Archivée - Décison: 08-016 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier no : 2006-60
Décision no : OHSTC-08-016

Décision interlocutoire
Décision no : CAO-07-042 (A)
Décision no : CAO-06-052 (S)

Mahalingam Singaravelu
appelant

et

Service correctionnel Canada (SCC)
intimé
___________________________
Le 10 juillet 2008

Décision OHSTC-08-016 rendue par l’agent d’appel Michael McDermott. Audience tenue à Kingston, en Ontario, le jeudi 27 mars 2008.

Pour l’appelant
M. Singaravelu s’est représenté lui-même.

Pour l’intimé
Mme Jennifer Lewis, avocate, Services juridiques du Secrétariat du Conseil du Trésor.

[1] Il s’agit d’une décision concernant un appel interjeté le 10 novembre 2006 en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code) par l’ appelant, M. Mahalingam Singaravelu. L’appel a été interjeté à l’encontre d’une décision établissant qu’il y a absence de danger. Cette décision avait été rendue initialement le 8 novembre 2006 par l’agent de santé et sécurité (ASS) Bob Tomlin en application du paragraphe 129(4) du Code et elle a par la suite été réaffirmée dans le rapport narratif de l’ASS le 17 novembre 2006.

[2] Le 27 octobre 2006, M. Singaravelu, employé de Service correctionnel Canada (SCS), l’intimé, a invoqué son droit de refuser de travailler, en application de l’article 128 du Code. Plus précisément, il a refusé d’exécuter les fonctions du chef du service d’incendie de l’établissement, qui s’inscrivent dans ses fonctions à l’Établissement de Joyceville de SCC, car il estime que l’exécution de ces fonctions mettrait en danger sa vie, sa santé ou sa sécurité ou celle d’autres membres du personnel de SCC ou de détenus de l’Établissement. Il prétendait qu’il n’a jamais reçu de formation adéquate par des formateurs compétents pour exercer les fonctions en question de manière à respecter la norme énoncée dans la Directive du Commissaire de SCC.

[3] J’ai rendu deux décisions préliminaires dans cette affaire. La première portait sur une demande de suspension des ordonnances rendues par l’ASS en attendant qu’il soit statué sur l’appel. La question a été examinée au cours d’une audience par conférence téléphonique tenue le 10 janvier 2007. À la fin de l’audience, j’ai rejeté la demande au motif qu’un agent d’appel n’a pas compétence pour accorder une suspension d’une décision établissant l’absence de danger rendue en application du paragraphe 129(7) du Code. Le pouvoir discrétionnaire d’un agent d’appel d’accorder une suspension, en application du paragraphe 146(2) du Code, s’applique seulement lorsque l’ASS a donné une instruction. Aucune instruction n’a été donnée en l’espèce, car une décision rendue en application du paragraphe 129(7) n’est pas une instruction au sens du Code. Ma décision rendue de vive voix a été confirmée dans une décision écrite rendue le 17 janvier 2007.

[4] La deuxième décision préliminaire portait sur une allégation de partialité de la part de l’agent d’appel, faite initialement par l’appelant dans une lettre en date du 15 mai 2007 adressée au directeur du Bureau canadien d’appel. (Le Bureau canadien d’appel a, depuis, été rebaptisé Tribunal de santé et sécurité au travail Canada). L’allégation de partialité portait notamment sur ma décision de ne pas avoir accueilli une demande de l’appelant de faire trancher l’appel sur la foi de la preuve et des observations écrites, sur mon refus de donner à l’appelant un accès généralisé à son compte de courrier électronique sur intranet à SCC, sur mon interprétation des observations sur les « motifs de sécurité » formulées par l’avocate de l’intimé au cours d’une conférence téléphonique sur la procédure tenue le 10 avril 2007, qu’il a perçu comme une attaque à son intégrité et à sa réputation, et sur une allégation selon laquelle j’ai ri de façon sarcastique pendant la même conférence téléphonique. Il y a eu une audience sur la question de la partialité à Kingston, en Ontario, le 29 octobre 2007. Le 29 novembre 2007, j’ai rendu une décision écrite détaillée rejetant l’allégation de partialité et indiquant que « rien n’indique que j’ai pris des décisions abusivement jusqu’à maintenant ou que je ne continuerais pas de statuer de manière équitable dans cet appel. »

