Archivée - Décison: 09-032 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier : 2006 - 13 a), 2006 - 13 b)
Décision : OHSTC-09-032

Code Canadien Du Travail

Partie II

Santé et sécurité au travail

D. Morrison et autres
C. McDonnell et autres
appelants

et

Société canadienne des postes
intimée

Le 3 septembre 2009

Cet appel a été tranché par l’agent d’appel Richard Lafrance.

Les séances du tribunal ont eu lieu aux dates suivantes :

  • du 30 janvier au 2 février 2007,
  • du 9 au 13 avril 2007,
  • du 30 juillet au 3 août 2007,
  • du 18 au 21 février 2008,
  • le plaidoyer écrit final a été reçu le 3 avril 2008,
  • arguments supplémentaires en novembre 2008,
  • arguments supplémentaires en février 2009.

Pour les appelants
M. D. Bloom, avocat

Pour l’intimée
M. S. Bird, avocat

Appel

[1] La présente décision vise deux appels interjetés en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre de deux décisions d’absence de danger rendues par l’agent de santé et de sécurité (ASS) Lance Labby.

[2] Un premier appel a été interjeté par les factrices et facteurs ruraux et suburbains employés par la Société canadienne des postes basée à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Ces employés ont exercé leur droit de refuser de travailler en invoquant des motifs ergonomiques.

[3] Le deuxième appel a été interjeté par d’autres factrices et facteurs ruraux et suburbains de Postes Canada basés à Maple Ridge, en Colombie-Britannique. Ces autres employés ont exercé leur droit de refuser de travailler en invoquant des motifs basés sur l’ergonomie et la circulation de véhicules. Le 19 janvier 2006, l’ASS Labby a fait enquête sur les refus de travailler de cinq factrices et facteurs ruraux et suburbains à Abbotsford, en Colombie-Britannique, et a conclu qu’il n’existait pas de danger. Par la suite, le 31 janvier 2006, il a fait enquête sur les refus de travailler de quatre factrices et facteurs ruraux et suburbains de Maple Ridge, en Colombie-Britannique. Encore une fois, il a conclu qu’il n’y avait pas de danger sur le plan ergonomique.

[4] Il y a eu jonction des appels à la demande et avec l’accord des deux parties, car les deux affaires traitaient des mêmes questions et avaient fait l’objet d’une enquête par le même agent de santé et de sécurité au cours d’une période relativement courte. Par conséquent, cette décision s’appliquera aux deux affaires.

[5] Les appels ont été enregistrés dans deux dossiers distincts sous les numéros de dossier du Tribunal 2006-13a - G. Manson et STTP et Postes Canada et 2006-13b, - G. Manson et STTP c. Postes Canada. Ces deux dossiers traitent d’un appel interjeté par G. Manson, président de la section locale Royal City du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), au nom de neuf employés qui ont refusé de travailler et qui sont ordinairement employés comme factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) par la Société canadienne des postes.

[6] Le dossier portant le numéro 2006-13a a trait à des refus de travailler qui sont survenus à Abbotsford, en Colombie-Britannique, le 16 janvier 2006. Le dossier portant le numéro 2006-13b concerne les refus de travailler qui se sont produits le 25 janvier 2006 à Maple Ridge, en Colombie-Britannique.

[7] M. Bird, avocat de Postes Canada, a demandé que l’intitulé des deux affaires soit modifié de manière à désigner chaque appelant de chaque affaire. Tel qu’il est indiqué dans sa demande, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) n’est pas partie à cette instance. De plus, au début de l’audience, M. Bloom, avocat des appelants, a mentionné que deux des employés ayant refusé de travailler ont retiré leurs appels, ce qui laissait au total sept employés appelants. En ce qui concerne le dossier Abbotsford, (2006-13a) les appelants sont : D. Morrison, L. Friesen, B. Poirier et P. Hamilton. Dans le dossier Maple Ridge (2006-13b), les appelants sont : C. McDonnell, G. Chartier et S. Hart. Dans les deux dossiers, les employés avaient retenu les services de M. Bloom comme avocat.

[8] Par conséquent, je modifie l’intitulé de l’affaire Abbotsford afin qu’il soit : (2006 -13a) D. Morrison et autres et Société canadienne des postes. En ce qui concerne l’affaire Maple Ridge, son intitulé sera inscrit sous : (2006 -13b) C. McDonnell et autres et Société canadienne des postes. Par souci de commodité dans cette décision, j’appelerai ces dossiers le dossier Abbotsford ou le dossier Maple Ridge au besoin, afin de préciser les circonstances.

Contexte

[9] Les factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) ont ratifié leur première convention collective conclue avec la Société canadienne des postes (Postes Canada) le 30 septembre 2003. Avant cette date, Postes Canada avaient recours aux services des FFRS pour la livraison du courrier dans les régions rurales et suburbaines du Canada en concluant des contrats individuels. Ainsi, Postes Canada les considéraient comme des entrepreneurs indépendants et autonomes et non comme des employés.

[10] À compter de janvier 2004, en conformité avec leur nouvelle convention collective, les FFRS sont devenus des employés de Postes Canada et sont donc devenus visés par la partie II du Code canadien du travail (le Code).

[11] Postes Canada a ensuite fait des démarches pour informer formellement les FFRS qu’elle ne tolérerait plus les FFRS qui livrent du courrier dans les boîtes aux lettres rurales en conduisant du mauvais côté de la route. Par conséquent, ils ne seraient pas autorisés à livrer du courrier par la fenêtre côté conducteur de leurs véhicules de livraison. Jusqu’alors, la livraison par la fenêtre du côté du conducteur avait été considérée comme une pratique de livraison courante.

[12] À compter d’octobre 2005, un nombre croissant de FFRS de partout au Canada ont exercé leur droit de refuser d’accomplir des tâches dangereuses en se fondant sur deux aspects de leur travail. Ces refus de travailler s’appuyaient sur des questions ou motifs « ergonomiques », une expression utilisée par les deux avocats pour décrire les mouvements répétitifs causés par des gestes de torsion, d’extension en vue de l’atteinte et de glissement requis pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager des véhicules des FFRS.

[13] Certains des FFRS ont également soulevé des « questions de circulation » ou motifs, comme les deux avocats les appellent, pour décrire les conditions défavorables créées par l’emplacement physique des boîtes aux lettres par rapport à la route, à l’accotement, au volume, au type et à la vitesse de la circulation des véhicules.

[14] Le 16 janvier 2006, cinq factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) Note de bas 1 de Abbotsford, en Colombie-Britannique, ont refusé de livrer du courrier dans des boîtes aux lettres rurales (BLR). Ils ont fait valoir, en général, que les mouvements répétitifs d’étirement, de torsion et d’atteinte déployés pour livrer du courrier par la fenêtre du côté du passager de leurs véhicules mettaient leur santé en danger.

[15] Le 25 janvier 2006, quatre factrices Note de bas 2 de Maple Ridge, en Colombie-Britannique, ont refusé de livrer le courrier à des BLR, en faisant généralement valoir que les conditions de circulation de leurs itinéraires de livraison rendaient l’exécution de cette activité dangereuse pour eux.

[16] À Maple Ridge, le motif lié à l’« ergonomie » a également été soulevé par S. Hart parce qu’elle devait grimper sur la console de son véhicule pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager dudit véhicule comme l’exigeaient les Procédures de travail sécuritaire (PTS) de livraison de Postes Canada.

[17] En résumé, les FFRS de Maple Ridge étaient d’avis qu’elles pourraient se blesser, voire se tuer dans un accident impliquant leur véhicule en livrant le courrier à des boîtes aux lettres rurales. Elles croyaient qu’en raison de l’emplacement de certaines BLR, il serait impossible de prévenir un accident de leur véhicule dans certaines circonstances particulières. Elles ont relevé certaines de ces circonstances, à savoir l’absence d’accotement pour se ranger sur le côté de la route pendant la livraison et une visibilité insuffisante des autres véhicules causée par les courbes, les côtes et les carrefours invisibles. D’autres circonstances comme le type, la vitesse et le volume de la circulation ont également été mentionnées. En outre, l’emplacement de certaines autres BLR se trouvant en bordure de fossés profonds en érosion et, de façon générale, l’emplacement et l’entretien des BLR constituaient également des facteurs qui ont motivé leurs refus de travailler.

[18] W. Lynd, l’agent de santé et de sécurité de Postes Canada, a fait enquête sur les refus de travailler à Abbotsford. Il affirmait dans ses rapports que la Société canadienne des postes ne convenait pas que la situation de l’ergonomie décrite par les employés correspondait à la définition de danger se trouvant dans le Code. De plus, il a indiqué que comme les dirigeants locaux avaient pris des mesures quant à la question de la circulation, il ne croyait pas que cela s’inscrivait dans les refus de travailler.

[19] G, Brewer et J. Taylor, les agents de santé et de sécurité de Postes Canada, ont fait enquête sur les refus de travailler à Maple Ridge. Ils ont noté dans leurs rapports des conditions comme des fossés profonds dans certaines régions et des routes glissantes dans d’autres régions. De plus, des employés ont proposé des véhicules avec conduite à droite pour régler la question de l’ergonomie. Les FFRS ont également soulevé comme motifs les collines et les intersections invisibles.

[20] Dans les deux cas, comme l’employeur ne convenait pas de l’existence d’un danger, un agent de santé et de sécurité désigné par le ministre du Travail a été appelé à faire enquête sur les refus continus, et ce en vertu du Code.

[21] Conformément au Code, l’agent de santé et de sécurité (ASS) Lance Labby a fait enquête sur les deux refus de travailler qui font l’objet de la présente décision, en présence des employés et d’un membre du comité de santé et de sécurité au travail. De plus, un représentant de l’employeur était présent.

[22] L’ASS Labby a noté les faits suivants dans son rapport d’enquête sur Abbotsford :

  • Tous les FFRS Note de bas 3 avaient acheté leurs propres voitures pour s’acquitter de leurs fonctions.
  • Tous les FFRS étaient des entrepreneurs recrutés par Postes Canada avant le 1er janvier 2004. Après cette date, ils sont tous devenus des employés de Postes Canada.
  • L’employeur a fait parvenir les Procédures de travail sécuritaire PTS à tous les FFRS. Ceux-ci ont tous accusé réception d’une copie des PTS avant de devenir des employés de Postes Canada.
  • Les FFRS n’ont reçu aucune formation sur les PTS.
  • La plupart des FFRS ont reçu une formation professionnelle de leur employeur précédent dont le poste a été donné en sous-traitance par Postes Canada. Un FRS n’avait pas reçu de formation de son employeur précédent, mais il a appris son travail en observant les autres et en étant formé par d’autres employés.
  • Chaque itinéraire comporte un nombre différent de BLR, de BPCOM et de BPM. Ces itinéraires comprennent de 75 à 350 BLR.
  • Ce ne sont pas toutes les BLR qui font l’objet d’une livraison consécutive, car les FFRS doivent faire des arrêts à certaines BPM et à des BPCOM.
  • Les BLR sont placées à différentes hauteurs comme l’indiquent les mesures prises.
  • Certaines BLR sont en groupes de deux à quatre et certaines sont seules.
  • Les BLR ne sont pas réparties également. En conséquence, la période de repos/de récupération du corps entre chaque livraison à une BLR varie donc constamment.
  • Les FFRS n’ont jamais déclaré de blessure à des secouristes, présenté de réclamation à la CAT/en vertu de la LIAE ou enregistré d’absence au travail à cause d’une blessure occasionnée par le mouvement du siège du conducteur au siège du passager pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager.
  • Aucun des FFRS n’a déclaré de danger à son employeur à quelque moment que ce soit avant ce refus.
  • L’expérience de travail des FFRS varie de 3 ans à plus de 20 ans.
  • Le travail des FFRS n’a pas changé au cours des 5 dernières années.
  • Les FFRS ont toujours la responsabilité de se rapprocher le plus près possible des BLR pour livrer le courrier. La distance varie toujours entre la BLR et l’automobile des FFRS.

[23] En ce qui concerne l’affaire Maple Ridge, l’ASS Labby a répété les mêmes faits que dans son rapport sur l’affaire Abbotsford et a ajouté ce qui suit :

  • La partie II du Code canadien du travail ne vise pas les routes publiques et les autoroutes.
  • Tous les FFRS placent et empilent tous les contenants de lettres dans leurs propres véhicules de façon à assurer une livraison rapide et des itinéraires opportuns.
  • Une FRS a présenté à Postes Canada un rapport sans date sur les « services de livraison suburbains » de son itinéraire et a fourni une liste des problèmes actuels et possibles, y compris certaines solutions éventuelles à la situation. En février 2000, Postes Canada a répondu à la FRS et a fait parvenir au surintendant de Maple Ridge des mesures correctrices non accompagnées d’une date de réalisation.
  • Postes Canada dispose d’un système de règlement des situations « dangereuses » comme la relocalisation de BLR ou le retrait de BLR et le placement de tous leurs clients dans une BPM ou une BPCOM.

[24] En ce qui concerne la question de l’« ergonomie », l’ASS Labby a indiqué dans les deux cas que les FFRS étaient d’avis que le besoin de se déplacer constamment au-dessus de la console centrale de leur véhicule, doublé des mouvements répétitifs constants d’étirement et de torsion requis pour livrer le courrier aux BLR par la fenêtre du côté du passager, représentaient un danger pour leur santé.

[25] Relativement à cette question, l’ASS Labby a conclu qu’il n’y avait pas de danger au sens du Code. Par conséquent, il a conclu à l’absence de danger aux deux emplacements et a ajouté que les employés devaient retourner au travail.

[26] Dans l’affaire Abbotsford, l’ASS Labby n’a pas fait enquête sur la question de la circulation de véhicules, car elle n’avait pas été soulevée par les employés qui ont refusé de travailler. Dans l’affaire Maple Ridge, les ermployées qui ont refusé de travailler ont soulevé cette question. Toutefois, l’ASS Labby était d’avis que l’application du Code ne s’étendait pas aux voies publiques et aux autoroutes. Par conséquent, il a conclu qu’il n’avait pas compétence pour faire enquête plus avant sur la question de la circulation.

[27] Dans les deux cas, les FFRS ont interjeté appel des décisions d’absence de danger rendues par l’ASS Labby.

[28] Comme deux questions distinctes doivent être tranchées dans le cadre de ces appels et comme ces deux questions sont de nature très technique, j’ai décidé de les aborder séparément.

La question de l’ergonomie

[29] En ce qui concerne la question de l’ergonomie, je dois décider de ce qui suit :

  1. Si l’ASS Labby a commis une erreur en concluant que les FFRS qui ont refusé de travailler n’étaient pas exposés à un danger en ayant à livrer le courrier du siège du conducteur, par la fenêtre du côté du passager des véhicules de livraison.
  2. Si je conclus qu’il existe un danger, je dois décider si ce danger représente une condition normale d’emploi, et si elle empêcherait par conséquent les employés d’exercer leur droit de refus.

Preuve

Vue des véhicules

[30] Au cours de l’audience, en présence des deux parties, une visite des véhicules utilisés par les FFRS a été organisée. Les FFRS ont alors montré les mouvements nécessaires pour prendre le courrier qui se trouve sur le siège arrière de leur véhicule, puis faire des livraisons par la fenêtre du côté du passager. J’ai constaté que les FFRS utilisaient divers véhicules, allant d’une sous-compacte à un camion à quatre roues motrices et à une fourgonnette. De plus, la plupart étaient munis d’une console centrale, d’une boîte de vitesse et d’un frein à main au centre du véhicule.

[31] Les types de véhicules utilisés par les FFRS dans l’affaire Abbotsford étaient les suivants :

  • P. Hamilton utilisait un véhicule compact automatique à sièges baquets, muni d’une console centrale.
  • B. Poirier utilisait un véhicule intermédiaire à banquette séparée, sans console centrale.
  • L. Friesen se servait d’un petit véhicule à quatre roues motrices doté d’une console centrale comportant une commande de vitesses au plancher et un frein d’urgence.
  • D. Morrison utilisait une fourgonnette avec sièges baquets, non munie d’une console.

[32] Dans le cas de l’affaire Maple Ridge, voici les types de véhicules qui ont été utilisés :

  • C. McDonnell s’est servie d’un véhicule à quatre roues motrices pleine grosseur doté d’une console centrale, d’un levier de changement de vitesse et d’un frein d’urgence au centre.
  • S. Hart utilisait un petit véhicule muni d’une console centrale.
  • G. Chartier utilisait un petit véhicule avec console centrale et frein d’urgence au centre.

Les Procédures de travail sécuritaire

[33] M. Bird a indiqué qu’après le premier refus de travailler dans la province de Québec, Postes Canada a élaboré et mis en œuvre les Procédures de travail sécuritaire PTS.

[34] Dans la présente affaire, l’ASS a reçu une copie des Procédures de travail sécuritaire lorsqu’il a fait enquête sur le refus de travailler. À l’audience, l’avocat de l’intimée s’est servi des Procédures de travail sécuritaire pour établir que l’employeur disposait d’une procédure pour la livraison du courrier en toute sécurité.

[35] Les Procédures de travail sécuritaire traitent des questions suivantes :

  1. les règles générales de conduite sécuritaire;
  2. la maintenance du véhicule et l’état de fonctionnement sécuritaire des véhicules;
  3. les conditions atmosphériques défavorables;
  4. la conduite vers des points de livraison dans la circulation;
  5. se ranger sur l’accotement pour livrer le courrier aux BLR;
  6. servir la boîte aux lettres rurale;
  7. s’insérer de nouveau dans la circulation routière.

Pour chacun de ces points, la procédure mentionne les dangers possibles et les précautions à prendre en ce qui a trait à ces dangers possibles.

[36] Le point 6 est particulièrement intéressant en ce sens qu’il traite du Service aux boîtes à lettres rurales, qu’il met en garde les FFRS contre les dangers possibles et qu’il dresse la liste des précautions à prendre comme suit :

Danger possible

Précautions

  • distance entre la boîte et la fenêtre
  • geste posé pour atteindre la boîte
  • poids du courrier
  • S’approcher le plus à la gauche possible de la boîte aux lettres rurale tout en gardant assez d’espace pour ouvrir la boîte.
  • Allumer les feux de détresse.
  • Enlever la ceinture de sécurité.
  • Choisir une quantité convenable de courrier à placer dans la boîte (s’il y a un grand volume de courrier pour une boîte, plusieurs liasses peuvent être transférées).
  • Se placer à droite du côté du siège du passager, baisser la fenêtre, ouvrir la boîte aux lettres rurale, prendre le courrier à livrer et le déposer pour livraison, fermer la boîte, fermer la fenêtre, se replacer du côté conducteur, et attacher de nouveau sa ceinture de sécurité.
  • (N.B. : Le/la FFRS ne doit pas sortir du véhicule pour assurer le service à une boîte aux lettres rurale. La livraison doit être faite par la fenêtre du passager, du côté droit. S’il y a entrave à l’approche de la boîte aux lettres rurale, conserver le courrier et poursuivre votre itinéraire. Dès votre retour au dépôt, informer immédiatement votre superviseur du problème.

Les rapports Eady et Human Factor North

[37] Les parties ont déposé conjointement en preuve un certain nombre de documents. Parmi ceux-ci, j’ai retenu plus particulièrement les suivants :

  • Étude des risques ergonomiques liés au travail de livraison des FFRS (C. Eady)
  • Livraison du courrier rural – Évaluation des risques ergonomiques (K. Kawaja, Human Factor North)

[38] En avril 2006, l’employeur a reçu un rapport sur l’évaluation de l’ergonomie dressés par C. Eady, un employé de Postes Canada spécialisé en ergonomie. L’évaluation a été réalisée peu après les premiers refus de travailler à Vaudreuil-Dorion, qui sont survenus avant les refus de travailler qui nous intéressent en l’espèce.

[39] Peu après, une deuxième évaluation a été effectuée par Human Factors North. Inc./Ergonomie Nord Inc. (HFN) afin de confirmer, d’après J. Fraser, les constatations du rapport Eady. Ce rapport, daté du 15 décembre 2006, a été dressé à l’intention du Comité national mixte de santé et de sécurité de Postes Canada. Bien que les parties n’aient pas traité des détails des rapports, la lecture de ceux-ci s’est révélée très profitable et très importante en ce qui touche la description des dangers mentionnés par les FFRS. En outre, aucune preuve n’a été produite et aucun témoignage d’expert n’a été présenté pour contredire ces deux évaluations.

[40] L’étude Eady avait pour objet d’analyser la sécurité ergonomique des FFRS qui effectuaient, dans leur véhicule, la livraison du courrier aux BLR, en fonction de trois techniques différentes, à savoir :

  1. La livraison à partir du siège du passager (mouvement du siège du conducteur au siège du passager) dans un véhicule muni d’un banc, de sièges baquets sans console au centre ou de sièges baquets avec une console au centre.
  2. La livraison du courrier du côté du conducteur, au moyen d’un dispositif que l’on fait passer par la fenêtre du passager.
  3. La livraison par la fenêtre du côté du conducteur au moyen d’un véhicule doté d’une conduite à droite.

