Archivée - Décison: 08-022 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

Informations archivées

Les informations archivées sont fournies aux fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elles ne sont pas assujetties aux normes Web du gouvernement du Canada et n'ont pas été modifiées ou mises à jour depuis leur archivage. Pour obtenir ces informations dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Dossier no : 2008-06
Décision no : OHSTC-08-022

Marc Duguay
appelant

et

Société Radio-Canada (SRC
intimée

Le 29 août 2008

Cette affaire a été tranchée par l'agent d'appel Richard Lafrance.

Pour l'appelante
Marc Duguay
Glenn Gray, président national, Guilde canadienne des médias

Pour l'intimée
Harry Phillips, gestionnaire principal, Santé et sécurité, Société Radio Canada
Marc Germain, gestionnaire principal, Stations émettrices, Ontario

I. Nature de l'appel

[1] Il s'agit d'un appel interjeté par M. Marc Duguay, en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail, partie II, (le Code), au sujet d'une décision concluant à l'absence de danger que l'agente de santé et de sécurité (ASS) Fancy Smith a rendue le 20 février 2008. Une audience s'est tenue à Kapuskasing (Ontario) le 17 juin 2008.

[2] La question à trancher en l'espèce est de savoir si l'employé, M. Duguay, était exposé, au moment du refus, à un danger au sens qu'en donne le Code.

II. Contexte

[3] La présente section repose sur les rapport et témoignage de l'agente de santé et de sécurité ainsi que de M. Duguay.

[4] M. Duguay est technologue principal, Émetteurs éloignés, à la Société Radio Canada (SRC). Son poste d'attache se trouve à la station émettrice située sur le chemin St Jean, à Moonbeam (Ontario), également appelée station émettrice de Kapuskasing (Kapuskasing Tx).

[5] Le 23 janvier 2008, M. Duguay a refusé de se présenter au travail, déclarant, dans un courriel adressé à son gestionnaire, que [traduction] " en me fondant sur la preuve documentée d'un travail de nettoyage qui laisse plus qu'à désirer, j'estime que la base de Kapuskasing Tx n'est pas sécuritaire et présente un danger réel pour ma santé ".

[6] Cette situation est survenue en octobre 2006, lorsque M. Duguay a signalé, dans la banque informatisée de données de la SRC sur l'inspection des lieux de travail, la présence de moisissures à la base de Kapuskasing Tx. Il a de nouveau soumis un rapport d'inspection de santé et sécurité à la direction en novembre 2006. Il n'y a aucune réponse de la direction à ce rapport. À l'audience, M. Germain a fait le commentaire que bien que cela ait pu être signalé dans la banque de données, M. Duguay aurait dû le contacter directement à ce sujet. Il n'était pas au courant des rapports dans la banque de données d'inspection de sécurité.

[7] Finalement, en mai 2007, des représentants de la direction ont procédé à une inspection du lieu de travail. L'employeur a reconnu l'existence du problème et fait inspecter les lieux en juillet 2007 par MouldCLEAN, une entreprise spécialisée dans l'élimination des moisissures. Pour prévenir une exposition, le superviseur de M. Duguay l'a transféré à un autre lieu de travail en attendant que les résultats des tests soient connus et, le cas échéant, jusqu'à ce que les travaux nécessaires aient été effectués.

[8] M. Duguay a déclaré qu'on avait finalement fait venir MouldCLEAN pour nettoyer le système de ventilation en août 2007 et que, lorsque ce travail a été terminé, l'entreprise a confirmé qu'il n'y avait pas de moisissures dans le bâtiment. M. Duguay est alors retourné travailler à cet endroit.

[9] M. Duguay a été en congé de maladie du 6 septembre au 7 décembre 2007. Aucune raison expliquant ce congé de maladie n'a été produite à l'audience et aucun lien n'a été établi avec l'affaire en instance.

[10] M. Duguay a confirmé qu'en octobre 2007, à la demande de la SRC, on l'a fait examiner à la clinique Riverfront Medical Services de Toronto, afin de déterminer s'il était allergique aux moisissures. Dans un rapport écrit produit à l'audience, le médecin a confirmé que les résultats d'un test de réactions allergiques avaient indiqué que M. Duguay n'était pas allergique à divers types de moisissures.

[11] En outre, le médecin s'est dit d'avis que la quantité de moisissures que renfermaient les échantillons d'air prélevés par MouldCLEAN était insuffisante pour causer des réactions allergiques.

[12] Qui plus est, il a estimé que, dès lors que l'immeuble avait été nettoyé, M. Duguay n'avait aucune raison de ne pas y retourner travailler. Toutefois, il s'est bel et bien dit préoccupé par la présence de chauves souris au lieu de travail. La possibilité de l'existence d'un perchoir ou d'une aire de repos de chauves souris dans le grenier pourrait signaler la présence d'un terreau fertile à la croissance d'un histoplasme fongique. Cependant, cela ne devrait pas inquiéter M. Duguay, puisqu'il n'a pas à travailler au grenier. Cela pourrait être néanmoins une source de préoccupation pour les autres employés susceptibles de devoir accéder au grenier.

[13] En octobre 2007, MouldCLEAN a signalé de plus que le problème à la station de Kapuskasing avait été réglé et qu'on avait trouvé des millions de mouches mortes sous les bureaux et d'autres meubles ainsi qu'à la grille d'entrée d'air du système de ventilation. Ces mouches ont été ramassées " à la pelle " par MouldCLEAN.

[14] MouldCLEAN a déclaré qu'après qu'elle eût désinfecté l'immeuble, le niveau de contaminant s'est immédiatement corrigé de lui même et que la qualité de l'air ambiant était supérieure à l'air extérieur. Le rapport n'indiquait toutefois pas de quels contaminants particuliers il s'agissait.

[15] En décembre 2007, après le dépôt du diagnostic médical, l'employeur a demandé à M. Duguay de retourner au travail.

[16] M. Duguay a témoigné qu'à son retour au travail, en décembre 2007, il avait informé son gestionnaire que GT Plumbing, un entrepreneur en plomberie et en chauffage, avait trouvé des chauves souris mortes et quantité de mouches mortes dans l'unité de ventilation, alors qu'il effectuait des travaux de maintenance sur le système de ventilation. L'entrepreneur a trouvé que diverses composantes du système de ventilation n'avaient pas été adéquatement nettoyées par MouldCLEAN en août. Des photographies prises alors et présentées à l'audience montrent la présence de moisissures et d'autres pollens de " poussière " à l'intérieur des pièces d'entrée d'air du système de ventilation. En outre des déjections de chauves souris et de souris ainsi que quantité de mouches mortes ont été trouvées dans le grenier. L'entrepreneur a passé l'aspirateur et a nettoyé le grenier ainsi que les parties affectées du système de ventilation. Il a recommandé que l'on nettoie plus en profondeur l'unité pour des raisons sanitaires, afin de retirer les résidus d'insectes qui s'étaient englués et qui, à son avis, pouvaient causer des maladies.

