signalé que l’employeur doit prendre toutes les mesures raisonnables pour repérer les risques pour la santé et la sécurité sur le lieu de travail et, une fois qu'un risque a été constaté, il doit prendre des mesures raisonnables pour l'éliminer ou le minimiser autant que cela est raisonnablement possible.

[909] L’argument de Me Lambrecht voulant qu’aucun organisme chargé de l’application des lois ne fournit d’équipement pour répondre à tous les risques imaginables est donc contraire au Code. En fait, la seule façon pour un employeur d’éviter de prendre des mesures pour éliminer ou réduire un risque est de démontrer qu’il n’est pas raisonnable de prendre de telles mesures. De plus, un employeur ne peut éviter de contrevenir au Code en intervenant de façon partielle sur les mesures raisonnables recensées pour éliminer ou minimiser un risque. La mise en place de seulement trois, quatre ou cinq des six mesures ou actions raisonnables recensées dans le milieu de travail ne satisfait pas aux exigences du Code.

[910] Dans son témoignage, le sergent Butler a déclaré que la décision de ce qui constitue un équipement approprié exige d’établir un équilibre entre la probabilité statistique de la nécessité d’une telle arme et les conséquences pour l’agent de ne pas avoir cette arme à sa disposition en cas de besoin. Il a soutenu qu’une probabilité statistiquement faible d’agression envers un agent était en pratique immatérielle si le risque pour l’agent est un risque de blessures graves ou de mort. À mon avis, cette opinion est conforme au Code canadien du travail, notamment lorsqu’un risque inhérent est lié à l’activité.

Portée nationale de la question

[911] La preuve entendue et les plans d’application de la loi déposés pour huit parcs nationaux de tailles différentes dans des lieux géographiques différents, dans trois provinces différentes et avec des taux de fréquentation radicalement différents indiquent que les préoccupations en matière de santé et de sécurité à l’égard des tâches d’application de la loi soulevées par le garde de parc Douglas Martin ne sont pas uniques à un parc mais couvrent l’ensemble du pays.

[912] Je note également que M. Robert Prosper a dit de l’étude du professeur Evans qu’il s’agissait d’une étude importante, dont les conclusions étaient fondées sur un ensemble de données de quelque 14 000 incidents d’application de la loi enregistrés dans les parcs du Canada. Pourtant, l’étude du professeur Evans ne fait aucune distinction entre les différents parcs et sites nationaux du pays laissant entendre que l’application de la loi pourrait se faire différemment dans les différents parcs de Parcs Canada.

Conclusion

[913] Une infraction à l’article 124 de la Code canadien du travail survient lorsque l’employeur n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour assurer la protection de la santé et de la sécurité de toutes les personnes à son service. Lorsque les conséquences d’un événement particulier sont très graves ou critiques pour une personne, j’interprète l’article 124 et les dispositions d’Objet du Code, les paragraphes 122.1 et 122.2, comme signifiant que des mesures de prévention doivent être prises pour prévenir ce résultat très grave, sans égard à la probabilité que cet événement survienne. À mon avis, le défaut par Parcs Canada de fournir des armes de poing à ses gardes de parc exécutant des tâches d’application de la loi et de leur fournir une formation appropriée constitue une infraction à l’article 124 du Code.

[914] Madame la juge Gauthier, dans l’arrêt Verville cité ci-dessus, a statué que pour conclure à la présence d’un danger, il est nécessaire de déterminer dans quelles circonstances un risque potentiel, une situation ou une activité future est susceptible de causer des blessures avant que le risque ou la situation ne soit corrigé ou que l’activité ne soit modifiée, et qu'il soit raisonnablement possible que de telles circonstances se produiront dans l'avenir.

[915] En l’espèce, la preuve présentée confirme les circonstances suivantes :