En outre, des options de réduction et/ou d’élimination des facteurs de risque ergonomique devaient être notées.

[41] Le rapport indique que les répercussions à long terme des blessures sont inconnues en raison des limites de la documentation scientifique et du caractère unique de cette tâche.

[42] Le déplament latéral sur le siège vers le côté du passager a été jugé préoccupant dans les cas de taux de livraison plus élevés. Le rapport a conclu que le geste posé pour atteindre les BLR à des taux plus élevés de livraison est source de préoccupation, parce qu’il augmente le nombre de mouvements de l’épaule à un angle non neutre. Les conditions hivernales ont également été mentionnées comme autre préoccupation, en raison de la nécessité de s’étirer davantage à cause de l’accumulation de neige entre la route et la BLR.

[43] Dans le cas des camions munis de bancs, le rapport indiquait que bien que le risque de blessure demeurait faible à un rythme de livraison de moins de 37 BLR à l’heure, plus le rythme horaire de BLR augmentait, plus l’on observait de préoccupations liées à l’ensemble des méthodes de livraison.

[44] La recommandation à court terme pour ce genre de véhicule (camion muni de banc) consistait à élaborer une meilleure pratique ergonomique de mouvement latéral sur le banc, de manipulation des conteneurs à lettres Note de bas 4, et d’atteinte de la BLR. À long terme, le rapport recommandait de chercher d’autres méthodes de livraison qui n’exigeraient pas que les FFRS se déplacent latéralement dans leur véhicule pour faire diminuer l’exposition à des facteurs de risque ergonomique.

[45] En ce qui touche les fourgonnettes munies de sièges baquets, le rapport mentionnait le même genre de préoccupations, s’appliquant toutefois à des taux de livraison légèrement supérieurs, à savoir 40 BLR à l’heure. Pour le reste, les mêmes recommandations que celles qui sont énoncées précédemment sont faites.

[46] En ce qui concerne les voitures dotées de sièges baquets et de consoles centrales, le rapport indiquait qu’il s’agit de la pire méthode de livraison, car l’ampleur des facteurs de risque ergonomique présentait un danger inacceptable pour la sécurité. La conclusion reposait sur des observations selon lesquelles :

  1. la colonne lombaire doit souvent subir des positions extrêmes,
  2. une force importante des membres supérieurs et des membres inférieurs est nécessaire pour monter et/ou grimper sur la console centrale,
  3. certains exploitants seraient probablement incapables d’accomplir cette tâche en raison de problèmes anthropométriques et/ou de flexibilité.

Les rédacteurs du rapport ont laissé savoir qu’ils se préoccupent beaucoup de ces genres de véhicules, peu importe les rythmes de livraison aux BLR, en raison des positions extrêmes subies par la colonne lombaire.

[47] Il était recommandé, à court terme, que Postes Canada prenne des mesures pour identifier les FFRS qui conduisent des voitures munies de consoles centrales et qu’ils cessent la livraison dans les situations dans lesquelles le FRS livre seul. La recommandation à long terme portait sur l’utilisation d’autres genres de véhicules, et prévoyait notamment que l’on cherche d’autres méthodes de livraison qui ne nécessitent pas que les FFRS se déplacent latéralement dans leur véhicule et qui feraient diminuer l’exposition aux facteurs de risque ergonomiques.

[48] En ce qui a trait à l’utilisation de dispositifs permettant d’atteindre les BLR, le rapport recommandait de ne pas donner suite à cette idée, parce que de tels dispositifs augmentent les facteurs de risque ergonomiques d’un facteur de 2 et que la force de prise requise est trop grande.

[49] En ce qui concerne la question des véhicules à conduite à droite, l’analyse a établi que le risque de blessure augmente également en fonction du rythme des BLR servies, quoiqu’il n’y ait lieu de s’inquiéter qu’à des rythmes de plus de 50 livraisons à l’heure. Néanmoins, il était recommandé, si Postes Canada retenait ce genre de véhicule, de mener une analyse ergonomique plus approfondie afin de vérifier les inquiétudes sur le plan ergonomique à des rythmes de distribution plus élevés.

[50] Dans le cas de la deuxième évaluation ergonomique, effectuée cette fois par Human Factor North/Ergonomie Nord (HFN), le rapport indique que l’évaluation du risque ergonomique touche les fonctions essentielles des FFRS dans leur véhicule. L’évaluation comprenait :

  • Détacher et attacher sa ceinture de sécurité.
  • L’accès au courrier de l’intérieur du véhicule.
  • Se déplacer latéralement à l’intérieur du véhicule du siège/du côté du conducteur à celui du passager.
  • Livrer le courrier à partir du siège du passager par l’extérieur de la fenêtre du côté passager (assistant) ou à partir du côté du conducteur par la fenêtre du conducteur.

[51] HFN a indiqué dans son rapport qu’elle a recours à un processus de résolution systématique de problème qui définit les problèmes et les solutions en contexte systématique. Elle précise que les données ont été recueillies au moyen de divers outils et dispositifs afin de décrire les problèmes. Il est indiqué que l’analyse systématique présente l’avantage d’inclure plus que les composantes du milieu de travail et tient compte de tous les aspects de l’environnement, dont les caractéristiques de l’emploi, le contexte organisationnel, la technologie et les variables psychosociales.

[52] Pour faciliter la compréhension, j’ai adopté les définitions suivantes qui figurent dans le rapport de HFN:

  • L’« ergonomie » (ou facteurs humains) se définit comme la science des interactions entre l’être humain et les autres composantes d’un système; profession qui applique des théories, des principes, des données et des méthodes à la conception de systèmes de manière à optimiser le bien-être de l’être humain et le rendement global desdits systèmes.
  • L’« ergonomie physique » est le domaine spécialisé de l’ergonomie qui se penche sur les caractéristiques biomécaniques, physiologiques, anthropométriques et anatomiques de l’être humain en relation aux activités physiques. (Les sujets d’intérêt pertinents comprennent notamment les positions de travail, la manutention, les mouvements répétitifs, les troubles musculo-squelettiques liés au travail et la santé, la sécurité et l’aménagement du milieu du travail.)
  • Les « troubles musculo-squelettiques » (TMS) ou lésions sont des lésions et troubles des muscles, des nerfs, des tendons, des ligaments, des articulations, du cartilage et des disques vertébraux ; exemples : syndrome du canal carpien, tendinite de la coiffe des rotateurs et syndrome de la tension cervicale. Les TMS peuvent survenir après des heures, des jours, des mois, voire des années d’exposition. Les symptômes de ces troubles peuvent apparaître soudainement ou débuter lentement et se développer sur une longue période.

[53] Le rapport indique que les problèmes liés aux TMS surviennent dans les milieux de travail dans lesquels les exigences du travail dépassent les capacités de la personne qui accomplit le travail. Il mentionne que certains emplois ne sont pas conçus pour divers travailleurs, qu’ils ne tiennent pas compte de ce que l’on sait des différences entre la taille, la force et l’endurance des gens, et que cette situation fait courir à certains travailleurs davantage de risques de subir des TMS qu’à d’autres. Il est clair qu’il existe un lien marqué entre l’exposition à certains facteurs/dangers physiques en milieu de travail et le développement de troubles musculo-squelettiques. L’exposition à ces dangers physiques peut occasionner des dommages aux muscles, aux tendons, aux nerfs, et ainsi de suite.

[54] HFN a indique dans son rapport que la plupart des blessures liées à l’ergonomie se rangent parmi les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ce sont des blessures et des troubles pour lesquels l’exposition à divers facteurs de risque présents en milieu de travail peut soit contribuer au développement des troubles soit aggraver un état antérieur. En outre, il est précisé que bien qu’un certain nombre de facteurs puissent faire augmenter le risque de TMS, les principaux dangers de TMS sont la force, la répétition, et les postures fixes ou les mauvaises postures. (Je souligne.)

[55] HFN mentionne que la source principale de preuve d’un problème ergonomique provenait de l’évaluation exhaustive du risque couru par huit FFRS ayant été effectuée lorsqu’ils accomplissaient des tâches de livraison types, ce qui a fourni des résultats représentatifs de la réalité.

[56] De plus, un questionnaire confidentiel a été envoyé à tous les FFRS pour faciliter l’élaboration de l’évaluation. Plus de 58 % des FFRS ont répondu, ce qui ajoute foi aux constatations selon lesquelles la tâche des FFRS de livrer du courrier de l’intérieur de leur véhicule aux boîtes aux lettres rurales suscitait d’importantes préoccupations. Au total, 58 % des répondants ont révélé qu’ils ressentaient un inconfort pendant qu’ils livraient le courrier.

[57] Cette évaluation a révélé de nombreuses conditions de travail dangereuses substantielles qui peuvent causer des blessures musculo-squelettiques :

  • Des questions de conception du véhicule comme les grandes variations dans la conception intérieure du véhicule et la hauteur de livraison en rapport avec la BLR. Par exemple, un FRS qui utilise un véhicule bas comme une voiture munie d’une console centrale qui livre dans une boîte aux lettres rurale élevée fait face à un défi physique accru et doit prendre davantage de mauvaises postures que si son véhicule était conçu autrement.
  • La variabilité dans la hauteur, l’emplacement et l’entretien de la boîte aux lettres qui a une incidence sur les exigences physiques requises pour effectuer la livraison, en particulier pour l’épaule. Par exemple, une boîte aux lettres à ouverture abattable requiert une main pour tenir l’ouverture ouverte et l’autre pour livrer le courrier, tandis qu’une boîte aux lettres à ouverture descendante ne requiert qu’une seule main pour être utilisée.
  • La taille des FFRS qui affecte la portée, et la condition physique globale qui affecte la force et la souplesse.
  • La conception et la configuration de l’itinéraire rural qui a un impact sur le nombre de BLR où la livraison est faite et sur l’espacement des boîtes aux lettres. Par exemple, un itinéraire comptant un nombre élevé de BLR réparties sur un faible kilométrage est susceptible de comporter plus de groupes de boîtes aux lettres et/ou des distances plus courtes entre les boîtes aux lettres, ce qui a une incidence sur la nature répétitive du travail et sur l’intervalle de récupération physique entre les livraisons.
  • Les questions liées aux pratiques de travail, comme la main qui est généralement utilisée pour livrer le courrier, la technique de livraison adoptée, la main privilégiée pour accéder à la ceinture de sécurité et pour la boucler, et les méthodes de travail utilisées pour prendre le courrier dans le véhicule en position assise.
  • Des questions environnementales comme les températures froides ou chaudes qui peuvent affecter la fonction musculaire, et toute la vibration du corps qui est intimement liée à la lombalgie.
  • Les questions concernant l’équipement, la machinerie et les outils portatifs, comme la conception d’un conteneur à courrier par rapport à la longueur de l’itinéraire et la conception intérieur du véhicule, l’usure normale du véhicule, et la nécessité de disposer d’un outil portatif pour enlever la glace sur les boîtes aux lettres et relever le drapeau dans les pires scénarios.
  • Les questions psychosociales comme une supervision minimale de l’itinéraire et des FFRS, ce qui peut avoir des répercussions sur le respect par le client de ses responsabilités en matière de BLR, le dévouement des FFRS à l’itinéraire et les clients qui peuvent affecter les pratiques de travail.
  • Les questions d’ergonomie liées à la tâche de conduire qui entraîne un inconfort et des postures à haut risque. Par exemple, l’inconfort causé par la ceinture de sécurité dans le cou et au niveau de la poitrine et les mauvaises postures associées au ralentissement répété et rapide du véhicule, le fait de reculer le véhicule et d’opérer les commandes de conduite en étant assis dans le milieu du véhicule.

[58] En ce qui a trait au nombre de BLR, HFN a indiqué que des mouvements dynamiques de l’épaule qui surviennent plus souvent qu’au rythme de 2,5 la minute représentent un risque élevé au niveau du développement de troubles musculo-squelettiques. Ce seuil est de nouveau modifié et considéré comme un risque très élevé en présence d’un certain nombre de facteurs, notamment une posture extrême, un travail répétitif de longue durée, une grande force externe, une charge statique élevée et/ou l’absence de formation. Outre les mouvements répétés qui affectent les articulations de l’épaule, les FFRS avaient des postures des épaules difficiles et extrêmes. HFN a conclu que compte tenu d’un certain nombre de scénarios possibles, ils estiment que le nombre acceptable de livraisons à l’heure varie entre 12,5 à l’heure dans le cas de la méthode de livraison du conducteur qui livre par la fenêtre du côté du passager et 50 à l’heure dans le cas d’un assistant qui livre le courrier par la fenêtre du côté du passager. (Je souligne.)

[59] Le rapport mentionne que ce que HFN considère comme un nombre acceptable représente le seuil de risque élevé d’une blessure à l’épaule pour les FFRS. Les auteurs du rapport indiquent que d’après leur évaluation, les FFRS font généralement des livraisons au nombre de 67 BLR à l’heure.

[60] HFN formule une mise en garde à l’intention de ses lecteurs en raison des différentes variables qui pourraient affecter la fréquence, la gravité et le nombre des postures des épaules qui doivent être prises pour effectuer la tâche de livraison de l’intérieur du véhicule. Ces variables comprennent les pratiques de travail, la répartition et le nombre de BLR sur l’itinéraire (comme les regroupements et l’espacement des BLR le long de l’itinéraire de livraison). De plus, la conception du véhicule, les mensurations anthropométriques des FFRS, la conception des BLR (y compris leur emplacement et leur entretien) et les variations saisonnières devraient être prises en compte.

[61] En outre, HFN mentionne avoir établi l’estimation du nombre de BLR à l’heure d’après le nombre de mouvements de l’épaule admissibles dans une population en santé. HFN ajoute que l’application de ces nombres à une population blessée doit être faite avec prudence, car elle pourrait aggraver leur état.

[62] Compte tenu du facteur de risque important dans la tâche d’effectuer des livraisons de l’intérieur du véhicule constaté par HFN dans son évaluation, HFN a recommandé que soient réglés les problèmes de la nature répétitive du travail et des postures inconfortables et parfois extrêmes des épaules, de même que la grande variabilité des facteurs touchant le travailleur, le travail et le milieu de travail.

[63] Enfin, HFN a déclaré que les conclusions de l’étude établissaient manifestement que les FFRS ne disposaient pas présentement de l’équipement adéquat (véhicule) pour exercer leur fonction principale de livrer le courrier du véhicule aux BLR et qu’il était urgent de trouver une solution au problème.

[64] HFN a recommandé que l’on envisage d’adapter divers véhicules afin que des banquettes soient disponibles. Ils ont également recommandé que les FFRS reçoivent une liste des caractéristiques de véhicule recommandées qui contribueraient à rendre leur travail plus confortable, efficace et sécuritaire. Enfin, ils ont recommandé que soit effectuée une évaluation des risques que représentent les véhicules dotés d’une conduite à droite. Ces véhicules, qui ont été conçus pour livrer le courrier en position assise, sont munis d’une plus grande fenêtre du côté du conducteur, dont la base se trouve sous la hauteur du coude lorsque le conducteur est en position assise, ce qui permet une meilleure position de l’épaule. On devrait également évaluer d’autres éléments comme un présentoir ou un système de table pour placer le courrier dans le véhicule ou concevoir un autre type de ceinture de sécurité.

Preuve soumise par les appelants

[65] Tel qu’il est mentionné au début de la présente décision, neuf employés et employées ont déposé un appel, mais seulement sept y ont donné suite.

[66] Les sept appelants restants ont témoigné à l’audience. Je ne reproduirai pas l’intégralité de leur témoignage. Toutefois, ci-après se trouve un résumé de ces témoignages. Les segments individuels pertinents sont indiqués au besoin.

Affaire Abbotsford

[67] Dans l’affaire Abbotsford, après s’être fait dire par Postes Canada que le courrier devait être livré par la fenêtre du côté du passager, les quatre FFRS Note de bas 5 ont refusé de travailler parce qu’ils craignaient généralement que les mouvements constants de glissement, de torsion, d’étirement et d’extension pour livrer ce courrier par la fenêtre du côté du passager leur portent préjudice.

[68] Les quatre ont mentionné qu’avant de devenir des employé(e)s de Postes Canada en 2004, ils livraient le courrier par la fenêtre du côté du conducteur. Bien que cette façon de faire n’ait pas été approuvée officiellement par Postes Canada, les employés ont témoigné que l’administration locale savait comment les livraisons étaient faites et fermait habituellement l’oeil sur cette pratique, dans la mesure où le courrier était livré. Tous les employés ayant refusé de travailler, sauf un, ont déclaré qu’ils ne connaissaient pas les Procédures de travail sécuritaire et n’avaient reçu aucune formation sur la procédure sécuritaire de livraison du courrier par la fenêtre du côté du passager.

[69] Au moment des refus, P. Hamilton livrait du courrier à plus de 300 BLR, B. Poirier livrait à environ 250 BLR et D. Morrison comptait plus de 300 BLR sur son itinéraire de livraison. En général, il fallait environ de 3 à 4 heures pour terminer la livraison. La dernière appelante, L. Friesen,comptait 75 BLR sur son itinéraire et s’acquittait de ses livraisons en environ une heure.

[70] Les quatre employés ont témoigné qu’au moment de leur refus, ils ont été interviewés par W. Lynd, l’agent de santé et de sécurité de Postes Canada, et se sont fait demander quels étaient leurs motifs pour poser un tel geste. À la fin, ils ont été informés que Postes Canada ne convenait pas qu’ils étaient exposés à un danger.

[71] D’après les quatre FFRS, quand l’ASS Labby a fait enquête sur leur refus de travailler, il n’a vu que quelques-unes des BLR concernées. Il a examiné leurs véhicules et a pris quelques mesures pour déterminer la hauteur et l’éloignement des BLR par rapport aux véhicules, ainsi que la portée de certains employés.

[72] Chaque FFRS a confirmé avoir choisi le véhicule utilisé pour la livraison du courrier rural. La seule norme que doivent observer les FFRS est énoncée dans l’horaire de leur itinéraire de livraison. Cette norme, établie par Postes Canada, traite uniquement de la taille du véhicule requis, comme une voiture compacte ou une fourgonnette, et précise l’exigence en termes d’espace utilitaire minimal en pieds cubes.

[73] Quoiqu’ils se soient tous rendu compte que pour l’essentiel, leur véhicule n’était pas adapté à leur travail, ils soutenaient qu’il ne pouvait pas être changé ou modifié parce que ce serait trop coûteux.

[74] En outre, les FFRS étaient d’avis que même s’ils disposent d’une banquette complète, ils devront néanmoins effectuer un mouvement de torsion et d’extension vers l’arrière pour prendre le courrier dans les casiers sur la banquette arrière, puis s’étirer pour atteindre la boîte aux lettres. Ce mouvement devra être répété des centaines de fois par jour et continuera de nécessiter des mouvements répétitifs extrêmes qui, à leur avis, entraîneraient des blessures.

[75] En comparaison, ils soutenaient que la livraison du côté du conducteur sollicitait moins leur corps, car ils pouvaient placer le courrier à leurs côtés sur le siège du passager, et donc ne pas avoir à faire un mouvement de torsion et d’étirement vers l’arrière pour atteindre le courrier. Toutefois, ils ont également reconnu que l’horaire de livraison est conçu de manière à ce que la livraison puisse être effectuée du côté droit de la route. Ils ont également admis que les Procédures de travail sécuritaire indiquent de livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager.

[76] Aucun des FFRS n’a déclaré de blessures à son employeur ou n’a réclamé une indemnité pour accident du travail et à titre de nouveaux employés de Postes Canada, ils ont fait valoir qu’ils ignoraient posséder un tel droit, au même titre qu’ils ignoraient posséder un droit de refus jusqu’à ce qu’ils apprennent que d’autres FFRS au Canada refusaient de travailler. Cette question a fini par faire l’objet de discussions au travail avec des collègues FFRS.

[77] La FRS B. Poirier a indiqué que comme sa portée est très courte, elle doit s’agenouiller et s’appuyer à l’aide de ses mains pour atteindre le courrier à l’arrière de son véhicule et la boîte aux lettres du côté du passager. Elle croit qu’un tel mouvement répétitif constant finirait par la blesser.

[78] Les FFRS ont tous déclaré n’avoir reçu aucune formation sur la façon de livrer le courrier de manière sécuritaire par la fenêtre du côté du passager. Ils ont également indiqué n’avoir jamais reçu d’indications ou de formation sur la manière de charger leurs véhicules. Ils chargent dans leur propre véhicule le courrier à livrer et il leur appartient de déterminer comment ils le font.

[79] Le FRS Morrison a témoigné qu’il n’a jamais tenté de livrer du courrier par la fenêtre du côté du passager parce qu’il croit que ce n’est pas sécuritaire. Les autres FFRS ont fait de telles tentatives à divers moments.

