Archivée - Décison: 09-030 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

Informations archivées

Les informations archivées sont fournies aux fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elles ne sont pas assujetties aux normes Web du gouvernement du Canada et n'ont pas été modifiées ou mises à jour depuis leur archivage. Pour obtenir ces informations dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.

Dossier : 2008-01
Décision : OHSTC-09-030

Code Canadien Du Travail

Partie II

Santé et sécurité au travail

Service correctionnel du Canada
appelant

et

Jeff Holliday
intimé

Le 20 août 2009

Cet appel a été tranché par l’agent d’appel Michael Wiwchar.

Pour l’appelant
Harvey Newman, avocat

Pour l’intimé
Jeff Holliday, gestionnaire correctionnel

Appel

[1] Le présent appel a été produit en vertu du paragraphe 146.(1) du Code canadien du travail, Partie II (Code) par Service correctionnel Canada (SCC) à l’encontre d’une instruction émise par l’agente de la santé et de la sécurité (l’ASS) Diana Smith le 23 janvier 2008. Cette instruction a été émise en vertu du paragraphe 145.(1) du Code et portait sur une infraction à l’alinéa 125.(1)l) du Code et à l’alinéa 12.9c) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (Règlement).

Contexte

[2] Je retiens les faits exposés ci-après, tirés du rapport d’enquête de l’ASS daté du 30 janvier 2008 et d’autres documents pertinents soumis par les parties.

[3] Le 20 décembre 2007, des employés qui occupent le poste de gestionnaire correctionnel (GC) à l’Établissement de Kent (le lieu de travail) ont déposé une plainte à l’interne à l’employeur en vertu du paragraphe 127.1(1) du Code au sujet d’une question de port de vestes de protection contre les armes tranchantes tenant lieu d’équipement de protection individuel. Les GC étaient d’avis qu’ils devraient avoir le même équipement de protection lorsqu’ils exécutent leurs fonctions que celui qui est fourni aux agents de correction (CO) et qu’à défaut de bénéficier du même équipement, ils se plaçaient en situation de risque pendant qu’ils étaient au travail.

[4] La politique de l’employeur consistait à exiger de tous les employés occupant des postes d’agent de correction 1 (CO1) et d’agent de correction 2 (CO2) de porter des vestes de protection contre les armes tranchantes pour exercer leurs fonctions quotidiennes.

[5] Une enquête sur la plainte a été effectuée en vertu de l’alinéa 127.1(3)a) du Code par un employeur et un membre employé du comité local de santé et de sécurité.

[6] Le 15 janvier 2008, le directeur adjoint par intérim, Opérations, a rédigé au nom de l’employeur une note de service à l’intention de tous les membres du personnel correctionnel du lieu de travail dans laquelle il exige que les employés qui occupent les postes de CO1 et de CO2 commencent à porter le 21 janvier 2008 des vestes de protection contre les armes tranchantes comme équipement de protection individuel. Telle était la teneur de la note de service :

[Traduction]

En date du 14 janvier 2008, nous avons été en mesure de fournir des vestes de protection contre les armes tranchantes à plus de 95 % de nos agents de correction COI et COII. Les mesures des autres membres du personnel ont été prises et ils attendent la livraison de leurs vestes. Par conséquent, nous pouvons maintenant autoriser les membres du personnel à commencer à porter les vestes, qui font partie de leur équipement de sécurité, à compter du 21 janvier 2008, à 6 h 30.

Les membres du personnel qui attendent actuellement la livraison de leurs vestes seront affectés à des postes sans contact avec les détenus comme la patrouille à moteur, la tour, et ainsi de suite. Les membres du personnel qui n’ont pas reçu de veste doivent aviser le gestionnaire correctionnel au poste (K6) avant le début de leur quart de travail.

En ce qui concerne le reste de l’équipement de sûreté et de sécurité qui a été fourni au personnel, la veste doit obligatoirement être portée en tout temps pendant que le membre du personnel travaille à l’intérieur de la clôture du périmètre, à défaut de quoi le membre du personnel pourrait devoir se faire imposer une mesure disciplinaire. Le défaut de se présenter au travail avec la veste pourrait entraîner le refus de laisser effectuer un quart de travail ou le renvoi à la maison d’un membre du personnel, à ses frais, pour aller chercher sa veste.

