Archivée - Décison: 09-035 Code canadien du travail Partie II Santé et sécurité au travail

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Dossier : 2009-04
Décision : TSSTC-09-035

Code Canadien Du Travail

Partie II

Santé et sécurité au travail

Travaux publics et Services
gouvernementaux Canada
appelant

Le 26 novembre 2009

Cette affaire a été tranchée par l’agente d’appel Katia Néron.

Pour l’appelant
Stephan Bertrand, avocat.

Appel

[1] Le présent appel a été produit en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail, Partie II (le Code), par Glen Hynes, directeur provincial, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), Terre-Neuve et Labrador (T.-N. L.).

[2] Il s’agit d’un appel à l’encontre de deux instructions données le 25 novembre 2008 à TPSGC par l’agent de santé et de sécurité (l’ASS) Glen W. O’Neill, conformément au paragraphe 145(1) du Code. Ces instructions suivaient une inspection des activités de plongée ayant été effectuée le 28 octobre 2008 par des employés d’une société de plongée recrutée alors par TPSGC pour accomplir des travaux de plongée à un quai situé à Ferryland, à Terre-Neuve.

[3] La présente affaire a été tranchée sur la foi d’observations écrites.

Les faits

[4] L’appelant a présenté vingt-cinq documents à l’appui de son appel.

[5] Les questions soulevées dans le dossier découlent d’un incident survenu vers le 23 octobre 2008, au quai Ferryland, alors que le quai s’est partiellement écroulé à la suite d’une forte vague pendant une tempête.

[6] Le quai appartient au gouvernement du Canada.

[7] Le ministère fédéral des Pêches et Océans (MPO) est tenu par mandat d’exploiter et d’entretenir un réseau national de ports, comme le quai de Ferryland, qui fournit aux pêcheurs de poisson commercial et aux autres usagers du port des installations sûres et accessibles.

[8] Certaines des tâches du MPO relatives à la gestion, à l’exploitation et à l’entretien du quai de Ferryland avaient été déléguées à l’administration portuaire locale.

[9] Toutefois, le MPO est demeuré responsable de maintenir le quai ouvert et en bon état. Cette responsabilité a été conférée au Programme de ports pour petits bateaux (PPB) de T.-N.L. (PPB-MPO-T.-N.L.), le PPB étant un programme national du MPO.

[10] Dans un courriel daté du 1er novembre 2008 et envoyé par Bill Goulding, directeur régional, PPB-MPO-T.-N.L., à l’ASS O’Neill, au sujet de la relation entre le PPB-MPO-T.-N.L. et l’administration portuaire locale relativement au contrôle exercé sur le quai de Ferryland, B. Goulding a déclaré :

[Traduction]

[…] Comme tous les ports actifs, la propriété du PPB (bien-fonds littoral et plan d’eau) à ce port est louée à une administration portuaire locale qui est un organisme sans but lucratif constitué sous le régime d’une loi fédérale. Dans la présente affaire, la propriété du ministère est louée à l’administration portuaire de Bay Roberts. Ce contrat de location prévoit que la propriété est effectivement sous le contrôle de l’administration portuaire. Toutefois, à titre de propriétaire, le MPO continue d’exercer une influence importante sur le site. […]

[11] Pour s’acquitter de son mandat de garder le quai ouvert et en bon état, le PPB-MPO-T.-N.L. fait appel à TPSGC pour la gestion et l’exécution de projets de génie et de construction.

[12] Les rôles et les responsabilités de TPSGC et de PPB-MPO-T.-N.L. concernant tous les projets d’ingénierie et de construction maritimes de PPB-MPO-T.-N.L. sont exposés dans un document intitulé « Program Charter for DFO-SCH Marine Engineering and Construction Program Newfoundland and Labrador between Department of Fisheries and Oceans Small Craft Harbours Branch, NL, and Public Works and Government Services Canada ». Le document a été révisé le 12 décembre 2007.

[13] Conformément à cette charte de programme, TPSGC possède le pouvoir de conclure des marchés pour l’exécution de travaux sur chaque site.

[14] En septembre 2007, une offre à commandes intitulée « Public Works and Government Services Canada Real Property Contracting NL Division Specification Regional Individual Standing Offer, Diving and Repairs to Marine Structures, Various Locations Eastern, Central & Western Newfoundland » ( de l’appel d’offres : E0224-07R037/A) a été lancée pour obtenir les services d’une société de plongée en réponse à la nécessité d’exécuter des travaux de plongée sur les structures flottantes de PPB-MPO-T.-N.L. et en réponse à la nécessité d’exécuter des inspections de plongée des structures maritimes fédérales comme le quai de Ferryland.

[15] Conjointement avec l’offre à commandes susmentionnée, un appel d’offres conventionnel a été lancé. Un contrat d’offre à commandes de deux (2) ans a ultérieurement été accordé par TPSGC le 31 octobre 2007 à Sea-Force Diving Ltd, la société de plongée impliquée dans la présente affaire.

[16] D’après l’offre à commandes ( de l’appel d’offres : E0224-7R037/A), des responsabilités précises en matière de santé et sécurité au travail ont été attribuées à la société de plongée.

[17] Au point 2 de la section 1.2, intitulé « Compliance Requirements » (Exigences en matière de conformité), l’une des responsabilités de l’entrepreneur est ainsi rédigée :

[Traduction]

.2 Se conformer au Code canadien du travail, Partie II, et au Règlement canadien sur la santé et la sécurité du travail pris en application de la Partie II du Code canadien du travail.

[18] De plus, aux points 1, 2 et 4 de la section 1.4, intitulée « Site Control and Access » (Surveillance du site et accès au site), d’autres exigences en matière de santé et sécurité qui s’appliquent à l’entrepreneur sont rédigées ainsi :

[Traduction]

.1 Surveiller chaque site de travail et les points d’entrée menant aux aires d’inspection et de travail.

[…]

.2 Autoriser et accorder l’accès à chaque site de travail uniquement aux travailleurs et aux personnes autorisées.

.4 Veiller à ce que les personnes qui obtiennent un accès au site portent de l’équipement de protection individuel (ÉPI) approprié qui convienne aux conditions de travail et du site.

[…]

[19] La même offre à commandes présente, à la section 1.7 intitulée « Project/Site Conditions » (Conditions applicables au projet et au site), une liste de conditions applicables au projet et au site généralement connues ou possibles liées aux risques en matière de santé, d’environnement et de sécurité – toutefois, ladite liste ne doit pas être considérée comme complète – conçue pour informer la société de plongée desdits risques et pour lui demander d’y faire face de manière adéquate au cours du travail. La section 1.7 est rédigée ainsi :

[Traduction]

.1 Voici les risques en matière de santé, d’environnement et de sécurité connus ou possibles prévus par l’offre à commandes auxquels il faut faire face de manière adéquate au cours du travail :

.1 Travailler à proximité de l’eau.

