Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement - Fer

Titre officiel : Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement - Fer

Environnement et Changement climatique Canada

Mai 2024

Introduction

Les Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement (RFQE) établissent la qualité acceptable de l’environnement ambiant. Elles sont uniquement fondées sur les effets ou risques toxicologiques de substances ou de groupes de substances précis. Les RFQE ont 3 principales fonctions : 1) outil de prévention de la pollution en proposant des objectifs acceptables pour la qualité de l’environnement, 2) aide à l’évaluation de l’importance des concentrations de substances chimiques présentes actuellement dans l’environnement (surveillance des eaux, des sédiments, des sols et des tissus biologiques) et 3) mesures de rendement pour déterminer l’efficacité des activités de gestion des risques. Le recours aux RFQE est volontaire, sauf s’il est requis par un permis ou tout autre outil réglementaire. Ainsi, les RFQE, puisqu’elles s’appliquent au milieu ambiant, ne sont pas des limites d’effluents à ne pas dépasser, mais peuvent aider à déterminer ces limites. L’élaboration des RFQE relève du ministre de l’Environnement, conformément à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE] (Canada 1999). L’objectif est d’élaborer des RFQE en appui à l’évaluation ou à la gestion des risques des substances chimiques d’intérêt prioritaire, recensés dans le Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) ou d’autres initiatives fédérales.

Lorsque les données le permettent, les RFQE sont établies conformément aux protocoles du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME). Les RFQE sont élaborées lorsqu’il existe un besoin de recommandations à l’échelle fédérale (par exemple en soutien à des activités de surveillance et de gestion des risques à l’échelle fédérale), mais que les recommandations du CCME concernant une substance n’ont pas encore été élaborées ou que leur mise à jour n’est pas raisonnablement prévue dans un avenir proche. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter la page Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement (RFQE).

La présente fiche d’information décrit les Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux en vue de protéger la vie aquatique (RCQE‑PVA) contre les effets néfastes du fer (Fe) dans les eaux douces et est fondée sur le fer total (tableau 1). Une approche de régression linéaire multiple (RLM) a été suivie pour incorporer des facteurs modifiant la toxicité (FMT) aux recommandations. Les RCQE visant le fer ont été calculées en suivant les méthodes du CCME, et elles satisfont aux exigences minimales sur les données du CCME pour une approche statistique de type A (CCME, 2007). Il n’y a aucune RCQE préexistante visant le fer, mais il existe une recommandation du CCME qui date de 1987 (CCMRE, 1987). La recommandation de 1987 du CCME n’a été ajustée pour aucun des paramètres de chimie de l’eau et a été élaborée avant la révision du protocole du CCME (2007). L’élaboration des présentes RCQE visant le fer est fondée sur la collecte et l’évaluation des données de toxicité relevées jusqu’en janvier 2023. Pour le moment, aucune RFQE n’a été élaborée pour les tissus biologiques, les sédiments, les sols ou l’eau de mer. 

Tableau 1. Recommandation canadienne pour la qualité des eaux (RCQE) visant le fer total (µg/L)
Vie aquatique Recommandation (µg/L)a
Eau douce 110

a La RCQE dans le tableau 1 vise les eaux ayant une concentration en carbone organique dissous (COD) de 0,5 mg/L et un pH de 7,5. Les RCQE pour d’autres valeurs de COD et de pH peuvent être trouvées à l’aide du tableau de correspondances et/ou du calculateur de RCQE visant le fer (annexe). Le tableau de correspondances et le calculateur de RCQE sont valides pour des valeurs entre 0,3 et 10,9 mg/L de COD et entre 6 et 8,5 de pH.

Description de la substance

Le fer (Fe) est un élément (no de CAS : 7439‑89‑6) présent naturellement dans l’environnement. Il est le quatrième élément en importance de la croûte terrestre. Les minerais de fer sont des roches et des minéraux dont on peut extraire le fer métallique, Fe, lorsqu’on les chauffe en présence d’un agent réducteur comme le coke (RNCan, 2012). Ces minerais sont normalement riches en oxydes et en carbonates. Le fer est un métal de transition, sa masse volumique est de 7,87 g/cm3 et sa masse moléculaire de 55,9 g/mol. On le trouve dans de nombreux minéraux, les plus importants étant la magnétite, l’hématite, la goethite, la pyrrhotite, la sidérite, l’ilménite et la pyrite. Il est souvent un constituant important des sols (notamment des argiles) et se retrouve dans les cours d’eau en raison de l’écoulement naturel, de l’érosion des sols argileux ou d’autres sources géologiques. Le fer est essentiel à toute forme de vie. Il joue un rôle majeur dans les processus métaboliques, mais peut être toxique à de fortes concentrations (Vuori, 1995; Crichton et al., 2002). Dans les eaux de surface, sa forme chimique est complexe, et il peut être présent sous sa forme ferreuse, Fe(II), ou ferrique, Fe(III). Le Fe(II) est la principale forme rencontrée dans des conditions de réduction, tandis que le Fe(III) est la forme dominante en conditions d’oxydation. Puisque le Fe(II) s’oxyde rapidement en Fe(III) dans la plupart des conditions, notamment lors d’essais de toxicité, et que la forme oxydée prédomine dans la majorité des plans d’eau (UKTAG, 2012), les présentes RCQE visent le Fe(III). Les RCQE s’appliquent au fer total, plutôt qu’à la fraction dissoute, car les précipités de fer peuvent causer une toxicité par des effets physiques (Sykora et al., 1972), et c’est la fraction totale qui présente une meilleure corrélation avec la toxicité (CIMM, 2010a,b; 2011; OSU, 2013). 

