Archivée - Décision: 07-022 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier no 2006-03
Décision no CAO-07-022

Fonds de revenu TransForce
Appelant

et

Jean-Marc Gagné
intimé
___________________________
Décision No.: CAO-07-022
Le 19 juin 2007

Cette affaire a été entendue par l’agent d’appel Katia Néron, à Montréal, Québec, le 18 janvier 2007.

Pour l’appelant
Maître Carl Lessard, de la firme Lavery, de Billy

Pour l’intimé
Jean-Marc Gagné, représentant employé du comité de santé et de sécurité, Division TFI -Transport 12 L.P. (12) (Transbord)

[1] La présente affaire découle d’un appel déposé le 13 janvier 2006, en vertu du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), par Me Carl Lessard, au nom du Fonds de revenu TransForce (TransForce Inc.).

[2] Dans sa requête, Me Lessard soutient que l’agent de santé et de sécurité (ASS) Steve Sirois a erré en désignant TransForce comme employeur dans l’instruction qu’il a donnée en vertu des alinéas 145(1)a) et b) du Code, le 16 décembre 2005, pour donner suite à son enquête sur un accident de travail ayant causé la mort d’un employé.

[3] Les faits relatés par l’ASS Sirois dans son rapport d’enquête et lors de son témoignage sont les suivants.

[4] Le 7 décembre 2005, M. Léo Lebrun, un chauffeur de camion à l'emploi de Transbord Inc., une entreprise achetée par TransForce Inc. et exploitée sous la raison sociale Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord)1, s’est rendu chez Lacaille International, à Carignan (Québec), appartenant également à TransForce Inc. et fonctionnant sous la raison sociale Division Papineau Int. L.P. (10)1, pour obtenir de l’aide pour mettre en place les toiles devant recouvrir le chargement placé sur la semi-remorque à plateau de son camion. Pour exécuter cette tâche, l’employé est monté sur la remorque et, en se déplaçant debout sur le chargement, il est tombé d’une hauteur d’environ 3,45 mètres. La chute lui a été fatale.

1

Selon l’organigramme daté du 8 février 2006 décrivant la structure du Fonds de revenu TransForce (TransForce Income Fund) et annexé au rapport de l’ASS Sirois.

[5] Lors de son enquête, l’ASS Sirois a constaté qu’aucune structure ou dispositif de protection contre les chutes ne protégeait l’employé, contrairement à l’alinéa 12.10(1)a) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST). De plus, contrairement aux dispositions des alinéas 12.10(1.1)a) et b) du RCSST, l’agent régional de santé et de sécurité n’avait pas reçu de rapport écrit indiquant pourquoi il était en pratique impossible de fournir à l’employé un dispositif contre les chutes, accompagné de l’analyse de la sécurité de la tâche et de la description de la formation et des consignes fournies à l'employé sur la façon sécuritaire de grimper et de travailler sans l’aide d’un tel dispositif de sécurité.

[6 L’alinéa 12.10(1)a) du RCSST se lit comme suit :

Sous réserve du paragraphe (1.1), l’employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute personne qui travaille dans l’une des situations qui suivent, à l’exception de l’employé qui installe ou qui démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) :

a) sur une structure non protégée ou sur un véhicule, à une hauteur de plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche, ou au‑dessus de pièces mobiles d’une machine ou de toute autre surface ou chose au contact desquelles elle pourrait se blesser[.]

[7] Le paragraphe 12.10(1.1) susmentionné se lit comme suit :

Lorsqu’un employé doit travailler sur un véhicule où il est en pratique impossible de lui fournir un dispositif de protection contre les chutes, l’employeur doit :

a) en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant :

(i) faire une analyse de la sécurité des tâches en vue d’éliminer la nécessité pour l’employé de grimper sur le véhicule ou sur son chargement ou de réduire les occasions de le faire,
(ii) fournir, à tout employé qui peut être appelé à grimper sur le véhicule ou sur son chargement, de la formation et des instructions concernant la façon sécuritaire de grimper et de travailler dans ces conditions;

b) présenter à l’agent régional de santé et de sécurité un rapport écrit indiquant la raison pour laquelle il est en pratique impossible de fournir à l’employé un dispositif de protection contre les chutes, accompagné de l’analyse de sécurité des tâches et d’une description de la formation et des instructions mentionnées à l’alinéa a);

c) fournir une copie du rapport au comité d’orientation ou, à défaut, au comité local ou au représentant.

[8] Compte tenu de ces dispositions, le 15 décembre 2005, l’ASS Sirois a donné à Transbord une instruction relative à un danger en vertu des alinéas 145(2)a) et b) du Code. L'instruction se lit en partie comme suit :

Ledit agent de santé et de sécurité estime que l’accomplissement d’une tâche (bâchage) constitue un danger pour un employé au travail, à savoir :

le fait qu’un employé se déplace debout à une hauteur de plus de 2.4 mètres sur un chargement placé sur une remorque sans être fournis de dispositifs de protection contre les chutes conformément au exigences de l’article 12.10 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail constitue un danger de chute.

[9] En outre, le 16 décembre 2005, l'ASS Sirois a donné une instruction en vertu des alinéas 145(1)a) et b) du Code, mais, cette fois, à TransForce, en indiquant qu’il était d’avis que TransForce avait enfreint l’alinéa 125(1)l) du Code ainsi que les alinéas 12.10(1)a) et 12.10(1.1)b) du RCSST. L'instruction se lit en partie comme suit :

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail est enfreinte:

L’alinéa 125(1)l) du Code Canadien du travail et l’alinéa 12.10(1)a) du Règlement canadien sur la santé et sécurité au travail.

L’employeur n’a pas fourni un dispositif de protection contre les chutes aux travailleurs qui travaillent sur un véhicule à une hauteur de plus de 2,4 mètres au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche sans que le rapport prévu à l’alinéa 12.10(1.1)b) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail n’ait été présenté à l’agent régional de santé et de sécurité.

[10] Je retiens ce qui suit des raisons à l’appui de la décision de l’agent de santé et de sécurité Sirois de désigner TransForce en tant qu’employeur dans son instruction du 16 décembre 2005.

[11] En examinant des rapports d’intervention rédigés par d’autres agents de santé et de sécurité du bureau de Montréal de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), Programme du travail, l’ASS Sirois a constaté que les dirigeants des entreprises acquises par TransForce ou des divisions appartenant à TransForce chez lesquelles ces interventions avaient été faites n’avaient été que très peu impliqués dans ces interventions. Il a notamment constaté que ses collègues avaient été renvoyés à des conseillères en ressources humaines de TransForce pour ce qui est de la planification et de la tenue de leurs interventions. De plus, il s'est rendu compte que ces mêmes conseillères avaient signé les promesses de conformité volontaires (PCV) reçues par ses collègues et les réponses données à ces PCV, y compris les plans de redressement décrivant les mesures prises pour corriger les infractions observées.

[12] Dans son rapport d’enquête, l’ASS Sirois a inclus, entre autres, une lettre en réponse à une PCV reçue le 23 mars 2004 par l’ASS Marie-Ève Fortier. Cette lettre est signée par Maude Pelletier, conseillère aux ressources humaines chez TransForce Inc, et une note de service de Sylvain Bédard, également de TransForce Inc., y est annexée. Dans cette note de service adressée aux directeurs des terminaux de Kingsway, Daily et Sélect, opérant sous la raison sociale Division TFI Transport - 5 L.P. (5)2, ainsi qu’au directeur du terminal de Papineau, opérant sous la raison sociale Division Papineau Int. L.P. (10)2, Sylvain Bédard décrit la procédure à suivre pour l’entretien des chariots élévateurs utilisés par les employés.

2

Toujours selon l’organigramme du 8 février 2006.

[13] De plus, l’ASS Sirois a constaté que, sur le rapport d’enquête de l’employeur daté du 15 décembre 2005, qui était requis aux termes du paragraphe 15.8(1) du RCSST, le nom de l’employeur était Transport TFI 12, S.E.C. (Transbord). Ce rapport avait été signé par Geneviève Chevrier, conseillère en ressources humaines chez TransForce Inc., comme si c'était elle qui avait effectué l’enquête au nom de Transport TFI 12, S.E.C. (Transbord).