[5] La décision du 29 novembre 2007 explique la nature et le contenu des allégations de partialité formulées par l’appelant à mon sujet et je ne les répéterai pas en détails ici. Bien qu’il semble qu’il n’a pas accepté mes motifs de décision en général et qu’il a continué à s’opposer à ce que j’instruise l’appel, c’est sur sa demande d’accès à ses courriels que je me suis penché avec le plus d’ardeur pendant l’audience du 27 mars 2008. Il s’agit d’une question présentée par l’appelant depuis le tout début de l’instance et à laquelle j’ai offert une réponse constante. Dans une conférence téléphonique sur la procédure qui a eu lieu le 10 avril 2007, je l’ai avisé que j’avais besoin d’une demande écrite de sa part, avec copie à l’intimé, comportant la plus grande quantité possible de renseignements précis, dont les nom des personnes avec lesquelles il y a eu des échanges, l’objet des échanges, les dates approximatives et la pertinence par rapport à l’appel. J’ai formulé de nouveau ma demande dans une lettre adressée aux deux parties le 11 mai 2007, et j’ai confirmé que sur réception de la demande et de la réponse de l’intimé, j’examinerais quelle ordonnance, s’il y a lieu, pourrait être nécessaire afin que l’appelant dispose des renseignements adéquats pour poursuivre son appel. Aucune demande écrite du genre n’a été reçue. Dans ma décision sur la partialité, j’ai accordé une attention particulière à la question et j’ai fait référence à la jurisprudence en la matière. À la conclusion des motifs de décision, j’ai continué à attirer l’attention des intéressés sur la nécessité d’une demande écrite de production des documents et d’établir la pertinence par rapport à l’appel. Cette question a continué d’entraver les progrès sur le fond de l’appel interjeté à l’encontre de la décision établissant l’absence de danger. L’appelant semble croire que le pouvoir d’un agent d’appel d’ordonner la production des documents jugés nécessaires par l’agent pour statuer sur une affaire, en application de l’alinéa 146.2a) du Code, est un pouvoir absolu. Aucune explication à l’effet contraire ne l’a persuadé du contraire.

[6] Bien que l’audience ait été prévue les 27 et 28 mars 2008 à Kingston, en Ontario, elle n’a duré qu’un peu plus de deux heures la matinée du premier jour et s’est terminée par le retrait, par l’appelant, de l’audience. Il a alors indiqué qu’il ne désirait pas poursuivre tant que je serais saisi de l’affaire. D’entrée de jeu, le 27 mars, j’ai traité des questions préliminaires et procédurales habituelles, notamment en faisant référence à la décision en appel. L’appelant a indiqué qu’il ne convoquerait pas de témoins. L’avocate de l’intimé a donné avis qu’elle entendait convoquer trois témoins, soit M. Bryan Joyce, Chef, Entretien des installations, Établissement de Joyceville du SCC qui agirait également comme conseiller de l’avocate, ainsi que MM. David Kearny et Wayne Buller, également du SCC. L’appelant a renoncé à son option de demander l’exclusion des témoins de la salle d’audience jusqu’à leur convocation.

[7] Dès le départ, il est apparu que l’appelant n’avait préparé aucune stratégie particulière de présentation de sa preuve autre que d’attendre d’avoir entendu les autres et de questionner et de les interpeller pendant leur témoignage. En ce qui concerne la preuve documentaire, l’appelant a continué à demander un accès complet à son compte de courriels sur l’intranet à SCC. J’ai rappelé les motifs que j’avais donné précédemment sur cette question, notamment en mentionnant la lettre que j’ai écrite aux deux parties à ce sujet et sur d’autres questions de procédure, c’est-à-dire la lettre datée du 11 mai 2007 qui est mentionnée au paragraphe cinq qui précède.

[8] L’absence de volonté apparente de l’appelant d’accepter que la quantité considérable de documents qu’il avait déposé précédemment au Bureau canadien d’appel doivent être produits formellement et comme il se doit à l’audience constitue une autre question litigieuse touchant la preuve documentaire. Si l’on présume que l’appelant avait décidé de témoigner, il aurait obtenu l’occasion d’établir la validité et la pertinence des documents à titre de preuve. L’intimé aurait bien sûr obtenu la possibilité réciproque de vérifier la validité et la pertinence des documents en question en contre-interrogatoire. L’appelant ne semblait pas accepter que les documents doivent être classés et présentés de façon cohérente à l’audience s’il désirait s’en servir pour faire sa preuve. L’avocate de l’intimé a offert de fournir les documents pertinents qu’elle avait en sa possession pour qu’ils soient photocopiés afin de faciliter l’application du processus.