Utilisations

Le Canada était le septième plus grand producteur de minerai de fer au monde en 2021 (RNCan, 2023). Les principaux producteurs de minerai de fer au pays sont au Québec, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador et au Nunavut. De 2012 à 2021, la production canadienne de minerai de fer se situait entre 32 et 58 millions de tonnes (Mt) par année (RNCan, 2023). Le Canada a exporté 53,8 Mt et importé 8 Mt de minerai de fer en 2021, comparativement à 55,1 Mt et 7,1 Mt en 2020, respectivement. Environ 98 % du minerai de fer extrait sert à la production d’acier, un matériau important pour la plupart des industries des secteurs de la fabrication, du transport et de la construction (Bury et al., 2012). Les 2 % restants sont utilisés à diverses autres fins, comme la poudre de fer pour certains types d’acier, de pièces automobiles et de catalyseurs; le fer radioactif en médecine; et le bleu de Prusse dans les peintures, les encres, les cosmétiques et les plastiques (RNCan, 2023).

Les activités minières sont une source anthropique fréquente de fer dans les eaux de surface (BCMOE, 2008). De plus, l’oxydation de la pyrite (FeS2), souvent présente dans les filons de charbon et exposée à la météorisation et à l’action bactérienne lors d’activités minières, entraîne la production d’acide sulfurique et le rejet d’ions ferreux (Fe[II]) solubles (Smith et al., 1973; BCMOE, 2008).

Devenir, comportement et répartition dans l’environnement

Dans l’environnement, le fer existe dans 2 états d’oxydation : le Fe(II) ou le Fe(III). La forme réduite, le Fe[II], est présente dans les milieux peu oxydants (par exemple eaux souterraines, eaux interstitielles sédimentaires et cours d’eau acides), et sa solubilité est relativement élevée. Dans les milieux aqueux oxiques, le Fe(II) est rapidement oxydé en Fe(III), ce qui produit des oxydes et des hydroxydes peu solubles (Stumm et Morgan, 1996; Bury et al., 2012). Les proportions relatives d’ions Fe(III) quasi insolubles et d’ions Fe(II) biodisponibles et bioactifs dans les eaux de surface dépendent d’une grande variété de facteurs, dont le pH, l’oxygène dissous, le carbone organique dissous (COD), la présence d’acide humique et d’autres acides organiques, l’exposition au soleil et la concentration de chlorure (BCMOE, 2008). Il a été démontré, lors d’études en laboratoire, que le Fe(II) a peu d’effets sur le biote comparativement aux précipités de Fe(III) et qu’il est difficile, dans le cadre d’études sur le terrain, de distinguer les effets des 2 types de fer (Rousch et al., 1997).

La vitesse d’oxydation du Fe(II) dans l’eau est plus élevée dans les eaux bien oxygénées à pH neutre (Bury et al., 2012). Dans un milieu alcalin (pH ≥ 8) et saturé en oxygène, l’oxydation du fer est rapide et ne varie pas avec la hausse du pH. Dans ces conditions, la demi‑vie du Fe(II) est de l’ordre de quelques secondes (Bury et al., 2012). Dans les eaux légèrement acides (pH = 6) et saturées en oxygène, la vitesse d’oxydation du Fe(II) à une concentration de 100 mg/L est d’environ 2 heures à 25 °C (Morgan et Lahav, 2007). Ainsi, dans des conditions oxiques et dans la plage de pH observés en eaux naturelles (6 < pH < 9), le Fe(II) devrait avoir une demi‑vie brève, de quelques secondes à quelques heures.

Lorsque le fer est libéré dans les plans d’eau naturels sous forme de sulfate (FeSO4) ou de pyrite (FeS2), il s’oxyde en Fe(OH)3. Cet hydroxyde de fer peut se précipiter et former une pellicule visqueuse brun‑jaune sur les sédiments de fond (Smith et Sykora, 1976), ce qui réduit la pénétration de la lumière et inhibe la croissance des algues, diminuant globalement la production de l’écosystème (Maltby et al., 1987). Smith et Sykora (1976) ont signalé la mortalité d’œufs de truite et de saumon recouverts de particules de fer. Le précipité d’hydroxyde peut aussi boucher les branchies des poissons et des invertébrés benthiques, provoquant leur mort par suffocation (Loeffelman, 1985) et nuisant même à la respiration à l’intérieur des œufs de poisson (OME, 1979).

La matière organique peut limiter l’état d’oxydation et la taille des particules contenant du Fe présentes dans l’eau. La diminution du ratio Fe:carbone organique réduit l’oxydation du Fe(II), ce qui pourrait permettre à la charge en fer présente dans les eaux naturelles de rester sous sa forme réduite, même dans les eaux bien oxygénées (Gaffney et al., 2008). Le Fe(II) et le Fe(III) se distinguent par leurs affinités de liaison aux acides humiques et fulviques (UKTAG, 2012). Le Fe(III) se lie aux acides fulviques et humiques en eau douce, et les complexes Fe(III)‑matière organique dissoute (MOD) ainsi créés sont importants pour le maintien de la solubilité du fer (Tipping et al., 2002). La proportion de Fe présent sous cette forme varie selon le pH et la température. Ainsi, le ratio Fe(III):MOD diminue quand le pH augmente (Lofts et al., 2008). Le Fe(III) présent dans un complexe comprenant des matières organiques peut être photoréduit par la lumière UV à l’état de Fe(II) soluble, ce qui peut provoquer d’importantes fluctuations diurnes aux plans de la spéciation et de la concentration du fer (BCMOE, 2008).