[17] Le 17 janvier 2008, l'entreprise MouldCLEAN a déclaré à la SRC qu'elle avait inspecté la station le 15 janvier et qu'aucune contamination aux moisissures n'avait alors été décelée au moment de l'inspection.

[18] Le 23 janvier 2008, M. Duguay a exercé son droit de refuser de travailler au motif que [traduction] " en me fondant sur la preuve documentée d'un travail de nettoyage qui laisse plus qu'à désirer, j'estime que la base de Kapuskasing Tx n'est pas sécuritaire et présente un danger réel pour ma santé. Je refuse donc d'entrer dans cet immeuble. Je continuerai de travailler aux autres endroits auxquels j'ai été affecté et d'accomplir des tâches à partir de mon domicile, ainsi que l'a demandé la direction ".

[19] La SRC a une procédure de sécurité en place pour enquêter sur les incidents de [traduction] " droit de refuser ". Cette politique, jointe au rapport de l'ASS, semble correspondre aux étapes de la procédure établie par le Code et prévoit la participation de l'employé auteur du refus, du gestionnaire de ce dernier et du comité de santé et de sécurité à l'étude du refus de travailler. Cependant, aux dires de M. Duguay, pareille étude n'a jamais eu lieu. Personne ne s'est rendu à son lieu de travail si ce n'est l'agente de santé et de sécurité de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC) lorsqu'elle est venue mener son enquête.

[20] Selon le représentant de l'employeur, une rencontre s'est tenue avec le comité de santé et de sécurité. Toutefois, il semble qu'il y ait eu des désaccords entre les membres du comité et que le représentant de l'employé ait refusé de signer le procès verbal de la réunion. Dès lors que le procès verbal n'était pas signé par les deux parties, il ne pouvait plus être inclus dans le rapport de l'ASS ni soumis pour être produit à l'audience.

[21] On a communiqué avec le service des relations de travail de RHDSC le 12 février 2008 et, ce même jour, l'ASS Smith a commencé son enquête.

[22] Dans le document d'enregistrement du refus écrit et signé de travailler de l'employé que l'ASS Smith a reçu, M. Duguay déclarait qu'il refusait de travailler en raison de [traduction] " signes évidents de la présence de moisissures toxiques trouvées aux prises d'air et dans le circuit de génération d'air et du fait qu'il semblait que MouldCLEAN n'avait pas nettoyé la prise d'air frais et que le réseau de gaines n'avait été que partiellement nettoyé. L'enlèvement de moisissures n'a pas été fait comme il se doit et MouldCLEAN n'a pas corrigé la cause du problème ".

[23] L'ASS Smith a indiqué dans son rapport que cette situation perdurait depuis longtemps, puis qu'elle remontait à 2006, lorsqu'un rapport a signalé la présence de moisissures au lieu de travail en question.

[24] L'ASS Smith a indiqué qu'elle s'était assurée que l'employeur avait bien suivi la procédure s'appliquant aux enquêtes sur les refus de travailler. Selon elle, il a eu une certaine forme d'enquête menée par l'employeur et le comité de santé et de sécurité. Néanmoins, elle a aussi fait valoir qu'elle n'était pas là pour juger de l'enquête mais simplement pour s'assurer qu'il y en avait eu une.

[25] L'ASS a inspecté le lieu de travail en cause et a pris connaissance des rapports soumis par MouldCLEAN ainsi que des rapports de laboratoire produits par la même entreprise. L'ASS Smith a mentionné que lors de son inspection du lieu de travail, elle a soigneusement examiné tous les endroits accessibles du lieu de travail ainsi que le système de ventilation.

[26] Elle a consulté son conseiller technique ainsi qu'une hygiéniste industrielle du Programme de relations de travail de RHDSC. L'hygiéniste industrielle a estimé que, d'après le rapport de laboratoire soumis, il ne semblait pas y avoir de problème de moisissure au lieu de travail. Elle a toutefois mentionné qu'elle n'était pas familière avec le matériel et les techniques de prélèvement utilisés par MouldCLEAN pour prélever des échantillons microbiens et (ou) pour prendre des lectures de particules au laser. Elle a donc averti l'ASS qu'il lui faudrait faire preuve de prudence dans l'interprétation des résultats, étant donné que les recommandations de Santé Canada concernant les infections microbiennes sont basées sur des protocoles et des techniques de prise d'échantillons différents. Eu égard aux lectures de particules au laser, là encore, elle n'avait pas de lignes directrices auxquelles se reporter pour effectuer une analyse comparative des résultats.

[27] L'ASS a également consulté le gérant de MouldCLEAN relativement aux tests effectués ainsi qu'aux mesures correctives que l'entreprise avait prises.

[28] L'ASS Smith a appris ce qui suit de MouldCLEAN :

  • les tests sur la qualité de l'air intérieur ont été menés dans des conditions identiques à celles auxquelles l'employé aurait été exposé;
  • tout le réseau de gaines a été inspecté et nettoyé à l'intérieur comme à l'extérieur. On a utilisé de l'eau et du savon pour nettoyer les gaines et conduits d'air ainsi qu'une petite quantité de Foster, un produit désinfectant;
  • MouldCLEAN a également inspecté le grenier, mais n'y a pas trouvé de moisissures. Sur ce point, l'employeur a fait observer, à l'audience, que les services de MouldCLEAN avaient été retenus pour enquêter sur la question et corriger le problème des moisissures.

[29] En posant d'autres questions, l'ASS a également appris ce qui suit :

  • lors des premiers tests, on a trouvé sur les gaines et conduits d'air une petite quantité de moisissures que l'on pouvait facilement éponger;
  • d'après les résultats de leurs tests, cette quantité de moisissures était très faible;
  • l'entreprise n'a pas été en mesure d'émettre des commentaires sur l'effet toxique des moisissures;
  • pour ce qui est des échantillons d'analyse indiquant un résultat de type " trop nombreux pour être dénombrés " (en anglais, TNC too numerous to count), il a été expliqué que cela concernait la zone dans laquelle les échantillons avaient été prélevés et que cela ne reflétait pas la situation de tout l'immeuble. Il faut mettre cela dans le contexte de l'inspection des lieux;
  • même si la quantité de matières fongiques découverte était légèrement supérieure à la norme acceptable précisée dans les lignes directrices de Santé Canada, dès lors que l'écologie fongique extérieure était comparable à celle de l'air ambiant, cela signifiait qu'aucune amplification ne se produisait à l'intérieur;
  • au chapitre des lignes directrices ou méthodes utilisées par l'entreprise relativement aux lectures de particules au laser, aucune directive ou norme n'a été citée. Cependant, mouldCLEAN a indiqué à l'ASS que si une lecture des particules au laser peut s'avérer utile pour déterminer s'il y a dans l'air des particules de la taille d'un spore de moisissure, cette mesure n'est faite qu'à titre indicatif. Ce qui compte réellement, c'est l'inspection des lieux en tant que telle;
  • questionnée au sujet de la fiabilité des résultats des tests finaux pour en arriver à une estimation acceptable des niveaux, MouldCLEAN a répondu qu'elle n'a jamais décelé la présence d'une quantité significative de moisissure, n'en trouvant que de petites quantités sur certains conduits. De l'avis de l'entreprise, le bâtiment était extrêmement bien ventilé, l'air étant filtré au niveau du millibar (hectopascal).