[9] Il a fallu un certain temps au début de l’audience pour traiter des questions de l’accès au contenu des courriels et des documents déposés précédemment au Bureau canadien d’appel qui doivent être produits comme il se doit à l’audience. Je me suis efforcé d’expliquer les motifs des deux procédures, mais j’ai été interrompu constamment par l’appelant, qui affirmait qu’il n’était pas prêt à assister à une audience sans avoir eu accès aux documents qu’il avait demandé. Il a tenté à au moins deux reprises de présenter un document, mais je lui ai demandé d’attendre que le témoignage de l’agent de santé et de sécurité (ASS) soit terminé.

[10] Le premier et, semble-t-il, le seul témoin ayant témoigné à l’audience était l’ASS Bob Tomlin. Un ASS n’est pas partie à l’appel, mais est généralement assigné par l’agent d’appel, comme ce fut le cas de M. Tomlin dans cette affaire, à faire un compte-rendu de sa participation et de la décision rendue. Les deux parties obtiennent la possibilité de questionner ou de contre-interroger l’ASS. M. Tomlin a témoigné qu’il s’est présenté à l’Établissement de Joyceville le 27 octobre 2006 après avoir été notifié d’un refus de travailler dans un cas de danger. Il a rencontré l’appelant ayant formulé le refus en présence de Mme Lisa Manson-Shillington, représentante des employés au sein du comité de santé et sécurité en milieu de travail. Il a écouté les motifs de refus de l’appelant. Il a ensuite rencontré les deux parties. M. David Kearny, alors chef par intérim de l’entretien des installations à Joyceville, s’est joint au groupe comme représentant de la direction. M. Tomlin a affirmé qu’il a écouté les thèses respectives des parties et que l’appelant lui a remis certains documents. Il a dit qu’après cette réunion, il a rencontré d’autres représentants de la direction du SCC, soit M. Wayne Buller et M. Richard Paquette, l’agent régional de sécurité. Il a affirmé qu’il a appuyé sa décision établissant l’absence de danger sur la participation de l’appelant à un programme de retour au travail qui comportait des fonctions exigeant qu’il travaille environ deux jours par semaine. Sa décision écrite et son rapport du 18 novembre 2006 explicitaient ces motifs en soulignant que seulement deux des fonctions attribuées à l’appelant comportaient des responsabilités associées à la fonction de chef du service d’incendie de l’établissement (CSIE) et que la charge de travail totale représentait environ deux jours par semaine. Il a également fait observer que l’appelant avait [traduction] « par le passé exercé de manière compétente les fonctions du CSIE à Millhaven/Bath et au Collège du personnel ». La décision et le rapport de l’ASS ont été produits comme pièce S-4 avec les documents joints, qu’il avait reçu en presque totalité de l’appelant.

[11] Dans son contre-interrogatoire de l’ASS, l’appelant a indiqué qu’il était d’accord avec le compte-rendu fait par M. Tomlin des deux premières réunions, soit celle avec lui-même et Mme Manson‑Shillington et la suivante à laquelle M. Kearny a également pris part. Il a ensuite demandé à M. Tomlin de confirmer que M. Kearny lui avait conseillé (à l’ASS) de rencontrer M. Brian Joyce et M. Tomlin a confirmé que ce conseil avait été donné. L’appelant s’est ensuite demandé si des réunions subséquentes de l’ASS avec du personnel de direction de SCC, auxquelles ni le représentant du comité de santé et sécurité ni lui-même n’étaient présents, étaient conformes aux exigences du Code. Il s’en est suivi un long échange sur cette question. L’appelant a soutenu que des réunions subséquentes ont exercé une influence sur la décision de l’ASS et l’a accusé de collusion. Quant à lui, l’ASS a fait valoir que lorsque la réunion a pris fin le 27 octobre 2006, ce volet de son enquête était terminé et qu’il ne menait pas d’autres recherches sur ce point. Il a déclaré qu’il a fait ce qu’il a appelé d’autres enquêtes et d’autres recherches à l’extérieur de l’Établissement et qu’il en est venu à sa décision sur la base des renseignements qu’il a reçus le 27 octobre et de ceux qu’il a obtenus après avoir quitté l’Établissement de Joyceville. Il a ajouté que sa façon de mener une enquête était très courante. Il a déclaré que sa décision a été rendue en présence des deux parties.

