Archivée - Décison: 09-005 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier : 2007-33
Décision : OHSTC-09-005

171817 Canada Inc. - Arctic Sunwest Charter
appelante

Le 10 février 2009

Cette affaire a été tranchée par l'agent d'appel Pierre Guénette.

Pour l'appelant
Lawrence W. Olesen, avocat pour Arctic Sunwest Charter
Heather S. Smith, avocate pour Arctic Sunwest Charter

Pour l'intimé
Personne n'a comparu comme partie intimée dans cet appel.

A. La cause en appel

[1] Cet appel, daté du 7 décembre 2007, a été interjeté par la société 171817 Canada Inc., exploitée sous la raison sociale Arctic Sunwest Charter (l'Arctic Sunwest), en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail, Partie II (le Code), à l'encontre d'une instruction délivrée par l'agent de santé et de sécurité (ASS) René Sheïr Note de bas 1, le 21 novembre 2007.

[2] Parallèlement, l'appelante a présenté une demande pour que l'on suspende l'instruction émise jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue dans l'appel. Cette affaire a été entendue le 18 décembre 2007 par voie de téléconférence. Le 21 décembre 2007, j'ai rejeté la demande de suspension dans une décision écrite.

[3] Une audience a eu lieu à Yellowknife, dans les Territoires du Nord Ouest (T.N.O.), les 12, 13 et 14 août 2008.

[4] La question à trancher en l'espèce est de savoir si Arctic Sunwest a contrevenu à l'alinéa 125(1)q) du Code, ainsi que l'ASS Sheïr l'a conclu à l'issue de l'enquête qu'il a menée sur la situation comportant des risques qui s'est produite à proximité de l'hôtel pavillonnaire du lac Blatchford (l'hôtel), dans les T.N.O., le 3 janvier 2007, et a entraîné la mort de Jason Watt, pilote employé par Arctic Sunwest.

[5] Au terme de l'analyse qui suit, je dois déterminer si l'instruction émise à Arctic Sunwest doit être confirmée, modifiée ou annulée.

B. Contexte

[6] Le transporteur aérien Arctic Sunwest est un exploitant de vols d'affrètement (compagnie de charters) de transport de passagers et de fret basé à Yellowknife (T.N.O.). En janvier 2007, la compagnie exploitait 13 aéronefs. L'Arctic Sunwest a été certifiée par Transports Canada pour être exploitée en vertu d'articles précis (702, 703, 704 et 705) du Règlement de l'aviation canadien (RAC), DORS/96-433 tel que modifié.

[7] Aux termes de l'article 703 du RAC, Arctic Sunwest est autorisée à utiliser un système de régulation du vol par le pilote, de sorte que le gestionnaire des opérations, comme c'est la règle, a délégué au commandant de bord le contrôle d'exploitation et la sortie du train d'atterrissage des aéronefs. Note de bas 2

[8] Le 3 janvier 2007, Jason Watt, en tant que commandant de bord, s'est vu assigner le pilotage d'un Cessna 185 pour effectuer un vol de Yellowknife (T.N.O.) au Blatchford Lake Lodge (T.N.O.).

[9] Alors qu'il naviguait en direction de l'hôtel, Jason Watt a rencontré des conditions imprévues de givrage. Le commandant de bord a perdu le contrôle de l'appareil et s'est écrasé sur le lac gelé. Le commandant de bord et deux passagers ont été blessés mortellement. Seul un passager a survécu à l'écrasement.

[10] L'enquête sur l'accident mortel de Jason Watt a été confiée à l'ASS Sheïr.

C. La preuve

[11] Le rapport et les documents produits par l'ASS Sheïr, ainsi que son témoignage, le témoignage d'autres personnes et les documents produits par l'appelante permettent d'établir la chronologie suivante des événements ayant abouti à l'émission de l'instruction.

[12] Le matin du 3 janvier 2007, M. Watt, en tant que CDB, s'est vu confir un vol aller retour entre Yellowknife et l'hôtel pavillonnaire du lac Blatchford. Ce vol était d'une durée approximative de 30 minutes.

Tôt, ce matin là, le temps était brumeux et, d'après son témoignage, le pilote en chef avait bel et bien recommandé à Jason Watt de remettre le vol à plus tard en attendant que la météo s'améliore. M. Watt a convenu d'attendre.

Une heure après, les conditions météorologiques s'étant améliorées à Yellowknife, le pilote en chef et Jason Watt ont présumé que le ciel se serait aussi éclairci dans la région de la destination du vol.

Le pilote en chef a renseigné M. Watt et a discuté avec lui de l'endroit où se trouvait l'hôtel, des conditions météorologiques ainsi que du chargement et du centrage (équilibrage) de l'aéronef. À la suite de cette discussion, le vol a été autorisé par le pilote en chef et Jason Watt a décidé d'effectuer ce vol.

On a ensuite assigné à M. Watt un appareil Cessna A185F (Cessna), équipé d'un train d'atterrissage pneumatique et sur skis, pour effectuer l'aller retour à l'hôtel pavillonnaire.

Avant le départ, conformément à ses responsabilités de commandant de bord, Jason Watt a pris connaissance des bulletins d'information météorologique, a vérifié le chargement et le centrage de l'aéronef et a préparé un plan de vol.

