Deuxième évaluation nationale des données d’études de suivi des effets sur l’environnement des mines de métaux : chapitre 8
8.0 Résumé et conclusions
Le deuxième cycle de collecte de données pour les mines de métaux effectuant des études de suivi des effets sur l’environnement a permis de constituer une base de données d’une vaste couverture géographique pour évaluer les effets des effluents des mines partout au pays. L’analyse intégrée à l’échelle nationale des données sur les poissons et les invertébrés benthiques a permis d’établir plusieurs profils de réponse dans le biote des eaux réceptrices, comme en fait état le présent rapport. Le tableau 5 offre un résumé des résultats pour les poissons et les invertébrés benthiques dans la première et la deuxième période d’évaluation nationale.
À l’échelle nationale, plusieurs pistes d’analyse ont montré que les effluents des mines de métaux avaient généralement des effets inhibiteurs plutôt que stimulateurs. Autrement dit, l’exposition aux effluents était plus souvent associée à des diminutions qu’à des augmentations des valeurs indicatrices employées pour évaluer les effets. Chez les poissons exposés aux effluents au cours de la première période d’évaluation nationale, les méta-analyses effectuées à l’échelle nationale ont révélé une baisse significative du coefficient de condition et de la taille relative du foie. Chez les invertébrés benthiques, elles ont fait ressortir des réductions significatives du nombre (densité) et des types (richesse taxonomique) d’invertébrés benthiques exposés aux effluents, ce qui contribue à une modification significative de la structure des communautés, comme le montrent les mesures de l’indice de dissimilarité de Bray-Curtis et de l’indice de régularité de Simpson. Tant pour les poissons que pour les invertébrés benthiques, ces conclusions ont été renforcées par l’étude de la répartition nationale des effets mesurés, comme l’illustrent les histogrammes des sections 4.2 et 6.2, et par les analyses statistiques multivariables et bivariables publiées dans le premier rapport d’évaluation nationale des mines de métaux (Lowell et al., 2008).
Au cours de la deuxième période d’évaluation nationale, les poissons dans les zones exposées présentaient encore une baisse significative du coefficient de condition et de la taille relative du foie. Ils présentaient également un taux de croissance significativement plus faible et une structure par âge modifiée, et une tendance à la diminution de la taille des gonades a été observée. En effet, les poissons exposés examinés au cours de la deuxième période d’évaluation nationale, en moyenne, étaient plus maigres et plus vieux, avaient un foie plus petit et leur croissance était plus lente. De plus, la taille des gonades était souvent réduite. Ces effets généralement inhibiteurs peuvent être causés par divers facteurs, comme les effets inhibiteurs directs des effluents sur les poissons ou le manque de ressources alimentaires résultant de l’altération de l’habitat et des effets inhibiteurs sur les proies, dont les invertébrés benthiques.
Au cours de la deuxième période d’évaluation nationale, les invertébrés benthiques des zones exposées ont encore présenté une richesse taxonomique significativement réduite, et l’indice de Bray-Curtis a une fois de plus révélé des changements notables dans la structure des communautés dans les zones exposées. Contrairement au profil de réponse observé au cours de la première période d’évaluation nationale, une augmentation de la densité moyenne à l’échelle nationale a été observée. Cette hausse fait ressortir la possibilité que les mines de métaux aient un effet stimulant sur certains indicateurs.
Première période | Deuxième période | |
---|---|---|
Condition | poissons plus maigres | poissons plus maigres |
Poids relatif du foie | foies plus petits | foies plus petits |
Poids relatif des gonades | résultats variés | organes reproducteurs tendant à être plus petits |
Poids selon l'âge | résultats variés | croissance plus lente |
Âge | résultats variés | population plus vieille |
Première période | Deuxième période | |
---|---|---|
Densité totale | moins d’individus par unité de surface | plus d'individus par unité de surface |
Richesse taxonomique | moindre variété | moindre variété |
Indice de dissimilarité de Bray-Curtis | modification de la structure des communautés | modification de la structure des communautés |
Indice de régularité de Simpson | modification de la structure des communautés | résultats variés |
Évaluation générale des résultats obtenus à ce jour : Profils de réponse d’inhibition observés chez les poissons et les invertébrés benthiques des zones exposées, et possibilité d’effets stimulateurs à certaines mines.
La tendance globale à produire des effets inhibiteurs est particulièrement manifeste lorsque ces résultats sont comparés à ceux obtenus pour l’industrie des pâtes et papiers, la seule autre industrie ayant fait l’objet d’un examen de la même envergure au Canada. En effet, des analyses semblables effectuées sur les données des ESEE du secteur des pâtes et papiers ont, de façon répétée, révélé des effets plutôt stimulateurs à l’échelle nationale, notamment des hausses significatives du coefficient de condition, du taux de croissance et de la taille relative du foie chez les poissons, de même qu’une augmentation de la densité des invertébrés benthiques, bien qu’on ait aussi observé des perturbations métaboliques dans la croissance des gonades chez les poissons, se traduisant par des gonades de taille réduite (Lowell et al., 2003, 2005). On estime que les effets stimulateurs seraient dus, dans ce cas, aux apports excessifs de nutriants dans les eaux réceptrices. En revanche, les données sur les mines de métaux indiquent que les effets inhibiteurs sont comparativement plus courants dans le biote exposé aux effluents des mines de métaux. Ce phénomène pourrait avoir diverses causes, allant des effets directs de la toxicité (Hruska et Dubé, 2004) et de l’altération des habitats, à des effets indirects comme le manque de nourriture dû aux effets des effluents sur les proies (Munkittrick et Dixon, 1988) et à l’exposition des poissons aux substances toxiques par voie alimentaire (invertébrés contaminés par les métaux) (Hansen et al., 2004; Woodward et al., 1994, 1995).
