Substances nouvelles : résumé de l'évaluation des risques, déclaration de substances nouvelles n° 20405
Titre officiel : Déclaration de substances nouvelles 20405 : Graphène (numéro d’enregistrement du Chemical Abstracts Service 1034343-98-0)
Décisions réglementaires
En vertu des dispositions relatives aux substances et aux activités nouvelles au Canada figurant à la partie 5 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE], et conformément à l’article 83 de la Loi, le ministre de l’Environnement et le ministre de la Santé ont évalué les renseignements concernant la substance en question, et ont déterminé que la substance n’est pas susceptible de pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique, à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie ou à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.
Les dispositions relatives aux nouvelles activités (NAc) de la LCPE ont été appliquées à la substance en raison des impacts potentiels de la substance sur la santé humaine qui pourraient survenir en conséquence des activités potentielles. L’Arrêté 2021-87-08-01 modifiant la Liste intérieure décrit les renseignements exigés sur ces activités et a été publié le 5 janvier 2022 dans la Partie II de la Gazette du Canada, vol. 156, n° 1. La NAc a été variée dans l’Arrêté 2022-87-07-01 modifiant la Liste intérieure, publié le 14 septembre 2022 dans la Partie II de la Gazette du Canada, vol. 156, n° 19. Ces activités constituant une source potentielle de préoccupation doivent être déclarées avant de pouvoir être entreprises, cela pour permettre d’approfondir l’évaluation de la substance et de prendre des décisions en matière de gestion des risques.
Description de la substance
La substance chimique déclarée est le graphène (numéro d’enregistrement du Chemical Abstracts ServiceNote de bas de page 1 (CAS) 1034343-98-0). Il s’agit d’une nanoplaquette de graphène multicouche (Few-Layer Graphene - FLG) comportant de 3 à 10 couches de feuilles de graphène empilées, d’une épaisseur de 1 à 3,35 nm, avec une dimension latérale prédominante de 1 à 2 µm et un très faible degré d’oxydation.
Utilisations déclarées et potentielles
On propose l’importation de la substance au Canada en quantités supérieures à 10 000 kg/an, à des fins d’utilisation déclarée comme additif multifonctionnel dans les peintures et les revêtements, les plastiques, les composites thermodurcissables et comme composant dans les électrodes de piles.
Les secteurs d’utilisation potentiels comprennent les composites et les revêtements, l’électronique, les communications de données, les membranes (par exemple, pour la purification et le dessalement de l’eau, le contrôle du débit d’eau ou de gaz dans les géomembranes, les barrières de gaz dans l’emballage alimentaire), les technologies biomédicales, les capteurs et l’imagerie et la récolte, la conversion et le stockage de l’énergie. Les utilisations potentielles comprennent également de nombreux produits et articles manufacturés offerts aux consommateurs, y compris, mais sans s’y limiter, les sièges d’automobiles, les vêtements et chaussures, les couverts de table, les couches, la vaisselle, les produits électroniques, les jouets, les matériaux d’emballage alimentaire, les produits d’hygiène féminine, les cosmétiques et les produits de soins personnels.
Devenir et comportement dans l’environnement
D’après ses propriétés physiques et chimiques, si la substance est rejetée dans l’environnement, elle aura tendance à se répartir dans l’eau, les sédiments et le sol. La substance devrait être persistante dans ces milieux compte tenu de sa biodégradabilité faible (0% sur 28 jours). La substance devrait se bioaccumuler, compte tenu de son absorption directe à partir de l’environnement.
Évaluation des risques pour l’environnement
D’après les renseignements disponibles sur les risques associés, la substance devrait présenter une toxicité aigüe faible à modérée chez les invertébrés aquatiques (concentration sans effet observé [CSEO] > 100 mg/L, concentration létale médiane [CL50] > 16 mg/L) et les algues (concentration efficace médiane 62,2 mg/L) et une toxicité aigüe faible à élevée chez les poissons (CSEO > 100 mg/L et 0,02 mg/L, CL50 sur 96 heures < 0,03 mg/L). En utilisant la CSEO chez l’organisme le plus sensible (les poissons) et en appliquant un facteur d’évaluation de 10 pour tenir compte de la variation liée à la sensibilité des espèces et du mode d’action, la concentration estimée sans effet (CESE) calculée est 2 µg/L. Celle-ci a été utilisée afin d’estimer le risque pour l’environnement.