.2 Surfaces humides/glissantes.

.3 Intempéries.

.4 Activité de l’équipement lourd dans l’aire.

.5 Charges lourdes à lever.

.6 Lignes aériennes de transport d’énergie/de services publics.

.2 La liste qui précède ne doit pas être interprétée comme étant une liste complète qui englobe l’ensemble des risques possibles pour la santé et la sécurité pouvant être présents au travail. Il convient d’inclure les éléments qui précèdent dans le processus d’évaluation des risques et dangers.

[…]

[20] Toutefois, la section 1.6, intitulée « Hazard Assessments » (Évaluations des risques et dangers), précisait que l’entrepreneur devait mener une évaluation du danger en matière de santé et de sécurité sur le site avant le début des travaux.

[21] En outre, conformément à la section 1.9 de la même offre à commandes, intitulée « Health and Safety Plan » (Plan en matière de santé et de sécurité), l’entrepreneur devait élaborer un plan écrit en matière de santé et de sécurité propre au site fondé sur l’évaluation du danger et devait le soumettre pour examen à un représentant de TPSGC avant le début des travaux. Le point 8 de la section 1.9 est rédigé ainsi :

[Traduction]

.8 La (les) soumission[s] du plan en matière de santé et de sécurité et de mises à jour au représentant du ministère, est (sont) faite(s) à des fins d’examen et d’information […]

[22] De plus, le point 1.1 de la section susmentionnée prévoyait qu’après avoir obtenu le plan écrit en matière de santé et de sécurité propre au site de l’entrepreneur, un consultant du PPB de TPSGC réaliserait des vérifications aléatoires pour vérifier si la société de plongée se conforme à toutes les exigences de santé et de sécurité prévues par le contrat d’offre à commandes. Le point 1.1 de la section 1.9 de l’offre à commandes prévoit :

[Traduction]

.1 […]

.1 Soumettre une copie au représentant du ministère avant le début des travaux et les consultants du PPB procéderont à une vérification aléatoire pour déterminer si les sociétés se conforment à toutes les exigences en matière de santé et de sécurité.

[23] Au point 3 de la section 1.21, intitulée « Non-Compliance and Disciplinary Measures » (Mesures disciplinaires en cas d’inobservation), il est énoncé que TPSGC a recours à un régime d’avis en cas d’inobservation et de mesures disciplinaires sur les sites pour donner suite aux conclusions d’infraction ou d’inobservation des exigences en matière de santé et de sécurité qui s’appliquent à l’entrepreneur dans le cadre de l’offre à commandes et de la réglementation provinciale et fédérale traitant du même sujet par un travailleur, un sous-traitant ou une autre personne ayant obtenu un accès au site des travaux auprès de l’entrepreneur.

[24] D’après la charte de programme mentionnée précédemment qui a été signée par PPB-MPO-T.-N.L. et par TPSGC, les deux ministères fédéraux conservent la responsabilité de veiller à ce que tous les projets soient gérés en conformité avec le cadre de gestion approuvé du Secrétariat du Conseil du Trésor (Conseil du Trésor), qui comprend la gestion de la sécurité.

[25] Le paragraphe 5 de la section 4.2.2 de la charte de programme prévoit, sous le titre « Marine Program Specific Roles and Responsibilities of the Project Manager » (Rôles et responsabilités spécifiques du gestionnaire de projet du programme maritime), le gestionnaire de projet étant le représentant de TPSGC chargé de chaque projet sur chaque site des travaux :

[Traduction]

[…]

  • Le gestionnaire de projet veille, en mettant en œuvre un plan de projet pour chaque projet, à ce que le projet soit exécuté en accordant une attention adéquate à la gestion de la portée, […] à la gestion de la sécurité, […]

[26] Conformément à la charte de programme, le gestionnaire principal de projet de TPSGC responsable de tous les projets de PPB-MPO-T.-N.L. était B.R. (Randy) Clarke.

[27] Compte tenu de l’élément de gestion de la sécurité susmentionné de TPSGC, les responsabilités spécifiques sont décrites à la section 10 du « Project Plan Template for Approval of Template Version #1 for DFO-SCH » (Modèle de plan de projet pour approbation de la version 1 du modèle pour le PPB du MPO) daté du 12 décembre 2007, dans le cadre de la charte de programme. Cette section est rédigée ainsi :

[Traduction]

[…] Dans le cadre de l’exécution de travaux pour le compte du MPO, TPSGC prendra les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des employés du gouvernement, des agents, des entrepreneurs et du public conformément à la Partie II du Code canadien du travail et des lois et règlements provinciaux sur la santé et la sécurité au travail. Ces mesures comprennent la mise en application d’un système de gestion de la sécurité qui assure l’utilisation de matériaux, d’équipement et de dispositifs de sécurité […], l’identification des dangers, la prestation d’une formation et d’une orientation, […], l’inclusion d’un pouvoir de suspension des travaux dans les marchés, ainsi que l’adhésion aux procédures d’inspection des lieux de travail et des procédures de travail sécuritaire. […] Le gestionnaire de projet de TPSGC doit s’assurer que toute l’information concernant les évaluations des sites est recueillie […].

[28] Après le rapport de PPB-MPO-T.-N.L. concernant l’effondrement du quai de Ferryland, des représentants de TPSGC ont visité le site le 24 octobre 2008 et ont parlé à l’entrepreneur de la société de plongée par téléphone pour fournir des explications sur l’état du quai et sur les dangers possibles pour la sécurité. Le 27 octobre 2008, un représentant de TPSGC a envoyé un courriel à la Sea-Force Diving Ltd qui décrit les dangers sur le site des travaux qui sont connus.