[30] M. Duguay a indiqué lors de son témoignage que, il y a de ça quelques années, pour économiser l'électricité, le gestionnaire de l'époque lui avait demandé de ne faire marcher que le système de ventilation d'urgence. Ce système est beaucoup plus petit que le circuit principal, de sorte qu'il renouvelle moins l'air au lieu de travail. Jusqu'au jour de l'audience, un seul système de ventilation était en marche. Comme l'ASS l'a indiqué dans son rapport, les mêmes conditions prévalaient au moment où elle a pu effectuer son enquête.

[31] En se reportant aux résultats des tests sur l'air effectués par MouldCLEAN, au Guide technique pour l'évaluation de la qualité de l'air dans les immeubles à bureaux de Santé Canada et au Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail ainsi qu'en tenant compte de l'opinion experte de l'hygiéniste industrielle du Programme du travail, l'ASS Smith a fait l'extrapolation que les résultats que MouldCLEAN avait obtenus satisfaisaient aux exigences des lignes directrices de Santé Canada. En conséquence, elle a conclu qu'il n'existait pas de danger et que M. Duguay devait retourner au travail.

[32] Plus d'un mois après, lorsque l'employeur a retenu les services d'une entreprise pour nettoyer et remplacer les éléments d'isolation qui, dans le grenier, avaient été contaminés par des excréments de chauves souris et de souris, ladite entreprise de construction a découvert que le toit fuyait et que de la moisissure s'était accumulée à l'intérieur des parois des façades nord et sud et, après avoir retiré les panneaux de gypse, a trouvé de la moisissure ainsi qu'une [traduction] " matière verte grouillante " qui poussait à l'intérieur des voliges.

[33] Des travaux ont été commandés pour faire enlever le placoplâtre et la mousse d'isolation de la façade sud puis faire nettoyer la zone contaminée. Au moment de la tenue de l'audience, des travaux étaient en cours pour faire reconstruire le toit de l'édifice et, à terme, réparer le mur du côté sud avant l'hiver.

[34] Toutefois, selon M. Duguay, rien n'est fait pour corriger la situation de la façade nord dont l'entrepreneur a remarqué qu'elle était aussi endommagée par l'eau.

III. Arguments de l'appelant

[35] M. Duguay a déclaré qu'il a finalement exercé son droit de refus parce qu'il s'indignait que l'on ne fasse rien pour régler ses problèmes de santé. Il estimait que ses problèmes de santé étaient causés par la moisissure présente dans le bâtiment et sur système de ventilation ainsi que par les excréments de chauves souris et de souris trouvés dans le grenier. Il a témoigné qu'en 28 ans de service à la SRC il n'avait jamais refusé de se présenter au travail. Il continuera de travailler à tout autre endroit. Cependant, il pense que les conditions qui règnent à la tour de trasnmission de Kapuskasing le rendent malade. Entre autres problèmes de santé éprouvés, il a mentionné la dépression, la fatigue chronique, le stress, l'irritabilité et les saignements de nez.

[36] M. Duguay a ajouté dans son témoignage que le manque de coopération de la direction ainsi que du comité de santé et de sécurité à l'égard de sa situation audit lieu de travail lui causait de la frustration.

[37] M. Duguay a déclaré que, pendant qu'elle procédait à l'inspection, l'entreprise MouldCLEAN avait décelé des dommages causés par l'humidité, mais que l'employeur n'avait rien fait pour corriger la situation, si ce n'est dernièrement, et encore là, de façon partielle. Les prises d'air du système de ventilation et le mur nord du bâtiment ne sont toujours pas nettoyés.

[38] M. Glenn Gray, président national de la Guilde canadienne des médias a déclaré en résumé que les photographies non contestées qui ont été produites à l'audience montraient que de la moisissure était toujours présente dans le système de ventilation ainsi qu'à la surface ou à l'intérieur des parois. Il est clair qu'un problème de moisissure se pose dans cet immeuble et ce que M. Duguay demande est que la ventilation et le bâtiment soient nettoyés une fois pour toutes et réparés de manière que le problème ne réapparaisse pas.

[39] M. Gray a mentionné qu'une courte visite de l'agent d'appel au lieu de travail le convaincrait qu'il existe toujours un problème à ce lieu de travail et qu'il est dangereux pour la santé de M. Duguay d'y travailler.

IV. Arguments de l'intimée

[40] M. Harry Phillips représentait l'employeur et a soutenu que la SRC avait pris toutes les mesures raisonnables pour corriger le problème de moisissures. Il a ajouté que, de l'avis de l'employeur, à aucun moment l'employé, M. Duguay, ne s'était trouvé dans une situation de danger.

[41] M. Phillips a convenu que, à certains périodes mentionnées dans la chronologie des événements présentée par M. Duguay, il y avait eu des problèmes mineurs relatifs à la présence de moisissures dans le bâtiment en question.

[42] Il a maintenu que la position de l'employeur était étayée par l'enquête approfondie menée par l'ASS ainsi que par l'hygiéniste industrielle des services techniques de RHDSC. Il a fait valoir que l'hygiéniste industrielle elle même avait indiqué dans un courriel adressé à l'ASS, que, à la lumière du rapport présenté par MouldCLEAN, elle croyait qu'il n'y avait pas de problème de moisissures au lieu de travail.

[43] En outre, il a argué que, moins d'une semaine avant le refus de travailler de M. Duguay, MouldCLEAN avait inspecté les lieux et déclaré qu'aucune contamination fongique n'a été découverte au moment de l'inspection.

[44] M. Phillips a admis qu'une inspection ultérieure du grenier avait révélé l'existence de vermine; toutefois, il croit qu'il ne s'agissait pas là de la cause du refus et que, de toute manière, cela ne présentait pas de danger pour M. Duguay, vu que ses tâches ne l'obligeaient pas à entrer dans le grenier. M. Phillips soutient que, quoi qu'il en soit, cette aire a également été nettoyée et étanchéifié pour empêcher de futures infestations.