Concentrations ambiantes

La concentration de fer dans l’eau douce peut être de l’ordre de quelques mg/L, comme dans les rivières qui traversent des sols riches en sulfures, reçoivent des eaux de drainage minier acide ou sont exposées à diverses sources anthropiques (Myllynen et al., 1997; Winterbourn et al., 2000; Linton et al., 2007). Les données de surveillance d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) et du Regional Aquatics Monitoring Program (RAMP, programme régional de surveillance du milieu aquatique) de l’Alberta, les données ouvertes de l’Ontario du Réseau provincial de contrôle de la qualité de l’eau (ruisseau) et les données du ministère de l’Intendance des terres, de l’eau et des ressources de la Colombie‑Britannique sur les concentrations totales de fer dans les eaux de surface sont résumées dans le tableau 2. Les concentrations de fer total varient entre < 0,5 et 89 200 μg/L, et les concentrations moyennes et médianes varient entre 21 et 1 888 μg/L et entre 5 et 6 889 μg/L, respectivement.

Tableau 2. Concentrations de fer total dans les eaux de surface au Canada
Emplacement Années d’échantil-lonnage Conc. moy. (µg/L) Conc. médiane (µg/L) Conc. minimale (µg/L) Conc. maximale (µg/L)
Lac Érié 2004 à 2014 185 32 0,5 2 400
Lac Huron 2004 à 2014 35 565 < 0,5 424
Lac Ontario 2005 à 2013 45 5 < 0,5 2 090
Lac Supérieur 2005 à 2013 21 6 < 0,5 229
Voies interlacustres des Grands Lacs 2003 à 2014 364 56 < 1,4 8 470
Saint-Laurent 2007 à 2014 632 452 0,03 12 200
Terre-Neuve 2003 à 2013 354 212 3 15 200
Nouveau-Brunswick 2011 à 2013 113 85 20 350
Nouvelle-Écosse 2011 à 2013 311 250 20 1 860
Ontario (ruisseaux) 2021 250 158 6 4 470
Manitoba 2003 à 2014 1 888 6 889 3,8 24 200
Saskatchewan 2003 à 2014 1 005 506 < 0,5 41 700
Région de l’Athabasca 1997 à 2015 1 653 973 4 46 500
Alberta 2003 à 2015 1 063 145 4,8 57 100
Colombie-Britannique 2000 à 2023 542 123 0,7 30 100
Territoires du Nord‑Ouest 2003 à 2014 1 870 224 < 0,5 89 200

Mode d’action

Les concentrations dissoutes de métaux sont généralement considérées comme les données les plus pertinentes pour déterminer les effets sur l’environnement. Toutefois, elles ne constituent peut‑être pas la seule cause de toxicité due au fer. Si le mode d’action du fer n’est pas seulement lié à sa toxicité chimique, l’utilisation d’autres types de concentrations de fer pourrait être nécessaire. Les concentrations de fer total ou de particules de fer ont habituellement une incidence sur l’environnement, notamment des effets physiques comme l’étouffement. Le fer peut avoir des effets néfastes sur les macroinvertébrés en modifiant la structure et la qualité de leur habitat et en restreignant leur accès à la nourriture (Linton et al., 2007). La précipitation d’hydroxyde ferrique sur le fond des cours d’eau ou des lacs peut réduire la pénétration de la lumière et diminuer la productivité des plantes, limitant ainsi les sources de nourriture pour les poissons (Sykora et al., 1972). La toxicité du fer pour les espèces d’algues peut être attribuée à l’élimination d’éléments nutritifs essentiels, par exemple le phosphate (Arbildua et al., 2017).

La précipitation d’oxyde de fer dans les eaux bien oxygénées au pH à peu près neutre qui reçoivent des eaux de drainage minier acide et un apport naturellement élevé en fer peut bloquer les branchies des poissons et entraîner leur étouffement (Bury et al., 2012). Dans des cours d’eau non exposés aux eaux minières acides, la toxicité pour le saumon de l’Atlantique (Salmo salar) a été associée à une accumulation accrue de fer dans les branchies, une perturbation respiratoire, une interférence dans les échanges gazeux, une fusion des lamelles branchiales, une séparation de la couche épithéliale externe ou une nécrose de l’épithélium lamellaire (Peuranen et al., 1994; Dalzell et MacFarlane, 1999; Teien et al., 2008). La présence de fer a été décelée seulement sur l’épithélium des branchies et non dans celles‑ci, ce qui indique que la toxicité a été limitée par une action à la surface des branchies (Peuranen et al., 1994). On a démontré que de fortes concentrations en fer pendant la fécondation provoquent le durcissement des œufs de poisson, un facteur qui peut toucher particulièrement les salmonidés qui fraient dans des eaux d’amont dont la teneur en fer est potentiellement très élevée (Bury et al., 2012). Le fer peut également contribuer à la production de radicaux libres et entraîner des dommages oxydatifs (Bury et al., 2012).

La précipitation d’hydroxyde ferrique peut aussi avoir des répercussions à différentes étapes du cycle vital des poissons. Le taux d’éclosion des œufs de tête‑de‑boule (Pimephales promelas) est plus bas à de faibles concentrations en fer (~1,5 mg/L) qu’à des concentrations plus élevées (Smith et al., 1973). Les petites particules peuvent plus facilement obstruer les pores du chorion de l’œuf, ce qui limite la diffusion de l’oxygène dissous et augmente le taux de mortalité. Toutefois, une concentration élevée en fer (jusqu’à 52,9 mg/L) peut réduire la visibilité dans l’eau et modifier la perception de la nourriture par les alevins et les poissons juvéniles, entraînant un stress prolongé et un ralentissement de leur croissance (Smith et al., 1973).