[29] Le 27 octobre 2008, la commande no 53 (réquisition) subséquente à l’offre à commandes a été signée par un représentant de TPSGC – le surveillant des levés de TPSGC pour l’exécution des travaux de PPB-MPO-T.-N.L. aux termes de la charte de programme – pour demander à la Sea-Force Diving Ltd d’inspecter le quai de Ferryland endommagé. Plus précisément, la réquisition décrivait comme suit les travaux devant être exécutés :

[Traduction]

[…] Réaliser une inspection du quai endommagé à Ferryland, une vérification de l’état et une bande vidéo du quai existant. Inspection des pieux, de l’entretoisement, des têtes de pieux, des échelles, des pieux de défense et du sous-quai. Situer sur un dessin ce qui reste sous l’eau. Profondeur de l’eau sur la partie restante du quai. Repérer tout pieu demeuré en place. […]

[30] Dans le courriel mentionné précédemment qui a été envoyé à B. Goulding, les rôles et responsabilités respectifs de PPB-MPO-T.-N.L. et de TPSGC dans le projet d’inspection du quai étaient décrits de la façon suivante :

[Traduction]

[…] En ce qui concerne le projet de disposer des navires de Bay Roberts (ou d’inspecter les dommages à Ferryland), le rôle du MPO est celui d’un chef de projet. Le MPO est l’organisation investie de la responsabilité en matière de programmes (y compris le financement) pour ces projets. TPSGC, qui est le gestionnaire de projet, a pour rôle de mettre ces projets en œuvre pour le compte du MPO. TPSGC est un ministère fédéral et le MPO lui donne accès aux installations du PPB de MPO en vue de la mise en œuvre de projets pour le MPO. À titre d’information, j’ai inclus un document que nous appelons notre « charte de programme »; c’est un document que nous avons à l’échelle régionale entre le PPB et TPSGC qui contribue à définir notre relation aux fins des activités d’ingénierie et de construction maritimes. Le projet de disposition des navires constituait une situation spéciale qui était […] visée par la présente entente en tant que telle (c.-à-d. qu’elle n’était pas mise en œuvre par le groupe des services d’architecture et de génie de TPSGC). Cependant, la nature de la relation entre le PPB et TPSGC demeure essentiellement la même. TPSGC, comme le MPO, est complètement lié par le Code canadien du travail, Partie II, et au même titre que nous tentons toujours d’exercer nos activités en conformité avec le Code, nous nous attendons à ce que TPSGC agisse de la même manière […]

[31] Le 28 octobre 2008, les personnes employées par l’entrepreneur de la société de plongée ont obtenu accès au quai de Ferryland pour inspecter ledit quai avec de l’équipement de plongée. Le même jour, l’ASS O’Neill, ayant été informé que des activités de plongée seraient menées au quai, s’est rendu à cet endroit pour inspecter les travaux exécutés à ce moment-là.

[32] L’ASS O’Neill a constaté qu’un plongeur autonome se livrait à des opérations de plongée sans être relié ou sans avoir de moyens de communications avec la surface, en contravention de l’article 18.65 du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, Partie XVIII, pris en application du Code (Règlement sur la SST, Partie XVIII). Il a également observé qu’aucun plongeur de secours ni assistant de plongeur habillé n’était présent à ce moment-là, en violation du Règlement sur la SST, Partie XVIII.

[33] En conséquence de ces conclusions, le 25 novembre 2008, l’ASS O’Neill a donné deux instructions à TPSGC en vertu du paragraphe 145(1) du Code.

[34] La première instruction se lit comme suit :

[Traduction]

Code Canadien Du Travail

Partie II

Santé et sécurité au travail

Instruction donnée à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)

Le 28 octobre 2008, l’agent de santé et de sécurité soussigné a effectué un examen sur les lieux de travail exploités par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui est un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, au quai du gouvernement fédéral qui se trouve à Ferryland, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, Partie II, a été enfreinte :

Al. 125.(1)z.14) – Code canadien du travail, Partie II

TPSGC, par une offre à commandes, a donné accès à un entrepreneur d’une société de plongée afin qu’il procède à des travaux de plongée sur un quai effondré à Ferryland, T.-N.-L. Toutefois, TPSGC a omis d’informer l’entrepreneur de la société de plongée de tous les risques connus ou prévisibles auxquels sa santé et sa sécurité peuvent être exposées dans ces lieux de travail.

Par conséquent, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard 25 novembre 2008.

En outre, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, conformément à l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures, dans le délai précisé par l’agent de santé et de sécurité, pour veiller à ce que la contravention ne se poursuive pas ni ne survienne de nouveau.

[…]

[35] La deuxième instruction est rédigée en ces termes :

[Traduction]

Code Canadien Du Travail

Partie II

Santé et sécurité au travail

Instruction donnée à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)

Le 28 octobre 2008, l’agent de santé et de sécurité soussigné a effectué un examen sur les lieux de travail exploités par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui est un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, au quai du gouvernement fédéral qui se trouve à Ferryland, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, Partie II, a été enfreinte :

Al. 125. (1)w) – Code canadien du travail, Partie II

Au cours de l’exécution d’un contrat d’offre à commandes conclu avec TPSGC au quai de Ferryland, à Terre-Neuve, le 28 octobre 2008, un plongeur autonome a pris part à des opérations de plongée sans disposer du matériel, de l’équipement et des dispositifs de sécurité (c’est-à-dire un plongeur de secours, des dispositifs de communication, une équipe de quatre personnes, etc. […]) tel qu’il est prévu dans la Partie XVIII du Règlement sur la SST.

Par conséquent, je vous Donne par la présente l’instruction, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 25 novembre 2008.

En outre, je vous Donne par la présente l’instruction, conformément à l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures, dans le délai précisé par l’agent de santé et de sécurité, pour veiller à ce que la contravention ne se poursuive pas ni ne survienne de nouveau.

[…]

[36] Une fois que l’ASS O’Neill a informé les représentants de TPSGC, le 28 octobre 2008, que les activités de plongée exercées par des employés de l’entrepreneur n’étaient pas conformes au Règlement sur la SST, Partie XVIII, le gestionnaire de projet de TPSGC a communiqué avec l’agent de projet de TPSGC qui a à son tour contacté l’entrepreneur. Ces communications ont occasionné l’interruption immédiate des activités de plongée.

[37] Dans un courriel daté du 3 novembre 2008, le gestionnaire principal de projet B. R. Clarke, responsable au nom de TPSGC aux termes de la charte de programme, a rédigé ce qui suit :

[Traduction]

[…] Le problème récent de Ferryland découlait de dommages causés par une tempête à un quai du MPO au sujet duquel on nous a demandé de faire enquête. Nous avons envoyé des plongeurs au site et il semble que d’autres personnes ont constaté des infractions à la sécurité. […] Les plongeurs ont été immédiatement retirés du site afin que la situation soit examinée et que la sécurité soit bien gérée. […]

[38] Ayant passé en revue les avis de l’ASS O’Neill sur ses préoccupations en matière de sécurité, l’entrepreneur de la société de plongée a convenu que des erreurs de jugement avaient été commises tant par le chef de plongée que par les membres de l’équipe de plongée présents sur les lieux de Ferryland à ce moment-là. Son examen de la documentation et des formules l’a amené à rédiger des pratiques de travail sécuritaire sur ce site en particulier. Ces pratiques reposent sur une évaluation des risques des travaux. Ce document est daté du 28 octobre 2008. De plus, un plan de plongée quotidienne a été expressément élaboré pour l’inspection du quai de Ferryland.

