Allocution d’ouverture à l'Avis de consultation CRTC 2023-56

Discours

Notes d’allocution de Krista McWhinne, sous-commissaire de la Direction des pratiques monopolistiques.

Audience du CRTC sur l’examen du cadre des services d’accès haute vitesse de gros

Le 12 février 2024

Gatineau (Québec)

(Le discours prononcé fait foi)

Bonjour, Madame la Présidente Eatrides, Monsieur le Vice-président Scott, Madame la Conseillère Desmond, Madame la Conseillère Naidoo, le personnel du Conseil et les membres de l’audience. Je me nomme Krista McWhinnie et je suis sous-commissaire au Bureau de la concurrence, où je supervise la Direction des pratiques monopolistiques.

Permettez-moi tout d’abord de vous présenter les membres de notre panel. À ma droite :

  • Matthew Strathearn : économiste principal, Direction de l’analyse économique
  • Ryan Jakubowski : directeur des dossiers spéciaux et conseiller stratégique, Direction de la politique, de la planification et de la promotion
  • Conor Parson : agent principal du droit de la concurrence, Direction des pratiques monopolistiques
  • Derek Leschinsky : avocat principal, Services juridiques du Bureau de la concurrence

À ma gauche :

  • Laura Sonley : sous-commissaire déléguée, Direction des fusions.

Le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au bénéfice des consommateurs et des entreprises du Canada. Le Bureau de la concurrence est un organisme public qui s’appuie sur les données probantes, les faits et les preuves pour formuler ses recommandations en matière de concurrence. Nous ne sommes pas influencés par des intérêts commerciaux, mais par l’intérêt public de protéger et de promouvoir la concurrence pour la population canadienne.

L’Internet est essentiel pour les Canadiens et les Canadiennes. Il soutient notre vie quotidienne, notre économie, notre culture et notre bien-être. La pandémie nous a montré à quel point l’Internet est vital pour travailler, apprendre, communiquer et accéder aux informations et aux services. Comme de plus en plus d’activités se déroulent en ligne, les Canadiens et Canadiennes ont encore plus besoin d’un accès Internet pour participer à l’économie et à la société et s’y épanouir.

C’est pourquoi nous devons veiller à ce que le marché des services Internet soit concurrentiel. La concurrence entre les fournisseurs d’accès Internet ne concerne pas seulement les prix et la qualité des services à court terme, mais aussi la construction et l’amélioration des réseaux Internet à long terme. Le Bureau reconnaît que les deux formes de concurrence sont importantes et qu’elles doivent toutes deux être encouragées. Les préoccupations relatives à l’accès physique et économique aux services Internet sont d’autant plus pressantes que la hausse des prix entraîne une augmentation du coût de la vie pour les gens au Canada et que la croissance de la productivité reste faible. L’Internet n’est pas un luxe, mais une nécessité. Pour les consommateurs canadiens, payer plus cher pour Internet signifie avoir moins d’argent pour d’autres dépenses.

Le Bureau est donc heureux d’être ici aujourd’hui pour participer à ce processus important concernant un service essentiel pour les Canadiens et les Canadiennes. Nous savons que le Conseil reconnaît l’importance d’une concurrence durable, de prix raisonnables et de services innovants. Nous pensons que nos commentaires d’aujourd’hui, et nos interventions tout au long de cette instance, sont en accord avec les objectifs de politique du Conseil. Nous partageons vos objectifs de renforcer la concurrence et de faire en sorte que tout le monde au pays ait accès à des services de télécommunications fiables, abordables et de haute qualité, entre autres objectifs importants. Le Bureau est également conscient que trouver l’équilibre entre différents objectifs est un exercice difficile qui nécessite d’équilibrer les risques.

L’une des principales questions de cette audience est de déterminer comment le cadre d’accès de gros peut promouvoir plus efficacement la concurrence dans le secteur de l’Internet à large bande. Pour aider à éclairer cette question, le Bureau a analysé la performance des concurrents de gros et d’autres tendances du marché d’une manière détaillée. Les concurrents de gros et le cadre d’accès de gros peuvent jouer un rôle important dans la promotion de la concurrence. Nous avons maintenant tenu compte de toutes les preuves disponibles dans le cadre de cette instance. Après cet examen, le Bureau recommande que le CRTC mette à jour son cadre d’accès de gros afin d’inclure un accès efficace aux intrants de gros transportés sur les réseaux FTTP. Cette mise à jour permettra de mieux positionner le cadre d’accès de gros pour soutenir les résultats concurrentiels, aujourd’hui et à l’avenir.

Nous avons quatre points essentiels à faire aujourd’hui à cet égard.