[7] Le 18 janvier 2008, le rapport d’une enquête conjointe a été publié et concluait que la plainte était justifiée. Les rédacteurs ont recommandés à l’employeur que le même équipement de protection individuel, soit les vestes de protection contre les armes tranchantes qu’obtiennent les CO1 et les CO2 devraient être fourni aux GC. L’employeur n’a pas accepté la recommandation et par conséquent le conflit entre les GC et l’employeur est demeuré non résolu.

[8] Le 21 janvier 2008, six employés du lieu de travail occupant des postes de GC ont fait valoir leur droit de refuser un travail dangereux en vertu du paragraphe 128.(1) du Code. L’ASS s’est présentée sur le lieu de travail et a fait une enquête sur le refus de travailler comme l’exige le Code.

[9] Les motifs de refus invoqués portent sur le fait que contrairement à ce qui était mentionné dans la note de service à l’intention de tout le personnel correctionnel sur le lieu de travail, les employés qui ont refusé de travailler n’ont pas reçu de vestes de protection contre les armes tranchantes comme les autres employés qui occupent les postes de CO1 et de CO2.

[10] L’intimé Jeff Holliday occupe le poste de GC à l’Établissement de Kent et il était le représentant désigné des employés au moment du refus de travailler. Il a rédigé une note de service au directeur par intérim indiquant les motifs du refus. Entre autres motifs, M. Holliday a expliqué que les GC font affaire avec les mêmes détenus que les CO1 et les CO2 et qu’ils doivent être présents lors de chaque incident qui peut être violent et dangereux au sein de l’établissement et régler ces incidents, tandis que les CO1 et les CO2 ne répondent qu’à une partie de ces incidents.

[11] Après son enquête du 21 janvier 2008, l’ASS a établi que la question relative au danger touchait des énoncés en particulier qui étaient formulés dans la note de service plutôt qu’un incident en particulier impliquant des détenus en interaction avec des GC. De plus, les détenus étaient réputés constituer la source du soi-disant danger, au sens où l’entend le Code, qui exigeait que certains employés reçoivent de l’équipement de protection individuel, à savoir les vestes de protection contre les armes tranchantes.

[12] L’ASS a conclu qu’il n’y avait pas de danger parce qu’au moment du refus et dans le cadre de son enquête, les employés ayant refusé de travailler n’étaient ni impliqués ni en contact avec des détenus. Les détenus étaient emprisonnés dans leurs cellules au moment de l’enquête en raison d’un isolement cellulaire complet découlant des refus.

[13] Malgré sa décision d’absence de danger, l’ASS a établi que l’employeur enfreignait le Code et le Règlement, c’est-à-dire que les GC n’ont pas reçu d’équipement de protection individuel adéquat, des vestes de protection contre les armes tranchantes, lorsqu’ils étaient à proximité de détenus.

[14] Le 21 janvier 2008, l’ASS a émis une instruction de vive voix à l’employeur, SCC, en vertu du paragraphe 145.(1) du Code et elle a décrit l’infraction. Une instruction écrite a suivi le 23 janvier 2008.

[15] L’instruction écrite émise le 23 janvier 2008, qui a réitéré l’instruction orale du 21 janvier 2008, prévoyait ce qui suit :

[Traduction]

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION DONNÉE À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 21 janvier 2008, l’agente de santé et de sécurité soussignée a mené une enquête sur le lieu de travail exploité par le Service correctionnel du Canada, un employeur assujetti au Code canadien du travail, Partie II, C.P. 1500, 4732, chemin Cemetery, Agassiz (Colombie-Britannique), V0M 1A0, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de Établissement de Kent (max.).

Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, Partie II, a été enfreinte :

Al. 125.(1)l)Code canadien du travail, Partie II,
Al. 12.9c)Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

Les gestionnaires correctionnels, lorsqu’ils se trouvent à proximité de détenus, ne reçoivent ni ne sont tenus d’utiliser un vêtement de protection contre les armes tranchantes bien adapté. De plus, les gestionnaires correctionnels qui sont tenus d’utiliser cet équipement doivent recevoir une formation et un entraînement concernant son inspection, son utilisation et son entretien.

Par conséquent, il vous EST ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention immédiatement.

En outre, je vous ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures pour veiller à ce que la contravention ne se produise de nouveau.

Fait à Vancouver le 23 janvier 2008.