[14] Compte tenu de ces constats, l’ASS Sirois a conclu que TransForce Inc. ne faisait pas qu'offrir un service-conseil aux différentes entreprises lui appartenant, mais exerçait aussi un vrai pouvoir de gérance en ce qui concerne les décisions relatives à la santé et à la sécurité au travail, entre autres en imposant le respect ou l’application de procédures de santé et de sécurité, en procédant à des inspections des lieux de travail, en effectuant les enquêtes d'accident et en rédigeant les rapports y afférents.

[15] L’ASS Sirois a de plus constaté qu’en 2005, après l'achat de Transbord Inc. et Transport F. Audet Inc. par TransForce Inc., Léo Lebrun, qui travaillait alors chez Transport F. Audet Inc., avait été transféré chez Transbord. Il en a conclu que TransForce Inc. avait le pouvoir de déplacer des employés dans les différentes entreprises qu’elle achetait.

[16] L’ASS Sirois s'est aussi rendu compte que, selon le Registraire des entreprises du Québec, Transbord Inc. était inscrite comme étant inopérante et, selon l’organigramme du Fonds de revenu TransForce, elle fonctionnait sous la raison sociale Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Ce même organigramme indiquait que l'entreprise relevait de TFI Holdings Partnership et Transforce Administration Inc., elles-mêmes relevant de Gestion TFI Inc. et Fiducie d’exploitation TFI, toutes deux se trouvant directement sous Fonds de revenu TransForce.

[17] En se référant aux documents du Registraire des entreprises du Québec concernant entre autres le Fonds de revenu TransForce, Fiducie d’exploitation TFI, Gestion TFI Inc., TransForce Administration Inc., TFI Holdings Limited Partnership, Transport TFI 2, S.E.C., Transport TFI 12, S.E.C., l’ASS Sirois a également constaté que toutes ces entreprises avaient la même adresse et étaient liées par certains des membres des conseils d’administration indiqués sous le Fonds de revenu TransForce, Gestion TFI Inc. et Fiducie d’exploitation TFI (TFI Operating Trust).

[18] L’ASS Sirois en a conclu que l'entreprise Transbord était gérée comme une partie intégrante de TransForce Inc. et que, même si chacune des divisions TFI avait sa propre identité corporative, l’ensemble des entreprises acquises par TransForce Inc. et ses divisions TFI ne constituait, dans les faits, qu’une seule et même entreprise.

Preuve soumise par l’appelant

[19] Me Lessard a fait témoigner Josiane-Mélanie Langlois, vice-présidente aux Affaires juridiques, Fonds de revenu TransForce, Division TFI Transport 2 L.P. (2), Gestion TransForce; Annie Blanchard, coordonnatrice à l’Immobilier, Fonds de revenu TransForce, Division TFI Transport 2 L.P. (2), Immeubles TransForce (TransForce Properties); et Sylvain Desaulniers, vice-président aux Ressources humaines, Fonds de revenu TransForce, Division TFI Transport 2 L.P. (2), Gestion TransForce. Je retiens ce qui suit de leur témoignage.

[20] Josiane-Mélanie Langlois est vice-présidente aux Affaires juridiques depuis 2005. Responsable, entre autres, des affaires générales de la société et des affaires juridiques touchant les acquisitions d'entreprises, elle est aussi secrétaire générale du conseil d’administration de la société.

[21] Mme Langlois a déclaré que, bien qu’utilisée comme le nom de sa marque de commerce, l'appellation TransForce ne désigne pas l’entité ou la personne morale. Avant septembre 2002, l’entité qui chapeautait l’ensemble du groupe se dénommait TransForce Inc., mais, après cette date, elle a été liquidée pour devenir une structure publique de fonds de revenu détenue par des actionnaires publics, c’est-à-dire des institutions et des particuliers. Elle a alors adopté la raison sociale Fonds de revenu TransForce, soit l’entité publique cotée en bourse. Mme Langlois a présenté l’organigramme de la fiducie Fonds de revenu TransForce, en anglais TransForce Income Fund, d’où l’acronyme TFI. Cette structure était en vigueur lors de l’accident de M. Lebrun.

[22] Se reportant à l’organigramme du Fonds de revenu TransForce, Mme Langlois a déclaré que l'entité Fonds de revenu TransForce ne compte aucun employé, mais que sous celle-ci, on y retrouve une deuxième fiducie, la Fiducie d’exploitation TFI, comptant un conseil d’administration de neuf membres gérant l’ensemble du groupe. La structure organisationnelle de la nouvelle société correspond ainsi à celle d'une fiducie de revenus comportant deux fiducies créées à des fins fiscales.

[23] Sous la Fiducie d’exploitation TFI, on retrouve Gestion TFI Inc. (TFI Holdings Inc.), également créée à des fins fiscales. C’est cette entité qui procède à l’achat des entreprises. Elle compte un conseil d’administration qui chapeaute aussi l’ensemble du groupe, mais dont les décisions sont limitées en fonction des sommes d’argent en cause. Cette entité est détenue en partie par des actionnaires.

[24] Selon Mme Langlois, toutes les entreprises achetées par Gestion TFI Inc., couramment appelées « filiales », qui, selon l’organigramme, se retrouvent directement sous Gestion TFI Inc. sont éventuellement appelées à être liquidées puis transférées dans les divisions TFI.

[25] En outre, les divisions TFI sont des sociétés en commandite, donc détenues par un commandité, soit TransForce Administration Inc., et un commanditaire, soit TFI Holdings Limited Partnership, cette dernière agissant en tant que consolidateur et agent financier de toutes les divisions TFI. Chaque division TFI doit respecter des objectifs financiers.

[26] Mme Langlois a déclaré que des décisions de fusion d’entreprises déjà acquises par Gestion TFI Inc. peuvent être prises par les conseils d’administration chapeautant le groupe, soit celui de Gestion TFI Inc., jusqu’à certaines sommes d'argent, et celui de Fiducie d’exploitation TFI. Ces fusions ont pour but, par exemple, d’éviter d'avoir à demander de nouveaux permis d’exploitation pour telle ou telle entreprise alors que ceux-ci existent pour l'une ou l'autre des divisions TFI déjà opérantes.

[27] De plus, Gestion TFI Inc. achète les entreprises non pas en les fusionnant, mais, toujours pour des raisons fiscales, en transférant l'actif, les dirigeants et employés et les activités de l’entreprise touchée. Bien que la propriété juridique de chaque entreprise achetée par Gestion TFI Inc. change, puisqu’elle se retrouve dans une nouvelle entité, chacune demeure une entité distincte tant au niveau juridique qu’au niveau opérationnel, en conservant son propre budget, ses propres états financiers, ses propres dirigeants et ses propres employés et activités.

[28] Mme Langlois a ainsi expliqué que Transbord Inc. était une entreprise familiale de transport routier qui a été acquise par Gestion TFI Inc. en avril 2005. Elle a continué ses activités sous la raison sociale de la filiale Transbord Inc. jusqu’au 16 juin 2005. À cette date, Transbord Inc. a été liquidée et son actif, ses dirigeants, ses employés et ses activités ont été transférés dans la société en commandite TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Dès lors, elle est devenue une division TFI dont le principal commanditaire, consolidateur et agent financier est TFI Holdings Limited Partnership. Depuis, ses comptes bancaires et les chèques provenant de ses clients ont été ouverts et faits sous la raison sociale de Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

[29] Mme Langlois a ajouté que Transport F. Audet Inc. a été achetée par Gestion TFI Inc. le 1er mai 2004, soit avant l’achat de Transbord Inc. Puis, le 6 octobre 2004, l'entreprise a été liquidée et son actif, ses dirigeants, ses employés et ses activités ont été transférés à la Division TFI Transport 12 L.P. (12). Par contre, le 1er octobre 2005, par suite d'une décision du conseil d’administration de Gestion TFI Inc., l'actif et les activités de Transport F. Audet Inc. ont été fusionnés avec ceux de Transbord Inc. après que cette dernière a été elle-même liquidée puis transférée à la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Transport F. Audet Inc. a alors été dissoute et une partie de ses employés a été intégrée dans d’autres divisions TFI. C’est ainsi que M. Lebrun s’est retrouvé chauffeur de camion sous l’ancienne dirigeante des opérations de Transbord Inc., soit, à l’époque, Mme Annie Blanchard.