[45] M. Phillips s'est opposé à la visite du lieu de travail par l'agent d'appel, déclarant que tout ce qu'on pourrait y voir était un mur qui a été gratté pour être débarrassé des moisissures qui le recouvraient. La finition du mur sera faite une fois que le nouveau toit aura été construit, vu qu'il ne serait pas raisonnable de la faire avant d'avoir remplacé le toit qui fuit.

[46] Toujours est il que M. Phillips a soutenu qu'il n'existait pas de danger au lieu de travail et que la conclusion à l'absence de danger de l'agente de santé et de sécurité devrait être maintenue.

Dispositions législatives pertinentes, Code canadien du travail, Partie II (voir Annexe 1)

Analyse

[47] Dans l'affaire en instance, il s'agit de déterminer si, lors des circonstances qui prévalaient au moment du refus, M. Duguay était ou non exposé à un " danger ", au sens du Code.

[48] Pour trancher cette question, il me faut tenir compte des circonstances qui existaient au moment du refus, des motifs avancés par l'ASS lorsqu'elle a rendu sa décision ainsi que des dispositions législatives pertinentes.

[49] Cela étant dit, toutefois, ainsi que l'a fait valoir le juge Rothstein dans l'affaire Martin , l'appel interjeté devant un agent d'appel est un appel de novo. En conséquence, cela m'autorise à recevoir et prendre à nouveau en considération toute preuve que les parties peuvent avoir à produire, que ces éléments de preuve soient entrés ou non en ligne de compte ou qu'ils aient été ou non mis à la disposition de l'agente de santé et de sécurité au moment de l'enquête qu'elle a menée.

[50] En ce qui trait aux circonstances, je dois tout d'abord déterminer les raisons pour lesquelles M. Duguay a refusé de travailler à la tour de transmission de Kapuskasing. Il est établi depuis longtemps que le droit de refuser de travailler ne peut être invoqué pour accélérer la résolution de problèmes de santé et de sécurité au travail, ainsi qu'on l'a fait valoir dans la décision Don Boucher et James Stupor et Service correctionnel Canada.

[51] Néanmoins, il m'est d'avis, ainsi qu'on l'a établi dans la décision Simon c. Société canadienne des postes , que l'existence de tensions ou de désaccords entre l'employeur et les employés sur des questions particulières ne doit pas empêcher un employé de se prévaloir de son droit de refuser de travailler et de bénéficier de la protection du Code si cet employé a l'intime conviction d'avoir des motifs raisonnables de croire à l'existence d'un danger.

[52] Dans le cas qui nous occupe, on a clairement reconnu qu'il existe un problème relié à la présence de moisissures au lieu de travail. En octobre 2006, M. Duguay a signalé cette situation, comme il le fallait, dans la banque de données informatisée de l'employeur. Le lieu de travail a finalement été inspecté par la direction plus de six mois après, et une opération de nettoyage a été amorcée quelques mois plus tard. Je note au passage que, malgré l'existence d'un mécanisme informatisé perfectionné de signalement d'incidents, il y a une absence évidente de stratégie de communication dans la procédure mise en place par l'employeur.

[53] Après le nettoyage effectué par MouldCLEAN, on trouvait encore en décembre 2007, de la moisissure sur les éléments de prise d'air et sur d'autres parties du système de ventilation. Bien que l'on n'ait procédé à aucune opération de nettoyage après ces constats, MouldCLEAN a indiqué, dans une lettre datée du 17 janvier, qu'elle n'avait trouvé aucune contamination aux moisissures au moment de son inspection du lieu de travail effectuée le 15 janvier. Des photographies prises quelques mois plus tard par un entrepreneur en rénovations montraient la présence de moisissures à l'intérieur des murs de l'édifice.

[54] Manifestement, il y avait un problème de moisissures à ce lieu de travail. Bien que des correctifs aient été apportés, ces mesures n'ont pas suffi pour nettoyer l'endroit immédiatement et complètement, s'assurer de trouver la cause du problème et le régler en sorte qu'il ne se reproduise pas.

[55] La question qui se pose, toutefois, est la suivante : la présence de moisissures dans un lieu de travail peut elle être considérée comme un " danger " pour les employés, au sens où l'entend le Code?

[56] Dans le Code, un danger est défini comme suit :

" danger " Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[57] Dans le document (mentionné plus haut) intitulé Guide technique pour l'évaluation de la qualité de l'air dans les immeubles à bureaux, la question des moisissures est abordée à la section 5.2.8, " Microbes ". On y précise les points suivants :

  • Les moisissures représentent une grande variété de microbes (microorganismes) qui peuvent se retrouver à l'intérieur. Une contamination se produit souvent lorsqu'un défaut du bâtiment, du système de CVC (chauffage, ventilation, climatisation) ou d'un autre système permet la prolifération de microorganismes.
  • La contamination de l'air intérieur par les microbes peut poser un problème sérieux. Un taux élevé d'humidité, une ventilation réduite, […] et des systèmes de CVC qui produisent de l'eau ou de la condensation (humidificateurs, serpentins de refroidissement, etc.) permettent la croissance et la dispersion de divers microbes.
  • Cette situation est inquiétante à cause de ses diverses répercussions sur la santé et le confort des humains.
  • L'exposition chronique à la plupart des champignons microscopiques peut provoquer des réactions allergiques et asthmatiques chez les humains et quelques rares espèces peuvent provoquer directement une maladie. Certaines moisissures sont " toxigènes " et produisent des mycotoxines qui s'accumulent souvent dans les spores. On a montré que l'inhalation de spores contenant certaines mycotoxines suscitait un grand nombre des symptômes normalement liés au SÉH .
  • Parmi les autres produits des champignons microscopiques, on compte quelques COV . Certains composés (caractérisés par des odeurs de moisissure) se retrouvent uniquement en présence d'une croissance fongique active considérable. Selon certaines indications, ils pourraient contribuer au SÉH.

[58] J'accorde beaucoup de poids à ce document dans ma décision car il incombe à l'employeur - en vertu du paragraphe 2.27(3) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, à la section Ouvrages permanents - de tenir compte de ce guide en enquêtant sur des situations dans lesquelles la santé et la sécurité d'un employé peuvent être compromises par la qualité de l'air.

[59] À la page 10 du Guide, il est dit que l'analyse d'échantillons d'air peut ne pas signaler la présence de concentrations importantes d'un contaminant quelconque, de sorte que le problème est souvent attribué aux effets combinés de nombreux polluants présents en faible concentration, combinés à d'autres facteurs environnementaux.

[60] À la page 55 du Guide, on discute de l'interprétation des résultats et la question de la nécessité d'identifier les espèces de champignons microscopiques est considérée comme critique à l'analyse. Pour savoir s'il existe un problème, il n'est pas possible de se baser principalement sur des recommandations numériques, quoique ces données numériques puissent se révéler utiles.