  • les articles 18 et 19 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada précisent un double mandat pour les gardes de parc, incluant l’application de la Loi et des autres lois de conservation des ressources prescrites partout au Canada, et, à titre d’agent de la paix, la préservation et le maintien de l’ordre public dans les parcs. Les gardes de parc sont autorisés à mener des enquêtes sur des infractions relevant du Code criminel, de la LPNC et d’autres lois de conservation des ressources. L’article 21 de la LPNC donne aux gardes de parc le pouvoir d’arrêter sans mandat pour toute infraction commise en vertu de la Loi ou de toute autre loi dans un parc national. L’exercice de ces pouvoirs s’appuie sur l’attribution exprimée des pouvoirs de perquisition et de saisie;
  • dans l’exercice de leurs fonctions, les gardes de parc sont autorisés à utiliser des tactiques d’application dynamiques sur tout le continuum du recours à la force, jusqu’à et y compris la force meurtrière; sont formés selon les normes de la police; portent un uniforme semblable à celui de la police; sont équipés des outils nécessaires à l’obtention de la conformité. Le travail est souvent effectué la nuit et en des lieux isolés et géographiquement inhospitaliers. La valeur potentielle des ressources naturelles et culturelles et le montant considérable des amendes prévues par la LPNC ne peuvent qu’augmenter le risque d’attaques;
  • Parcs Canada reconnaît, à l’Annex A de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, qu’il existe un risque inhérent associé aux tâches d’application de la loi. Les experts qui ont témoigné conviennent que ce risque inhérent tient à l’imprévisibilité du comportement humain;
  • les témoins experts conviennent que le risque inhérent associé à l’application de la loi est lié à la nature du travail, qui implique l’imprévisibilité du comportement humain chez des individus qui peuvent avoir une tendance à la violence, détester l’autorité, être mentalement instables et sous l’influence de l’alcool ou de la drogue;
  • il est connu que des personnes ayant un dossier criminel et des antécédents de violence, y compris des personnes qui ont une aversion pour l’autorité, fréquentent les parcs ou y voyagent ou vivent à proximité de ceux-ci;
  • les témoins experts conviennent qu’une tâche d’application de la loi peut immédiatement dégénérer en une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort sans avertissement ou provocation de la part du garde de parc;
  • Parcs Canada reconnaît qu’on trouve en abondance des armes blanches et des outils dans et autour des sites de camping et que les plans d’application de la loi confirment qu’il n’est pas inhabituel de trouver des personnes armées dans un parc;
  • les plans d’application de la loi, les avis et les rapports d’incidents d’application de la loi des parcs, ainsi que la preuve empirique faite par les gardes de parc confirment qu’il est raisonnable de penser que les gardes de parc rencontreront dans les parcs nationaux des sujets à haut risque posant un risque potentiel;
  • l’élimination des tâches d’application de la loi comportant un risque plus élevé et la réduction de la fréquence de certaines autres par Parcs Canada dans le cadre de la révision de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 ne modifient pas la nature du risque inhérent associé aux taches d’application de la loi;
  • les mesures d’atténuation du risque reliées aux communications et au CIPC ne sont pas infaillibles et, malgré les meilleures intentions et les meilleurs efforts, les services de police compétents ne sont pas en mesure d’assurer une assistance fiable et en temps opportun aux gardes de parc;
  • les politiques de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 révisée concernant la réponse et la surveillance à deux par les gardes de parc ainsi que la stratégie qui consiste à observer, prendre des notes et rapporter les incidents constituent des mesures d’atténuation du risque dont l’efficacité n’a pas été démontrée et qui peuvent, en fait, ajouter au risque couru par les deux gardes de parc non armés;
  • il existe un écart entre la politique actuelle découlant de la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 et la pratique actuelle d’application de la loi dans certains domaines importants, ce qui peut avoir une incidence négative sur la santé et la sécurité des gardes de parc exécutant des tâches d’application de la loi reliées à l’ordre public;
  • les gardes de parc doivent se demander si le fait de ne pas intervenir ne pourrait pas plus tard être interprété par Parcs Canada et par les tribunaux comme ne pas avoir agi dans l'exercice de leurs fonctions et compte tenu de la portée de leur emploi, compte tenu de la nature de la menace pour le public et de toutes autres circonstances ayant pu jouer. Les gardes de parc doivent aussi se demander si le fait de ne pas intervenir pourrait plus tard être considéré comme une infraction à la partie II du Code. Cette incertitude correspond au moment précis auquel le MIGI demande aux gardes de parc d’évaluer le risque pour eux-mêmes et pour le public, et ajoute au risque de l’ensemble du processus;
  • une probabilité statistiquement faible d’agression envers un agent était en pratique immatérielle si l’agent risque des blessures graves ou la mort. Parcs Canada n’a pas tenu pleinement compte de cette situation et a plutôt fait valoir que la possibilité qu’un garde de parc soit menacé de blessures graves ou de mort était très minime;
  • Parcs Canada a ignoré les conclusions des études internes et externes qu’elle avait elle-même commandées, qui recommandent que des armes de poing soient fournies aux gardes de parc exécutant des tâches d’application de la loi;
  • une arme de poing constitue un outil nécessaire et approprié pour prévenir une attaque, reprendre le contrôle de la situation sans faire feu si le comportement du sujet dégénère soudainement vers une situation pouvant entraîner des blessures graves ou la mort, faire une transition vers des options plus légères si et au moment où le comportement du sujet redevient plus acceptable et enfin survivre à une situation pouvant entraîner des blessures graves lorsque la seule option est l’utilisation de la force meurtrière;
  • les armes intermédiaires ne sont pas toujours efficaces en raison de la distance, des conditions climatiques ou de l’état physique et mental d’un sujet qui peut également être sous l’influence de l’alcool ou de la drogue;
  • les armes improvisées comme les pelles ou les gourdins ne donnent pas aux gardes de parc le contrôle ou la capacité d’adapter leur réaction au comportement du sujet. De plus, la mémoire musculaire est cruciale pour rendre les réactions automatiques lorsque les gardes de parc sont soumis à un stress élevé et que l’exercice d’une force meurtrière est approprié. Les armes improvisées n’ont fait l’objet d’aucune formation, ne stimulent pas la mémoire musculaire et peuvent ne pas être disponibles au moment requis;
  • l’utilisation d’armes d’épaules comme armes défensives en lieu et place des armes de poing n’est ni sage ni sécuritaire. L’arme d’épaule n’est pas appropriée pour la gradation de la réponse et la présence d’un garde de parc portant une carabine ou un fusil pourrait faire dégénérer la situation au détriment de tous; l’arme d’épaule n’est pas une arme défensive appropriée à courte distance. De plus, les carabines tirent des projectiles à grande vitesse et à forte puissance de pénétration, ce qui pourrait entraîner des blessures collatérales;
  • les habiletés verbales et le repositionnement tactique sont des options qui peuvent ne pas être disponibles dans tous les cas.

