Archivée - Décision: 07-041-A Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier no 2007-09
Décision no BCA-07-041(I)

Éric V. & autres
demandeur

et

xxx
défendeur
___________________________
No de la décision : CAO-06-047
Le 12 décembre 2006

Cette décision interlocutoire a été rendue par Serge Cadieux, agent d’appel.

Pour les appelants
Me John Mancini, conseiller syndical UCCO-SACC-CSN

Pour l’intimé
Me Nadine Perron et Me Nadia Hudon

[1] Cette affaire concerne une décision interlocutoire rendue verbalement et confirmée ci-après par écrit telle qu’elle fut initialement demandée par Me Perron lors de l’audition de la présente cause le 13 novembre 2007.

[2] Dans cette affaire, quatre agents de correction (AC) des services correctionnels du Canada ont tour à tour refusé d’escorter un détenu notoire à un établissement de santé local. Le motif du refus est à l’effet que cette escorte est une escorte non armée ce qui met la santé et la sécurité des AC en danger dû au fait que la tête du détenu à être escorté est mise à prix.

[3] L’employeur et l’agent de santé et de sécurité (ASS) Régis Tremblay ont tous deux effectué une enquête sommaire. Tous deux ont conclu que les conditions auxquelles les AC font référence sont des conditions normales d’emploi telles que prévues à l’article 128 du Code canadien du travail, Partie II (le Code). Cet article se lit comme suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

[4] En effet, après avoir été avisé du refus de travailler des employés, l’ASS a effectué une enquête préliminaire pour déterminer si les étapes du processus de refus de travailler en cas de danger avaient été respectées. Pour effectuer cette enquête, l’ASS s’est basé sur un formulaire faisant partie d’une DPO (Directive du Programme des opérations) du Programme du Travail du Ministère des Ressources humaines et Développement social du Canada. Ce formulaire l’a amené à conclure que :

Le refus de travailler n’est pas permis en vertu de l’alinéa 128(2) (b).

[5] Par conséquent, l’ASS a arrêté son enquête à ce point et s’est retiré du processus de refus de travailler puisque le refus n’était pas autorisé en vertu du Code. De plus, l’ASS n’a pas émis de décision concernant le danger allégué par les AC.

[6] Les AC ont déposé un appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code qui prévoit ce qui suit :

129 (7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin – appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[7] L’employeur a toujours maintenu que l’agent d’appel (AA) n’avait pas compétence pour entendre cette affaire et a demandé que l’AA statue sur cette objection préliminaire. En effet, l’employeur allègue que puisque l’ASS n’a pas émis de décision concernant le danger allégué, l’AA n’a pas la compétence pour être saisi de cette affaire puisque le paragraphe 129(7) requiert qu’une décision d’absence de danger soit d’abord rendue par l’ASS pour permettre à l’AA d’être saisi de l’appel.

[8] Il fut convenu au début de l’audition de cette affaire que l’AA prendrait sous réserve cette objection préliminaire de l’employeur et entendrait les parties sur le fond. Une décision quant à ma compétence serait rendue à la fin du processus d’appel. Si j’en viens à la conclusion que je n’ai effectivement pas compétence dans ce dossier, je rendrai une décision écrite avec motifs à cet effet. Autrement, une décision sur ma compétence et sur le fond sera rendue.

[9] Le 13 novembre 2007, Me Perron s’est objecté à ce que l’audition se poursuive. Me Perron a soumis deux décisions de la Cour fédérale qui, à son avis, trancheraient définitivement le débat sur ma compétence dans le dossier de Eric V., supra, en faveur de l’employeur. Les deux décisions de la Cour sont :

Sachs c. Air Canada, 2006 C.F. 673
Sachs c. Air Canada, 2007 FCA 270

[10] J’ai rejeté l’objection de Me Perron. Les motifs du rejet sont les suivants.

[11] La cause qui fut portée devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale concerne une plainte déposée par le Syndicat canadien de la fonction publique et qui fut enquêtée par un ASS en vertu de l’article 127.1, Processus de règlement interne des plaintes, du Code. En vertu de cet article, au paragraphe (10),

(10) Au terme de l’enquête, l’agent de santé et de sécurité

a) peut donner à l’employeur ou à l’employé toute instruction prévue au paragraphe 145(1) ;

b) peut, s’il estime opportun, recommander que l’employeur et l’employé règlent à l’amiable la situation faisant l’objet de la plainte;

c) s’il conclut à l’existence de l’une ou l’autre des situations mentionnées au paragraphe 128(1), donne des instructions en conformité avec le paragraphe 145(2).