Toxicité en milieu aquatique

Les études sur la toxicité chronique du fer en eau douce ont été recensées et évaluées en fonction de la qualité des données, conformément au protocole de 2007 du CCME. Comme le fer a une faible solubilité et qu’il est facilement absorbé ou adsorbé par les surfaces, seules les études sur la toxicité du fer qui ont mesuré les concentrations de fer total lors de tests de toxicité ont été retenues. Contrairement à d’autres métaux divalents, dans le cas du fer, c’est la fraction totale qui présente une meilleure corrélation avec la toxicité (CIMM, 2010a,b; CIMM, 2011; OSU, 2013). Cela donne à penser qu’il existe des espèces de fer non dissous qui sont biodisponibles pour les organismes d’essai ou que la toxicité s’exerce par des mécanismes autres que la toxicité chimique, par exemple des effets physiques. Une hypothèse sous‑jacente lors de la sélection des données de toxicité était que les recommandations visant le fer formulées dans le présent document permettraient également de protéger les organismes contre les effets physiques, comme l’étouffement.

Des données acceptables sur la toxicité chronique du fer étaient disponibles pour 27 espèces (ECCC, 2024). L’ensemble de données acceptable comprend les paramètres des essais de toxicité en laboratoire et des essais en mésocosme. Les paramètres sélectionnés pour l’élaboration des recommandations sont examinés plus en détail à la section « Élaboration de la recommandation fédérale pour la qualité des eaux » et sont présentés dans le tableau 4.

Facteurs modifiant la toxicité

Si on tient compte de l’ensemble de données acceptables sur la toxicité, plusieurs études de la toxicité chronique portaient sur l’incidence qu’ont les variations du COD, du pH et de la dureté sur la biodisponibilité et, par conséquent, sur la toxicité du fer. Une algue (Raphidocelis subcapitata, anciennement appelée Pseudokirchneriella subcapitata), un invertébré (Ceriodaphnia dubia) et un poisson (Pimephales promelas) figuraient parmi les espèces à l’étude (Cardwell et al., 2023). Les données sur la toxicité chronique du fer (ajoutées sous Fe[III]) pour ces espèces ont été utilisées par Brix et al. (2023) pour évaluer les facteurs modifiant la toxicité (FMT) et élaborer des modèles de régression linéaire multiple (RLM) pour le fer. Ces modèles de RLM ont été intégrés à l’élaboration des RCQE visant le fer afin d’ajuster ces recommandations en fonction des propriétés chimiques de l’eau propres aux sites.

Les détails sur l’élaboration des modèles de RLM pour prédire la toxicité du fer sont fournis dans Brix et al. (2023). Brièvement, le COD, la dureté de l’eau et le pH ont été examinés comme FMT chez 3 organismes aquatiques (R. subcapitata, C. dubia et P. promelas) représentant 3 taxons. Des analyses de RLM par étapes ont été réalisées pour évaluer si la toxicité chronique du fer pour ces 3 espèces pouvait être modélisée comme une fonction linéaire du COD, de la dureté et du pH (Brix et al., 2023). Les résultats des analyses de RLM utilisant des concentrations entraînant un effet sur 10 % de la population (CE10) sont présentés dans le tableau 3. En résumé, le COD était une variable importante dans les modèles de RLM pour le R. subcapitata, le C. dubia et le P. promelas, tandis que le pH était déterminant dans les modèles du R. subcapitata et du P. promelas, mais pas dans le modèle du C. dubia. La dureté ne s’est pas révélée être une variable statistiquement significative dans les modèles évalués pour l’une ou l’autre des 3 espèces. L’évaluation des modèles de RLM (par exemple R2 ajusté, R2 prédit, courbes observées par opp. aux courbes prédites, analyse résiduelle) et leur validation (validation croisée pour évaluer leur rendement) sont décrites dans Brix et al. (2023). Un modèle de RLM regroupées n’était pas possible en raison de différences entre les espèces dans les modèles de RLM (Brix et al., 2023). Par conséquent, aux fins de l’élaboration des RCQE, on a supposé que les modèles propres à chaque espèce étaient représentatifs des 3 taxons, et ces modèles ont été appliqués en conséquence pour la normalisation de l’ensemble de données sur la toxicité du fer (c’est-à-dire que le modèle du R. subcapitata a été appliqué aux données sur les algues, le modèle du C. dubia a été appliqué aux données sur les invertébrés et le modèle du P. promelas a été appliqué aux données sur les poissons et les amphibiens).

Tableau 3. Résultats sommaires des analyses de régression linéaire multiple (adapté d’après Brix et al., 2023)
Espèce n R2 ajust. R2 prédit COD pH Dureté Point d’inter-section
R. subcapitata 25 0,87 0,84 0,744 0,332 5,435
C. dubia 27 0,74 0,71 0,600 7,577
P. promelas 18 0,84 0,81 1,102 0,787 2,176

Remarques : ajust. = ajusté; COD = carbone organique dissous.