Diana M. Smith

Agente de la santé et de la sécurité

Numéro de certificat : BC1635

À : Service correctionnel du Canada

C.P. 1500, 4732, chemin Cemetery, Agassiz (Colombie-Britannique), V0M 1A0

[16] L’employeur a réagi à l’instruction en fournissant immédiatement aux GC des vestes de protection contre les armes tranchantes.

[17] Le 12 août 2008, M. Harvey Newman, avocat principal représentant l’employeur, a informé le Tribunal qu’une entente avait été conclue entre le directeur et les GC qui avaient refusé de travailler le 21 janvier 2008.

[18] Le document a été signé par Mme D.K., directrice, pour l’appelant et par M. Holliday, M. R.K., gestionnaire correctionnel par intérim et M. D.L., gestionnaire correctionnel par intérim, M. R.M., gestionnaire correctionnel, M. T.R., gestionnaire correctionnel et M. J.V., gestionnaire correctionnel par intérim, tous au nom de l’intimé. Il s’exprimait ainsi :

[Traduction]

Protocole d’entente

Objet : Service correctionnel du Canada c. Jeff Holliday et autres
(2008-01)

Les parties à l’affaire susmentionnée conviennent que l’Instruction émise par l’agente de la santé et de la sécurité Diana M. Smith (BC1635) en date du 23 janvier 2008 est trop générale et devrait être annulée. Les parties conviennent que les gestionnaires correctionnels à l’Établissement de Kent qui occupent le poste K12 et les gestionnaires correctionnels qui travaillent dans des unités résidentielles devraient recevoir et être tenus d’utiliser des vêtements de protection contre les armes tranchantes en tout temps lorsqu’ils occupent le poste K12 et/ou travaillent dans une unité résidentielle.

Les parties conviennent de demander une conférence préparatoire à l’audience devant un agent d’appel pour faire annuler l’instruction du 23 janvier 2008 émise par l’agente de la santé et de la sécurité Smith. Les parties conviennent que le fait de fournir des vêtements de protection contre les armes tranchantes telles qu’il est décrit précédemment satisfait aux exigences du Code canadien du travail et du Règlement.

[19] Le 5 septembre 2008, j’ai tenu une téléconférence préparatoire à l’audience avec M. R. Fader, avocat qui représentait l’appelant à ce moment particulier, et M. Holliday. Pendant la téléconférence, les parties ont présenté leur thèse et m’ont permis de m’informer sur l’affaire.

[20] L’appelant a répété que l’instruction était ambiguë et trop générale et qu’elle ne décrivait pas avec exactitude les secteurs dans lesquels les GC sont exposés au danger mentionné par l’ASS, à savoir lorsque les employés sont à proximité des détenus. L’employeur a déclaré que le problème posé par l’instruction résidait dans son libellé et n’a pas contesté que les employés étaient exposés à un danger ni fait valoir qu’il n’existait pas de danger.

[21] J’ai demandé que l’appelant fournisse des observations écrites pour expliquer la justification du mode d’évaluation du danger et pour répondre à la réponse de l’employeur à l’ASS conformément à l’instruction et à la lettre d’accompagnement.

[22] L’intimé a affirmé pendant la téléconférence préparatoire à l’audience qu’il n’éprouvait pas d’inquiétudes au sujet de sa santé et de sa sécurité dans les circonstances parce que les vestes de protection contre les armes tranchantes avaient été fournies par l’employeur tout de suite après l’instruction émise par l’ASS.

[23] De plus, l’intimé a déclaré que le protocole d’entente réglait ce que les GC avaient demandé d’entrée de jeu dans leur plainte et dans le cadre de leur refus. C’est l’ASS qui avait décidé d’élargir la question et de ne pas limiter le port des vestes de protection contre les armes tranchantes aux postes et aux secteurs indiqués dans le protocole.

[24] L’intimé s’est dit d’avis que le fait de fournir des vestes de protection contre les armes tranchantes tel qu’il est exposé dans l’entente satisferait aux exigences du Code et du Règlement.

[25] Le 26 septembre 2008, le Tribunal a reçu des observations écrites de l’appelant sous forme d’une lettre et d’un document joint. Le document était une analyse du risque professionnel décrivant toutes les affectations et les fonctions dans le cadre desquelles des GC sont en contact avec des contrevenants/détenus. Chaque tâche a été évaluée en regard des dangers contre lesquels la veste de protection contre les armes tranchantes doit protéger les personnes qui la portent. Les tâches ont été établies, le danger a été décrit, le risque a été évalué et soupesé et la mesure de contrôle recommandée a été précisée.