[39] Le 27 mai 2009, c’est-à-dire sept mois plus tard, les documents susmentionnés ont été transmis par l’entrepreneur à un représentant de TPSGC.

Question en litige

[40] En l’espèce, il s’agit de déterminer si l’ASS O’Neill a commis une erreur en donnant les deux instructions susmentionnées à TPSGC.

Observations de l’appelant

[41] Je retiens ce qui suit des observations écrites de Stephen Bertrand faites au nom de TPSGC.

[42] D’après l’avocat, l’ASS O’Neill ne possédait pas le pouvoir de donner les deux instructions contestées à TPSGC, et ce pour les motifs suivants.

[43] S. Bertrand a d’abord fait valoir que TPSGC ne peut être considéré comme un employeur, ce terme étant défini par le Code canadien du travail, Partie II, en rapport avec Sea-Force Diving Ltd et ses employés qui travaillaient alors sur le site. L’argument de l’avocat est étayé par l’article 3 du Code canadien du travail, Partie I, qui définit le mot « employeur » dans les termes suivants :

Employeur : Quiconque a) emploie un ou plusieurs employés; b) dans le cas d’un entrepreneur dépendant, a avec celui-ci des liens tels, selon le Conseil, que les modalités de l’entente aux termes de laquelle celui-ci lui fournit ses services pourrait faire l’objet d’une négociation collective.

[44] Sur cette base, l’avocat a soutenu que ni le Conseil du Trésor ni TPSGC était un employeur lié à Sea-Force Diving Ltd et/ou ses employés, parce que ces employés ne faisaient pas partie du processus de négociation collective et n’étaient considérés comme des employés de TPSGC et/ou du Conseil du Trésor aux termes d’aucune entente ni d’aucun arrangement.

[45] S. Bertrand a également fait référence au paragraphe 123(2) du Code pour justifier le fait que TPSGC est un ministère de l’administration publique fédérale visé par le Code canadien du travail, Partie II. Toutefois, il a fait valoir que les personnes qui travaillaient alors au site de Ferryland n’étaient pas des employés de TPSGC parce que ces personnes n’étaient pas employées au sein de ce ministère dans la mesure prévue par la Partie 3 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la LRTFP). Il a ensuite souligné que les articles 239 et 240 de la LRTFP précisent que la « fonction publique et [les] personnes qui y sont employées » sont définies par la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). La LGFP définit quant à elle au paragraphe 11(1) la « fonction publique », en regard de l’administration publique centrale, comme « [l]’ensemble des postes qui sont compris dans les entités ci-après ou qui en relèvent : […] a) les ministères figurant à l’annexe 1 […] » dont TPSGC fait partie. S. Bertrand a ensuite souligné que les postes compris dans TPSGC ou qui en relèvent n’incluent pas de postes de plongeurs en autonomie. Pour ce motif, S. Bertrand a répété que les employés qui travaillaient au site de Ferryland à l’époque n’étaient pas des employés de TPSGC ou du Conseil du Trésor.

[46] Compte tenu de ce qui précède, l’avocat a fait valoir que comme les employés de l’entrepreneur n’étaient des employés ni de TPSGC ni du Conseil du Trésor, ni TPSGC ni le Conseil du Trésor n’avait d’influence sur eux.

[47] En outre, S. Bertrand a soutenu que le lieu où les employés de Sea-Force Diving Ltd travaillaient à l’époque n’était pas surveillé par TPSGC.

[48] Pour étayer cet argument, l’avocat a mentionné la façon dont Sea-Force Diving Ltd a confirmé – à la suite des avis de l’ASS O’Neill – que le site était sous leur garde et surveillance, de même que la façon dont ils réglaient les questions d’inobservation avec leur propre chef de plongée. Il a également mentionné les exigences applicables à l’entrepreneur aux termes de l’entente contractuelle conclue entre TPSGC et l’entrepreneur. Tel que prévu dans l’offre à commandes E0224-07R037/A et dans la réquisition no 53 signée le 27 octobre 2008 en regard de la présente offre à commandes, S. Bertrand soutient qu’étant donné que TPSGC a cédé la surveillance du site à Sea-Force Diving Ltd, ses responsabilités se limitaient, d’après S. Bertrand, à des examens périodiques du site pour vérifier que Sea-Force Diving Ltd satisfaisait à toutes les obligations prévues. De plus, de l’avis de S. Bertrand, le rôle de TPSGC aux termes de la même offre à commandes se limitait à régler les situations d’inobservation des modalités et conditions du contrat au moyen d’avis.

[49] Sur cette base, S. Bertrand a fait valoir que Sea-Force Diving Ltd était le seul employeur responsable des questions de santé et sécurité au travail dans ledit lieu de travail, à tous les moments pertinents et pour toutes les fins visées.

[50] Il a ajouté que les employés ne relèvent pas de l’administration fédérale du seul fait qu’ils travaillent sur un site fédéral. Pour étayer cet argument, il a mentionné la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Construction Montcalm c. La Commission du salaire minimum Note de bas 1.

[51] Pour tous les motifs qui précèdent, S. Bertrand affirme que la compétence sur le site qui vise une opération de plongée sur laquelle un entrepreneur provincial exerce une surveillance relève exclusivement de la compétence provinciale et que seul un agent de santé et de sécurité désigné en vertu de la loi sur la santé et la sécurité de Terre-Neuve-et-Labrador avait le pouvoir de donner une instruction et d’ordonner que des mesures de SST adéquates soient alors prises.

Analyse

[52] Tel qu’il a été mentionné précédemment, la question en litige en l’espèce consiste à déterminer si l’ASS O’Neill a commis une erreur en donnant les deux instructions contestées à TPSGC.

[53] Pour trancher cette question, je dois déterminer si les alinéas 125(1)w) et z.14) du Code s’appliquaient à TPSGC à l’époque. Si je conclus que tel était le cas, je dois alors décider si TPSGC enfreignait l’un ou l’autre des alinéas susmentionnés.

1–Les alinéas 125(1)w) et z.14) du Code s’appliquaient-ils à TPSGC à l’époque?

[54] Les alinéas 125(1)w) et z.14) du Code sont rédigés ainsi :

125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève, […]

w) de veiller à ce que toute personne admise dans le lieu de travail connaisse et utilise selon les modalités réglementaires le matériel, l’équipement, les dispositifs et les vêtements de sécurité réglementaires; […]

(z.14) de prendre toutes les précautions nécessaires pour que soient portés à l’attention de toute personne — autre qu’un de ses employés — admise dans le lieu de travail les risques connus ou prévisibles auxquels sa santé et sa sécurité peuvent être exposées; […] [C’est moi qui souligne.]

