Archivée - Décison: 08-010 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier no : 2007-09

Décisions interlocutoires
TSSTC-08-010 (I)
BCA-07-0041(I)

Éric V. & autres
appelants

et

Service Correctionnel du Canada
intimé
___________________________
Le 25 avril 2008

Décision interlocutoire et ordonnance TSSTC-08-010 (I) rendues par Serge Cadieux, agent d’appel.

Pour les appelants
Me John Mancini, conseiller syndical UCCO-SACC-CSN

Pour l’intimé
Me Nadine Perron et Me Nadia Hudon, Justice Canada

[1] La présente affaire concerne une ordonnance rendue verbalement lors de l’audience tenue le 16 avril 2008 et confirmée ci-après par écrit tel que demandé par Me Hudon.

[2] Dans cette affaire, quatre agents de correction (AC) du Service Correctionnel du Canada (SCC) ont tour à tour refusé d’escorter un détenu notoire à un établissement de santé local. Le motif du refus est à l’effet que cette escorte est une escorte non armée ce qui met la santé et la sécurité des AC en danger dû au fait que la tête du détenu à être escorté est mise à prix.

[3] L’employeur et l’agent de santé et de sécurité (ASS) Régis Tremblay ont effectué tour à tour une enquête sur les refus de travailler des AC. Tous deux ont conclu que les conditions de travail auxquelles les AC faisaient référence étaient des conditions normales d’emploi qui ne permettaient pas aux employés en question d’exercer leur droit de refuser de travailler en vertu du Code tel que prévu à l’alinéa (2)b) de l’article 128 du Code. Cet article se lit comme suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;
b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;
c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;
b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

[4] Les quatre AC ont toutefois allégué que l’ASS avait rendu une décision d’absence de danger même si l’enquête de ce dernier fut limitée à conclure que les conditions auxquelles les employés ont fait référence lors de leur refus de travail étaient des conditions normales d’emploi. Par conséquent, les AC ont porté en appel cette décision en vertu du paragraphe 129(7) du Code qui prévoit ce qui suit :

129 (7) Si l’agent conclut à l’absence de danger, l’employé ne peut se prévaloir de l’article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois – personnellement ou par l’entremise de la personne qu’il désigne à cette fin – appeler par écrit de la décision à un agent d’appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

[5] J’ai rendu, le 23 novembre 2007, une décision interlocutoire dans cette affaire. Cette décision traite d’une objection formulée par l’employeur concernant la compétence de l’agent d’appel (AA) à se saisir des quatre appels interjetés par les AC. J’ai rejeté l’objection de l’employeur. Les motifs de la décision sont consignés dans le document Éric V. & autres c. Service Correctionnel du Canada, Décision No. BCA-07-041(I). L’employeur a porté cette décision en révision judiciaire à la Cour fédérale (la Cour).

[6] À titre d’AA saisi de cette affaire, j’ai conclu que rien n’empêchait la poursuite de l’audience puisque l’employeur n’a pas obtenu de la Cour un sursis à la poursuite de l’audition. De plus, l’employeur ne s’est pas formellement objecté à ce que l’audience se poursuive. Par conséquent, l’audience s’est poursuivie les 14, 15 et 16 avril 2008.

[7] Durant l’audience, tous les témoins convoqués par Me Mancini ont témoigné sans hésitation. Ces témoins n’ont eu aucune difficulté à affirmer que le contrat sur la tête du détenu à être escorté était toujours d’actualité au moment de leur refus de travailler.

[8] Toutefois, les témoins de l’employeur ont été plus hésitants à reconnaître que le contrat sur la tête du détenu à être escorté était toujours d’actualité lorsque les AC ont refusé de travailler. Ils étaient plutôt enclins à laisser entendre qu’ils n’étaient pas les bonnes personnes pour répondre aux questions de Me Mancini sur ce point précis.

[9] Dans un cas en particulier, le témoin de l’employeur, Monsieur G.F., a été récalcitrant. Ce témoin, même s’il était de par sa fonction d’Agent de renseignements de sécurité (ARS) au courant de l’information recherchée, tergiversait plutôt que de répondre directement aux questions posées par Me Mancini sur ce point.

[10] Une situation semblable s’est produite avec le dernier témoin de l’employeur, Monsieur S.H. Ce témoin, qui est aussi ARS, répondait aux questions de Me Mancini de façon détournée et vague de telle sorte qu’il a été difficile pour Me Mancini de démontrer de façon définitive, sur la base de ces témoignages, le statut du contrat sur la tête du détenu.

[11] Me Mancini a avisé le tribunal que le témoignage de ces deux témoins ne correspondait pas aux informations qu’il possède et que, par conséquent, il considère faire venir le dossier de l’agent des libérations conditionnelles (ALC) concernant le détenu en question. Me Mancini affirme que ce dossier traite de toutes les questions qui ont été minimisées par les témoins de l’employeur, à savoir que la question du contrat était dépassé dans le temps, que le détenu ne pouvait pas aller dans une institution minimum, que le détenu ne pouvait pas aller en communauté à cause de problèmes de sécurité, que des arrangements avec la police devaient être pris pour ses sorties etc. Selon Me Mancini, les documents qu’il a l’intention de faire venir vont démontrer que le dossier du détenu est encore d’actualité. Par conséquent, s’il est nécessaire de faire une contre-preuve pour contrer le témoignage de ces deux témoins qui laissent une fausse impression au tribunal concernant le degré de dangerosité du détenu, il est prêt, et en fait, demande à la faire.