Premièrement, notre analyse suggère que l’absence d’un accès de gros efficace aux réseaux FTTP contribue au déclin de la part des abonnés desservis par l’accès de gros.

Deuxièmement, notre analyse suggère que ce manque d’accès de gros efficace aux réseaux FTTP limite les avantages concurrentiels du cadre d’accès de gros.

Troisièmement, la forme actuelle du cadre fait que les réseaux de câble transportent une majorité croissante du trafic de gros, ce qui peut avoir une influence sur les motivations concurrentielles au niveau du réseau.

Quatrièmement, la mise à jour du cadre d’accès de gros pour garantir qu’un accès de gros efficace est disponible, quel que soit le type de technologie filaire, favorisera davantage la concurrence.

Le Bureau croit que ce changement contribuerait à ce que le cadre d’accès de gros puisse faire diminuer les prix et continuer à offrir du choix aux consommateurs, tout en servant à mieux équilibrer son impact entre les différents types de technologie de réseau.

Permettez-moi de vous exposer plus en détail chacun de ces points.

1. L’absence d’un accès de gros efficace aux réseaux FTTP contribue à la diminution de la part des abonnés desservis par l’accès de gros.

Une grande partie des informations dans cette instance prend sa source en 2018 et fait suite aux informations contenues dans l’étude sur les services à large bande réalisée par le Bureau. Comme l’ont noté de nombreuses personnes, les résultats de l’étude sur les services à large bande ont dressé un tableau largement positif de l’état de la concurrence à l’époque.

L’étude reconnaissait que les concurrents dotés d’installations et les concurrents de gros avaient grandement contribué à cet état de la concurrence. L’une des principales conclusions de l’étude était que le régime d’accès de gros semblait remplir ses promesses d’élargir le choix et d’accroître le degré de concurrence pour les consommateurs canadiens. L’étude demandait également que cette concurrence soit préservée et mise à profit dans le futur.

Dans la présente instance, le Bureau a principalement tâché d’évaluer si le cadre d’accès de gros a continué à fournir les avantages observés lors de l’étude sur les services à large bande. En bref, les résultats de cette analyse suggèrent que les restrictions technologiques actuelles du cadre d’accès de gros diminuent au fil du temps sa capacité à permettre la concurrence.

Les restrictions technologiques actuelles s’appliquent aux deux types d’opérateurs de réseau. Mais les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) ont une plus grande proportion de connexions FTTP que les câblo-opérateurs. L’impact de ces restrictions est donc plus prononcé sur les réseaux des ESLT.

Dans son analyse d’octobre, le Bureau a constaté que la proportion d’abonnés desservis à l’aide d’intrants de gros sur les réseaux des ESLT a diminué à l’échelle nationale, dans chaque région et dans presque toutes les régions métropolitaines de recensement analysées.

De manière contrastante, le Bureau a observé une tendance nationale montrant que les ESLT ont gagné des abonnés au détail en même temps que leurs utilisateurs finaux de gros ont diminué. Cela nous amène à exclure les causes propres aux ESLT. Nous avons également observé une tendance nationale montrant que les concurrents de gros ont gagné des abonnés sur les réseaux de câble. Cela nous amène à exclure les causes propres aux concurrents de gros. Ces constatations faites, le Bureau croit que ce déclin a été principalement causé par l’absence d’un accès de gros efficace aux réseaux FTTP, plutôt que par une baisse de la demande pour l’Internet livré sur les réseaux des ESLT ou pour l’Internet fourni par les concurrents de gros.

2. Le manque d’accès de gros efficace aux réseaux FTTP limite les avantages concurrentiels du cadre d’accès de gros.

L’analyse du Bureau indique que les consommateurs se sont tournés vers des services plus rapides ces dernières années, et que la proportion d’abonnés qui achètent des vitesses largement disponibles sur les connexions FTTN a diminué.

Plus important encore, alors que les connexions FTTP sont souvent évoquées dans le contexte des services à plus grande vitesse, ces connexions sont l’un des moyens d’accès physique à un client (et parfois le seul), quelle que soit la vitesse souhaitée. L’impact de cette limitation de l’accès physique est que la capacité du cadre d’accès de gros à influencer les résultats concurrentiels pour les consommateurs varie en fonction des technologies de réseau disponibles à l’adresse d’un consommateur. Si ce phénomène est plus fréquent dans le cas des réseaux d’ESLT, il est tout aussi vrai dans les zones où les câblo-opérateurs ont déployé des réseaux FTTP. Les ménages qui n’ont que des connexions FTTP ne sont pas rejoints par le cadre d’accès de gros.