Comme on s'est rendu compte que les bagages et les provisions vivres des trois passagers dépassaient la charge utile de l'aéronef, le directeur des services de passerelle et l'agent de fret ont informé Jason Watt et les passagers de la situation. Lors de son exposé au pilote, Jason Watt a discuté de la question de l'excédent de poids avec le pilote en chef, qui a alors proposé d'utiliser un plus gros porteur. Cependant, Jason Watt a décidé d'utiliser le Cessna et a donc a demandé aux passagers de limiter le nombre de bagages qu'ils emportaient avec eux.

D'après le rapport d'enquête de l'employeur, Jason Watt a présenté un plan de vol exploitation qui comprenait les calculs pour le contrôle de la masse et du centrage. Toutefois, rien n'indique qu'il ait présenté des calculs modifiés quant à la nouvelle charge du remplissage fret.

À 10 h 19 approximativement, J. Watt a décollé de l'aéroport de Yellowknife aux commandes du Cessna avec trois passagers à bord.

Au début du vol, Jason Watt a envoyé une transmission radio au contrôleur de vol Note de bas 3 de l'Arctic Sunwest pour l'informer de son heure prévue d'arrivée, conformément au manuel des opérations d'Arctic Sunwest. Dans sa dernière radiotransmission au contrôleur de vol, Jason Watt n'a fait mention d'aucune dégradation des conditions météorologiques.

À mi parcours, des conditions imprévues de givrage ont été rencontrées. Le temps devenait brumeux et la visibilité était réduite en raison du givre qui se formait sur le pare brise de l'aéronef et qui réduisait ou obstruait la vision à partir du cockpit. Jason Watt a bien essayé de localiser l'hôtel en décrivant des cercles au dessus du lac, mais il a peu après perdu le contrôle de l'appareil, qui s'est écrasé près du rivage du lac gelé, causant la mort de trois personnes (le commandant de bord et deux passagers) et des blessures graves à un passager. Aux dires du passager qui a survécu, Jason Watt n'a pas envoyé de message de détresse ou d'urgence avant l'écrasement.

[13] Le jour même de l'accident (3 janvier 2007), le directeur général d'Arctic Sunwest a informé Transports Canada de la disparition de l'avion.

[14] Les équipes de secours ont retrouvé l'aéronef environ 24 heures après l'accident et le passager a été secouru. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Bureau de la sécurité des transports du Canada Note de bas 4 (BST) ont amorcé des enquêtes distinctes. Cependant, aucun agent de santé et sécurité de Transports Canada, Santé et sécurité au travail - Aviation, ne s'est rendu sur les lieux de l'accident pour commencer une enquête de santé et sécurité au travail en vertu du Code. L'ASS Sheïr a déclaré qu'il n'était pas nécessaire de se rendre sur place parce que la GRC et le BST étaient déjà sur les lieux pour enquêter sur l'accident. Dans son rapport d'enquête, l'ASS Sheïr a indiqué qu'il n'était pas nécessaire que l'agent de santé et de sécurité (ASS) soit présent au lieu de la situation comportant des risques puisque des renseignements détaillés seraient disponibles à une date ultérieure.

[15] L'ASS Sheïr a été informé du décès de l'employé le 11 janvier 2007, lorsqu'il a reçu le formulaire de Rapport d'enquête sur les situations comportant des risques (RESCR) de l'Arctic Sunwest. Il a ensuite amorcé la conduite d'une enquête, conformément au Code.

[16] Les 11 et 12 janvier 2007, deux inspecteurs du service des opérations aériennes de la Direction de l'aviation commerciale et d'affaires Note de bas 5 de Transports Canada ont effectué une inspection approfondie d'Arctic Sunwest à la suite de l'accident de l'aéronef. Dans le cadre de cette vérification, les dimensions ou points suivants ont été examinés :

  • les manuels de la compagnie;
  • la coordination du personnel et des opérations par la direction;
  • le programme de formation/d'entraînement de l'équipage de conduite;
  • les registres de formation/d'entraînement des membres de l'équipage de conduite;
  • le système de contrôle d'exploitation;
  • les documents de vol.

Les inspecteurs de Transports Canada ont relevé quatre infractions au Règlement de l'aviation canadien et aux exigences des Normes de service aérien commercial. L'employeur a répondu à Transports Canada le 27 avril 2007 en présentant un plan de mesures correctives qui a été accepté par Transports Canada le 9 mai 2007.

[17] Au cours de l'enquête sur la santé et sécurité au travail, l'ASS Sheïr a obtenu copie de rapport d'enquête de la GRC, dont les photos de l'accident que la GRC avait prises ainsi qu'une copie du rapport d'inspection approfondie du service des opérations aériennes de la Direction de l'aviation commerciale et d'affaires de Transports Canada, lequel comprenait les réponses de l'Arctic Sunwest. L'ASS Sheïr s'est brièvement entretenu au téléphone avec le pilote en chef de l'Arctic Sunwest, de même qu'avec le passager survivant.

