Archivée - Décison: 07-042(A) Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail
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Dossier no : 2006-60
Décisions interlocutoires
Décision no : CAO-07-042 (A)
Mahalingam Singaravelu
appelant
et
Service correctionnel Canada -- SCC
intimé
___________________________
Le 29 novembre 2007
Il s’agit d’une décision préliminaire rendue par l’agent d’appel Michael McDermott, à la suite d’une allégation de partialité de sa part faite par l’appelant. L’audience a eu lieu le lundi 29 octobre 2007 à Kingston (Ontario).
Pour l’appelant
Dans cette affaire, M. Singaravelu était initialement représenté par Hameed Farrokhzad, LLP, mais a cessé de l’être à compter du 13 mars 2007 et se représente lui-même depuis cette date.
Pour l’intimé
Jennifer Lewis, avocate, Services juridiques du conseil du Trésor.
[1] Il s’agit d’une décision concernant une allégation de partialité de la part de l’agent d’appel faite par l’appelant, M. Mahalingam Singaravelu. L’appel de l’appelant sur les questions de fond a été interjeté en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’une décision établissant qu’il y a absence de danger. Cette décision avait été rendue initialement le 8 novembre 2006 par l’agent de santé et sécurité (ASS) Bob Tomlin en application du paragraphe 129(4) du Code et elle a par la suite été réaffirmée dans le rapport narratif de l’ASS le 17 novembre 2006.
[2] L’allégation de partialité, d’abord faite dans la lettre de l’appelant en date du 15 mai 2007, se concentre surtout sur certains éléments du contenu d’une conférence téléphonique avec l’appelant et l’avocate de l’intimé, tenue par l’agent d’appel le 10 avril 2007, et sur des observations connexes dans une lettre envoyée par l’agent d’appel aux deux parties le 11 mai 2007. Un enregistrement sur disque compact de la conférence téléphonique a été déposé comme pièce A.1 et la lettre a été produite comme pièce A.3. À l’audience, l’appelant a produit une lettre explicitant son allégation, en date du 29 octobre 2007, sous la pièce A.2. Pour paraphraser brièvement la lettre de l’appelant, il déclare que l’on m’entendait « rire de façon sarcastique » à un certain moment de la conférence téléphonique et que j’ai fait preuve de mauvaise volonté dans mes réponses à ses demandes d’accès à son intranet et à des documents envoyés par courrier électronique et dans mon interprétation de certaines déclarations faites par l’avocate de l’intimé. Ces questions seront abordées ci-après, à la suite d’un résumé du contexte de l’appel et des mesures prises depuis qu’il a été interjeté.
[3] Le 27 octobre 2006, M. Singaravelu (l’appelant), employé de Service correctionnel Canada (l’intimé), a invoqué son droit de refuser de travailler, en application de l’article 128 du Code. Plus précisément, il a refusé d’exécuter les fonctions de chef du service d’incendie de l’établissement, qui s’inscrivent dans ses fonctions à l’Établissement de Joyceville de SCC, car il estime que l’exécution de ces fonctions mettrait en danger sa vie, sa santé ou sa sécurité ou celle d’autres membres du personnel de SCC et de détenus de l’Établissement. Il prétendait qu’il n’a jamais reçu de formation adéquate par des formateurs compétents pour exercer les fonctions en question de manière à respecter la norme énoncée dans la Directive du Commissaire.
[4] Dans son avis d’appel de la décision d’absence de danger, M. Singaravelu a demandé la suspension des « ordonnances » prononcées par l’ASS en attendant qu’il soit statué sur l’appel. Cette demande a été examinée au cours d’une audience par conférence téléphonique tenue le 10 janvier 2007. Aux termes d’une décision rendue de vive voix à la fin de l’audience téléphonique, la demande de suspension a été rejetée parce que l’agent d’appel n’avait pas compétence pour accueillir la demande. Le pouvoir discrétionnaire de l’agent d’appel d’ordonner une suspension en vertu du paragraphe 146 (2) du Code s’applique seulement si une instruction a été donnée, ce que n’a pas fait l’ASS en l’espèce. Ma décision rendue de vive voix a été confirmée dans une décision préliminaire écrite rendue le 17 janvier 2007.
[5] Après l’audience téléphonique, l’appelant, par l’intermédiaire de l’avocat qui le représentait à ce moment-là, a dit préférer qu’il soit statué sur l’appel au moyen d’observations écrites. Par exemple, dans une lettre adressée au Bureau canadien d’appel (BCA) en date du 23 février 2007, son avocat mentionnait : [traduction] « mon client estime qu’une audience n’est peut-être pas nécessaire dans les circonstances en raison de la solidité et du volume de la preuve documentaire soumise au BCA ». L’avocat de l’intimé était d’avis qu’une audience complète était nécessaire, notamment parce que l’employeur désirait avoir l’occasion de contre-interroger les témoins de l’appelant. Compte tenu du fait que les parties ne se sont pas entendues, j’ai demandé au BCA de poursuivre ses démarches afin d’établir des dates d’audition de l’appel sur la question de fond qui soient acceptables de part et d’autre.
[6] J’estime qu’un certain nombre de facteurs ayant occasionné un retard dans l’établissement des dates d’audience ne s’appliquent pas de façon pertinente à l’allégation de partialité de l’appelant. Je dirai simplement qu’il est devenu de plus en plus clair qu’il serait profitable pour l’appelant de faire clarifier l’étendue et la nature procédurale du processus d’appel en vertu du paragraphe 127(9) du Code. En outre, la preuve au dossier établissait manifestement des divergences entre l’appelant et SCC ayant débuté avant qu’il invoque son droit de refus le 27 octobre 2006. Dans les circonstances, je croyais que la médiation pourrait offrir des voies de règlement ou tout au moins permettre de clarifier les questions en litige et la procédure. J’ai donc demandé au BCA d’organiser une conférence téléphonique pour discuter d’une telle possibilité.
[7] La conférence téléphonique a eu lieu le 10 avril 2007. Auparavant, l’appelant a écrit au BCA le 29 mars 2007 pour lui indiquer qu’il participerait à la conférence téléphonique. Il a dressé une liste de questions que l’agent d’appel pourrait examiner avant la tenue de la conférence téléphonique. Plus particulièrement, il a présenté sept demandes qui allaient de la suspension de la décision de l’ASS à la suspension des sanctions financières, la convocation de témoins, la production de documents, l’accès illimité à son compte intranet et à son système de courrier électronique et la tenue d’au moins une partie de l’audience à l’Établissement de Joyceville.
