Archivée - Décison: 09-020 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail
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nº Dossier : 2007-27
nº Décision : TSSTC-09-020
Code Canadien Du Travail
Partie II
Santé et sécurité au travail
Association des employeurs maritimes
appelant
et
Syndicat des débardeurs de
Montréal, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 375
intimé
Le 21 mai 2009
Cette affaire a été décidée par l’agent d’appel Katia Néron.
Pour l’Association des employeurs maritimes
M Robert Monette et M André C. Giroux, Ogilvy Renault
Pour le Syndicat des débardeurs de Montréal,Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 375
Aucun représentant
1- Nature de l’appel
[1] La présente affaire concerne un appel déposé en vertu du paragraphe 146(1) de la Partie II du Code canadien du travail (le Code), le 28 septembre 2007 par M Robert Monette, au nom de l’Association des employeurs maritimes (AEM).
[2] Cet appel a été logé à l’encontre de l’instruction émise le 7 septembre 2007 par l’agent de santé et de sécurité (ASS) Denis Briffaud de Transport Canada – Sécurité Maritime dans le cours de son enquête concernant l’accident impliquant une grue de bord ayant eu lieu le 28 août 2007 lors des opérations de déchargement de sucre d’un navire alors amarré à la section nº 46 du port de Montréal, lieu de travail exploité par Logistec Stevedoring Inc.
[3] Dans sa requête, M Monette allèguait que l’ASS Briffaud avait erré en fait et en droit en décidant de désigner, dans son instruction, l’AEM comme étant l’employeur, au sens du Code, à qui il pouvait, aux termes qui lui sont dévolus par le Code, ordonné de faire enquête sur la situation comportant des risques survenue le 28 août 2007 dans une des cales du navire M/V Orsula où un débardeur avait été exposé à l’effondrement d’une partie de la cargaison en vrac de sucre. Selon M Monette, l’ASS Briffaud aurait dû désigner, dans son instruction, Logistec Stevedoring Inc. comme étant l’employeur, non l’AEM.
2- Contexte
[4] Le 28 août 2007, lors du déplacement d’une excavatrice à partir du quai à la section nº 46 du port de Montréal dans la cale nº 1 du navire M/V Orsula à l’aide de sa grue de bord nº 1 – l’excavatrice devant servir à effectuer le nivelage de la cargaison de sucre à être déchargée – le câble de la grue s’est effrité puis s’est cassé causant la chute, à environ trois pieds du sol, de l’excavatrice dans le fond de la cale. Dû à la secousse provoquée par la rupture du câble, des segments de la cargaison de sucre – d’environ six à huit pieds de large par quinze pieds de haut – collés sur les murs de la cale se sont effondrés alors que le débardeur Richard Tremblay se trouvait déjà dans la cale en attente de pouvoir opérer la dite excavatrice. Pour se protéger, R. Tremblay s’est déplacé vers le centre de la cale. Il ne fut ainsi ni enseveli ni blessé.
[5] À son arrivée sur les lieux, l’ASS Griffaud a ordonné l’arrêt de l’utilisation des grues de bord du navire jusqu’à ce qu’une nouvelle certification leur soit émise.
[6] En outre, de façon à ce qu’une enquête soit effectuée – tel que l’exige les dispositions prévues sous l’alinéa 125(1)c) du Code et l’article 14.3 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) s’y rattachant –suite à l’effondrement de la cargaison de sucre dans la cale du navire alors qu’un employé s’y trouvait, l’ASS Griffaud a émis, sous l’autorité de l’alinéa 141(1)a) du Code, l’instruction contestée qui se lit en partie comme suit:
Le 28 août 2007, l’agent de santé et de sécurité a procédé à une enquête sur le site de déchargement du navire « Orsula » suite au bris du câble de levage d’une grue du dit navire. Le site de déchargement, situé à la Section 46 du Port de Montréal est exploité par l’Association des employeurs maritimes ; celle-ci est assujettie à la Partie II du Code canadien du Travail et son bureau principal est sis à l’Édifice du port de Montréal., aile 2. Cité du Havre.
Au cours de son enquête, l’agent de santé et de sécurité au Travail sous-signé a constaté qu’il peut exister une situation hasardeuse lorsque des employés se trouvent dans une cale de navire dont les parois de cargaison sont susceptibles de s’effondrer sur eux (notamment le sucre).
Par conséquent, il vous est ordonné par la présente, en fonction de l’alinéa 141.(1) a) de la Partie II du Code canadien du Travail, de procéder à une enquête tel que le prévoit l’article 14.3 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (navire) et de remettre à l’agent sous-signé les conclusions de celle-ci au plus tard le 1er novembre 2007.
[7] Le 2 novembre 2007, Vincent Thomin, conseiller syndical à la santé et sécurité pour le Syndicat des débardeurs de Montréal, Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 375, avisait le Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail1 que son syndicat n’avait pas l’intention de faire de représentation dans cette affaire.