[12] Si l’audience s’était poursuivie de manière à mener à une conclusion logique, la question du bien-fondé du mécanisme d’enquête aurait pu être explorée davantage. Deux des témoins que l’avocate de l’intimé avait dit vouloir convoquer, M. Buller et M. Joyce, auraient pu répondre à des questions sur leurs contacts avec l’ASS et sur les renseignements qui lui ont été fournis.

[13] L’avocate de l’intimé désirait poser deux questions à l’ASS. La première portait sur la compréhension qu’avait l’ASS du rôle de M. Kearny lorsqu’il lui a parlé pendant l’enquête. L’ASS a déclaré que M. Kearny était le chef par intérim de l’entretien des installations et le représentant de l’employeur. La deuxième question visait à obtenir des éclaircissements sur l’énoncé contenu dans le rapport de l’ASS daté du 17 novembre 2006, selon lequel deux des fonctions de l’appelant comprenaient des responsabilités associées à celles du chef du service d’incendie de l’établissement et selon lequel la charge de travail totale représentait deux jours par semaine. L’avocate a prétendu qu’il régnait une certaine confusion à cet égard et que M. Kearny témoignerait que la charge de travail totale s’établit plus vraisemblablement à deux jours par mois. Elle a demandé si M. Tomlin avait un motif d’être en désaccord avec lui à ce sujet. L’ASS a répondu que d’après lui, la charge était de deux jours par semaine, mais qu’il n’aurait pas de motif de contester un renseignement différent.

[14] Le réinterrogatoire de l’ASS par l’appelant portait sur des questions concernant ses rapports hiérarchiques et ses superviseurs, ainsi que sur des renseignements sur les heures de travail requises et la manière dont ils ont été obtenus. L’ASS a confirmé qu’il avait obtenu les renseignements sur les heures de travail auprès de la direction de SCC.

[15] J’ai demandé à l’ASS des éclaircissements sur la Promesse de conformité volontaire (PCV) concernant les responsabilités liées au poste de chef du service d’incendie de l’établissement (CSIE), obtenues de SCC et datées du 8 novembre 2006. Il a dit qu’après des discussions avec M. Buller et M. Paquette, il a appris que l’on s’inquiétait du fait que la formation n’a pas été terminée et que les membres d’un comité se sont réunis pour discuter des exigences de formation des personnes chargées des fonctions du CSIE. Compte tenu de la conclusion de l’inexistence d’un danger, j’ai demandé pourquoi un document demandant de rectifier une situation a été reçu. M. Tomlin a répondu qu’à l’époque du refus, il avait compris que l’appelant travaillait seulement deux jours par semaine dans le cadre d’un programme de retour au travail, que ses fonctions étaient limitées et qu’il n’estimait pas qu’il existait un danger pour lui ou pour autrui.

[16] Pendant le témoignage de l’ASS, l’appelant l’interrompait souvent avant que le témoin ait fini de répondre aux questions posées. De plus, il m’interrompait moi aussi lorsque je demandais qu’il laisse au témoin le temps de répondre. Lorsque j’ai demandé à l’ASS de clarifier la pratique relative à la réception de PCV, ma demande a amené l’appelant à m’accuser de mettre des mots dans la bouche du témoin. Il s’est lancé dans une intervention parfois animée au cours de laquelle il m’a accusé de partialité. Lorsque je suis intervenu pour lui demander instamment de poursuivre l’instance, il a répondu qu’il n’était pas venu à l’audience pour discuter de cette question, mais plutôt pour montrer dans quelle mesure il avait été traité injustement. Il a étalé son incompréhension de la procédure qui avait été expliquée précédemment. Par exemple, il a présumé que ses demandes visant à faire comparaître des témoins avaient été ignorées. Ma lettre du 11 mai 2007 adressée aux deux parties expliquait le mécanisme des assignations suivi par le Bureau d’appel et la nécessité, pour la partie requérante, d’organiser la signification de l’assignation. Pour autant que je sache, aucune demande d’assignation de témoins à comparaître n’a été reçue ni de l’appelant ni en son nom. Il ne suffit pas de mentionner des noms dans une lettre ou au passage et le processus adéquat avait été établi clairement.