[8] Au cours de la conférence téléphonique du 10 avril, l’appelant a mentionné que des expériences de médiation avec SCC l’ont incité à croire que cette option serait inutile dans ce cas et il a rejeté cette possibilité. Compte tenu du fait qu’une audience devait être mise au rôle, j’ai pris le temps de répondre à un certain nombre des demandes formulées par l’appelant dans sa lettre du 29 mars 2007, sans quoi il faudrait peut-être ajouter beaucoup de temps improductif à l’audience. En guise d’introduction à mes observations, j’ai souligné que mon rôle dans cette affaire consiste à trancher l’appel interjeté à l’encontre de la décision de l’ASS selon laquelle il n’existe pas de danger et qu’il me faudrait être persuadé de la pertinence des autres questions. En ce qui concerne les demandes précises, l’appelant a semblé avoir compris que je n’avais compétence ni pour revoir ma décision préliminaire sur une demande de suspension ni pour me prononcer sur les questions des sanctions financières et des mesures disciplinaires. Il restait à traiter de la convocation de témoins, de l’accès aux documents et de la tenue d’une partie de l’audience à l’Établissement de Joyceville. Ce sont l’accès aux documents ainsi qu’à l’intranet et au système de courrier électronique de l’appelant qui s’appliquent de la façon la plus pertinente à l’allégation de partialité.
[9] La liste figurant dans la lettre de l’appelant datée du 29 mars 2007 demandait plus particulièrement que ses « superviseurs » lui fournissent « une copie claire de tous les documents confisqués, qu’ils ont retiré de mon casier en mon absence, en brisant mon cadenas personnel ». L’appelant a décrit ces documents précédemment dans sa lettre comme des plans de sécurité en cas d’incendie sur lesquels il avait fait des annotations. Pendant la conférence téléphonique, ils ont également été désignés sous le nom de plans d’étage. Une autre demande de portée plus générale avait pour but de « prendre des dispositions avec l’intimé pour qu’il fournisse un accès illimité à mon compte intranet ministériel et à mon système de messages par courrier électronique ».
[10] L’accès à l’intranet et au système de courrier électronique a occupé une grande place pendant la conférence téléphonique. En résumé, l’appelant soutenait qu’il avait besoin d’un accès illimité à ses comptes personnels pour déterminer de quels éléments de leur contenu il avait besoin pour son appel. L’avocate de l’intimé était d’avis que l’intranet et le système de courrier électronique mentionnés, de même que leur contenu, appartenaient à l’employeur plutôt qu’à l’appelant. Elle s’est objectée à l’accès illimité qu’elle a décrit, à un moment donné, comme une recherche à l’aveuglette. Elle a toutefois accepté de répondre à des demandes précises d’échanges de messages par courrier électronique et de documents pertinents. En ce qui touche les plans d’étage, l’avocate de l’intimé a accepté de consulter l’établissement afin de savoir s’il serait possible de les trouver. Toutefois, elle a souligné la très grande confidentialité des plans d’étage en indiquant que ceux-ci portent sur un établissement carcéral et elle a mentionné que si ces plans étaient repérés et produits, elle ne pourrait accepter qu’ils quittent la salle d’audience.
[11] Je n’étais pas prêt à rendre une ordonnance d’accès universel et exhaustif aux documents et échanges par courrier électronique et, à ce stade, je crois pas que j’étais habilité à le faire. Pendant la conférence téléphonique, il semblait que l’appelant avait déjà une certaine connaissance des échanges des documents et des échanges de messages par courrier électronique qu’il demandait, en plus de ceux qui étaient déjà en sa possession. Soit dit en passant, je mentionne, comme l’indique le paragraphe cinq qui précède, qu’il avait auparavant dit préférer que l’on procède au moyen d’observations écrites en raison de la solidité et du volume de la preuve documentaire déjà produite par son avocat ou lui-même. Pour faire avancer le processus, j’ai informé l’appelant qu’il devrait présenter une demande écrite la plus détaillée possible sur le plan des noms des correspondants, donner une idée des dates et des sujets des échanges, et indiquer leur pertinence par rapport à son appel. J’ai ajouté qu’il doit évidemment communiquer la demande à l’intimé dont l’avocate a mentionné que l’employeur s’efforcerait de retracer et de fournir les documents pertinents. Toutes les autres démarches qui pourraient être nécessaires pourraient être évaluées en fonction de la réponse de l’employeur.
[12] L’appelant s’est particulièrement objecté aux affirmations de l’avocate de l’intimé selon lesquelles son accès à l’intranet et au système de courrier électronique a été bloqué pour des motifs de sécurité. Il a soutenu qu’il a été bloqué seulement une fois qu’il a invoqué l’article 128 du Code. Il a ajouté qu’il n’y a aucune indication confirmant que son accès lui avait été refusé pour des motifs de sécurité et que rien ne justifiait de douter de sa fiabilité. L’avocate de l’intimé a d’abord justifié le blocage de l’accès de l’appelant à l’intranet et à ses courriers électroniques par des « motifs internes ». Elle a ensuite dit qu’il y a eu blocage « pour des motifs de sécurité », ce qui n’a suscité aucun commentaire. L’appelant s’est toutefois passablement indigné après la répétition par l’avocate de l’intimé de l’expression « pour des motifs de sécurité » dans le contexte de la demande de production des plans d’étage de Joyceville dont il était question antérieurement. Je comprends que l’appelant a été outré par cette mention de « motifs de sécurité » et je tiens à l’assurer que je n’avais pas assimilé cette mention à un reflet de son statut de sécurité. L’avocate de l’intimé a confirmé que ses observations se rapportaient au niveau de sécurité de l’Établissement et qu’elle ne sous-entendait ni ne supposait que l’appelant présentait des problèmes de sécurité. Malgré ces garanties, la référence à des « motifs de sécurité » est demeurée litigieuse pour l’appelant et ma réaction à cette expression ainsi que mon interprétation de celle-ci figure en bonne place dans son allégation de partialité de ma part.
