Favoriser la croissance inclusive à l’aide de la concurrence

Discours

Allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence

Symposium de printemps en ligne sur le droit de la concurrence de l’ABC

Le 29 avril 2021

(Le discours prononcé fait foi)

Salutations

Bonjour à tous.

Je remercie l’Association du Barreau canadien d’avoir organisé ce symposium en ligne, et je remercie particulièrement Kaeleigh Kuzma, présidente du symposium, et Navin Joneja, président de la section. Je suis reconnaissant de l’occasion que vous me donnez de vous parler.

Introduction

Tant de choses ont changé au cours de la dernière année. Les événements récents n’ont fait que souligner davantage l’importance de la concurrence, surtout lorsque nous considérons l’état de la concurrence dans des secteurs importants comme les télécommunications et les services numériques. En quelques mots, la concurrence aujourd’hui est plus importante que jamais, et ce, pour tous les Canadiens.

Aujourd’hui, je discuterai de la façon dont la concurrence peut contribuer à la reprise économique du Canada d’une manière qui crée des occasions et réduit les obstacles pour tous les Canadiens – c’est-à-dire comment elle peut appuyer la croissance inclusive. Je donnerai un aperçu de l’importance actuelle et continue de l’inclusion dans notre travail.

La croissance, mesurée de manière traditionnelle

Traditionnellement, nous avons mesuré les avantages de la concurrence en fonction d’une diminution des prix et d’un accroissement du choix, de l’innovation, de la productivité et de la croissance. Mais, en ce moment, la productivité et la croissance sont particulièrement prioritaires, compte tenu de la réalité économique actuelle. De nombreux économistes éminents ont souligné à quel point il est important que le taux de croissance économique du Canada dépasse les taux d’intérêt afin de nous aider à réduire le fardeau de notre dette au cours des prochaines années. Bien que la productivité alimente la croissance économique, on a fait couler beaucoup d’encre sur le fait que, pendant de nombreuses décennies, la productivité du Canada a été inférieure à celle d’autres grands pays comme les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

La concurrence est essentielle pour accroître la productivité. L’intensité concurrentielle pousse les individus, les entreprises et les marchés à optimiser l’usage de leurs ressources, et à innover en concevant de nouvelles façons de faire des affaires et de gagner des clients. La concurrence ne fait pas que stimuler la productivité, elle améliore également notre compétitivité mondiale et notre niveau de vie.

Alimenté par l’essor de l’économie numérique et le rythme accéléré de la concentration économique sur les marchés numériques, l’intérêt envers la politique de la concurrence et l’application de la loi s’est accru partout dans le monde. Et, si l’on va au-delà des marchés numériques, la reprise post-pandémique a encore souligné l’importance de la concurrence pour notre bien-être économique. Un article récent du Fonds monétaire international intitulé « Progression du pouvoir de marché : une menace pour la reprise? » cite des recherches (en anglais seulement) montrant que le pouvoir de marché des entreprises dans les économies avancées a augmenté au cours des dernières décennies et pourrait présenter un risque pour la reprise économique. L’article met en évidence cinq priorités pour faire face à cette tendance, qui placent toutes le travail des organismes de la concurrence au cœur de la solution.

Dans ce contexte, il va sans dire que le budget fédéral de cette année est crucial pour la concurrence au Canada, puisqu’il reconnaît l’importance des marchés concurrentiels et équitables dans la reprise économique et la croissance durable. Plus spécifiquement, le budget compte une proposition de financement du Bureau s’élevant à 96 millions de dollars sur cinq ans et de 27,5 millions de dollars par année par la suite.

Si nous parvenons à obtenir ces fonds, il s’agira d’une avancée majeure pour le Bureau, et nous sommes déterminés à mener un travail acharné afin de profiter de cette occasion pour renforcer la concurrence au pays pour tous les Canadiens.

Bien qu’il incombe au Bureau de protéger et de promouvoir la concurrence, nous devons travailler de concert avec les décideurs du Canada. Et, maintenant plus que jamais, la croissance de la productivité doit être notre priorité collective pour assurer le bien-être futur de notre économie. À cette fin, je suis heureux que le Bureau organise le Sommet sur la concurrence et la croissance économique du 1er au 3 juin. Le sommet réunira des experts qui discuteront du rôle que les marchés concurrentiels peuvent jouer pour stimuler la croissance économique dans la foulée de la pandémie. Parmi les participants, soulignons notamment d’éminents penseurs du gouvernement, du monde universitaire et du milieu des affaires, ainsi que des dirigeants des autorités de la concurrence des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Croissance inclusive

Alors que nous envisageons la croissance économique post-pandémique du Canada, nous devons également imaginer la productivité et la croissance d’une nouvelle manière. Nous devons penser à l’impact de notre travail sur tous les Canadiens. Selon la Canadian Inclusive Economy Initiative (en anglais seulement), « lorsque nous parlons d’inclusion dans le contexte de la politique économique ou de la croissance économique, nous nous concentrons sur les personnes qui façonnent la croissance, y participent et en bénéficient » [traduction].

La dernière année a mis en évidence la nécessité d’une croissance plus inclusive. La pandémie de COVID-19 a eu un impact disproportionné sur certains groupes, a exacerbé les disparités de revenus et a mis à nu la discrimination systémique fondée sur la race et le sexe.

Certains peuvent se demander si la politique de la concurrence a un rôle à jouer pour favoriser une croissance inclusive. Ma réponse est sans équivoque : oui. La concurrence est un outil puissant pour y parvenir.

