Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles : organismes et résumé de l'évaluation des risques

EAU-439 : souche sAGX0037 de Lactococcus lactis subsp. cremoris

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Table des matières

Le présent document vise à expliquer la décision réglementaire prise en vertu de la partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE (1999)] et le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes) [RRSN(O)] concernant la fabrication ou l’importation de la souche sAGX0037 de Lactococcus lactis subsp. cremoris par ActoGenixen vue de son utilisation dans le cadre d’un essai clinique portant sur un médicament contre la maladie intestinale inflammatoire. Cependant, aux termes de la réglementation mentionnée ci-dessus, l’usage prévu permet également l’introduction de la souche dans l’environnement partout au Canada.

Les renseignements concernant la souche sAGX0037 de Lactococcus lactis subsp. cremoris ont été fournis conformément au paragraphe 3(1) du RRSN(O).

Le Bureau de l’évaluation et du contrôle des substances nouvelles de Santé Canada a évalué l’information soumise par ActoGenix, ainsi que d’autres données scientifiques existantes, en vue de déterminer si la souche sAGX0037 de L. lactis subsp. cremoris conforme aux critères données à l’article 64 de la LCPE (1999).[1]

Décision réglementaire

En tenant compte des questions de danger et d’exposition, l’évaluation des risques effectuée par Santé Canada a conclu que la souche sAGX0037 de L. lactis subsp. cremoris n'engendre aucun effet nocif  pour l’environnement ou la santé humaine au Canada au sens de l’article 64 de la LCPE (1999). Ainsi, après le 6 octobre 2008, l’importation de la souche sAGX0037 de L. lactis subsp. cremoris en vue de son introduction sur le territoire canadien est permise.

Cette évaluation ne comprend pas une évaluation des risques pour la santé humaine dans le milieu professionnel, ni une évaluation de la substance déjà prévue par la Loi sur les aliments et drogues.

Annexe du RRSN(O) : 1 (fabrication ou importation de micro­organismes en vue de leur introduction sur le territoire canadien)
Identification de l’organisme : souche sAGX0037 de Lactococcus lactis subsp. cremoris
Déclarant : ActoGenix N.V., Technologiepark 5, 9052 Zwijnaarde, Belgique
Date de la décision : 6 octobre 2008
Utilisation proposée : Vecteur de l’interleukine­10 (IL­10) humaine en vue d’une administration dans l’intestin, utilisé au cours d’un essai clinique de phase II destiné à évaluer un médicament contre la maladie intestinale inflammatoire.

Historique de la souche / modification génétique

L’identification de la souche sAGX0037 de Lactococcus lactis subsp. cremoris est fondée sur des caractéristiques morphologiques, une analyse de l’ARNr 16S et le séquençage du génome en entier.

La souche sAGX0037 de Lactococcus lactis subsp. cremoris a été créée par une recombinaison homologue visant à remplacer le gène de la thymidylate synthase (thyA) de la souche mère MG1363 de L. lactis subsp. cremoris par une cassette d’expression synthétique codant l’interleukine­10 (IL­10) humaine. Les modifications génétiques donnent lieu à une expression extracellulaire de la protéine IL­10h, et l’organisme est devenu dépendant d’un apport en thymine ou en thymidine pour survivre.

Les cellules transformées ont été isolées en fonction de leur capacité à croître sur un milieu sélectif contenant un supplément de thymidine. Afin de s’assurer que la cassette d’expression codant l’IL­10 humaine a bel et bien été intégrée dans le génome de L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 et que le gène thyA n’y est plus, différentes analyses de séquence et amplifications par PCR ont été réalisées. En outre, la présence de l’IL­10 humaine a été confirmée par transfert de Western et dosage ELISA.

Il a été démontré que la stabilité génétique de la cassette d’expression de l’IL­10 humaine intégrée persistait pendant plus de 55 générations de L. lactis subsp. cremoris sAGX0037. L’absence de croissance sur un milieu exempt de thymine, la sécrétion de l’IL­10 humaine et l’analyse ADN du locus thyA confirment que la stabilité génétique perdure sur plusieurs générations.