[26] L’appelant a demandé que j’exerce l’autorité que me confère le paragraphe 146.1(1) du Code pour annuler l’instruction et la remplacer par le protocole d’entente conclu par les parties elles-mêmes.

[27] L’intimé a examiné les observations écrites de l’employeur et n’avait ni préoccupation ni quoi que ce soit à ajouter.

[28] Le 5 novembre 2008, en réponse à ma demande qui visait à obtenir davantage de preuves reposant sur des faits, l’appelant a soumis d’autres documents au Tribunal. L’appelant a fourni des lettres du directeur et du directeur adjoint par intérim des Services de gestion et des compte-rendus de réunions du comité de santé et de sécurité.

[29] Compte tenu de la preuve fournie, je n’ai pas été en mesure de décider d’annuler l’instruction comme le demandaient les parties et il y a eu une audience les 9 et 10 juin 2009 à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

[30] Le 9 juin 2009, dès le début de l’audience, les parties ont organisé une visite du lieu de travail pour me donner l’occasion de me familiariser avec les fonctions des GC rattachées à des circonstances dangereuses. M. Holliday a dirigé la visite, au cours de laquelle il m’a fourni des renseignements additionnels sur les vestes de protection contre les armes tranchantes du point de vue de l’instruction reçue par les GC relativement à leur utilisation et à leur entretien.

Question en litige

[31] Dans cet appel, il s’agit de déterminer si l’ASS Smith a commis une erreur dans son instruction émise à l’employeur en vertu du paragraphe 145.(1).

Arguments conjoints des parties

[32] Les parties soutiennent que l’essentiel de l’instruction de l’ASS porte sur le défaut de l’employeur de fournir aux GC dans leur lieu de travail un vêtement de protection approprié lorsqu’il existe un risque de blessure par contact cutané.

[33] L’instruction émise par l’ASS comportait deux volets. Le premier traitait du vêtement de protection contre les armes tranchantes bien adapté devant être fourni aux GC et de l’exigence d’utiliser le vêtement en question, et le deuxième portait sur l’instruction concernant l’inspection, l’utilisation et l’entretien de l’équipement.

[34] La politique actuelle de l’employeur est de fournir à tous les GC de l’Établissement de Kent des vestes de protection contre les armes tranchantes faites sur mesure et de leur donner une formation et un entraînement appropriés sur l’inspection, l’utilisation et l’entretien adéquats du vêtement en question, en conformité avec le Règlement.

[35] Après le dépôt du présent appel, les parties se sont entendues au sujet des conditions qui donneraient lieu au port obligatoire des vestes. L’instruction de l’ASS mentionnait que les GC seraient tenus d’utiliser les vestes « lorsqu’ils se trouvent à proximité de détenus ». Après l’audience, les parties ont fait valoir conjointement que l’instruction devrait être modifiée de façon à ce que soient remplacés les mots « lorsqu’ils se trouvent à proximité de détenus » par les termes suivants :

[Traduction]

« lorsqu’ils exercent des fonctions dans le cadre desquelles ils seraient habituellement tenus d’agir comme premiers intervenants dans des incidents impliquant des détenus, ou lorsqu’ils agissent effectivement à titre de premier intervenant. »

[36] Les parties ont également fait valoir que la preuve présentée établit l’absence de probabilité raisonnable de danger de blessure par contact cutané sur le lieu de travail si le port obligatoire des vestes est limité aux situations proposées par les parties, et que ce serait conforme à l’alinéa 12.9c) et au paragraphe 12.15(2) du Règlement.

Analyse

[37] Je dois décider si l’ASS a commis une erreur dans son instruction émise à l’employeur en vertu du paragraphe 145.(1) du Code. Par conséquent, je traiterai d’abord des dispositions particulières du Code et du Règlement qu’elle mentionnait dans l’instruction en posant la question suivante :

Les alinéas 125.(1)l) du Code et 12.9c) du Règlement ont-ils été enfreints par l’employeur?

[38] L’alinéa 125.(1)l) du Code est ainsi rédigé :

125.(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève,

l) de fournir le matériel, l’équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires à toute personne à qui il permet l’accès du lieu de travail;

[39] Les dispositifs de sécurité réglementaires dont il est fait mention à l’alinéa 125.(1)l) sont précisés à l’alinéa 12.9 c) du Règlement de la façon suivante :

12.9 Lorsque, dans le lieu de travail, il y a risque de blessures à la peau ou de maladie de la peau, l’employeur doit fournir à toute personne à qui il permet l’accès au lieu de travail l’un des éléments suivants :

c) un vêtement de protection.