[61] À la page 56 du Guide, on fait observer qu'il y a lieu de supposer que les excréments d'oiseaux ou de chauves souris présents près des prises d'air dans des conduites ou dans des locaux contiennent certains agents pathogènes. Il est également indiqué que certaines de ces espèces ne peuvent être mesurées au moyen de techniques d'échantillonnage de l'air.

[62] Dans l'affaire en instance, il a été démontré qu'un problème de moisissures se posait dans le bâtiment, que le toit fuyait et qu'il y avait en outre, dans le réseau de gaines, de la condensation causée par une unité de climatisation située à l'intérieur de ce réseau. Cette humidité a donc causé l'apparition et l'accumulation de moisissures à la surface et à l'intérieur du système de ventilation ainsi que dans les murs extérieurs du bâtiment.

[63] Si l'on en croit le guide technique précité de Santé Canada, il est évident qu'un contact avec des microorganismes atmosphériques tels que des moisissures voire des excréments de chauves souris et de souris - sans tenir compte, pour le moment, de la question des millions de mouches mortes, puisqu'aucune preuve d'effet délétère à cet égard n'est mentionnée dans le Guide - peut peut causer de sérieux problèmes de santé.

[64] En outre, d'autres dimensions telles que le taux de ventilation, le mouvement de l'air et l'humidité, sont autant de facteurs pouvant jouer un rôle dans le syndrome des édifices hermétiques.

[65] Dans son témoignage, M. Duguay a également dit qu'il était malade lorsqu'il travaillait dans le bâtiment en question. Bien qu'il ait subi des tests de dépistage d'allergies aux moisissures dont les résultats ont indiqué qu'il n'était pas allergique à nombre de moisissures, il n'a pas été testé pour quoi que ce soit d'autre. Aucun rapport médical n'a été rédigé sur la nature de sa maladie, pas plus que l'employé n'ait à prouver l'existence d'un danger pour avoir un motif raisonnable de refuser de travailler. À ce sujet, on trouve le passage suivant dans la décision que le Conseil canadien des relations industrielles a rendue dans l'affaire Davis (Re) c. Alberta Wheat Pool :

" [...] il n'incombe à l'employé de prouver l'existence d'un " danger ". Si l'employé a des motifs de croire qu'il y a un danger, l'agent de sécurité doit trancher la question en s'appuyant sur ses propres connaissances ou en faisant appel à des spécialistes au besoin. "

[66] Quoi qu'il en soit, M. Duguay a déclaré que le bâtiment le rendait malade, et j'accorde beaucoup de crédit à cette déclaration. Je remarque qu'il n'a pas refusé d'accomplir son travail ailleurs; en fait, lorsqu'il a signifié son refus de travailler à son gestionnaire, il a indiqué qu'il continuerait d'accomplir ses tâches aux huit autres endroits, ou à peu près, auxquels il était affecté. Peut être étaient ce les moisissures, comme le laisse entendre le formulaire de refus de travailler qu'il a remis à l'ASS. Peut être était ce autre chose; M. Duguay n'est pas expert en la matière, et la seule chose qu'il sait c'est qu'il est malade lorsqu'il travaille à la tour de transmission de Kapuskasing.

[67] Durant son enquête, l'agente de santé et de sécurité n'a même pas envisagé que d'autres problèmes pouvaient se poser hormis la question des moisissures en l'espèce. À la lumière des faits produits, il m'apparaît que, si les moisissures représentaient le problème le plus évident auquel s'attaquer, il n'est pas difficile de se rendre compte que d'autres problèmes pouvaient se poser dans cette situation. Qu'il suffise de se reporter à la définition du " syndrome des édifices hermétiques " dans le Guide pour déterminer qu'il pouvait y avoir plus qu'une question de moisissures :

Syndrome des édifices hermétiques : série de symptômes qui sont liés à une exposition d'ordre chimique, particulaire ou biologique et que l'on ne peut attribuer à une cause spécifique, mais qui s'atténuent lorsque l'occupant quitte le bâtiment. Les symptômes signalés comprennent en particulier maux de tête, nausées, fatigue, somnolence, irritation des yeux, du nez et de la gorge.

[68] Quoiqu'il en soit, ainsi que l'on le fait valoir dans la décision Martin c. Canada , un refus de travailler ne saurait être motivé par de la spéculation ou un point de vue hypothétique. Une inspection conduite par l'employeur a révélé la présence de moisissures dans l'immeuble. La chose a été ensuite confirmée par MouldCLEAN. Le rapport émanant de l'entreprise de services de climatisation de même que les preuves photographiques produites à l'audience confirment aussi la présence d'une certaine quantité de moisissures ainsi que de poussières ou de pollen ou autre substance inconnue aux prises d'air du système de ventilation. Au vu de cela, j'en conclus que M. Duguay avait un motif raisonnable de croire qu'il était exposé à un danger.

[69] Peut on dire pour autant qu'une exposition à des moisissures, des substances fongiques ou de quelconques microorganismes ou un contact indirect avec des déjections de chauves souris et de souris et des mouches mortes puisse être considéré comme un danger ou un risque existant dont on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'il cause une maladie à une personne qui y est exposée avant que l'on puisse corriger cette situation, peu importe que la maladie survienne ou non immédiatement après l'exposition au danger ou au risque? Oui, je le crois.

[70] Comme le dit le Guide, cette situation est inquiétante à cause de ses diverses répercussions sur la santé et le confort des humains. L'exposition chronique à la plupart des champignons microscopiques peut provoquer des réactions allergiques et asthmatiques chez les humains et quelques rares espèces peuvent provoquer directement une maladie. Certaines moisissures sont " toxigènes " et produisent des mycotoxines qui s'accumulent souvent dans les spores. On a montré que l'inhalation de spores contenant certaines mycotoxines suscitait un grand nombre de symptômes normalement associés au SÉH. Je crois que si quelqu'un est exposé à certains types et certaines quantités de moisissures ou d'autres polluants au lieu de travail, ainsi que le décrit le Guide, il est raisonnable de croire que cette exposition peut avoir des répercussions sur la santé de la personne exposée.

[71] En temps normalement, dans une situation semblable, l'employeur enquête sur le refus de travailler en présence de l'employé et d'au moins un autre employé membre du comité de santé et de sécurité ou, si aucun membre du comité n'est disponible, d'une personne en poste au lieu de travail que l'employé ayant opposé son refus aura sélectionnée.

[72] Malheureusement, les choses ne se sont pas déroulées ainsi. L'employeur a décidé de refaire appel à MouldCLEAN pour effectuer des tests sur la qualité de l'air intérieur. Il est donc clair que l'employeur savait qu'un problème de qualité de l'air se posait de par la présence de moisissures et d'autres substances aux éléments de prise d'air du système de ventilation.