Après une analyse approfondie de l’ADN ayant été intégrée et une caractérisation adéquate du nouveau phénotype, il a été établi que les modifications au micro­organisme ne soulèvent pas de préoccupations pour ce qui est de la virulence (qui demeure non modifiée).

Examen des dangers

Risque environnemental

Les données fournies par le déclarant et une mise à jour de la revue de la littérature scientifique indiquent qu’il existe peu de raisons de croire au potentiel pathogène de L. lactis et de l’IL­10 humaine dans les plantes aquatiques, les poissons et les mammifères marins. Des études précliniques menées avec L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 chez la souris et chez le singe Cynomolgus ne révèlent aucun effet toxique après des expositions répétées. Les publications faisant état d’espèces sauvages infectées par L. lactis semblent rares. Par conséquent, on a accordé au déclarant la permission de ne pas présenter de données sur la pathogénicité pour ce qui est des plantes, des invertébrés et des vertébrés aquatiques, ainsi que pour les plantes et invertébrés terrestres.

Puisque la souche sAGX0037 ne possède pas les transposons conjugatifs entérocoques Tn916 et Tn919, qui codent pour la résistance à la tétracycline et qui constituent un mode important de transfert horizontal de gènes à une vaste gamme de receveurs microbiens (Alpert et al.,2003; Bringel et al., 1992), la souche déclarée ne devrait pas subir de transfert génétique dans l’environnement. Aussi, L. lactis n’est pas connu pour intégrer de façon compétente de l’ADN exogène provenant de l’environnement. La capacité de la souche déclarée à intégrer spontanément des gènes thyA étrangers à partir d’une source exogène par recombinaison homologue devrait être considérablement faible comme le montre Steidler et al.(2003).

En raison de l’élimination de la thymidylate synthase, la souche déclarée devient dépendante d’un apport en thymine ou en thymidine, car une carence en thymine entraîne une mort cellulaire rapide. En effet, la viabilité de sAGX0037 diminue considérablement dans un milieu de croissance exempt de thymine à l’intérieur de 36 heures. Aucune cellule viable a été observée après une période d’incubation prolongée de 120 heures à 30°C.

Puisque L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 ne bénéficie d’aucun avantage sélectif dans l’environnement, le risque que l’organisme ou son matériel génétique cause des effets indésirables dans l’environnement sur la conservation des espèces ou la diversité biologique est considéré comme faible.

Risque pour la santé humaine

L. lactis n’est pas considéré comme étant un agent pathogène humain étant donné ses antécédents de salubrité dans l’industrie alimentaire. Les infections à L. lactis surviennent généralement chez des patients présentant des comorbidités et sont souvent associées à la consommation de produits laitiers non pasteurisés. En général, les cas déclarés sont rares, et l’infectivité n’est pas grave chez les patients ayant les affections sous­jacentes. Il n’y a aucun cas rapporté de réaction allergique liée à L. lactis, peu importe la souche.

Il est connu que l’IL­10 induit une vaste gamme d’activités régulant le système immunitaire. Le déclarant a fourni des preuves tirées d’essais cliniques démontrant les effets thérapeutiques et l’innocuité de l’IL­10 humaine dérivée de L. lactis chez des patients humains atteints de la maladie de Crohn et chez des volontaires sains.

Le déclarant a présenté des données sur l’utilisation d’antibiotiques en présence de L. lactis subsp. cremoris sAGX0037, lesquelles ont montré que la souche est résistante à l’acide nalidixique, au sulfaméthoxazole et au métronidazole, mais est sensible aux antibiotiques suivants: pénicilline G, ampicilline, amoxicilline + acide clavulanique, tétracycline, érythromycine, vancomycine, gentamicine, chloramphénicol, bacitracine, lévofloxacine, céfépime, imipénème et linézolide. Par conséquent, dans l’éventualité improbable que L. lactis sAGX0037 infecte des humains, des traitements antibiotiques efficaces existent.

Étant donné les antécédents d’innocuité de L. lactis et son caractère généralement non pathogène envers la population en général, et les preuves d’innocuité de l’IL­10 humaine recombinante chez l’humain, l’utilisation de L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 ne devrait pas causer d’effets indésirables dans la population générale. Son danger potentiel  pour la santé humaine est considéré comme faible.