[916] À mon avis, dans les circonstances actuelles, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un garde de parc engagé dans une tâche d’application de la loi puisse être blessé avant que le risque ou la situation ne soit corrigé ou la tâche modifiée, parce qu’ils ne sont pas munis d’une arme de poing et n’ont pas reçu la formation appropriée, et parce qu’il existe un risque inhérent aux taches d’application de la loi, qui est l’imprévisibilité du comportement humain. Par conséquent, je confirme la conclusion de l’ASS Grundie établissant qu’il existe un risque pour les gardes de parc exécutant des tâches d’application de la loi au moment de cette enquête et je conclus qu’un danger continue d’exister pour les gardes de parc exécutant des tâches d’application de la loi sans disposer d’une arme de poing dans leur équipement de protection personnel standard. Je confirme également la portée nationale de la directive émise par l’ASS Grundie à l’intention de Parcs Canada, puisque aucune preuve ne permet de conclure que la nature du risque associé aux tâches d’application de la loi est différente dans les différents établissements de Parcs Canada.

[917] Ayant conclu que la possession d’une arme de poing est nécessaire et raisonnable dans les circonstances pour atténuer le danger, je modifie par la présente les instructions formulées par l’ASS à l’intention de Parcs Canada le 1er février 2001 afin d’obliger Parcs Canada à interdire à tout garde de parc d’exécuter des tâches d’application de la loi jusqu’à ce qu’ils aient été triés, formés, supervisés; et orientés conformément à une norme que Parcs Canada aura jugée appropriée en tenant compte de l’approche et de l’orientation adoptées par d’autres organismes fédéraux qui fournissent une arme de poing à leurs agents d’application de la loi, et qu’une arme de point leur ait été délivrée. À cet égard, je me repose sur un agent de la santé et de la sécurité, nommé par Ressources humaines et Développement social Canada, pour veiller à ce que Parcs Canada se conforme éa ces instructions.

[918] L’instruction émise à l’intention du directeur général de l’Agence Parcs Canada qui s’applique à tous les gardiens de parc qui doivent faire appliquer la loi au Canada est ainsi formulée :

Ledit agent de santé et de sécurité considère que l’accomplissement de la tâche suivante constitue un danger pour les employés au travail:

Les gardes de parc, qui doivent faire appliquer la loi aux fins de la gestion des ressources et le maintien de la paix publique, peuvent se trouver dans des situations présentant des risques de blessure grave ou de mort. Les gardes de parc ne sont pas formés quant à l’utilisation de, et on ne leur fournit pas l’équipement de protection personnel nécessaire, y compris une arme de poing.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres :

(a) soit à corriger la situation ou le risque ou modifier l’accomplissement de la tâche des gardes de parc;
(b) soit à protéger les gardes de parc contre ce danger.