[73] Le Code s'accompagne d'un règlement dont la partie II, " Ouvrages permanents ", comporte une section qui traite spécifiquement des systèmes CVCA .

[74] Cette section renferme un article consacré aux " Enquêtes " qui précise ce qui suit au paragraphe 2.27(1) :

L'employeur doit établir une marche à suivre pour enquêter sur les situations où la qualité de l'air dans le lieu de travail nuit ou peut nuire à la santé ou à la sécurité d'un employé, ou confier cette responsabilité à une personne qualifiée.

[75] Jusqu'à un certain point, c'est ce que l'employeur a fait en retenant les services de MouldCLEAN pour enquêter sur la question. Toutefois, on n'a pas dit à cette entreprise qu'elle devait suivre les étapes prévues au Règlement. À cause de cela, je considère que l'enquête était incomplète.

[76] Comme la procédure n'a pas été suivie, il n'a pas été tenu compte du Guide technique pour l'évaluation de la qualité de l'air. Ainsi, de nombreux éléments ou facteurs n'ont pas été pris en considération lors de l'évaluation de la qualité de l'air ambiant au lieu de travail.

[77] D'autre part, eu égard à l'inspection qu'elle a effectuée, l'entreprise MouldCLEAN a dit à l'ASS avoir pratiqué les tests sur le système de ventilation qui était alors utilisé et que l'endroit était très bien ventilé. Toutefois, dans son témoignage, M. Duguay a déclaré - et cela a été corroboré dans le rapport de l'ASS - que le système principal de ventilation été éteint depuis plusieurs années et que seul le système, plus petit, de ventilation d'urgence fonctionnait.

[78] Par ailleurs, on avait eu recours à MouldCLEAN pour effectuer le nettoyage pour tout le système de ventilation. Quelques mois après, ainsi que l'a signalé l'entrepreneur en services de climatisation, on trouvait des moisissures dans de nombreuses parties du système de ventilation. Cela jette un doute dans mon esprit quant à la faillibilité des rapports produits par MouldCLEAN.

[79] L'ASS Smith a tenu compte de ce que disait le Guide dans son enquête. Toutefois, elle a retenu les résultats fournis par MouldCLEAN en inférant d'elle même que les résultats en question étaient conformes. Cette déduction a été faite malgré l'avertissement de l'hygiéniste industrielle du Programme du travail de faire preuve d'une grande prudence au moment de tenter d'interpréter les résultats. Étant une hygiéniste professionnelle, cette personne n'était pas prête à faire pareille extrapolation, du fait qu'elle ignorait la procédure qu'avait suivie MouldCLEAN.

[80] Lorsqu'on lui a posé la question à l'audience, l'ASS Smith a indiqué qu'elle ne voyait pas la nécessité de donner à l'employeur l'instruction d'identifier correctement les problèmes potentiels qui se posaient au lieu de travail en conformité avec le Guide prescrit, ou même de procéder elle même, à cette fin, à un prélèvement d'échantillons d'air et de surface.

[81] Si le Guide avait été scrupuleusement suivi par l'employeur ou même par l'ASS, quelqu'un aurait relevé le passage suivant stipulé à la page 54 de l'ouvrage en question :

  • L'échantillonnage de l'air n'est pas un moyen infaillible pour déterminer avec certitude s'il y a contamination par les microbes et il faut interpréter les résultats avec prudence.
  • La caractérisation des espèces fongiques est critique pour déterminer de manière précise si la situation est anormale.
  • Il faut faire appel à un mycologue possédant de l'expérience dans le domaine de la qualité de l'air.
  • Un trop grand nombre de propagules fongiques ou un nombre peu élevé de certains champignons microscopiques pathogènes ou toxigènes peuvent causer des problèmes de santé ou d'inconfort.
  • Lorsque les champignons microscopiques se développent à l'intérieur de bâtiments ou sur leur surface, ou encore à l'intérieur des systèmes, leur élimination est nécessaire.

[82] J'en conclus donc que l'employeur a essayé, sans suivre la bonne procédure, malheureusement, de régler le problème qui était le plus apparent, à savoir celui des moisissures présentes sur et dans le système de ventilation. Les correctifs apportés, ainsi qu'on l'a démontré, étaient incomplets en ce que l'on a trouvé davantage de moisissures encore dans le système de ventilation et, ultérieurement, à l'intérieur des murs.

[83] Des arrangements ont été faits pour qu'on puisse effectuer un visionnement du lieu de travail à l'audience et j'ai remarqué que l'employeur avait des rénovations en cours au lieu de travail. Le placoplâtre et l'isolation recouverts de moisissures avaient été retirés de la façade sud mais pas du mur côté nord. On m'a dit que le remplacement du toit qui fuit était imminent et que, une fois que ce serait fait, on terminerait la rénovation des murs.

[84] Au paragraphe 35 du jugement Verville c. Canada (Service correctionnel) , la juge Gauthier a déclaré que la définition d'un danger n'exigeait pas que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle cause des blessures. Il est dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement tout le temps. Sur ce point, la juge Gauthier s'est exprimée en ces termes :

[35] Je ne crois pas non plus que la définition exige que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures. La version anglaise " could reasonably be expected to cause " nous dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[85] Dans la ligne directrice de Santé Canada sur la qualité de l'air intérieur, il est dit que l'exposition à des moisissures est une situation inquiétante à cause de ses diverses répercussions sur la santé et le confort des humains. L'exposition chronique à la plupart des champignons microscopiques peut provoquer des réactions allergiques et asthmatiques chez les humains et quelques rares espèces peuvent provoquer directement une maladie. Certaines moisissures sont " toxigènes " et produisent des mycotoxines qui s'accumulent souvent dans les spores. En conséquence, je conclus que le fait d'être exposé à des moisissures constitue un danger dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il cause une maladie à une personne. Pas tout le temps, mais quelques fois. L'exposition à des moisissures au lieu de travail constitue donc un " danger " auquel il faut remédier.

[86] En gardant cela à l'esprit, je suis parfaitement d'accord avec ce que l'agent d'appel Douglas Malanka a fait valoir dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire Cole et Air Canada , où il a estimé qu'il y avait danger lorsque l'employeur n'avait pu, dans une mesure raisonnable :

  • a) éliminer un danger, une situation ou une activité;
  • b) contrôler un danger, une situation ou une activité dans une mesure raisonnable de sécurité;
  • c) s'assurer que ses employés sont personnellement protégés contre un danger, une situation ou une activité;

  • et qu'on établit :
  • d) que les circonstances dans lesquelles le danger, la situation ou l'activité qui subsistent pourraient raisonnablement être susceptibles de causer des blessures ou des maladies pour une personne qui y serait exposée avant que le danger, la situation ou l'activité puisse être éliminé ou modifié et qu'il existe une possibilité raisonnable que les circonstances se produisent à l'avenir par opposition à une simple possibilité ou à une forte probabilité.