[55] Pour décider si les dispositions qui précèdent s’appliquent à TPSGC en l’espèce, je dois répondre aux deux questions suivantes :

  1. Le Code s’applique-t-il à TPSGC?
  2. TPSGC était-il un employeur, au sens où le définit le Code, auquel les alinéas 125(1)w) et z.14) dudit Code pouvaient s’appliquer à l’époque?

a)Le Code s’applique-t-il à TPSGC?

[56] Le paragraphe 123(2) du Code prévoit :

123(2) La présente partie s’applique à l’administration publique fédérale et aux personnes qui y sont employées, dans la mesure prévue à la partie 3 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. [C’est moi qui souligne.]

[57] TPSGC est un ministère fédéral et il n’est pas contesté qu’il fait partie de l’administration publique fédérale Note de bas 2. Dans ses observations, l’avocat prétendait que TPSGC fait partie de l’administration publique fédérale en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

[58] En ce qui concerne le paragraphe 123(2) du Code, je réponds à la première question susmentionnée affirmativement.

b)–TPSGC était-il un employeur, au sens oùle définit le Code, auquel les alinéas 125(1)w) et z.14) dudit Code pouvaient s’appliquer à l’époque?

[59] Le terme « employeur » est définit au paragraphe 122(1) du Code. La définition se lit comme suit :

122(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie. […] « employeur » Personne qui emploie un ou plusieurs employés — ou quiconque agissant pour son compte — ainsi que toute organisation patronale. [C’est moi qui souligne.]

[60] En vertu de l’article 123 cité précédemment, le Code s’applique aux employeurs du secteur privé qui relèvent de l’administration fédérale et à la fonction publique du Canada.

[61] Toutefois, dans le contexte de la fonction publique fédérale, le point de vue de l’employeur est un concept particulièrement complexe. Dans tous les cas qui touchent un ministère fédéral, notre interprétation du Code doit reposer sur ce contexte particulier.

[62] Dans la fonction publique fédérale, aucune entité ne possède toutes les caractéristiques habituellement attribuées à un employeur. Par exemple, un ministère a besoin de délégations de la Commission de la fonction publique pour doter ses postes en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) ou de délégations du Conseil du Trésor pour gérer les modalités et conditions d’emploi en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), ou de délégations pour autoriser des dépenses en vertu de la LGFP. En outre, ce même ministère doit, en vertu de la Loi sur leministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (la Loi sur le MTPSG), désigner TPSGC comme « gardien d’immeuble » ou comme « gestionnaire immobilier ». Je reproduis ici l’article 6 de la Loi sur le MTPSG, qui facilite la compréhension des rôles joués par TPSGC pour les ministères de la fonction publique fédérale, soit les rôles de gestionnaire immobilier et de fournisseur de services joués pour PPB-MPO-T.-N.L. dans la présente affaire :

6. Les pouvoirs et fonctions du ministre s’étendent d’une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit à d’autres ministères ou organismes fédéraux et liés à :

[…]

b) l’acquisition et la fourniture de services pour les ministères;

c) la planification et l’organisation des opérations de fourniture des matériels et services requis par les ministères;

[…]

e) la construction, l’entretien et la réparation des ouvrages publics et des immeubles fédéraux et des biens réels fédéraux;

f) la fourniture de locaux et autres installations aux ministères;

[…]

h) la fourniture de conseils et de services aux ministères et organismes fédéraux sur les questions de génie ou d’architecture liées à un ouvrage public ou à un immeuble fédéral ou un bien réel fédéral;

[…]

[63] La loi confère à TPSGC un mandat exclusif par rapport aux autres ministères fédéraux. Ceux-ci ne pouvaient, dans la présente affaire, recruter un entrepreneur pour qu’il inspecte le quai et, à cette fin, donner aux employés de l’entrepreneur un accès à ce quai. Il s’agit, et il s’agissait à l’époque, d’une responsabilité conférée par la loi à TPSGC. De fait, la preuve révèle qu’au moment de l’inspection réalisée par l’ASS O’Neill, TPSGC offrait les services afin de permettre que l’inspection du quai à Ferryland soit faite pour PPB-MPO-T.-N.L. Les contrats qui m’ont été présentés par l’avocat de TPSGC indiquent clairement que la société Sea-Force Diving Ltd a été recrutée par TPSGC pour exercer cette activité. La description de travail qui figure sur la réquisition signée par un représentant de TPSGC qui s’applique à l’offre à commandes révèle en outre que Sea-Force Diving Ltd avait conclu un marché de services avec TPSGC pour inspecter le quai de Ferryland à l’époque.

[64] En outre, la présente affaire ne touche pas des instructions données à un employeur dans le but de protéger la santé et la sécurité au travail des employés de ce dernier, comme ce serait le cas pour la plupart des dispositions du Code. Les alinéas 125(1)w) et z.14) sont deux dispositions d’exception du Code à cet égard. L’alinéa 125(1)w) vise non seulement à protéger les employés, tel qu’il est défini dans le Code, mais également à protéger « toute personne admise dans le lieu de travail ». De plus, l’alinéa 125(1)z.14) a pour but de protéger « toute personne — autre qu’un de ses employés [de l’employeur] — admise dans le lieu de travail ». En fait, seulement trois dispositions du Code renvoient à des « personnes admises dans le lieu de travail ». Ce sont les alinéas 125(1)w) et (z.14) et l’alinéa 125(1)y). L’alinéa 125(1)y) est rédigé ainsi :

125(1) […]

y) de veiller à ce que la santé et la sécurité des employés ne soient pas mises en danger par les activités de quelque personne admise dans le lieu de travail; […]

[65] Dans Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux) c. Alliance de la fonction publique du Canada Note de bas 3, la Cour fédérale du Canada a conclu que les mots « toute personne » qui se trouvent dans le Code « ne se limitaient pas simplement aux fonctionnaires fédéraux ». Dans cette affaire, Madame la Juge E. Heneghan a affirmé, aux paragraphes 22 et 24 de sa décision :

[22] Je suis d'avis que l'agent régional de sécurité n'a pas étendu la compétence fédérale aux employés soumis à la compétence provinciale ou aux employés autres que les fonctionnaires fédéraux. Il n'a fait qu'interpréter le texte de l'alinéa 125(v) Note de bas 4 relativement à la responsabilité d'un employeur à l'égard du lieu de travail dont il a le contrôle. L'agent régional de sécurité a conclu que les mots "toute personne" ne se limitaient pas simplement aux fonctionnaires fédéraux. Il a justifié l'application plus large de l'alinéa 125v) en indiquant qu'il s'agissait d'une disposition de grande portée qui oblige l'employeur à assumer la responsabilité du lieu de travail dont il a le contrôle.

