Allocution de la présidente Rumina Velshi à l’Institut d’été de la World Nuclear University
Discours
Le 21 juillet 2022
– Le texte prononcé fait foi –
Introduction
Tout d’abord, je tiens à vous adresser à toutes et à tous mes plus sincères félicitations!
Je sais de source sûre que vous êtes un groupe de personnes talentueuses, qui non seulement aspirent au leadership, mais surtout démontrent des compétences à cet égard.
Je suis convaincue que le secteur nucléaire tirera profit de ce que vous avez appris cet été, et que vous disposez maintenant des outils nécessaires pour poursuivre votre propre parcours de leader. Il vous sera plus facile de laisser votre marque dans le cadre de votre travail.
J’ai la chance d’être une des leaders de ce secteur depuis un certain temps déjà.
Alors que nous soulignons l’obtention prochaine de votre diplôme, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous offrir cinq conseils sur le leadership. Ce sont des conseils que j’aurais aimé recevoir lorsque j’ai accédé à des postes de leadership et d’influence.
Tout d’abord, parlons de changement.
En effet, c’est la seule constante à laquelle vous serez toujours confronté, peu importe le temps que vous passerez dans un rôle de leader.
Nous vivons à une époque où le rythme des changements technologiques s’accélère sans cesse.
Le statu quo est un état de transformation quasi perpétuel.
Pensez à des phrases que nous utilisons aujourd’hui. Des phrases qui n’auraient eu aucun sens il y a à peine dix ans : « Je vais me rendre à mon Air BnB en Uber et regarder Netflix en rafale. »
Nous avons réinventé notre manière d’écouter de la musique. La façon dont nous prenons nos photos et conservons nos souvenirs a complètement changé.
Ça serait une erreur de penser que notre secteur est à l’abri de ces influences. Il ne l’est pas.
Tout autour de nous, nous sommes témoins de changements.
La transition de la société vers des solutions énergétiques propres. Dans le domaine nucléaire, des travaux de recherche novateurs et le développement des infrastructures. L’arrivée des drones. L’utilisation de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage machine. L’émergence des menaces pour la cybersécurité. Ce ne sont que quelques exemples.
Un monde en évolution est propice à l’ingéniosité; il favorise de meilleures façons de bâtir et d’accomplir les choses.
Mais il peut aussi entraîner de nouveaux défis et dangers.
Les leaders doivent s’attendre à changer au fil du temps, à être en mesure de le faire, et même à avoir hâte d’évoluer. À relever de nouveaux défis sans tarder ni sans hésiter.
Il faut donc à la fois disposer de bonnes aptitudes… et être dans le bon état d’esprit.
Les leaders se tournent vers l’avenir. En tant que leaders du secteur nucléaire, vous comprenez que se tourner vers l’avenir, c’est préparer aujourd’hui votre organisation aux technologies qui verront le jour dans plusieurs années.
C’est une question d’équilibre. Vous devez garder à l’esprit les enjeux actuels sans perdre de vue les objectifs à long terme du secteur et de votre organisation.
Vous serez donc responsables, en tant que leaders et de concert avec vos équipes et votre organisation, d’élaborer et de maintenir une culture d’apprentissage tout au long de votre carrière.
Faites-en une priorité.
Pavez la voie en veillant à garder à jour vos propres compétences et connaissances.
Vous ne pouvez pas vous permettre de perdre du terrain, ou vous risquez de devenir aussi désuet qu’une technologie dépassée.
Mon deuxième conseil est le suivant : En tant que leaders, il est essentiel d’établir et de communiquer une vision claire.
Mais qu’est-ce que ça signifie vraiment?
Laissez-moi d’abord vous dire ce que ça ne signifie pas.
Ça ne signifie pas que vous ne pouvez pas changer d’idée. Vous avez tout à fait le droit de le faire.
L’évolution des circonstances et l’obtention de nouveaux renseignements peuvent nous mener à tirer des conclusions différentes. Je reviendrai sur cette question dans un moment.
Ça ne signifie pas non plus que vous ne pouvez pas demander conseil à d’autres personnes ou solliciter leur opinion. Vous avez tout à fait le droit de le faire, et vous devriez le faire.
Ce sont les leaders les plus faibles et qui doutent le plus de leurs capacités qui s’accrochent désespérément à l’idée de tout savoir.
Voici plutôt ce que signifie vraiment avoir une vision claire : Les personnes que vous dirigez doivent connaître vos positions.
Elles doivent connaître vos valeurs et vos priorités. Elles doivent non seulement vous entendre exprimer vos valeurs et priorités, mais aussi vous voir vous efforcer de les promouvoir.