[80] P. Hamilton estimait qu’il était plus sécuritaire de conduire du côté droit de la route que du mauvais côté de la route. Toutefois, elle a déclaré qu’elle a cessé de le faire parce qu’elle a subi une contusion à la hanche et à tout son côté droit après avoir tenté de grimper sur la console pour effectuer ses livraisons. Elle a mentionné qu’elle a tenté de placer un drap plié sur la console pour se protéger, mais que cela a eu pour seul effet d’entraîner d’autres contusions et davantage de complications lorsqu’elle cherchait à grimper sur la console.

[81] L. Friesen a tenté de livrer du courrier du côté du passager, mais elle a recommencé à livrer le courrier du côté du conducteur après avoir subi des problèmes de santé qui ont nécessité des traitements chiropratiques.

[82] Les FFRS ont confirmé que Postes Canada, pour apaiser temporairement leurs préoccupations de nature ergonomique en attendant une décision d’un agent d’appel dans l’affaire en espèce, leur a fourni un assistant pour effectuer les livraisons par la fenêtre du côté du passager de leurs véhicules.

Affaire Maple Ridge

[83] Dans l’affaire Maple Ridge, les trois FRS Note de bas 6 ayant opposé un refus ont déclaré qu’elles ont refusé de travailler après s’être fait ordonner de livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager de leurs véhicules sous peine de mesure disciplinaire si elles continuaient à effectuer leurs livraisons comme elles le faisaient par le passé.

[84] Les trois FRS ont été interviewées par les agents de santé et de sécurité W. Lynd et J. Taylor, de Postes Canada, qui étaient également accompagnés de l’agent de la santé et de la sécurité du STTP.

[85] Les trois FRS ont déclaré n’avoir jamais eu de formation de Postes Canada concernant les méthodes de livraison sécuritaires. En outre, elles ont toutes affirmé que jusqu’aux refus et à l’enquête ultérieure de Postes Canada, elles n’avaient jamais pris connaissance des PTS élaborées par Postes Canada.

[86] Au moment de leurs refus, S. Hart livrait du courrier à 189 BLR, G. Chartier, à 165 BLR et C. McDonnell à 250 BLR. En moyenne, il leur fallait trois heures pour procéder à leur livraison de courrier.

[87] Les trois ont confirmé que la livraison du courrier par la fenêtre du côté du conducteur n’avait jamais posé problème jusqu’à ce qu’elles deviennent des employées de Postes Canada. Elles se sont alors fait dire qu’elles ne pouvaient plus procéder de cette façon. Aucune d’elles n’a été réprimandée ou punie pour ce motif, même si l’employeur a toujours su qu’il s’agissait de la façon traditionnelle de livrer le courrier.

[88] C. McDonnell et G. Chartier ont témoigné qu’elles ont refusé de travailler parce qu’après avoir tenté de livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager, elles se sont fait des contusions sur les jambes et sur les côtes parce qu’elles ont dû grimper sur les consoles et enjamber le levier de changement de vitesse et le levier de frein à main, puis s’étirer pour livrer le courrier.

[89] S. Hart a déclaré qu’elle n’a jamais tenté de livrer le courrier suivant les exigences actuelles parce qu’elle ne pouvait même pas atteindre latéralement son véhicule pour déverrouiller la porte du côté du passager, et encore moins livrer le courrier de ce côté.

[90] C. McDonnell a expliqué que parce qu’elles devaient livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager, elles ne pouvaient pas avoir les plateaux à lettres à leurs côtés sur le siège du passager. Ces plateaux devaient être placés sur le siège arrière et le mouvement de torsion constant qui était nécessaire pour récupérer le courrier à l’arrière, doublé de l’effort physique qu’il fallait déployer pour grimper sur la console et s’étirer pour récupérer ou pour placer le courrier dans les BLR nécessitaient, selon elle, un danger pour sa santé.

[91] Tous les FFRS ont déclaré que les seules exigences concernant le véhicule qui sont établies par Postes Canada sont décrites dans leur horaire de livraison. Elles portent uniquement sur la dimension des véhicules requis, comme les compactes, les intermédiaires ou les fourgonnettes. De plus, une exigence d’espace utilitaire minimal est énoncée en pieds cubes. Aucune autre ligne directrice n’est énoncée en ce qui a trait à la configuration intérieure des véhicules.

[92] Les trois FRS ont admis que leur véhicule ne convenait pas pour la livraison de courrier par la fenêtre du côté du passager. Quoi qu’il en soit, les trois ont confirmé qu’elles ne se sont jamais fait dire par l’employeur que la configuration intérieure de leur véhicule rendait celui-ci inadéquat aux fins de la livraison du courrier.

[93] G. Bossenberry a témoigné en réplique au nom des appelants. Elle est la représentante nationale en santé et sécurité du STTP et la coprésidente des représentants des employés du Comité national mixte de santé et de sécurité (CNMSS). Elle a déclaré que le CNMSS n’a jamais pris part à l’étude Eady et à l’élaboration de son rapport. De plus, elle a déclaré, au sujet du rapport Eady, que Postes Canada n’a jamais donné suite aux constatations et aux recommandations dudit rapport en ce qui concerne les véhicules dotés de sièges baquets et de consoles centrales.

[94] En ce qui touche le rapport de HFN, elle a en outre déclaré que bien que le CNMSS avait demandé d’autres évaluations ergonomiques relativement aux problèmes cernés dans le rapport Eady, Postes Canada avait refusé de faire faire d’autres évaluations.

Preuve soumise par l’intimée

Affaires Abbotsford et Maple Ridge

[95] Au total, quatre témoins ont témoigné pour l’intimée. Comme dans le cas des témoins des appelants, un résumé de leurs témoignages figurera ci-après, et les segments individuels pertinents seront relevés au besoin.

[96] J. Taylor a témoigné qu’à sa connaissance, personne n’avait déclaré de problème « ergonomique » avant les refus. Toutefois, ayant participé à des volets de l’enquête sur ces refus de travailler et ayant été informée des motifs des autres refus de travailler, elle a convenu que la question qui est au cœur de ces refus était une question « ergonomique ».

[97] Mme Taylor a également déclaré qu’après les refus, la directive nationale de Postes Canada sur la formation relative à l’ergonomie prévoyait que tous les FFRS devaient suivre une formation sur l’utilisation des Procédures de travail sécuritaire.

[98] En ce qui concerne la question de l’ergonomie, elle a confirmé qu’une étude avait été menée par Human Factors North/Ergonomie Nord (HFN). Elle était membre du comité ayant collaboré avec HFN ainsi qu’avec une représentante du Syndicat, G. Bossenberry.

[99] J. Fraser, Gestionnaire, Santé et sécurité de Postes Canada, a confirmé qu’avant 2004, les FFRS n’étaient pas considérés comme des employés et étaient laissés à eux-mêmes en ce qui concerne les questions de santé et de sécurité.

[100] Il a confirmé qu’une fois que les FFRS sont devenus des employés en janvier 2004, Postes Canada a pris des mesures pour veiller au respect de la politique sur la livraison du courrier par la fenêtre du côté du passager. Il a déclaré que le travail des FFRS est demeuré le même pendant au moins cinq ans et que Postes Canada estimait que les livraisons auraient toujours dû être faites par la fenêtre du côté du passager. Quoi qu’il en soit, au début de 2004, Postes Canada a fait parvenir des lettres à tous les FFRS. La lettre leur rappelait que le fait de conduire du mauvais côté de la route constituait une violation des lois sur la circulation routière, et que les livraisons du côté du conducteur ne seraient plus tolérées et feraient l’objet de mesures disciplinaires progressives au besoin.

[101] En ce qui concerne la question de l’ergonomie, il a confirmé que tout FRS qui refusait de travailler en invoquant des questions d’ergonomie bénéficie des services d’un assistant rémunéré pour l’aider à livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager. Toutefois, il a soutenu que cela ne constituait pas un aveu de danger. Il s’agissait plutôt d’une manière de s’assurer que la livraison du courrier se poursuivrait sans interruption jusqu’à ce que la question soit réglée de façon permanente.

[102] Bien que le rapport Eady ait été préparé avant qu’il occupe son poste actuel, J. Fraser a confirmé que l’étude subséquente de HFN a été menée pour confirmer les constatations du rapport Eady. L’étude a examiné différentes questions, comme la livraison du côté du passager, les véhicules, et la conception des itinéraires, entre autres. D’autres études sur les véhicules avec conduite à droite restent à mener.

[103] M. Fraser a indiqué que les Procédures de travail sécuritaire PTS sont encore étudiées par le Comité national mixte de santé et de sécurité (CNMSS) et qu’elles feraient l’objet de modifications considérables.

[104] W. Hackett, superviseur des FFRS, a témoigné qu’au cours des dix ans pendant lesquels il a été superviseur, il n’a jamais reçu de plainte sur des questions « ergonomiques ».

[105] Le superviseur des FFRS, R. Sawatsky, a reconnu que les FFRS utilisent leurs propres véhicules pour livrer le courrier. Il a également confirmé que les seules exigences qui s’appliquent aux véhicules sont qu’ils observent la taille du véhicule exigé, comme les compactes, les intermédiaires ou les fourgonnettes, ainsi que la capacité du volume de chargement.

[106] Il a soutenu que les itinéraires de livraison ont toujours été conçus pour que les livraisons soient effectuées par la fenêtre du côté du passager. En janvier 2004, aucun changement n’a été apporté à la politique, si ce n’est qu’elle rappelle désormais vigoureusement aux employés qu’ils doivent la respecter.

[107] Par le passé, il a constaté que les FFRS effectuaient les livraisons du côté du conducteur. Lorsque cela se produisait, il rappelait aux employés la politique selon laquelle les livraisons devaient être faites du côté du passager.

[108] En ce qui concerne les véhicules de livraison, il vérifiait seulement si les véhicules satisfaisaient aux exigences de taille et de capacité de volume. Il n’a jamais conseillé les FFRS sur la marque, le type ou les autres caractéristiques d’un véhicule.

[109] M. Sawatsky a confirmé qu’au cours de toutes ses années comme superviseur, il n’a jamais imposé de mesures disciplinaires à un employé parce qu’il n’a pas respecté la politique sur la livraison du courrier. En outre, il n’a jamais entendu parler d’un employé qui se serait fait imposer des mesures disciplinaires par un superviseur pour ce même motif.

Arguments

Arguments des appelants

[110] M. Bloom, citant la décision Verville Note de bas 7, fait valoir que la définition de « danger » n’exige pas que toutes les fois que la situation ou l’activité est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures; elle nous dit plutôt que la situation ou l’activité doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[111] Il soutient en outre que conformément à la décision Douglas Martin Note de bas 8, le rôle du tribunal consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu’affirme le demandeur se produise plus tard.

[112] M. Bloom demande au tribunal de prendre note de ce qui suit :

  1. Les Procédures de travail sécuritaire de Postes Canada exigent que la livraison soit effectuée seulement par la fenêtre du côté du passager des véhicules de livraison. Postes Canada a approuvé soit expressément soit implicitement les véhicules de livraison utilisés par les appelants. La preuve établit que la livraison aux BLR par la fenêtre du côté du passager aurait contraint chacun des appelants à effectuer une série de mouvements répétitifs incommodes à cause de la configuration de leurs véhicules, ce qui entraînait ou était susceptible d’entraîner un inconfort physique et des blessures. La blessure était prévisible en raison de la nature des mouvements répétitifs et incommodes et/ou du contact constant avec le volant, la console ou le frein de stationnement. Dans chacun de ces cas, le FRS aurait été tenu de livrer à beaucoup plus que les 12,5 BLR l’heure jugées sécuritaires dans le rapport de Human Factors North/Ergonomie Nord.
  2. Tous les appelants utilisaient des véhicules qui avaient été approuvés (expressément ou implicitement) par Postes Canada et qui respectaient les exigences établies par Postes Canada. Postes Canada n’a pas produit de lignes directrices sur le choix du véhicule. Dans ce contexte, les véhicules de livraison doivent être pris tels quels et Postes Canada ne peut s’en remettre au choix de véhicules que font les employés pour s’acquitter de son obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses employés. La décision de l’AA Malanka dans Pollard Note de bas 9, maintenue par la Cour fédérale, tranche clairement cette question en faveur des appelants. Au paragraphe 94, l’AA Malanka a déclaré :

[94] [...] Aux termes de l’article 124 du Code, l’employeur a l’obligation de veiller à la santé et à la sécurité de tous ses employés. Par conséquent, s’il était possible de prévenir les blessures grâce à des options au chapitre de la sélection d’un véhicule ou des modalités de travail, laSCP avait l’obligation, sous le régime de la Partie II, d’informer ses employés de ces options et de leur offrir la formation nécessaire à cet égard.

c) Cinq des appelants utilisaient des véhicules munis de consoles centrales (Hamilton, Friesen, McDonnell, Chartier et Hart). Le rapport Eady lancé par Postes Canada mentionne :

[Traduction] « Il est recommandé que la SCP prenne des mesures pour déterminer quels FFRS ont un véhicule avec console centrale et fasse cesser la livraison lorsque les FFRS livrent seuls, dans un véhicule doté d’une console centrale placée entre le conducteur et le siège du passager. »

d) De plus, le protocole de Postes Canada prévoyant qu’elle fournit des assistants reconnaît le problème de sécurité causé par l’exigence de livraison par la fenêtre du côté du passager au-dessus d’une console. Dans la mesure où les décisions de l’ASS Labby n’exigeaient pas que Postes Canada apporte des modifications aux méthodes de livraison, le fait de fournir des assistants devrait être considéré comme une reconnaissance du risque important qui est associé à cette méthode de livraison.

[113] En ce qui concerne l’ergonomie, M. Bloom a fait valoir que la preuve révèle que les exigences physiques de la livraison par la fenêtre du côté du passager représentent un risque déraisonnable pour les employés et constituent un danger au sens du Code.

[114] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, M. Bloom a soutenu que l’agent d’appel devrait annuler les décisions de l’ASS Labby datées du 10 février 2006 et du 17 février 2006 et conclure à l’existence d’un danger sur la base des exigences physiques de la livraison par la fenêtre du côté du passager.

Arguments de l’intimée

[115] Relativement à la question de l’ergonomie, M. Bird fait valoir dans ses conclusions finales que les éléments qui suivent ne sont pas contestés :

  • tous les FFRS se sont plaints d’avoir à s’étirer et à se pencher, mais aucun n’a établi un mouvement en particulier qui est considéré comme un danger;
  • aucun des FFRS ne s’est plaint auparavant ni n’a soutenu avoir subi une blessure ou réclamé une indemnisation de la CAT;
  • les FFRS doivent trier et transporter le courrier jusqu’à leurs véhicules. Toutes ces activités exigent des mouvements ergonomiques de levée, de torsion, d’étirement et de flexion qui semblent ne présenter aucune conséquence apparente;
  • tous les FFRS livraient par la fenêtre du côté du conducteur avant le refus — ce qui, encore une fois, nécessite des mouvements d’atteinte, des flexions et des étirements à des degrés divers.

[116] M. Bird soutient que la livraison par la fenêtre du côté du passager est une « condition normale d’emploi » aux termes du paragraphe 128(2) du Code, qui retire à l’employé le droit de refuser d’accomplir une tâche si cette activité est une « condition normale d’emploi ».

[117] En ce qui concerne la dernière prétention, M. Bird fait valoir que la preuve révèle que :

  • les FFRS sont tenus de trier et de livrer le courrier en suivant des itinéraires précis, tel qu’il est établi dans leur description de travail, et donc que la livraison est une condition normale d’emploi;
  • le placement de courrier dans la BLR en s’approchant de celle-ci au volant et en le mettant à la main dans la BLR constitue également une condition normale d’emploi;
  • une condition « normale » doit correspondre à une « norme généralement acceptée », sinon n’importe quel comportement aberrant d’un employé enlèverait à la disposition du Code toute signification. La livraison du courrier du côté du passager est une condition normale de livraison et donc d’emploi. Il est clair que la plupart des FFRS qui ont interjeté appel ne livraient pas le courrier de cette façon.

[118] M. Bird fait valoir que bien que la plupart des FFRS en l’instance ne livraient pas le courrier par la fenêtre du côté du passager, ils ont tous confirmé ce qui suit :

  • ils savaient qu’ils étaient censés faire la livraison de cette manière, et que Postes Canada ne tolérait pas la livraison du côté du conducteur;
  • tous leurs itinéraires étaient configurés pour la livraison du côté du passager, comme le montraient les horaires de livraison ;
  • il est proposé que je tienne compte de la Directive du Programme des Opérations du travail de RHDCC 905-1-IPG-070 présentée à l’audience. Cette Directive énonce les critères d’examen de l’ASS en ce qui touche les conditions normales d’emploi. M. Bird croit que l’application de ces critères me permettrait de déterminer que la livraison aux BLR du côté du passager constitue une condition normale d’emploi aux fins du Code.

[119] M. Bird soutient qu’il est impossible de conclure à l’existence d’un danger lorsque la cause des préoccupations de nature ergonomique qui sont soulevées par les FFRS est le véhicule qu’ils ont choisi pour livrer le courrier. Il fait valoir qu’il est clairement établi dans la description de travail des FFRS qu’ils sont tenus de choisir un « véhicule adapté à l’itinéraire ».

[120] M. Bird fait valoir que les FFRS sont informés de ce que l’on attend d’eux lors de leur embauche : on leur demande de se procurer l’outil dont ils ont besoin pour accomplir leur travail. Il souligne que non seulement les FFRS ne fournissaient pas un véhicule pour faciliter la livraison du côté du passager, mais également qu’ils ne tentaient pas de remplacer leur véhicule par un véhicule approprié pour faciliter la livraison du côté du passager.

[121] M. Bird ne souscrivait pas à la prétention de M. Bloom selon laquelle Postes Canada, en se contentant de préciser la capacité du véhicule et en n’écartant pas des configurations intérieures de véhicule, avait approuvé expressément ou implicitement ces véhicules. D’après l’avocat Bird, c’était plutôt le contraire, car aucun véhicule considéré inadapté à faire des livraisons ou dont la configuration intérieure était jugée susceptible de causer une blessure n’a été approuvé, voire considéré par quiconque chez Postes Canada.

[122] Il prétend que Postes Canada ne pouvait pas émettre de directives sur cette question, parce que Postes Canada n’a jamais été informée par les FFRS qu’ils éprouvaient des difficultés à effectuer les livraisons aux BLR en raison des configurations de véhicules.

[123] M. Bird soutient que la preuve révèle que la livraison du côté du passager était exigée par la loi et que dans la description de travail des FFRS, Postes Canada exigeait que les FFRS fournissent des véhicules adaptés à la tâche à accomplir.

[124] D’après M. Bird, il n’incombe pas à Postes Canada de préciser et d’approuver le design intérieur des véhicules de livraison requis. Il fait valoir qu’en vertu de l’alinéa 126.(1)c) du Code, il appartient aux FFRS d’acquérir des véhicules qui sont sécuritaires du point de vue des tâches à exécuter.

[125] M. Bird est d’avis que même si le Tribunal décide que Postes Canada a la responsabilité générale de veiller à ce que les FFRS se présentent au travail avec un véhicule qui convient pour le travail à accomplir, le défaut de le faire ne correspond pas à un « danger » au sens du Code.

[126] M. Bird soutient de plus qu’en l’espèce, rien ne prouve qu’un mouvement en particulier est dangereux. Il prétend que le raisonnement de l’ASS était justifié et qu’en outre, l’affirmation selon laquelle les mouvements « ergonomiques » problématiques constituaient un danger n’est pas fondée parce qu’il n’est pas satisfait à la définition de « danger », car l’élément du caractère immédiat est manquant.

[127] En ce qui concerne la formation, M. Bird soutient que les Procédures de travail sécuritaire élaborées par Postes Canada répondent à cette exigence. Ces procédures exposent la méthode sécuritaire de livraison du côté du passager. Même s’il reconnaît que les procédures ne mentionnaient pas de mouvements ergonomiques en particulier, il a néanmoins souligné qu’aucun mouvement particulier n’a été désigné problématique. Il a en outre fait valoir que les employés peuvent choisir les mouvements requis pour travailler en toute sécurité, et qu’il leur incombe de le faire.

[128] M. Bird reconnaît que les rapports Eady et HFN mentionnent qu’il y a plus de risques du fait de la fréquence et de la méthode de livraison. Cependant, aucun des deux rapports ne mentionne que le geste de livrer le courrier aux BLR représente un danger en soi.

[129] D’après M. Bird, les deux rapports ergonomiques présentés au Tribunal n’indiquent pas clairement l’existence d’un danger. Les deux rapports mentionnent que la répétition fait augmenter le risque. Le rapport Eady ne comporte pas de critères de base permettant d’établir expressément l’existence d’un danger.