[87] Je crois que l'employeur a tenté d'éliminer les moisissures ou de les contrôler dans une mesure raisonnable de sécurité; cependant, les faits indiquent que chaque fois que l'on pensait avoir fait disparaître les moisissures, on en découvrait davantage.

[88] En plus des critères établis par la juge Gauthier, le juge O'Keefe, dans la décision Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada (CSN) et le Procureur général du Canada , s'est ainsi exprimé :

" Dans le cadre de son analyse en vue de déterminer si la première partie de son critère relatif à l'existence d'un danger était respectée, l'agent d'appel ne pouvait pas se contenter de simplement considérer les mesures prises par le SCC pour réduire le danger. Le critère impose à l'agent d'appel de non seulement tenir compte des mesures prises par le SCC, mais également de prendre en considération le succès de ces mesures à l'égard de l'élimination du risque, de la correction de la situation ou de la modification de la tâche ou de leur maintien à un niveau sécuritaire. "

[89] Les photos prises en décembre 2007 et présentées par M. Duguay à l'audience montraient la présence d'une certaine matière non identifiée, de moisissures ou de pollen recouvrant des parties des prises d'air du système de ventilation.

[90] Compte tenu de cela, je crois que, en ne menant pas une enquête en conformité avec ce que prescrit l'article 2.27 du Règlement précité, l'employeur, tout comme l'agente de santé et de sécurité, n'a pu identifier correctement le danger qui existait dans cette situation et n'a donc pas pu prendre les mesures correctives adéquates pour éliminer complètement le danger qui existait à la tour de télécommunications de Kapuskasing.

[91] En conséquence, pour l'ensemble des motifs qui précèdent, je conclus que M. Duguay était exposé, au moment du refus de travailler de même qu'au moment où l'ASS a mené son enquête, et est toujours exposé au danger de substances inconnues dont des moisissures de types inconnus se trouvant sur et à l'intérieur du système de ventilation ainsi qu'à d'autres endroits du bâtiment, y compris à l'intérieur des murs des bâtiments de la tour de transmission de Kapuskasing.

[92] Pour toutes les raisons susmentionnées, je conclus donc que M. Duguay est exposé à un danger au sens défini à la partie II du Code canadien du travail.

[93] Par conséquent, en vertu des pouvoirs que me confère l'article 146.1 du Code, j'annule la décision d'absence de danger rendue par l'agente de santé et de sécurité Fancy Smith.

[94] En outre, ainsi que m'y habilite l'alinéa 146.1b) du Code, je donne l'instruction à l'employeur, la Société Radio Canada, représenté par M. Germain, gestionnaire, ainsi que le prescrit le paragraphe 145(2) du Code, de :

  • prendre immédiatement des mesures pour écarter le risque ou corriger la situation constituant le danger.
  • J'enjoins par ailleurs à l'employeur à ne pas se servir de l'endroit visé par l'instruction donnée jusqu'à ce que les instructions aient été exécutées, l'alinéa applicable n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

[95] En outre, en vertu du paragraphe 146.1(4) du Code, je donne à M. Duguay et à toute autre personne l'instruction de ne pas pénétrer dans lesdits lieux tant que les instructions données à l'employeur n'auront pas été exécutées, l'alinéa applicable n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

[96] Conformément au paragraphe 145.(5) du Code, l'employeur doit afficher une copie de cette décision à la tour de télécommunications de Kapuskasing et donner copie de cette décision au comité des politiques ainsi qu'au comité local de santé et de sécurité.

[97] Enfin, l'employeur doit transmettre par écrit à l'agente de santé et de sécurité Fancy Smith ou à tout autre agent de santé et de sécurité, d'ici le 18 septembre 2008, les résultats de l'enquête et les mesures correctives qui auront été prises, s'il y a lieu, ainsi que la date d'achèvement de la mise en œuvre de ces mesures. Une copie doit être transmise à M. Duguay ainsi qu'au comité des politiques et au comité local de santé et de sécurité.

Richard Lafrance
Agent d'appel

ANNEXE 1

Dispositions législatives pertinentes, Code canadien du travail, Partie II

  • Droit de refus, paragraphe 128.(1)
  • Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas : […]


    b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

  • Définition de " danger ", paragraphe 122.(1), dans cette partie
  • " danger " Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

  • Paragraphe 146.1(1)
  • Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :


    a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;


    b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu'il juge indiquées.

  • Paragraphe 145.1(2)
  • Pour l'application des articles 146 à 146.5, l'agent d'appel est investi des mêmes attributions - notamment en matière d'immunité - que l'agent de santé et de sécurité.

  • Partie II, Ouvrages permanents , articles 2.24 à 2.27, voir annexe 1

Fonctionnement, inspection, vérification, nettoyage et entretien

  1. 2.24
  2. L'employeur doit confier à une personne qualifiée la responsabilité de rédiger des consignes visant le fonctionnement, l'inspection, la vérification, le nettoyage et l'entretien du système CVCA ainsi que l'étalonnage de ses sondes ou capteurs.
  3. Les consignes doivent :
    • a) s'inspirer de la ligne directrice Z204-94 de l'ACNOR intitulée Guideline for Managing Air Quality in Office Buildings, publiée en juin 1994;
    • b) si elles existent à la date d'entrée en vigueur du présent article, être facilement accessibles;
    • c) si elles n'existent pas à cette date, être rédigées et rendues facilement accessibles dès que possible, mais au plus tard cinq ans après la date d'entrée en vigueur du présent article;
    • d) dans le cas des bâtiments dont la construction prend fin à la date d'entrée en vigueur du présent article ou après cette date, être facilement accessibles dès que possible, mais au plus tard cinq ans après la date d'entrée en vigueur du présent article;
    • e) décrire le mode de fonctionnement du système CVCA;
    • f) indiquer la nature et la fréquence des inspections, des vérifications et des travaux de nettoyage et d'entretien;
    • g) être révisées par une personne qualifiée et modifiées, selon le cas :
      • (i) lorsque le système CVCA est modifié conformément à l'article 2.22,
      • (ii) lorsque la norme visée à l'article 2.21 est modifiée,
      • (iii) lorsqu'une enquête menée conformément à l'article 2.27 révèle un risque pour la santé ou la sécurité,
      • (iv) au moins une fois tous les cinq ans
  4. Malgré l'alinéa (2)c), lorsque l'enquête menée conformément à l'article 2.27 révèle un risque pour la santé ou la sécurité, les consignes doivent être rédigées et rendues facilement accessibles sans délai.
  5. L'employeur doit confier à une ou plusieurs personnes qualifiées la responsabilité de mettre en oeuvre les consignes et de rédiger un rapport pour chaque inspection, vérification, nettoyage et travail d'entretien.
  6. L'employeur doit rendre ces rapports facilement accessibles pendant au moins cinq ans et y indiquer :
    • a) la date et la nature des travaux ainsi que le nom de la personne qui les a effectués;
    • b) l'élément ou la partie du système CVCA en cause;
    • c) les résultats des vérifications, les défectuosités relevées ainsi que les mesures correctives prises.

