Substances nouvelles : résumé de l'évaluation des risques no 15676

DSN 15676 : lignée Cassie de Sus scrofa domestica génétiquement modifié

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Table des matières

Le présent document vise à expliquer la décision réglementaire prise en vertu de la partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)] concernant la fabrication ou l'importation de la lignée Cassie de Sus scrofa domestica (porc domestique)génétiquement modifié, ci-après ” EnviroPigMC ”, par l'Université de Guelph en vue de son introduction dans l'environnement.

Les renseignements pertinents concernant l’EnviroPigMC ont été fournis conformément au paragraphe 3(1) du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes) [RRSN(organismes)] de la LCPE (1999).

Environnement Canada et Santé Canada ont évalué l’information présentée par l’Université de Guelph ainsi que d’autres données scientifiques disponibles en vue de déterminer si l’EnviroPigMC conforme aux critères données à l’article 64 de la LCPE (1999).[1]

Décision réglementaire

En tenant compte des questions de danger et d’exposition liées à l’utilisation proposée de l’organisme déclaré et d’après l’évaluation des risques, Environnement Canada et Santé Canada ont conclu que l’EnviroPigMC n'engendre aucun effet nocif  pour l’environnement ou la santé humaine au Canada. Par conséquent, la fabrication et l’importation de la lignée Cassie de S. scrofa génétiquement modifié sont permises à partir de la fin de la période d’évaluation (le 26 novembre 2009).

Toutefois, des dispositions relatives à une nouvelle activité (NAc) ont été recommandées en raison des effets environnementaux que l’organisme déclaré pourrait provoquer à la suite d’activités non visées par la présente évaluation. Ces dispositions relatives à une NAc indiquent les exigences en matière de renseignements pour ces activités. Les détails concernant les dispositions relatives à une NAc pour l’organisme déclaré ont été publiés dans la Gazette du Canada, Partie I : vol. 144, n° 8 - le 20 février 2010.

La présente évaluation ne porte pas sur les risques pour la santé dans l'environnement de travail ni sur les risques d'exposition humaine ou les risques pour la santé humaine associés à l'utilisation de l'organisme déclaré dans un produit qui en est dérivé ou en tant qu'élément d'un produit assujetti à la Loi sur les aliments et drogues (par exemple, un aliment) ou à toute autre disposition législative fédérale (par exemple, concernant l'utilisation de sous-produits dans l'alimentation des animaux).

Évaluation sommaire

Annexe du RRSN (organismes) : 5 (renseignements requis pour les organismes autres que les microorganismes).
Identification de l’organisme : la lignée Cassie de S. scrofa domestica transgénique des races « Yorkshire » ou « Landrace » dans le génome de laquelle le gène codant pour la phytase de la souche E. coli K12, sous la régulation d’un promoteur murin, a été introduit par manipulation génétique dans le chromosome 4 (EnviroPigMC)
Déclarant : Université de Guelph
Date de la décision : le 26 novembre 2009
Utilisation proposée : la production de porcs sécrétant de la phytase dans leur salive et capables d’utiliser le phosphore contenu dans le phytate des grains céréaliers.

Historique/Contexte

S. scrofa est un artiodactyle de l’ordre Artiodactyla, du sous-ordre Suina, de la famille Suidae, de la sous-famille Suinae et de la tribu Suini [1]. On le trouve d’un bout à l’autre de l’Europe et sur le continent asiatique, aussi loin au sud-est que la péninsule malaise et les îles de Sumatra et de Java [2]. L’espèce comprend toutes les races domestiques de S. scrofa de même que le sanglier eurasien ancestral duquel descendent toutes les races domestiques. Des populations sauvages se sont établies dans de nombreuses parties du monde, comme en Australie, au Brésil, en Argentine, aux États­Unis [3] et au Canada [4] après que des animaux aient été relâchés en vue de la chasse ou se soient échappés de fermes à gibier.

Les centres importants de production de porcs domestiques se trouvent principalement dans les climats tempérés; environ 61,8 % de la production se fait en Asie, 20,0 % en Europe, 9,2 % en Amérique du Nord, 5,4 % en Amérique du Sud, 2,4 % en Afrique et 0,5 % en Océanie [5].