[40] Les dispositions du Code et du Règlement citées précédemment exigent qu’un employeur fournisse à toute personne à qui il permet l’accès au lieu de travail de l’équipement de sécurité. L’ASS a décidé que les GC étaient exposés à un risque de blessure par contact cutané et que l’employeur doit leur fournir un vêtement de protection. En l’espèce, le vêtement de protection était une veste de protection contre les armes tranchantes.

[41] Bien que ce ne soit pas énoncé expressément dans son rapport, je conclus dudit rapport et du libellé de son instruction que l’ASS a statué qu’il existe un risque de blessure lorsque les GC se trouvent à proximité des détenus parce qu’il se peut qu’un détenu agresse subitement un GC au moyen d’un objet tranchant qui pénètre dans la peau.

[42] L’activité et la situation risquées sont décrites clairement dans un rapport non daté intitulé « 127 Complaint – Stab Resistant Vests, Kent Institution ». Le rapport a été produit conjointement par un employé et un employeur membres du comité de santé et de sécurité. Le rapport mentionnait des témoignages de GC ayant été victimes d’incidents sérieux au cours desquels des détenus ont utilisé ou menacé d’utiliser des objets tranchants qui pénètrent la peau contre des GC. Les auteurs ont conclu leur rapport en recommandant à l’employeur de fournir à tous les GC de l’Établissement de Kent les mêmes vestes sur mesure de protection personnelle qu’à tous les autres membres du personnel opérationnel (CO1 et CO2).

[43] J’accorde beaucoup de valeur probante au rapport susmentionné et à la recommandation faite par les membres employeur et employé du comité de santé et de sécurité relativement à la plainte déposée par les GC en vertu de l’article 127.1. Dans l’ensemble, le rapport me donne l’impression que l’enquête a été menée par des membres du personnel compétents et chevronnés dans le domaine des opérations institutionnelles relatives aux questions de sécurité, de santé et de sûreté. Le rapport explique brièvement la question et présente une une conclusion objective et une recommandation sur la question de la plainte qui illustrent encore davantage la compétence des rédacteurs. Ces derniers ont conclu qu’il existait un risque et que les GC devraient obtenir la même protection, soit dans le présent cas des vestes de protection contre les armes tranchantes, que les employés qui occupent des postes de CO1 et de CO2.

[44] Le document d’analyse du risque professionnel de l’employeur inclus dans les documents de l’appelant, qui établit l’existence dans le lieu de travail des activités et des situations risquées décrites précédemment, présente aussi une grande valeur probante. Le document décrit huit tâches précises dans le cadre desquelles un GC de l’Établissement de Kent peut être subitement victime d’une agression physique de la part d’un détenu qui détient une arme blanche.

[45] Je traiterai maintenant de la question de savoir si l’employeur a enfreint ou non le Code et le Règlement. Par son programme d’évaluation des risques, l’employeur a établi que les employés sont exposés à des situations et des activités risquées lorsqu’ils sont agressés soudainement par des détenus qui utilisent des objets tranchants qui pénètrent la peau.

[46] La mesure de prévention de l’employeur visant à atténuer le risque consistait à fournir de l’équipement de protection individuel sous forme de veste de protection contre les armes tranchantes. Je conviens que le risque qui résulte d’un comportement ou d’un geste humain spontané n’est pas sous l’autorité de l’employeur et ne peut être éliminé or réduit au point d’assurer la santé et la sécurité des employés. Cela étant dit, c’est le fait que certains employés ont obtenu de l’équipement tandis que d’autres n’ont pas reçu qui est litigieux en l’espèce.

[47] Je conclus que l’employeur a enfreint le Code et le Règlement le 21 janvier 2008 en ne fournissant pas aux GC de vestes de protection contre les armes tranchantes de la même façon qu’il l’a fait pour les CO1 et les CO2. De fait, les GC étaient exposés, dans le cadre de leurs fonctions, à un risque ayant été identifié et accepté par l’employeur. C’est pourquoi les GC avaient le droit d’obtenir de l’équipement de protection individuel au même titre que les CO1 et les CO2.