[13] D’autres lettres ont suivi la conférence téléphonique du 10 avril. Dans une lettre en date du 12 avril 2007 m’ayant été adressée, l’appelant demandait que l’affirmation de l’avocate de l’intimé concernant les préoccupations liées à la sécurité soit supprimée du compte-rendu de la conférence téléphonique et qu’elle lui fasse une lettre d’excuses. Il a également demandé d’obtenir l’accès à ses preuves entreposées dans son compte intranet. Le 23 avril 2007, l’avocate de l’intimé a répliqué que l’employeur n’entendait pas dissimuler les documents qui s’appliquent de façon pertinente à la présentation par l’appelant de sa preuve. Toutefois, elle a également mentionné que l’employeur n’est pas prêt à lui donner un accès illimité à son compte de courrier électronique qui avait été gelé, puis a ajouté qu’« une telle demande équivaut à une recherche à l’aveuglette ». Dans la même réplique, il était demandé à l’appelant de fournir des renseignements plus précis sur les messages par courrier électronique qu’il souhaitait obtenir. En ce qui a trait aux documents retirés de son casier, l’avocate a dit que quatre documents ont été découverts et envoyés à l’appelant. Elle a ajouté que les plans d’étage ne se trouvaient pas dans son casier, mais qu’ils avaient été retrouvés et que l’employeur a demandé des éclaircissements quant à leur pertinence. L’appelant a de nouveau écrit le même jour pour redemander des excuses de la part de l’avocate de l’intimé et il a déclaré qu’il n’autorisait pas officiellement les représentants de l’intimé à avoir accès à son compte intranet parce qu’il ne leur faisait pas confiance.
[14] Comme j’avais l’impression que l’échange de correspondance pourrait se poursuivre, j’ai écrit aux deux parties le 11 mai 2007. De fait, la lettre reprend et développe certains éléments que je tentais de faire ressortir au cours de la conférence téléphonique du 10 avril. Comme elle a été produite à l’audience comme pièce A.3, je me contenterai de dire que j’avais seulement l’intention de donner des lignes directrices sur la procédure et l’étendue de mon champ de compétence et de mes pouvoirs comme agent d’appel. Tel qu’il est mentionné dans la lettre, j’ai hésité à me prononcer sur la question des excuses et je l’ai fait seulement pour assurer à l’intimé que je n’ai rien assimilé des propos prononcés au cours de la conférence téléphonique à un reflet de son intégrité personnelle. Bien que j’ai fait référence au premier motif donné par l’avocate de l’intimé pour bloquer l’accès de l’appelant à l’intranet et au système de courrier électronique ministériel en le désignant sous l’expression « motifs internes » et que j’ai fait référence à sa déclaration ultérieure sur les « motifs de sécurité » lorsqu’il a été question de la production des plans d’étage de Joyceville, je n’ai pas inclus de référence à son intervention et de sa première mention des « motifs de sécurité ». Cette omission semble avoir largement contribué à l’allégation de partialité de ma part faite par l’appelant.
[15] Ma lettre du 11 mai demandait à l’appelant de fournir des renseignements, à savoir les détails des documents auxquels il souhaitait avoir accès, d’ici le 21 mai 2007. Le 15 mai 2007, l’appelant a écrit au directeur du Bureau canadien d’appel que je ne traitais pas son appel « conformément à la mission du Bureau canadien d’appel (fournir un service qui soit indépendant, impartial et de haute qualité à toutes les parties en les traitant de façon égale et équitable, et en faisant preuve de compréhension, de respect et de dignité) ». Il a été expressément mentionné que j’ai dit pendant la conférence téléphonique que je n’ai « jamais entendu » les références faites à des « motifs de sécurité » par l’avocate de l’intimé et que j’ai répété ma déclaration dans la lettre datée du 11 mai. Il a également été mentionné que j’ai refusé de dire à l’intimé de donner à l’appelant l’accès requis à son compte officiel de courrier électronique et de produire les documents exigés. L’appelant alléguait en outre que je lui ai donné la directive d’autoriser les représentants de l’intimé à avoir accès à son compte de courrier électronique. Il a fait observer que j’ai rejeté sa demande faite à l’avocate de l’intimé de s’excuser à lui et a ajouté que ni ses témoins ni lui ne pourraient être contre-interrogés par elle tant qu’il n’aurait pas reçu de lettre d’excuses. L’appelant a conclu sa lettre en demandant qu’un autre agent d’appel soit nommé pour instruire l’appel.
[16] Le 16 mai 2007, le directeur du Bureau canadien d’appel a fait parvenir sa réplique à l’appelant, avec copies à l’avocate de l’intimé et à moi-même, lui indiquant qu’il n’était pas habilité à modifier l’agent d’appel affecté au dossier et que l’appelant devrait m’adresser son grief. Le 18 mai, l’agent de libération conditionnelle par intérim du BCA a écrit aux parties, à ma demande, pour les informer que je lui avais donné instruction de prévoir deux jours d’audience à Kingston (Ontario) et pour leur indiquer mes dates de disponibilité pour le reste du mois de mai ainsi que pour le mois de juin. Il a mentionné que j’entendais régler la question de la partialité dès le début de l’audience et que selon l’issue de celle-ci, les parties devraient être prêtes pour l’examen des questions de fond en appel. Le 22 mai 2007, l’appelant a écrit de nouveau au directeur du BCA pour lui mentionner qu’il ne comprenait pas pourquoi un autre agent d’appel ne pourrait être nommé et pour demander mon retrait du dossier. Aucune mention n’a été faite des dates de disponibilité en vue d’une audience. (Le 26 mai 2007, l’adjoint juridique de l’avocate de l’intimé a répondu à la lettre du 18 mai en indiquant que l’employeur serait disponible les 19 et 20 juin 2007). Le directeur du BCA, dans sa réponse à l’appelant en date du 31 mai 2007, a répété qu’il n’était pas habilité à modifier l’affectation de l’agent d’appel et a de nouveau conseillé à l’appelant de me soumettre son grief.
[17] D’autres échanges de correspondance ont suivi une fois le mois de mai terminé. Comme je l’ai souligné dans une lettre adressée aux deux parties en date du 27 juillet 2007, pour l’essentiel, les allégations de partialité de l’appelant ont été reprises, voire élargies. Il a fini par prétendre dans sa lettre adressée à l’agent des libérations conditionnelles par intérim du BCA en date du 5 juillet 2007 que j’avais agi de concert avec I’avocate de l’intimé. Dans la même lettre, l’appelant a mentionné qu’il était prêt à assister à une audience d’appel à Kingston. Toutefois, cette offre était pour ainsi dire annulée par ses demandes constantes que je me retire du dossier et que soit nommé un autre agent d’appel. L’appelant demandait également que l’employeur désigne un nouvel avocat, à moins que l’avocate de l’intimé lui fasse parvenir une lettre d’excuses.