[17] À ce stade, l’appelant a de nouveau demandé de présenter un document. Il a été fourni à l’avocate de l’intimé, selon laquelle le document s’apparentait davantage à une argumentation finale et selon laquelle l’appelant devrait le conserver à cette fin. Toutefois, après d’autres discussions, le document a été déposé comme pièce A-5 et l’appelant a convenu de le verser au dossier. En fait, le document est adressé à l’agent de la gestion des affaires au Tribunal de santé et sécurité au travail Canada et porte l’en-tête [traduction] « Remis en mains propres le 27 mars 2008 à l’audience tenue à Kingston ». Initialement, il fait brièvement référence aux objections de l’appelant à la procédure d’enquête suivie par l’ASS et à la Promesse de conformité volontaire (PCV) reçue par ce dernier de la direction de SCC. Ces points sont complétés dans deux notes en bas de page. La première allègue que l’ASS n’a pas mené son enquête conformément au paragraphe 129(1) du Code et la deuxième a trait, notamment, au contenu et au suivi de la PCV.

[18] Le reste du document présenté par l’appelant comprend la suite de ses objections à des décisions de procédure que j’ai rendu sur différentes questions comme l’accès à des documents et réaffirme ses allégations de partialité et la collusion de ma part. J’ai répondu à la plupart des arguments dans ma décision interlocutoire sur la partialité ou, comme dans le cas de la façon appropriée d’assigner des témoins, dans des lettres précédentes avec les deux parties. Lorsqu’il déclare, par exemple, qu’il n’a pas reçu [traduction] « les documents nécessaires pour sommer M. Wayne Buller à comparaître », il ne tient pas compte des conseils que je lui ai donné dans ma lettre du 11 mai 2007, à laquelle il n’a pas répondu en demandant la préparation d’un subpoena. Quoi qu’il en soit, M. Buller devait être appelé comme témoin par l’intimé et l’appelant aurait alors eu amplement l’occasion de le contre-interroger. En ce qui concerne la référence de l’appelant à mes « relations sociales » avec l’ancien conseiller juridique de SCC, il se sert d’un terme que j’ai employé quand, après avoir pris connaissance pour la première fois que M. Harvey Newman, des Services juridiques du Conseil du Trésor, devait prendre charge du cas en remplacement du représentant des services juridiques de SCC, j’ai écrit aux deux parties le 5 février 2007 pour les informer de l’existence de rapports il y a plus de vingt-cinq ans. M. Newman s’est retiré du dossier.

[19] L’appelant conclut le document en alléguant de nouveau que je fais montre de partialité et en exprimant son [traduction] « incapacité à continuer dans le cadre de l’appel en l’instance car il relève actuellement du pouvoir décisionnel de M. McDermott. » Il a ajouté qu’il [traduction] « ne reconnaît pas la légitimité du pouvoir de M. McDermott de présider cette audience et qu’il ne peut donc pas en toute conscience se lier par le serment ou l’affirmation solennelle qui est nécessaire pour témoigner et présenter des arguments devant cet honorable tribunal ».

[20] Après avoir lu sa déclaration, l’appelant a commencé à ramasser ses choses et à se préparer à quitter la salle d’audience. En réponse à ma question visant à savoir s’il retirait ou non son appel, il a affirmé qu’il ne le faisait pas. Toutefois, il a réaffirmé, en réponse à d’autres questions, qu’il n’était pas prêt à poursuivre l’instance si c’est moi qui suis investi du pouvoir décisionnel et il m’a renvoyé au libellé de sa déclaration à cet effet. Les commentaires de l’avocate de l’intimé se limitaient à ses préoccupations selon lesquelles étant donné que l’appelant refusait de prêter serment ou de faire une déclaration solennelle, il serait difficile de présenter la preuve sans possibilité de contre-interrogatoire. J’ai ajourné l’audience en indiquant que je me pencherais sur les étapes suivantes.

[21] Il est arrivé en de nombreuses occasions, alors que je tentais d’expliquer la procédure à l’appelant et de lui indiquer qu’il ne pouvait pas revenir sur des questions déjà réglées, qu’il m’interrompe de manière agressive et qu’il formule des allégations de partialité et de préjudice lorsqu’il était en désaccord avec mes propos.

