La concurrence pour une croissance verte

Discours

Allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence

Sommet sur la concurrence et la croissance verte

Ottawa (Ontario)

Le 20 septembre 2022

(Le discours prononcé fait foi)
 

Bonjour à tous et bienvenue au Sommet sur la concurrence et la croissance verte. Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris la parole devant un auditoire aussi nombreux en chair et en os. Je dois dire que ça fait du bien. C’est la première fois que nous organisons un événement entièrement hybride et le premier événement de la concurrence en présentiel au Canada depuis le début de la pandémie. Nous avons aujourd’hui un public varié, avec des participants internationaux issus du monde des affaires, du monde universitaire, de gouvernements et de groupes de réflexion.

Pour ceux d’entre vous qui se joignent à nous en personne aujourd’hui, je suis heureux que vous puissiez être ici avec nous au Centre national des Arts — un lieu emblématique du centre-ville d’Ottawa à deux pas de la Colline du Parlement. Et, pour ceux d’entre vous qui se joignent à nous virtuellement, merci de prendre part à ce qui promet d’être une conversation importante et instructive sur la concurrence et la durabilité environnementale.

Avant de me lancer dans le vif du sujet, j’aimerais d’abord souligner que le territoire sur lequel est situé le Centre national des Arts est le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquins Anishinaabeg. Leurs connaissances et expériences collectives sont liées à ce territoire et sont présentes dans cet espace aujourd’hui. Je suis reconnaissant de m’adresser à vous depuis ces terres et je m’engage à aller de l’avant dans un esprit de partenariat, de réconciliation et de collaboration.

Dans le même esprit, j’aimerais saluer les efforts incroyables déployés par notre équipe pour que cet événement ait lieu. Vous avez fait un travail remarquable et nous vous en sommes tous reconnaissants. Merci également à nos intervenants qui ont généreusement donné leur temps et leur énergie pour lancer les discussions sur ce sujet difficile et important. Nous apprécions votre engagement et vos conseils d’experts.

L’événement d’aujourd’hui s’appuie sur l’intérêt du Bureau pour les sujets interdisciplinaires. Par exemple, au cours des dernières années, nous avons exploré les liens entre la concurrence et la propriété intellectuelle, la concurrence et la vie privée, et la concurrence et le genre. Cela nous permet d’examiner les questions de politiques sous un angle nouveau, tout en établissant des liens avec des experts de différents horizons. Cela enrichit notre compréhension et favorise l’innovation.

Alors, pourquoi est-il important d’avoir une conversation et d’en apprendre plus sur la « croissance verte » et que vient faire la concurrence dans tout ça?

Fondamentalement, la concurrence est une force positive pour la société. La concurrence bénéficie aux consommateurs, nous aide à utiliser efficacement les ressources, stimule l’innovation et récompense la réactivité à la demande du marché. La concurrence sous-tend une économie dynamique et adaptable qui répond aux changements climatiques.

La science des changements climatiques a montré la nécessité d’une action urgente dans le monde entier. Le message est clair : sans changements significatifs dans notre façon de produire et de consommer, les conséquences du réchauffement de la planète seront considérables.

La crise climatique a incité les gouvernements du monde entier à prendre des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’Accord de Paris – le plus récent traité international sur les changements climatiques – a été adopté par 192 pays et l’Union européenne. Ici, au Canada, le gouvernement fédéral a adopté son Plan de réduction des émissions pour 2030 et les citoyens et les propriétaires d’entreprises canadiens prennent des mesures pour passer à une économie plus verte.

Dans ce contexte, la communauté de la concurrence a commencé à s’interroger sur le rôle du droit et de la politique de la concurrence dans le respect de nos engagements environnementaux. Nos collègues européens [en anglais seulement] ont lancé le Green Deal européen en 2019. Au Royaume-Uni, l’autorité responsable de la concurrence, la Competition & Markets Authority (CMA) [en anglais seulement], a récemment créé un groupe de travail sur la durabilité. Nous sommes honorés d’avoir des représentants de ces organisations avec nous et nous sommes impatients d’en apprendre davantage sur leur travail.

Alors, quelle est notre place? Pourquoi cela nous concerne-t-il? Parce que le droit et la politique de la concurrence peuvent nous aider à passer à une économie plus verte. Je le vois sous deux angles :

  • Du côté de l’offre, la politique de la concurrence contribue à encourager l’innovation et la concurrence fondées sur le mérite, tout en laissant la place à une collaboration légitime entre les entreprises pour fournir des biens et des services de manière plus durable.
  • Du côté de la demande, la politique de la concurrence aide les consommateurs à faire des choix éclairés en contrecarrant les déclarations environnementales trompeuses ou les pratiques anticoncurrentielles qui peuvent empêcher les consommateurs de choisir des options plus vertes. 