[30] Mme Langlois a également indiqué que la Division TFI Transport 2 L.P. (2) comprend Immeubles TransForce, Locations TransForce et Gestion TransForce.

[31] Immeubles TransForce est propriétaire de tous les baux et immeubles servant à l’ensemble des divisions TFI partout au Canada. Locations TransForce détient le matériel roulant, entre autres les camions et remorques qui sont loués par les divisions TFI pour leurs activités de transport.

[32] Gestion TransForce est l’entité qui offre des services d’experts conseils en gestion à l’ensemble des divisions TFI. Elle est située au siège social de la société et ne compte qu’une quinzaine d’employés. Ses services touchent à la fois les ressources humaines et les questions juridiques et de respect des lois. Elle facture ses services à chacune des divisions. C’est sous cette division et sous la direction du vice-président aux Ressources humaines, Sylvain Desaulniers, que travaillent Maude Pelletier et Geneviève Chevrier, conseillère désignée au moment de l’accident pour s’occuper de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). De plus, la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce n’effectue aucune activité de transport et ses employés ne sont pas des employés de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

[33] Selon Mme Langlois, il est déjà arrivé qu’un des conseils d’administration chapeautant la société décide qu'une entreprise achetée par TFI Holdings Inc. puis transférée dans l'une de ses divisions TFI soit revendue. La Division TFI Transport 9 L.P. (9) en est un exemple.

[34] Mme Langlois a déclaré que la philosophie du Fonds de revenu TransForce est d’acheter des entreprises qui marchent bien et d'en garder les dirigeants.

[35] Annie Blanchard est à l’emploi d'Immeubles TransForce, Division TFI Transport 2 L.P. (2), depuis septembre 2006. Au moment de l’accident de M. Lebrun, elle était présidente de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

[36] Mme Blanchard a déclaré que Transbord Inc. était une entreprise de transport existant depuis 1972, dont le principal actionnaire était son père, Louis Blanchard. En novembre 1999, elle en a pris les guides, assumant l’entière responsabilité des activités, des ressources humaines et de la gestion des dossiers touchant la santé et la sécurité au travail.

[37] À cette époque, bien que c’était le rôle du contremaître et du répartiteur en chef de faire les entrevues et de noter les premiers manquements des employés, c’était elle qui prenait les décisions d’embauche ou de congédiement et qui gérait tous les dossiers de santé et de sécurité au travail. Pour valider ou s’assurer de prendre de bonnes décisions dans ces différents domaines, Mme Blanchard consultait alors des experts conseils indépendants. Elle a entre autres fait affaire avec une mutuelle de la santé et sécurité au travail qui la facturait tous les mois. Elle faisait aussi affaire avec une firme d’avocats pour les dossiers de congédiement injuste et elle était membre de l’Association du camionnage pour s’assurer que l’entreprise respectait les lois régissant le transport routier.

[38] Le matériel roulant de Transbord Inc., dont les tracteurs, remorques à plate-forme, remorques citernes et chariots élévateurs utilisés par les employés, appartenait à l’entreprise.

[39] Les employés de Transbord Inc. n’étaient pas syndiqués et aucun syndicat n'y a été constitué même après son acquisition par Gestion TFI Inc.

[40] En juin 2005, une fois Transbord Inc. devenue la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) et bien que le matériel roulant utilisé par les employés soit devenu la propriété de Locations TransForce et que TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) ait loué ce matériel sur une base hebdomadaire à Locations TransForce, tout a continué comme avant, c’est-à-dire que Mme Blanchard a conservé la responsabilité de la gestion des employés et des activités. L'entreprise a également poursuivi ses activités de transport extra provincial vers d'autres provinces au Canada et les États-Unis. Le seul changement a été que les talons de paye des employés portaient dorénavant la raison sociale de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) et les services conseils sur les ressources humaines, le respect des lois et la santé et la sécurité au travail, qu’elle obtenait auparavant d'entreprises indépendantes et de l’Association du camionnage, étaient maintenant offerts par la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce. Celle-ci facturait à TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) les services conseils rendus, comme le faisait auparavant la mutuelle de la santé et la sécurité au travail, la firme d’avocats ou l’Association du camionnage.

[41] Selon Mme Blanchard, c’était toujours le contremaître et le chef répartiteur de sa division et, ultimement, elle-même qui prenaient les décisions d’embauche, puisque c'était eux, non les employés de la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, qui avaient la compétence requise pour évaluer les candidats susceptibles d'être de bons camionneurs ou de bons opérateurs de chariots élévateurs.

[42] Pour donner un exemple des services données sur la question du respect des lois par la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, Mme Blanchard a de plus fourni un document intitulé TransForce - Compte rendu - Audit de conformité - Pour la division : Transbord, daté du 25 octobre 2005, rédigé par Nathalie Blanchet, de TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, à l'intention de Chantal Martel, à l’époque directrice de la conformité dans cette entreprise. Cet audit visait à dresser un portrait global de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), en y évaluant les procédures, la gestion des dossiers, la formation, la gestion des infractions et des accidents et les moyens de contrôle, afin de fournir à Mme Blanchard des outils pour l’aider à faire en sorte que la division respecte les exigences des lois régissant le transport.

[43] Mme Blanchard a déclaré que, comme présidente de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), elle avait accepté la tenue d’une telle inspection dans sa division; elle ne voyait pas pourquoi elle aurait refusé puisque, comme Transbord Inc. auparavant, la division était inspectée par le ministère américain du Transport et le Contrôle routier du Québec. Ce type de service fourni par la division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, qu’elle se procurait auparavant auprès de l’Association du camionnage, lui permettait d’obtenir des outils de travail et des conseils pour l’aider à se conformer aux lois régissant le transport. C'était d’ailleurs là un élément important des activités de l’entreprise, car si l’entreprise avait était jugée non conforme par les autorités, elle aurait pu perdre ses permis d’exploitation.

[44] Mme Blanchard a aussi témoigné qu’elle remettait les dossiers des employés relatifs à la santé et la sécurité au travail à TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, mais elle a précisé qu’elle n’était pas tenue d'en suivre les conseils. Par contre, comme sa division payait pour recevoir les conseils de TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, elle avait toutes les raisons de suivre ces conseils si cela lui permettait de réduire les coûts de son entreprise.

[45] En septembre 2005, le conseil d’administration de Gestion TFI Inc. a commencé à envisager de fusionner l'actif, les employés et les activités des deux autres entreprises Transport F. Audet Inc. et Transrive avec ceux de Transbord. Mme Blanchard est alors devenue présidente de l’ensemble de ces activités, qui ont été regroupées sous la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). En octobre 2005, M. Lebrun est tombé sous son autorité.

[46] Au moment de l’accident de M. Lebrun, Stéphane Galluri, répartiteur chez TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), a été le premier appelé sur les lieux, puis on a communiqué avec Mme Blanchard. Une fois là, celle-ci a contacté TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce pour obtenir des conseils. Elle a participé activement à l'enquête, du début à la fin. Ainsi, elle et les chauffeurs et les membres du comité local de santé et de sécurité, avec l’aide des conseillers de TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, ont veillé à installer sur les semi-remorques à plateau des camions un dispositif technique pour se conformer à la première instruction donnée à Transbord par l’agent de santé et de sécurité Sirois, le 15 décembre 2005.