[18] Dans le cadre de son rapport d'enquête, l'ASS SheÏr a relevé les dimensions suivantes comme facteurs contributifs de l'accident :

  1. la perte de contrôle de l'aéronef causée par des conditions de givrage;
  2. l'expérience limitée que le pilote avait du terrain et du type d'aéronef, en l'occurrence un C-185 équipé d'un train sur skis;
  3. l'absence d'une inspection secondaire de la charge, ce qui a donné lieu au décollage d'un aéronef surchargé avec une cabine et des bagages de cabine non sécurisés;
  4. 4- la non disponibilité d'une description précise et à jour des conditions météorologiques locales.

[19] L'ASS Sheïr a conclu son rapport d'enquête en donnant l'instruction suivante à Arctic Sunwest, le 21 novembre 2007 :

Affaire Intéressant la Partie II du Code Canadien du Travail Santé et Sécurité au Travail Instruction À L'employeur En Vertu Du Paragraphe 145(1)

Le 15 novembre 2007, l'agent de santé et sécurité soussigné a conclu une enquête sur une situation comportant un risque survenue le 3 janvier 2007 à proximité de Blatchford Lake Lodge, TNO, qui a entraîné le décès d'un pilote employé par la société 171817 Canada Inc., cette société étant un employeur visé par la partie II du Code canadien du travail.

Après avoir terminé son enquête, ledit agent de santé et sécurité est d'avis qu'il a été contrevenu à la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail :

Alinéa 125. (1)q) de la partie II du Code canadien du travail

« […] d'offrir à chaque employé, selon les modalités réglementaires, l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance nécessaires pour assurer sa santé et sa sécurité; »

L'employeur n'a pas donné à l'employé la supervision nécessaire concernant les fonctions de préparation de vol et les fonctions exécutées avant le vol, comme le planning de vol, le chargement de l'avion, le transport de bagages et du matériel de commissariat et le contrôle du poids et de l'équilibre. Par conséquent, il vous EST ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin aux contraventions au plus tard le 20 décembre 2007.

En outre, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L'INSTRUCTION, conformément à l'alinéa 145 (1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre, au plus tard le 20 décembre 2007, des mesures pour veiller à ce que la contravention ne se poursuive pas ni ne se produise de nouveau.

Délivrée à Winnipeg, au Manitoba, ce 21 novembre 2007.

René Sheïr agent de santé et sécurité au travail

[20] Le 3 janvier 2007, Arctic Sunwest détenait un certificat valide d'exploitant aérien émis par le ministre des Transports en vertu de la Loi sur l'aéronautique.

[21] Jason Watt possédait une licence valide de pilote professionnel - aviation commerciale pour tout aéronef terrestre ou hydravion monomoteur et multimoteur à pilote unique, sauf les aéronefs à haute performance. Avant l'accident, M. Watt comptait environ 1750 heures d'expérience de vol, dont 150 sur des Cessna 185. Il avait effectué 755 heures de vol sur des avions équipés de flotteurs et 50 sur des aéronefs équipés d'un train d'atterrissage escamotable monté sur skis dans le Nord de l'Ontario, au Nunavut et dans les Territoires du Nord Ouest. Dans la lettre d'accompagnement de sa demande d'emploi à Arctic Sunwest, Jason Watt a précisé qu'il possédait [traduction] " […] une bonne expérience en décollage sur de courtes pistes de gravier/bandes gazonnées ainsi qu'en navigation dans toutes conditions climatiques, avec peu ou pas d'information disponible sur les conditions météorologiques […]. "

[22] Jason Watt était un employé d'Arctic Sunwest depuis le 20 novembre 2006. La compagnie aérienne lui avait fait suivre le programme de formation requis approuvé par Transports Canada Note de bas 6. M. Watt avait terminé sa formation le 7 décembre 2006.

[23] D'après le registre de formation/d'entraînement de M. Watt, Arctic Sunwest lui avait suivre les cours suivants, en conformité avec le programme de formation prévu dans le manuel d'exploitation de la compagnie :

  • formation générale de familiarisation de la compagnie;
  • connaissances générales et examen d'exploitation pour les pilotes ; Note de bas 7
  • système de gestion de la sécurité;
  • liste d'équipement minimal et défectuosités dont la correction a été reportée;
  • gestion des ressources en équipe;
  • impact sans perte de contrôle;
  • contamination des surfaces critiques Note de bas 8;
  • survie;
  • plan d'intervention d'urgence;
  • marchandises dangereuses;
  • Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT);
  • accessibilité des personnes handicapées.

[24] Avant le 3 janvier 2007, Jason Watt avait effectué deux vols locaux à bord d'un Cessna 185, pour une durée totale de vol d'environ 5 heures.

[25] Le 3 janvier 2007, alors que les conditions météorologiques s'amélioraient, Jason Watt a décidé d'effectuer le vol à destination de l'hôtel. Conformément aux procédures d'exploitation, il a eu un exposé au pilote avec le pilote en chef. Durant cet exposé, il a été question des aspects suivants :

  • les conditions météorologiques le matin;
  • le poids et le centrage de l'aéronef;
  • la possibilité d'utiliser un plus gros avion pour ce vol;
  • la possibilité, en cours de vol, de retourner à la base en cas de mauvais temps.