[8] Le 22 janvier 2008, en début d’audience dans le cadre de l’affaire, M Monette a formulé une demande de mise en suspens de la procédure compte tenu d’une requête de contrôle judiciaire déposée par l’AEM auprès de la Cour fédérale visant à faire déterminer qui de l’AEM ou des entreprises de débardage opérant au port de Montréal, entre autres Logistec Stevedoring Inc., ou dans quelles circonstances l’AEM ou les dites entreprises, était l’employeur, au sens du Code, des débardeurs oeuvrant dans ce port.
[9] Lors de l’exposé de sa requête devant moi, M Monette a toutefois déposé en pièce au dossier une lettre émise par l’AEM le 24 octobre 2007 à l’ASS Briffaud qui répondait à son instruction. Rattachés à cette lettre se trouvent les documents suivants:
- le « Rapport d’enquête accident/blessure/dommage » rédigé par Éric Collin, pour le Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP, section locale 375, et par Mathieu Fortin, pour Logistec Stevedoring Inc., le dit rapport ayant été signé par ce dernier. Dans ce rapport, il est indiqué que le comité local de santé et de sécurité formé pour le lieu de travail de Logistec Stevedoring Inc. examinerait si des changements dans les procédures de travail étaient requis suite à l’incident survenu le 28 août 2007;
- les comptes-rendus des réunions du comité précité tenues le 31 août et 12 octobre 2007. Aux pages 5 et 7 du compte-rendu du 31 août 2007, le comité a décidé que les procédures de travail déjà établies pour le déchargement de cargaison en vrac de sucre seraient distribuées aux travailleurs au début de chaque quart de travail pour les prochains navires afin d’écarter le risque qu’un employé soit exposé à des blessures ou soit enseveli par un effondrement possible de la cargaison sur eux dans les cales d’un navire, d’autres mesures étant toutefois à l’étude et possiblement mises en place ultérieurement. Quant au compte-rendu de la réunion du 12 octobre 2007, à la page 4 de ce document, il est indiqué que d’autres mesures ont été prises et approuvées par le comité.
[10] Lors de l’audience du 22 janvier 2008, l’ASS Briffaud m’a de plus indiqué qu’il avait examiné les dits documents et que les mesures prises par Logistec Stevedoting Inc. se conformaient à son instruction.
[11] Ayant pris connaissance des dits documents et pour les motifs tels que formulés dans ma décision interlocutoire du 30 janvier 20082, j’ai accordé la suspension de la procédure jusqu’à ce que la Cour fédérale ait pris une décision quant à la requête de contrôle judiciaire déposée par l’AEM.
[12] Suite à la décision rendue le 18 décembre 2008 par l’Honorable juge Max M. Teitelbaum de la Cour fédérale3 relativement à la dite requête de contrôle judiciaire, l’audition de la présente affaire fut fixée le 19 et 20 mai 2009.
[13] Compte tenu de la question soulevée par M Monette dans la présente affaire ainsi que de l’ordonnance émise par le juge Teitelbaum dans l’affaire Association des employeurs maritimes, supra, je transmettais le 30 janvier 2009 une lettre à Mathieu Fortin de Logistec Stevedoring Inc. l’avisant du présent appel et sollicitant leur concours en tant qu’intervenant au processus d’appel de façon à leur permettre de faire valoir leurs représentations dans l’affaire, du moins s’ils le jugeaient indiqué. Je leur ai donné jusqu’au 9 février 2009 pour m’aviser quant à leur choix d’intervenir ou non à l’affaire. Je n’ai reçu aucune réponse suite à cette demande.
[14] Le 13 mai 2009, M André C. Giroux, au nom de l’AEM, formulait une demande à l’effet que je ferme le présent dossier alléguant que la question soulevée dans l’affaire est devenue théorique.
[15] Je dois ainsi d’abord décider si la question est devenue théorique avant de décider si le présent dossier peut être fermé ou, au contraire, si je dois exercer ma discrétion d’entendre la présente affaire.
3- La question du caractère théorique
[16] La Cour Suprême a établi dans l’affaire Borowski c. Canada (Procureur Général) (1989) 1 R.C.S. 342 une analyse en deux étapes pour déterminer le caractère théorique d’un litige. Je dois d’abord me demander si, en l’instance, le différend concret et tangible a disparu pour établir si la question est devenue théorique. Si tel est le cas, je dois alors décider si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire pour entendre l’affaire.
[17] Au paragraphe 15 de l’arrêt dans l’affaire Borowski, supra, la Cour Suprême résume le principe général du caractère théorique d’un litige de la façon suivante:
[15] Le principe général s’applique quant la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a ou peut avoir des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger de l’affaire.
a) En l’instance, le litige est-il devenu théorique?