Permettez-moi de vous donner un exemple tiré de ma propre expérience.
Les personnes qui travaillent avec moi à la CCSN savent que je défends ardemment l’équité entre les genres, tant dans notre secteur qu’en général.
Elles l’ont entendu dans mes paroles, et elles l’ont vu dans mes gestes en tant que mentor, en tant que championne et en tant que défenseure de l’équité au sein de plusieurs organismes nationaux et internationaux.
Je ne peux imaginer de meilleure façon de s’adapter à un monde en constante évolution que d’infuser notre secteur d’une nouvelle énergie et de nouvelles perspectives, et de veiller à ce qu’il attire les personnes les plus qualifiées et les plus brillantes, quel que soit leur genre.
Lorsque nous donnons aux femmes les moyens d’agir, c’est tout le monde qui en bénéficie.
Lorsque nous excluons une partie de la population, de façon volontaire ou par négligence, nous ne pouvons pas atteindre notre plein potentiel.
Il est essentiel de faire preuve d’ouverture à l’égard de toutes les priorités en matière de diversité et d’inclusion. Nous réussirons toujours mieux, en tant qu’organisation et en tant que société, lorsque nous permettrons à chaque personne de participer dans toute la mesure de ses compétences.
Mon équipe au sein de la CCSN sait que je suis fermement résolue à faire en sorte que notre organisation soit prête pour l’arrivée des PRM.
J’ai insisté sur cet aspect à de nombreuses reprises.
Et puisque les gens sont exposés à cette vision claire, ils seront mieux préparés et plus aptes à relever les défis futurs liés au déploiement sûr des PRM dans le monde entier.
Ils comprennent que la « nécessité de se préparer » s’applique à l’ensemble de l’organisation. Ils le comprennent aussi parce que le message vient d’en haut… parce que je me suis fait un devoir de communiquer constamment mes opinions et ma vision.
En tant que leaders, vous devez établir vos priorités. Comme le dit le vieux dicton : quand tout est prioritaire, il n’y a pas de priorités.
Lorsque vous avez établi vos priorités, il est essentiel de prendre le temps de les expliquer clairement et souvent.
Cette vision claire vous aidera à mieux faire comprendre la nécessité d’agir.
Voici mon troisième conseil alors que vous poursuivez votre parcours de leader : Ne craignez pas les forces des autres.
J’ai acquis assez d’expérience pour savoir qu’il existe essentiellement deux types de leaders.
L’un présume que ses idées sont les meilleures et qu’il sait tout. Consciemment ou non, ce leader se dote d’une équipe de direction qui ne cherchera pas à le désillusionner.
L’autre démontre suffisamment de confiance en lui et de sagesse pour s’entourer de personnes brillantes.
Des personnes dont les points forts complètent les siens, même si ça signifie plus de débats, plus de discussions et même plus de désaccords.
Si vous êtes adeptes de sports, imaginez vos collègues cadres comme les membres d’une équipe de basketball. Vous ne remporterez pas la victoire grâce à cinq personnes qui possèdent les mêmes compétences et qui font toutes la même chose.
C’est vrai : chaque joueuse ou joueur doit avoir du talent. Idéalement, par contre, leurs talents devraient être différents.
Évidemment, si comme moi vous pouvez à peine distinguer un ballon de basket d’un ballon de plage, vous préférerez peut-être imaginer votre équipe de direction comme un orchestre.
Le violon, c’est magnifique, mais vous ne voulez pas avoir 95 violonistes. Vous n’en avez pas besoin. La collaboration est plus efficace lorsque des personnes talentueuses dotées de compétences différentes se réunissent pour créer un air mélodieux.
Et si vous étiez le ou la chef d’orchestre, cette harmonie de compétences et d’excellence ne vous éclipserait pas et ne vous intimiderait pas.
Vous dirigeriez les membres de l’orchestre avec confiance. Vous les aideriez à atteindre leur plein potentiel, aussi bien individuellement qu’en groupe.
Et lorsque le public se mettrait à applaudir chaudement, vous vous retourneriez et le salueriez, puis d’un geste vous lui présenteriez l’orchestre afin que celui-ci reçoive l’hommage qui lui revient.
Mon quatrième conseil est le suivant : Ayez le courage d’admettre votre ignorance et vos erreurs, et la force de vous adapter aux nouvelles tendances et réalités.
Naturellement, ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air.
Personne n’aime admettre son erreur. Il est facile de se complaire dans de vieilles façons de penser et de continuer son chemin sur le pilote automatique.
En tant que leaders, vous devrez prendre des décisions difficiles.