[26] Avant le décollage, le pilote ne disposait d'aucune information météorologique sur la destination du fait que l'hôtel n'avait pas de moyen de communication. Néanmoins, Jason Watt a appris, par le topo météorologique que lui a fait le pilote en chef, que des conditions de givrage étaient possibles durant le vol. Pour cette raison, le pilote en chef a informé Jason Watt qu'il pourrait devoir retourner à la base avant d'atteindre sa destination.

[27] Dans le manuel d'exploitation de l'Arctic Sunwest sont spécifiées les tâches suivantes dont un commandant de bord doit s'acquitter avant l'exécution d'un vol :

  1. vérifier la météo et déterminer les besoins en carburant et en huile de façon que cela suffise au type de vol et pour la région géographique d'exploitation;
  2. calculer la masse et le centrage de l'aéronef;
  3. avant chaque départ, effectuer une inspection d'avant vol;
  4. superviser ou effectuer le chargement et vérifier la sécurité de la cargaison et du fret;
  5. accomplir toutes les tâches d'après vol.

[28] Selon la procédure suivie par la compagnie, les bagages doivent être attachés avant le départ. Cependant, il est ressorti de la preuve que les bagages n'avaient pas été attachés à l'intérieur de l'avion piloté par Jason Watt le 3 janvier 2007. Aux dires du passager survivant, les bagages qui se trouvaient à l'intérieur de l'aéronef n'avaient pas été placés correctement.

[29] Cette déclaration est corroborée par les enquêteurs du BST, qui ont établi que le fret n'avait pas été sécurisé au moyen d'un filet ou de cordes. Comme l'exige la procédure de la compagnie, c'est toujours le commandant de bord qui est responsable de s'assurer que la cargaison est bien maintenue en place avant tout vol.

[30] On sait que les passagers avaient beaucoup de bagages avant le départ, et le pilote en chef a offert à M. Watt la possibilité de piloter un aéronef Turbo Beaver, qui est un plus gros porteur que le Cessna C-185.

[31] Au chapitre des conditions météorologiques dans la zone de l'hôtel, Jason Watt y a rencontré des conditions de givrage. Toutefois, à la lumière de la preuve, il semblerait qu'il n'ait ni essayé de retourner à la base ni tenté de communiquer avec le contrôleur de vol.

[32] Selon le rapport produit par le BST, le Cessna 185 n'était ni équipé ni approuvé pour voler dans des conditions de givrage.

[33] Le lieu de l'accident se trouvait à environ 5 kilomètres à l'est de l'hôtel, sur le lac Blatchford.

D. Observations de l'appelante

[34] Dans ses observations écrites, l'appelante a soulevé deux questions au sujet de l'instruction donnée par l'ASS Sheïr :

  1. quels étaient les modalités règlementaires de fourniture d'information, de formation, d'entraînement et de surveillance à Arctic Sunwest ?
  2. Arctic Sunwest fournissait-elle information, formation, entraînement et surveillance à ses employés selon les modalités réglementaires ?

[35] En ce qui concerne la première question soulevée par l'appelante, je retiens ce qui suit.

I) Quels étaient les modalités règlementaires de fourniture d'information, de formation, d'entraînement et de surveillance à Arctic Sunwest ?

[36] Il a été soutenu que les " modalités règlementaires " dont il est question à l'alinéa 125(1)q) du Code revêtent le même sens que les modalités énoncées dans la Loi sur l'aéronautique ainsi que dans les normes de service aérien commercial incluses dans le Règlement sur l'aviation canadien de Transports Canada.

[37] L'appelante a expliqué quel était le rôle de Transports Canada dans l'industrie de l'aviation au Canada et comment Arctic Sunwest respectait les dispositions de la Loi sur l'aéronautique, du Règlement sur l'aviation canadien et des normes appropriées de service aérien. Elle a conclu en déclarant que le manuel de l'Arctic Sunwest comprenait directement ou par renvoi, les dispositions de la Loi sur l'aéronautique, du Règlement de l'aviation canadien et des normes appropriées de service aérien. Par conséquent, le sens prêté aux "modalités règlementaires " est le même que celui qui est précisé dans le manuel d'exploitation de la compagnie.

[38] L'appelante a affirmé que l'ASS Sheïr avait omis de déterminer quelles étaient les modalités règlementaires en question ou n'en avait pas tenu compte.

[39] De la seconde question soulevée par l'appelante, je retiens ce qui suit.

II) La compagnie Arctic Sunwest Charter a t elle offert à ses employés, selon les modalités règlementaires, de l'information, de la formation, un entraînement et de la surveillance ?

[40] Il est soutenu que, contrairement à ce qu'a déclaré l'ASS Sheïr, la preuve établit que Jason Watt:

  1. possédait une vaste expérience des règles de vol à vue (VFR) de par les vols qu'il avaient effectués dans le Nord de l'Ontario, dans les Territoires du Nord Ouest et au Nunavut;
  2. avait de l'expérience de vol dans diverses conditions climatiques, avec très peu ou pas d'information météorologique disponible;
  3. possédait de l'expérience de pilotage d'un Cessna 185 équipé d'un train d'atterrissage escamotable monté sur skis, roues et flotteurs;
  4. avait 1609,8 heures de vol comme commandant de bord à son actif, dont 47,9 heures sur un aéronef équipé d'un train d'atterrissage escamotable sur skis.

