Études de délimitation du panache des effluents : chapitre 2
Dispersion de l’effluent
La délimitation du panache est déterminée par des renseignements sur les caractéristiques de l’effluent, les conditions d’évacuation et la nature du milieu récepteur.
Concept initial de la dispersion de l’effluent
Un concept initial de la dispersion de l’effluent devrait être formulé afin d’aider à planifier les études sur le terrain. Cette « première tentative » pour connaître le comportement de l’effluent dans les eaux réceptrices nécessite certains renseignements de base, dont les suivants :
- les caractéristiques de l’effluent, dont la densité et la vitesse;
- le nombre d’effluents, l’endroit, l’orientation, la profondeur et le type (p. ex., diffuseur, fossé);
- les caractéristiques des eaux réceptrices, y compris la densité, les particularités de l’écoulement et les facteurs saisonniers ou lunaires (p. ex., le niveau d’eau et le cycle des marées);
- le calcul de la dilution initiale de l’effluent lorsque le panache arrive à la surface, ce qui peut se faire à l’aide d’un modèle numérique simple, comme Visual Plumes, de l’EPA des États-Unis, ou le modèle Cormix.
On devrait faire un croquis du comportement prévu du panache montrant la dilution initiale et la dilution subséquente auxquelles on s’attend compte tenu des particularités de l’emplacement au voisinage du lieu de rejet et plus loin. Il est important à cette étape de déterminer le type de modélisation numérique (unidimensionnelle, bidimensionnelle ou tridimensionnelle) qui sera nécessaire pour analyser les données de terrain et les extrapoler pour décrire l’étendue maximale et les concentrations moyennes à long terme dans les eaux réceptrices. Le type de modélisation numérique nécessaire peut dicter les données qui devront être recueillies pour l’étude sur le terrain.
La dispersion de l’effluent dans le milieu récepteur est un processus en deux étapes comprenant la dilution initiale au voisinage du point d’entrée de l’effluent, suivie d’une deuxième dilution à une plus grande distance du lieu de rejet. La dilution initiale de l’effluent dépend de la méthode et de la dynamique de l’entrée de l’effluent ainsi que de la différence de densité entre l’effluent et les eaux réceptrices. L’entrée de l’effluent est ordinairement visualisée comme un jet montant (pas nécessairement vertical) vers la surface de l’eau où il rencontre une interface ascendante pour former un panache qui se déplace en aval et emporte l’effluent. La figure 2.1 montre des exemples de dilution initiale de l’effluent, ce qui est utile pour formuler un concept initial de dispersion de l’effluent.
La dilution initiale au voisinage du lieu de rejet peut être déterminée approximativement au moyen de modèles numériques (p. ex., Cormix) ou de nomogrammes (représentations graphiques d’équations à plusieurs variables, comme celles qu’on peut trouver dans Wood et al., 1993). Une seconde dilution du panache se produit par mélange horizontal et vertical. Dans la plupart des cas, la dispersion horizontale de l’effluent se fait au moins dix fois plus rapidement que le mélange vertical de sorte que le panache peut se disperser horizontalement sur une certaine distance avant d’être entièrement mélangé dans la colonne d’eau. Il est donc important de tenir compte de la profondeur de la dispersion au cours des études sur le terrain et d’incorporer cette donnée dans la modélisation numérique afin de savoir où se trouve le panache dans la colonne d’eau et où il entre en contact avec le substrat du fond.
En général, la vitesse de l’effluent évacué est plus grande que celle des eaux réceptrices, ce qui produit une contrainte de cisaillement avec ces dernières. Cette contrainte donne lieu à un mélange turbulent. La dilution initiale continue jusqu’à ce que l’énergie de l’évacuation se dissipe et que la vitesse du panache soit égale à celle des eaux réceptrices. À ce moment, la turbulence « naturelle » des eaux réceptrices a pour effet de diluer davantage ou de mélanger l’effluent avec ces dernières.
En plus de présenter des différences de vitesse, la plupart des eaux réceptrices et des effluents n’ont pas la même densité. L’effluent est généralement moins dense que les eaux réceptrices (souvent parce que sa température est plus élevée, ou lorsqu’un effluent d’eau douce est rejeté dans des eaux marines) et a donc tendance à monter dans la colonne d’eau, ce qui produit une autre contrainte de cisaillement semblable à celle qui résulte d’une différence de vitesse.
Le plus souvent, le cisaillement résultant à la fois de la vitesse et de la densité produit une impulsion ascendante suffisante pour que le panache de l’effluent arrive à la surface de l’eau. Si la densité du mélange du panache est encore inférieure à celle des eaux réceptrices, ce dernier demeurera à la surface. S’il est légèrement supérieur, il descendra au niveau où il existe une masse d’eau de même densité et sera ensuite transporté par cette masse d’eau à laquelle il se mélangera.