[18] La lettre que j’ai envoyé aux parties en date du 27 juillet 2007 avait pour objet de passer en revue la situation du dossier à ce moment-là et de prendre des mesures pour fixer une date d’audition de l’allégation de partialité contre moi en octobre. L’appelant a ensuite continué à demander que je me retire du dossier et à manifester son refus de comparaître à une audience que j’ai convoqué. Le 29 août 2007, l’agent de la gestion des affaires par intérim du BCA a écrit aux deux parties pour mettre au rôle une audience de une journée à Kingston (Ontario) le 4 octobre 2007. La date a été reportée et l’audience a finalement eu lieu le 29 octobre 2007.
[19] À l’audience, l’appelant a présenté la lettre du 29 octobre 2007, mentionnée au paragraphe deux qui précède et inscrite sous la pièce A.2. J’ai proposé qu’il intègre la lettre au dossier. Avant de demander si l’avocate de l’intimé désirait formuler des observations, j’ai demandé un éclaircissement à l’appelant relativement à sa déclaration écrite selon laquelle l’enregistrement sur disque compact de la conférence téléphonique du 10 avril qu’il a reçu le 27 octobre « semble refléter presque 99 % » de l’appel et selon laquelle certaines de ses déclarations semblent « avoir été révisées/exclues ». Je ne savais pas avec certitude si la déclaration de l’appelant faisait référence à une différence entre le contenu du disque qu’il a reçu du BCA le 27 octobre et celui du disque qui lui a été envoyé par l’agent de la gestion des affaires par intérim le 13 avril 2007 ou s’il faisait référence à un enregistrement de la conférence fait par l’appelant lui-même. Je crois comprendre que le contenu de chacun des disques fournis à l’appelant par le BCA est identique pour ce qui est de la conférence téléphonique du 10 avril. Je ne connais pas le contenu de l’enregistrement fait par l’appelant. La question n’a jamais été tout à fait éclaircie à ma satisfaction, même lorsque je l’ai abordée ultérieurement pendant l’audience. Toutefois, l’appelant a mentionné qu’à son avis, les différences dans les enregistrements n’étaient pas substantielles. Compte tenu de ce fait et du fait qu’il n’a donné aucun exemple précis pour justifier ses conclusions selon lesquelles il y a eu révision ou exclusion, j’ai décidé de procéder sans autre examen de l’affaire.
[20] À la page deux de sa lettre du 29 octobre 2007 (pièce A.2), l’appelant déclare que pendant la conférence téléphonique du 10 avril, l’avocate de l’intimé et moi-même avons « répondu en riant de façon sarcastique ». Je traiterai de ses préoccupations à mon sujet à cet égard ci-après. Lorsque l’avocate de l’intimé a commencé à formuler ses observations au sujet de la lettre de l’appelant, elle a dit, dans l’éventualité où, pour quelque motif que ce soit, M. Singaravelu croyait qu’elle se moquait de lui personnellement, qu’elle voulait établir clairement qu’elle ne se moquerait jamais d’un plaignant. Elle a ajouté que l’employeur prend ces questions au sérieux et a indiqué que si elle a ri, l’appelant n’était aucunement l’objet de son rire.
[21] En ce qui concerne les autres questions soulevées dans la lettre de l’appelant datée du 29 octobre, les observations de l’avocate de l’intimé pourraient être résumées sous deux rubriques connexes : les préoccupations de l’appelant au sujet des références à « pour des motifs de sécurité », et les demandes d’accès à son compte intranet. Relativement à la première préoccupation, l’avocate a déclaré qu’elle n’était pas seule pendant la conférence téléphonique, mais qu’elle siégeait avec un représentant de l’employeur qui l’a informée que l’accès de l’appelant à son compte internet était bloqué pour des motifs de sécurité. L’avocate a ajouté qu’elle n’a pas formulé cette déclaration elle-même et qu’elle n’avait pas l’intention de traiter de la question pendant la conférence téléphonique. En réponse au commentaire de l’appelant dans le haut de la page quatre de sa lettre, l’avocate de l’intimé a réfuté son argument selon lequel sa déclaration voulant que son accès a été bloqué pour des motifs de sécurité constituait une « tentative délibérée » de le discréditer à l’audience. Elle a expliqué qu’elle n’essayait d’aucune façon de le discréditer lorsqu’elle discutait de questions pertinentes et qu’elle divulguait certains documents dans son compte de courrier électronique.
[22] En ce qui touche la demande de l’appelant d’avoir accès à son compte internet et aux documents qu’il renferme, l’avocate de l’intimé a effectivement répété en l’explicitant la position adoptée par l’employeur qu’elle mentionnait dans son message par courrier électronique du 23 avril 2007. Bien que l’employeur ne soit pas prêt à donner à l’appelant un accès illimité à son compte de courrier électronique, l’avocate a soutenu que l’employeur n’a jamais affirmé qu’il s’abstiendrait de communiquer de l’information en réponse à des demandes de documents pertinents. Elle a ajouté que les demandes devraient préciser les noms des correspondants de même que les dates précises et traiter de la pertinence des documents demandés pour l’appel interjeté. L’employeur pourrait effectuer une recherche s’il dispose de ces renseignements. L’avocate a mentionné que l’appelant a dressé oralement une liste des noms des correspondants et des sujets de la correspondance pendant la conférence téléphonique du 10 avril (également mentionnée dans le dernier paragraphe de la page quatre de sa lettre du 29 octobre, pièce A.2), mais a ajouté qu’il y a eu des oublis pendant la conférence et qu’une demande écrite était nécessaire. En ce qui concerne la question connexe de la prétention de l’appelant selon laquelle ses comptes d’intranet et de courrier électronique lui appartiennent personnellement, l’avocate de l’intimé s’est dite d’avis que les messages par courrier électronique d’ordre professionnel et ceux qui sont liés au travail sont la propriété de l’employeur et non de l’employé.
[23] L’avocate de l’intimé a dit comprendre que l’appelant puisse avoir des points de vue différents des siens et de ceux de son client sur l’accès et les droits de propriété qui s’appliquent aux messages par courrier électronique et à d’autres documents. Elle estimait qu’il pourrait être déconcertant pour une personne qui présente une demande d’accès de voir des paramètres accolés à cette demande, mais elle a décrit cette situation comme un volet du système judiciaire avec lequel elle est familiarisée à titre d’avocate. Pour conclure, elle a présenté certaines décisions de jurisprudence qui sont pertinentes dans le cadre de la question de la partialité à laquelle il sera fait référence ci-après.
