Le fédéralisme au Canada
Le principe fondateur du fédéralisme au Canada,(...) hier comme aujourd'hui, reste le besoin de concilier, d'équilibrer et d'accueillir la diversité Note de bas de page 1
On s'entend généralement pour reconnaître que les États ayant le fédéralisme comme système de gouvernement présentent notamment les caractéristiques suivantes2 :
- au moins deux ordres de gouvernement;
- le partage des pouvoirs entre les ordres de gouvernement défini dans la Constitution;
- le partage des sources de revenu de façon à assurer à chacun des ordres de gouvernement certains secteurs d'autonomie, aussi précisé dans la Constitution;
- une Constitution écrite ne pouvant être modifiée unilatéralement par un des ordres de gouvernement.
Parmi les raisons qui amènent un État à se doter d'un système fédéral, notons la nécessité de tenir compte des différences linguistiques, économiques et culturelles d'une population, en particulier lorsque celle-ci se trouve concentrée géographiquement.
Des colonies de l'Amérique du Nord britannique s'unissent3
Jusqu'en 1867, les colonies4 de l'Amérique du Nord britannique étaient sans liens politiques ou géographiques. Elles avaient notamment chacune leur gouverneur nommé par Londres et leur propre administration, dont leur bureau de douanes et système postal.
En 1867, trois de ces colonies - la Province du Canada5 , le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse - s'entendent pour former une « Union fédérale6 » , sous le nom de Dominion du Canada7.
Des facteurs d'ordre externe incitent ces colonies à s'unir, dont :
- la perspective que les États-Unis ne renouvellent pas le Traité de réciprocité de 1854 qui assurait des débouchés pour les produits des colonies; ces dernières avaient déjà perdu une bonne partie des marchés britanniques avec la fin du système préférentiel britannique qui, jusqu'en 1848, avait accordé une protection douanière aux produits des colonies;
- l'insécurité grandissante notamment face à l'expansionnisme américain de même qu’aux incidents diplomatiques et incursions aux frontières en relation avec la guerre de Sécession;
- la volonté de l'Angleterre de diminuer ses obligations et responsabilités envers ses colonies.
Mais ce sont des conditions politiques qui prévalaient dans une des colonies, la Province du Canada, qui favorisaient une union de type fédéral.
La Province du Canada (aussi connue sous le nom de Canada-Uni)
La Province du Canada avait été établie en 1841 à la suite de l'Acte d'Union qui prévoyait la fusion de deux colonies jusqu'alors distinctes, le Bas-Canada (francophone) et le Haut‑Canada (anglophone). Ces colonies avaient chacune leur propre assemblée législative élue, ce qui leur accordait une certaine autonomie en matière de politique interne.
Après l'union de 1841, il s'avéra quasi-impossible pour un seul gouvernement d'assurer la stabilité politique malgré les aménagements visant à préserver la spécificité de chacune des communautés. Parmi ces aménagements, notons :
- deux premiers ministres, un pour la partie francophone (Canada-Est) et un pour la partie anglophone (Canada-Ouest), sises de part et d'autre de la rivière des Outaouais;
- deux procureurs généraux (la common law demeurait en vigueur au Canada-Ouest et le droit civil au Canada-Est);
- certaines lois ne s'appliquaient qu'à une seule des parties afin que des questions comme l'éducation soient régies différemment.
Un autre de ces aménagements allait contribuer grandement à envenimer la situation politique. Une des dispositions de l'Acte d'Union prévoyait l'élection d'un nombre égal de députés du Canada-Est et du Canada-Ouest à l'unique assemblée législative de la Province du Canada. Cette mesure avait donné suite à une demande du Canada-Ouest qui visait à lui assurer une telle représentation égale bien que sa population ait été inférieure de quelque 200 000 habitants à celle du Canada-Est.
À partir de 1850, la population du Canada-Ouest dépasse celle du Canada-Est. La représentation égale n'avantage plus le Canada-Ouest qui réclame dorénavant une représentation proportionnelle à sa population. Mais une grande partie de la classe politique du Canada-Est s'oppose à un tel changement car elle craint pour la survie des institutions et de la culture canadiennes françaises.
Au début des années 1860, il était évident qu'il fallait redonner une certaine autonomie aux deux parties constituant la Province du Canada. Il était tout aussi évident, dans la conjoncture économique et internationale de l'époque, qu'on avait intérêt à maintenir une certaine unité.
Le projet de diviser la Province du Canada en deux entités unies en une fédération fut mis de l'avant. Les pouvoirs seraient partagés entre deux ordres de gouvernement, ce qui assurerait l'unité (ordre fédéral) tout en permettant l'expression de la diversité (ordre provincial). On entrevoyait aussi la possibilité que les autres colonies de l'Amérique du Nord britannique soient des entités de cette union fédérale, à cause des avantages qu'une union élargie procurerait.
Des colonies optent pour l'union fédérale
Une première rencontre visant à discuter d'union eut lieu à Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, en septembre 1864. Un projet d'Union maritime des colonies de la côte atlantique céda rapidement la place à celui d'union fédérale de l'ensemble des colonies telle que préconisée par les délégués de la Province du Canada.
Les colonies maritimes se montrèrent intéressées aux propositions de la Province du Canada, car elles y trouvaient aussi leur compte. En effet, bien que semblables sur le plan de la langue, elles étaient différentes tant sur le plan historique que socio-économique. Dotées d'assemblées législatives élues, elles exerçaient déjà une certaine autonomie en matière de politiques internes.
En octobre 1864 eut lieu une deuxième rencontre à Québec, dans la Province du Canada, au cours de laquelle on discuta notamment du partage des pouvoirs entre les entités fédérées et un parlement fédéral. Les 72 résolutions de Québec prévoyaient entre autre que les assemblées législatives existantes (ou rétablies dans le cas de la Province du Canada) exerceraient les responsabilités relatives aux politiques locales et que le nouveau parlement fédéral assumerait les pouvoirs reliés aux politiques communes, notamment dans les domaines économique et militaire.
Les bases étaient jetées pour l'union fédérale de 1867. Le Canada comptera à l'origine quatre entités fédérées, les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et du Québec, ces deux dernières résultant de la division de la Province du Canada.
Au fil des ans, les autres colonies de l'Amérique du Nord britannique et tous les territoires de l'Amérique du Nord britannique feront aussi partie du Canada, à titre de provinces ou de territoires.
La nouvelle fédération était née en grande partie du besoin de tenir compte de deux réalités linguistiques différentes. Au moment où fut effectué le premier recensement après la Confédération, les Canadiens d'origine française représentaient 31,1 % de la population. La très grande majorité d'entre eux, soit 85,5 %, résidait dans la nouvelle province du Québec, alors que quelque 150 000 autres vivaient dans les autres provinces.
Ceux qu'on nommera les Pères de la Confédération ont présidé à la création d'une fédération qui dès l'origine protégeait les droits de la population francophone du Québec, déterminée à conserver sa langue, sa religion et son droit, et permettait l'usage du français comme de l'anglais au Parlement fédéral, à l'assemblée législative du Québec ainsi que dans les cours fédérales. Cette protection et cette reconnaissance du fait français ont grandement évolué depuis 1867.
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