Élaboration de la recommandation fédérale pour la qualité des eaux

Les Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux (RCQE) visant le fer portent sur l’exposition chronique et indiquent la concentration de fer total dans l’eau permettant d’assurer la protection de toutes les formes de vie aquatique pendant une période d’exposition indéfinie. Les concentrations entraînant un effet chronique selon l’ensemble de données acceptables sur la toxicité du fer ont été normalisées en fonction de valeurs constantes de COD et de pH. Des équations propres à l’espèce utilisant les pentes des RLM pour le R. subcapitata, le C. dubia et le P. promelas (tableau 3) ont été utilisées afin de normaliser les concentrations effectives (entraînant un effet) pour les algues, les invertébrés, et les poissons et les amphibiens, respectivement, et sont indiquées ci‑dessous :

Équation pour le R. subcapitata : CE normalisée = EXP(ln(CEmes)-0,744*(ln(CODmes)-ln(CODcible))-0,332*(pHmes - pHcible))

Équation pour le C. dubia : CE normalisée = EXP(ln(CEmes)-0,6*(ln(CODmes)-ln(CODcible)))

Équation pour le P. promelas : CE normalisée = EXP(ln(CEmes)-1,102*(ln(CODmes)-ln(CODcible))-0,787*(pHmes-pHcible))

Où COD = carbone organique dissous; CE = concentration effective; mes = variable mesurée tirée de l’étude initiale; cible = niveau auquel la variable est normalisée.

La sélection des points de données pour l’élaboration de la recommandation a été effectuée conformément au protocole du CCME (2007), et le paramètre le plus sensible et privilégié (ou moyenne géométrique) a été retenu pour chaque espèce. Une moyenne géométrique a été calculée quand plusieurs paramètres comparables étaient disponibles pour les mêmes espèces, effets, stades vitaux et durées d’exposition (ECCC, 2024). Au total, des données étaient disponibles pour 27 espèces (cinq poissons, 20 invertébrés, un amphibien et une algue) et ont été utilisées dans l’élaboration des RCQE visant le fer (tableau 4). L’ensemble de données respectait les exigences minimales en matière de données du CCME (2007) pour l’élaboration d’une recommandation fondée sur la distribution de la sensibilité des espèces (DSE) (c’est-à-dire une recommandation de type AFootnote 1). Une recommandation de type A est une approche statistique basée sur des DSE comprenant principalement des données « sans effet » pour calculer les concentrations dangereuses au 5e centile (CD5), qui ensuite deviennent la recommandation finale (CCME, 2007).

Tableau 4. Données sur la toxicité chronique en eau douce utilisées dans la distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour l’élaboration des Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux (RCQE) visant le fer. Les concentrations effectives normalisées sont établies pour une chimie de l’eau de référence (pH = 7,5 et COD = 0,5 mg/L) à l’aide de modèles de régression linéaire multiple (RLM) propres aux espèces.
Nom scientifique Nom commun Groupe Paramètre toxicologique Concentration effective (µg/L) Concentration effective normalisée (µg/L) Référence
Tanytarsini Moucheron Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 234 89,1 Cadmus et al., 2018a
Epeorus sp. Éphémère Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 335 127,5 Cadmus et al., 2018a
Micrasema sp. Phrygane Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 356 135,5 Cadmus et al., 2018a
Prosopium williamsoni Ménomini des montagnes Poissons CE10 après 78 jrs (biomasse) 868 199,3 Cadmus et al., 2018a
Lumbriculus variegatus Lombric aquatique Invertébrés CE10 après 35 jrs (nombre d’organismes) 470 211,0 Cadmus et al., 2018a
Heterlimnius sp. Coléoptère Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 747 284,4 Cadmus et al., 2018b
Orthocladiinae Moucheron Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 776 295,4 Cadmus et al., 2018a
Cinygmula sp. Éphémère Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 930 354,1 Cadmus et al., 2018b
Prostoia sp. Plécoptère Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 1 176 447,7 Cadmus et al., 2018a
Oncorhynchus kisutch Saumon coho Poissons CE10 après 60 jrs (survie) 3 035 595,8 Smith et Sykora, 1976
Taenionema sp. Plécoptère Invertébrés CE20 après 10 jrs (abondance) 1 626 619,1 Cadmus et al., 2018a
Bufo boreas Crapaud de l’Ouest (têtards) Amphibiens CE10 après 35 jrs (biomasse) 2 607 820,2 Cadmus et al., 2018a
Capnia sp. Plécoptère Invertébrés CE10 après 10 jrs (abondance) 2 200 837,6 Cadmus et al., 2018b
Daphnia pulex Cladocère Invertébrés CE10 après 21 jrs (reproduction) 852 852,0 Birge et al., 1985
Salmo trutta Truite brune Poissons CSEO après 79 jrs (éclosion, survie, poids) ≥ 5 146 1 181,8 Cadmus et al., 2018a
Ceriodaphnia dubia Cladocère Invertébrés CE10 après 7 jrs (taux moyen de reproduction) Moyenne géométrique (n = 27) 1 288,5 Cardwell et al., 2023
Baetis sp. Éphémère Invertébrés CE10 après 10 jrs (abondance) 3 905 1 486,8 Cadmus et al., 2018b
Pimephales promelas Tête-de-boule Poissons CE10 après 7 jrs (biomasse moyenne) Moyenne géométrique (n = 18) 1 502,4 Cardwell et al., 2023
Raphidocelis subcapitata Algue verte Plantes/algues CE10 après 72 h (taux de croissance moyen) Moyenne géométrique (n = 25) 1 649,9 Cardwell et al., 2023
Brachycentrus sp. Phrygane Invertébrés CE10 après 10 jrs (abondance) 5 698 2 169,4 Cadmus et al., 2018b
Salvelinus fontinalis Omble de fontaine Poissons CSEO après >90 jrs (éclosion, survie, croissance) ≥ 12 000 2 355,7 Smith et Sykora, 1976
Daphnia magna Cladocère Invertébrés CE16 après 21 jrs (reproduction) 4 380 2 729,1 Biesinger et Christensen, 1972
Hexagenia limbata Éphémère Invertébrés CSEO après 30 jrs (survie, poids) ≥ 7 863 3 529,5 Cadmus et al., 2018a
Ephemerella sp. Éphémère Invertébrés CSEO après 10 jrs (abondance) ≥ 14 073 5 358,0 Cadmus et al., 2018a
Rhithrogena sp. Éphémère Invertébrés CSEO après 10 jrs (abondance) ≥ 14 073 5 358,0 Cadmus et al., 2018a
Sweltsa sp. Plécoptère Invertébrés CSEO après 10 jrs (abondance) ≥ 14 100 5 368,3 Cadmus et al., 2018b
Dugesia dorotocephala Planaire Invertébrés CSEO après 30 jrs (réaction de la pop.) ≥ 40 134 18 015,3 Cadmus et al., 2018a