[24] Dans sa réponse aux observations de l’avocate de l’intimé, l’appelant a souligné qu’il s’inquiétait des références au blocage de son accès au système de courrier électronique pour des motifs de sécurité. Il soutenait que l’avocate de l’intimé n’aurait tout simplement pas dû répéter ce qui lui avait été dit sans disposer de faits pour appuyer sa déclaration et que n’aurais pas dû rendre de décision sans avoir vérifié le dossier. En ce qui concerne la jurisprudence citée par l’avocate de l’intimé, il s’est dit d’avis que l’audience est censée être de nature quasi judiciaire et qu’il n’est pas nécessaire de présenter des décisions de la Cour fédérale ou de la Cour suprême pour compliquer un simple processus administratif.
[25] Après les observations de l’avocate de l’intimé et la réponse de l’appelant, j’ai décidé qu’il serait utile d’écouter les parties de l’enregistrement sur disque compact de la conférence téléphonique du 10 avril auxquelles il est fait référence dans la lettre de l’appelant du 29 octobre 2007 (pièce A.2). Je voulais m’assurer que toutes les parties à l’audience aient entendu les mêmes parties de l’enregistrement mentionnées par l’appelant.
[26] Dans le chapitre 11 du volume 2 de « Judicial Review of Administrative Action in Canada » (Crossback Publishing, Toronto), les auteurs Brown et Evans indiquent que l’obligation imposée par l’équité [traduction] « exige l’exécution de fonctions sans qu’il y ait d’intérêt important à l’égard de l’issue et sans partialité ou crainte raisonnable de partialité ». Les organes de décision judiciaire doivent être et sembler être impartiaux. Ils ne doivent pas être soumis à des influences ou considérations abusives lorsqu’ils s’acquittent de leurs fonctions et ils doivent fonder leurs décisions sur une appréciation de la preuve et de la loi en question. En ce qui a trait au critère général de la crainte raisonnable de partialité, Brown et Evans invoquent celui qui est énoncé par le juge de Grandpré, de la Cour suprême du Canada, au nom de la dissidence, dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l’énergie [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394. Ce même critère est cité dans l’une des deux décisions auxquelles il est fait référence à l’audience par l’avocate de l’intimé, à savoir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 46. La partie pertinente des motifs de l’arrêt Liberty est ainsi rédigée :
[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] [C]e critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?»
Dans les mêmes motifs, le juge ajoute « [t]outefois, les motifs de crainte doivent être sérieux » et il est d’accord avec la Cour d’appel fédérale qui « refuse d’admettre que le critère doit être celui d’«une personne de nature scrupuleuse et tatillonne». »
[27] La décision Baker, la première des deux décisions à laquelle l’avocate de l’intimé a fait référence à l’audience, s’est traduite par une conclusion de crainte raisonnable de partialité de la part d’un agent d’immigration du Canada. Il est énoncé dans la décision que « les membres bien informés de la communauté percevraient la partialité dans les commentaires de l’agent » qui « ne témoignent ni d’un esprit ouvert ni d’une absence de stéréotypes dans l’évaluation des circonstances particulières de l’affaire ». La décision ajoute que les commentaires laissaient l’impression que l’agent « peut avoir tiré des conclusions en [ne] se fondant […] pas sur la preuve dont il disposait […]. »
[28] La deuxième décision à laquelle l’avocate de l’intimé a fait référence à l’audience est une décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, Bennett v. British Columbia (Superintendent of Brokers) [1994] B.C.J. No. 2489. Sans entrer dans beaucoup de détails, l’affaire portait sur une allégation de crainte de partialité contre deux membres d’un jury de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique qui avaient déjà entendu des décisions sur des demandes préliminaires dans un dossier de délit d’initié et qui y avaient pris part. Le troisième membre de la formation initiale de trois membres avait un intérêt financier dans le succès de la plainte à l’encontre des requérants et, après un appel, une nouvelle formation de quatre personnes qui comprenait les deux autres membres de la formation initiale a été constituée. Une demande de récusation des deux membres initiaux basée sur le fait que leur impartialité était viciée a été rejetée par la nouvelle formation. La Cour d’appel a rejeté la demande ultérieure d’autorisation d’appel de la décision rendue par la formation. La décision note, au paragraphe 17, que [traduction] « [s]i l’on fait exception des autres éléments, il est certes raisonnable de craindre qu’un décideur qui se fait présenter une deuxième fois la même question avec les mêmes preuves et arguments sera susceptible de trancher cette question de la même manière. Le paragraphe suivant pose une brève question : [traduction] « [C]ependant, qu’est-ce que cela a à voir avec la partialité? » Le paragraphe 19 répond à la question de la façon suivante :
[Traduction]
La réponse doit certes être que si le décideur a bien statué sur la question initialement, le caractère identique de la deuxième décision par rapport à la première révélera tout simplement que le décideur conserve le même point de vue du droit et de la preuve qu’avant. Cela n’a certes rien à voir avec de la partialité. Il peut certainement exister une crainte au niveau de la cohérence du jugement, mais il est incontestable qu’il est impossible qu’une crainte raisonnable au niveau de la cohérence du jugement puisse correspondre à une crainte raisonnable de partialité.
Le juge avait déclaré ceci précédemment dans sa décision (au paragraphe 11) concernant la partialité :
[Traduction]
Une allégation de partialité est une accusation grave contre les personnes qui ont accepté les obligations d’indépendance rattachées à la charge judiciaire ou quasi judiciaire […]. Accuser ces personnes de partialité ne correspond pas à affirmer simplement qu’elles seraient susceptibles de trancher des questions d’une façon en particulier, mais plutôt à dire qu’elles le feraient de manière inappropriée.
[29] Aucune décision de jurisprudence n’a été citée à l’audience relativement à la divulgation. Compte tenu de la grande similitude entre les attributions d’un agent d’appel en ce qui a trait à la production de documents jugés nécessaires pour trancher une question (alinéa 146.2a) de la partie II du Code) et les pouvoirs du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) sur la production de documents qu’il juge requis pour la réalisation d’une enquête complète et d’un examen de toute question (alinéa 16a) de la partie II du Code), on peut soutenir que la jurisprudence du Conseil est pertinente. Dans Air Canada et autres, [1999] CCRI no 3, au paragraphe 28, le Conseil, après avoir examiné certaines décisions de conseils et commissions des relations du travail et certaines décisions arbitrales sur la portée d’une assignation visant à obtenir des documents, ou assignation à produire des pièces, donne une liste claire et brève des six principes suivants :
- Il n’est pas acquiescé systématiquement à une demande de production de documents, chaque demande devant être évaluée au mérite.