[47] De plus, pour expliquer comment la gestion des ressources humaines de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) était restée inchangée même après l’acquisition de Transbord Inc. par Gestion TFI Inc., Mme Blanchard a fourni un document intitulé Politique au travail - Guide de l’employé, qu'elle a élaboré avec son équipe avant l'acquisition de Transbord Inc. et qui continue d'être utilisé. Lorsque les activités de Transport F. Audet Inc. et Transrive ont été fusionnées à celles de Transbord sous la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), cette politique a été réimprimée sous le logo de TransForce, puis redistribuée aux employés. La politique énonce tous les règlements de l’entreprise, y compris les procédures et politiques régissant le travail des employés, entre autres : le code d'éthique, les limites de vitesse, le suivi de documents ou manifestes, les cartes de pointage, l’assignation du travail, les règles d’utilisation des tracteurs et de l’équipement, les procédures de chargement et de mise en place des bâches, la santé et la sécurité au travail, l’alcool et les drogues, les retards ou absences, le harcèlement, l’embauche, l’assurance collective et les sanctions disciplinaires.

[48] Pour sa part, Sylvain Desaulniers a déclaré qu’il était vice-président aux Ressources humaines au Fonds de revenu TransForce, Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, depuis septembre 2000.

[49] M. Desaulniers a indiqué que la société compte près de 11 000 employés au Canada, travaillant dans une soixantaine de divisions TFI et filiales. Son rôle est de vérifier, lorsque Gestion TFI Inc. acquiert des entreprises, si celles-ci respectent les lois relatives aux ressources humaines et d'examiner les dossiers touchant la santé et la sécurité au travail. Il analyse par exemple les politiques et les procédures, les échelles salariales et les dossiers d’accidents de travail. Le but de cet examen est de s’assurer que chaque nouvelle entreprise agit comme une bonne entreprise citoyenne. Sylvain Desaulniers remet ensuite un rapport au conseil d’administration.

[50] La Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce compte quatre conseillers et conseillères généralistes et spécialistes en santé et sécurité au travail et un directeur de la rémunération. Pour les aider à mieux connaître les entreprises qu’ils doivent desservir, Sylvain Desaulniers les a affectés à des divisions spécifiques.

[51] La Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce s’occupe aussi d'examiner avec les entreprises acquises et les divisions TFI si les salaires versés aux employés se comparent à ceux du marché.

[52] Selon Sylvain Desaulniers, le fait d’aider les divisions TFI à mieux s'administrer améliore leur gestion des ressources humaines, car il arrive souvent que les dirigeants des entreprises acquises soient de bons opérateurs, mais qu'ils aient certaines faiblesses en matière de gestion.

[53] En outre, a déclaré M. Desaulniers, la raison d’être de sa division est de faire en sorte que chacune des divisions TFI obtienne la meilleure rentabilité financière. Cependant, les divisions TFI et les filiales sont autonomes, elles gardent leurs gestionnaires et leurs employés et elles poursuivent leurs propres activités de transport sous leur propre raison sociale, conservant, de ce fait, leur culture et leurs liens avec leurs clients.

[54] Les divisions TFI oeuvrent dans quatre secteurs définis du transport : le transport de lots brisés et de colis, le transport de lots complets, le transport spécialisé de lots complets et les services spécialisés de gestion des déchets, incluant les services connexes de transport. Ces activités se déroulent au Québec, mais dépassent aussi les limites de la province.

[55] Les liens entre la société et ses divisions sont des liens d’affaires et certaines décisions prises par le conseil d’administration, comme la fusion de deux entreprises, s'inscrivent dans la mission du conseil, qui est d'assurer une meilleure répartition des investissements et la rentabilité de toutes les divisions. Pour appuyer cette position, Sylvain Desaulniers a donné les exemples suivants sur la façon dont sont gérés différents volets des activités courantes des divisions :

  • les conseillers de TFI Transport 2 L.P. (2) s'occupant du respect des lois peuvent faire des audits et suggérer un plan d’action sur la gestion d'une division, mais l’embauche des employés relève de chacune d'entre elles;
  • TFI Transport 2 L.P. (2) peut aider à vérifier les compilations en ce qui a trait au respect des lois, mais chaque division est responsable de la formation des employés;
  • TFI Transport 2 L.P. (2) gère les coûts économiques des dossiers et seconde chaque division dans ses démarches, mais la gestion des dossiers en matière de santé et de sécurité au travail relève des divisions. Celles-ci peuvent demander de l’aide pour remplir un formulaire d’enquête d'accident, mais elles demeurent responsables de l'enquête;
  • bien que certaines décisions puissent être prises par les conseils d’administration chapeautant la société pour des raisons économiques, le transfert des employés, par exemple lors de la fusion de deux entreprises, est géré par la division elle-même.

[56] M. Desaulniers a ajouté que TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce agit comme un double filet de sécurité en ce qui a trait à la gestion de la santé et de la sécurité au travail car, dans ce domaine, il y a beaucoup d’argent en cause.

[57] Au moment de son acquisition par Gestion TFI Inc., Transbord Inc. n’avait pas de service structuré en ressources humaines. C’est pourquoi elle a communiqué rapidement avec TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce pour obtenir son expertise. Cependant, a précisé M. Desaulniers, l'aide de sa division a été peu sollicitée par d’autres divisions TFI, par exemple par Canpar Transport L.P. (9), anciennement Canpar, qui a conservé son propre vice-président aux Ressources humaines.

[58] M. Desaulniers a déclaré qu’au moment du transfert de certains employés de Transport F. Audet Inc. et Transrive à TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), Mme Blanchard a communiqué avec lui pour lui demander si elle devait tenir compte de l’ancienneté des employés.

[59] M. Desaulniers a précisé que sa division n’offre pas de service d'expertise sur les activités de transport et ne s’implique pas dans ces activités. Il a également indiqué que les services conseils de TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce ne sont offerts qu’aux différentes divisions TFI et filiales et non à d’autres entreprises qui ne font pas partie du Fonds de revenu TransForce.

Preuve soumise par l’intimé

[60] Jean-Marc Gagné, représentant les employés au comité local de santé et de sécurité de la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) et ancien employé de Transbord Inc, a déclaré que rien n’avait changé après l’acquisition de cette entreprise par Gestion TFI Inc.

Argumentation de l’appelant

[61] Compte tenu des témoignages de Mmes Langlois et Blanchard et de M. Desaulniers, Me Lessard a argué que chaque division TFI ou filiale de Gestion TFI Inc. est une entité distincte de la personne morale Fonds de revenu TransForce.

[62] En outre, selon Me Lessard, les accords en matière de finance et d’échange de service entre les différentes divisions TFI et la société ne devraient pas infléchir la détermination du véritable « employeur », au sens du Code, responsable des employés de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Selon Me Lessard, cet « employeur » est celui qui s’occupe de l’embauche et du congédiement des employés, ainsi que de la gestion des affaires courantes d’une entreprise, non pas la personne morale à qui celle-ci appartient ultimement, même si cette personne morale offre des services conseils et/ou peut établir des politiques visant à aider à la gestion des ressources humaines et à régler des questions juridiques ou de respect des lois.

[63] À l’appui de cet argument, Me Lessard a invoqué l’affaire WIC Western International Communications Ltd ("WIC") v. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP)3. Dans cette affaire, WIC Western International Communications Ltd - la société mère de BCTV - avait interjeté appel d’une instruction émise par un agent de sécurité qui la désignait en tant qu’employeur des employés de BCTV. Me Lessard a notamment cité les extraits suivants de cette décision :

3

WIC Western International Communications Ltd ("WIC") v. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCE), CCT-ARS Décision No 00-007, Agent régional de sécurité Serge Cadieux, 4 mai 2000

Il y a deux questions à trancher dans cette affaire. La première est celle de savoir si WIC est le véritable employeur des employés de BCTV, comme le précise l’instruction.
...
WIC est-elle le véritable employeur des employés de BCTV ?

Le mot « employeur » est défini de manière large au paragraphe 122(1) du Code.