Vous devrez expliquer et justifier ces décisions.
Parfois, vous devrez aussi revenir sur une décision, ou présenter des excuses.
Il faut faire preuve de courage. En retour, votre équipe verra en vous un leader qui sait réfléchir, qui a un sens des responsabilités et qui n’a pas peur d’assumer ses actes.
C’est très évocateur du type de personnes que vous êtes. Idéalement, ça donne aussi le ton pour l’ensemble de l’organisation, et les autres leaders et gestionnaires adopteront le même esprit de candeur et d’humilité.
Dans mes fonctions actuelles, je suis déterminée à communiquer ma croyance selon laquelle tous les membres de mon équipe sont précieux, et chaque opinion est digne d’être prise en compte, même si elle remet en question l’ordre établi.
En fait, j’indique clairement que quiconque souhaite soulever des préoccupations peut venir me voir.
Je crois qu’en tant que leaders, il faut faire preuve de la plus grande transparence.
Vous ne pouvez pas tout dire, naturellement.
Il faudra toujours traiter les enjeux délicats et confidentiels avec discrétion.
Mais nous pouvons, en tant que leaders, exprimer nos idées.
Nous pouvons expliquer et justifier nos décisions lorsque ça permet à certains membres de notre équipe de mieux comprendre et apprécier les nuances d’une situation.
Nous pouvons montrer que nous sommes humains. Nous pouvons admettre nos erreurs ou nos doutes.
Selon moi, l’important, c’est de veiller à maintenir la mobilisation de notre équipe; toujours réfléchir et analyser, évaluer et réévaluer.
Nous devrions toujours viser à bien faire les choses, même quand bien faire les choses signifie qu’il faut changer de cap.
Faire toujours la même chose, simplement parce que ça a toujours été fait comme ça, c’est inviter le déclin d’une organisation.
En tant que leaders, il nous faut miser sur la curiosité et l’ouverture d’esprit. Nous devons paver la voie. Nous devons donner le ton.
À la CCSN, je rappelle souvent ceci à mes collègues :
En tant qu’organisme de réglementation, notre mission est de protéger les personnes du risque, et non du progrès.
Nous ne voulons pas freiner le bon travail et l’innovation.
Nous devons donc nous-mêmes demeurer agiles et au fait des tendances, et avoir la volonté de changer notre façon de faire, si c’est ce qu’il faut pour demeurer d’actualité.
Donner le ton, c’est aussi établir le climat émotionnel de l’organisation.
Dans mon rôle, je m’efforce de favoriser un environnement empreint d’espoir et d’optimisme dans l’ensemble de l’organisation. Cette approche a été d’autant plus importante pendant la pandémie. J’ai pu constater que l’espoir et l’optimisme sont contagieux, et qu’il est essentiel que les leaders fassent preuve d’optimisme même dans les moments difficiles.
Enfin, voici mon dernier conseil : Axez vos efforts de leadership sur le renforcement des relations, en favorisant et en maintenant un sentiment de confiance.
L’établissement de liens de confiance peut être difficile puisque les leaders devront parfois accepter de ne plus être en contrôle de certains éléments.
Le meilleur exemple que je peux vous donner est très récent.
Au début de la pandémie, de nombreux membres du personnel ont dû travailler de la maison.
Nous n’étions pas les seuls, bien entendu.
Mais nous avons adopté le télétravail avec enthousiasme. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour aider le personnel à faire la transition. Nous avons fait preuve de souplesse. Autrement dit, nous nous sommes adaptés du mieux possible.
Ce que nous avons découvert, à notre étonnement, il faut l’admettre, c’est que notre productivité a en fait augmenté.
Pour cette raison, quand est venu le temps de revenir sur les lieux de travail, nous avons pris un moment pour nous pencher sur la question.
Nous avons consulté notre personnel. Nous lui avons demandé son avis, ses préférences. Nous avons discuté avec nos gestionnaires.
En fin de compte, nous avons décidé de permettre à la plupart du personnel de continuer de travailler de la maison s’il le souhaite.
Vous pourriez dire que nous prenons un risque. Je préfère le voir comme un témoignage de confiance.
Sur Twitter, j’ai vu Elon Musk dire que toute cette histoire de « télétravail » l’ennuie et qu’il veut que tout le monde retourne sur les lieux de travail.
Personnellement, je crois que des relations de travail réellement positives et productives ne peuvent pas dépendre entièrement de la proximité géographique.
À la base, c’est bien plus que le temps passé en personne et la surveillance.
Notre personnel a démontré qu’il est en mesure d’accomplir son travail différemment, sans sacrifier l’efficacité et l’efficience.