[41] L'appelante a fait valoir que Jason Watt avait reçu l'entraînement/la formation que prévoit le manuel d'exploitation de l'employeur, approuvé par Transports Canada, et que ses premiers vols avaient été supervisés et surveillés par Arctic Sunwest.

[42] Il est affirmé que l'ASS Sheïr n'a pas vérifié la formation et l'entraînement qu'Arctic Sunwest a offert à Jason Watt.

[43] Dans ses observations, l'appelante a déclaré que l'entraînement requis auquel Arctic Sunwest avait soumis Jason Watt avait permis à ce dernier de prendre conscience de ses responsabilités de commandant de bord, lesquelles sont les suivantes :

  1. préparer le vol/effectuer le planning de vol (ce qui comprend le calcul de la masse et du centrage);
  2. donner un exposé aux passagers pour qu'ils prennent connaissance de tous les documents;
  3. amorcer la surveillance de vol.

[44] L'appelante a présenté la preuve selon laquelle Jason Watt était au courant de ses responsabilités de commandant de bord quant à la préparation du vol (calcul de la masse et du centrage, exposé donné aux passagers), à la sécurisation de la cargaison et à s'assurer que l'aéronef est adéquatement équipé pour pouvoir fonctionner dans des conditions de vol. La preuve a permis d'établir quels étaient les examens que Jason Watt avait passés après avoir suivi le programme de l'employeur pour la formation de familiarisation au pilotage :

  • le test de connaissances générales et sur l'exploitation pour les pilotes;
  • l'examen sur les systèmes du module Skywagon des C-185;
  • l'examen sur la contamination des surfaces critiques et la formation de givre en cours de vol.

[45] Le pilote en chef a déclaré que, à plusieurs reprises par le passé, Jason Watt avait déjà chargé l'aéronef et sécurisé la cargaison conformément aux exigences de l'industrie.

[46] L'appelante a déclaré que c'est le commandant de bord qui, avant chaque vol, a la responsabilité de veiller à obtenir l'information météorologique disponible. L. Olesen a cité le Règlement de l'aviation canadien (RAC) à l'appui de son observation :

Renseignements avant vol

602.71 Le commandant de bord d'un aéronef doit, avant le commencement d'un vol, bien connaître les renseignements pertinents au vol prévu qui sont à sa disposition.

Renseignements météorologiques

602.72 Le commandant de bord d'un aéronef doit, avant le commencement d'un vol, bien connaître les renseignements météorologiques pertinents au vol prévu qui sont à sa disposition.

[47] Le pilote en chef a témoigné que l'Arctic Sunwest avait pour politique de donner l'instruction à ses pilotes de revenir à la base en cas de mauvais temps pendant un vol. Lorsque de telles situations se produisent, aucune pénalité financière n'est imposée aux pilotes.

[48] Le pilote en chef a déclaré que l'expérience de pilote devrait être fonction du type de vol plutôt qu'au nombre d'heures volées, contrairement à ce que disait l'ASS Sheïr dans son témoignage.

[49] Le pilote en chef a déclaré que, en bout de ligne, c'est le commandant de bord qui décide de voler ou pas.

[50] Dans son témoignage, le pilote en chef a déclaré qu'il avait donné beaucoup de supervision à Jason Watt avant son vol du 3 janvier 2007, discutant avec lui des conditions météorologiques qui prévalaient ce matin là ainsi que du chargement et du centrage de l'aéronef.

[51] Le pilote en chef a témoigné que le Cessna 185 avait été mis hors service en raison des risques. Il n'a toutefois pas précisé à quels risques il faisait allusion. Il a ajouté qu'on avait procédé à une évaluation des risques, mais pas par écrit. L. Olesen a déclaré que l'employeur avait décidé de retirer ce type d'appareil du service parce qu'il voulait se fier à un aéronef piloté par deux personnes plutôt qu'une.

[52] Au sujet de l'enquête de l'ASS Sheïr, il a été déclaré ce qui suit :

  • il ne s'est pas rendu sur les lieux de l'accident ni dans les locaux de l'employeur;
  • il a eu un entretien téléphonique avec le pilote en chef plus de 7 mois après l'accident et n'a pas mené d'entrevues auprès d'autres employés;
  • les constatations de l'ASS Sheïr ne sont corroborées par aucune preuve ni aucun fait;
  • l'ASS Sheïr n'a produit aucune preuve à l'effet que l'employeur n'avait pas suivi ses procédures;
  • entre le jour de l'accident et le jour où l'instruction a été délivrée,l'ASS Sheïr ne s'est pas enquis auprès de l'employeur des correctifs qui avaient été apportés pour éviter qu'un tel accident se reproduise;
  • l'ASS Sheïr n'a pas tenu compte d'une vérification qu'avait faite le service des opérations aériennes de la Direction de l'aviation commerciale et d'affaires de Transports Canada ni de la réponse envoyée par Arctic Sunwest.