- On doit pouvoir soutenir la pertinence des renseignements demandés à la question à trancher.
- La demande doit être suffisamment précise pour que la personne à qui elle s’adresse puisse facilement déterminer la nature de celle-ci, les documents demandés, le délai pertinent et le contenu.
- L’objet de la demande ne doit pas équivaloir à une recherche à l’aveuglette, autrement dit, les pièces à produire doivent aider le plaignant à découvrir quelque chose servant à étayer sa cause.
- Le requérant doit démontrer un lien probant entre sa position en litige et les pièces demandées.
- Le fait de produire les éléments de preuve ne doit pas comporter un aspect préjudiciable qui l’emporte sur la valeur probante de cette preuve, quelle que soit la nature «confidentielle» possible du document.
Bien que les motifs de décision précités se rapportent expressément à l’affaire dont le Conseil était alors saisi, la liste de principes est d’application plus générale et correspond pour l’essentiel à ma compréhension de la procédure sur l’accès aux documents dans des instances devant des tribunaux administratifs et la production de tels documents.
[30] L’appelant a cessé d’être représenté par un avocat en mars 2007 et s’en est remis dans un certain nombre de cas à sa propre compréhension du droit et de la procédure pertinents dans les dossiers d’audiences tenues par des tribunaux administratifs. Par exemple, il n’acceptait pas les réponses et les conseils du directeur du Bureau canadien d’appel en ce qui concerne la compétence de l’agent d’appel de statuer, dans le premier cas, sur les allégations de partialité. Je peux comprendre que l’appelant remette le processus en question, mais il est logique et j’estime qu’il n’existe aucun motif de contester la réponse du directeur du BCA. De même, les observations de l’appelant formulées à l’audience, après l’analyse minutieuse de la jurisprudence faite par l’avocate de l’intimé, vont à l’encontre de la pratique acceptée. L’hypothèse selon laquelle un agent d’appel est investi de pouvoirs qui éliminent la nécessité de tenir compte de la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour suprême ne tient pas la route. Encore une fois, je comprends les motifs pour lesquels l’appelant pourrait tirer une telle conclusion, mais ces motifs ne sont pas corrects pour autant. Je formule ces observations parce que j’estime que ce sont notamment les points de vue de l’appelant sur le droit et le processus qui l’ont amené à croire que son appel ne fait pas l’objet d’un traitement équitable.
[31] L’appelant a d’abord prétendu que je ne traitais pas son appel de façon indépendante et impartiale dans sa lettre du 15 mai 2007 adressée au directeur du BCA, lettre dont le contenu est brièvement résumé au paragraphe 15 qui précède. Il a explicité son allégation de partialité dans sa lettre du 29 octobre 2007, produite à titre de pièce A.2 à l’audience tenue à Kingston à la même date. Je répondrai d’abord à la question que soulève l’appelant sur mon refus de lui donner accès à ses comptes intranet et de courrier électronique; j’aborderai ensuite ses préoccupations concernant les références à des motifs de sécurité; et enfin, je me pencherai sur la question de mes rires pendant l’enregistrement de la conférence téléphonique du 10 avril 2007.
[32] L’opinion résolue de l’appelant selon laquelle les comptes à son nom lui appartiennent sous-tend la question de l’accès à l’intranet et au système de courrier électronique de l’intimé ainsi qu’aux documents qu’ils contiennent. Il semble également croire que le pouvoir de l’agent d’appel de forcer la production de documents prévu à l’alinéa 146.2a) du Code constitue un pouvoir absolu. D’abord, j’accepte l’argument de l’avocate de l’intimé selon lequel l’intranet et le système de courrier électronique ainsi que les documents professionnels et liés au travail créés par un employé pendant qu’il travaille chez un employeur sont la propriété de cet employeur. Cependant, cela ne signifie pas qu’un employé ne possède pas un droit d’accès à certains documents comme, dans la présente affaire, les documents requis pour interjeter appel. Toutefois, les pouvoirs d’un agent d’appel ne l’autorisent pas automatiquement à ouvrir complètement la porte et à donner un accès généralisé. Il faut tenir compte des questions de spécificité et de pertinence en harmonie avec les principes exposés dans les motifs de décision du CCRI cités au paragraphe 29 qui précède. Je conclus que cela s’applique même dans le présent cas, dans lequel l’appelant est à l’origine d’un échange des documents demandés ou y a participé.
[33] Tel qu’il est indiqué, à un stade antérieur de l’appel, l’appelant avait proposé, alors qu’il était représenté par un avocat que l’appel soit instruit « en raison de la solidité et du volume de la preuve documentaire soumise au BCA ». Pendant la conférence téléphonique du 10 avril, il a mentionné un certain nombre d’échanges de correspondance. Ces deux événements laissent croire qu’il serait en mesure de demander par écrit assez de renseignements précis qui permettraient à l’employeur de chercher les documents en question. L’avocate de l’intimé n’a pas à justifier sa préférence d’une demande écrite en raison des ratés sur la ligne pendant la conférence téléphonique. Il est raisonnable que son client et elle-même s’attendent à recevoir une demande écrite comportant le plus de renseignements précis et d’indications pertinentes que l’appelant peut rassembler.
[34] L’appelant a soutenu que l’accès à son courrier électronique a été bloqué après qu’il a invoqué son droit de refus prévu par le paragraphe 128(1) du Code et qu’il est demeuré bloqué pour l’empêcher d’avoir accès à des documents dont il avait besoin pour son appel. Il n’a pas été établi clairement à mon intention si c’est l’accès au seul système de courrier électronique qui a été bloqué ou si ce blocage s’inscrivait dans des mesures plus générales prises par l’employeur pour limiter l’accès à ses locaux, infliger des sanctions financières et imposer d’autres mesures disciplinaires. Tant l’appelant que l’avocate de l’intimé ont fait référence à d’autres instances en cours. Je n’ai pas de connaissance approfondie de ces affaires et je n’en ai pas besoin. Cependant, en présence d’une allégation de sanctions financières et de mesures disciplinaires prises à l’endroit de l’appelant parce qu’il a exercé son droit de refus, il conviendrait que la plainte soit déposée en vertu de l’article 133 du Code.