[…]

[24] En conclusion, je ne suis pas convaincue que l'agent régional de sécurité ait commis une erreur de droit dans son interprétation de l'alinéa 125v) du Code. Sa décision est raisonnable. [C’est moi qui souligne.]

[66] Ces propos confirment que les personnes autres que les employés sont protégées – et ne peuvent mettre en péril la santé et la sécurité des employés présents sur le lieu de travail – en effectuant leur travail dans un lieu de travail contrôlé par un employeur visé par le Code. Encore une fois, je répète que ces dispositions prévoient des exceptions. En l’espèce, les alinéas 125(1)z.14) et w) du Code assurent que « toute personne autre qu’un employé de l’employeur qui est admise dans le lieu de travail de cet employeur » est informée des risques connus ou prévisibles auxquels sa santé et sa sécurité peuvent être exposées dans le lieu de travail et que « toute personne admise dans le lieu de travail [par l’employeur] » connaît et utilise dans les circonstances et de la façon prescrites tout l’équipement et les dispositifs de sécurité prévus par la Partie XVIII du Règlement sur la SST.

[67] Par conséquent, la définition de l’employeur donnée par le Code doit être interprétée dans un contexte qui donne pleinement effet aux alinéas 125(1)w) et z.14) du Code.

[68] En ce qui touche le paragraphe 125(1) du Code, deux circonstances prévues par cette disposition peuvent s’appliquer à un « employeur » Footnote 5 au sens où le définit le Code. Ces circonstances sont les suivantes :

  • le lieu de travail est placé sous l’autorité de l’« employeur »;
  • la tâche accomplie par un employé est placée sous l’autorité de l’« employeur », tandis que le lieu de travail où cette tâche est accomplie ne relève pas de l’employeur.

[69] Je conviens, comme l’a mentionné S. Bertrand, que comme les employés concernés de la société Sea-Force Diving Ltd ne sont des employés ni de TPSGC ni du Conseil du Trésor, ni TPSGC ni le Conseil du Trésor n’avait quelque autorité sur eux et que pour ce motif, la deuxième circonstance susmentionnée en vertu de laquelle le paragraphe 125(1) peut s’appliquer n’existe pas en l’espèce.

[70] Les circonstances de la présente affaire portaient sur un lieu de travail appartenant au gouvernement canadien représenté par le MPO. Compte tenu de la première circonstance relative à l’autorité exercée sur le lieu de travail qui a été mentionnée précédemment, il convient de déterminer si le lieu de travail était sous l’autorité de TPSGC à l’époque.

[71] D’après le New Shorter Oxford English Dictionary, 1993 edition, le mot « control » (autorité) signifie :

[Traduction]

Autorité : « Le geste ou le pouvoir de diriger ou de réglementer; commande; influence en matière de réglementation […] Une personne ou un organisme qui agit comme guide ou comme vérificateur, un contrôleur » […] « Exercer du pouvoir ou de l’influence sur ».

[72] Compte tenu de la définition susmentionnée et du point 1.1 de la section 1.9 et du point 3 de la section 1.21 de l’offre à commandes et du cinquième paragraphe de la section 4.2.2 de la charte de programme, je suis d’avis que c’est TPSGC, et non PPB-MPO-T.-N.L., qui exerçait de l’influence sur l’entrepreneur et qui possédait le pouvoir de vérifier dans quelle mesure il observait les conditions de son contrat en ce qui a trait à l’autorité exercée sur le lieu de travail.

[73] J’estime que TPSGC a exercé une influence et un pouvoir importants sur ledit lieu de travail pendant la période concernée, compte tenu du mandat que la loi lui conférait à l’époque sur ce lieu. C’est pourquoi je suis d’avis qu’à ce moment-là, le paragraphe 125(1) pouvait s’appliquer à TPSGC dans le lieu de travail en question.

[74] En outre, lorsque TPSGC a cédé à contrat l’exécution de l’inspection du quai à un entrepreneur provincial indépendant, il n’a pas, selon moi, renoncé à son obligation d’exercer son autorité sur la sécurité du lieu de travail pendant que les services que ledit entrepreneur devait fournir à l’époque pour le compte de PPB-MPO-T.-N.L. étaient fournis. L’obligation légale de TPSGC de le faire demeurait la même. La section 10 du document intitulé « Project Plan Template for Approval of Template Version #1 for DFO-SCH », qui faisant partie de la charte de programme signée avec PPB-MPO-T.-N.L., est très éclairante dans la mesure où la responsabilité de gestion de la sécurité spécifique de TPSGC par rapport à la protection de la santé et de la sécurité de l’entrepreneur dans le cadre du service qu’il offre et celle du public sur le site est concernée. Tel qu’il a déjà été mentionné, cette responsabilité spécifique était la suivante :

[…] Dans le cadre de l’exécution de travaux pour le compte du MPO, TPSGC prendra les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des […] entrepreneurs et du public conformément à la Partie II du Code canadien du travail […]

[75] De plus, la thèse selon laquelle les obligations conférées par la loi à l’employeur [traduction] « ne peuvent faire l’objet d’une renonciation en cédant à contrat l’exécution de ses responsabilités à un entrepreneur indépendant » a été réaffirmée par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Wyssen Note de bas 6.

[76] Dans l’affaire dont je suis saisi, S. Bertrand a exposé une thèse qui a culminé par la citation de l’arrêt Construction Montcalm, supra, de la Cour suprême du Canada, et a conclu que la société Sea-Force Diving Ltd relève manifestement de la compétence provinciale.

[77] Je suis entièrement d’accord avec M. Bertrand pour affirmer que la Sea-Force Diving Ltd relève de la compétence provinciale. Toutefois, je tiens à souligner que les deux instructions contestées n’ont pas été données à la Sea-Force Diving Ltd. Elles ont été données à TPSGC.

[78] En outre, ces deux instructions ne s’adressaient pas à TPSGC en tant qu’employeur des employés de Sea-Force Diving Ltd, mais plutôt en tant que ministère de la fonction publique fédérale auquel le Code s’applique et qui avait donné accès aux personnes dans le lieu de travail conformément au contrat de l’offre à commandes.

