Archivée - Décison: 08-008 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Appendice I

Dossier no : 2005-54
Décision no : OHSTC-08-008

Agent Emerson Waugh
Agence des services frontaliers du Canada
appelant

et

Agence des services frontaliers du Canada
intimée
___________________________
Le 31 mars 2008

Cette affaire a été entendue par l’agent d’appel Richard Lafrance.

Pour l’appelant
M. John King, président de succursale, Customs Excise Union Douanes Accise (CEUDA), Toronto

Pour l’intimé
M. Richard Fader, avocat, Services juridiques du Conseil du Trésor

Note

[1] L’audience de l’appel interjeté à l’encontre de la décision de l’agent de santé et de sécurité (ASS) a été entendue du 14 au 17 novembre 2007 à Toronto.

[2] Pour des motifs de communication de renseignements de nature délicate liés à la sécurité nationale, Richard Fader, avocat de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a demandé le huis clos.

[3] Le 14 novembre 2007, après avoir pris connaissance des arguments des deux parties, j’ai ordonné la tenue de l’audience à huis clos. J’ai également ordonné que tous les participants signent un serment promissoire selon lequel ils ne communiqueraient ni ne feraient connaître à qui que ce soit, sans autorisation en bonne et due forme, aucun renseignement qu’ils ont obtenu au cours de l’audience.

[4] Dans le même état d’esprit, j’ordonne que la présente décision soit scellée et ne soit ni publiée ni distribuée sous quelque forme que ce soit autre qu’à l’appelant et à l’intimée. Au besoin, je laisse le soin aux parties de décider, d’un commun accord, de distribuer la décision selon ce qu’elles jugent opportun.

[5] Afin d’informer les autres parties intéressées, seul ce bref résumé des circonstances et de la décision sera envoyé à l’agent de santé et de sécurité et conservé sur le site Web du Tribunal.

Introduction

[6] Il s’agit d’un appel déposé le 20 novembre 2005 en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code) par l’agent Emerson Waugh, un employé de l’Agence des services frontaliers du Canada.

[7 L’agent Waugh interjetait appel de la décision d’absence de danger rendue le 15 novembre 2005 par l’ASS Karen Malcolm à la suite de son enquête sur le refus de l’agent Waugh de travailler fondé sur le paragraphe 128(1) du Code.

[8] L’agent Waugh est un employé de l’ASFC qui travaille au centre principal d’acheminement de Toronto. Son travail consiste à inspecter le courrier international reçu pour déterminer s’il est légalement admissible au Canada. Des agents de l’ASFC appliquent plus de 70 lois différentes qui portent sur des questions comme l’agriculture, la lutte antiparasitaire, les impôts, ainsi que la sûreté et la sécurité et le Code criminel. Bref, rien n’est censé entrer au Canada sans autorisation préalable d’un agent de l’ASFC.

[9] Le 14 novembre 2005, une grenade a été découverte dans un paquet sur le tapis de triage et l’établissement postal a été évacué. La Police régionale de Peel a été appelée sur les lieux pour examiner la grenade et elle a déterminé qu’elle était inerte et qu’elle pouvait être manipulée en toute sécurité.

[10] Le 15 novembre 2005, Emerson Waugh et 26 autres agents ont refusé d’exécuter du travail qu’ils considéraient comme un danger. Ils croyaient que l’employeur ne faisait pas un examen préalable suffisant du courrier international pour réduire, atténuer ou éliminer les dangers, véritables ou potentiels, qui pourraient affecter l’exécution de leurs fonctions comme agents de l’ASFC. De plus, ils croyaient que les conditions étaient les mêmes relativement à leur exposition aux substances ou matières chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et explosives (CBRNE).

[11] L’agente de santé et sécurité Malcolm a fait enquête sur le refus de travailler et a établi que compte tenu d’événements antérieurs, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’une blessure survienne. Toutefois, étant donnée la définition que donne le Code du danger, elle a décidé que comme il était possible de mettre en œuvre une mesure corrective avant la survenance de la blessure, aucun danger n’était présent. Elle a fait observer dans son rapport d’enquête, à titre d’exemple de mesure corrective, qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir les paquets s’il était apparent qu’ils pourraient occasionner des blessures ou que l’employeur avait l’occasion de mettre en place un processus de vérification préalable.