[53] En conclusion, l'appelante a affirmé que l'ASS Sheïr n'avait aucun motif d'émettre une instruction. Il ne s'est pas assuré de ce qu'étaient les modalités règlementaires ni ne s'est demandé si l'employeur s'était conformé à ces modalités en fournissant l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance nécessaires à assurer la santé et la sécurité de ses employés.

[54] L. Olesen a ajouté que l'instruction ne devrait pas être maintenue et donc qu'elle devrait être annulée.

E. Dispositions règlementaires pertinentes

[55] L'appel a été interjeté en application du paragraphe 146(1) du Code, qui stipule ce qui suit :

146. (1) Tout employeur, employé ou syndicat qui se sent lésé par des instructions données par l'agent de santé et de sécurité en vertu de la présente partie peut, dans les trente jours qui suivent la date où les instructions sont données ou confirmées par écrit, interjeter appel de celles-ci par écrit à un agent d'appel.

[56] Le paragraphe 146.1(1) du Code précise le rôle de l'agent d'appel lorsqu'une décision à l'issue de l'instruction d'un appel :

146.1(1) Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l'article 146, l'agent d'appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu'il juge indiquées.

[57] La disposition pertinente du Code traitant de l'obligation de l'employeur d'offrir à chaque employé information, formation, entraînement et surveillance se lit comme suit :

125(1) Dans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124, l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

q) d'offrir à chaque employé, selon les modalités réglementaires, l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance nécessaires pour assurer sa santé et sa sécurité;

Analyse et décision

[58] La question à trancher en l'espèce est de déterminer si l'ASS Sheïr a erré ou non en donnant son instruction à Arctic Sunwest.

[59] Au terme de son enquête, l'ASS Sheïr a estimé qu'Arctic Sunwest contrevenait au Code en ce qu'elle n'avait pas offert la surveillance nécessaire à Jason Watt avant le vol fatal. Cette supervision portait sur la préparation du vol et sur les tâches à effectuer avant le vol. Face à cette violation, l'ASS Sheïr a donné une instruction à Arctic Sunwest. L'ASS Sheïr a émis l'opinion que le Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) (DORS,87-182, tel que modifié) ne comportait pas de dispositions particulières liées à l'alinéa 125(1)q) du Code et donc que l'expression " modalités règlementaires " signifiait les modalités prescrites par les procédures opérationnelles de vol de l'Arctic Sunwest.

[60] L'ASS Sheïr a mené la majeure partie de son enquête à partir de son bureau de Winnipeg (Manitoba). Il a déclaré qu'il ne s'était pas rendu sur les lieux de l'accident en raison de l'absence d'une directive claire à cet effet de Transports Canada et que ce n'était pas là une pratique courante à Transports Canada. Il n'a pas non plus rencontré les dirigeants, des employés ou des membres du comité de SST d'Arctic Sunwest après l'accident. Le 16 août 2007, il a eu une conférence téléphonique avec des représentants de l'Arctic Sunwest, et c'est à cette occasion qu'il a posé des questions au pilote en chef et au gestionnaire d'exploitation de la compagnie. Pour les fins de son enquête, l'ASS Sheïr s'est surtout fié au rapport d'enquête de la GRC, au rapport de vérification de Transports Canada, au rapport du bureau du coroner et au rapport d'enquête de l'Arctic Sunwest.

[61] L'ASS Sheïr a soulevé plusieurs questions et relevé des facteurs contributifs qui n'étaient pas corroborés par des faits. À mon sens, un enquêteur devrait obtenir toute la preuve pertinente avant de rendre une décision et donner une instruction à un employeur ou un employé. Il semble que l'ASS Sheïr n'ait pas vérifié ces présomptions auprès des personnes concernées.

[62] En dépit d'un rapport d'enquête volumineux produit par l'ASS Sheïr, je ne puis accorder beaucoup de poids à son contenu et doit m'en remettre surtout à la preuve et aux observations de l'appelante. Dans l'arrêt Douglas Martin et Alliance de la fonction publique du Canada Note de bas 9, la Cour d'appel fédérale a déclaré, au paragraphe 28, que " l'appel interjeté devant l'agent d'appel est un appel de novo. " Cela confirme que je suis habilité à recevoir la preuve dont l'ASS Sheïr n'a pas tenu compte ou qui a pu ne pas être disponible lors de son enquête.

[63] Je dois souligner le fait qu'il n'y a pas de partie intimée dans cet appel. J'ai été informé par écrit que le représentant syndical du comité de santé et sécurité au travail qui a pris part à l'enquête sur l'accident de l'Arctic Sunwest n'avait pas l'intention de présenter des observations à l'audience.

[64] Avant de trancher l'affaire sur le fond, je traiterai des deux questions soulevées par l'appelante dans ses observations finales.

I) Quelles étaient les modalités règlementaires de fourniture, d'information, de formation, d'entraînement et de surveillance à l'Arctic Sunwest ?

[65] L'appelante a fait valoir que [traduction] " […] le ministre des Transports, par l'intermédiaire de Transports Canada, prescrit les modalités règlementaires de fourniture, d'information, de formation, d'entraînement et de surveillance par un exploitant aérien, en l'occurrence Arctic Sunwest. " L'appelante a ajouté que les " modalités règlementaires " en question représentaient les modalités énoncées dans le manuel d'exploitation.