Examen des aspects liés à l’exposition

Le micro-organisme déclaré sera importé au Canada de la Belgique et de l’Allemagne. Il s’agit d’un vecteur de l’IL­10 humaine destiné à une administration dans l’intestin et utilisé au cours d’un essai clinique de phase II portant sur un médicament contre la maladie intestinale inflammatoire. Le médicament contiendra une concentration minimale viable de L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 de 9,0 × 109 ufc/g de préparation.

Le médicament contenant sAGX0037 sera distribué par des professionnels de la santé aux endroits où des mesures de confinement sont prévues pour minimiser l’exposition des travailleurs, des non­utilisateurs et des animaux sauvages. Tout déchet produit au cours de l’essai clinique sera jeté dans des contenants à déchets biologiques approuvés et éliminé conformément à la réglementation provinciale. Il existe des plans de contingence, y compris l’utilisation d’un détergent ou d’hypochlorite de sodium pour décontaminer, en cas de fuite ou de déversement accidentel survenant au cours du transport et de l’administration. S’il faut mettre fin à l’essai clinique, tout produit non utilisé contenant sAGX0037 sera détruit comme il se doit, conformément aux lignes directrices portant sur le traitement des déchets médicaux.

Le rejet de la souche déclarée dans l’environnement se produira principalement en raison de l’excrétion fécale. Braat et al.(2006) ont rapporté la présence de 104 cellules viables de sAGX0037 par gramme de fèces deux jours après le traitement de patients atteints de la maladie de Crohn ayant reçu une dose quotidienne de 2,0 × 1010 ufc pendant sept jours. Tout L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 pénétrant dans un réseau d’égout devrait être inactivé et/ou éliminé par des traitements physiques, biologiques et/ou chimiques en place dans les usines de traitement des eaux usées.

Étant donné les limitations métaboliques de L. lactis subsp. cremoris sAGX0037, de même que l’existence de mesures de sécurité efficaces et de pratiques de gestion des déchets permettant de prévenir ou de réduire au minimum son rejet dans l’environnement, l’exposition potentielle de l’environnement et des humains (à l’exception de celle des humains exposés dans le cadre de l’essai clinique) à L. lactis subsp. cremoris sAGX0037 est considéré comme étant significativement faible.

Charactérisation du risque

En tenant compte des questions de danger et d’exposition, l’évaluation des risques effectuée par Santé Canada a conclu que la souche sAGX0037 de L. lactis subsp. cremoris n'engendre aucun effet nocif  pour l’environnement ou la santé humaine au Canada au sens de l’article 64 de la LCPE (1999).

Références

Alpert CA, Mater DD, Muller MC, Ouriet MF, Duval-Iflah Y, et Corthier G. (2003). Worst-case scenarios for horizontal gene transfer from Lactococcus lactis carrying heterologous genes to Enterococcus faecalis in the digestive tract of gnotobiotic mice. Environ Biosafety Res. 2(3):173-180.

Braat H, Rottiers P, Hommes DW, Huyghebaert N, Remaut E, Remon JP, van Deventer SJ, Neirynck S, Peppelenbosch MP, et Steidler L. (2006). A phase I trial with transgenic bacteria expressing interleukin-10 in Crohn's disease. Clin Gastroenterol Hepatol. 4(6):754-759.

Bringel F, Van Alstine GL, and Scott JR. (1992). A host factor absent from Lactococcus lactis subspecies lactis MG1363 is required for conjugative transposition. Mol Microbiol. 5:2983-2993.

Steidler L, Neirynck S, Huyghebaert N, Snoeck V, Vermeire A, Goddeeris B, Cox E, Remon JP, et Remaut E. (2003). Biological containment of genetically modified Lactococcus lactis for intestinal delivery of human interleukin 10. Nat Biotechnol. 21(7):785-9.

Note de bas de page

[1] Conformément à l’article 64 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, (1999) [LCPE (1999)], est toxique toute substance qui pénètre ou peut pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à : a) avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique; b) mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie; c) constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

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2021-02-10