Les entreprises peuvent se faire concurrence pour donner aux consommateurs ce qu’ils veulent, et les consommateurs peuvent récompenser les entreprises qui le font le mieux. Le rôle fondamental des autorités de la concurrence est de veiller à ce que les comportements anticoncurrentiels n’entravent pas la concurrence.

Certains d’entre vous pensent peut-être que ce n’est pas le rôle des organismes d’application de la loi de protéger l’environnement. Nous avons déjà entendu de tels arguments au sujet de la vie privée ou de l’égalité des sexes. Ces enjeux n’ont pas leur place dans notre travail. Ils devraient être traités par d’autres leviers politiques. Ils rendront notre travail plus compliqué et moins prévisible, et ainsi de suite.

Je comprends ce sentiment, mais je pense qu’il passe à côté de l’essentiel. Il ne s’agit pas d’élargir les objectifs du droit de la concurrence ou de modifier les critères juridiques que nous appliquons. C’est beaucoup plus simple que cela — il s’agit de comprendre comment la transition vers une économie plus verte pourrait avoir une incidence sur notre travail, et comment notre travail pourrait avoir une incidence sur la transition vers une économie plus verte.

Les changements climatiques pourraient être la plus grande défaillance du marché à laquelle nous ayons jamais été confrontés. Si nous pouvons contribuer à y remédier simplement en faisant notre travail ou en partageant nos connaissances uniques avec les décideurs politiques, nous devrions y réfléchir. C’est ce que nous sommes venus faire aujourd’hui.

Permettez-moi donc d’évoquer brièvement certains des domaines d’intersection importants…

Premièrement, la confiance des consommateurs. Il incombe au Bureau de protéger l’intégrité du marché, ce qui inclut la confiance des consommateurs dans l’économie verte. Les consommateurs font de plus en plus de choix écoresponsables et les entreprises réagissent pour répondre à cette demande. Nous voyons des déclarations environnementales partout, mais elles ne sont pas toutes légitimes. L’écoblanchiment, c’est-à-dire la pratique consistant à faire des déclarations environnementales trompeuses sur un produit ou un service, est en hausse. Il est de notre devoir de protéger les consommateurs contre la fraude écologique comme nous l’avons fait dans notre récente affaire contre le géant du café, Keurig.

La promotion mensongère de produits « verts » nuit aux consommateurs en limitant leur capacité à prendre des décisions éclairées. Elle nuit aux entreprises qui se livrent à une concurrence loyale. Et elle nuit à l’environnement.

Deuxièmement, examinons les comportements anticoncurrentiels tels que les accords horizontaux, les fusions et les pratiques monopolistiques. Une fusion d’entreprises concurrentes dans le domaine de l’environnement pourrait rendre ces services plus coûteux ou moins innovants, ce qui nuirait non seulement au marché, mais aussi à l’environnement.

Nous nous attendons à ce que les considérations environnementales deviennent une préoccupation encore plus importante, et nous devons donc être attentifs à ces considérations lorsque nous analysons le comportement des entreprises.

Dernièrement, nous devons réfléchir à l’environnement réglementaire dans son ensemble et nous demander comment faire en sorte que la réglementation favorise la concurrence au lieu de l’entraver.

Donc, pour nous aider à répondre à cette question, une grande journée nous attend.

Le premier panel offrira un contexte pour la transition vers une économie plus verte. Nous explorerons le rôle de la concurrence pour atteindre les objectifs de croissance plus verte et de durabilité du gouvernement et pour améliorer la compétitivité mondiale du Canada.

Notre panel sur l’application de la loi sera composé des hauts fonctionnaires d’autorités de la concurrence de l’Europe, des États-Unis et du Royaume-Uni, qui discuteront des aspects pratiques des considérations environnementales dans l’application de la loi en matière de concurrence.

Notre dernier panel sera composé d’experts éminents en droit de la concurrence qui aborderont le rôle de l’application de la loi en matière de concurrence dans la transition vers une économie plus verte, y compris les collaborations entre entreprises et l’application de la loi contre l’écoblanchiment.

Outre nos fantastiques orateurs, nous aurons ce midi le privilège d’entendre le professeur Bill Kovacic, l’un des principaux penseurs mondiaux en matière d’antitrust, lors d’une allocution préenregistrée.

Alors, sans plus tarder, commençons. Je vous verrai à la fin de la journée pour un bref mot de clôture. Bonne journée à tous.

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