De plus, il vous est EN OUTRE ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(2)b) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser l’accomplissement de la tâche qui constitue un danger jusqu’à ce que les gardes de parc qui procèdent à l’application de la loi aient été évalués, formés, supervisés et dirigés conformément à ce que Parcs Canada juge approprié en tenant compte de l’approche et l’orientation des autres organismes fédéraux qui fournissent à leurs agents d’application de la loi une arme de poing; et qu’on leur ait fourni une arme de poing.

[919] L’instruction qui a été émise à l’intention du directeur de l’unité de gestion du Parc national Banff et qui s’appliquait à tous les gardes de parc qui devaient faire appliquer la loi au Parc national Banff est ainsi modifiée:

Ledit agent de santé et de sécurité considère que l’accomplissement de la tâche suivante constitue un danger pour les employés au travail:

Les gardes [de ce Parc], qui doivent faire appliquer la loi aux fins de la gestion des ressources et le maintien de la paix publique, peuvent se trouver dans des situations présentant des risques de blessure grave ou de mort. Les gardes de parc ne sont pas formés quant à l’utilisation de, et on ne leur fournit pas l’équipement de protection personnel nécessaire, y compris une arme de poing.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres :

(a) soit à corriger la situation ou le risque ou modifier l’accomplissement de la tâche des gardes de parc;
(b) soit à protéger les gardes de parc contre ce danger.

De plus, il vous est EN OUTRE ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(2)b) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser l’accomplissement de la tâche qui constitue un danger jusqu’à ce que les gardes de parc qui procèdent à l’application de la loi aient été évalués, formés, supervisés et dirigés conformément à ce que Parcs Canada juge approprié en tenant compte de l’approche et de l’orientation des autres organismes fédéraux qui fournissent à leurs agents d’application de la loi une arme de poing; et qu’on leur ait fourni une arme de poing.

Obiter Dictum

Ayant rédigé et formulé mes conclusions, je souhaite ajouter les commentaires suivants, sous forme d’obiter dictum.

Me Lambrecht a fait valoir que Parcs Canada faisait annuellement le suivi de son programme d’application de la loi et y apportait les corrections appropriées. Cependant, il n’y a aucune indication selon laquelle que Parcs Canada ait pris des mesures pour corriger le fait que, contrairement à ce que prévoit la Directive 2.1.9, les patrouilles de deux personnes se séparent pour exécuter le travail et que les gardes de parc continuent de répondre à des incidents touchant l’ordre public mettant en cause des membres du personnel de parc à titre de premiers intervenants parce que les services de police compétents ne sont pas en mesure de réagir immédiatement. Ni l’une ni l’autre de ces questions ne sont à mon avis négligeables.

Durant son témoignage, Robert Prosper a déclaré que le Comité de santé et de sécurité de Parcs Canada avait été consulté à toutes les étapes du projet visant à redéfinir le rôle des gardes de parc et à mettre en œuvre la nouvelle Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9. Cependant, la preuve présentée en l’espèce tend à démontrer que cette consultation était réactive plutôt que proactive, c’est-à-dire que pour l’essentiel, le Comité recevait les textes et était invité à les commenter ou à les approuver. Cette méthode est inférieure au sentiment de partenariat et de participation prévu au Code. Selon moi, cela pourrait expliquer l’écart entre la Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9 et la pratique sur le terrain.

Me Lambrecht regrettait que l’ASS Grundie n’ait pas tenu compte de la déclaration d’un garde de parc gravement blessé dans une agression survenue alors qu’il s’était arrêté en bordure de la route pour porter assistance et qui a déclaré qu’il aurait probablement été abattu s’il avait été armé. Je n’ai pas été convaincu par cet argument, compte tenu des témoignages d’experts voulant que l’image projetée par un agent d’application de la loi puisse avoir pour effet de calmer la situation ou de la faire dégénérer. Ni l’ASS Grundie ni personne d’autre ne peut présumer de l’effet qu’aurait pu avoir le port d’une arme de poing sur l’assaillant dans cette situation.