[66] Le terme « règlement » est définit comme suit au paragraphe 122 (1) du Code :

« règlement » Règlement pris par le gouverneur en conseil ou disposition déterminée en conformité avec des règles prévues par un règlement pris par le gouverneur en conseil.

« « prescribe » means prescribe by regulation of the Governor in Council or determine in accordance with rules prescribed by regulation of the Governor in Council ».

[67] L'affaire qui m'est déférée concerne un employé qui travaillait à bord d'un aéronef en service, de sorte que le Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) pris en vertu du Code s'applique en l'espèce. L'article 1.3 de ce règlement se lit ainsi :

1.3 Le présent règlement s'applique à l'égard des employés travaillant à bord des aéronefs en service et à l'égard des personnes à qui l'employeur en permet l'accès.

[68] En outre, l'Objet réglementaire du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) est le suivant :

1.2 Le présent règlement est prévu pour l'application des articles 125, 125.1, 125.2 et 126 de la Loi.

[69] Contrairement aux observations de l'appelante et à l'interprétation de l'ASS Sheïr, le sens de " modalités règlementaires " fait référence à un règlement particulier sur la santé et sécurité qu'a pris le gouverneur en conseil. Dans l'affaire qui m'a été déférée, il s'agit du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) qui stipule les exigences particulières à satisfaire pour assurer la sécurité des employés travaillant à bord d'un aéronef en service et des personnes auxquelles l'employeur a donné accès à cet aéronef. En outre, le Code prévoit le cadre législatif et précise les devoirs et responsabilités de l'employeur et des employés à cet égard.

[70] L'ASS Sheïr a donné une instruction en vertu de l'alinéa 125(1)q) du Code et n'a pas précisé à quelles dispositions du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (aéronefs) il faisait allusion. La raison en est que ce règlement ne prescrit pas d'obligations en matière de surveillance. Il n'y a donc pas de raison d'émettre une instruction relative à la surveillance.

II) Arctic Sunwest fournissait-elle information, formation, entraînement et surveillance selon les modalités règlementaires prescrites dans le manuel d'exploitation ?

[71] Ayant déclaré qu'il n'y avait pas de modalités prescrites relatives à l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance eu égard à l'alinéa 125(1)q) du Code, je n'ai manifestement pas besoin de me pencher sur la seconde question soulevée par l'appelante.

[72] Toutefois, si l'alinéa 125(1)q) du Code peut ne pas s'appliquer, les dispositions de l'article 124 du Code traitant de l'obligation générale de protection de l'employeur continuent de s'appliquer. En conséquence, je tiendrai compte de la preuve qui m'a été produite pour déterminer si l'employeur s'est acquitté de cette obligation générale prévue à l'article 124 du Code.

III) Arctic Sunwest contrevenait elle au Code le 3 janvier 2007?

[73] En vertu de l'article 124 du Code, l'obligation générale de l'employeur est la suivante :

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[74] L'obligation générale que le Code prévoit pour un employeur consiste à s'assurer que les employés qui sont au travail bénéficient d'un environnement de travail sain. Pour ce faire, l'employeur doit mettre en place et appliquer des procédures de santé et de sécurité ainsi qu'offrir entraînement/formation et surveillance/supervision.

[75] En ce qui concerne l'entraînement qu'Arctic Sunwest a offert à Jason Watt, il ressort de la preuve présentée par l'appelante que M. Watt a reçu l'entraînement qui était énoncé dans le manuel d'exploitation de l'Arctic Sunwest. D'après ses examens, Jason Watt savait quelles étaient ses responsabilités en tant que commandant de bord, ce qui comprenait les calculs relatifs à la masse et au centrage, la sécurisation de la cargaison avant le décollage et la détermination de conditions de givrage en cours de vol.

[76] Le programme de formation avait antérieurement été approuvé par Transports Canada dans le cadre d'une certification d'exploitant aérien.

[77] Avant d'exécuter un vol, le commandant de bord devait être au courant des informations disponibles sur la destination ainsi que des données météorologiques disponibles pertinentes au vol, et ce, conformément à la partie VI - Règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs - du Règlement de l'aviation canadien (RAC).

[78] D'après le pilote en chef, M. Watt a respecté ces articles du RAC avant d'amorcer son vol, le 3 janvier 2007. Par ailleurs, le pilote en chef et Jason Watt ont discuté, ce jour-là, de l'endroit où se trouvait l'hôtel pavillonnaire, des bagages montés à bord, de la masse et du centrage de l'aéronef ainsi que des conditions climatiques.

[79] Sur ce point, je n'ai reçu aucune preuve à l'effet que Jason Watt n'ait pas respecté ces exigences du RAC.

[80] Quant aux bagages de cabine et à la cargaison, il est de la responsabilité du commandant de s'assurer qu'ils sont dûment sécurisés conformément au manuel d'exploitation de la compagnie, lequel a été rédigé en conformité avec le Règlement de l'aviation canadien. Le pilote en chef a témoigné que les employés de passerelle n'étaient pas formés à la sécurisation d'une charge d'aéronef. Seul le commandant de bord possède ce type de qualification.