[79] Dans ce contexte et pour tous les motifs qui précèdent, le fait d’avoir donné au Conseil du Trésor ou au MPO, en vertu du paragraphe 145(1) du Code, des instructions basées sur les alinéas 125(1)w) ou 125(1)z.14) irait à l’encontre de l’objet de la loi, car l’ASS O’Neill avait pour but, en donnant les instructions, d’obtenir la conformité aux conditions des deux dispositions susmentionnées du Code. En fait, les responsabilités spécifiques qui ont été attribuées à TPSGC en vertu de la charte de programme signée avec PPB-MPO-T.-N.L. et déposée en preuve me permettent de conclure de façon décisive que c’est bien TPSGC qui devait recevoir les instructions, c’est-à-dire qu’il était à l’époque l’« employeur » auquel il était fait référence dans les alinéas 125(1)w) et z.14) du Code. À cet égard, j’attire l’attention des intéressés sur le libellé très clair de la section 10 du « Project Plan Template for Approval of Template Version #1 for DFO-SCH » déjà mentionné précédemment. Tel qu’il a été mentionné auparavant, cette section est ainsi rédigée :

[…] Dans le cadre de l’exécution de travaux pour le compte du MPO, TPSGC prendra les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité des employés du gouvernement, des agents, des entrepreneurs et du public conformément à la Partie II du Code canadien du travail et des lois et règlements provinciaux sur la santé et la sécurité au travail. Ces mesures comprennent la mise en application d’un système de gestion de la sécurité qui assure l’utilisation de matériaux, d’équipement et de dispositifs de sécurité […], l’identification des dangers, la prestation d’une formation et d’une orientation, […] [C’est moi qui souligne.]

[80] En me fondant sur tout ce qui précède, je suis par conséquent d’avis que TPSGC était la seule entité qui était placée de manière à veiller à l’observation des alinéas 125(1)z.14) et (w) du Code en litige dans le cadre du présent appel, et que l’ASS O’Neill était tout à fait autorisé à donner des instructions à TPSGC en conformité avec le paragraphe 145(1) du Code.

[81] Ayant conclu que l’ASS O’Neill avait compétence à l’époque pour donner des instructions à TPSGC sur la base des alinéas 125(1)w) et z.14) du Code, je me pencherai maintenant sur le bien-fondé de ces deux instructions contestées.

2TPSGC enfreignait-il les alinéas 125(1)z.14) et w) du Code?

[82] Conformément à l’offre à commandes, l’entrepreneur devait effectuer une évaluation des dangers pour la santé et la sécurité propres à un site, élaborer un plan écrit de santé et sécurité pour un site en particulier en se fondant sur l’évaluation du danger, et présenter à un représentant désigné de TPSGC une copie de ce plan pour examen avant le début des travaux.

[83] D’après la charte de programme signée par PPB-MPO-T.-N.L. et TPSGC, le gestionnaire principal de projet de TPSGC – qui agissait à l’époque pour le compte de TPSGC dans le cadre de ce projet précis d’inspection du quai – devait veiller à ce que la direction s’acquitte de ses responsabilités de sécurité mentionnées précédemment.

[84] La preuve révèle toutefois que l’entrepreneur n’a ni effectué une évaluation des dangers pour la santé et la sécurité dans un site en particulier, ni élaboré un plan écrit de santé et sécurité pour un site en particulier, ni présenté un tel plan à un représentant désigné de TPSGC pour examen avant le début de l’inspection du quai.

[85] Compte tenu de l’omission de s’assurer que les travaux n’ont pas débuté avant qu’une évaluation des dangers pour la santé et la sécurité propres au site ait été effectuée par l’entrepreneur et avant qu’une confirmation écrite ait été envoyée par l’entrepreneur selon laquelle ses employés avaient été informés, sur la base de l’évaluation susmentionnée des dangers pour la santé et la sécurité, de tous les dangers connus et prévisibles pour la santé et la sécurité auxquels ils étaient susceptibles d’être exposés en procédant à l’inspection du quai sur le lieu de travail, j’en viens à la conclusion suivante. Selon moi, ni TPSGC ni la personne qui devait rendre des comptes à TPSGC relativement au projet d’inspection du quai sur les lieux à l’époque n’ont pris toutes les mesures raisonnables pour s’assurer que les employés de l’entrepreneur qui avaient obtenu l’accès au lieu de travail ont été informés des risques susmentionnés conformément aux exigences de l’alinéa 125(1)z.14) du Code.

[86] Toutefois, à mon avis, les omissions susmentionnées, ainsi que les conséquences de ces omissions, auraient dû être précisées par l’ASS O’Neill dans l’instruction concernant l’alinéa 125(1)z.14) du Code. Cela aurait eu pour effet d’informer adéquatement le représentant désigné qui était concerné et qui devait rendre des comptes à TPSGC relativement au projet d’inspection du quai, de demander sans délai le document susmentionné et la confirmation écrite susmentionnée à l’entrepreneur, et de demander à TPSGC de veiller à ce que ces omissions ne se répètent pas en ce qui touche d’éventuels services à contrat similaires dans l’avenir. Sur la base de ces preuves, je souligne que cette confirmation a été envoyée par l’entrepreneur à un représentant de TPSGC seulement le 27 mai 2009.

[87] En ce qui concerne la deuxième instruction donnée par l’ASS O’Neill qui touchait l’alinéa 125(1)w) du Code, j’estime d’abord qu’en ne s’assurant pas que le plan écrit de santé et sécurité pour un site en particulier de l’entrepreneur a été reçu et revu par un représentant désigné de TPSGC avant le début des travaux et qu’ensuite, en ne veillant pas à ce qu’une confirmation écrite ait été obtenue de l’entrepreneur selon laquelle ses employés avaient été informés du matériel, de l’équipement, des dispositifs et des vêtements de sécurité prescrits qu’ils devaient utiliser et de la formation reçue à cet égard, ni TPSGC ni la personne qui agissait alors pour son compte ne se sont assurés que conformément au Règlement sur la SST, l’entrepreneur élaborerait et mettrait en oeuvre des procédures écrites de sécurité propres à l’activité de plongée devant être exécutée au moment pertinent à cet endroit. À mon avis, il en est résulté que les employés de l’entrepreneur, qui avaient obtenu l’accès au lieu de travail, n’ont pas utilisé l’équipement et les dispositifs de sécurité prescrits dans la Partie XVIII du Règlement sur la SST.

[88] Selon moi, ces omissions enfreignaient l’alinéa 125(1)w) du Code.

[89] Toutefois, comme dans le cas de la première instruction, j’estime que ces omissions et leurs conséquences auraient dû être spécifiées par l’ASS O’Neill dans l’instruction.

Décision

[90] Pour les motifs énoncés précédemment, je modifie la première instruction donnée par l’ASS O’Neill à TPSGC le 25 novembre 2008 de la manière indiquée ci-après. Le texte en caractères gras représente mes modifications.