[130] Il a souligné que bien que le rapport HFN prévient également que le risque augmente avec la répétition, le rapport indique néanmoins qu’il convient de faire preuve de prudence lorsque l’on applique les taux de livraison pour évaluer le danger.

[131] M. Bird fait valoir que la jurisprudence établit qu’il est impossible de conclure à l’existence d’un danger lorsque la cause du problème est la condition personnelle sous-jacente d’une employée comme L. Friesen et B. Poirier.

[132] À cet égard, M. Bird fait allusion au problème de dos de L. Friesen qui est antérieur à son emploi comme FFRS. De plus, il fait référence à la petite stature de B. Poirier, ce qui à son avis rend le travail plus difficile pour elle du point de vue ergonomique. Toutefois, cela ne signifie pas que l’activité est dangereuse, quoique d’après l’avocat, cela peut signifier que l’employée a besoin de mesures d’adaptation.

[133] En ce qui concerne la question « ergonomique », l’avocat Bird estimait que l’ASS Labby aurait dû déterminé que l’une de ces activités ou chacune d’elles était visée par le paragraphe 128.(2) du Code, ce qui équivaut à une condition normale d’emploi et correspond par conséquent à une conclusion d’absence de danger.

[134] M. Bird a fait valoir que la livraison du côté du passager constitue une condition normale d’emploi parce que :

  • Les FFRS sont tenus de trier et de livrer le courrier en suivant des itinéraires précis tel qu’il est exposé dans leur description de travail.
  • Le placement de courrier dans les boîtes aux lettres rurales en s’approchant de la boîte au volant et en y plaçant le courrier à la main est également une condition normale d’emploi.
  • La livraison du côté du passager est une condition normale d’emploi parce qu’elle est exigée par les politiques de Postes Canada et parce que les itinéraires de livraison sont conçus à cette fin.

[135] M. Bird soutient en outre qu’une condition normale d’emploi correspond à la tâche normale, tel qu’il est indiqué précédemment, et ne devient pas quelque chose d’autre uniquement parce qu’il peut y avoir d’autres façons d’accomplir ladite tâche, comme si l’on affirmait que la livraison en voiture blindée n’est pas une condition normale d’emploi parce que les clients pourraient ramasser les biens précieux eux-mêmes. Il a ensuite affirmé que la Cour fédérale a mal interprété cet aspect de l’affaire dans la décision Pollard Note de bas 10 (paragraphes 96 à 101).

[136] Pour les deux questions, Postes Canada demande que les appels soient rejetés.

Arguments en réfutation

[137] En réplique aux arguments de l’intimé, M. Bloom a déclaré que la conclusion du rapport Eady indique clairement que les livraisons faites par les FFRS dans des véhicules avec consoles au plancher et sans assistant ne devraient pas être autorisées.

[138] De plus, il a fait valoir que le rapport HFN a conclu à l’existence d’un risque élevé de blessures aux épaules pour les FFRS qui se conformaient aux Procédures de travail sécuritaire élaborées par Postes Canada.

[139] En ce qui concerne l’affirmation de M. Bird selon laquelle aucun mouvement particulier n’a été indiqué par les FFRS relativement à la question de l’ergonomie, M. Bloom mentionne que lors de leurs témoignages, les FFRS ont décrit et illustré clairement le mouvement à faire pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager. Il a également indiqué que dans la décision de la Cour fédérale dans Pollard (précité), Madame la Juge Dawson a déclaré :

« [...] Obliger une employée à donner une description plus technique du mouvement dont elle affirme qu’il donne lieu à un danger serait faire reposer sur l’employée un fardeau excessif et, à mon avis, cela serait contraire à l’objectif de la partie II du Code. »

[140] En ce qui a trait au paragraphe 128.(2) du Code, M. Bloom a déclaré que Postes Canada a choisi le mode de livraison sans même envisager les autres méthodes de livraison, qui comprenaient peut-être l’utilisation de véhicules avec conduite à droite ou munis d’un système de conduite double ou le recours à des assistants pour livrer le courrier de façon sécuritaire. Il soutient que tel qu’il a été établi dans la décision Verville (précitée), la méthode de travail ne constitue pas une caractéristique essentielle de l’emploi, et donc qu’elle n’est pas visée par le paragraphe 128.(2) du Code.

La décision de la Cour d’appel fédérale dans Pollard Note de bas 11

[141] La Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans l’appel interjeté à l’encontre de la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Pollard (précitée) le 13 octobre 2008.

[142] L’affaire Pollard portait sur une décision Note de bas 12 rendue par l’agent d’appel D. Malanka le 14 juillet 2006. Cette décision avait trait au refus par une factrice rurale et suburbaine (FRS) de livrer le courrier à des boîtes aux lettres rurales (BLR) sur son itinéraire.

[143] Elle s’est plainte du fait que la livraison du courrier par la fenêtre du côté du passager de son véhicule était susceptible de lui causer des blessures parce qu’elle devait s’étirer et se tourner pour atteindre la boîte, puis soulever le fanion.

[144] L’agent de santé et de sécurité qui a fait enquête sur son refus de travailler a examiné les problèmes ergonomiques liés à la livraison du courrier par la fenêtre du passager de son véhicule et déterminé qu’il n’existait aucun danger pour la factrice.

[145] En appel, l’agent d’appel a examiné les nombreuses circonstances se rattachant à la livraison par les FFRS aux BLR, notamment l’étude ergonomique menée par la Société canadienne des postes par suite de la décision rendue par l’agent de santé et de sécurité. L’agent d’appel a déterminé qu’il existait un danger pour les FFRS au chapitre des risques ergonomiques. L’agent d’appel a ordonné à la Société canadienne des postes de prendre les mesures appropriées et immédiates pour écarter le risque qui constituait un danger et, dans l’intervalle, de mettre fin à la livraison du courrier par l’employée visée.

[146] Le 13 octobre 2008, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté par Postes Canada à l’encontre de la décision rendue par la Cour fédérale dans la décision Pollard susmentionnéede l’agent d’appel D. Malanka, qui portait sur l’ergonomie en rapport avec les concepts de « danger » et de « condition normale d’emploi ». Compte tenu de ce qui précède, les parties ont obtenu une occasion de présenter des arguments écrits additionnels.

Observations des appelants

[147] Selon M. Bloom, la Cour a conclu que la décision de l’agent d’appel Malanka, qui s’appuyait sur la décisionVerville (précitée), était raisonnable lorsqu’il a déterminé que la méthode de livraison par la fenêtre du côté du passager n’était pas une condition normale d’emploi.

[148] Il a en outre déclaré que la Cour endossait le raisonnement de Madame la Juge Dawson de la Cour fédérale qui a affirmé :

[100] Au vu de cette preuve, il n’était pas, selon moi, manifestement déraisonnable pour l’agent d'appel de dire que le « danger » n’était pas une caractéristique essentielle de la livraison du courrier en milieu rural et donc que l’alinéa 128(2)b) du Code ne s’appliquait pas. Le « danger » résultait de l’obligation imposée aux facteurs de conduire sur le côté droit de la chaussée et de livrer le courrier sans l’aide d’un auxiliaire, à travers la fenêtre du siège passager avant.

[149] M. Bloom a fait référence au rejet par la Cour de la suggestion selon laquelle les articles 15 et 16 du Règlement sur les boîtes aux lettres Note de bas 13 prescrivaient la méthode de livraison. Il a fait valoir que la Cour a affirmé que l’article 15 prévoit seulement que le courrier peut être livré par dépôt dans les boîtes aux lettres rurales, et que l’article 16 mentionne l’endroit où les boîtes doivent se trouver, à savoir du côté droit de la chaussée, d’après la direction prise par le facteur.

[150] M. Bloom a également indiqué que la Cour a rejeté les arguments de Postes Canada selon lesquels il ne pouvait pas y avoir de « danger » parce que les mouvements nécessaires pour livrer le courrier étaient contrôlés par l’employé et donc qu’aucune formation n’était nécessaire pour faire des mouvements ergonomiques qui tombent sous le sens. Il a déclaré que la Cour a indiqué que l’étude interne de Postes Canada a recommandé que l’employeur élabore de meilleures pratiques ergonomiques de livraison du courrier et informe les employés des configurations de véhicule qui seraient plus ergonomiques.

[151] M. Bloom soutient que les refus de travailler actuels, comme dans l’affaire Pollard (précitée), portent sur la livraison du côté du passager reconnue par l’agent d’appel Malanka et par les tribunaux comme des méthodes de travail et qu’en conséquence, ce type de livraison ne doit pas être considéré comme des conditions normales d’emploi.

Observations de l’intimée

[152] En réplique aux observations de M. Bloom, M. Bird a soutenu que l’affaire Pollard (précitée) ne modifie pas la loi et que l’agent d’appel doit encore déterminer si les quatre éléments de la définition sont présents. Si tel n’est pas le cas, on ne peut conclure à l’existence d’un danger.

[153] Pour ce qui est de la décision de la Cour sur la notion de « condition normale d’emploi », M. Bird affirme avec insistance que la Cour a laissé une porte ouverte en affirmant que des faits différents auraient pu occasionner une décision différente. Il croit que la Cour a reconnu que des circonstances différentes auraient pu amener une conclusion différente. En conséquence, Postes Canada soutient que les plaintes soumises à ce Tribunal soulèvent justement des circonstances différentes.

[154] En ce qui concerne la question des « mouvements contrôlés par l’employé », M. Bird a fait valoir que bien que la Cour ait décidé que la décision de l’agent d’appel Malanka dans Pollard (précitée) était raisonnable, elle n’a pas affirmé qu’il s’agissait de la seule décision possible. Il demande que cet aspect de la décision, le caractère approprié du véhicule et les conditions normales d’emploi, soit analysé en tenant compte de « Interprétation et guides » du Programme du travail.

[155] M. Bird a fait valoir que même si les lignes directrices du Programme du travail de RHDCC n’ont pas force de loi, il demeure que ces lignes directrices, qui n’étaient pas disponibles au moment de la décision Pollard, demandent à l’agent de santé et de sécurité de rendre une décision concernant le danger ou la condition normale d’emploi en se fondant sur les faits soumis à l’agent et par conséquent, Postes Canada demande simplement que l’agent d’appel fasse de même en l’espèce.

[156] En conclusion, M. Bird prétendait que bien que la décision Pollard (précitée) peut se révéler utile pour analyser les présentes affaires, elle ne contraint pas l’agent d’appel en l’espèce à en arriver à la même conclusion.

La décision de la Cour fédérale dans Syndicat des agents correctionnels du Canada Note de bas 14

[157] Le 5 janvier 2009, j’ai demandé aux deux parties des observations supplémentaires au sujet de l’efficacité des mesures mises en place par l’employeur relativement aux problèmes ergonomiques déclarés. Cette demande s’appuie sur les propos du juge O’Keefe au paragraphe 34 de la décision Syndicat des agents correctionnels du Canada (précitée) :

[…] [l’agent d’appel ne pouvait se contenter de simplement considérer les mesures prises par le SCC pour réduire le danger. Le critère impose à l’agent d’appel de non seulement tenir compte des mesures prises par le SCC, mais également de prendre en considération le succès de ces mesures à l’égard de l’élimination du risque, de la correction de la situation ou de la modification de la tâche ou de leur maintien à un niveau sécuritaire.] […]

(Je souligne.)

Observations des appelants

[158] M. Bloom était d’avis que ladite décision de la Cour fédérale ne serait que d’une utilité restreinte en l’espèce, vu l’absence de décision en matière de danger qui exigerait que l’employeur prenne certaines mesures.

[159] Il soutient que l’employeur n’a pas pris de mesures immédiates pour régler les dangers ergonomiques une fois que ceux-ci ont été reconnus et qu’il s’est contenté de mettre en place la mesure provisoire qui consistait à fournir des assistants aux facteurs en attendant que la présente affaire soit tranchée.

[160] M. Bloom a en outre fait valoir que la preuve établit qu’aucune mesure n’avait été mise en place et que les FFRS n’avaient reçu ni directives ni instructions sur la façon, pour les FFRS, d’appliquer en toute sécurité la livraison du côté du passager au moyen de leurs propres véhicules, qui auraient été approuvés implicitement.

[161] En ce qui concerne les rapports des gestionnaires et les statistiques rapportées par M. Bird, selon lesquelles peu d’incidents concernant l’ergonomie ont été déclarés, M. Bloom soutenait que l’absence de plaintes n’est pas étonnante compte tenu de la méthode de livraison utilisée par les FFRS (livraison du côté du conducteur) et de la preuve qui laisse croire que les FFRS connaissaient peu leurs droits en matière de santé et de sécurité avant les refus de travailler.

[162] M. Bloom a fait valoir que la mesure provisoire de Postes Canada qui consistait à fournir des assistants aux FFRS ne fait qu’appuyer la conclusion selon laquelle la livraison du côté du passager représente un danger ergonomique.

Observations de l’intimée

[163] L’avocat Bird a répliqué que cette décision doit être examinée dans le contexte de la présente affaire. Il a déclaré que dans les présentes circonstances, l’ASS a conclu qu’il n’y avait ni danger ni situation dangereuse. Par conséquent, la réponse de Postes Canada doit être considérée non seulement pour ce qu’elle a fait, mais également pour ce qu’elle aurait pu faire pour régler une situation dangereuse de manière à empêcher qu’elle soit classée comme un « danger ». Il a également répliqué que c’est le principe de la décision qui doit être examiné à la lumière des faits des présents appels.

[164] En ce qui concerne la question ergonomique, M. Bird a déclaré que Postes Canada ne reçoit des rapports d’incident que depuis 2004, année au cours de laquelle les FFRS sont devenus des employés de Postes Canada. Depuis, à l’échelle nationale, 26 blessures ergonomiques ont été déclarées en raison de la livraison aux BLR par la fenêtre du côté du passager. À l’opposé, il y a eu 406 demandes d’indemnisation pour blessure dans la classification « manutention manuelle des matériaux » et « épuisement » ; ces plaintes liées à l’ergonomie représentent 6,4 % de toutes les demandes d’indemnisation pour blessures.

[165] D’après l’avocat, Postes Canada a établi un programme national pour régler les plaintes concernant l’ergonomie en février 2006. Lorsqu’un FRS se plaint d’un problème d’ergonomie dans la livraison du courrier par la fenêtre du côté du passager, un assistant doit lui être fourni à titre de mesure provisoire.

[166] En outre, M. Bird a également fait valoir que d’autres méthodes de livraison s’offrent aux FFRS pour régler, réduire ou éliminer les risques possibles. Les FFRS pourraient :

  • fournir leurs propres assistants;
  • modifier leur véhicule de manière à alléger l’impact de la console ;
  • remplacer leur véhicule par un véhicule plus approprié.

Il a fait observer que dans les faits, les FFRS n’ont même pas envisagé l’une ou l’autre de ces options, et ont témoigné que les véhicules dont ils se servaient pour travailler ne convenaient pas, à leur avis, au mode de livraison qui leur était exigé.

[167] L’avocat a souligné que sur les 4 400 FFRS, seulement 685 bénéficiaient de l’aide d’assistants rémunérés au moment de l’audition.

[168] M. Bird prétend que si l’ASS Labby avait conclu à l’existence d’un risque ergonomique possible, Postes Canada disposait de mécanismes efficaces convenables, qu’il a ultérieurement désigné plus clairement sous le nom de « Procédures de travail sécuritaire », pour faire face au risque de façon à ce que l’on ne s’attende pas raisonnablement à ce qu’une blessure survienne « avant que le risque soit […] corrigé » au sens de la définition de « danger » contenue dans le Code.

Analyse

[169] Pour trancher la question de l’ergonomie, je dois déterminer si au moment des refus, les appelants étaient exposés à un danger au sens où l’entend ce terme au paragraphe 122(1) de la partie II du Code canadien du travail (le Code).

[170] Le Code définit « danger » de la façon suivante :

122.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.
« danger » Situation, tâche ou risque - existant ou éventuel - susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade - même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats - , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur[.] ;

[171] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale dans Verville (précitée)et Martin Note de bas 15 ont déterminé que pour conclure à l’existence d’un « danger » :

  1. Il doit y avoir une situation ou une tâche susceptible de causer des blessures à une personne ou de la rendre malade, même si ses effets ne sont pas immédiats, avant que, selon le cas, la situation soit corrigée ou la tâche modifiée.
  2. La définition n’exige pas que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures. La version anglaise « could reasonably be expected to cause » nous dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.
  3. Il n’est pas nécessaire d’établir avec précision à quel moment le danger, la situation ou la tâche surviendra, mais seulement que l’on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu’il soit établi que telles circonstances se produiront dans l’avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[172] En outre, Madame la Juge Gauthier, dans la décision Verville (précitée), de la Cour fédérale, a mentionné que :

La perspective raisonnable de blessures ne peut reposer sur des hypothèses ou des conjectures, mais si un danger ou une situation peut se produire si certaines conditions se trouvent réalisées, le danger ou la situation devrait être visé par la définition.

Il existe plus d'un moyen d'établir que l'on peut raisonnablement compter qu'une situation causera des blessures. Il n'est pas nécessaire que l'on apporte la preuve que quelqu’un a été blessé dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d'expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l'expérience requise.

Cette supposition pourrait même être établie au moyen d'une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[173] Par conséquent, pour déterminer s’il existait un danger pour les FFRS ayant refusé de travailler, je devrai me demander si les mouvements nécessaires pour livrer le courrier à partir du siège du conducteur par la fenêtre du côté du passager représentent une perspective raisonnable de blessure.

[174] Je constate que M. Bird a mentionné que les FFRS n’ont pas décrit un seul mouvement comme dangereux pour leur santé et leur sécurité. Toutefois, je dois tenir compte de l’énoncé de Madame la Juge Dawson au paragraphe 88 de la décision Pollard Note de bas 16:

« [...] Obliger une employée à donner une description plus technique du mouvement dont elle affirme qu’il donne lieu à un danger serait faire reposer sur l’employée un fardeau excessif et, à mon avis, cela serait contraire à l’objectif de la partie II du Code. »

[175] Je retiens le témoignage des FFRS selon lequel pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager, comme l’exigent les Procédures de travail sécuritaire de Postes Canada, les FFRS doivent :

Détacher leur ceinture de sécurité, se placer à côté de la fenêtre du côté du passager, ouvrir la fenêtre, s’étirer pour ouvrir la boîte aux lettres, sortir le courrier à livrer, placer le courrier à livrer dans un conteneur à lettres sur le siège arrièere du véhicule, récupérer le courrier arrivant sur le siège arrière, s’étirer pour placer le courrier dans la boîte aux lettres, fermer le couvercle de la boîte aux lettres, relever le fanion, retourner du côté du conducteur, rattacher leur ceinture de sécurité, et conduire jusqu’à la prochaine boîte aux lettres.

Par conséquent, j’estime que les FFRS ont bien décrit les mouvements qui touchent la question à régler dans les présents cas.

[176] Comme les PTS ne tiennent compte d’aucun élément ergonomique, mon analyse a reposé en partie sur l’opinion des FFRS, et en partie sur les rapports Eady et Human Factor North/Ergonomie Nord qui évaluaient tous deux les mouvements nécessaires pour livrer le courrier aux termes des PTS.

[177] Je ne vois pas pourquoi je m’abstiendrais d’accorder un poids considérable aux témoignages des FFRS. Comme le mentionne Madame la Juge Gauthier dans Verville (précitée),

[51] Finalement, la Cour relève qu'il existe plus d'un moyen d'établir que l'on peut raisonnablement compter qu'une situation causera des blessures. Il n'est pas nécessaire que l'on apporte la preuve qu'un agent a été blessé dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d'expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l'expérience requise, lorsque tels témoins sont en meilleure position que le juge des faits pour se former l'opinion. Cette supposition pourrait même être établie au moyen d'une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus. (Je souligne.)

Ainsi, les FFRS possédaient tous et toutes une longue expérience de leur travail et, à mon avis, s’en sont tenus aux faits et à ce qu’ils ont vécu.

[178] En outre, j’accorde beaucoup de poids aux deux évaluations ergonomiques, car elles représentent la seule preuve soumise qui porte sur l’analyse du risque eu égard à la question de l’ergonomie. Aucune preuve à l’effet contraire n’a été présentée par l’une ou l’autre des parties.

[179] Il convient de noter que ces deux évaluations n’étaient pas mises à la disposition de l’agent de santé et de sécurité au moment de son enquête. Toutefois, comme cet appel est un nouvel appel, je peux les prendre en considération.

[180] Les conclusions des deux évaluations étaient claires : le fait de livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager faisait courir aux FFRS un très grand risque de développer des blessures musculo-squelettiques.

[181] Dans le rapport d’évaluation ergonomique qui a été dressé par HFN, je constate et je retiens également que la plupart des blessures ergonomiques pourraient être classées comme troubles musculo-squelettiques. Les « troubles musculo-squelettiques » (TMS) ou lésions définis dans le rapport HFN sont des lésions et troubles des muscles, des nerfs, des tendons, des ligaments, des articulations, du cartilage et des disques vertébraux ; exemples : syndrome du canal carpien, tendinite de la coiffe des rotateurs et syndrome de la tension cervicale. Les TMS peuvent survenir après des heures, des jours, des mois, voire des années d’exposition. Les symptômes de ces troubles peuvent apparaître soudainement ou débuter lentement et se développer sur une longue période.