Remarques : CEx = concentration entraînant un effet chez x % des organismes d’essai; CSEO = concentration sans effet observé.

L’ensemble R (R, version 4.3.1) de « ssdtools » (ssdtools, version 1.0.2) ainsi que l’application « Shiny App » correspondante (shinyssdtools, version 0.1.1) ont servi à créer les DSE (Dalgarno, 2018; Thorley et Schwarz, 2018). Grâce à cet ensemble, il est possible d’ajuster les données au moyen de plusieurs fonctions de distribution cumulatives (FDC), en utilisant l’estimation de probabilité maximale (EPM) comme méthode de régression. La méthode de calcul de la moyenne des modèles a été examinée pour l’ensemble de données sur le fer, mais la distribution résultante des valeurs de CD5 sur tout l’éventail de combinaisons de chimie de l’eau ne reflétait pas la compréhension générale de la spéciation et de la toxicité du fer. En particulier, la tendance des valeurs de CD5 à mesure que le pH augmente était largement incompatible avec les modèles propres aux espèces. Par conséquent, le modèle ayant la pondération la plus élevée pour la plupart des conditions de chimie de l’eau (distribution log‑normale) a été utilisé pour l’ajustement des DSE.

La DSE et les statistiques sommaires connexes pour l’eau (COD de 0,5 mg/L et pH de 7,5) sont présentées à la figure 1 et au tableau 5, respectivement.

Figure 1. Distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour la toxicité chronique du fer avec une concentration de carbone organique dissous (COD) de 0,5 mg/L et un pH de 7,5 dans l’eau. La concentration dangereuse au 5e centile (CD5) est de 110 µg Fe/L.

Voir la description longue ci-dessous.
Description longue

Le 5e centile calculé à partir de la DSE (110 µg Fe/L) est la RFQE spécifique au site pour une eau ayant une concentration en COD de 0,5 mg/L et un pH de 7,5. La recommandation représente la concentration en dessous d’une faible probabilité d'effets néfastes sur la vie aquatique.

Tableau 5. Statistiques sommaires des Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux (RCQE) pour une eau présentant une concentration de carbone organique dissous (COD) de 0,5 mg/L et un pH de 7,5
Distribution AICc CD5 prédite (µg/L) LCI à 95 % (µg/L) LCS à 95 % (µg/L)
Log-normale -64,6 110 54,8 247

Remarques : AICc = critère d’information d’Akaike corrigé pour les échantillons de petite taille; CD5 = concentration dangereuse au 5e centile; LCI = limite de confiance inférieure; LCS = limite de confiance supérieure. 

La valeur CD5 de la DSE représente la RCQE pour cette combinaison particulière de COD et de pH. Plus de 300 DSE ont été appliquées à un éventail de combinaisons de chimie de l’eau à l’intérieur des limites des modèles de l’équation de RLM, et les valeurs de CD5 à ces diverses concentrations de COD et divers pH ont été intégrées dans un tableau de correspondances final pour la recommandation (tableau 6). Les utilisateurs peuvent trouver la recommandation pour la chimie de l’eau de leur site particulier à l’aide du tableau de correspondances ou du calculateur de CD5 (annexe).