Au Canada, S. scrofa est une espèce introduite et n’a pas une vaste répartition en dehors des centres de production. La plupart des porcs sont élevés au Manitoba, en Ontario et au Québec, bien que la production dans les provinces de l’Ouest suive une tendance à la hausse [4].

Le phytate, aussi connu sous le nom de « myo-inositol 1,2,3,4,5,6-hexakis dihydrogène phosphate », constitue jusqu’à 80 % du phosphore des grains céréaliers courants, des tourteaux d'oléagineux et de leurs sous-produits [6,7]. La forte teneur en phosphore du lisier de porc est due à l’incapacité des porcs à hydrolyser le phytate. C'est pourquoi le phosphore contenu dans le phytate devient une importante source de pollution, car il est lessivé dans les eaux superficielles et souterraines et finit par aboutir dans les lacs, les cours d’eau et les étangs où il entraîne la prolifération des algues et la croissance excessive des herbes.

La création d’EnviroPigMC  visait l’obtention d’un animal produisant de la phytase dans ses glandes salivaires, la phytase étant une enzyme capable d’hydrolyser le phytate, ce que le porc ne peut pas faire de façon naturelle. Selon le déclarant, la production de phytase dans les glandes salivaires apporte les avantages suivants :

La présente évaluation ne porte pas sur la validité de ces allégations.

Puisque l’EnviroPigMC a été produite avec l’ovocyte d’une jeune truie croisée Yorkshire-Landrace et le sperme d’un verrat Yorkshire, ces deux races ont été prises en considération dans la présente évaluation des risques.

Construction/modification génétique

L’EnviroPigMC a été produite par l’injection pronucléaire d’un zygote généré par la fertilisation d’un oocyte provenant d’une jeune truie croisée Yorkshire-Landrace et le sperme d’un verrat du cheptel Yorkshire. La cassette d’expression des transgènes de laquelle les séquences ont été excisées et purifiées a été isolée d’un plasmide contenant les éléments génétiques suivants : 1) région flanquante 5’et promoteur de la protéine sécrétée par la glande parotide de la souris; 2) gène codant pour la phytase provenant d’Escherichia coli K12; 3) codon de terminaison et région flanquante 3’ de la protéine sécrétée par la glande parotide de la souris; 4) séquences de base du plasmide incluant l’origine de réplication; 5) le gène codant pour la b­lactamase qui confère la résistance à l’ampicilline permettant la croissance sélective d’E. coli au cours de la production du plasmide.

Le déclarant a fourni les résultats de l’analyse par transfert de Southern montrant que deux copies intactes (répétition en tandem) et une copie tronquée du transgène ont été insérées, à 98 paires de bases de distance, dans le génome du porc à un seul endroit. De plus, le déclarant a fourni les résultats expérimentaux d’une analyse de réaction en chaîne par polymérase (PCR) révélant l’absence dans le génome de la lignée Cassie du gène conférant la résistance aux antibiotiques provenenat des séquences du squelette plasmidique.

Stabilité

Le déclarant pense que l’EnviroPigMC descend peut-être d’une jeune truie transgénique fondatrice présentant un mosaïsme de ses cellules germinales (en raison de la naissance de seulement deux porcelets transgéniques sur vingt). Dans la G2 et les générations suivantes des EnviroPigMC, le rapport entre le nombre de rejetons transgéniques et non transgéniques correspondait davantage aux prédictions de la génétique mendélienne pour les gènes non liés au sexe. Ce profil de transmission génétique correspond également à la constatation que les copies du transgène insérées étaient sur un autosome (ici, le chromosome 4) et étaient étroitement liées.

La stabilité génétique a été testée sur six générations par des techniques de PCR ordinaires ciblant les 5 jonctions situées entre le chromosome du porc et les transgènes ou entre les transgènes eux-mêmes. L’analyse des profils de digestion des produits de la PCR diagnostique par des enzymes de restriction semble indiquer qu’il s’agit là des régions cibles, qui sont restées stables dans les générations testées.