[182] Je retiens également que ce sont des blessures et des troubles dont l’exposition à divers facteurs de risque présents dans le milieu de travail qui peuvent soit contribuer au développement du trouble soit agraver des états pathologiques préexistants. De plus, le rapport HFN mentionnait que bien que certains facteurs puissent accroître le risque de TMS, les principaux facteurs de risque des TMS sont la force, la répétition, et les postures fixes ou incommodes.

[183] Je constate que le rapport indique que des problèmes liés aux TMS surviennent dans les milieux de travail dans lesquels les exigences du travail dépassent les capacités de la personne qui accomplit le travail. Il mentionne que certains emplois ne sont pas conçus pour divers travailleurs, qu’ils ne tiennent pas compte de ce que l’on sait des différences entre la taille, la force et l’endurance des gens, et que cette situation fait courir à certains travailleurs davantage de risques de subir des TMS qu’à d’autres. D’après le rapport, il est clair qu’il existe un lien marqué entre l’exposition à certains facteurs/risques physiques en milieu de travail et le développement de TMS. L’exposition à ces risques physiques peut occasionner des dommages aux muscles, aux tendons, aux nerfs, et ainsi de suite.

[184] Je tiens également compte du fait que l’évaluation a révélé d’autres situations dangereuses importantes en milieu de travail qui peuvent causer des blessures musculo-squelettiques. Le paragraphe 57, qui précède, dresse la liste de ces situations.

Peut-on raisonnablement s’attendre à ce que les mouvements exigés pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager en étant assis sur le siège du conducteur occasionnent des blessures?

Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, mon analyse de la question ergonomique sera essentiellement centrée sur les circonstances particulières qui entourent la tâche de livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager. Je traiterai d’abord des deux éléments que les rapports Eady et Human Factor North/Ergonomie Nord ont désignés dangereux pour la santé et la sécurité des employés, à savoir :

  1. la configuration intérieure des véhicules de livraison et
  2. le rythme et la fréquence des livraisons.

La configuration intérieure des véhicules de livraison :

[185] Je retiens du rapport Eady que dans le cas des véhicules munis de sièges baquets et de consoles centrales, il s’agissait de la pire méthode de livraison, car l’importance des facteurs de risque ergonomique constituait un danger inacceptable pour la sécurité. Les rédacteurs du rapport mentionnent que ces types de véhicules leurs causent beaucoup de préoccupations quelque soit le rythme de livraison aux BLR à cause des postures extrêmes de la colonne lombaire. Leur conclusion reposait sur des observations selon lesquelles des postures extrêmes de la colonne lombaire surviennent fréquemment, et selon lesquelles il faut une force importante au niveau des membres supérieurs et inférieurs pour grimper sur la console centrale. Vraisemblablement, certains exploitants seraient incapables d’accomplir cette tâche en raison de problèmes anthropométriques et/ou de flexibilité. (Je souligne.)

[186] Je retiens que l’évaluation effectuée par HFN révélait que les questions de conception de véhicule comme les grandes différences au niveau du design intérieur du véhicule et la hauteur de livraison en rapport avec la BLR ajoutaient au risque de TMS. Par exemple, un FRS qui utilise un véhicule bas comme une voiture munie d’une console centrale qui livre dans une boïte aux lettres rurale élevée fait face à des exigences physiques accrues et à davantage de postures incommodes comparativement aux autres véhicules.

[187] En outre, j’ai constaté que HFN recommandait que les FFRS reçoivent une liste des caractéristiques de véhicule recommandées qui contribueraient à rendre leur travail plus confortable, efficace et sécuritaire. Enfin, ils recommandaient qu’une évaluation des risques rattachés aux véhicules à conduite à droite soit effectuée. Les véhicules à conduite à droite, qui ont été conçus pour livrer le courrier en position assise, sont munis d’une plus grande fenêtre du conducteur qui descend jusque sous le coude, ce qui permet une meilleure position de l’épaule. D’autres caractéristiques, comme un système de présentoir ou de table pour placer le courrier dans le véhicule, ainsi qu’une conception différente de la ceinture de sécurité, devraient également être évaluées.

[188] En ce qui concerne cette question, je retiens que selon le rapport HFN, les conclusions de l’étude indiquent clairement que les FFRS ne disposent pas présentement du bon équipement (véhicule) pour exercer efficacement et en toute sécurité leur fonction principale qui consiste à livrer le courrier du véhicule aux BLR et qu’il est urgent de trouver une solution aux problèmes.

[189] Je n’ai aucun motif de douter des témoignages des FFRS selon lesquels ils ont subi des contusions sur leurs jambes et leurs côtes parce qu’ils ont dû enjamber les consoles et d’autres obstacles après avoir tenté brièvement de livrer du courrier par la fenêtre du côté du passager tel qu’il était exigé de le faire.

[190] Je retiens que le rapport Eady a recommandé que Postes Canada prenne des mesures pour identifier les FFRS qui conduisent des voitures munies d’une console centrale et cessent la livraison dans les situations dans lesquelles le FRS livre seul. À long terme, il était recommandé que l’on utilise d’autres types de véhicules, c’est-à-dire que l’on cherche d’autres modes de livraison qui n’exigent pas que les FFRS se déplacent latéralement dans leur véhicule et que l’on réduise l’exposition aux facteurs de risque ergonomique. (Je souligne.)

[191] De plus, je retiens que C. McDonnell a expliqué que comme les FFRS devaient livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager, ils ne pouvaient plus avoir les plateaux de courrier à leurs côtés sur le siège du passager. Les plateaux de courrier devaient être placés sur la banquette arrière et le mouvement de torsion constant qui était nécessaire pour récupérer et placer le courrier de départ sur la banquette arrière de même que l’effort physique nécessaire pour enjamber la console et s’étirer pour recouvrer ou placer le courrier dans la BLR, constituait, selon elle, un danger pour sa santé.

[192] Lorsque j’ai pris connaissance du site, j’ai constaté que 5 des appelants se servaient de véhicules munis de sièges baquets ou de consoles centrales.

[193] Compte tenu de mes observations des FFRS dans leurs véhicules et des conclusions des deux évaluations ergonomiques, je suis persuadé que le fait de passer du siège du conducteur à la fenêtre du côté du passager requiert, en particulier dans le cas des véhicules dotés d’une console centrale, des mouvements extrêmement incommodes qui résulteront vraisemblablement en un type quelconque de TMS. De plus, j’en viens à la conclusion que les FFRS doivent réaliser des mouvements de torsion pour atteindre la banquette arrière afin de manipuler le courrier, puis s’étirer pour ouvrir et tenir le couvercle et manipuler le courrier, ce qui représente de nombreux mouvements incommodes et extrêmes. En outre, il faut garder à l’esprit que tous ces mouvements sont effectués des centaines de fois par jour, 5 jours par semaine, pendant toute l’année.

[194] Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, je conclus que la répétition continue des mouvements extrêmes et incommodes requis à l’intérieur du véhicule de livraison pour manipuler et livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager représente une perspective raisonnable de blessure pour les FFRS.

Les rythmes/la fréquence des livraisons

[195] En ce qui concerne le rythme de livraison aux BLR, je retiens du rapport HFN que des mouvements dynamiques de l’épaule à un rythme plus fréquent que 2,5 fois la minute constituent un risque élevé de développement de troubles musculo-squelettiques. De plus, je constate que ce seuil est modifié de nouveau, et considéré comme un risque très élevé en présence d’un certain nombre de facteurs, notamment une posture extrême, un travail répétititf de longue durée, une grande force externe, une charge statitque importante et/ou un manque de formation. HFN a conclu que compte tenu d’un certain nombre de scénarios possibles, ils évaluent que le rythme acceptable de livraisons à l’heure varie de 12,5 à l’heure si le conducteur effectue les livraisons par la fenêtre du côté du passager à 50 à l’heure si c’est un assistant qui livre le courrier par la fenêtre du côté du passager. (Je souligne.)

[196] Les témoignages des appelants ont établi qu’ils faisaient des livraisons au rythme moyen de 63 à 83 à l’heure, de 3,5 à 4 heures par jour, cinq jours par semaine, pendant toute l’année. En conséquence, ils livraient le courrier à des rythmes correspondant à 5, 6 ou 7 fois le rythme acceptable des livraisons à l’heure. Les deux évaluations soutenaient que le rythme de livraison devait être beaucoup plus bas que ce qu’il était à l’époque.

[197] Le rythme de livraison sécuritaire recommandé par HFN se fonde sur ce qui est considéré comme un rythme acceptable qui est le seuil excédant ce que l’on estimerait être un risque élevé de blessure à l’épaule pour un FRS.

[198] À la lecture du rapport, je conclus que HFN met les lecteurs en garde au sujet de l’utilisation de rythmes de livraison en raison des différentes variables possibles qui touchent la fréquence, la gravité et le nombre de postures des épaules à adopter pour accomplir la tâche de livrer le courrier de l’intérieur d’un véhicule. Ces variables comprennent les pratiques de travail, la répartition ou le nombre des BLR sur l’itinéraire (à savoir le regroupement et l’espacement de BLR le long de l’itinéraire de livraison). En outre, il conviendrait de tenir compte de la conception du véhicule, des données anthropométriques des FFRS et de la conception des BLR (y compris leur ermplacement et leur entretien) ainsi que des variations saisonnières.

[199] Néanmoins, je conclus que les mouvements répétitifs requis pour livrer le courrier à partir du siège du conducteur par la fenêtre du côté du passager à un rythme de livraison supérieur au rythme acceptable de 12,5 livraisons à l’heure peuvent constituer une perspective raisonnable de blessure pour les FFRS.

[200] La possibilité de blessures musculo-squelettiques augmente du fait des rythmes de livraison et du design intérieur des véhicules, comme les sièges baquets, les consoles centrales et de la présence d’autres obstacles comme les boîtes de vitesse et les freins d’urgence. Pour se rendre compte que le fait d’avoir à enjamber une console, une boîte de vitesse et un frein à main des centaines de fois par jour dans un véhicule occasionnera des contusions et vraisemblablement une certaine forme de TMS, il ne faut pas nécessairement être un spécialiste. Il suffit de poser ces gestes plusieurs fois par jour.

Conclusions

[201] Compte tenu des facteurs de risque importants rattachés à la tâche de livraison de l’intérieur d’un véhicule constatés par HFN dans son évaluation, HFN a recommandé que l’on règle la nature répétitive du travail et les postures incommodes et parfois extrêmes de l’épaule ainsi que les grandes variations dans les facteurs liés au travailleur, à l’emploi et au milieu de travail. Étant données les postures extrêmes et la longue durée des travaux répétitifs, on considère que les FFRS courent un très frand risque de subir des TMS.

[202] Je constate que des TMS peuvent survenir après des heures, des jours, des mois ou des années d’exposition. Les symptômes des ces troubles peuvent apparaître soudainement ou commencer lentement et se développer sur une longue période. Par conséquent, la preuve établit clairement que les blessures ne surviendront peut-être pas dès l’exposition, mai elle établit tout aussi clairement que ces mouvements répétitifs peuvent causer des blessures, quoique cela ne se produira pas nécessairement chaque fois.

[203] Compte tenu du fait que des blessures ergonomiques se sont produites ailleurs dans des circonstances semblables, je suis d’avis que le risque de blessure dans les situations dangereuses décrites précédemment n’est ni hypothétique ni spéculatif. La preuve révèle que de telles blessures se sont produites ailleurs. Comme l’a affirmé M. Bird, 26 cas ont été déclarés au Canada.

[204] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il est raisonnable de croire qu’il est plus que probable que les mouvements répétitifs des FFRS ayant refusé de travailler qui sont nécessaires pour livrer le courrier de la position du conducteur par la fenêtre du côté du passager puissent représenter des perspectives raisonnables de blessures musculo-squelettiques pour les FFRS.

[205] Je conclus que la situation dangereuse causée par une méthode de livraison qui nécessite des mouvements répétitifs incommodes en trop grand nombre causés par le design intérieur des véhicules, ainsi que par le recours à répétition de mouvements ergonomiques incorrects nécessaires pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager, est non seulement susceptible de survenir, mais survient effectivement.

[206] Enfin, tel qu’il était énoncé précédemment, en ce qui concerne la configuration intérieure des véhicules de livraison, la preuve établit clairement que les livraisons effectuées au moyen de véhicules munis de consoles centrales et de sièges baquets représentent un risque pour la sécurité peu importe le rythme de livraison. La preuve révèle en outre qu’en ce qui a trait à la fréquence des livraisons, les FFRS qui ont refusé de travailler doivent effectuer des livraisons à des rythmes bien supérieurs aux rythmes recommandés. Chacune de ces deux circonstances, prise séparément, établit clairement un risque pour la santé et la sécurité des employés. Par conséquent, il ne fait aucun doute dans mon esprit que la fréquence de livraison et la configuration intérieure du véhicule de livraison puissent donner lieu à une perspective raisonnable et certaine de blessures musculo-squelettiques pour les FFRS qui y sont exposés.

[207] Je conclus donc que les FFRS D. Morrison, L. Friesen, B. Poirier et P. Hamilton, C. McDonnell, G. Chartier et S. Hart ont été exposés à un danger au moment de leur refus de travailler.

[208] En ce qui concerne la question soulevée par M. Bird selon laquelle les employés ne peuvent refuser de travailler en raison d’un état pathologique préexistant, je conclus que le Code énonce à l’article 122.1 qu’il a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi. Par conséquent, il est évident qu’il doit exister un lien entre la maladie et l’activité exercée dans le cadre de l’emploi. Toutefois, bien que l’employeur ne puisse être responsable des conséquences d’un état découlant d’une maladie survenue avant que la personne devienne un employé, l’employeur, à savoir Postes Canada, est néanmoins tenu en vertu de l’article 124 du Code, de veiller à la protection de la santé et de la sécurité de l’employé, ce qui signifie selon moi que l’employeur a l’obligation de veiller à ce que ledit état préexistant ne soit pas aggravé par les tâches qui sont imposées à l’employé en question. (Je souligne.)

[209] En ce qui concerne la question du caractère immédiat du danger soulevée par M. Bird à quelques occasions au cours de l’audience et lors de ses conclusions finales, il convient de faire observer que le concept du caractère immédiat ou de l’imminence a été retiré du Code lorsqu’il a été modifié en septembre 2000. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que le danger soit imminent parce que le Code tient maintenant compte des dangers ou des situations possibles ou de toute activité actuelle ou future qui pourrait raisonnablement constituer une perspective de maladie ou de blessure.

La sélection du véhicule

[210] En ce qui a trait à la sélection des véhicules, M. Bird a fait valoir qu’il n’incombait pas à l’employeur de faire cette sélection. À cet égard, je conclus que bien que les employés soient tenus en vertu de l’alinéa 126.(1)c) du Code de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur propre santé et leur propre sécurité lorsqu’ils sont au travail, l’employeur ne peut pas déléguer son obligation prévue à l’article 124 de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés ni être relevé de ladite obligation, comme l’indique le paragraphe126(2) du Code.

[211] De plus, en vertu de l’alinéa 125.(1)s) du Code, l’employeur doit veiller à ce que soient portés à l’attention de chaque employé les risques connus ou prévisibles que présente pour sa santé et sa sécurité l’endroit où il travaille.

[212] À cet effet, je conclus que les Procédures de travail sécuritaire couvrent très peu de risques possibles et ne couvrent pas les risques erginomiques ou autres, actuels et éventuels, qui touchent les mouvements requis pour livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager et/ou les obstacles causés par le design intérieur des véhicules de livraison.

[213] Globalement, j’estime que cela signifie qu’en définitive, un employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses employés et que cette responsabilité ne peut être déléguée aux employés. Je suis d’avis que si l’employeur exige d’un employé qu’il fournisse ses propres outils pour accomplir une tâche, comme dans le cas présent les FFRS doivent fournir leur propre véhicule pour effectuer des livraisons, l’employeur est alors tenu de veiller à ce que les outils permettent d’accomplir la tâche de façon sécuritaire, ce qui signifie que l’employeur doit s’assurer que le véhicule utilisé par les FFRS est fiable des points de vue mécanique et opérationnel, et qu’aucun de ses éléments, comme le design intérieur, ne créeera un risque ou un état pouvant blesser les employés. Dans les circonstances, je conclus qu’il incombe à Postes Canada de fournir aux employés des renseignements sur tous les risques pour la santé et la sécurité qui sont connus ou prévisibles et qui peuvent être causés par la configuration intérieure des véhicules.

[214] En l’espèce, je conclus que l’employeur n’a jamais avisé les employés des risques ergonomiques possibles, même s’il connaissait ces risques, car il y avait déjà eu de nombreux refus de travailler sur cette même question par le passé. De plus, l’employeur, si ce n’est qu’il a donné des lignes directrices sur l’espace de chargement, n’a jamais donné aux employés de lignes directrices concernant les véhicules de livraison, à savoir le type de véhicule, la configuration intérieure et les risques possibles qui sont liés aux divers types de véhicules en cause, comme il aurait dû le faire.

[215] En ce qui concerne la sélection d’autres modes de livraison par les FFRS, comme le fait valoir M. Bird, je souscris à la position suivante : l’employeur n’est pas relevé de ses obligations en laissant entendre qu’il appartient aux employés de veilleur à leur propre santé et sécurité.

[216] Je conclus que l’employeur a fourni des « Procédures de travail sécuritaire » que les employés sont tenus de respecter en vertu de l’alinéa 126(1)b) du Code. À mon avis, il n’appartient pas aux employés d’élaborer ou de modifier une procédure de travail sécuritaire; cette obligation incombe plutôt à l’employeur, qui est chargé, en vertu de l’article 124 du Code, de veiller à la santé et à la sécurité de tous ses employés, en conformité avec l’objet du Code, qui consiste à prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi (article 122.1).

Le danger est-il une condition normale d’emploi?

Ayant établi qu’il existe un danger, je dois maintenant déterminer si ledit « danger » est une condition normale d’emploi et empêcherait par conséquent les employés d’exercer leur droit de refuser de travailler conformément à l’alinéa 128(2)b) du Code.

[217] L’alinéa 128(2)b) du Code est ainsi rédigé :

128(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi

[218] En 2008, la Cour fédérale du Canada a maintenu une décision Note de bas 17 de ce Tribunal sur l’application de l’alinéa 128(2)b) du Code. Le passage suivant de la décision du Tribunal définit le concept de la condition normale d’emploi de la façon suivante :

[152] Je crois qu’avant qu’un employeur puisse affirmer qu’un danger est une condition de travail normale, il doit reconnaître chaque risque, existant et éventuel, et il doit, conformément au Code, mettre en place des mesures de sécurité visant à éliminer le danger, la situation ou l’activité; s’il ne peut l’éliminer, il doit élaborer des mesures visant à réduire et à contrôler le risque, la situation ou l’activité dans une mesure raisonnable de sécurité, et finalement, si le risque existant ou éventuel est toujours présent, il doit s’assurer que ses employés sont munis de l’équipement, des vêtements, des appareils et du matériel de protection personnelle nécessaires pour les protéger contre le danger, la situation ou l’activité. Ces règles s’appliquent évidemment, dans la présente affaire, au risque de chute ainsi qu’au risque de trébucher ou de glisser sur les panneaux de cale.

[153] Une fois toutes ces mesures suivies et toutes les mesures de sécurité mises en place, le risque « résiduel » qui subsiste constitue ce qui est appelé une condition de travail normale. Toutefois, si des changements sont apportés à une condition de travail normale, une nouvelle analyse de ce changement doit avoir lieu en conjonction avec les conditions de travail normales.

[154] Aux fins de la présente instance, je conclus que les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d’éliminer ou de contrôler le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s’assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de chute des panneaux de cale.

[219] En résumé, un danger qui constitue une condition normale d’emploi est de nature résiduelle, c’est-à-dire qu’il s’agit du danger qui subsiste une fois que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour éliminer ou contrôler le danger, la situation ou l’activité.

[220] Il s’ensuit que pour qu’un danger soit réputé constituer une condition normale d’emploi, ce danger doit être tel qu’il ne peut être contrôlé au moyen de mesures de protection énoncées prévues par le Code. Un tel danger ne justifierait pas d’invoquer le droit de refus. Une analyse de la preuve devrait me permettre de décider si les mesures prises par l’employeur afin de protéger les FFRS ont atténué la possibilité raisonnable que survienne une blessure.

[221] Après un examen minutieux de l’ensemble de la preuve qui m’a été soumise, je ne peux conclure que Postes Canada a mis en œuvre des mesures de sécurité ou élaboré des mesures de réduction ou de contrôle du danger.