[22] Le 1er mai 2008, après avoir revu le compte rendu de l’audience et ceux des audiences préliminaires précédentes ainsi que la correspondance pertinente, j’ai écrit aux deux parties. J’ai noté l’impasse causée par le refus incessant de l’appelant de mon pouvoir de diriger l’appel et son refus de prêter serment ou de faire une déclaration solennelle si je demeure l’agent d’appel en l’espèce. J’ai également indiqué que je demeurais du même avis que celui exprimé dans ma décision interlocutoire sur la partialité en date du 29 novembre 2007, selon lequel « rien n’indique que j’ai pris des décisions abusivement jusqu’à maintenant ou que je ne continuerais pas de statuer de manière équitable dans cet appel. » J’ai conclu en demandant leurs arguments sur la question de savoir si je devrais statuer sur la question en fonction de la preuve déposée à l’audience à ce jour, et en demandant des réponses d’ici le 15 mai 2008. L’appelant a répondu le 9 mai 2008. L’intimé a demandé plus de temps et a répondu le 23 mai 2008. L’appelant a envoyé une réfutation le 26 mai 2008.

[23] Dans sa réplique du 9 mai 2008, l’appelant revenait sur la question de l’accès aux documents contenus dans son compte de courriels sur l’intranet de SCC. Il a également fait mention des documents qu’il avait fait parvenir au Bureau d’appel précédemment et a fait fi de la nécessité, expliquée pendant l’audience, que ces documents soient produits comme il se doit dans le cadre d’une audience s’il désire les utiliser pour présenter sa preuve. La question de ma partialité a de nouveau été soulevée. L’appelant soutenait que j’étais fermé à ses arguments. Il a de nouveau remis en question la légitimité de mon pouvoir de tenir une audience sur les allégations de partialité malgré des renseignements à l’effet contraire qui lui ont été transmis par le directeur du Bureau canadien d’appel dans des lettres datées du 16 mai et du 31 mai 2007. L’appelant a conclu en mentionnant que si je ne me récuse pas de l’affaire, il [traduction] « attendrait avec impatience de recevoir la décision finale dans cette affaire ».

[24] Dans sa lettre du 23 mai 2008, l’avocate de l’intimé affirmait que [traduction] « d’abord et avant tout, l’employeur est d’avis que l’appelant a retiré ou abandonné son appel ». L’avocate a basé sa position sur le contenu de la pièce A-5 et a cité, entre autres points, la déclaration de l’appelant, qui s’y trouve, concernant son [traduction] « incapacité à continuer dans le cadre de l’appel en l’instance car il relève actuellement du pouvoir décisionnel de M. McDermott. » Dans l’éventualité où je ne conclus pas que l’appel a été retiré ou abandonné, l’employeur estime que [traduction] « je peux et que je devrais statuer sur l’affaire d’après les témoignages donnés et la preuve déposée à ce jour ». L’avocate croit qu’il est significatif que l’appelant n’a pas témoigné et qu’elle n’a pas eu l’occasion de le contre-interroger. Elle soutient que la jurisprudence est claire et que quiconque fait une affirmation doit en établir la preuve prima facie. Elle prétend que le seul témoignage donné à l’audience était celui de l’ASS Tomlin et que la seule preuve devant l’agent d’appel est la décision de l’ASS établissant l’absence de danger qui, selon ses dires, demeure non contredite.

[25] Dans sa réfutation datée du 26 mai 2008, l’appelant déclare qu’il n’a pas retiré son appel et affirme qu’il a répondu en conséquence à ma question directe sur le sujet. Il prétend que l’ASS a enfreint la procédure d’enquête et qu’il a pris arbitrairement sa décision établissant l’absence de danger. En ce qui concerne le commentaire de l’avocate de l’intimé sur l’absence de possibilité de le contre-interroger, l’appelant offre [traduction] « si le Tribunal le demande » de se soumettre à un contre-interrogatoire et ajoute qu’il devrait lui aussi être autorisé à contre-interroger les représentants de l’intimé. Sur ce dernier point, il convient de préciser que le droit de l’appelant de contre-interroger les témoins de l’intimé n’avait jamais été remis en question. Dans la lettre, il revient également sur la question de la partialité en indiquant que le motif pour lequel il a quitté l’audience le 27 mars 2008 était mentionné dans la déclaration qu’il a fait à la même date (pièce A-5). Il conclut en remettant encore une fois en question mon pouvoir d’entendre les allégations de partialité et en demandant au Bureau canadien d’appel (maintenant le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada) d’envisager la nomination d’un autre agent d’appel.