[12] Me Hudon et Me Perron se sont vivement objectées à cette pratique i.e. à toute contre-preuve qui servirait à bonifier la preuve des appelants. Elles ont précisées que dans le cadre d’une contre-preuve, seuls des éléments nouveaux i.e. dont on ne pouvait pas s’attendre dans le cadre de la défense, peuvent faire l’objet d’une contre-preuve. Me Perron a précisé que Me Mancini avait la possibilité de poser des questions à l’ALC lorsque ce témoin a témoigné dans cette affaire. Il est trop tard maintenant pour le faire.

[13] J’ai avisé Me Perron et Me Hudon qu’à titre de tribunal administratif quasi-judiciaire, je pouvais accepter une preuve même si celle-ci n’était pas acceptée dans une cour, en autant que la preuve est pertinente et nécessaire pour que le tribunal puisse rendre une décision dans cette affaire. Je considère donc que nous sommes dans la poursuite de l’enquête dans cette affaire. Si des informations existent qui peuvent éclairer le tribunal, je me dois de poursuivre l’enquête jusqu’à ce que je sois satisfait d’avoir en ma possession toutes les informations pertinentes. De toutes façons, l’enquête de l’AA est une enquête de novo qui autorise l’AA à rechercher toute information pertinente. Par conséquent, les règles de contre-preuve ne peuvent servir dans ce contexte à limiter les pouvoirs d’enquête de l’AA.

[14] Les documents identifiés par Me Mancini sont forts pertinents et, vu l’hésitation décrite ci-dessus des témoins de l’employeur, ils sont nécessaires pour que le tribunal puisse prendre une décision éclairée dans cette affaire. Par conséquent, je décide de recevoir la demande de Me Mancini pour obtenir l’information recherchée.

[15] Me Mancini s’est alors adressé au tribunal pour obtenir une ordonnance visant la production de quatre documents qui établiraient clairement que le contrat sur la tête du détenu à être escorté lors du refus de travail des AC était toujours d’actualité. De plus, Me Mancini a spécifiquement identifié des personnes du SCC ayant participé à des discussions ou à la rédaction de rapports concernant l’information contenue dans ces documents. Me Mancini demande à ce qu’une de ces personnes dépose les documents en question. Il est à noter qu’une personne en particulier ayant participé à toutes ces discussions a été identifiée conjointement par les parties. Me Mancini demande à ce que cette personne1 i.e. l’ALC rattachée au détenu, soit choisie pour déposer les documents.

1 L’identité de cette personne n’est pas dévoilée dans cette décision interlocutoire afin de protéger l’identité de toutes les personnes dans cette affaire. Toutefois, les parties sont au courant de l’identité de la personne en question et l’écoute des enregistrements de cette cause confirmera son identité.

[16] Me Hudon a informé le tribunal que l’ALC nommée ci-dessus a demandé à recevoir une ordonnance écrite du tribunal pour comparaître lors du dépôt des documents. J’avise Me Hudon et Me Perron que les parties ont conjointement identifié l’ALC rattaché au détenu lors de l’audience du 16 avril 2008 et que le tribunal fait sienne cette identification. Par conséquent je ferai uniquement référence, dans l’ordonnance ci-jointe, à cette description sans identifier la personne concernée.

[17] Très sommairement et sans divulguer des détails, les quatre documents2 auxquels Me Mancini fait référence sont les suivants :

  • Évaluation d’une décision sortie humanitaire avec escorte, Décision 14 (6 Pages)
  • Note de service [Préparée par la personne identifiée ci-dessus par Me Mancini pour déposer les documents] (7 pages)
  • Revue d’une décision [Date…] décision 13, cote de sécurité du détenu (4 pages)
  • Dossier du détenu [Initiales… et date…] Suivi de plan correctionnel (LCE SLE) [Date…] et Informations concernant la présente demande et/ou la situation actuelle, (5 pages)
2 Ces quatre documents sont identifiés sur un document déposé par Me Mancini (Pièce A-38) qu’il a décrit avec détails.

[18] Me Hudon et Me Perron ont demandé un temps d’arrêt de l’audience pour vérifier et confirmer l’existence des quatre documents identifiés par Me Mancini, ce qui a été fait. Au retour, Me Hudon a informé le tribunal qu’il a été impossible de retracer le quatrième document identifié ci-dessus en utilisant le système informatisé du SCC. Elle avise le tribunal que des recherches plus poussées seront effectuées pour retracer le document en question et le déposer conformément à l’ordonnance.

[19] Par conséquent, je confirme ci-après l’ordonnance rendue verbalement le 16 avril 2008 à Service Correctionnel du Canada. J’ai rendu cette ordonnance en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l’article 146.2 du Code et plus précisément l’alinéa 146.2 (a) qui prévoit ce qui suit :

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1 (1), l’agent d’appel peut :

(a) convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit, ainsi qu’à produire les documents et les pièces qu’il estime nécessaires pour lui permettre de rendre sa décision ;

[20] Il est ainsi ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES à Service Correctionnel du Canada de produire, lors de la poursuite de l’audience de cette affaire prévue pour le 1 et 2 mai 2008, et de faire déposer par l’agent de libérations conditionnelles qui a été identifié conjointement par les parties le 16 avril 2008, les quatre documents qui ont été identifiés ci-dessus par Me Mancini lors de l’audience du 16 avril 2008.

Fait à Ottawa, le 25 avril 2008



_________________
Serge Cadieux
Agent d’appel

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