Alors que nous continuons à reconnaître l’orientation économique de la politique de la concurrence, ainsi que l’objectif et la jurisprudence qui sous-tendent notre loi, il est essentiel d’examiner comment nous pouvons soutenir une croissance inclusive offrant des occasions pour tous les Canadiens. Pour les consommateurs, ces possibilités peuvent prendre la forme d’une plus grande autonomie sur le marché. Pour les entreprises, cela peut signifier la possibilité de réussir ou d’échouer selon les mérites, à l’abri des comportements anticoncurrentiels. Pour les innovateurs, cela peut signifier la possibilité de récolter le fruit de leurs inventions et de leur sens des affaires.

L’un des objectifs de la Loi sur la concurrence est de veiller à ce que les petites et moyennes entreprises, ou PME, aient une chance équitable de participer à l’économie canadienne. La situation ardue des PME pendant la pandémie a un impact important sur la concurrence au Canada, car leur entrée et leur expansion sur les marchés sont le moteur de notre dynamisme économique. Bien que les mesures d’appui du gouvernement aient joué un rôle important pour d’atténuer les effets de la pandémie sur les PME, il est évident que de nombreuses petites entreprises sont dans une situation précaire.

De plus, les femmes ont incontestablement été touchées de manière disproportionnée par la pandémie. Elles représentaient la majorité des travailleurs dans les secteurs les plus touchés par les restrictions de santé publique : services, hôtellerie-restauration et tourisme.

L’impact disproportionné de la pandémie sur les PME et les femmes est aggravé si l’on considère que les inégalités prépandémiques peuvent empêcher certains groupes de saisir la balle au bond lorsque l’occasion se présente. Un rapport récent du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat a révélé que les stéréotypes associés à l’entrepreneuriat continuent de créer des obstacles pour les femmes entrepreneures. Ces obstacles prennent notamment la forme de possibilités de financement limitées : « au Canada, les hommes ont quatre fois plus de chances de bénéficier d’investissements en capital-risque et d’investissements providentiels, tandis que 53 % des demandes de financement d’entreprise soumises par des femmes ont été rejetées, contre 38 % des demandes de financement d’entreprise soumises par des hommes ». De tels obstacles nuisent à l’équité et à l’efficacité économique et bloquent la participation économique des groupes marginalisés.

Obtenir des résultats pour tous les Canadiens

Tout comme les inégalités peuvent constituer des obstacles à l’entrée, elles peuvent également avoir une incidence sur l’efficacité de l’application de la loi, de la conformité et de la promotion de la concurrence. Permettez-moi d’expliquer comment le Bureau s’efforce de faire en sorte que tous les Canadiens profitent des avantages de la concurrence.

Premièrement, nous nous concentrons sur les secteurs de l’économie qui ont le plus d’impact sur la vie quotidienne des Canadiens. Pour ce faire, nous prenons contact avec les Canadiens par le biais d’initiatives, comme la recherche sur l’opinion publique et les appels ouverts à la rétroaction, et d’une approche plus proactive et axée sur le renseignement dans notre travail. Les informations recueillies grâce à ces activités nous aident à affecter nos ressources aux initiatives d’application de la loi et de promotion qui servent le mieux les consommateurs et les entreprises du Canada.

Deuxièmement, nous mettons en œuvre des plans pour accroître la diversité de notre effectif et de nos comités de gouvernance. Cela nous aidera à créer un Bureau plus productif et conduira à une meilleure prise de décision et à de meilleurs résultats pour tous les Canadiens.

Troisièmement, nous posons de nouvelles questions. Il est évident que nous devons examiner les cas où les dommages potentiels sont peut-être moindres pour la population canadienne dans son ensemble, mais touchent disproportionnellement des segments particuliers de la population canadienne. Pour ce faire, il est nécessaire de mieux savoir qui est affecté par les activités anticoncurrentielles. À ce sujet, je me souviens des paroles de la présidente intérimaire Rebecca Kelly Slaughter de la Federal Trade Commission des États-Unis, pour qui la lutte contre le racisme a été une préoccupation importante. Dans une entrevue en 2020, elle a déclaré que nous devions nous demander « Qui est lésé par cette fusion ou ce comportement? Qui sont les victimes, et quel est le préjudice? Et que changerait notre intervention? ».

Enfin, le Bureau continue de faire progresser la recherche et de remettre en question les suppositions. Comme beaucoup le savent, le Bureau collabore avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour promouvoir de nouvelles recherches sur le lien entre la concurrence et le genre, un domaine qui reste largement inexploré. À la suite d’un appel de propositions de recherche (en anglais seulement), l’OCDE a reçu des dizaines de soumissions, et sept projets de recherche vont de l’avant. Ces projets nous aideront à comprendre comment le genre peut influencer de nombreux aspects de notre travail, notamment la définition du marché, le comportement des cartels et la sélection des affaires. Cela signifie également travailler avec le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique pour identifier les lacunes de notre législation. Il s’agit d’une priorité absolue, car nous devons nous assurer que notre législation est adaptée à l’ère numérique et qu’elle favorise des marchés concurrentiels qui fonctionnent pour tous les consommateurs, entreprises et travailleurs canadiens.

Conclusion

Nous devons continuellement nous efforcer de mieux intégrer l’inclusion dans notre travail. Nous garderons à l’esprit l’inclusion au moment de prioriser les affaires et les efforts de promotion. Nous poursuivrons nos initiatives de promotion de la concurrence afin de favoriser une croissance inclusive et de bâtir un marché plus concurrentiel. Au besoin, nous tiendrons compte du préjudice potentiel pour les groupes marginalisés au moment de choisir les affaires et de déterminer nos efforts de promotion. Ensemble, grâce aux efforts de nos employés dévoués, le Bureau continuera de prendre des mesures au bénéfice de tous les Canadiens.

Merci.

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