Tableau 6. Tableau de correspondances des Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux (RCQE) visant le fer total (µg Fe/L) en vue de la protection de la vie aquatique à diverses valeurs de carbone organique dissous (COD) et de pH
COD (mg/L) pH 5,5 pH 5,7 pH 5,9 pH 6,0 pH 6,1 pH 6,3 pH 6,5 pH 6,7 pH 6,9 pH 7,1 pH 7,3 pH 7,5 pH 7,7 pH 7,9 pH 8,1 pH 8,3 pH 8,5
0,1 13 15 16 17 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 41
0,3 37 40 44 46 48 51 55 59 64 67 71 75 78 82 85 87 89
0,5 57 63 68 71 73 79 84 90 95 100 110 110 110 120 120 120 120
1 100 110 120 130 130 140 150 150 160 170 170 180 180 190 190 190 190
1,5 150 160 170 170 180 190 200 210 220 220 230 230 240 240 240 240 240
2 190 200 210 220 220 230 250 260 260 270 280 280 290 290 290 290 290
2,5 220 240 250 260 260 280 290 300 310 320 320 330 330 330 330 330 330
3 260 270 290 300 300 320 330 340 350 360 360 370 370 370 370 370 360
3,5 290 310 320 330 340 350 370 380 390 400 400 400 410 410 400 400 400
4 320 340 360 370 370 390 400 410 420 430 440 440 440 440 440 430 430
4,5 350 370 390 400 410 420 440 450 460 460 470 470 470 470 470 460 460
5 380 400 420 430 440 460 470 480 490 500 500 500 500 500 500 490 480
5,5 410 430 450 460 470 490 500 510 520 530 530 530 530 530 520 520 510
6 440 460 480 490 500 520 530 540 550 560 560 560 560 560 550 540 530
6,5 470 490 510 520 530 550 560 570 580 590 590 590 590 580 570 570 560
7 500 520 540 550 560 580 590 600 610 610 620 620 610 610 600 590 580
7,5 520 550 570 580 590 600 620 630 640 640 640 640 640 630 620 610 600
8 550 570 590 600 610 630 640 650 660 670 670 670 660 650 640 630 620
8,5 570 600 620 630 640 660 670 680 690 690 690 690 680 680 670 650 640
9 600 620 650 660 670 680 700 710 710 720 720 710 710 700 690 670 660
9,5 620 650 670 680 690 710 720 730 740 740 740 740 730 720 710 690 680
10 650 670 700 710 720 730 740 750 760 760 760 760 750 740 730 710 700
10,5 670 700 720 730 740 760 770 780 780 790 780 780 770 760 750 730 710
10,9 690 710 740 750 760 770 790 800 800 800 800 800 790 780 760 750 730

Remarques : Les valeurs recommandées sont calculées comme étant des concentrations dangereuses pour 5 % des espèces (CD5) sur la base de l’ajustement des distributions de la sensibilité des espèces (DSE) avec le modèle log‑normal. Les valeurs pour le pH compris entre 5,5 et < 6, ou pour le carbone organique dissous [COD] compris entre 0,1 et < 0,3, ont été calculées en dehors des limites des modèles et doivent être utilisées avec prudence.

Pour trouver la RCQE visant le fer pour un site particulier, il faut avoir les mesures du COD et du pH pour le site. Le tableau des RCQE est valide pour des valeurs de COD entre 0,3 et 10,9 mg/L et de pH entre 6,0 et 8,5, qui sont les plages de données utilisées pour calculer les pentes de COD et de pH, respectivement. Lorsque le COD ou le pH d’un site est inconnu, les limites inférieures du modèle devraient être utilisées comme une estimation prudente (c’est-à-dire COD de 0,3 mg/L et pH de 6,0). Pour les valeurs de COD ou de pH entre les valeurs du tableau de correspondances, la RCQE la plus sensible s’applique. Lorsque les valeurs de COD et de pH sont supérieures à la limite supérieure de l’équation de la recommandation (c’est-à-dire COD > 10,9 mg/L ou pH > 8,5), les limites supérieures (10,9 mg/L et 8,5) s’appliquent. Les paramètres de la chimie des eaux de surface peuvent également être en deçà de la plage de données utilisées pour déterminer les pentes de COD et de pH, où la sensibilité des organismes au fer peut être plus élevée. Par conséquent, le tableau de correspondances comprend des extrapolations jusqu’à une concentration de COD de 0,1 mg/L et un pH de 5,5 pour obtenir des valeurs plus strictes. Toutefois, il convient de noter que ces extrapolations comportent des incertitudes, car elles sont en dehors des limites des modèles et devraient donc être utilisées avec prudence. Pour les valeurs de COD et de pH en deçà de ces extrapolations inférieures, une approche propre aux sites devrait être envisagée. Les sites dont les variables de la chimie de l’eau sont constamment en dehors des plages valides pourraient nécessiter le calcul d’objectifs de qualité de l’eau propres au site (CCME, 2003).

Évaluation du caractère protecteur

Pour déterminer si les recommandations visant le fer permettent d’atteindre le niveau de protection voulu conformément au protocole du CCME (CCME, 2007), une évaluation du caractère protecteur a été effectuée à l’aide des résultats de toutes les études acceptables sur la toxicité chronique en milieu aquatique faisant partie de l’ensemble de données (ECCC, 2024). Étant donné que la sensibilité relative des espèces au fer dépend du COD et du pH de l’eau, chaque recommandation selon les diverses combinaisons de chimie de l’eau a été évaluée individuellement pour son caractère protecteur en fonction de l’ensemble de données entier ajusté aux mêmes conditions correspondantes de l’eau. Dans un premier temps, tous les paramètres acceptables ont fait l’objet d’une RLM ajustée pour chaque ensemble de conditions de l’eau pour lesquelles une recommandation a été établie. Deuxièmement, chaque valeur recommandée a été comparée aux valeurs de l’ensemble de données de RLM ajustée correspondant et a été examinée pour déterminer s’il y avait des paramètres inférieurs à la valeur recommandée pour cette chimie de l’eau. Selon les résultats de l’évaluation du caractère protecteur, sur 165 points de données acceptables sur la toxicité, 4 (2,4 %) étaient inférieurs aux valeurs recommandées dans certaines conditions de l’eau (un maximum de 3 de ces 4 points de données n’étant pas protégés en même temps ou dans n’importe quelle combinaison de conditions données). Les paramètres qui étaient inférieurs à la recommandation ont été examinés plus à fond pour déterminer si l’un d’eux déclenchait la clause de protection (CCME, 2007).