« Employeur – Personne qui emploie un ou plusieurs employés – ou quiconque agissant pour son compte, ainsi que toute organisation patronale. »

À l’évidence, WIC est un employeur au sens de cette définition… La question plus importante dans le cas présent est de savoir si WIC est un employeur au sens du paragraphe 145(1) du Code, vu que l’instruction est donnée en vertu de cette disposition, dont le texte est le suivant:

« S’il est d’avis qu’il y a contravention à la présente partie, l’agent de sécurité peut ordonner à l’employeur ou à l’employé en cause d’y mettre fin dans le délai qu’il précise et, sur demande de l’un ou l’autre, confirme par écrit toute instruction verbale en ce sens ».

Il est question au paragraphe 145(1) de l’employeur « en cause ». Autrement dit, la loi envisage que l’employeur doit avoir un lien direct quelconque avec le lieu de travail où la contravention a eu lieu. La question consiste donc à savoir si, dans ce contexte, le mot « employeur » signifie simplement l’entité qui s’occupe des fonctions de gestion courantes de la société et qui entretient la relation de négociation avec le syndicat (BCTV, en l’occurrence), ou s’il englobe aussi une société telle que WIC, qui ne s’occupe pas de affaires courantes au lieu de travail et qui, tout au plus, s’acquitte de fonctions qui ressortissent à la haute direction.

Pour ce qui est du sens du mot « employeur », M. Litherland m’a renvoyé à la décision du Conseil canadien des relations du travail (aujourd’hui le Conseil canadien des relations industrielles) dans l’affaire Northern Television Systems Limited (1975), 14 di 136… En examinant la question, le Conseil a établi le critère suivant pour déterminer l’identité de l’employeur :

  1. Qui embauche les employés ?
  2. Qui contrôle le travail des employés ?
  3. Qui fixe d’une manière effective les salaires et les conditions de travail ?
  4. Qui contrôle les négociations relatives au point 3 ?

Dans l’affaire Canadian Airline Flight Attendants’ Association, le Conseil a exposé de quelle façon il interprète ce critère. En évaluant le premier des quatre volets, le Conseil a déclaré qu’il n’est pas aussi crucial de savoir qui embauche les employés que de savoir qui contrôle la sélection. Il a fait remarquer aussi que les troisième et quatrième volets doivent être déterminés par la personne qui contrôle la source de fonds.

M. Litherland a également invoqué l’affaire Syndicat des travailleurs de Murray Hill v. Murray Hill Limousine Service Ltd. (1998), 74 di 127, à l’appui de la thèse voulant que la définition d’un "employeur" soit liée au concept de l’« exploitant » de l’entreprise.

Les informations qui suivent résument la preuve qui m’a été soumise.

  • WIC est une société constituée en vertu d’une loi fédérale. Elle est décrite de diverses façons dans ses propres documents, comme une [TRADUCTION] «société intégrée de radiodiffusion et de divertissement » ainsi que comme une société de portefeuille nationale spécialisée dans le domaine de la radiodiffusion et des communications;
  • L’une des filiales à 100 p. 100 de WIC est WIC Television Ltd. ("WIC TV"), laquelle possède à son tour BCTV et plusieurs autres stations de télévision en Colombie-Britannique et en Alberta. WIC est également propriétaire d’autres sociétés qui possèdent et détiennent des actions dans des stations de radio, des stations de télévision payante, etc.;
  • Pour ce qui est de WIC elle-même, l’effectif en poste en Colombie-Britannique est formé de 13 cadres supérieurs et employés administratifs, qui travaillent au centre-ville de Vancouver. WIC est dotée de son propre conseil d’administration, qui est distinct de celui de WIC TV;
  • WIC ne détient pas de licence de radiodiffusion du CRTC, ne possède aucun matériel de radiodiffusion et n’exécute pas elle-même d’activités de radiodiffusion. M. Farac a décrit que la fonction principale de WIC consiste à [TRADUCTION] "gérer stratégiquement ses placements";

  • Il existe fort peu de preuves au sujet des rapports ordinaires qu’entretiennent WIC et BCTV. M. Litherland soutient que c’est BCTV, et non WIC, qui rémunère les employés de BCTV et que ces derniers sont gérés, dans leurs fonctions courantes, par BCTV. Cela comprend l’attribution des tâches, l’embauchage, les licenciements et les mesures disciplinaires;
  • Il existe quelques politiques que WIC a établies et qui s’appliquent aux diverses sociétés placées sous l’égide de WIC, dont BCTV. Les politiques mentionnées dans la preuve sont la politique concernant le harcèlement sexuel et la non-discrimination, les normes de conduite des affaires et les directives et les objectifs journalistiques;

Compte tenu des faits mentionnés plus haut, je suis d’avis qu’il incombe à BCTV et non à WIC d’embaucher les employés, de contrôler leur travail et de fixer leur salaire et leurs conditions de travail. Je suis convaincu aussi que BCTV est l’exploitant de l’entreprise de télévision en question. La seule question incertaine est celle de savoir si BCTV contrôle la source des fonds. Il est possible, mais non certain, que WIC puisse exercer un certain contrôle sur la source des fonds. Toutefois, on ne m’a soumis aucune preuve que BCTV ne peut effectuer les changements qui s’imposent au lieu de travail en raison d’un manque de fonds. Je suis donc d’avis qu’il ressort de la preuve que BCTV est l’employeur aux fins du paragraphe 145(1) du Code.

[64] Me Lessard a de plus soutenu que les obligations imposées par le Code à l’employeur à l'égard des employés travaillant dans la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) relevaient de sa dirigeante, Annie Blanchard, parce que celle-ci était, au moment de l’accident, l’employée cadre ou la « personne agissant pour le compte de… » responsable de la gestion des employés et des activités de cette division. À cet égard, Me Lessard a cité l’extrait suivant de l'arrêt du juge Brière dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité c. Les Mines Sigma (Québec) Ltée4, dans lequel le juge Brière souligne la responsabilité des cadres d’entreprise au sens du Code :

Étrangement, la L.S.S.T. ignore presque totalement les cadres de l’entreprise, i.e. toutes personnes qui sont employées à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec les travailleurs; les cadres, en effet, sont exclus de la définition de travailleur et ne sont pas compris dans la définition de l’employeur; ils ne sont visés dans la loi que lorsque celle-ci impute à "quiconque" quelque obligation ou, si l’employeur est une corporation, s’ils ont prescrit ou autorisé l’acte interdit ou y ont consenti (art. 241 – mais, bizarrement, ces mêmes cadres ne sont pas poursuivables si l’employeur est une personne physique). Notons seulement qu’il en va autrement dans le Code canadien du travail(19) qui, à l’article 122, définit l’employeur : "Personne qui emploie un ou plusieurs employés – ou quiconque agissant pour son compte […]", de sorte que l’obligation qui est faite à l’employeur de veiller à la protection de ses employés en matière de sécurité et santé au travail (art. 124) s’adresse également aux cadres de l’entreprise.

4

Commission de la santé et de la santé c. Les Mines Sigma (Québec) Ltée, CT/TT Décision No 500-29-000296-911, Juge Marc Brière, 25 mai 1992, point 5.2, page 404

[65] De plus, Me Lessard a soutenu que le rôle de TFI Transport 2 L.P. (2) au sein du Fonds de revenu TransForce pouvait être comparé à celui qu'un organisme comme Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) joue auprès des différents ministères du Conseil du Trésor du gouvernement fédéral. Il a argué que ce serait ainsi une erreur de conclure que TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce est l’employeur des employés travaillant pour la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Pour appuyer cet argument, il a cité l’extrait suivant de la décision de l’Agent d’appel Douglas Malanka dans l’affaire Travaux publics et Services gouvernementaux Canada v. Mark Hawkins 5 :

… D’une façon plus générale, la responsabilité d’un ministère en vertu de la partie II relativement à la protection de la santé et de la sécurité de ses employés n’est pas amoindrie par ce que dit, fait ou recommande TPSGC, ou tout autre ministère ou organisme nommé par le Conseil du Trésor ou agissant en son nom. Ils jouent essentiellement un rôle de conseiller auprès de l’employeur et rien d’autre.