[48] Par conséquent, je conviens avec l’ASS que l’employeur n’a pas fourni aux GC de vêtement de protection comme l’exige le Code et le Règlement et que conséquemment, l’employeur a enfreint le Code.

[49] L’instruction de l’ASS mentionnait une seule infraction à l’alinéa 125.(1)l) du Code et à l’alinéa 12.9c) du Règlement. À l’analyse de la description de l’infraction, il m’apparaît toutefois clairement qu’une deuxième question se posait dans le même paragraphe. La deuxième phrase est ainsi rédigée :

[Traduction]

En outre, tout gestionnaire correctionnel tenu d’utiliser cet équipement doit recevoir la formation et l’entraînement sur l’inspection, l’utilisation et l’entretien de cet équipement.

[50] Par conséquent, je soulève la question suivante :

L’employeur a-t-il enfreint l’alinéa 125.(1)l) du Code et le paragraphe 12.15(2) du Règlement?

[51] Le paragraphe 12.15(2) du Règlement est ainsi rédigé :

12.15 (2) Tout employé qui utilise l’équipement de protection doit recevoir la formation et l’entraînement sur l’utilisation, la mise en service et l’entretien de cet équipement.

[52] Cet élément supplémentaire de l’infraction va au-delà de la simple affirmation selon laquelle l’employeur n’a pas fourni un vêtement de protection contre les armes tranchantes, ce qui constituait la question au centre du refus. Il introduit un autre élément dans l’instruction qui touche un sujet tout à fait différent dans le Règlement. Selon moi, la question de l’instruction et de la formation sur l’utilisation, la mise en service et l’entretien est une question distincte qui aurait dû être traitée soit comme deuxième volet de l’instruction, soit dans une autre instruction.

[53] Je conclus que comme l’employeur n’a pas fourni de vestes de protection contre les armes tranchantes aux GC, il va de soi que l’employeur n’avait pas donné de formation et d’entraînement sur la mise en service, l’utilisation et l’entretien de l’équipement au moment du refus.

[54] Pour ce motif, je peux souscrire à la thèse de l’ASS selon laquelle l’employeur n’a pas donné aux GC la formation et l’entraînement nécessaires concernant la mise en service, l’utilisation et l’entretien de l’équipement comme l’exige le Code et le Règlement et selon laquelle l’employeur a commis une infraction.

[55] La prochaine question a trait à la description de l’infraction par l’ASS dans l’instruction. La description porte sur l’exposition des GC au risque lorsqu’ils n’ont pas de vêtement de protection contre les armes tranchantes faits sur mesure lorsqu’ils sont « à proximité » de détenus. En utilisant l’expression « à proximité », l’ASS n’ajoute pas de contexte à une situation et j’interprète donc l’instruction comme si elle s’appliquait à l’exposition d’un GC dans une situation ou au cours d’une activité lorsqu’il se trouve dans le même secteur général qu’un détenu.

[56] Par conséquent, je soulève la question suivante :

L’ASS a-t-elle décrit avec exactitude, dans l’instruction qui fait l’objet de l’appel, l’infraction concernant les situations ou les activités qui touchent le refus de travailler des employés?

[57] Je ne crois pas que l’ASS a commis une erreur grave dans sa description. La note produite par l’employeur le 15 janvier 2008, qui justifiait le refus de travailler des GC, mentionne qu’il est obligatoire pour les CO1 et les CO2 de porter leurs vestes [traduction] en tout temps pendant qu’ils travaillent à l’intérieur de la clôture du périmètre. (Je souligne.)

[58] Le refus des GC, tel qu’il est stipulé dans leurs formulaires d’enregistrement de refus, portait sur leur intention de se faire fournir des vestes de la même façon que les CO1 et les CO2. L’ASS a souscrit à cette demande à la suite de son enquête et a déclaré la même chose dans l’instruction.

[59] Dans la plainte fondée sur l’article 127, les GC demandaient la même protection que celle qui était accordée aux CO1 et aux CO2. Dans leurs recommandations, les enquêteurs ont omis de préciser quand et où l’équipement devait être utilisé. Les enquêteurs ont tous conclu que l’équipement devrait être fourni.

[60] L’appelant et l’intimé font maintenant valoir que l’instruction émise par l’ASS est excessive. Les parties ont conclu une entente qui expose clairement cette position, dans le but, je crois, de me prouver que leurs préoccupations ont été réglées en coopération par les intervenants du milieu de travail.