[26] Tout d’abord, il faut déterminer si l’appelant a effectivement retiré ou abandonné son appel. Dans sa réponse à ma question directe sur le sujet, posée après qu’il ait déposé son document du 27 mars 2008, il a affirmé qu’il ne retirait pas son appel. Quand j’ai de nouveau posé la question lorsque l’appelant se préparait à quitter l’audience, il m’a renvoyé au contenu de la pièce A-5. Dans ce document, l’appelant indique son incapacité de poursuivre son appel en mentionnant clairement qu’il ne reconnaît pas la légitimité de ma compétence pour tenir l’audience. Sa lettre du 9 mai 2008 ne modifie pas substantiellement sa position autrement qu’en demandant le prononcé d’une décision si je ne me récuse pas. Dans sa lettre de réfutation du 26 mai 2008, il prétend qu’il n’a pas retiré son appel, mais il maintient ses allégations de partialité. Il demande à nouveau que le Bureau canadien d’appel établisse si la question devrait être renvoyée à un autre agent d’appel. Il indique que si le Tribunal le lui demande, il se soumettra à un contre-interrogatoire, ce qui reflète ce qu’il a affirmé à l’audience du 27 mars 2008, c’est-à-dire qu’il répondrait à un subpoena.

[27] Bien que l’appelant insiste pour dire qu’il n’a pas retiré son appel, on pourrait soutenir qu’il l’a abandonné en prétendant avec insistance qu’il ne poursuivra pas si je demeure l’agent d’appel. Fait significatif, sa lettre du 27 mars 2008 (pièce A-5) a été rédigée avant le début de l’audience et il s’est efforcé de la déposer au début de l’instance. Cela laisse croire, à tout le moins, que sa présence à l’audience n’avait pas pour but de poursuivre son appel, mais plutôt de revenir sur des questions qui avaient été tranchées et, comme il l’a dit à un moment donné, d’établir dans quelle mesure il a été traité de manière inéquitable. Dans sa lettre de réfutation du 26 mai 2008, l’appelant déclare qu’il répondrait à une demande « du Tribunal » de se soumettre à un contre-interrogatoire. Une réponse évidente serait qu’il appartient à l’appelant lui-même de décider de poursuivre son appel et non au Tribunal ou à l’intimé de le contraindre à le faire. Outre ces considérations, toute valeur probante qui pourrait être accordée à son offre conditionnelle de dernière heure est contrée par les efforts continus de l’appelant de me faire retirer, moi personnellement, du dossier. Après avoir tenu compte de tous les éléments pertinents, j’ai conclu que l’appelant a maintenu la position qu’il a affirmé dans sa lettre du 27 mars 2008 (pièce A-5) au sujet de son [traduction] « incapacité à continuer dans le cadre de l’appel en l’instance car il relève actuellement du pouvoir décisionnel de M. McDermott. » J’ai répondu aux allégations de partialité dans ma décision interlocutoire du 29 novembre 2007 et je n’ai trouvé aucun motif justifiant ma récusation. Je maintiens cette opinion.

[28] Malgré la possibilité que l’appelant ait abandonné son appel, je Iui accorderai le bénéfice du doute et j’accepterai sans réserve sa déclaration selon laquelle il n’a pas retiré son appel. Ainsi, je rendrai une décision comme il le demandait dans sa lettre du 9 mai 2008. Ce qui est également conforme avec l’autre possibilité proposée dans la lettre de l’avocate de l’intimé datée du 23 mai 2008, selon laquelle si je ne conclus pas que l’appelant a retiré son appel, je peux et je devrais statuer sur l’affaire sur la base du témoignage et de la preuve présentés à l’audience à ce jour.

[29] Il importe de rappeler que l’appel porte sur la décision de l’ASS Tomlin établissant l’absence de danger rendue initialement le 8 novembre 2006 et reprise dans son rapport narratif daté du 17 novembre 2006. Cette décision n’a pas maintenu le refus de l’appelant d’exécuter les fonctions du chef du service d’incendie de l’établissement, qui représentent une partie de ses fonctions à l’Établissement de Joyceville de SCC. Tel qu’il est exposé en détails au paragraphe deux, qui précède, l’appelant croyait qu’agir ainsi constituerait un danger pour lui-même et pour autrui et prétendait qu’il n’a jamais reçu de formation adéquate. C’est le fond de l’appel et, comme l’indiquait l’avocate de l’intimé, le seul témoignage ainsi que la seule preuve présentés sur le fond sont ceux qui sont donnés par l’ASS Tomlin.