[222] Je suis conscient que Postes Canada a fourni des assistants aux FFRS qui ont refusé de travailler et que cette mesure s’inscrit nettement dans l’esprit du Code. Toutefois, l’avocat de Postes Canada a précisé qu’il s’agissait d’une mesure provisoire qui visait à maintenir le niveau de service et qui ne reconnaissait pas l’existence d’un danger. J’aimerais mentionner à ce stade que dans Pollard (précitée), la Cour fédérale a maintenu une décision de ce tribunal selon laquelle il existait un danger pour les FFRS en ce qui a trait à la question ergonomique.

[223] Par conséquent, je conclus que le danger indiqué ci-dessus n’est pas une condition normale d’emploi visée par l’alinéa 128(2)b) du Code.

Décision

[224] Pour ces motifs, j’annule par les présentes la décision rendue par l’ASS Labby d’absence de danger à l’égard des lieux de travail d’Abbotsford et de Maple Ridge. J’ordonne maintenant que la Société canadienne des postes prenne immédiatement des mesures pour protéger les sept FFRS mentionnés précédemment du danger décrit ci-haut selon les termes des instructions jointes en Annexe I et II de la présente décision.

La question de la circulation

[225] Même si l’ASS Labby a décidé de ne pas intervenir sur la question de la circulation dans l’affaire Maple Ridge, cette question a été soulevée par les FFRS qui ont refusé de travailler dans le contexte de leurs refus de travailler. En outre, les deux parties ont produit des preuves et m’ont fourni des observations abondantes et exhaustives sur la question. Compte tenu de l’intervention de l’ASS dans l’affaire Maple Ridge et du fait que les refus de travailler des FFRS étaient liés à des préoccupations en matière de sécurité dans la circulation, je procéderai à l’examen de la question, comme l’a fait mon collègue Malanka dans Pollard (précitée).

[226] La décision de l’ASS Labby de ne pas examiner la question de la circulation parce que le Code ne s’applique pas aux routes était incorrecte. Le Code s’applique à Postes Canada à titre d’employeur fédéral aux termes du paragraphe 123(1) du Code. En outre, l’ASS Labby aurait dû savoir qu’en vertu du paragraphe 125(1), le Code s’applique à tout lieu de travail placé sous l’autorité dudit employeur ainsi qu’à toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève. Dans le présent cas, la tâche de livrer le courrier et, dans une certaine mesure, tel qu’il est expliqué précédemment, la tâche dans le véhicule utilisé pour effectuer la livraison, est placée sous l’autorité de l’employeur.

[227] Par conséquent, l’ASS aurait dû exercer son autorité et faire enquête sur la tâche liée à la « question de la circulation ». Toutefois, dans le cadre de mes fonctions qui consistent à m’informer des circonstances de la décision rendue par un agent de santé et de sécurité en vertu de l’article 146 du Code, en ma qualité de Tribunal qui tient une audience de novo, j’ai examiné toute la preuve soumise par les deux parties afin de rendre une décision éclairée sur la question.

[228] M. Bird soutient qu’en ce qui concerne Abbotsford, la qu estion de la circulation n’est pas soumise à juste titre à ce Tribunal pour les motifs suivants :

  • Il n’est fait mention de la question de la sécurité routière dans aucune enquête dans Abbotsford.
  • Les FFRS de Abbotsford ont tous confirmé que leurs refus étaient uniquement liés à des questions ergonomiques.
  • Un agent de santé et de sécurité doit traiter des motifs des refus donnés par les employés et ne peut effectuer une recherche à l’aveuglette pour trouver d’autres problèmes.
  • Dans les plaintes déposées dans l’affaire Abbotsford, aucune preuve n’aurait pu inciter l’ASS Labby à conclure que les refus reposaient sur des questions de sécurité routière.

[229] Je suis d’accord avec M. Bird sur ce point. Il est clair que les refus dans l’affaire Abbotsford reposaient uniquement sur la question ergonomique.

Questions en litige

Relativement à la question de la « circulation », je dois décider :

  1. si les FFRS qui ont refusé de travailler étaient exposés à un danger en raison de l’emplacement physique et de la condition des BLR.
  2. Si je conclus qu’il existait un tel danger, je dois alors déterminer si ce danger représente une condition normale d’emploi, ce qui empêcherait les employés d’exercer leur droit de refuser de travailler.

Preuve

Visite du site

[230] Une visite du site des itinéraires de livraison a été organisée. Les deux parties y ont pris part et lorsqu’elles sont revenues de la visite, les deux avocats ont formulé des commentaires sur ce qui a été observé.

[231] M. Bloom, l’avocat des appelants, a indiqué que tel qu’il a été observé, il était très difficile d’évaluer correctement la distance par rapport aux boîtes aux lettres pour s’approcher assez près avec le véhicule sans frapper la boîte, dans le but de livrer le courrier par la fenêtre du côté du passager. La difficulté est encore plus grande lorsque la boîte se trouve à proximité d’un fossé profond et que le conducteur doit s’approcher le plus possible de la boîte et du bord du fossé sans voir vraiment le bord de ce fossé.

[232] Il a constaté que sur l’itinéraire de C. McDonnell, un certain nombre de boîtes étaient placées très près des coins, ce qui rendait les sites risqués, voire dangereux, en raison de la visibilité réduite des autres véhicules causée par le coin. De plus, un certain nombre de boîtes se trouvaient sur le bord de fossés où l’accottement était insuffisant pour que le véhicule sorte complètement de la route, ce qui rendait très risqué de s’arrêter à ces boîtes.

[233] En outre, il a constaté, comme l’avais mentionné C. McDonnell dans son témoignage, que de gros véhicules agricoles et de gros camions à benne basculante circulaient dans le secteur.

[234] En ce qui concerne l’itinéraire de G. Chartier, il a fait observer que de six à dix boîtes aux lettres étaient situées dans des endroits où il serait difficile pour les véhicules qui approchent de voir le véhicule stationné des FFRS.

[235] M. Bloom a fait valoir qu’il était clair, malgré le caractère limité des itinéraires de livraison échantillonnés, qu’une meilleure enquête de la part de l’ASS et de Postes Canada aurait révélé l’existence de situations dangereuses.

[236] M. Bird, avocat de Postes Canada, a reconnu que la topographie du secteur variait beaucoup et que la visibilité était très réduite dans certains cas.

[237] Il a également admis l’absence d’uniformité dans la répartition des boîtes, dans le type de boîtes, dans leur hauteur et même dans leur conception. Il a en outre fait observer que même si la plupart des boîtes étaient en bon état, nombre d’entre elles avaient besoin d’entretien.

[238] M. Bird a mentionné que conformément aux observations réalisées, la situation de la circulation ne correspondait pas tout à fait à ce qu’ont rapporté les FFRS. Bien que l’on ait observé des appareils agricoles sur la route, les gros véhicules comme les camions à benne basculante étaient peu nombreux. Il a également fait remarquer qu’aucun cheval n’avait été vu sur les routes.

[239] Il a affirmé, en guise de conclusion, que je devrais constater que bon nombre des boîtes indiquées par M. Bloom n’étaient plus en service. Cela étant dit, il a déclaré que bien que nombre de boîtes aient été observées dans des situations inhabituelles, je ne devrais tirer aucune conclusion anticipée. Il a ajouté que je devrais attendre les argumentations finales avant de décider s’il existait ou non un danger pour les FFRS.

Preuve soumise par les appelants

[240] Les trois FFRS Note de bas 18 de Maple Ridge ont confirmé que les agents de santé et de sécurité de Postes Canada ont demandé seulement quelques exemples d’adresses de ce que les FFRS considéraient comme des emplacements dangereux.

[241] G. Chartier a mentionné qu’à quelques reprises, elle a évité des accidents de justesse pendant qu’elle livrait le courrier. Elle se souvenait d’au moins deux incidents. À une occasion, elle a failli se faire frapper par un camion-citerne d’incendie devant la caserne des pompiers et la deuxième fois, elle a failli se faire frapper par une voiture sortant d’une allée.

[242] C. McDonnell a indiqué qu’en 2000, elle a fourni aux Services de livraisons régionales une liste de six pages des risques présents sur son itinéraire. Bien que les Services de livraisons régionales aient reconnu la situation, la direction ne souscrivait pas aux préoccupations soulevées et a peu fait pour les apaiser.

[243] Les FFRS ont également témoigné qu’ils ont soulevé les questions de circulation auprès de leur employeur par le passé ainsi qu’au moment de leurs refus, comme l’indiquent les notes personnelles des ASS Note de bas 19. Ils s’inquiétaient notamment des pentes masquées, des virages sans visibilité, des camions à benne basculante, de la présence d’enfants et de chevaux sur la route, ainsi que des accotements qui n’étaient pas assez larges pour permettre de s’écarter complètement de la route. Ils disaient craindre de se faire frapper par un autre véhicule lors de leur retour sur la route après la livraison et de ne pas être vus en raison de ces pentes masquées et de ses virages sans visibilité, en particulier sur certaines routes à circulation dense. Ils craignaient également de se faire frapper par un autre véhicule pendant qu’ils étaient stationnés sur le côté de la route et que leur ceinture de sécurité n’était pas attachée, comme le prévoient les Procédures de travail sécuritaire de Postes Canada.

[244] Pendant son témoignage, chaque FRS a examiné son itinéraire de livraison et a indiqué les adresses qu’il ou elle jugeait dangereuses.

[245] Les FFRS ont confirmé qu’après les refus de travailler, Postes Canada a inspecté les routes de livraison au moyen de l’outil mis au point par le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) et que bon nombre de BLR ont été retirées ou déplacées.

[246] G. Bossenberry a confirmé que le CNMSS a fini par donner son aval à l’Outil d’évaluation de la sécurité routière (OÉSR), même s’il avait certaines réserves au sujet des variations saisonnières, qui ne faisaient pas partie de l’analyse.

[247] G. Bossenberry a déclaré que même après avoir demandé des renseignements détaillés concernant les itinéraires évalués, Postes Canada n’a fourni que des données partielles : le nombre d’itinéraires évalués, le nombre de boîtes évaluées et le nombre de boîtes ayant échoué l’évaluation. Aucun renseignement détaillé n’a été fourni, comme c’aurait dû être le cas. Elle croit que l’évaluation touche la santé et la sécurité des employés, et qu’en conséquence, les employés, par l’intermédiaire de leur comité local, devraient savoir pourquoi les boîtes ont réussi ou échoué l’évaluation ou quelles mesures correctives ont été prises, le cas échéant.

[248] Enfin, G. Bossenberry a commenté le fait que Postes Canada ne consulte ni n’implique jamais ni le CNMSS, ni le comité local, en ce qui concerne les désaccords possibles d’un employé avec l’évaluation des boîtes en question. Elle croit que cela s’inscrit dans l’inspection ou l’enquête en matière de santé et de sécurité et que les Comités devraient participer comme l’exige le Code.

Preuve soumise par l’intimée

[249] J. Taylor, l’agente de santé et de sécurité de Postes Canada, a confirmé qu’au moment des refus, les FFRS disposaient d’une procédure pour signaler des problèmes au niveau des BLR.

[250] Une fois que la BLR problématique était signalée, elle discutait du rapport, à titre d’agente de sécurité, avec l’employé pour déterminer la nature exacte du problème. Si un risque était identifié, elle en informait le gestionnaire local et il rencontrait le propriétaire de la BLR pour faire corriger le problème et/ou, au besoin, pour faire déplacer la boîte en un endroit sûr ou dans une boîte régionale ou communautaire. L’employé était alors informé de la mesure prise.

[251] En outre, elle connaissait l’existence de certaines préoccupations au niveau de la circulation, comme les pentes masquées et les virages sans visibilité ainsi que les chevaux.

[252] J. Taylor a expliqué qu’au cours de son enquête sur les refus dans l’affaire Maple Ridge, elle a visité certains sites pour inspecter les BLR en s’intéressant plus particulièrement à des questions comme les virages sans visibilité et les BLR penchées, et elle a pris des photographies des secteurs échantillonnés. Elle a présenté son rapport et le gestionnaire local a été chargé de régler le problème des BLR dangereuses qu’elle avait découvert. Par la suite, elle a assuré un suivi et a inspecté environ 75 % des boîtes et elle a constaté que les boîtes problématiques avaient été corrigées.

[253] Après les refus, elle s’est assurée que tous les gestionnaires de zone tiendraient des réunions à l’intérieur et des réunions à l’extérieur avec les employés pour discuter des questions de santé et de sécurité soulevées par les employés. Ils ont dû demander aux employés quels étaient les points de remise problématiques afin qu’un suivi puisse être assuré.

[254] Quelque temps après les refus, J.Taylor s’est servie d’un outil d’évaluation mis au point par le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) Note de bas 20 pour évaluer les BLR. Entre autres choses, l’évaluation portait sur la circulation de véhicules et comportait le calcul du nombre de voitures au cours d’une période donnée et la prise de mesures à l’emplacement des BLR pour déterminer le centre et l’accotement de la route.

[255] J. Taylor a témoigné que tout de suite après, un meilleur outil d’évaluation a été utilisé pour évaluer les BLR. Cet outil a été mis au point par ITrans Consulting Inc. et s’appelle l’Outil d’évaluation de la sécurité routière (OÉSR). Une copie de la « Raison d’être de l’outil d’évaluation en matière de sécurité » Note de bas 21 a été présentée en preuve. Je commenterai cette question ultérieurement dans la présente décision.

[256] Elle a confirmé que l’outil est maintenant utilisé pour évaluer toutes les boîtes aux lettres rurales (BLR) du pays. Les cas de plainte sont étudiés en priorité et tous les itinéraires seront évalués tôt ou tard. De plus, elle a indiqué que Postes Canada dispense maintenant une formation à tous les FFRS sur les Procédures de travail sécuritaire élaborées par Postes Canada.

[257] J. Taylor a déclaré que Postes Canada estime que si une BLR échoue une évaluation, cela ne signifie pas qu’il existe un danger; cela veut seulement dire que le niveau de risque est inacceptable.

[258] Elle a souligné que les recommandations formulées par le projet du CNRC, comme celle qui consiste à fournir des feux à éclats pour les véhicules et celle qui porte sur les questions de configuration routière, ont été mises en pratique pour corriger les secteurs problématiques déterminés au départ.

[259] J. Fraser, gestionnaire de la santé et de la sécurité pour Postes Canada, a confirmé que l’étude du CNRC a été remplacée en septembre 2006 par l’Outil d’évaluation de la sécurité routière (OÉSR). Il a souligné que cette étude a été menée par des spécialistes du domaine du contrôle de la circulation et reposait sur le comportement des conducteurs et la conception des routes. L’outil élaboré par ces spécialistes mesure le degré d’acceptabilité du niveau de risque. Il a stipulé que le défaut de satisfaire aux critères établis signifie que le niveau de risque d’un accident était jugé inacceptable par Postes Canada et non un danger.

[260] M. Fraser a précisé que bien que le CNMSS n’a pas pris part à la sélection du cabinet d’experts ou à l’élaboration de l’outil d’évaluation, il a été tenu au courant. Comme suite à l’élaboration de l’outil, des éclaircissements ont été apportés au sujet des préoccupations formulées par le comité en raqpport avec certains aspects de l’OÉSR et ils ont fini par être acceptés par le Comité et par le syndicat.

[261] J. Fraser a reconnu que d’après les rapports d’évaluation, une proportion considérablement élevée (soit plus de 57 %) de boîtes ont échoué l’évaluation au départ. Il croit que c’est parce qu’à l’heure actuelle, ils évaluent surtout des boîtes ou des itinéraires ayant été identifiés comme problématiques. Néanmoins, l’objectif consiste à évaluer les 843 000 BLR dans tout le Canada.

[262] J. Fraser soutenait que Postes Canada n’a pas à fournir au CNMSS les résultats de l’évaluation des routes de livraison faite à l’aide de l’OÉSR. Il estime qu’en vertu du Code, Postes Canada est seulement tenu de fournir le résultat et d’indiquer le statut d’une enquête. J. Fraser prétendait que Postes Canada n’est tenu ni de fournir des détails sur les constatations relatives aux boîtes qui ont échoué l’évaluation ni d’indiquer quand et comment le problème a été résolu.

[263] Il a déclaré qu’à l’heure actuelle, Postes Canada informe le comité local des résultats de l’évaluation et des mesures correctives.

[264] W. Hackett, superviseur des FFRS, a déclaré que dans le cadre de ses fonctions, il inspecte régulièrement les itinéraires de livraison ainsi que toute BLR qui fait l’objet d’une plainte d’un FFRS. Les FFRS connaissent bien le processus et en général, les problèmes portent sur des boîtes brisées ou qui penchent. Cependant, ces plaintes sont rares.

[265] W. Hackett a déclaré qu’à l’occasion, il reçoit des plaintes des FFRS au sujet de boîtes situées à proximité de virages sans visibilité ou de pentes masquées. Il rencontre alors les clients et règle la question en faisant preuve de bon sens.

[266] M. Hackett a reconnu que lorsqu’il effectue une inspection annuelle des itinéraires de livraison, il considère seulement la quantité de travail nécessaire et le temps dont il aura besoin pour le faire. Il demande au FRS quels sont les secteurs problématiques et en discute avec lui et avec les clients au besoin. Il a confirmé que même si les FFRS n’ont pas d’heure officielle pour terminer le travail, ils doivent être de retour à la station au plus tard à 18 h pour l’affectation de 18 h 30 à Vancouver.

[267] R. Sawatsky s’est souvenu d’un accident de la circulation au cours duquel un FRS a été blessé pendant qu’il était en fonctions. Toutefois, il ignorait les détails de l’accident car à ce moment-là, il incombait à l’entrepreneur de s’occuper de l’accident.

Outil d’évaluation de la sécurité routière (OÉSR)

[268] Une copie de l’Outil d’évaluation de la sécurité routière (OÉSR) a été déposée en preuve. Cette évaluation a été présentée par l’employeur pour expliquer ce qu’ils faisaient pour évaluer toutes les BLR ainsi que les mesures qui sont prises pour corriger les situations dans lesquelles l’employeur croyait que d’après l’évaluation de la sécurité routière, le risque d’un accident était inacceptable. Cette évaluation a été menée par la société ITrans Consulting qui, d’après son site Web, est l’un des plus grands cabinets canadiens d’experts-conseils spécialisé en planification du transport et en ingénierie de la circulation.

[269] Le rapport révèle que le groupe d’experts jugeait raisonnable le lien possible entre la sécurité et le fait de laisser aux conducteurs assez de temps et de distance pour accomplir les tâches. Les experts-conseils ont mentionné qu’il a été constaté que les conducteurs étaient souples et qu’au fur et à mesure que l’on constatait que la distance entre les véhicules successifs rétrécissait, les conducteurs pouvaient, par exemple, accélérer plus rapidement, ou les autres conducteurs pouvaient ralentir pour aider le conducteur qui converge.

[270] Ils ont toutefois fait observer que ce n’était pas nécessairement le cas, et qu’une fois que la distance ou le temps disponible chutait sous un certain seuil, il y avait une collision. De fait, ils ont constaté que les conducteurs ont tendance à faire davantage d’efforts au besoin pour combler le temps ou la distance insuffisants. Cependant, la probabilité d’une collision augmente aussi graduellement au même moment.

[271] Le passage qui suit provient d’un rapport sur la raison d’être de l’outil d’évaluation des BLRRationale Behind the BLR Traffic Safety Tool ») Note de bas 22 qui, selon moi, résume bien ce qui a été pris en compte dans l’outil d’évaluation et pourquoi il en a été ainsi.

[Traduction] « Le groupe d’experts s’est penché sur les exigences rattachées à la conduite qui prennent naissance lorsqu’un FRS ralentit pour s’arrêter à une boîte aux lettres rurale et pour converger de nouveau dans la circulation. Les exigences particulières qui ont été considérées étaient les suivantes :

  • En ce qui concerne le FRS, le temps nécessaire pour converger dans la circulation lorsqu’il était auparavant arrêté, sur la chaussés ou non.
  • Dans le cas des autres conducteurs qui font face au véhicule d’un FRS arrêté, le temps nécessaire pour repérer le véhicule en question arrêté sur la chaussée et pour que les autres conducteurs réagissent adéquatement en arrêtant, en changeant de voie et en dépassant le véhicule arrêté, peut-être en faisant face aux véhicules venant en sens inverse.

On ne dispose pas de renseignements précis sur le temps dont un conducteur a besoin pour accepter l’écart entre véhicules dans la circulation à partie d’une position arrêtée sur le côté de la route. En conséquence, des renseignements fondés sur une situation analogue ont été utilisés pour indiquer le temps de convergence nécessaire. La situation analogue était un virage à droite à partie d’une position arrêtée. D’après les données existantes, il fallait 9 secondes pour tourner à droite dans 85 % des cas. En d’autres termes, lorsqu’un écart de 9 secondes était disponible, les conducteurs l’accepteraient dans 85 % des cas.