[35] Si je présume que l’allégation de l’appelant est limitée au blocage continu de son système de courrier électronique pour l’empêcher d’avoir accès à des documents dont il a besoin pour l’appel, je dois être persuadé que ce blocage en particulier a lieu. L’avocate de l’intimé a déclaré au cours de la conférence téléphonique du 10 avril 2007, puis a confirmé dans son message par courrier électronique du 13 avril, que « l’employeur n’entendait pas dissimuler les documents qui s’appliquent de façon pertinente [...] » Toutefois, le processus exige que l’appelant présente une demande de la façon décrite précédemment, soit de la même manière que celle que j’ai exposé de vive voix pendant la conférence téléphonique et que j’ai reprise dans ma lettre du 11 mai 2007 adressée aux parties (pièce A.3). L’intimé obtiendrait la possibilité de répondre à la demande, soit en produisant une partie ou l’ensemble des documents concernés et en demandant une argumentation quant à leur pertinence, soit en refusant avec motifs certains des documents ou la totalité d’entre eux. Én ma qualité d’agent d’appel, je devrais ensuite prendre une décision quant aux prochaines étapes. Comme je l’indiquais dans la lettre du 11 mai, [traduction] « sur réception d’une telle demande et de la réponse de l’intimé, j’examinerai quelle ordonnance, s’il y a lieu, pourrait être nécessaire afin que l’appelant dispose des renseignements adéquats pour poursuivre son appel ». À ce jour, aucune demande écrite n’a été reçue et il n’y a donc pas de raisons de passer aux étapes suivantes. Il en découle également qu’il n’a pas été établi que l’appelant serait privé d’un accès aux documents liés à son appel. Une telle question pourrait être tranchée seulement une fois que le processus approprié a été observé.
[36] Bref, en ce qui a trait à la question de l’accès, j’accepte l’argumentation de l’intimé selon laquelle le système de courrier électronique et les documents professionnels et liés au travail qui s’y trouvent appartiennent à l’employeur. Je maintiens que je ne suis pas prêt à rendre une ordonnance générale donnant à l’appelant accès au système, mais je reconnais qu’il possède un droit d’accès aux documents liés à son appel. Toutefois, l’appelant devrait, pour faciliter son accès, présenter une demande écrite pour lancer le processus décrit précédemment. Toute similitude dans ces points de vue avec les positions adoptées par l’intimé découle simplement du partage d’opinions semblables sur le champ d’application de la loi et la nature de la procédure d’accès aux documents. Il ne s’agit pas, comme le prétend l’appelant, d’une preuve de ma partialité ou d’une collusion avec l’avocate de l’intimé.
[37] Dans ma lettre du 11 mai 2007 adressée aux deux parties (pièce A.3), je me montrais hésitant à aborder la question des préoccupations de l’appelant quant aux références à l’expression « pour des motifs de sécurité ». Encore une fois, j’hésite à commenter de crainte d’aggraver la situation. Ce n’est certes pas mon intention. L’appelant était très outré des références et je comprends tout à fait pourquoi il en est ainsi. Toutefois, au sens strict, la question de la sécurité n’est pas pertinente par rapport à l’appel et il ne s’inscrit pas clairement dans mes pouvoirs d’agent d’appel de statuer sur cette question. L’employeur a fourni des motifs de sécurité pour bloquer l’accès de l’appelant à son système de courrier électronique. Encore une fois, je ne sais pas au juste si cette mesure a été prise par l’employeur uniquement en ce qui a trait au système de courrier électronique ou si elle s’inscrivait dans le contexte de restrictions plus générales. Dans le dernier cas, la présente affaire touche des questions qui excèdent ma compétence. Dans le premier, il se peut que je sois habilité à examiner davantage la question et à rendre une décision. Toutefois, je pourrais le faire seulement si je concluais, comme le prétend l’appelant dans les faits, que la justification de l’employeur (« pour des motifs de sécurité ») constitue un stratagème et qu’il entendait uniquement bloquer son accès aux documents requis pour poursuivre son appel. Je ne vois pas comment je pourrais en venir à envisager une telle possibilité alors que l’appelant refuse toujours de se conformer à la procédure convenue qui s’applique aux demandes d’accès à des documents. Tel qu’il est expliqué précédemment, cette procédure comporte des facteurs de spécificité et de pertinence.
[38] La prétention de l’appelant selon laquelle j’ai fait preuve de partialité relativement à la justification « pour des motifs de sécurité » repose surtout sur les divergences d’interprétation que nous avons du terme dans le contexte dans lequel il a été exposé. Sans oublier la question connexe de ce que « j’ai entendu » ou de ce que « je n’ai pas entendu » pendant la conférence téléphonique du 10 avril. L’appelant a compris que les références signifiaient que le statut de son attestation de sécurité personnelle était remis en question. Il s’est plaint sincèrement qu’aucun manquement à la sécurité n’a été enregistré contre lui et que l’intimé ne possédait pas de renseignements sur lesquels fonder ces déclarations. Il a jugé que l’intimé avait l’intention de le discréditer aux yeux de l’agent d’appel. Il a fait référence à sa longue carrière, puis m’a fait parvenir des témoignages d’anciens employeurs et superviseurs, dont une appréciation de rendement très favorable signée par le directeur du Collège de formation du personnel de la région de l’Ontario de SCC, datée du 13 juin 2006 et portant sur la période pendant laquelle il a travaillé à cet endroit.
[39] J’ai compris que les références faites pendant la conférence téléphonique du 10 avril à « pour des motifs de sécurité » portaient sur la sécurité d’un établissement correctionnel et sur le contrôle exercé par l’employeur sur ses documents. La mention par l’appelant dans sa lettre du 29 octobre 2007 (pièce A.2) de mes propos ([traduction] « je n’ai pas entendu Mme Lewis dire quoi que ce soit au sujet des questions de sécurité ») constitue une version assez restrictive de mes observations. J’ai expliqué que je n’ai rien entendu dans les remarques qui nuit à son image ou qui remet en question sa fiabilité personnelle. J’ai fait part de sentiments semblables dans ma lettre aux parties datée du 11 mai (pièce A.3) et je me suis efforcé de rassurer l’appelant sur le fait que je n’ai aucunement considéré quelque propos que ce soit de l’avocate de l’intimé comme « un reflet de son intégrité personnelle ». J’utilisais le verbe entendre au sens figuré mais fréquemment employé lorsque j’ai dit « je n’ai pas entendu » ou « ce n’est pas ce que j’entends ». Je ne prétendais pas que quelque chose n’a pas été dit; j’indiquais simplement ma compréhension de ce qui avait été dit.