[30] Au cours de son contre-interrogatoire de l’ASS Tomlin, l’appelant s’est demandé si l’enquête sur son refus a été menée conformément au paragraphe 129(1) du Code. La disposition exige qu’une enquête soit effectuée en présence de l’employeur, de l’employé et d’un membre employé du comité de santé et sécurité en milieu de travail. Dans son témoignage, l’ASS Tomlin a déclaré qu’il a rencontré l’appelant, Mme Manson-Shillington, son membre du comité de sécurité en milieu de travail et M. Wayne Buller, le représentant de l’employeur, le 27 octobre 2006. Il a fait valoir que lorsque la rencontre a pris fin, ce volet de son enquête était terminé. Il a en outre déclaré qu’il a ensuite mené d’autres enquêtes et effectué d’autres recherches à l’extérieur de l’Établissement. Ni l’appelant ni son représentant n’étaient présents à ces réunions. Tel qu’il était indiqué précédemment au paragraphe douze, si l’audience s’était poursuivie, il aurait été possible d’examiner davantage la nature des enquêtes et de la recherche subséquentes. Toutefois, même si j’avais conclu après une enquête complémentaire que le processus d’enquête était vicié, j’aurais pu, à titre d’agent d’appel, procéder de novo pour entendre la substance sous-jacente de l’appel, c’est-à-dire la validité du refus de l’appelant en application du paragraphe 128(1) du Code. (Voir Douglas Martin et AFPC c. Procureur général du Canada, 2005 CAF 156, au paragraphe 28).

[31] Qu’il s’agisse strictement d’un appel de la décision de l’ASS ou d’un examen de novo du refus d’exercer un travail dangereux, l’appelant doit établir le bien-fondé de ses arguments. Les pouvoirs d’un agent d’appel prévus par le paragraphe 146.2 du Code sont vastes et lui accordent une discrétion quant à la façon de tenir l’audience. Ainsi, j’ai accordé à l’appelant beaucoup de latitude dans la façon dont il a mené ses interventions à l’audience, mais il a choisi de se servir de cette latitude essentiellement pour revenir sur des questions déjà tranchées. Un appelant doit tout au moins présenter ses arguments et s’attendre à ce que les témoignages donnés et la preuve soumise soient testés quant à leur validité et à leur pertinence. À l’audience, l’appelant n’a ni témoigné ni présenté de preuves documentaires ou autres à l’appui de son appel. Il a eu amplement l’occasion de le faire. En reconnaissance du fait qu’il s’est représenté lui-même, il s’est fait offrir dès le début des conseils sur la procédure comme la production de documents et la façon d’assigner des témoins. Ces conseils ont généralement excédé ce que l’on offre habituellement à une partie. Il n’a pas suivi les conseils et a maintenu son attitude de contestation. Il a considéré des décisions préliminaires et procédurales avec lesquelles il est en désaccord comme des preuves de partialité plutôt que comme le reflet de la jurisprudence ou de la pratique.

[32] Compte tenu des témoignages présentés et de la preuve déposée à l’audience et du défaut de l’appelant de présenter des arguments à l’effet contraire, je conclus que l’appel n’a pas été justifié et qu’en application de l’alinéa 146.1(1)a) du Code, la décision de l’agent de santé et de sécurité est confirmée. Par conséquent, l’appel est rejeté.

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Michael McDermott
Agent d’appel


Sommaire de la décision de l’agent d’appel

Décision : OHSTC-08-016

Appelant : Mahalingam Singaravelu

Intimé : Service correctionnel Canada

Dispositions :

Code canadien du travail, partie II 129(7), 129(4), 128, 146(2), 127(9), 146.2a),129(1), 128(1), 146.2, 146.1(1)a)

Mots clés : décision établissant l’absence de danger, chef du service d’incendie de l’établissement, décision interlocutoire, preuve, retrait, abandon

Sommaire :

Le 10 novembre 2006, M. Mahalingam Singaravelu a interjeté appel de la décision établissant l’absence de danger rendue par l’agent de santé et de sécurité (ASS) Bob Tomlin le 8 novembre 2006.

Le jeudi 27 mars 2008, une audience a eu lieu à Kingston, en Ontario.

Après son examen, l’agent d’appel a confirmé la décision de l’ASS Tomlin. L’appel est par conséquent rejeté.

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