[Traduction]

Dans l’affaire du code canadien du travail
Partie II – santé et sécurité au travail

Instruction donnée à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)

À travaux publics et services gouvernementaux Sanada

C.P. 4600, St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador (A1C 5T2)

Le 28 octobre 2008, l’agent de santé et de sécurité soussigné a effectué une inspection des lieux de travail contrôlés à ce moment-là par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui est un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, au quai du gouvernement fédéral qui se trouve à Ferryland, à Terre-Neuve-et-Labrador. Après cette inspection, l’agent de santé et de sécurité a donné une instruction à l’employeur le 25 novembre 2008 en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail.

À la suite d’un appel de l’instruction déposé dans les délais en vertu du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail, l’agent d’appel soussigné a mené, en application du paragraphe 146.1(1) de la partie II du Code canadien du travail, une enquête sur les circonstances ayant donné lieu à l’instruction donnée par l’agent de santé et de sécurité O’Neill.

Après analyse des circonstances, des faits, des dispositions de la partie II du Code canadien du travail et de la jurisprudence pertinente, l’agente d’appel soussignée modifie, conformément à l’alinéa 146.1(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, ladite instruction de la façon suivante :

Ledit agent d’appel est d’avis que l’alinéa 125(1)z.14) du Code canadien du travail, Partie II, a été enfreint, pour les motifs suivants:

TPSGCen la personne de son gestionnaire principal de projet a omis de s’assurer qu’une évaluation des risques pour la santé et la sécurité propre au site avait été effectuée par l’entrepreneur avant le début des travaux sur le site par les employés deSea-Force Diving Ltd auxquels TPSGC avait donné accès pour exécuter des activités de plongée aux termes du contrat d’offre à commandes signé le 27 octobre 2008 avec Sea-Force Diving Ltd pour effectuer l’inspection du quai à Ferryland.

De plus, TPSGC n’avait pas reçu, avant le début des travaux,une confirmation écrite de l’entrepreneur susmentionné selon laquelle ses employés avaient été informés, sur la base de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité susmentionnée, de tous les risques pour la santé connus ou prévisibles auxquels ils pourraient être exposés en procédant à l’inspection du quai au dit lieu de travail.

Il en est résulté que l’on ne s’est pas assuré que les employés del’entrepreneur avaient été informés des risques susmentionnés avant le début des travaux.

Par conséquent, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 17 décembre 2009.

En outre, je vous DONNE PAR LA PRÉSENTE L’INSTRUCTION, conformément à l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de faire rapport à l’agent de santé et de sécurité Glen W. O’Neill ou à tout autre agent de santé et de sécurité, dans les 30 jours suivant la réception de la présente instruction modifiée, des mesures prises qui permettront de faire en sorte que les omissions susmentionnées touchant des services contractuels similaires ne se reproduisent pas dans l’avenir.

[91] Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, je modifie la deuxième instruction donnée par l’ASS O’Neill à TPSGC le 25 novembre 2008, tel qu’il est indiqué ci-après. Le texte en caractères gras représente mes modifications.

[Traduction]

Dans l’affaire du code canadien du travail
Partie II – santé et sécurité au travail

Instruction donnée à l’employeur en vertu du paragraphe

À travaux publics et services gouvernementaux Canada

C.P. 4600, St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador (A1C 5T2)

Le 28 octobre 2008, l’agent de santé et de sécurité soussigné a effectué une inspection des lieux de travail contrôlés à ce moment-là par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui est un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, au quai du gouvernement fédéral qui se trouve à Ferryland, à Terre-Neuve-et-Labrador. Après cette inspection, l’agent de santé et de sécurité a donné une instruction à l’employeur le 25 novembre 2008 en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail.

À la suite d’un appel de l’instruction déposé dans les délais en vertu du paragraphe 146(1) de la partie II du Code canadien du travail, l’agent d’appel soussigné a mené, en application du paragraphe 146.1(1) de la partie II du Code canadien du travail, une enquête sur les circonstances ayant donné lieu à l’instruction donnée par l’agent de santé et de sécurité O’Neill.

Après analyse des circonstances, des faits, des dispositions de la partie II du Code canadien du travail et de la jurisprudence pertinente, l’agente d’appel soussignée modifie, conformément à l’alinéa 146.1(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, ladite instruction de la façon suivante :

Ledit agent d’appel est d’avis que l’alinéa 125(1)w) du Code canadien du travail, Partie II, a été enfreint, pour les motifs suivants:

TPSGCen la personne de son gestionnaire principal de projetn’a pas reçu le plan de plongée de l’entrepreneur propre au site faisant état des risques pour la santé et la sécurité et ne s’est pas assuré de son examen par un représentant désigné de TPSGC avant le début des travaux sur le site par les employés deSea-Force Diving Ltd auxquels TPSGC avait donné accès pour exécuter des activités de plongée aux termes du contrat d’offre à commandes signé le 27 octobre 2008 avec Sea-Force Diving Ltd pour effectuer l’inspection du quai à Ferryland.

De plus, TPSGC n’avait pas reçu, avant le début des travaux,une confirmation écrite de l’entrepreneur susmentionné selon laquelle ses employés avaient été informés, sur la base du plan de plongée propre au site faisant état des risques pour la santé et la sécurité, du matériel, de l’équipement, des dispositifs et des vêtements de sécurité qui devaient être utilisés et qu’ils devaient utiliser conformément à la réglementation sur la SST, y compris la description de la formation qui leur était donnée sur cette utilisation.

Par conséquent, pendant l’exécution du contrat d’offre à commandes susmentionné, un plongeur en autonomie un employé de l’entrepreneur se livrait à des opérations de plongée sans avoir de communications avec du personnel de soutien en surface, en violation des exigences de l’article 18.65 de la partie XVIII du Règlement sur la santé et la sécurité au travail, pris en application de la partie II du Code canadien du travail (règlement sur la SST, partie XVIII) et, de plus, en l’absence d’unplongeur de secours ou d’un assistant plongeur habillé à ce moment-là, comme le prévoit le Règlement sur la SST, partie XVIII.

Par conséquent, je vous donne par la présente l’instruction, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à la contravention au plus tard le 17 décembre 2009.

En outre, je vous donne par la présente l’instruction, conformément à l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de faire rapport à l’agent de santé et de sécurité Glen W. O’Neill ou à tout autre agent de santé et de sécurité, dans les 30 jours suivant la réception de la présente instruction modifiée, des mesures prises qui permettront de faire en sorte que les omissions susmentionnées touchant des services contractuels similaires ne se reproduisent pas dans l’avenir.

Katia Néron
Agente d’appel

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