Il faut également déterminer combien de temps le FRA devra attendre pour obtenir d’un écart de 9 secondes qui convient. Plus le volume de la circulation est élevé, plus les conducteurs devront attendre longtemps pour obtenir un écart convenable. Les conducteurs qui doivent attendre pendant plus de 30 secondes commencent à prendre des risques en acceptant des écarts plus courts. Par conséquent, le groupe d’experts a tenu compte de l’impact du volume de circulation sur la disponibilité d’écarts de 9 secondes en reconnaissant que les FFRS, qui doivent converger plus souvent que le conducteur moyen, peuvent accepter des écarts plus courts. On a adopté un temps d’attente de 25 secondes comme mesure de conception qualitative appelée « niveau de service (NDS) C », le C indiquant généralement une condition de circulation acceptable à des fins de planification future.

On a également déterminé le temps dont les conducteurs qui approchent ont besoin pour réagir en toute sécurité à un FRA arrêté si le FRA obstrue partiellement ou complètement la route. Compte tenu de la recherche sur la détection et la reconnaissance, ainsi que de la prise de décision et de la réaction, une période d’écart de 11 secondes a été jugée raisonnable. Cela signifie que si le véhicule du FRS bloque partiellement une voie, le véhicule qui approche doit avoir une distance de visibilité d’anticipation qui équivaut à au moins 11 secondes devant la partie arrière de véhicule du FRS. Les 11 secondes donnent au conducteur du véhicule qui approche suffisamment de temps pour réagir adéquatement, que ce soit en arrêtant derrière le véhicule du FRS ou en changeant de voie pour le dépasser.

Le temps requis pour dépasser un véhicule arrêté a été établi à l’aide du modèle utilisé pour déterminer la distance de visibilité de dépassement sur les autoroutes à deux voies. En conclusion, le temps nécessaire pour dépasser le véhicule arrêté du FRS est de 14 secondes tout en offrant un niveau de sécurité similaire à celui qui s’applique aux valeurs limites de convergence (9 secondes) et au véhicule qui approche d’un véhicule arrêté dans la voie (11 secondes). »

[272] Par la suite, il a été établi que le groupe d’experts, après avoir déterminé le temps dont ont besoin les conducteurs, a ensuite établi quels niveaux de volume de la circulation offriraient les conditions permettant de satisfaire à ces exigences. Ces volumes ont été établis au moyen d’équations mathématiques élaborées pour évaluer le délai et les écarts acceptables.

[273] Les volumes de la circulation ont été établis par rapport au nombre de voies de circulation de la route où se trouvaient les BLR et à l’endroit où se trouvait le FRS par rapport à la route. Les volumes limites intégraient également d’autres paramètres de saisie comme l’heure du jour (heure creuse) et la proportion de véhicules lourds dans la circulation.

[274] De plus, les évaluateurs devaient utiliser une liste assez exhaustive de critères pour déterminer les types de route, les emplacements sur la route et hors route et les limites de dépassement sur les routes. Le rapport renferme le tableau suivant : [Traduction]

Scénario

Nombre de voies

Position du véhicule du FRS à la BLR par rapport à la route

Temps d’attente pour obtenir un écart convenable ou retard (en sec.)

Acceptation de l’écart ou écart critique (en sec.)

Volume limite (Véhicules par période creuse de 15 minutes)

1

2

Hors route

25

9

130
(deux voies)

2

2

Sur la route

25

14

40
(deux voies)

3

4

Hors route

25

9

130
(une voie)

4

4

Sur la route

25

11

80
(une voie)

[275] J’ai également noté ce qui suit dans le document sur l’outil d’évaluation des BLR Note de bas 23. Ce passage porte sur le fait que l’emplacement d’une BLR « demeure » parce qu’il a satisfait à tous les critères d’évaluation.

[Traduction]

L’emploi de « demeure » signifie-t-il que la livraison à cette BLR est sûre?

  • L’activité qui consiste à conduire est intrinsèquement risquée. Il survient chaque année au Canada plus de 2 500 accidents de circulation mortels et 240 000 hospitalisations causées par des collisions.
  • Les critères de calcul de la circulation qui sont utilisés dans l’évaluation reposent sur le temps dont ont habituellement besoin les conducteurs pour effectuer leurs manœuvres, telles que les changements de voies, la convergence dans la circulation ou le dépassement d’un véhicule arrêté sur la route. Lorsque le temps disponible est inadéquat, les conducteurs peuvent prendre un risque qu’ils ne prendraient pas si le volume de la circulation était moins dense. Cependant, même la conduite sur des routes à volume moins dense comporte un certain niveau de risque.
  • « Demeure » signifie que l’emplacement de la BLR comporte peu de risque de blessure éventuelle pour l’employé(e) qui fait la livraison. »

Arguments des parties

Arguments des appelants

[276] M. Bloom a fait valoir que la preuve établit clairement que la livraison à certaines BLR sur les itinéraires de Sally Hart, G. Chartier et Cindy McDonnell représentait un danger en raison de leur emplacement et de leur état, soit l’absence d’accotements et la visibilité restreinte à cause des pentes et des virages. Il a signalé que le problème général ressortait manifestement des observations sur le site pendant l’audience.

[277] M. Bloom a soutenu qu’en outre, les applications à l’affaire Maple Ridge de l’Outil d’évaluation de la sécurité routière (OÉSR) mises de l’avant par Postes Canada révèlent que de nombreuses boîtes situées sur ces itinéraires ont échoué l’OÉSR (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas sécuritaires) et devraient être modifiées. Il a fait valoir que Postes Canada (tel qu’il est mentionné dans le témoignage de Jeff Fraser) refuse de reconnaître que les applications de l’OÉSR constituent « des enquêtes, des études et des inspections » sur la santé et la sécurité des employés.

[278] M. Bloom a affirmé que dans l’ensemble de ces circonstances, l’agent d’appel peut à juste titre conclure à l’existence d’un danger et ordonner la réalisation d’évaluations de sécurité en vertu du Code, ainsi qu’une instruction à Postes Canada pour permettre aux comités locaux de prendre part au processus d’évaluation en conformité avec le Code.

[279] En ce qui concerne l’affirmation de Postes Canada selon laquelle les requérants ne possédaient pas de droit de refus parce que ledit danger est une condition normale d’emploi, M. Bloom a soutenu qu’elle devrait être écartée pour le même motif que dans la décision Pollard (précitée), c’est-à-dire que le danger ne constituait pas une caractéristique essentielle de la livraison à des boîtes aux lettres rurales et que par conséquent l’alinéa 128(2)b) du Code ne s’appliquait pas.

[280] M. Bloom a fait valoir que l’agent d’appel devrait conclure que la livraison de courrier à certaines BLR sur les itinéraires de certain(e)s des FFRS représente un danger à cause de l’emplacement physique et de l’état des BLR.

Arguments de l’intimée

[281] En ce qui concerne la sécurité de certaines boîtes comme les « boîtes aux lettres penchées » et les boîtes sur les « accotements abaissés », M. Bird a fait valoir que les boîtes expressément mentionnées au cours de l’audience ne pouvaient pas être dangereuses parce que toutes les BLR avaient fait l’objet de livraisons avant les refus. En outre, il a soutenu que même si ça constituait un danger, une procédure en place, qui est bien connue, permet aux FFRS de déclarer ces boîtes et de cesser d’offrir du service à ces boîtes si les problèmes qu’elles posent ne sont pas corrigés par le client. Par conséquent, le danger pourrait être supprimé avant qu’une blessure survienne.

[282] M. Bird a reconnu que certaines des boîtes constituaient un risque inacceptable du point de vue de la visibilité. Toutefois, il a fait valoir qu’il est impossible de conclure à l’existence d’un élément de risque ou d’une blessure avant qu’une correction puisse être apportée. Il a fait valoir qu’il n’y a aucune preuve de collision dans les emplacements actuels qui suscitent des préoccupations dans ces affaires.

[283] Il a déclaré qu’au moment des refus, il n’existait pas de critères pour déterminer s’il pouvait exister un risque ou non. Toutefois, il affirmait que que l’OÉSR permet maintenant de mesurer le risque. M. Bird soutenait que cet outil offre la meilleure méthodologie pour évaluer un risque relatif et acceptable. Il prétendait que cet outil est généralement accepté par les parties, sous réserve de certaines questions spécifiques.

[284] L’avocat faisait cependant valoir que le défaut de réussir l’évaluation OÉSR ne signifie pas que l’emplacement de la boîte représente un danger. Il signifie simplement que la boîte pourrait devoir être déplacée à un endroit qui satisfait au niveau de danger jugé acceptable par Postes Canada, d’après les critères établis dans l’outil d’évaluation OÉSR.

[285] M. Bird a également fait valoir que ITrans n’affirme nulle part dans le document qu’il était dangereux de livrer du courrier aux BLR, et ce même lorsque la BLR ne satisfait pas aux exigences de l’évaluation.

[286] M. Bird soutenait que si le Tribunal conclut que c’est le geste de livrer qui représente un danger, aucune BLR ne peut être desservie. Il a ajouté que si le « danger » survient seulement dans les circonstances décrites par les appelants, il convient de se demander quels éléments au juste de ces circonstances particulières constituent le « danger »?

[287] M. Bird a également fait valoir qu’étant donné que le Code renferme un processus spécifique prévoyant la participation du comité local, rien ne justifie qu’un agent d’appel émette une instruction concernant la demande de M. Bloom de fournir au comité local les résultats de l’évaluation ergonomique.

[288] L’avocat soutenait également qu’il n’est pas nécessaire d’émettre une instruction enjoignant à l’employeur de prendre des mesures pour empêcher/corriger des conditions non sécuritaires, car le Code prévoit déjà un mécanisme à observer dans le cas de telles conditions.

[289] En ce qui a trait au dernier redressement demandé par les appelants, M. Bird soutenait qu’il n’est pas nécessaire d’ordonner qu’une évaluation exhaustive de la sécurité routière soit effectuée, car elle a déjà été exécutée à l’aide de l’outil d’évaluation OÉSR. Il a affirmé que le Code ne prévoit certes pas la participation des syndicats à l’une ou l’autre de ces évaluations.

[290] En conclusion, M. Bird a déclaré que bien que l’ASS Labby a commis une erreur en ce qui concerne l’étendue de sa compétence, il a néanmoins conclu à juste titre qu’il n’existait pas de danger.

[291] Par conséquent, M. Bird a demandé que les appels soient rejetés.

La décision de la Cour fédérale dans Syndicat des agents correctionnels Note de bas 24

Observations des appelants

[292] En réplique à l’observation de M. Bird selon laquelle les mesures en place suffisaient pour prévenir les dangers, M. Bloom a fait valoir qu’il apparaissait manifestement, au cours de la visite du site, que des BLR étaient encore situées en des endroits qui s’étaient révélés dangereux avant la réalisation des évaluations.

[293] M. Bloom a également fait valoir qu’au moment des refus, il n’y avait pas de mesures en place pour régler la question de la circulation. Ce n’est que près de un an plus tard que l’OÉSR est devenu disponible pour évaluer les BLR.

[294] M. Bloom a fait valoir que même si Postes Canada prétendait que les emplacements ayant échoué l’évaluation ne représentaient pas un danger, Postes Canada a néanmoins modifié ces emplacements, ce qui appuie la conclusion selon laquelle les BLR qui constituent un risque inacceptable représentent un danger.

[295] Il a également indiqué qu’un assez grand nombre d’emplacements de BLR de Maple Ridge ont été modifiés après l’évaluation OÉSR.

Observations de l’intimée

[296] M. Bird a indiqué qu’à la dernière réunion du Comité national mixte de santé et de sécurité, il a été mentionné dans le rapport que ce n’était pas l’OÉSR lui-même qui était en litige, mais plutôt le processus qui y était associé. Il a ajouté que depuis la mise en œuvre de l’OÉSR en 2006, les agents de santé et de sécurité de RHDCC ont régulièrement accepté les résultats des évaluations de l’OÉSR.

[297] M. Bird a reconnu que l’on a déclaré à l’échelle nationale, au cours des cinq dernières années, cinq accidents impliquant une collision avec le véhicule d’un FFRS pendant que le courrier était livré par la fenêtre du côté du passager. Toutefois, aucun de ces accidents n’est survenu dans la province de la Colombie-Britannique.

[298] M. Bird soutenait que compte tenu de l’existence d’un mécanisme permettant d’établir le risque relatif que représente la livraison à une BLR et de l’absence d’incident déclaré en Colombie-Britannique, il n’existait pas de risque immédiat de blessure pour les FFRS, et ce même s’il était établi qu’il existe une situation dangereuse.

[299] M. Bird affirmait que si l’ASS avait conclu à l’existence d’un danger possible sur le plan de la sécurité routière concernant la livraison à une BLR en particulier sur l’itinéraire de l’un ou l’autre des plaignants, Postes Canada disposait d’un mécanisme efficace convenable pour faire face à ce danger, de telle sorte qu’il n’y aurait pas de perspective raisonnable de blessure « avant que le danger puisse être corrigé » au sens où l’entend la définition de « danger » du Code.

[300] M. Bird a fait valoir que Postes Canada avait mis en place des procédures pour faire face aux risques que comporte la livraison à des BLR. Il a affirmé que les faits soumis à ce Tribunal révèlent la mise en œuvre réussie de protocoles et d’évaluations (OÉSR) qui ont presque éliminé le risque immédiat.

[301] M. Bird a déclaré qu’au moment de l’audience, le taux d’échec des BLR évaluées s’établissait à 60 %, mais que les évaluations étaient alors menées dans des secteurs considérés par Postes Canada comme présentant un risque potentiel plus élevé. Depuis, plus de 205 300 BLR ont été évaluées. Le taux d’échec est de 39 %. Le service assuré pour ces boîtes a été maintenu en les relocalisant dans 80 % des cas.

Analyse

Les circonstances décrites par les FFRS présentent-elles une situation ou un risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures avant que le risque soit écarté ou que la situation soit corrigée?

[302] La question de la circulation traite de l’emplacement des BLR le long d’un itinéraire de livraison établi où se trouvent certaines BLR à proximité de virages sans visibilité, de pentes masquées, de fossés, d’accotements étroits ou inexistants, et tient compte du type, du volume et de la vitesse de la circulation sur ledit itinéraire de livraison. L’examen de la preuve me permet de conclure que les FFRS ont indiqué trois types de circonstances, liées à cette question de la « circulation », dans lesquelles ils et elles croyaient être exposé(e)s à un « danger ».

  1. La présence sur la route d’enfants, de chevaux, de matériel agricole et de gros camions.
  2. La présence de fossés profonds et l’état général de réparation des BLR ainsi que leur emplacement par rapport aux fossés ou la question de savoir si elles étaient penchées vers les fossés.
  3. Enfin, l’emplacement des BLR se trouvant à proximité de pentes masquées et de virages sans visibilité ainsi que le nombre élévé de véhicules, la vitesse de la circulation et la largeur de la route et des accotements.

Circonstance 1

La présence sur la route d’enfants, de chevaux, de matériel agricole et de gros camions.

[303] La présence d’enfants, de chevaux, de matériel agricole et de gros camions sur la route constitue-t-elle un danger pour les FFRS? Bien que l’on pourrait faire valoir qu’une telle présence sur la route pourrait être la cause d’un accident, qui entraînerait vraisemblablement des blessures à un FFRS impliqué dans un tel accident, je conclus que l’employeur n’exerce aucun contrôle sur une telle situation.

[304] Il incombe à l’employeur, en vertu du Code, de protéger les employés s’il exerce un contrôle sur le lieu de travail et/ou sur les activités des employés. Toutefois, dans la situation actuelle, l’employeur n’exerce aucun contrôle sur les personnes, les objets, les endroits ou le moment où quelqu’un ou quelque chose se trouve sur la route. À mon avis, le Code ne renferme aucune disposition qui permettrait à un ASS ou à l’agent d’appel d’ordonner à un employeur de faire quelque chose pour protéger les employés contre un tel danger éventuel, si ce n’est de mettre fin à l’activité de livraison du courrier aux BLR. Les appelants ne m’ont présenté aucune preuve pour me convaincre du contraire.

Circonstance 2

La présence de fossés profonds et l’état général de réparation des BLR ainsi que leur emplacement par rapport aux fossés ou la question de savoir si elles étaient penchées vers les fossés.

[305] En ce qui concerne les circonstances décrites par les FFRS, je dois déterminer si la présence de fossés profonds et l’état général de réparation des BLR ainsi que leur emplacement par rapport aux fossés représentent un risque ou un état existant ou éventuel susceptible de causer des blessures avant que le risque soit écarté ou que la situation soit corrigée.

[306] D’après les FFRS, le risque réside dans le fait qu’ils pourraient glisser dans le fossé et se blesser à cette occasion. Les FFRS croyaient que cela pourrait survenir parce que comme ils conduisent un véhicule avec conduite à gauche, ils ne peuvent voir dans quelle mesure ils sont près des BLR qui sont situées du côté droit de la route, à quel point ils penchent parfois au-dessus du fossé ou ils sont trop près du fossé profond dans lequel ils pourraient glisser.

[307] Pendant la visite du site, j’ai pu voir certaines situations dans lesquelles de tels glissements pourraient se produire. Toutefois, Postes Canada m’a dit que même si ces BLR étaient demeurées en place, le service avait été suspendu, ce que les appelants n’ont pas réfuté.

[308] Postes Canada a produit des preuves selon lesquelles elle dispose d’une procédure, que tous les FFRS connaissent, pour déclarer de telles lacunes à leur superviseur et clients, et aucune livraison n’est faite aux BLR tant que le problème n’est pas corrigé. C’est au propriétaire de la BLR qu’il incombe de corriger la situation. Tout ce que peut faire Postes Canada, c’est d’informer le client de la situation et de discuter avec lui des façons de la corriger. Dans l’intervalle, Postes Canada suspend la livraison tant que la situation n’est pas corrigée.

[309] Dans les circonstances décrites par les FFRS, je conviens qu’il existe une possibilité d’accident, à savoir un glissement dans le fossé, et que le conducteur risque alors de se blesser. Toutefois, la conduite du véhicule demeure sous le contrôle du FFRS, auquel il appartient de décider dans quelle mesure il peut approcher son véhicule du bord du fossé et de conduire en conséquence. La procédure de Postes Canada permet aux FFRS de ne pas livrer le courrier aux BLR qui, à leur avis, ne semblent pas sécuritaires. Je conclus que les FFRS exercent à cet égard un contrôle direct, c’est-à-dire qu’il incombe aux FFRS de déterminer à quel point ils peuvent s’approcher d’une boîte qui se trouve à proximité du bord d’un fossé et de décider d’effectuer ou non la livraison.

[310] Par conséquent, dans ces circonstances, je conclus que les FFRS peuvent se soustraire au « danger » en observant la procédure de l’employeur qui consiste à ne pas livrer de courrier à un emplacement qui pourrait être risqué et à le déclarer au gestionnaire. Le « danger » apparent peut donc être corrigé avant que l’accident puisse se produire. Par conséquent, cette situation ne correspond pas à la définition de « danger » et dans de tels cas, les FFRS ne sont pas exposés à un danger.

[311] Dans leurs témoignages, certains des FFRS ont déclaré qu’ils n’étaient pas à l’aise de faire rapport de BLR qui pouvaient présenter un danger, parce qu’ils ne voulaient pas indisposer leurs clients. Toutefois, le Code est clair dans ces circonstances. En vertu de l’alinéa 126(1)c), l’employé au travail est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa propre santé et sa propre sécurité. De plus, en vertu de l’alinéa 126(1)g), l’employé est tenu de signaler à son employeur tout objet ou toute circonstance qui, dans un lieu de travail, présente un risque pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses compagnons de travail. Par conséquent, il ne s’agit pas de faire plaisir à un client, mais plutôt d’assurer sa propre sécurité, et l’employé doit assurer sa propre protection.

[312] En conséquence, je conclus que dans les circonstances décrites, les FFRS ne sont pas exposés à un « danger », car l’accident peut être évité en déclarant la situation dangereuse avant qu’une blessure se produise.

Circonstance 3

L’emplacement des BLR se trouvant à proximité de pentes masquées et de virages sans visibilité ainsi que le nombre élévé de véhicules, la vitesse de la circulation et la largeur de la route et des accotements.

[313] La « Raison d’être de l’outil d’évaluation en matière de sécurité » a été présentée en preuve à l’audience. Je conclus que l’élaboration de l’outil reposait sur une approche basée sur le comportement du conducteur, à savoir l’intégration de la sécurité et des exigences relatives aux tâches de conducteur des FFRS, ainsi que la sécurité et les tâches de conduite des autres conducteurs qui rencontrent un véhicule de FFRS arrêté ou qui converge dans la circulation, dans le cas des routes sur lesquelles les FFRS opèrent. De plus, j’ai découvert que les restrictions juridiques pertinentes faisaient partie de l’outil d’évaluation.