Les activités déclarées et potentielles au Canada ont été évaluées afin d’estimer l’exposition possible à la substance dans l’environnement au cours de son cycle de vie. L’exposition environnementale due aux activités déclarées devrait surtout provenir de la fabrication et de la transformation par rejet de la substance dans l’eau entraînant une concentration environnementale estimée (CEE) qui se situe dans l’intervalle de 0,086 à 0,767 µg/L. En ce qui concerne les activités potentielles telles que la fabrication et la transformation en plus grandes quantités, l’exposition environnementale devrait surtout provenir du rejet de la substance dans l’eau entraînant une concentration environnementale estimée (CEE) qui se situe dans l’intervalle de 0,175 à 1,535 µg/L.
Le rapport entre la CEE et la CESE est inférieur à 1. Ce rapport, associé à d’autres sources de données, notamment sur le danger, l’exposition et le devenir dans l’environnement, indique que la substance n’est pas susceptible de causer des effets nocifs sur l’environnement au Canada.
Si la substance est fabriquée sous une forme nanométrique de graphène différente de celle de la substance déclarée, elle pourrait avoir des propriétés et des comportements différents, et des renseignements complémentaires seront donc nécessaires pour approfondir l’évaluation des risques potentiels pour l’environnement.
Évaluation des risques pour la santé humaine
D’après les renseignements disponibles sur les risques associés, la substance présente une toxicité aigüe faible par voie orale et inhalation (dose létale médiane > 300 mg/kg poids corporel; CL50 > 1,99 mg/L/4 h; aucune observation de toxicité aux doses les plus élevées par l’une ou l’autre des voies d’exposition) et devrait présenter une toxicité sous-chronique modérée à élevée suite à l’administration de doses répétées par inhalation chez des mammifères en laboratoire (dose sans effet nocif observé sur 28 jours 0,003 86 mg/L/6 h ou 0,71 mg/kg p.c./jour; toxicité minimale observée à la dose la plus élevée). Elle n’est pas un sensibilisant cutané (réponse de 0% [test épicutané recouvert de Buehler]). Elle n’est pas un mutagène ou un clastogène in vitro ou génotoxique in vivo. Par conséquent, elle n’est pas susceptible de causer des dommages génétiques.
L’utilisation de la substance déclarée comme composant des plastiques, des époxydes polymères, des peintures domestiques (intérieures ou extérieures), du caoutchouc et d’autres produits ou matrices peut entrainer un contact des consommateurs avec des produits commerciaux qui la contiennent. Cependant, il ne devrait pas y avoir d’exposition directe puisque la substance sera encapsulée dans une matrice stable une fois le produit durci et elle ne sera pas disponible pour l’absorption. La migration ou la lixiviation de la matrice ou des surfaces durcies devrait être minime lors des conditions d’utilisation normales ; toutefois, la substance déclarée peut être libérée lors du découpage et du sablage de matériaux dans le cadre de projets de bricolage. L’exposition directe à la poussière provenant du sablage de planchers avec un revêtement contenant la substance déclarée est estimée de manière prudente à des niveaux qui se situent dans l’intervalle de 0,04 mg/kg p.c./jour (en supposant un équipement de protection personnelle (EPP) complet, y compris un sac à poussière de sablage et un masque N95) à 1,77 mg/kg p.c./jour (en absence d’EPP).
L’exposition indirecte de la population générale par l’intermédiaire d’un milieu environnemental comme l’eau potable est estimée de manière prudente à des niveaux qui se situent dans l’intervalle de 1,3 x 10-5 à 2,5 x 10-5 mg/kg p.c./jour et principalement par ingestion. L’exposition indirecte de la population générale de l’air en aval des installations de fabrication devrait être négligeable en raison du faible potentiel de rejet dans l’environnement et le potentiel de dispersion/dilution dans l’atmosphère. L’exposition par inhalation dans l’air ambiant pourrait être anticipée à proximité des installations de recyclage et d’incinération des emballages alimentaires ou d’autres déchets, selon une étude faisant état de "grandes quantités" de nanoplaquettes de graphène seule isolée rejetées par l’incinération de films d’emballage alimentaire.