Après la dilution initiale, le panache de l’effluent se déplace en général horizontalement avec les eaux réceptrices. La dilution et la dispersion ultérieures dépendent du milieu récepteur et des conditions climatiques (voir la section 2.4).
Voici d’autres sources de conseils sur la conceptualisation de la dispersion des effluents : Bishop (1984), Day (1975), Jirka et al. (1996), Neshyba (1987),
Figure 2.1 Exemples de comportement du panache dans les milieux récepteurs (Jirka et al., 1996, modifié)
a) Jet de surface flottant dans un milieu stagnant
plan view = vue de dessus
buoyant jet = jet flottant
lateral entrainment = entraînement latéral
unsteady spreading = étalement instable
time = temps
transition = transition
side view = vue latérale
vertical entrainment = entraînement vertical
b) Jet de surface littoral dans un milieu à fort écoulement transversal
plan view = vue de dessus
recirculation region = zone de recirculation
c) Jet de surface flottant dans un milieu à écoulement transversal en eau peu profonde
plan view = vue de dessus
cross sections = coupes transversales
d) Panache arrivant en amont dans un milieu à faible écoulement transversal
plan view = vue de dessus
e) Approche graduelle en surface (quasihorizontale)
side view = vue latérale
ambient current = courant ambiant
cross section = coupe transversale
buoyant jet approach = approche du jet flottant
stratified flowaway = contre-courant stratifié
f) Incidence en surface et mélange vertical complet en eau peu profonde
side view = vue latérale
g) Incidence en surface et étalement flottant en amont
side view = vue latérale
weak ambient current = faible courant ambiant
buoyant jet approach = approche du jet flottant
density current = densité, courant
plan view = vue de dessus
stagnation point = point d'arrêt
frontal line = ligne frontale
h) Incidence en surface, mélange vertical local, étalement flottant en amont et restratification
side view = vue latérale
i) Panache submergé dans un écoulement stratifié
side view = vue latérale
Caractéristiques de l’effluent
Les principales caractéristiques de l’effluent qui influent sur la dispersion initiale sont sa densité et sa vitesse comparativement aux eaux réceptrices (voir la section 2.1). La vitesse influe sur le degré de cisaillement et donc sur le mélange qui se produit lorsque l’effluent est évacué. La densité de l’effluent influe sur la vitesse ascensionnelle et la position du panache dans la colonne d’eau. La vitesse peut être mesurée comme le débit (quotidien moyen) de l’effluent, et il faut indiquer si l’évacuation est continue ou discontinue (p. ex., par intermittence). La vitesse de l’écoulement par chaque tuyau d’évacuation devrait être prise en compte et comparée à celle des eaux réceptrices. La densité de l’effluent devrait être déterminée. Les renseignements supplémentaires sur l’effluent en vue de la délimitation du panache peuvent comprendre la présence de traceurs, qui sont des substances se retrouvant naturellement dans l’effluent, comme les acides résiniques, le sodium et le magnésium. Ces traceurs peuvent servir à suivre la dispersion. Les valeurs de l’effluent pour les deux dernières années devraient être prises en compte.
Conception du point de rejet de l’effluent
La configuration et la performance du point de rejet devraient être décrites. À l’aide des données existantes, comme les derniers rapports d’inspection sous-marine du point de rejet, la performance devrait être comparée aux croquis théoriques ou d’après exécution. Pour déterminer la largeur du panache, l’emplacement, la longueur et l’orientation du point de rejet devraient être connus. Il est aussi important de tenir compte de la profondeur à laquelle se retrouve l’effluent dans la colonne d’eau par rapport aux gradients d’écoulement et de densité qui peuvent exister.
Éléments du milieu récepteur qui influent sur la dispersion du panache
On devrait indiquer le débit et les courants, les caractéristiques chimiques et physiques de l’eau du milieu récepteur ainsi que les variations temporelles et spatiales de ces facteurs. Ces renseignements sont nécessaires pour formuler un concept initial de la dispersion de l’effluent, ainsi que pour planifier l’étude sur le terrain. Les conditions climatiques devraient être résumées parce qu’elles peuvent influer sur le comportement du panache.
Les paramètres de terrain et leur importance générale pour la délimitation des panaches sont décrits ci-dessous. Des conseils plus détaillés au sujet de certains milieux récepteurs sont présentés à la section 5.