[18] Dans sa requête du 13 mai 2009, M Giroux fait valoir les éléments suivants comme démontrant le caractère théorique du présent appel:
[…]
Considérant l’instruction émise par l’ASS Briffaud le 7 septembre 2007;
Considérant que le Navire Orsula avait déjà quitté le Port de Montréal au moment où l’instruction fut émise;
Considérant la décision du syndicat de ne pas faire de représentation dans le dossier;
Considérant les mesures prises par Logistec Stevedoring inc., l’Employeur, prope à écarter le risque d’effondrement de la cargaison sur les employés qui travaillent dans le fond de cale du navire, lesquelles mesures ont été approuvées par son comité local de santé sécurité au travail, le tout tel que vous le mentionniez dans votre décision du 30 janvier 2008;
Considérant que l’ASS Briffaud s’est dit satisfait que lesdites mesures se conformaient à son instruction, tel que vous le mentionnez également lors de votre décision du 30 janvier 2008;
Considérant que, dans les circonstances, il deviendrait inutile de soulever la question constitutionnelle que nous avions soulevée dans le dossier 2007-22;
[…]
[19] En émettant son instruction du 7 septembre 2007, l’ASS Briffaud a identifié, à mon sens, une contravention au Code soit le fait qu’une enquête n’avait pas été effectuée suite à l’effondrement de la cargaison de sucre dans la cale nº 1 du navire M/V Orsula alors qu’un employé s’y trouvait et ce, tel que l’exige les dispositions prévues sous l’alinéa 125(1)c) du Code ainsi que l’article 14.3 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) s’y rattachant.
[20] L’AEM a porté en appel l’instruction de l’ASS Briffaud pour le motif – tel qu’en fait foi le libellé de l’appel tel que formulé par M Monette – qu’elle estimait qu’il ne lui incombait pas de se conformer à la dite instruction puisque, de l’avis de M Monette, l’employeur visé par celle-ci aurait dû être Logistec Stevedoring Inc., non l’AEM.
[21] Tel que mentionné plus haut, ni le Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP, section locale 375, ni Logistec Stevedoring Inc. n’ont jugé indiqué de présenter des représentations dans l’affaire. J’en conclus qu’il n’existe pas de différent concret et tangible entre eux et l’AEM quant à la question soulevée par cette dernière dans la présente affaire ou, en d’autres mots, qu’aucun débat contradictoire n’existe entre eux.
[22] Pour cette raison, j’en conclus que le présent appel ne revêt plus maintenant qu’un caractère théorique.
[23] Il ne me reste ainsi qu’à examiner si l’octroi d’une décision de ma part sur les mérites de l’appel aurait un effet pratique sur les droits de l’AEM uniquement, cette dernière étant la seule partie à l’appel.
b) Une décision de ma part sur les mérites de l’appel aurait-elle un effet concret sur les droits de l’AEM?
[24] L’ASS Briffaud ayant reconnu – en s’appuyant sur les documents soumis par l’AEM le 24 octobre 2007 pour répondre à son instruction – qu’il n’y avait plus de contravention au Code puisque l’enquête telle qu’ordonnée par lui dans son instruction du 7 septembre 2007 a été effectuée par Logistec Stevedoring Inc. et que les mesures préventives pour contrer au risque qu’un employé soit exposé à des blessures ou soit enseveli par un effondrement possible de la cargaison en vrac, notamment du sucre, dans une cale d’un navire ont été approuvées par le comité local de santé et sécurité formé par Logistec Stevedoring Inc. pour son lieu de travail situé au port de Montréal, j’estime qu’il deviendrait inutile de statuer sur l’identité de l’employeur qui aurait ou n’aurait pas dû recevoir l’instruction contestée puisque qu’il y a maintenant, aux dires de l’ASS Briffaud, conformité aux dispositions du Code en la matière.
[25] Considérant la présente demande de M Giroux formulée au nom de l’appelante dans cette affaire, considérant le fait que le Syndicat des débardeurs de Montréal, SCFP, section locale 375, ainsi que Logistec Stevedoring Inc. ont choisi de ne pas faire de représentation dans l’affaire, considérant que la contravention identifiée dans son instruction du 7 septembre 2007 a été corrigée de l’avis même de l’ASS Briffaud, considérant en outre ma conclusion que le présent appel ne revêt plus maintenant qu’un caractère théorique, – pour toutes ces raisons, mais également compte tenu de ma compréhension des dispositions telles qu’elles ont été prévues sous le Code –, je suis d’avis qu’une décision de ma part sur les mérites de l’appel n’aurait pas d’effet pratique sur les droits de l’AEM.
4) Décision
[26] Conséquemment, je décide de ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire d’entendre la présente affaire et je ferme ainsi le dossier.
Katia Néron
Agent d’appel
[1] note en bas de la page 1 Aujourd’hui dénommé « Tribunal de santé et de sécurité au travail Canada »
[2] note en bas de la page 2 Association des employeurs maritimes et Syndicat des débardeurs, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 375, Décision interlocutoire CAO-08-002(I), émise le 30 janvier 2008
[3] note en bas de la page 3 Association des employeurs maritimes et Sa Majesté La Reine du Canada (Ressources humaines et Développement social Canada) et Syndicat des débardeurs S.C.F.P. section locale 375 et Association internationale des débardeurs, ILA, section locale 1657 et Logistec Stevedoring Inc. et Montreal Gateway Terminals Partnership et Termont Montréal Inc. et Empire Stevedoring Co. Ltd. et Cerescorp Inc., 2008 CF 1393, dossier T-643-07, 18 décembre 2008
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