5

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada v. Mark Hawkins, CCT-AA Décision No 05-003, Agent d’appel Douglas Malanka, 7 janvier 2005, paragraphe 61

[66] Selon Me Lessard, le fait que TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) avait dorénavant une relation d’affaires avec le Fonds de revenu TransForce, pour, entre autres, l’obtention de services conseils par l'intermédiaire de TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce et la location de l’équipement requis par ses activités par l'intermédiaire de TFI Transport 2 L.P. (2) - Locations TransForce, ne faisait pas de cette entreprise une entreprise différente de ce qu’elle avait été auparavant, puisqu'elle devait payer pour obtenir ces services et que la responsabilité de la gestion des employés et des activités avait continué de relever de Mme Blanchard.

[67] Compte tenu de ces preuves et arguments, Me Lessard a soutenu que, au sens du Code, le véritable employeur de M. Lebrun était Transbord. Par conséquent, il a demandé que la dénomination TransForce soit retirée de l’instruction et remplacée par celle de Transbord, fonctionnant aujourd’hui sous la raison sociale de Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

Argumentation de l’intimé

[68] Jean-Marc Gagné n’a pas présenté d'argument à l'encontre de la position de Me Lessard.

Analyse et décision

[69] La question à trancher dans cette affaire est de savoir si l’agent de santé et de sécurité Sirois a erré en désignant, dans son instruction du 16 décembre 2005, TransForce en tant qu’employeur des employés de la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

[70] Pour rendre ma décision, je dois examiner l’interprétation et l’application des dispositions pertinentes du Code, les faits relatifs à l’affaire et tout élément pertinent de la jurisprudence.

[71] En l’espèce, l’infraction reprochée à l'employeur par l’ASS Sirois dans son instruction, et qui n’a pas été contredite par une preuve contraire, est de ne pas avoir veillé, tel que prescrit au paragraphe 124 du Code, à la protection de la santé et de la sécurité d’un employé, en ne lui ayant pas fourni le dispositif de protection contre les chutes requis par l’alinéa 125(1)l) du Code et l’alinéa 12.10(1)a) du RCSST. S’ajoute à cette infraction celles, sous-jacentes, requises par les alinéas 12.10(1.1)a) et b) du RCSST, de ne pas avoir transmis un rapport écrit à l’agent régional de santé et de sécurité indiquant la raison pour laquelle il était impossible de fournir à l’employé un dispositif de protection contre les chutes, accompagné de l’analyse de la sécurité de la tâche ainsi qu’une description de la formation et des instructions devant être fournies à tout employé appelé à grimper sur un véhicule ou son chargement sur la façon sécuritaire de grimper et de travailler sans système de protection contre les chutes.

[72] En vertu du paragraphe 123(1), la partie II du Code s’applique « à l’emploi dans le cadre d’une entreprise fédérale, à l’exception d’une entreprise de nature locale ou privée au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Nunavut ». Selon l’article 2 du Code, une entreprise oeuvrant dans le transport routier et débordant les limites d’une province s'entend d'une entreprise dont les ouvrages débordent les limites d’une province et, de ce fait, relève de la compétence fédérale. Selon la preuve soumise, les activités de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) sont, de ce fait, assujetties à la compétence fédérale.

[73] De plus, selon le paragraphe 122(1) du Code, un employeur s'entend, au sens du Code, d'une « personne qui emploie un ou plusieurs employés ». Le paragraphe 122(1) se lit comme suit:

122(1) « employeur » Personne qui emploie un ou plusieurs employés – ou quiconque agissant pour son compte – ainsi que toute organisation patronale.
(c'est moi qui souligne)

[74] Cependant, selon le paragraphe 125(1) du Code, pour que l'employeur soit responsable des obligations prescrites à l’article 124 et au paragraphe 125(1) du Code, il faut que le lieu de travail visé ou la tâche accomplie par un employé soit placé ou relève de l’autorité de cet employeur. L’article 124 et le paragraphe 125(1) se lisent comme suit:

124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et sécurité au travail.

125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève
(c'est moi qui souligne)

[75] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que trois éléments doivent être analysés dans la présente affaire. Premièrement, il faut déterminer si les personnes morales existant dans la structure organisationnelle de Fonds de revenu TransForce chapeautant la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) sont des entreprises relevant de la compétence fédérale et assujetties aux obligations prescrites par le Code. Deuxièmement, il faut établir qui était le véritable employeur de M. Lebrun. Enfin, troisièmement, il faut déterminer qui contrôlait les activités de transport effectuées par la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) et avait la véritable autorité sur celles-ci, y compris sur la tâche qu’exécutait M. Lebrun au moment de son accident.

Les personnes morales existant dans le Fonds de revenu TransForce chapeautant la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) constituent-elles des entreprises relevant de la compétence fédérale et assujetties aux obligations prescrites par le Code ?

[76] Dans la décision Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada (1979), 98 DLR (3) 202 (CSC), la Cour suprême a établi les critères suivants pour déterminer si une entité particulière constitue une entreprise fédérale assujettie à la réglementation fédérale en matière de relations de travail. Premièrement, il faut examiner l’exploitation principale de l’entreprise fédérale. Puis, on doit analyser l’exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. Enfin, il faut regarder si le lien entre cette exploitation et l'entreprise fédérale principale peut être désigné comme « fondamental », « essentiel » ou « vital ».

[77] Il a été établi plus haut qu'en raison de ses activités de transport routier extra provinciales, la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) est une entreprise fédérale au sens du Code.

[78] La preuve démontre aussi que les activités de transport effectuées dans d’autres divisions TFI, sans préciser spécifiquement dans lesquelles, peuvent dépasser les limites de la province de Québec, faisant également de celles‑ci des entreprises fédérales au sens du Code.

[79] La preuve établit de plus que la structure organisationnelle du Fonds de revenu TransForce a été créée à des fins fiscales.

[80] Partant de ce qui précède, je suis d’avis que, pour déterminer s’il existe un lien « fondamental », « essentiel » ou « vital » entre les activités de transport de compétence fédérale effectuées dans les divisions TFI et les activités des différentes personnes morales qui les chapeautent, je dois regarder au-delà des artifices corporatifs du Fonds de revenu TransForce et déterminer s’il existe une relation d’autorité entre ces personnes morales et les divisions TFI, et plus particulièrement, dans le présent cas, en ce qui a trait à la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

[81] En l’espèce, la preuve démontre que le conseil d’administration de la deuxième fiducie de l’ensemble de la société, soit la Fiducie d’exploitation TFI, créée sous la première fiducie Fonds de revenu TransForce, gère les affaires de l’ensemble du groupe, sous réserve des sommes d’argent en cause, de concert avec le conseil d’administration de Gestion TFI Inc. Ces deux conseils d’administration ont l’autorité de décider de fusionner des entreprises acquises par Gestion TFI Inc. dans l’une ou l’autre des divisions déjà existantes, à même une des sociétés en commandite TFI, comme ce fut le cas de l'actif et des activités antérieures de Transport F. Audet Inc. et Transrive, qui ont été fusionnées avec l'actif et les activités de Transbord Inc. après que cette dernière a été elle-même liquidée puis transférée au sein de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

[82] La preuve démontre également, sans que Mme Langlois ait indiqué si cela se fait par l'intermédiaire du conseil d’administration de la Fiducie d’exploitation TFI ou de celui de Gestion TFI Inc., que le conseil d’administration de la société peut décider de revendre l'une des entreprises achetées par TFI Holdings Inc. ou de la dissoudre, même si celle-ci a été consolidée sous l’une des divisions TFI, comme ce fut le cas pour la Division TFI Transport 9 L.P. (9) qui a été revendue.

[83] La preuve révèle aussi que des audits sont effectués par la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, qui a été créée à la seule fin d’offrir des services de gestion aux divisions de transport TFI de Fonds de revenu TransForce, incluant la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Ces audits visent à établir des plans d’action pour aider les divisions de transport TFI à se conformer aux lois régissant le transport, un élément important pour le maintien de leurs permis d’exploitation relatifs à leurs activités de transport effectuées au Québec tout autant qu'aux États-Unis.