2 valeurs de CE10 (biomasse) pour le P. promelas étaient inférieures aux RCQE correspondantes dans certaines conditions de chimie de l’eau présentant une concentration faible de COD et un pH faible à moyen. À ces conditions de l’eau, il y avait 29 à 30 valeurs supplémentaires de CE10 (biomasse) pour le P. promelas et une valeur de concentration maximale acceptable de toxiques (CMAT) pour la mortalité, qui étaient supérieures à la recommandation. Une valeur de CE10 (biomasse) pour le Prosopium williamsoni était inférieure à la recommandation dans une plage limitée de conditions de l’eau avec une concentration faible de COD et un pH faible à moyen. Il s’agissait du seul paramètre acceptable dans l’ensemble de données pour cette espèce. Enfin, une valeur de CE20 relative à l’abondance des Tanytarsini était inférieure aux RCQE pour la plupart des conditions de chimie de l’eau. Il s’agissait du seul paramètre acceptable dans l’ensemble de données pour les Tanytarsini.

Aucun des paramètres non protégés ne concernait une espèce en péril (CCME, 2007). Les paramètres non protégés pour le P. promelas et le P. williamsoni ne correspondaient pas à des effets létaux égaux ou supérieurs à un niveau de 15 % (CCME, 2007). La CE20 pour l’abondance des Tanytarsini pourrait être considérée comme une mesure de la mortalité et de la reproduction. Ce paramètre provient d’une étude en mésocosme, atteint un niveau d’effet proche de 15 % et présente une certaine incertitude quant au modèle concentration‑réaction qui lui est associé. Pour ces raisons, il a été déterminé que la CE20 pour l’abondance des Tanytarsini ne déclenchait pas la clause de protection. De façon globale, l’examen des données disponibles donne à penser que la clause de protection (CCME, 2007) n’est pas applicable et que les RCQE visant le fer total ont un caractère protecteur. Il convient de noter que seules des données tirées d’études en laboratoire et en mésocosme ont été utilisées pour cette évaluation. L’évaluation du caractère protecteur au moyen de données sur des écosystèmes naturels, comme la diversité des espèces, est hors du champ d’application du présent document.

Autres considérations

Les RCQE s’appliquent au fer total, mais il faudrait tout de même tenir compte de la mesure de la concentration de fer dans des échantillons d’eau naturelle lorsqu’on effectue des comparaisons avec la valeur recommandée. Lorsque la concentration de fer total est mesurée dans des échantillons d’eau prélevés sur le terrain, toutes les formes sont prises en compte, y compris les fractions de solides en suspension dont la biodisponibilité est moindre, par exemple les oxydes de fer et les oxyhydroxydes (Crespo et al., 2023). Des progrès ont été réalisés dans la méthodologie analytique concernant la détermination de la fraction biodisponible du fer dans les échantillons d’eau. Par exemple, une méthode d’extraction à pH 2 est décrite par Crespo et al. (2023) pour définir les fractions de fer présentant une plus grande biodisponibilité dans l’eau contenant des matières minérales en suspension. Si des utilisateurs obtiennent des dépassements lorsqu’ils comparent les mesures d’échantillons d’eau aux valeurs de la recommandation visant le fer total et s’il y a lieu de croire que ce sont de faux positifs, d’autres méthodes, comme la méthode d’extraction à pH 2, peuvent être envisagées.

De plus, comme le fer est un élément naturellement présent dans l’environnement, il faut prendre en compte les concentrations de fond naturelles dans les sites où il y a dépassement des valeurs recommandées. Il peut y avoir des cas où les concentrations de fond naturelles dépassent la valeur recommandée sans effets apparents sur les organismes aquatiques (par exemple si la substance n’est pas présente sous une forme biodisponible). Dans ces circonstances, il pourrait être nécessaire de modifier les recommandations pour la qualité des eaux afin de tenir compte des conditions existant sur le site. Le CCME (2003) donne des conseils sur 2 méthodes pour établir des objectifs de qualité de l’eau propres aux sites, qui peuvent être : 1) légèrement supérieurs au niveau naturel de fond; 2) à la limite supérieure des concentrations naturelles de fond.

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Vuori, K. 1995. Direct and indirect effects of iron on river ecosystems. Ann. Zool. Fennici 32: 317-329. (disponible en anglais seulement)

Winterbourn, M.J., W.F. McDiffett et S.J. Eppley. 2000. « Aluminum and iron burdens of aquatic biota in New Zealand streams contaminated by acid mine drainage: effects of trophic level ». Sci. Total. Environ. 254: 45-54. (disponible en anglais seulement)

Liste des acronymes et abréviations

AIC

critère d’information d’Akaike

CAS

Chemical Abstracts Service

CCME

Conseil canadien des ministres de l’environnement

CD5

concentration dangereuse au cinquième centile

CE

concentration effective (concentration entraînant un effet)

CMAT

concentration maximale acceptable de toxiques

COD

carbone organique dissous

CSEO

concentration sans effet observé

DSE

distribution de la sensibilité des espèces

ECCC

Environnement et Changement climatique Canada

EPM

estimation de probabilité maximale

FDC

fonction de distribution cumulative

FMT

facteur modifiant la toxicité

GC

gouvernement du Canada

LCI

limite de confiance inférieure

LCPE

Loi canadienne sur la protection de l’environnement

LCS

limite de confiance supérieure

MOD

matière organique dissoute

PGPC

Plan de gestion des produits chimiques

RAMP

Regional Aquatics Monitoring Program

RCQE

Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux

RFQE

Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement

RLM

régression linéaire multiple

RNCan

Ressources naturelles Canada

Annexe. Recommandations fédérales pour la qualité de l’environnement pour les eaux : calculateur de fer (Fe)

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