[40] Bref, ma compétence concernant les questions qui découlent du statut de l’appelant en matière de sécurité et les observations connexes qui ont été formulées pendant la conférence téléphonique du 10 avril est étroite. À l’opposé, l’interprétation de l’appelant et mon interprétation de l’expression « pour des motifs de sécurité », telle qu’elle est utilisée au cours de cette conférence téléphonique, diffèrent considérablement. Même si je présume que j’aurais pu être persuadé ultérieurement de souscrire au point de vue de l’appelant concernant les remarques, nos points de vue divergents à l’époque ne constituent pas fde la partialité de ma part ne ne justifient une crainte de partialité de la part de l’appelant.
[41] Les rires pendant la conférence téléphonique du 10 avril 2007 sont la question qui, à mon avis, était la question la plus délicate à examiner. Dans sa lettre du 29 octobre 2007 (pièce A.2), l’appelant explique l’incident de la façon suivante : [traduction] « M. McDermott et Mme Lewis ont réagi en riant de façon sarcastique »; il a ajouté que [traduction] « une personne ordinaire/impartiale […] conviendrait que leurs rires ont été humiliants ». Ce n’est pas une question sur laquelle il a insisté dans la correspondance qu’il a envoyé avant le 29 octobre, mais il s’est davantage attardé sur cette préoccupation au cours de l’audience. Que les rires méritent ou non le qualificatif de « sarcastiques », l’appelant croyait manifestement que tel était le cas et je regrette sincèrement d’avoir pu l’offusquer ou l’angoisser. Je tiens à lui certifier que je ne me moquais pas de lui et que je prenais pas son appel à la légère.
[42] J’ai écouté plusieurs fois l’enregistrement complet de la conférence téléphonique du 10 avril. Les rires mentionnés ont lieu une fois que l’appelant a conclu sa déclaration en indiquant qu’il ne souhaite pas participer à la médiation. Je demande alors à l’avocate de l’intimé de commenter. Mme Lewis dit d’abord « allo », ce mot étant suivi d’un rire à la fois bref et, à mon avis, assez nerveux. Puis des rires encores plus brefs de ma part sont entendus avant que l’avocate commente. À l’audience, Mme Lewis a souligné qu’elle ne se moquait pas de l’appelant personnellement et qu’il ne s’agissait pas d’un affront envers lui. Quant à moi, je peux seulement répéter que je ne me moquais pas de l’appelant et que je ne discrétais aucunement son appel. Mon court rire, que l’on peut à peine qualifier de rire et qui n’était pas sarcastique, était déplorable, mais involontaire. Il occupe au maximum une seconde dans une conférence téléphonique de plus d’une heure et je ne crois pas qu’une personne raisonnable et indépendante, informée de l’ensemble du contenu de la conférence, en éprouverait une crainte de partialité.
[43] Je me suis efforcé tout au long de mon examen de l’allégation de partialité d’examiner la preuve présentée et les observations formulées du point de vue des personnes raisonnables dont il est question dans la citation de l’arrêt Liberty mentionnée au paragraphe 26 qui précède. Je me suis demandé, en me servant encore une fois des critères énoncés dans la citation, si des personnes bien renseignées qui étudieraient la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, concluraient que je n’ai pas rendu une décision juste. Pour reprendre les termes plus brefs de Bennett et autres, des [traduction] « membres bien informés de la communauté » discerneraient-ils une crainte de partialité dans la façon dont j’ai mené la conférence téléphonique et dont j’ai communiqué par écrit avec les parties? Des observateurs indépendants mais agissant en toute connaissance de cause concluraient-ils que j’ai subi des influences indues comme les conclusions concernant l’agent d’immigration dans l’affaire Liberty l’ont établi, ou concluraient-ils, selon les mots utilisés par Brown et Evans, que j’ai appuyé mes décisions « sur une appréciation de la preuve et de la loi en question »?
[44] J’ai examiné les trois éléments de l’allégation de partialité à la lumière de ces questions. En ce qui a trait à l’accès au système de courrier électronique de l’employeur et aux documents qui s’y trouvent, ma décision se fonde sur ma compréhension de la loi, de la jurisprudence et de la procédure qui régissent la production de documents et je crois que des personnes raisonnables et bien informées n’éprouveraient pas de crainte de partialité à cet égard. Dans la mesure où la question de l’utilisation de l’expression « pour des motifs de sécurité » est concernée, bien que mon interprétation des remarques différait de celle de l’appelant, je soutiens que des membres bien informés de la communauté jugeraient mon interprétation raisonnable et impartiale dans le contexte de la discussion ayant eu lieu pendant la conférence téléphonique. Finalement, en ce qui touche les rires, je ne crois pas qu’un observateur indépendant ayant écouté l’enregistrement complet de la conférence téléphonique conclurait qu’un tel geste momentané et involontaire représenterait une crainte de partialité. Bref, je conclus qu’à l’égard de ces trois éléments, rien n’indique que j’ai pris des décisions abusivement jusqu’à maintenant ou que je ne continuerais pas de statuer de manière équitable dans cet appel.
[45] Pour les motifs énoncés, je conclus que l’allégation de partialité de l’appelant est sans fondement. Je demeure saisi du présent appel. Je rappelle à l’appelant qu’il doit présenter une demande écrite en vue de la production des documents qu’il juge nécessaires pour conduire son appel en la forme indiquée dans le deuxième paragraphe complet à la page deux de ma lettre du 11 mai 2007 adressée aux parties (pièce A.3). Les questions soulevées dans cette allégation de partialité ont établir une certaine distance par rapport au fond de l’appel, à savoir la décision d’un agent de santé et sécurité selon laquelle il n’existe pas de danger après un refus aux termes du paragraphe 128(1) du Code. Je demande instamment que toute demande de production de documents établisse une certaine pertinence par rapport au fonds de cette décision et de l’appel. La demande devrait être envoyée à l’agent d’appel soussigné avec copie à l’avocate de l’intimé au plus tard le 21 décembre 2007. L’intimé doit produire sa réplique au plus tard le 11 janvier 2008.
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Michael McDermott
Agent d'appel
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