[84] La preuve démontre en outre que les interventions que la division de la gestion de TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce effectue au chapitre des ressources humaines dans les divisions TFI ont un impact sur les activités de gestion de ces divisions.

[85] De plus, selon la preuve, Sylvain Desaulniers, qui travaille à la division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, doit, après avoir révisé les politiques touchant les ressources humaines et examiné les échelles salariales et les dossiers d’accidents de travail dans chacune des différentes entreprises acquises par la société qui seront, par la suite, transférées au sein des divisions, soumettre un rapport au conseil d’administration. Est-ce celui de la Fiducie d’exploitation TFI ou de Gestion TFI Inc. ? M. Desaulniers ne l'a pas précisé.

[86] Compte tenu de l’ensemble de cette preuve, j’en conclus que le Fonds de revenu TransForce intervient dans la gestion quotidienne et les activités normales de ses divisions TFI de transport, dont TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), via les conseils d’administration de la Fiducie d’exploitation TFI, de Gestion TFI Inc. et de la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce. J’en conclus également que les façons de faire sont décrétées par le haut, à savoir selon l’autorité des conseils d’administration, et non par les dirigeants des différentes divisions TFI.

[87] J’ajoute que la preuve soumise ne m’a pas convaincue que le lien entre les activités décisionnelles des conseils d’administration de la Fiducie d’exploitation TFI et de Gestion TFI Inc. et les activités de la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce n’est pas vital ou n’a pas un impact fondamental sur les activités des divisions de transport TFI, y compris celles de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). Au contraire, tel qu'indiqué plus haut, M. Desaulniers a déclaré que les conseils offerts par son service de gestion ont un impact sur la gestion des ressources humaines de ces divisions. De plus, je suis d'avis que le fait que les personnes morales chapeautant les divisions TFI puissent intervenir, via leurs agents, dans la gérance normale des activités des divisions de transport TFI relevant de la compétence fédérale est suffisant pour assujettir celles-ci, et leur âme dirigeante, à la législation applicable à ces divisions.

Qui était le véritable employeur de M. Lebrun?

[88] Pour déterminer l’identité de l’employeur de M. Lebrun, je m’aiderai du critère établi par le Conseil canadien des relations industrielles dans l’affaire Northern Television Systems Limited (1975), 14 di 136, qui a été citée par l’Agent régional de sécurité Serge Cadieux dans sa décision WIC Western International Communications Ltd, supra. En l'occurrence, j’interprète ce critère comme comportant les volets suivants :

  • Qui embauchait les employés de la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) ou qui en contrôlait la sélection ?
  • Qui contrôlait leur travail, incluant qui détenait l’équipement utilisé par ces employés ?
  • Qui déterminait réellement les salaires et les conditions d’emploi et qui contrôlait les sources financières requises pour mener les activités de cette division ?

[89] La preuve démontre que l’embauche et la sélection des employés de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) relevaient de Mme Blanchard. La preuve démontre également que la gestion quotidienne des employés, de leur travail et des activités de la division lui avait été déléguée. Cependant, il ressort de la preuve que les documents sur les ressources humaines, entre autres la politique sur les directives d’embauche des employés, ont été examinés par Sylvain Desaulniers une fois cette entreprise acquise par Gestion TFI Inc. De plus, la décision de transférer une partie des employés de Transport F. Audet Inc., dont M. Lebrun, sous l'autorité de Mme Blanchard dans la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) a été prise par le conseil d’administration de Gestion TFI Inc., non par Mme Blanchard.

[90] Quant à savoir qui contrôlait le travail accompli par les employés de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), la preuve indique que tous les documents relatifs, au sein de cette division, à la gestion des ressources humaines et à la santé et sécurité au travail ont été examinés par Sylvain Desaulniers, y compris les règles à suivre sur les limites de vitesse, le suivi des documents ou manifestes, les cartes de pointage, l’assignation du travail, l’utilisation des tracteurs et de l’équipement, le chargement des remorques à plate-forme, l’installation des bâches, l’alcool et les drogues, les retard ou absences, le harcèlement, l’assurance collective et les sanctions disciplinaires.

[91] De plus, la décision de transférer les activités effectuées par les employés de Transport F. Audet Inc. sous l'autorité de Mme Blanchard a été prise par le conseil d’administration de Gestion TFI Inc., non par Mme Blanchard.

[92] En outre, la personne qui a signé le formulaire d’enquête sur l’accident de M. Lebrun à titre d'enquêteur est une employée de la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce, non Mme Blanchard.

[93] Qui plus est, la preuve démontre que tout le matériel roulant, y compris les camions utilisés par la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) appartient à Locations TransForce, sous la Division TFI Transport 2 L.P. (2). Cette division relève du contrôle financier de TFI Holdings Limited Partnership, qui est, selon la preuve, l'agent financier de toutes les divisions TFI. Par contre, la preuve révèle que les décisions d’affaire touchant, entre autres, la rentabilité des divisions TFI ne relèvent pas de TFI Holdings Limited Partnership, mais plutôt des conseils d’administration de Gestion TFI Inc. et Fiducie d’exploitation TFI. La preuve est également à l’effet que le matériel roulant appartenant à Locations TransForce est loué uniquement aux filiales ou divisions TFI, aux seules fins de leurs activités, et non pas à d’autres entreprises ne faisant pas partie de la société Fonds de revenu TransForce.

[94] Pour ce qui est d'établir qui déterminait les salaires des employés ou leurs conditions d’emploi, aucune preuve ne m’a été présentée à l’effet que seule Mme Blanchard pouvait décider du salaire versé aux employés travaillant dans la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). La preuve est, au contraire, à l’effet que l’échelle salariale des employés de chaque division TFI est examinée par la Division TFI Transport 2 L.P. (2) Gestion TransForce. De plus, étant donné que les employés de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) ne sont pas syndiqués, je suis d’avis que le contrôle sur des salaires et des conditions d’emploi des employés n’était plus sous l’entière autorité de Mme Blanchard ou de la personne morale Transbord Inc., puisque Mme Blanchard n’était plus propriétaire de l'entreprise et que Transbord Inc. n’existait plus.

[95] De plus, selon la preuve présentée, la société a décrété que chaque division TFI doit atteindre des objectifs financiers. Selon toute évidence, le profit ou les pertes résultant du travail accompli par les employés de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) reviennent à Fonds de revenu TransForce et chaque division TFI existe essentiellement pour le compte de Fonds de revenu TransForce.

[96] Par contre, c’est à mon avis la deuxième fiducie de cette personne morale, soit la Fiducie d’exploitation TFI qui, par l'intermédiaire des décisions prises par son conseil d’administration, contrôlait les fonds nécessaires aux activités de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord). En effet, la preuve démontre que la Fiducie d’exploitation TFI se dresse entre les diverses entités et Fonds de revenu TransForce, la première fiducie du groupe, et que cette fiducie a été créée comme une deuxième fiducie ayant l’autorité de gérer l’ensemble du groupe. Qui plus est, on ne m'a soumis aucune preuve que des décisions influant sur les activités des entreprises acquises par le groupe ou ses divisions TFI étaient prises par Fonds de revenu TransForce. Selon la preuve soumise, ce sont les conseils d’administration de la Fiducie d’exploitation TFI et de Gestion TFI Inc. qui prennent les décisions touchant celles-ci. La preuve est aussi à l’effet que le conseil d’administration de Fiducie d’exploitation TFI chapeaute celui de Gestion TFI Inc. et que les décisions de ce dernier comportent des limites financières.

[97] J’en conclus que l’âme dirigeante de Fonds de revenu TransForce, c'est‑à-dire le véritable employeur de l’ensemble de cette structure organisationnelle, est la deuxième fiducie, soit la Fiducie d’exploitation TFI.