[12] L’utilisation du mot "peut" à l’alinéa (10)a) ci-dessus fait référence au pouvoir discrétionnaire de l’agent de santé et de sécurité d’émettre ou de ne pas émettre une instruction. Il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire dans le cas de danger et une instruction dans ce cas doit être émise telle qu’indiquée à l’alinéa c) ci-dessus. Il existe aux articles 146. et 146.1 du Code un mécanisme d’appel pour toute instruction émise en vertu d’une disposition du Code.

[13] Dans la cause qui fut portée en appel aux deux instances de la Cour fédérale, l’objet concernait le refus d’un AA de se saisir de l’affaire Sachs, supra, parce qu’il considérait ne pas avoir la compétence pour le faire. En effet, il n’existe pas de mécanisme d’appel à l’intérieur du Processus de règlement interne des plaintes prévu à l’article 127.1 du Code lorsqu’un ASS enquête et n’émet pas d’instruction conformément à l’alinéa (10)a) ci-dessus. Or, l’ASS avait exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas émettre d’instruction à l’employeur pour une contravention ; il avait plutôt reçu une PCV (Promesse de conformité volontaire). Cette PCV est un instrument de conformité administratif et par conséquent, ne peut faire l’objet d’un appel en vertu des articles 146 et 146.1 du Code. Il en est de même de la décision de l’ASS de ne pas émettre d’instruction à l’intérieur du Processus de règlement interne des plaintes prévu à l’article 127.1 du Code.

[14] La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il était bien établi qu’il n’existe pas de droit constitutionnel d’appel. Toutefois, le juge Berger a, dans la cause Préfontaine c. Canada (Minister of National Revenue---M.N.R.) [2001] A.J. no. 1444, 2001 ABCA 288, statué que ‘lorsqu’un mécanisme d’appel existe dans une loi, on devrait utiliser ce mécanisme d’appel en conformité avec les règles de justice naturelle.’ De plus, la Cour a aussi reconnu que les droits des employés ne sont pas brimés du fait que l’ASS n’émet pas d’instruction puisque, si les employés croient à l’existence d’un danger, ils peuvent exercer leur droit de refuser de travailler en vertu de l’article 128 du Code.

[15] Dans la cause de Éric V., supra, les employés ont exercé leur droit, en vertu du paragraphe 128 (1) du Code, de refuser d’exécuter un travail qu’ils allèguent être anormalement dangereux. Ils se sont par la suite prévalus du mécanisme d’appel prévu au paragraphe 129(7) du Code, le tout à l’intérieur du processus de refuser d’exécuter un travail dangereux tel que prévu au Code. Il est à noter que, dans cette affaire, je devrai quand même décider si j’ai la compétence pour entendre cette affaire puisque l’employeur soumet que l’ASS n’a pas émis de décision qui autoriserait l’employé d’interjeter appel à un AA. D’où la similarité avec la cause entendue par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, dans laquelle l’ASS n’avait pas émis d’instruction, et l’objection subséquente de Me Perron et de Me Hudon telle que décrite ci-dessus.

[16] Par conséquent, la distinction suivante s’impose. Dans la cause de Éric V, supra, il existe un mécanisme d’appel prévu au paragraphe 129(7) du Code qui permet à un AA, en vertu du paragraphe 146.1 (1) du Code, d’être saisi d’un appel à l’intérieur du processus de refuser d’exécuter un travail dangereux. Dans la cause Sachs c. Air Canada, il n’y avait pas de mécanisme d’appel prévu au paragraphe 127.1 du Code ou de toute autre disposition du Code, incluant les articles 146 et 146.1 du Code, lorsqu’un ASS décide de ne pas émettre d’instruction, qui permettrait à un AA d’intervenir.

[17] Pour les motifs énumérés ci-dessus, je rejette l’objection de Me Perron et Me Hudon concernant ma compétence d’intervenir dans la cause de Éric V., supra, puisque dans ce cas, il existe un mécanisme d’appel qui me donne la compétence nécessaire pour être saisi d’un appel à l’intérieur du processus de refuser d’exécuter un travail dangereux en autant que les conditions qui m’autorisent à exercer cette compétence aient été observées, ce que j’aurai à décider.




_________________
Serge Cadieux
Agent d'appel

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