[12] Néanmoins, l’ASS Malcolm a donné instruction que l’ASFC effectue une analyse des risques au travail dans le but d’évaluer tous les risques associés à l’inspection du courrier international, et ce pour assurer la santé et la sécurité de ses employés.

[13] John King, porte-parole de l’appelant, a fait valoir que la décision de l’agente de santé et sécurité était viciée parce qu’elle n’a pas fait enquête sur le véritable danger lié à l’entrée de substances CBRNE dans le centre de traitement du courrier international.

[14] Richard Fader, avocat de l’employeur, a fait valoir qu’il y avait des risques à occuper le poste d’agent de l’ASFC dans un centre de traitement du courrier. Toutefois, il a soutenu que l’ASFC a mené une analyse complète des risques au travail du lieu de travail, après quoi des politiques et une procédure ont été mises en œuvre pour atténuer les risques dans toute la mesure raisonnable.

[15] R. Fader a conclu que la décision de l’ASS était correcte et que le risque couru par l’appelant constituait une condition d’emploi normale, qui ne justifiait pas de la part de l’employé un refus de travailler, comme l’exposait le paragraphe 128(2) du Code canadien du travail.

Décision et motifs

[16] La question à trancher comporte deux volets. Premièrement, je dois décider si, pendant l’exécution de ses fonctions, l’appelant est exposé ou non à un danger tel que ce terme est défini à la partie II du Code. Deuxièmement, si je conclus qu’il l’est, je dois alors décider si ledit danger constitue, comme le prétend l’intimée, une condition normale de son emploi suivant le paragraphe 128(2) du Code. Si je décide que le prétendu danger n’est pas une condition normale d’emploi, je dois donner l’instruction adéquate en vertu du paragraphe 145(2) du Code. Quoi qu’il en soit, je peux également donner toute instruction que je juge appropriée dans les circonstances.

[17] Le Manuel de l’exécution des douanes stipule les fonction des agents en fonction des différentes lois qu’ils mettent en œuvre. Les directives générales expliquent pourquoi et quand un colis peut être ouvert pour être inspecté.

[18] La politique mentionne également que les agents doivent, lorsqu’ils procèdent à des examens, prendre des mesures pour se protéger et pour protéger la santé et la sécurité de ceux et celles qui les entourent. À cet effet, ils doivent prendre les mesures de protection nécessaires, comme le port de gants, de lunettes de protection, de masques filtrants ou de tout autre équipement approprié.

[19] Je conclus que l’employeur a élaboré une formation et une procédure pour aider les agents à identifier les substances dangereuses et à se protéger contre une exposition directe à ces substances dangereuses .

[20] La preuve révélait que l’employeur fournit de l’équipement de protection individuel. Néanmoins, à la lecture des rapports d’incident présentés, j’ai constaté que dans de nombreux cas, les employés n’utilisaient pas l’équipement de protection approprié ou n’utilisaient pas d’équipement de protection du tout.

[21] Je crois qu’à l’heure actuelle, les mesures de sécurité élaborées par l’ASFC constituent des moyens efficaces de déterminer l’exposition possible aux dangers mentionnés précédemment.

[22] En outre, je conclus, tel qu’il a été établi par l’agent d’appel Malanka dans la décision Cole et Air Canada1 :

  • Le danger, la situation ou l’activité ne peut être éliminé.
  • Le danger, la situation ou l’activité ne peut être contrôlé dans une mesure raisonnable de sécurité.
  • Toutefois, l’employeur peut s’assurer que ses employés sont personnellement protégés contre un danger, une situation ou une activité.
  • De plus, je conclus que les circonstances dans lesquelles le danger, la situation ou l’activité qui subsistent pourraient raisonnablement être susceptibles de causer des blessures ou des maladies pour une personne qui y serait exposée peuvent se produire à l’avenir par opposition à une simple possibilité ou à une forte probabilité.
1 Charmion Cole et Lynn Coleman et Air Canada, décision du BCA no 06-004, 28 février 2006

[23] D’après ce qui précède, je conclus que si la procédure de l’employeur était respectée et rigoureusement mise en œuvre comme elle devrait l’être, le danger établi précédemment serait réduit à son plus bas niveau et ne constituerait pas un « danger » tel qu’il est décrit dans le Code.