Écoulements d’eau douce
Les écoulements minimaux, maximaux et moyens d’eau douce dans le milieu récepteur devraient être décrits. Ces données sont importantes pour tous les milieux récepteurs, à l’exception de ceux qui sont strictement marins, sans apport local d’eau douce. Les écoulements d’eau douce influent sur la dilution initiale du panache de même que sur son mélange ultérieur horizontal et vertical. La direction de l’écoulement, qui peut varier en fonction de la profondeur et de l’emplacement, influe sur l’orientation du panache. En général, les études sur le terrain sont réalisées quand l’écoulement annuel est près du minimum, lorsque l’effluent est peu dilué et si le panache est important comparativement à d’autres périodes de l’année. Les résultats de terrain peuvent être extrapolés afin de calculer les écoulements moyens et maximaux pour la dispersion de l’effluent.
Niveaux d’eau
Les niveaux d’eau minimal, maximal et moyen devraient être indiqués pour tous les milieux récepteurs. Le niveau d’eau influe sur la dilution initiale et le volume d’eau disponible pour la seconde dispersion. Le niveau d’eau peut fluctuer quotidiennement (dans les zones intertidales) ou selon la saison.
Qualité de l’eau
Les mesures de la qualité des eaux réceptrices qui peuvent être utiles pour les études de délimitation du panache comprennent la température, la densité, la salinité (dans le cas des études estuariennes et marines), la couleur, les solides en suspension et les substances qui peuvent servir de traceurs de l’effluent. Toutes ces mesures peuvent permettre de suivre le mouvement de l’effluent dans le milieu récepteur, tel qu’indiqué dans les sections 3 et 5.
Variation de la température et de la salinité
Comme la température et la salinité influent toutes deux sur la densité des eaux réceptrices, leur structure et leur variation spatio-temporelle dans la masse d’eau sont importantes pour tous les aspects de la réalisation d’une étude de délimitation du panache. Lors de l’évacuation, les panaches dont la température est plus élevée ou la salinité moins grande que celles des eaux réceptrices subiront une poussée thermique qui les fera monter à la surface, créant ainsi un cisaillement qui occasionnera un mélange et une dilution initiaux. La dilution et la dispersion ultérieures seront aussi influencées par la température et la salinité des eaux réceptrices. La température et la salinité peuvent varier horizontalement et verticalement sur de courtes périodes (p. ex., dans les zones intertidales) ou de longues périodes (p. ex., selon la saison).
Marées et seiches
Il est important de connaître le moment opportun et l’ampleur des marées lorsqu’on planifie l’étude sur le terrain pour les eaux estuariennes et marines. En plus des eaux réceptrices marines et estuariennes, les grands lacs peuvent aussi avoir un cycle des marées, même s’il est relativement moins important. Les grands plans d’eau, comme les lacs, les estuaires et les fjords, peuvent aussi laisser paraître les effets des ondes de tempête et des seiches à la fois dans l’élévation de la surface et les ondes internes. Tous ces facteurs influent sur la direction et le type du mélange de l’effluent.
Conditions climatiques
Le vent et la glace peuvent influer considérablement sur la dispersion de l’effluent, mais la température de l’air, l’état des glaces et l’action des vagues peuvent tous influer sur le comportement du panache. Le vent qui agit sur d’importants plans d’eau peut créer des courants et des vagues. La glace peut influer sur la dispersion de deux façons : en réduisant les courants dus aux vents et en accroissant la turbulence par la création d’un obstacle solide à l’écoulement. Les conditions climatiques sont discutées plus en détail à la section 5.
Facteurs confusionnels
Même si la délimitation du panache a pour but de déterminer les conditions normales de l’évacuation et du milieu récepteur, certains facteurs potentiellement confusionnels peuvent influer sur l’interprétation des résultats des études sur le terrain. Ces facteurs sont dus à des événements qui débordent les normes opérationnelles ou environnementales ou sont transitoires, et ils peuvent donner lieu à un changement temporaire de la position plus « normale » des limites du panache. Comme ces facteurs peuvent influer sur la dispersion de l’effluent, leur possibilité devrait être envisagée lorsqu’on réalise une étude de délimitation du panache. Voici des exemples de ces facteurs :
- des bouleversements dans le traitement de l’effluent et le procédé d’évacuation des fabriques de pâtes qui peuvent donner lieu à un changement temporaire dans la qualité ou la quantité de l’effluent;
- des intempéries, en particulier le régime des vents, qui créent des courants inhabituels pour le milieu récepteur;
- des événements saisonniers, comme l’état des glaces ou la stratification thermique, qui peuvent occasionner une représentation trompeuse du comportement du panache;
Détails de la page
- Date de modification :