Et maintenant, nous avons l’occasion de renforcer ces relations en exprimant notre confiance à l’égard du personnel qui souhaite poursuivre le télétravail.
Est-ce que nous pourrions le regretter? C’est possible. Mais c’est un risque que vous devrez parfois courir en tant que leaders.
Si cette expérience échoue, je serai responsable, en tant que leader, de m’adapter, de tenir compte de ce que j’ai appris et d’ajuster nos politiques en conséquence.
Mais si ça fonctionne, si notre confiance est justifiée et que notre personnel continue d’accomplir un travail admirable dans ces nouvelles conditions, alors nous aurons mérité sa reconnaissance, et nos relations en seront renforcées encore davantage.
N’oublions pas non plus les avantages possibles d’une culture de télétravail, qui permet non seulement de réaliser des économies, mais aussi d’élargir le bassin de talents pour inclure des personnes de partout au Canada.
Trouver et maintenir en poste des gens de talent est une tâche fondamentale pour tout leader.
C’est d’autant plus vrai dans un environnement de changement et d’innovation.
À la CCSN, par exemple, nous devons nous assurer que nous disposons du personnel et de l’expertise nécessaires pour valider le travail novateur qui nous attend.
Mais le principe s’applique à l’ensemble du secteur.
Les meilleurs talents peuvent choisir leur environnement de travail. En général, ces personnes graviteront vers les employeurs les mieux réputés.
Autrement dit, le fait de bâtir une culture de confiance donne un avantage lorsque vient le temps d’attirer et de maintenir en poste les meilleurs talents.
Et la confiance n’est pas importante uniquement au sein de notre organisation.
Plus que tout autre, le secteur nucléaire est fondé sur l’établissement et le maintien de liens de confiance avec nos concitoyens.
Le public doit être persuadé que les centrales nucléaires sont exploitées de façon sûre et qu’il est bien protégé en cas d’imprévu.
Nous pouvons et nous devons engager le dialogue avec les collectivités locales, les peuples autochtones et le grand public afin de les rassurer sur le fait que leur sûreté est notre priorité absolue.
Les faits sont importants, mais ce n’est pas qu’une question de faits. C’est une question de communication. C’est une question de sensibilisation et d’établissement de liens.
Et c’est beaucoup plus facile quand votre équipe est sur la même longueur d’onde et qu’il existe une culture de confiance au sein de votre organisation.
Pour conclure, j’aimerais vous raconter une anecdote.
J’ai entamé ma carrière dans le secteur nucléaire il y a plus de 40 ans.
Je me rappelle mon arrivée à la centrale nucléaire près de Toronto.
Ça a été une expérience assez déstabilisante.
Sur les murs et les postes de travail, il y avait des photos de femmes nues, et même de la pornographie.
Dans le vestiaire, il n’y avait aucune combinaison de protection à ma taille. Rien n’était adapté pour une femme. Même les sous-vêtements n’étaient offerts que dans des styles et tailles pour hommes.
Je précise tout ceci pour deux raisons :
D’abord, je veux montrer que bien des choses ont changé dans l’ensemble de notre secteur et, en général, ce sont des améliorations. Il y a de quoi s’en réjouir, même si nous continuons de viser une véritable équité entre les genres.
Ensuite, plus important encore, je vous encourage à réfléchir au fait qu’il y avait des leaders dans cette centrale nucléaire. Des leaders qui ont contribué à une atmosphère où l’on sentait que les femmes n’étaient pas les bienvenues dans l’installation nucléaire. Cette atmosphère reflétait la culture générale de l’époque, c’est vrai, mais elle n’aurait jamais dû être permise.
Alors, n’oubliez jamais :
Nos décisions en tant que leaders, même les plus insignifiantes, ont des conséquences et des impacts. Elles affectent tout ce qui nous entoure. Elles ont une portée immense.
Nous contribuons à donner le ton. Nous contribuons à façonner la culture. Et nous sommes responsables des lacunes.
Je suis fière d’avoir travaillé dans ce secteur pendant plus de quatre décennies.
Je suis encore plus enthousiaste et impatiente de découvrir l’avenir, les occasions à saisir, le potentiel à atteindre… et bien sûr les réalisations des personnes qui paveront la voie.
Cette période d’innovation et de changement aura son lot de défis, comme pour bien d’autres secteurs établis.
Mais cette période peut aussi mener à des avancées considérables et être une immense source de satisfaction pour celles et ceux qui nous dirigeront.
J’ai très hâte de voir l’impact que vous aurez.
Merci.
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