    DORS/2000-374, art. 2; DORS/2002-208, art. 39.

2.25 L'employeur doit veiller à ce que les personnes qualifiées visées au paragraphe 2.24(4) aient reçu une formation et un entraînement sur les consignes visant le fonctionnement, l'inspection, la vérification, le nettoyage et l'entretien du système CVCA et sur l'étalonnage de ses sondes ou capteurs.

DORS/2000-374, art. 2.

2.26 L'employeur doit afficher, dans un endroit facilement accessible à tous les employés, le numéro de téléphone d'une personne-ressource en matière de santé ou de sécurité à qui peut être adressée toute question concernant la qualité de l'air dans le lieu de travail.

DORS/2000-374, art. 2; DORS/2002-208, art. 42.

Enquêtes

  1. 2.27 (1) L'employeur doit établir une marche à suivre pour enquêter sur les situations où la qualité de l'air dans le lieu de travail nuit ou peut nuire à la santé ou à la sécurité d'un employé, ou confier cette responsabilité à une personne qualifiée.
  2. (2) La marche à suivre doit prévoir les étapes suivantes :
    • a) l'examen de la nature et du nombre de plaintes reçues en matière de santé ou de sécurité;
    • b) l'inspection visuelle du lieu de travail;
    • c) l'inspection du système CVCA quant à sa propreté, son fonctionnement et son rendement;
    • d) l'examen du calendrier d'entretien du système CVCA;
    • e) l'évaluation de l'usage fait du bâtiment par rapport à celui pour lequel il a été conçu;
    • f) l'évaluation du niveau d'occupation réel du bâtiment par rapport à celui pour lequel il a été conçu;
    • g) la détermination des sources possibles de contaminants;
    • h) la mesure, au besoin, de la teneur de l'air en dioxyde de carbone et en monoxyde de carbone, ainsi que de la température, de l'humidité et du mouvement de l'air;
    • i) l'indication, au besoin, des vérifications à effectuer pour mesurer la teneur de l'air en formaldéhyde, en particules, en champignons et en composés organiques volatils;
    • j) l'identification des normes ou des directives applicables à l'évaluation des mesures effectuées.
  3. (3) L'employeur ou la personne qualifiée doit, en établissant la marche à suivre, tenir compte du Guide technique pour l'évaluation de la qualité de l'air dans les immeubles à bureaux, 93-EHD-166, publié par le ministère de la Santé.
  4. (4) Lorsque la qualité de l'air dans un lieu de travail nuit ou peut nuire à la santé ou à la sécurité d'un employé, l'employeur doit, sans délai, confier à une personne qualifiée la responsabilité de faire enquête selon la marche à suivre visée au paragraphe (1).
  5. (5) L'enquête doit être menée en consultation avec le comité local ou le représentant.
  6. (6) Dans la mesure où cela est en pratique possible, l'employeur doit, en consultation avec le comité local ou le représentant, éliminer tout risque pour la santé et la sécurité relevé lors de l'enquête, ou prendre des mesures pour le circonscrire.
  7. (7) L'employeur doit conserver pendant au moins cinq ans les dossiers de toutes les plaintes et enquêtes relatives à la qualité de l'air intérieur.

Situations dangereuses - instructions à l'employeur : article 145

145. (2) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l'agent :

  • a) en avertit l'employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu'il précise, à la prise de mesures propres :
    • (i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,
    • (ii) soit à protéger les personnes contre ce danger;
  • b) peut en outre, s'il estime qu'il est impossible dans l'immédiat de prendre les mesures prévues à l'alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l'employeur, l'utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l'accomplissement de la tâche en cause jusqu'à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

Situation dangereuse : instructions à l'employé

(2.1) S'il estime que l'utilisation d'une machine ou chose par un employé, une situation existant dans un lieu de travail ou l'accomplissement d'une tâche par un employé constitue un danger pour cet employé ou pour d'autres employés, l'agent interdit à cet employé, par instruction écrite, et sans préjudice des instructions données au titre de l'alinéa (2)a), d'utiliser la machine ou la chose, de travailler dans ce lieu de travail ou d'accomplir la tâche en cause jusqu'à ce que l'employeur se soit conformé aux instructions données au titre de cet alinéa.

Affichage d'un avis

(3) L'agent qui formule des instructions au titre de l'alinéa (2)a) appose ou fait apposer dans le lieu, sur la machine ou sur la chose en cause, ou à proximité de ceux-ci ou à l'endroit où s'accomplit la tâche visée, un avis en la forme et la teneur que le ministre peut préciser. Il est interdit d'enlever l'avis sans l'autorisation de l'agent.

Cessation d'utilisation

(4) Dans le cas visé à l'alinéa (2)b), l'employeur doit faire cesser l'utilisation du lieu, de la machine ou de la chose en cause, ou l'accomplissement de la tâche visée, et il est interdit à quiconque de s'y livrer tant que les mesures ordonnées par l'agent n'ont pas été prises.

Copies des instructions et des rapports

(5) Dès que l'agent donne les instructions écrites visées aux paragraphes (1) ou (2) ou adresse un rapport écrit à un employeur sur un sujet quelconque dans le cadre de la présente partie, l'employeur est tenu :

  • a) d'en faire afficher une ou plusieurs copies selon les modalités précisées par l'agent;
  • b) d'en transmettre copie au comité d'orientation et au comité local ou au représentant, selon le cas.

Transmission au plaignant

(6) Aussitôt après avoir donné les instructions visées aux paragraphes (1), (2) ou (2.1), ou avoir rédigé le rapport visé au paragraphe (5) en ce qui concerne une enquête qu'il a menée à la suite d'une plainte, l'agent en transmet copie aux personnes dont la plainte est à l'origine de l'enquête.

Copie à l'employeur

(7) Aussitôt après avoir donné à un employé les instructions visées aux paragraphes (1) ou (2.1), l'agent en transmet copie à l'employeur.

Réponse

(8) L'agent peut exiger que l'employeur ou l'employé auquel il adresse des instructions en vertu des paragraphes (1), (2) ou (2.1), ou à l'égard duquel il établit le rapport visé au paragraphe (5), y réponde par écrit dans le délai qu'il précise; copie de la réponse est transmise par l'employeur ou l'employé au comité d'orientation et au comité local ou au représentant, selon le cas.

Détails de la page

Date de modification :