[24] En ce qui concerne l’utilisation des appareils de radioscopie, je suis d’avis que personne ne pourrait blâmer un agent de prendre des mesures pour assurer sa santé et sa sécurité et celles d’autrui et d’avoir recours à toutes les procédures adéquates, dont la radioscopie des paquets avant de les ouvrir. Après tout, comme l’a mentionné le conseiller technique principal, c’est le meilleur outil disponible à l’heure actuelle. En fait, s’il existait quelque chose de meilleur, l’ASFC l’aurait. Par conséquent, les appareils de radioscopie sont là pour être utilisés aussi souvent qu’ils doivent l’être d’après l’expérience des agents. C’est l’employeur qui doit s’assurer que la santé et la sécurité de son employé sont protégées en veillant à ce que la procédure et l’équipement nécessaires sont disponibles à cette fin; par ailleurs, il appartient aux employés de suivre la procédure et d’utiliser l’équipement fourni pour protéger leur santé et leur sécurité et celles des personnes qui les entourent.

[25] L’existence d’un danger ayant été établie, je dois maintenant décider si, comme l’a fait valoir R. Fader, ledit danger est une condition normale d’emploi.

[26] Dans sa décision Juan Verville2, Madame la Juge Gauthier a considéré, au paragraphe 55, que :

Le sens ordinaire des mots de l’alinéa 128(2)b) milite en faveur des points de vue exprimés dans ces décisions de la Commission, parce que le mot « normal » s’entend de quelque chose de régulier, d’un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l’ordinaire. Il serait donc logique d’exclure un niveau de risque qui n’est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d’exemple, dirait-on qu’il entre dans les conditions normales d’emploi d’un gardien de sécurité de transporter de l’argent à partir d’un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée sans arme à feu, sans compagnon et dans un véhicule non blindé?
[Je souligne]

2 Juan Verville c. Service Correctionnel du Canada, Institution Pénitentiaire de Kent, 2004 CF 767

[27] Par conséquent, peut-on affirmer que le fait d’être exposé à une substance dangereuse sans aucun équipement de protection constitue une condition normale d’emploi?

[28] Je suis d’avis que l’exposition à des substances dangereuses comme dans le cas qui nous occupe ne représente pas une condition normale d’emploi. Cette exposition peut être considérée comme un danger parce que le danger est lié à la méthode de travail et que celle-ci peut être modifiée en tout temps ou, comme dans le présent cas, ne pas être observée sur une base régulière.

[29] Pour ce motif, j’annule la décision de l’agente de santé et de sécurité Karen Malcolm qui a conclu à une absence de danger et je donne une instruction à l’employeur en raison de l’existence d’un « danger ». Par conséquent, j’ordonne à l’employeur de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les employés respectent la procédure de sécurité de l’employeur et utilisent tout matériel, équipement, dispositif et vêtement de sécurité destiné à la protection des employés en tout temps pendant l’inspection des paquets au centre principal d’acheminement.

[30] Pour les motifs énoncés précédemment, j’annule la décision de l’agente de santé et de sécurité Karen Malcolm qui a conclu à une absence de danger. Par conséquent, en vertu de l’alinéa 145.(2)a) du Code, j’ordonne à l’employeur de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour protéger toute personne contre le danger en assurant la mise en œuvre et le suivi de la procédure de sécurité et d’urgence de l’employeur et l’utilisation par les employés de tout matériel, équipement, dispositif et vêtement de sécurité destiné à la protection des employés en tout temps pendant l’inspection des paquets au centre principal d’acheminement.

[31] En vertu du paragraphe 126.(1) du Code, il est également ordonné aux employés d’utiliser immédiatement tout matériel, équipement, dispositif et vêtement de sécurité destiné à leur protection et fourni par l’employeur, de suivre la procédure prescrite et de prendre toutes les précautions raisonnables et nécessaires pour assurer leur santé et leur sécurité ainsi que celles des autres employés et de toute autre personne susceptible d’être affectée par leurs gestes ou omissions.

[32] Depuis ce refus de travailler, la nouvelle partie XIX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, intitulée Programme de prévention des risques, est entrée en vigueur en novembre 2005. Je suis persuadé que l’ASFC se conforme à ces nouvelles dispositions réglementaires et à toutes ses sections, telles que : Recensement et évaluation des risques; Mesures de prévention; Formation des employés et la dernière mais non la moindre, Évaluation du programme. Je laisse à un agent de santé et sécurité le soin de vérifier la conformité à ce règlement.

_________________
Richard Lafrance
Agent d’appel

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