Le Bureau comprend qu’il y a un débat sur la question de savoir si les connexions FTTN sont mises hors service dans les zones où des connexions FTTP ont été construites. Nous ne disposons pas de preuves claires sur ce point. Mais nous nous attendons à ce qu’il y ait de plus en plus de problèmes si les entreprises titulaires sont tenues de maintenir des réseaux patrimoniaux utilisés principalement par des concurrents de gros. Les entreprises titulaires seraient moins incitées à maintenir une qualité élevée de services de gros sur ces réseaux.

Dans l’ensemble, les éléments dont nous disposons indiquent que le cadre actuel du marché de gros constitue une contrainte moins efficace que par le passé sur le pouvoir de marché. Ce déclin risque de se poursuivre à l’avenir si le cadre n’est pas actualisé.

3. Les restrictions propres à certaines technologies du cadre font en sorte que les réseaux de câble transportent une majorité croissante du trafic de gros, ce qui peut avoir une incidence sur les incitatifs concurrentiels au niveau du réseau.

L’analyse du Bureau démontre qu’au fil du temps, les réseaux de câble ont pris en charge une majorité croissante du trafic de gros à haute et à basse vitesse.

Le Bureau estime que cette tendance des réseaux de câble à desservir une part croissante du trafic de gros peut avoir un impact négatif sur la concurrence. En particulier si les connexions FTTN se raréfient, laissant le câble comme seule option de services de gros pour un nombre croissant de ménages.

Le Bureau reconnaît que l’accès de gros peut avoir un impact négatif sur les incitations à l’investissement. D’après les observations de cette instance, le Bureau comprend que les fournisseurs de câble envisagent d’autres investissements dans le réseau que le FTTP à court terme. Le maintien d’un cadre d’accès de gros pour certaines technologies, mais pas pour d’autres peut modifier les incitations des opérateurs de réseaux à investir dans différentes technologies. Il se peut également que le cadre d’accès de gros ait un impact plus important sur les incitations à l’investissement d’un type d’opérateur de réseau que d’un autre.

4. L’élimination de ces restrictions propres à certaines technologies favoriserait davantage la concurrence.

Le Bureau estime que le CRTC devrait mettre à jour son cadre d’accès de gros afin d’inclure un accès efficace aux intrants de gros livrés par l’entremise de connexions FTTP. Cela permettra aux concurrents de gros d’accéder à un réseau de plus en plus important, tout en réduisant l’asymétrie entre les concurrents titulaires dotés d’installations, qui peut fausser la concurrence.

Le Bureau estime qu’un accès de gros FTTP efficace pourrait mieux favoriser la concurrence pour plusieurs raisons.

  • Tout d’abord, nous pensons qu’il permettra de mieux positionner le cadre de l’accès de gros pour soutenir les résultats concurrentiels, aujourd’hui et à l’avenir.
  • Deuxièmement, un secteur de gros renouvelé aiderait à rétablir l’équilibre que nous avons observé dans notre étude sur les services à large bande en promouvant mieux la concurrence sur les prix et les services.
  • Troisièmement, dans la mesure où il accroît la quantité de produits de gros se chevauchant, il peut également inciter les opérateurs de réseaux à se faire concurrence, y compris pour les clients de gros.
  • Enfin, ce type d’accès de gros pourrait avoir moins d’impact sur les incitatifs des opérateurs de réseaux à réaliser des types précis d’investissements pour améliorer leurs réseaux, permettant ainsi aux forces du marché de déterminer la manière la plus efficiente de réaliser les importants investissements à grande échelle pour améliorer les réseaux filaires du Canada.

Par accès de gros efficace aux réseaux FTTP, nous entendons des conditions d’accès qui (1) facilitent les avantages concurrentiels de l’accès de gros que nous avons observés au cours de l’étude sur les services à large bande et (2) encouragent à la fois les concurrents titulaires et non titulaires dotés d’installations à investir dans leurs réseaux.

Nous reconnaissons que d’autres intervenants ont soulevé d’importantes questions concernant la conception de l’accès de gros aux réseaux FTTP. Comme nous n’avons pas analysé ces questions en particulier, nous ne pouvons pas donner un avis définitif sur l’efficacité et les limitations des différentes options de conception de l’accès. Cependant, nous serions heureux de partager notre opinion sur les considérations pertinentes dans la mesure où le Conseil est intéressé. Et, comme nous l’avons suggéré dans notre intervention d’octobre, le suivi d’indicateurs supplémentaires de la concurrence à court et à long terme permettra au CRTC de mieux suivre le succès du cadre de l’accès de gros.

Le Bureau remercie le Conseil de lui avoir donné l’occasion de participer à cette instance. Nous nous efforcerons de répondre à vos questions de manière claire et concise.

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