La stabilité phénotypique a été testée sur six générations par une mesure de l’activité de la phytase dans la salive prélevée chez tous les porcelets âgés de onze jours. Une augmentation graduelle, mais significative de l’activité de la phytase a été observé de la deuxième à la sixième génération, probablement en raison de la reproduction sélective.

Examen des dangers

Danger environnemental

Les dangers environnementaux potentiels associés à la production à grande échelle de porcs non transgéniques n’ont pas été pris en considération dans la présente évaluation. Étaient couverts par le mandat de la présente évaluation des risques et sont présentés dans les paragraphes qui suivent les facteurs clés considérés comme étant liés à l’organisme vivant et pouvant être touchés directement ou indirectement par la modification génétique.

Étant donné que le porc transgénique fondateur (Cassie) est issu de l’ovule d’une truie Yorkshire-Landrace et du sperme d’un verrat Yorkshire, la biologie et les antécédents d’utilisation de ces deux races ont été évalués dans le cadre de l’examen des risques potentiels associés à l’organisme vivant. On considère que ces deux races ont des antécédents d’utilisation sûre au Canada (principalement dans les installations de production intérieures; Brian Sullivan, Association canadienne des éleveurs de porcs, communication personnelle). Pour ce qui est de la modification génétique elle-même, la séquence du gène codant pour la phytase n’a pas été modifiée, et les essais menés sur les échantillons de salive n’ont pas révélé de modification de la fonctionnalité de l’enzyme produite. De plus, la phytase elle-même a des antécédents d’utilisation sûre en production porcine en tant que supplément alimentaire (American Association of Swine Veterinarians; Fiche d'information : Phytase).

Tout semble indiquer que, mis à part la production de l’enzyme phytase (principalement par les glandes salivaires), l’EnviroPigMC était physiologiquement comparable aux porcs non transgéniques.

L’effet du transgène sur la capacité de survie de ces porcs transgéniques dans l’environnement canadien et le pouvoir envahissant potentiel de ces derniers sont inconnus. Il n’y a pas de rapports documentés indiquant si les porcs domestiques peuvent ou ne peuvent pas survivre pendant l’hiver canadien sans intervention humaine. Toutefois, il se pourrait que la modification génétique, qui est censée réduire les besoins en suppléments alimentaires de phosphore, accroisse les chances de survie des porcs fugitifs et mène à l’établissement subséquent de populations sauvages. Compte tenu du fait qu’il y a des rapports indiquant la présence de populations sauvages de sangliers dans quelques régions du Canada [4,11] et du potentiel de croisement entre le porc domestique et le sanglier, il se pourrrait que la fuite de porcs transgéniques dans les régions où l’on trouve des populations de sangliers sauvages conduise à l’introduction du transgène dans le patrimoine génétique de ces sangliers sauvages, ce dont on ignore les conséquences possibles.

Danger pour la santé humaine

Les renseignements fournis par le déclarant et une recherche documentaire maison de la littérature scientifique n’ont révélé aucune indication d’accroissement du potentiel pathogène/zoonotique ou allergène d’EnviroPigMC en comparaison des porcs ordinaires non modifiés, et aucune différence physiologique importante n’a été observée quant à la santé des deux groupes.

Des études menées en 2004 sur des coprocultures ont montré que l’EnviropigMC n’abrite pas plus d’organismes pathogènes que les porcs ordinaires des exploitations agricoles de l’Ontario. Compte tenu de l’utilisation importante de la phytase comme additif pour l’alimentation du bétail, c’est improbable que la phytase produite par l’EnviroPigMC aurait un effet différent sur la flore microbienne du tractus gastro-intestinal que la phytase produite par E. coli utilisée comme additif. La probabilité que le matériel génétique inséré ou que la perte de séquences génomiques endogènes permettent à l’organisme déclaré d’acquérir de nouveaux caractères pouvant avoir des effets négatifs sur la santé humaine est faible.