Les utilisations potentielles de la substance incluent les articles manufacturés tels que les sièges d’automobile, les vêtements et les chaussures, les couverts de table, les couches, la vaisselle, les produits électroniques, les jouets, etc., où l’exposition directe de la population générale (y compris les enfants et les nourissons) devrait se produire principalement par la bouche et la peau et dans les produits d’hygiène féminine via la région urogénitale féminine. L’exposition directe de la population générale provenant de matériaux d’emballage alimentaire est estimée de manière prudente (en supposant une absorption de 100% par voie orale) à 3,02 x 10‑4 mg/kg p.c./jour sur la base de données empiriques des rejets de films d’emballage alimentaire en plastique. L’exposition indirecte de la population générale par l’intermédiaire d’un milieu environnemental comme l’eau potable est estimée de manière prudente à des niveaux qui se situent dans l’intervalle de 2,6 x 10-5 à 5 x 10-5 mg/kg p.c./jour et principalement par ingestion.
Cependant, si la substance est utilisée sous forme de vaporisateur, de brumisateur ou en aérosol comme dans les peintures en aérosol et les vaporisateurs de teintures capillaires, l’exposition directe pourrait augmenter, mais devrait être peu fréquente/intermittente et par inhalation à des niveaux qui se situent dans l’intervalle de 0,000 32 à 0,013 mg/kg poids corporel par évènement.
Compte tenu de l’exposition et des caractéristiques lorsqu’elle est utilisée comme déclarée, la substance n’est pas susceptible de poser des risques importants pour la santé de la population générale et par conséquent, elle n’est pas susceptible de causer des effets nocifs sur la santé humaine.
Cependant, compte tenu de la possibilité d’une exposition par inhalation accrue ainsi que d’indications suggérant une toxicité potentielle par inhalation de la substance, l’utilisation de celle-ci dans les vaporisateurs domestiques ou cosmétiques, tels que les peintures en aérosol et les vaporisateurs de teintures capillaires, ou l’utilisation potentielle de la substance fabriquée sous une autre nanoforme pourrait modifier de manière significative l’exposition et les conditions d’utilisation, et faire en sorte que la substance ait des effets nocifs sur la santé humaine. Par conséquent, des renseignements complémentaires sont nécessaires afin de mieux caractériser les risques pour la santé humaine associés à ces activités.
Les hypothèses faites pour cette évaluation et les mesures de gestion des risques appliquées sont considérées adéquates pour protéger la population générale ainsi que les sous-populations qui peuvent être plus sensibles ou fortement exposées.
Considérations relatives aux nanomatériaux
Il y a des évidences que la substance déclarée peut être produite sous différentes nanoformes avec le même numéro d’enregistrement CAS. Des renseignements complémentaires sont donc demandés étant donné que ces nanoformes peuvent présenter des propriétés physico-chimiques (par exemple, épaisseur, taille latérale, degré d’oxydation, chimie de surface et impureté), un devenir dans l’environnement, une toxicité et un potentiel d’exposition significativement différents. Par conséquent, des renseignements complémentaires sont nécessaires afin de mieux caractériser les risques pour l’environnement et la santé humaine de ces différentes nanoformes.
Conclusion de l’évaluation
Lorsque la substance est utilisée telle qu’indiqué dans la déclaration, on ne s’attend pas à ce que celle-ci soit nocive pour la santé humaine ou l’environnement aux termes des critères énoncés à l’article 64 de la Loi. Cependant, on soupçonne qu’une nouvelle activité associée à la substance pourrait faire en sorte que cette dernière satisfasse aux critères énoncés à l’article 64 de la Loi.
Vu les risques pour la santé humaine associés à la possibilité de toxicité par inhalation si la substance est utilisée dans les vaporisateurs domestiques ou cosmétiques, ainsi que le potentiel identifié pour l’ingénierie ou l’utilisation de la substance sous différentes nanoformes et vu l’incertitude générée par ces scénarios quant au devenir dans l’environnement, aux risques et à l’exposition, les dispositions sur les nouvelles activités de la LCPE ont été appliquées à la substance afin d’obtenir des renseignements complémentaires pour permettre d’évaluer ces activités potentielles. L’arrêté 2021-87-08-01 a été publié le 5 janvier 2022 dans la Partie II de la Gazette du Canada, vol. 156, n° 1.
Une conclusion établie sur cette substance en vertu de la LCPE ne concerne ni n’empêche une évaluation relative aux critères de risque définis pour le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail qui sont précisés dans le Règlement sur les produits contrôlés ou dans le Règlement sur les produits dangereux visant les produits destinés à être utilisés au travail.
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