[81] D'après le rapport du BST et le passager survivant, les bagages et le fret n'étaient pas sécurisés et certains passagers avaient avec eux des bagages de cabine, ce qui est contraire à ce que prévoit le manuel d'exploitation de la compagnie.

[82] L'employé a le devoir de toujours se conformer aux instructions de l'employeur, ainsi que le stipule l'alinéa 126 (1)d) du Code :

126(1) L'employé au travail est tenu : (d) de se conformer aux consignes de l'employeur en matière de santé et de sécurité au travail;

[83] Dans le chapitre (généralités) du manuel de la compagnie Arctic Sunwest Charter, il est spécifié que le commandant de bord a la responsabilité de :

Superviser ou effectuer le chargement et la sécurisation de la cargaison/du fret conformément aux procédures énoncées au chapitre 2.

[84] Le chapitre 2 (sur l'autorisation de vol) de ce même manuel précise ce qui suit :

[traduction]

[…] la charge doit être sécurisée pour empêcher que son contenu ne devienne un danger en bougeant et pour protéger tout dispositif de contrôle, câblage, ligne, matériel ou accessoire qui, s'il était endommagé ou tombait en panne, affecterait la sécurité des opérations. Des dispositifs appropriés de restriction seront utilisés au besoin pour protéger les occupants contre les blessures que pourrait leur causer le chargement lorsqu'il est situé à côté d'eux. […]

[85] Les enquêteurs du BST ont déterminé qu'il n'y avait pas, à bord du Cessna de moyens d'attacher les bagages et la cargaison aux anneaux d'arrimage. Je n'ai reçu aucune preuve à l'effet que l'employeur était au courant de cette situation le 3 janvier 2007.

[86] Il ne ressort pas de la preuve qui m'a été produite que les bagages et la cargaison non sécurisés qui se trouvaient à bord de l'aéronef ont constitué des facteurs contributifs des blessures mortelles subies par Jason Watt.

[87] Néanmoins, les employés devraient au courant de ces instructions de par l'entraînement qu'ils ont reçu de l'employeur. La preuve démontre que Jason Watt avait suivi le programme de formation de familiarisation de l'employeur et que, par conséquent, il connaissait ses responsabilités avant et pendant le vol du 3 janvier 2007.

[88] En ce qui a trait à la masse et au centrage de l'aéronef, il a été établi, dans le rapport du BST, qu'il n'y avait pas d'excédent de poids sur le Cessna contrairement à ce qu'a dit l'ASS Sheïr. D'après les calculs effectués pour en arriver à un juste centrage du Cessna, la charge utile brute était de 3350 livres. Hors, il a été estimé que la masse totale de l'aéronef était de 3316 livres.

[89] Pour ce qui est des mauvaises conditions météorologiques que l'on pourrait rencontrer lors d'un vol, les pilotes avaient l'instruction, de la compagnie, de retourner à leur base. Qui plus est, le manuel d'exploitation de l'Arctic Sunwest précise que les départs ne sont pas permis lorsqu'il y a des conditions de givrage. Le Cessna piloté par Jason Watt n'était pas équipé ni approuvé pour faire face à des conditions de givrage. Le pilote en chef a témoigné que Jason Watt avait été informé et formé aux procédures de la compagnie dans de telles conditions météorologiques. Cependant, la preuve a montré que Jason Watt a essayé d'atteindre sa destination finale en dépit d'une dégradation des conditions météorologiques lors de l'apparition d'un brouillard de givre. Avant que le Cessna ne s'abîme, la visibilité de Jason Watt était obstruée par le givre qui s'était formé sur le pare brise de l'aéronef.

[90] Le pilote en chef a témoigné qu'aucune pénalité financière n'est imposée au pilote lorsqu'un vol n'est pas exécuté en raison de mauvaises conditions météorologiques. Selon la preuve, cette politique de l'employeur est consignée par écrit. Cependant, aucun témoignage n'a été livré au sujet du respect de cette politique par les dirigeants de la Sunwest Charter.

[91] Il ressort de la preuve qui m'a été produite que, au moment de l'accident, l'employeur avait bel et bien en place des procédures de sécurité de vol ainsi qu'un programme de formation qui avait été approuvé par Transports Canada.

[92] Au moment de l'accident, Arctic Sunwest possédait un certificat valide d'exploitant aérien que le ministre des Transports lui avait émis aux termes de la partie VII du Règlement de l'aviation canadien et en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi sur l'aéronautique.

[93] À la lumière de mon enquête sur les circonstances de l'instruction donnée et de l'analyse ci dessus, je conclus que l'ASS Sheïr a erré en donnant une instruction à Arctic Sunwest le 21 novembre 2007.

[94] Je conclus que rien n'indique qu'Arctic Sunwest contrevenait au Code le 3 janvier 2007 contrairement à ce qu'a déterminé l'ASS Sheïr.

[95] Pour ces motifs et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l'alinéa 146.1(1)a) du Code, j'annule l'instruction donnée par l'ASS Sheïr le 21 novembre 2007.

Pierre Guénette
Agent d'appel

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