[98] En conséquence, je suis d’avis que le véritable employeur de M. Lebrun au sens du Code était la Fiducie d’exploitation TFI, une entité qui, tel qu’établi précédemment, est également assujettie aux obligations prescrites par le Code.

Qui contrôlait la tâche accomplie par M. Lebrun ?

[99] En ce qui concerne la tâche accomplie par M. Lebrun, je suis d’opinion que cette tâche relevait de l’autorité et était sous le contrôle de Fiducie d’exploitation TFI pour les raisons suivantes.

[100] Selon la preuve présentée et pour toutes les raisons indiquées précédemment, les activités de transport de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) n’étaient plus exécutées pour le compte d’une entreprise appartenant à la famille de Mme Blanchard, mais pour le compte et sous le contrôle financier et opérationnel du conseil d’administration de Fiducie d’exploitation TFI.

[101] Compte tenu de ce qui précède et bien que la preuve démontre que la société avait décidé de lui laisser la gérance des tâches exécutées par les employés de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), j’en conclus qu’au moment de l’enquête de l’ASS Sirois, Mme Blanchard n’avait pas une entière autorité sur celles-ci, mais qu’elle agissait pour le compte et sous l’autorité de la Fiducie d’exploitation TFI. Je suis ainsi d’opinion qu'elle n'était pas la seule à exercer un contrôle sur la tâche accomplie par M. Lebrun et que la véritable autorité reposait sur la Fiducie d’exploitation TFI, puisque c’est cette entité qui avait, dans les faits, le contrôle financier et opérationnel des activités de la Division de transport TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord), par l'intermédiaire de son conseil d’administration et de celui de Gestion TFI Inc.

[102] Je n'ai eu aucune preuve à l’effet que Fiducie d’exploitation TFI avait délégué à Mme Blanchard la responsabilité de voir à ce que la tâche d’installer les bâches sur le chargement d'un camion soit exécutée selon les règles précisées à l'article 12.10 du RCCST. De plus, je n'ai rien reçu à l’effet que l’infraction reprochée par l’ASS Sirois avait été commise sans le consentement de Fiducie d’exploitation TFI, à son insu ou malgré des mesures prises par celle-ci pour l’éviter.

Commentaires sur la jurisprudence soumise par l’appelant

[103] À la lecture de la décision de l’Agent régional de sécurité Serge Cadieux dans l’affaire WIC Western International Communications Ltd, supra, je suis d’avis qu’il y a lieu d'établir une distinction entre cette affaire et le présent cas sur la base de ce qui suit. Au contraire de la preuve apparaissant dans la décision WIC Western International Communications Ltd, supra, aucune preuve n’a été présentée dans le présent cas à l’effet qu’une des divisions TFI ait son propre conseil d’administration, indépendant de ceux de Fiducie d’exploitation TFI et Gestion TFI Inc. En outre, il n’apparaît pas que le conseil d’administration de WIC pouvait décider de dissoudre une partie de ses filiales ou de transférer l'actif, les employés et les activités de celle-ci sous l’une ou l’autre des autres filiales ni que l’équipement et les immeubles servant à l’ensemble des activités de ses filiales étaient détenus par une des filiales de WIC.

[104] Pour ce qui est de la décision dans l'affaire Travaux publics et Services gouvernementaux Canada v. Mark Hawkins, supra, je comprends que l’Agent d’appel Malanka a conclu que le véritable employeur au sens du Code était le Conseil du Trésor et non un de ses ministères.

[105] Enfin, dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité, supra, bien qu'elle traitait d’une infraction commise aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité du travail du Québec, je souligne que le juge Brière a conclu que Les Mines Sigma (Québec) Ltée étaient coupables de l’infraction qui lui était reprochée.

Décision

[106] Pour toutes ces raisons et compte tenu de la preuve, de la loi et de la jurisprudence, je suis d’avis que, au sens du Code, le véritable employeur de M. Lebrun au moment de l’enquête de l’ASS Sirois était la Fiducie d’exploitation TFI et que c’est la raison sociale de cette personne morale qui aurait dû figurer en tant qu’employeur dans l’instruction. Qui plus est, pour identifier l’établissement ou la division TFI touchée, l’ASS Sirois aurait également dû, à mon avis, indiquer dans son instruction le nom de la Division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) dans laquelle travaillait M. Lebrun.

[107] Par conséquent, tel que m'y autorise le paragraphe 146.1(1) du Code canadien du travail, je varie l’instruction émise, le 16 décembre 2005, par l’agent de santé et de sécurité Sirois, de la façon indiquée dans le document en annexe.



_________________
Katia Néron
Agent d'appel


ANNEXE

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

À la suite d'un appel déposé aux termes du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail, l’agent d’appel soussignée a procédé à une enquête, en vertu de l’article 146.1 de la partie II du Code canadien du travail, concernant une instruction émise en vertu des alinéas 145(1)a) et b) de la partie II du Code canadien du travail, à TransForce, le 16 décembre 2005, par l’agent de santé et de sécurité Steve Sirois, après son enquête concernant un accident mortel dont a été victime un employé de TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord).

Après analyse des faits, de la loi et de la jurisprudence, l’agent d’appel soussignée varie l’instruction de l’agent de santé et de sécurité Sirois comme suit :

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)a) et b)

Le 16 décembre 2005, l’agent de santé et de sécurité Steve Sirois a procédé à une enquête concernant l’accident mortel de Monsieur Léo Lebrun travaillant dans la division TFI Transport 12 L.P. (12) (Transbord) exploitée par la Fiducie d’exploitation TFI, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 8585 route Transcanadienne, Ville St-Laurent (Québec).

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail sont enfreintes:

L’alinéa 125(1)l) du Code Canadien du travail et les alinéas 12.10(1)a) et 12.10(1.1)b) du Règlement canadien sur la santé et sécurité au travail

L’employeur n’a pas fourni un dispositif de protection contre les chutes aux travailleurs qui travaillent sur le chargement d’un véhicule à une hauteur de plus de 2,4 mètres au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche sans que le rapport prévu à l’alinéa 12.10(1.1)b) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail n’ait été présenté à l’agent régional de santé et de sécurité.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail de cesser toute contravention dès maintenant le 16 décembre 2005.

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre au plus tard le 16 décembre 2005, les mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Fait à Montréal, ce 16ième jour de décembre 2005.

À : Fiducie d’exploitation TFI / TFI Operating Trust
8585 route Transcanadienne, Bureau 300
St-Laurent
(Québec)
H4S 1Z6

Fait à Ottawa, ce 15ième jour de juin 2007.

Katia Néron
Agent d’appel


Résumé de la décision de l’agent d’appel

Décision No: CAO-07-022

Appelant : Fonds de revenu TransForce (TransForce Inc.)

Répondant : Jean-Marc Gagné

Dispositions : Code canadien du travail, 146(1), 145(1)a) et b), 145(2) a) et b), 125(1)i), 122(1),
124, 123(1), 125(1), 146.1(1)
Règlement Canadien sue la santé et sécurité au travail, 12.10(1), 12.10(1.1)a)

Mots clés :

Résumé :

Le 7 décembre 2005, un chauffeur de camion à l’emploi de Transbord Inc. est décédé lorsqu’il est tombé d’une hauteur de 3,45 mètres de son chargement remorque.

Suite a son enquête, l’agent de santé et de sécurité (ASS) a constaté qu’aucune structure ou dispositif de protection contre les chutes ne protégeait l’employé. Le 15 décembre 2005, l’ASS a émis une instruction à Transbord indiquant que le fait qu’un employé se déplace debout à une hauteur de plus de 2.4 mètres sans dispositif de protection contre les chutes constitue un danger de chute. Le 16 décembre 2005, l’ASS a émis une instruction à Transforce indiquant que l’employeur n’avait pas fourni un dispositif de protection contre les chutes aux travailleurs.

Suite à sa révision, l’agent d’appel a identifié l’employeur du défunt au moment de l’enquête de l’ASS comme étant la Fiducie d’exploitation TFI. L’agent d’appel a aussi varié l’instruction de l’ASS émise le 16 décembre 2005.

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