[314] Tel qu’il est mentionné au début de la présente décision, la nature de novo du processus permet au Tribunal de recevoir et de prendre en compte toute la preuve que les parties peuvent présenter au Tribunal, que cette preuve ait ou non été examinée ou mise à la disposition de l’ASS au moment de son enquête. Par conséquent, pour décider si les FFRS étaient exposés à un danger, j’accorde beaucoup de valeur probante au document de l’OÉSR, notamment dans la présente affaire, car les appelants ne font valoir aucun argument contre l’OÉSR, si ce n’est que l’outil en question ne tient pas compte des changements saisonniers. Cet élément sera pris en compte ultérieurement dans la présente décision.

[315] Compte tenu de tout ce qui précède, ces connaissances peuvent maintenant être utilisées pour répondre à la question originale, qui était :

Les circonstances décrites par les FFRS présentent-elles une situation ou un risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures avant que le risque soit écarté ou que la situation soit corrigée?

[316] Je retiens du document de l’OÉSR que pour qu’un emplacement réussisse l’évaluation, le conducteur du véhicule devait disposer d’une période de temps acceptable pour réagir à la position des autres véhicules et/ou gestes posés par leur conducteur. Cette exigence se justifie, compte tenu du comportement des conducteurs, du fait qu’une personne doit avoir suffisamment de temps pour réagir lorsqu’elle fait face à un autre véhicule qui converge dans la circulation ou lorsqu’elle arrive subitement à la hauteur d’un véhicule arrêté qui bloque partiellement la route. Le conducteur a besoin de ce laps de temps pour décider s’il arrêtera ou s’il évitera le véhicule en le dépassant du côté gauche. Cette décision doit être prise en tenant compte du véhicule arrêté ou qui converge, de la circulation qui s’en vient, de la vitesse de circulation, de la vitesse des autres véhicules et du nombre de véhicules sur la route.

[317] De plus, le FRS qui est assis dans son véhicule doit disposer d’assez de temps pour décider de converger dans la circulation. L’on a découvert que la période pendant laquelle une personne attendra un espace adéquat pour converger dans la circulation est limitée. Une fois cette période écoulée, la personne prend de moins en moins de temps pour revenir dans la circulation.

[318] À la lecture du document de l’OÉSR, j’estime qu’il est logique d’avoir besoin d’un certain laps de temps pour réagir à différentes conditions. Je crois que certaines personnes peuvent réagir plus rapidement que d’autres, mais je conclus que ITrans a retenu des laps de temps en tenant compte du temps de réaction moyen de nombreux conducteurs.

[319] À l’heure actuelle, la preuve révèle que les laps de temps établis par ITrans, ainsi que les autres critères utilisés pour évaluer un emplacement, sont des critères raisonnables, selon moi, pour évaluer les emplacements des BLR et pour s’assurer que le risque de collision est le plus possible atténué. Lorsqu’un emplacement réussit l’évaluation, le risque de collision dans les circonstances précédemment mentionnées est abaissé à un niveau acceptable. Je comprends toutefois que le risque de collision n’est pas complètement éliminé.

[320] À la lecture du document, je comprends que tous les critères de l’évaluation doivent être respectés pour qu’une BLR soit déclarée sécuritaire. S’il n’est pas satisfait à l’un des critères, l’emplacement de la BLR doit être modifié. Par conséquent, soit la BLR doit être déplacée en un endroit plus sécuritaire sur la route soit cet emplacement doit être purement et simplement éliminé.

[321] En conséquence, les BLR dont l’emplacement ne réussit pas l’évaluation de l’OÉSR sont déplacés sur un emplacement qui a réussi l’évaluation de l’OÉSR.

[322] Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, je conclus que les FFRS sont toujours exposés au risque d’une collision dans les circonstances décrites, qui n’est pas éventuel ou futur, mais qui est présent à divers degrés selon les emplacements particuliers des BLR. Sur ce point, même si M. Bird a fait valoir que la livraison a pris fin à ces emplacements, j’ai constaté au cours de la visite du site que certaines BLR se trouvaient dans des angles morts à proximitéc de collines et d’intersections et qu’en certains endroits, la largeur de la route empêchait le FRS de s’écarter tout à fait de la partie fréquentée de la route.

[323] La situation créée par la livraison du courrier à des BLR dans les circonstances décrites, comme les angles morts, les accotements étroits et la vitesse de la circulation, représente dans un tel cas une exposition à une collision avec un autre véhicule avant que la situation puisse être rectifiée.

[324] La collision est définie dans le dictionnaire Note de bas 25 comme [traduction] « un impact violent d’un objet en mouvement, en particulier un véhicule, avec un autre ou avec un objet fixe ». Je conclus qu’il est plus que susceptible que lorsqu’une personne est impliquée dans une collision, à savoir « un impact violent » entre deux véhicules, elle sera blessée. Compte tenu de ces circonstances, la collision surviendra vraisemblablement parce qu’il manquera de temps ou d’espace pour l’éviter; en d’autres termes, la situation ne peut être modifiée avant qu’une blessure se produise.

[325] Je conviens que toutes les collisions ne causent pas des blessures, comme l’a admis la juge Gauthier dans la décision Verville (précitée). Toutefois, il n’est pas nécessaire que la collision cause une blessure chaque fois que la personne est exposée au danger. Elle doit seulement pouvoir causer une blessure. Tel qu’il est indiqué précédemment, je conclus qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une collision entre véhicules causera une blessure à toute personne impliquée dans la collision.

[326] M. Bird a confirmé que pendant les quatre ans au cours desquels Postes Canada a tenu des statistiques, 5 accidents sont survenus pendant que le courrier était livré à des BLR, quoique aucun ne se soit produit en Colombie-Britannique, et certains FFRS ont mentionné pendant leur témoignage que des accidents ont été évités de justesse. En outre, le document de l’OÉSR mentionnait qu’il y a chaque année plus de 2 500 décès et 240 000 hospitalisations au Canada en raison d’accidents de la route. J’en conclus par conséquent qu’il n’est ni hypothétique ni spéculatif d’affirmer qu’il existe une possibilité raisonnable que des collisions puissent se produire dans ces circonstances avant que les conducteurs puissent corriger la situation.

[327] Étant donné ce qui précède, je suis d’avis que dans les circonstances exposées telles qu’elles existaient au moment des refus de travailler, il est logique et raisonnable de conclure que les FFRS sont plus que susceptibles d’être impliqués dans une collision à n’importe quel moment pendant la livraison de courrier à des BLR qui se trouvent aux endroits décrits par les FFRS.

[328] Néanmoins, d’après le nombre d’accidents consignés par Postes Canada, la fréquence des accidents est manifestement basse. Relativement à cette question, la juge Gauthier a déclaré, dans Verville (précitée) Note de bas 26:

[…] les agressions sont peu fréquentes, mais elles sont graves […] et

[…] si des agressions du genre sont susceptibles de causer des blessures, elles entreront dans la définition de « danger » . Cependant, si ce danger constitue une condition normale de son emploi, l'employé n'aura pas le droit de l'invoquer pour refuser de travailler.

[329] Par conséquent, dans le contexte de la présente affaire, le risque de collision est toujours présent même s’il peut être faible. J’estime qu’il est raisonnable de conclure qu’advenant une collision entre deux véhicules, les conséquences peuvent être graves. En outre, j’estime qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que les personnes qui se trouvent dans le véhicule subiront des blessures.

[330] Le fait d’effectuer des livraisons à ces endroits ne signifie pas qu’une collision aura lieu à chaque livraison, voire que des blessures seraient subies à chaque collision, mais en raison de ces circonstances, elles sont très susceptibles de survenir dans l’avenir.

[331] En terminant, compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’au moment des refus, les FFRS de Maple Ridge qui ont refusé de travailler étaient exposés, dans les conditions décrites, à un danger tel qu’il est défini dans la partie II du Code.

[332] Mon analyse porte sur les conditions dangereuses créées par l’emplacement de certaines BLR et ne désigne pas d’emplacements en particulier où l’on croit que les FFRS auraient des situations dangereuses. Malheureusement, l’enquête de l’employeur ne relevait pas tous les emplacements, parce que l’employeur n’a demandé qu’un échantillonnage d’emplacements.

[333] Compte tenu de ces éléments et tel qu’il a été indiqué précédemment, comme le droit de refuser de travailler porte notamment sur une situation qui existe en un endroit, le refus doit être suffisamment précis pour désigner la situation dangereuse et l’endroit précis où l’employé est raisonnablement justifié de croire qu’il existe un danger. (Je souligne.)

[334] Néanmoins, au cours de leur témoignage, les FFRS ont identifié les emplacements qui pourraient être dangereux pendant qu’ils exécutaient leurs itinéraires de livraison. Je ne crois pas qu’il est nécessaire de désigner ces emplacements précis à l’heure actuelle parce que ces itinéraires de livraison ont maintenant été évalués à l’aide de l’OÉSR, et les emplacements dangereux ont soit été éliminés soit été déplacés en un lieu plus sécuritaire. À titre d’indication en ce sens, M. Bloom a mentionné dans ses observations finales qu’il n’existait pas de critères d’évaluation pour déterminer le danger au moment des refus et que ces critères ont été créés ultérieurement dans le document du CNRC. Depuis, il a formulé un commentaire selon lequel un grand nombre de BLR avaient nécessité des modifications après avoir été évaluées au moyen de l’OÉSR.

Le « danger » est-il une condition normale d’emploi?

[335] Ayant établi l’existence d’un danger pour les FFRS qui ont refusé de travailler à Maple Ridge en raison de la troisième circonstance, je dois maintenant déterminer si ledit « danger » constitue une condition normale d’emploi et empêcherait par conséquent les employés d’exercer leur droit de refuser de travailler.

[336] Pour en arriver à la conclusion qu’un danger est une condition normale d’emploi, il faut être persuadé que le danger est tel qu’il ne peut être contrôlé ni faire l’objet d’une instruction émise en vertu du Code pour protéger davantage les employés. Comme je l’ai expliqué antérieurement dans la décision, je suis d’avis que l’employeur doit s’être acquitté de tous ses devoirs en matière de contrôle ou d’élimination du « danger » avant de déterminer de manière définitive si le paragraphe 128(2) s’applique.

[337] J’ai commenté l’exception créée par l’alinéa 128.(2)b) et j’ai expliqué le critère utilisé par le Tribunal dans une analyse de la condition normale d’emploi. Veuillez vous reporter aux paragraphes 218 à 220.

[338] Au moment des refus, la preuve établissait que l’employeur n’avait rien fait pour déterminer les risques liés à la question de la circulation à Maple Ridge, a fortiori éliminer ou atténuer le « danger ».

[339] Par conséquent, dans les circonstances décrites, au moment des refus de travailler, Postes Canada ne s’était pas acquittée de toutes ses obligations en ce qui concerne le contrôle ou l’élimination dudit « danger ». En conséquence, je conclus que l’exception prévue à l’alinéa 128(2)b) ne s’appliquait pas et que le danger n’était pas une condition normale d’emploi.

[340] En règle générale, ayant décidé qu’il existe un danger au moment du (des) refus et que ce danger ne représente pas une condition normale d’emploi, je devrais émettre une instruction à l’employeur afin de protéger les FFRS contre le danger en question.

[341] Toutefois, depuis les refus, comme l’a mentionné M. Taylor, Postes Canada a évalué la plupart des BLR qui faisaient l’objet de refus de travailler, dont ceux à Maple Ridge, et a apparemment corrigé la situation des emplacements qui ont échoué l’évaluation. Je note également que bien que les appelants ont mentionné que certaines BLR étaient toujours présentes à certains emplacements qui posent problème, il n’y a pas eu de service de livraison à ces boîtes.

[342] Bien que j’ai demandé les observations des parties sur l’efficacité des mesures mises en place par l’employeur au sujet des problèmes déclarés qui touchent certaines BLR, ainsi que la réussite de l’outil d’évaluation OÉSR, M. Bloom a fait valoir que la preuve révélait qu’il existait un danger au moment des refus de travailler. Il a également mentionné qu’un nombre considérable d’emplacements de BLR avaient maintenant été modifiés une fois que les emplacements controversés ont été évalués au moyen de l’OÉSR plus de un an plus tard.

[343] Compte tenu de ce qui précède, la seule conclusion à laquelle je peux en arriver, c’est que l’employeur, à l’heure actuelle, s’est acquitté de ses obligations et a désigné les emplacements dangereux, a corrigé ces emplacements en conséquence et a réduit le plus possible le danger.

[344] Comme l’employeur a maintenant mis en œuvre des mesures d’atténuation du danger dans la mesure raisonnablement possible, comme nous l’avons expliqué précédemment, tout danger qui peut subsister devient une condition normale d’emploi.

[345] Toutefois, tel qu’il est indiqué dans la décisionP&O Ports (précitée), si des changements sont apportés par une condition normale d’emploi, une nouvelle analyse de ce changement doit avoir lieu en conjonction avec les conditions normales d’emploi. En l’espèce, cela engloberait les changements saisonniers, au cours desquels le volume et le type de circulation peut changer, ou dans le cadre desquels des éléments tels un buisson en excroissance ou un amas de neige bloque la visibilité, ce qui fait diminuer le laps de temps ayant été établi comme nécessaire pour converger sur la route ou pour s’y stationner de manière sécuritaire. Si l’une ou l’autre des conditions évaluées change, la condition du « danger » réapparaît.

Décision

[346] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’au moment des refus de travailler, les FFRS étaient exposés à un danger, au sens où l’entend le Code, en raison des situations dangeureuses créées par l’emplacement de certaines BLR.

[347] Toutefois, étant donné que l’employeur a mis en œuvre la mesure OÉSR pour limiter le plus possible le danger, je considère que tout danger qui reste devient une condition normale d’emploi et que les employés sont donc empêchés d’exercer leur droit de refuser de travailler qui est prévu à l’alinéa 128(2)b) du Code.

Richard Lafrance
Agent d’appel


Annexe I

Dans l’Affaire du Code Canadien Du Travail
Partie II – Santé et Sécurité au Travail

Instruction à l’employeur en vertu des alinéas 145(2)a) etb)

Le 19 janvier 2006, l’agent de santé et de sécurité Lance Labby a mené une enquête sur le refus de travailler des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) D. Morrison, L. Friesen, B. Poirier et P. Hamilton, qui avaient livrer du courrier à des boîtes aux lettres rurales (BLR) sur différentes routes rurales à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Lesdits FFRS étaient des employés de la Société canadienne des postes (SCP), un employeur visé par le Code canadien du travail, Partie II, faisant affaires au 34377, chemin Marshal, Abbotsford (Colombie-Britannique), V2S 6Y3, l’entreprise en question étant connue sous le nom de Centre de traitement du courrier de Postes Canada.

Les quatre FFRSont interjeté appel en vertu du paragraphe 129.(7) du Code canadien du travail, Partie II, de la décision d’absence de danger rendue par l’agent de santé et de sécurité Labby après son enquête.

Après avoir examiné les circonstances entourant cette décision, je conclus que la livraison du courrier par les FFRS dans les BLR par la fenêtre avant du côté du conducteur dans les circonstances présentes au moment des refus de travailler constituait un danger pour les FFRS D. Morrison, L. Friesen, B. Poirier et P. Hamilton.

Par conséquent, je vous ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail, Partie II, de prendre les mesures appropriées et immédiates pour écarter les risques, corriger les situations ou modifier la tâche qui constituent le danger et pour protéger ces employés contre ce danger.

En outre, je vous ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145(2)b) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à l’activité de livraison en automobile dont s’acquittaient D. Morrison, L. Friesen, B. Poirier et P. Hamilton aux BLR au moment des refus de travailler jusqu’à ce que vous vous soyez conformé à la présente instruction, ce qui ne vous dégage pas de l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en application la présente instruction.

Ottawa, 3 septembre 2009

Richard Lafrance
Agent d’appel

Société canadienne des postes

34377, chemin Marshall
Abbotsford (Colombie-Britannique)
V2S 6Y3

Annexe II

Dans l’Affaire du Code Canadien Du Travail
Partie II – Santé et Sécurité au Travail

Instruction à l’employeur en vertu des alinéas 145(2)a) etb)

Le 31 janvier 2006, l’agent de santé et de sécurité Lance Labby a mené une enquête sur le refus de travailler des factrices rurales et suburbaines (FRS) C. McDonnell, G. Chartier et S. Hart, qui avaient livrer du courrier à des boîtes aux lettres rurales (BLR) sur différentes routes rurales à Maple Ridge, en Colombie-Britannique. Lesdites FRS étaient des employées de la Société canadienne des postes (SCP), un employeur visé par le Code canadien du travail, Partie II, faisant affaires au 20800, route Lougheed, Maple Ridge (Colombie-Britannique), V2X 2R0, l’entreprise en question étant connue sous le nom de Centre de traitement du courrier de Postes Canada.

Les trois FRSont interjeté appel en vertu du paragraphe 129.(7) du Code canadien du travail, Partie II, de la décision d’absence de danger rendue par l’agent de santé et de sécurité Labby après son enquête.

Après avoir examiné les circonstances entourant cette décision, je conclus que la livraison du courrier par les FRS dans les BLR par la fenêtre avant du côté du conducteur dans les circonstances présentes au moment des refus de travailler constituait un danger pour les FRS C. McDonnell, G. Chartier et S. Hart.

Par conséquent, je vous ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail, Partie II, de prendre les mesures appropriées et immédiates pour écarter les risques, corriger les situations ou modifier la tâche qui constituent le danger et pour protéger ces employées contre ce danger.

En outre, je vous ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145(2)b) du Code canadien du travail, Partie II, de mettre fin à l’activité de livraison en automobile dont s’acquittaient C. McDonnell, G. Chartier et S. Hart aux BLR au moment des refus de travailler jusqu’à ce que vous vous soyez conformé à la présente instruction, ce qui ne vous dégage pas de l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en application la présente instruction.

Ottawa, 3 septembre 2009

Richard Lafrance
Agent d’appel

À : Société canadienne des postes

20800, route Lougheed

Maple Ridge (Colombie-Britannique)

V2X 2R0

Jurisprudence

Appellant

  1. Carolyn Pollard et Société canadienne des postes, Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail, décision 06-022, 14 juillet 2006
  2. Verville c. Canada (Services correctionnels), [2004] A.C.F.  940, 2004 CF 767, dossier T-1207-02, 26 mai 2004
  3. Martin c. Canada (Procureur général) (C.A.F.), [2005] 4 R.C.F. 637, 2005 A.C.F.  752, 2005 CAF 156, A-491-03, 6 mai 2005
  4. Lever et le Conseil du Trésor (Santé et Bien–être Canada)(; [1988] C.R.T.F.P.C.  350, (1988) 14 décisions de la CRTFP 11 (Résumé), (dossier de la Commission 165–2–58), 8 décembre 1988
  5. DoelI et Canada (Services correctionnels), [2004] C.L.C.A.O.D. 15, décision no 04-014, 19 mars 2004
  6. Dawson et Société canadienne des postes, [2002] C.L.C.A.O.D. 22, décision no 02-023, 23 octobre 2002
  7. Raymond Tremblay, 79 di 1, décision du CCRI 764, dossier du Conseil 950-125, 30 novembre 1989
  8. Leclair et Canada (Services correctionnels), [2001] C.L.C.A.O.D. 25, décision 01-024, 19 novembre 2001
  9. Welbourne et Canadien Pacifique Limitée, [2001] C.L.C.A.O.D. 9, décision 01-008, 22 mars 2001

Intimée

  1. Martin c. Canada (Procureur général) (C.F.), [2004] 1 R.C.F. 625 (1re inst.).
  2. Martin c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F.  752 (C.A.).
  3. Verville c. Canada (Services correctionnels), [2004] A.C.F.  940.
  4. Robitaille et VIA Rail Ltée, [2005] C.L.C.A.O.D. 54.
  5. Canadian National Railway Co and Tetley, [2001] C.L.C.A.O.D. 21.
  6. Carolyn Pollard et Société canadienne des postes, (Malanka), décision 06-022 (14 hjuillet 2006).
  7. Société canadienne des postes c. Carolyn Pollard et Procureur général du Canada, 2007 CF 1362.
  8. United Electrical, Radio and Machine Workers of Canada (Re), [1987] O.O.H.S.A.D. 11.

Autres

  • Société canadienne des postes c. Carolyn Pollard 2008, CAF 305
  • Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (Cour suprême du Canada), 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9
  • P&O Ports Inc. & Western Stevedoring Co. Ltd. and InternationalLongshoremen's and Warehousemen's Union, Local 500, CAO-07-030, 31 août 2007
  • P&O Ports Inc. et Western Stevedoring Co. Ltd. c. Le Syndicat International des débardeurs et des Magasiniers, Section Locale 500, 2008 CF 846
  • Syndicat des agents correctionnels du Canada - Union of Canadian Correctional Officers et Procureur général du Canada,

2008 CF 542

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