[61] Les parties, dans leurs arguments conjoints, ont maintenant précisé l’activité ou la situation dangereuse en particulier qui selon eux nécessite de la protection, en la décrivant dans les termes suivants :

[Traduction]

« lorsqu’ils exercent des fonctions dans le cadre desquelles ils seraient habituellement tenus d’agir comme premiers intervenants dans des incidents impliquant des détenus, ou lorsqu’ils agissent effectivement à titre de premier intervenant. »

[62] Après examen de la preuve, je conclus que ces termes décrivent avec exactitude l’activité et la situation.

[63] En conclusion, je n’ai pas à déterminer si l’employeur a bien observé l’instruction, mais plutôt si les circonstances justifient ou non l’émission d’une instruction.

[64] En vertu de l’alinéa 146.1(1)a) du Code, je possède le pouvoir, après avoir fait enquête sur la question, de modifier, d’annuler ou de confirmer l’instruction.

[65] L’alinéa 146.1(1)a) du Code est ainsi rédigé :

146.1(1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut:

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions; […]

[66] Je conclus que tandis que l’instruction émise par l’ASS a bien identifié les infractions, elle n’a pas bien désigné les situations et les activités risquées auxquelles les GC étaient exposés. Je dois donc prendre la mesure adéquate tel qu’il est mentionné ci-après pour régler ces anomalies.

Décision

[67] Pour les motifs énoncés précédemment, je modifie l’instruction écrite émise le 23 janvier 2008 par l’ASS Diana Smith en remplaçant les mots « lorsqu’ils se trouvent à proximité de détenus » par les mots : « lorsqu’ils exercent des fonctions dans le cadre desquelles ils seraient habituellement tenus d’agir comme premiers intervenants dans des incidents impliquant des détenus, ou lorsqu’ils agissent effectivement à titre de premier intervenant […] » comme l’indique le texte en annexe.

[68] Je suis convaincu que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour protéger les GC contre les circonstances qui se rapportent à cette affaire tel qu’il est stipulé dans l’instruction et par conséquent, l’employeur n’est tenu de prendre aucune autre mesure relativement aux infractions décrites dans la présente décision.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

Appendice

Dossier : 2008-01
Décision : OHSTC-09-030

Affaire intéressant la partie II du Code Canadien du travail
Santé et sécurité au travail
Instruction à l’employeur en vertu du paragraphe 14

5.(1) Par suite d’un appel interjeté en vertu de l’article 146 de la partie II du Code canadien du travail (le Code), l’agent d’appel soussigné a, en conformité avec l’article 146.1, effectué l’examen d’une instruction formulée oralement par l’agente de la santé et de la sécurité Diana Smith, le 21 janvier 2008, et soumise par écrit le 23 janvier 2008, à la fin de son enquête sur un refus de travailler qui est survenu dans le lieu de travail exploité par Service correctionnel du Canada, qui est un employeur assujetit à la partie II du Code canadien du travail, à l’Établissement de Kent, le 21 janvier 2008.

Ladite agente de santé et sécurité est d’avis qu’il y a infraction aux dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail:

1. Les gestionnaires correctionnels, lorsqu’ils exercent des fonctions dans le cadre desquelles ils seraient habituellement tenus d’agir comme premiers intervenants dans des incidents impliquant des détenus, ou lorsqu’ils agissent effectivement à titre de premier intervenant, ne reçoivent ni ne sont tenus d’utiliser un vêtement de protection contre les armes tranchantes bien adapté, […]

L’alinéa 125.(1)l) du Code et l’alinéa 12.9c) de la partie XII du Règlement, intitulée « Matériel, équipement, dispositifs, vêtements de sécurité », […]

2. Les gestionnaires correctionnels tenus de porter un vêtement de protection contre les armes tranchantes bien adapté ne reçoivent ni formation ni entraînement sur son utilisation, sa mise en service et son entretien avant d’enfiler l’équipement, […]

L’alinéa 125.(1)l) du Code et le paragraphe 12.15(2) de la partie XII du Règlement, intitulée « Matériel, équipement, dispositifs, vêtements de sécurité ».

Par conséquent, il vous Est ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures pour corriger sur-le-champ les infractions.
Fait à Ottawa, le 20 août 2009.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

À : Service correctionnel du Canada
Établissement de Kent
Agassiz (Colombie-Britannique)

Détails de la page

Date de modification :