Examen des aspects liés à l’exposition

Le potentiel d’exposition environnementale associé à l’EnviropigMC est considéré comme faible puisque la production n’est destinée qu’aux installations intérieures, dans lesquelles les procédures de contrôle et les pratiques de gestion satisfont aux normes prévues par l’industrie.

La libération intentionnelle d’EnviropigMC dans l’environnement n’est pas anticipée puisque les animaux sont destinés à des installations de production intérieures uniquement. Dans ces installations, il faudra appliquer des pratiques de gestion destinées à empêcher le mélange des animaux transgéniques et non transgéniques. Ces pratiques portent sur la séparation physique, de même que sur l’étiquetage et la traçabilité des animaux transgéniques. En cas de libération accidentelle, ce même système d’étiquetage et de traçabilité permettrait de reconnaître les animaux transgéniques tout au long de leur cycle biologique.

Charactérisation du risque

Ainsi, en prenant en considération les antécédents d’utilisation de l’organisme non modifié, les éléments génétiques introduits, leurs effets sur le phénotype, l’utilisation prévue d’EnviroPigMC et les mesures en place aux installations de production, aucun effet indésirable significatif sur l’environnement ou la santé humaine n’est anticipé. Environnement Canada et Santé Canada ont conclu que l’EnviroPigMC n'engendre aucun effet nocif  pour l’environnement ou la santé humaine au Canada, et par conséquence, ne conforme pas aux critères données à l’article 64 de la LCPE (1999). Toutefois, des dispositions relatives à une nouvelle activité (NAc) ont été appliquées en raison des incertitudes révélées et pour faire en sorte que toute nouvelle activité, autre que celles évaluées, soit déclarée en vue d’une autre évaluation des risques.

Références

Adeola, O., et al., « Phytase-induced changes in mineral utilization in zinc-supplemented diets for pigs », Journal of Animal Science, vol. 73 (1995), p. 3384­3391.

Global Invasive Species Database : Sus scrofa (mammifère) (en ligne) [consulté le 30 septembre 2009 en anglais].

Ickes, K., C.J. Paciorek et S.C. Thomas, « Impacts of Nest Construction by Native Pigs (S. scrofa) on Lowland Malaysian Rain Forest Saplings », Ecology, vol. 86, n° 6 (2005).

Jongbloed, A.W. et P.A. Kemme, « Apparent digestible phosphorus in the feeding of pigs in relation to availability, equipment and environment. 1. Digestible phosphorus in feedstuffs from plant and animal origin », Netherlands Journal of Agricultural Science, vol. 38 (1990), p. 567­575.

Knudsen, B.M., Feral Pigs Are Causing Problems On A Continental Scale (en ligne), 2009.

Kornegay, E.T., « Digestion of phosphorus and other nutrients: the role of phytases and factors influencing their activity », Enzymes in farm animal nutrition, publié sous la direction de M.R. Bedford et de G.G. Partridge, Marlborough, CABI Publishing, 2001, p. 237­271.

Mroz, Z., A.W. Jongbloed et P.A. Kemme, « Apparent digestibility and retention of nutrients bound to phytate complexes as influenced by microbial phytase and feeding regimen in pigs », Journal of Animal Science, vol. 72 (1994), p. 126­132.

The Northern Feral Pig Project (en ligne) [consulté le 30 septembre 2009].

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (en ligne) [consulté le 30 septembre 2009].

Pallauf, J., et al., « Dietary effect of phytogenic phytase and an addition of microbial phytase to a diet based on field beans, wheat, peas and barley on the utilization of phosphorus, calcium, magnesium, zinc and protein in piglets », Z. Ernährungswiss, vol. 33 (1994), p. 128­135.

Ruvinsky, A. et M.F. Rothschild, « Systematics and evolution of the pig », The genetics of the pig, publié sous la direction de M.F. Rothschild et de A. Ruvinsky, Wallingsford, CAB International, 1998, p. 1­16.

Note de bas de page

[1] Conformément à l'article 64 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)], est toxique toute substance qui pénètre ou peut pénétrer dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à : a) avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique; b) mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie; c) constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

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2021-02-10