Agent d’appel
Douglas Malanka


Sommaire de la décision de l'agent d'appel

Décision no : CAO-07-015

Appelant : Agence Parcs Canada

Intimés : Douglas Martin et Alliance de la Fonction publique du Canada

Dispositions : Code du travail du Canada, 122.1, 122.2, 124, 125, 126(1)(c), 129(7), 145(1), 145.1(2), 145(2) and (2.1), 146(1), 146.1(1), 146.2.
Code criminel, 2, 25(1), 25(4), 34, 217.1, 231, 235.
Loi sur les parcs nationaux du Canada, 4, 8, 18, 19, 20(1), 21, 22, 26.

Mots clés :

garde de parc, application de la loi, protection des ressources, ordre public, refus de travailler, arme de poing, formation à l’utilisation de l’arme de poing, arme d’épaule, arme improvisée, imprévisibilité du comportement humain, absence de danger, Modèle d’intervention pour la gestion des incidents (MIGI), Centre d’intervention de la police canadienne (CIPC), Alberta Association of Chiefs of Police (AACP), Clients, acquisitions et analyse de renseignements, partenariats, réponses, auto-évaluation (CAPRA), Directive de gestion sur l’application de la loi 2.1.9, Law Enforcement Administration and Operational Manual, élimination, réduction, mesures d’atténuation, services de police compétents, renfort, appareils de télécommunication, formation, gilet pare-balles, intervention verbale, repositionnement tactique, patrouilles de deux personnes, patrouilles ciblées, lié à, observer, prendre des notes et rapporter, danger, directives nationales.

Sommaire :

Le 5 juin 2000, Douglas Martin, un garde de parc et spécialiste de l’application de la loi au service de l’Agence Parcs Canada (Parcs Canada) au parc national Banff a déposé une plainte en vertu de la partie II du Code canadien du travail (le Code). La plainte indiquait que Parcs Canada ne fournissait pas aux gardes de parc l’équipement de protection prévu à la norme de protection applicable aux agents de la paix canadiens exécutant des fonctions semblables en matière d’application de la loi de la protection des ressources naturelles, dont une arme de poing et la formation à son utilisation.

Après un examen préliminaire de la plainte du garde de parc Douglas Martin, un agent de santé et sécurité a décidé de lancer une enquête nationale sur la question. Son enquête l’a amené à conclure qu’un danger existait pour les gardes de parcs exerçant des activités d’application de la loi étant donné qu’ils peuvent subir des lésions corporelles graves ou la mort et qu’ils ne sont pas munis d’un équipement de protection personnelle approprié.

Parcs Canada de même que le garde de parc Douglas Martin et l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ont interjeté appel des instructions auprès d’un agent d’appel, conformément à l’alinéa 146(1) du Code. Parcs Canada a demandé que les instructions soient annulées, alléguant qu’il n’existait pas de danger pour les gardes de parc. Le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont demandé que les instructions soient modifiées, pour exiger expressément que Parcs Canada accorde des armes de poing aux gardes de parc ou établisse des procédures visant l’utilisation d’armes de poing.

L’agent d’appels Serge Cadieux a examiné les appels, conformément à l’alinéa 146.1 du Code. Par une décision écrite datée du 23 mai 2002, il a conclu qu’il n’existait pas de danger pour les gardes de parc et a annulé les instructions formulées par l’ASS Grundie à l’endroit de Parcs Canada.

Le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont demandé un examen judiciaire de la décision de l’agent d’appels Cadieux auprès de la Cour fédérale. La Cour fédérale a rejeté leur demande par une ordonnance du 6 octobre 2003.

Le garde de parc Douglas Martin et l’AFPC ont interjeté appel de la décision de la Cour fédérale auprès de la Cour d’appel fédérale. Dans une décision du 6 mai 2005, la Cour d’appel fédérale a accordé l’appel, écarté les décisions de la Cour fédérale et de l’agent d’appel Cadieux et soumis l’affaire à une révision du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail.

Un autre agent d’appel a mené une nouvelle révision de l’affaire et a conclu qu’il existait un danger pour les gardes de parc exerçant des activités d’application de la loi sans être formés à l’utilisation d’une arme de poing et sans être autorisé à en porter une. L’agent d’appel a ordonné que les gardes de parc ne soient pas affectés à l’application de la loi à moins d’être choisis, formés et supervisés conformément à une norme établi par Parcs Canada et tenant compte des méthodes et des approches des autres organismes fédéraux qui accordent une arme de poing à leurs agents chargés de l’application de la loi, et qu’ils soient munis d’une arme de poing.

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