On a subdivisé les résultats des méta-analyses en répartissant les mines de métaux en sous-groupes, selon les types de minerais et d’habitats. Trois des critères liés aux poissons (poids selon l’âge, taille relative des gonades et âge) dont le profil de réponse a changé au cours de la deuxième période d’évaluation et le critère de la densité chez les invertébrés benthiques ont été étudiés.
En ce qui a trait au critère du poids selon l’âge, la diminution, à l’échelle nationale, des taux de croissance des poissons exposés était fortement associée aux mines de métaux qui rejettent leurs effluents dans les habitats lacustres et fluviaux, ainsi qu’aux mines de métaux communs et de minerai de fer. Quant au critère de la taille des gonades des poissons, la diminution, à l’échelle nationale, de la taille des gonades des poissons exposés était surtout associée aux mines de métaux qui rejettent leurs effluents dans les habitats fluviaux, ainsi qu’aux mines de métaux précieux et de métaux communs. Pour ce qui est du critère de l’âge, le profil national montrant des poissons exposés plus vieux était fortement associé aux mines de métaux qui rejettent leurs effluents dans les habitats lacustres et fluviaux, ainsi qu’aux mines de métaux précieux et d’uranium. Le profil national montrant l’augmentation de la densité des invertébrés benthiques exposés était associé à tous les types d’habitats et de minerais, à l’exception des habitats situés dans les zones d’érosion des rivières.
Il a été avancé que d’autres facteurs avaient également influé sur les effets des effluents des mines de métaux. Les augmentations de la densité observées durant la deuxième période d’évaluation nationale auraient pu avoir été causées par l’intensification des activités minières au cours des dernières années, qui aurait fait augmenter le débit des effluents et mené à l’accroissement des effets d’enrichissement en nutriants. Les analyses décrites à la section 6.5, toutefois, donnent à penser autrement. Il n’y a pas eu d’augmentation globale du débit des effluents entre les deux périodes d’évaluation nationale. De plus, rien n’indique que les changements dans le débit des effluents aient eu une influence globale prédominante sur les modifications de l’ampleur et du profil des effets en ce qui concerne la densité et la richesse taxonomique. Les changements dans le débit des effluents pourraient avoir joué sur les effets à certaines mines de métaux, mais il ne s’agit probablement que d’un facteur parmi d’autres pouvant avoir une incidence sur l’ampleur et le profil des effets.
Deux autres facteurs peuvent avoir joué sur les effets des effluents, soit la concentration des effluents et le caractère intermittent ou continu des rejets des mines de métaux. Lowell et al. (2008) ont observé une augmentation des effets sur les invertébrés benthiques en présence de plus fortes concentrations d’effluents dans le milieu récepteur, comme prévu. Néanmoins, la concentration des effluents n’explique que dans une faible mesure l’hétérogénéité des effets mesurés, ce qui donne à penser qu’elle n’a pas une influence prépondérante sur l’ampleur des effets. Comme l’indiquent aussi Lowell et al. (2008), aucun des neuf principaux critères des études sur les poissons et les invertébrés benthiques n’était corrélé de façon significative au nombre de mois durant lesquels les mines de métaux avaient déversé des effluents au cours de l’année. Le caractère intermittent ou continu des rejets ne semble donc pas avoir d’influence prononcée sur les effets des effluents.
Les effets des effluents sur le potentiel d’utilisation des poissons ont été évalués par le dosage du mercure dans les tissus des poissons. Ces mesures étaient exigées lorsque la concentration du mercure dans l’effluent dépassait 0,1 μg/L. Seulement une mine a détecté des concentrations tissulaires de mercure supérieures au niveau « produisant un effet » de 0,45 μg/g chez les poissons de la zone exposée. Toutefois, les concentrations tissulaires de mercure chez les poissons de la zone exposée étaient presque trois fois moins élevées que les concentrations observées dans la zone de référence. À ce jour, les données existantes ne permettent donc pas de conclure que les effluents des mines de métaux sont, dans l’ensemble, liés à de fortes concentrations de mercure dans les tissus des poissons.
Les mines de métaux effectuant un suivi des effets sur l’environnement ont consacré bien des efforts à la conception d’études permettant de distinguer les effets associés à des rejets récents de ceux découlant de rejets historiques ou d’autres facteurs susceptibles d’influer sur les réponses mesurées (terres à vocation multiple, autres sources d’effluents industriels ou municipaux, etc.). Malgré tout, l’incertitude persiste pour certaines mines. À mesure que les mines de métaux effectueront d’autres cycles de collecte de données d’ESEE, l’amélioration continue des plans d’étude et des analyses ainsi que les recherches menées dans certaines mines devraient permettre de mieux comprendre la part jouée par ce genre de facteurs dans les effets mesurés.
De façon générale, les distributions de fréquence des données de toxicité sublétale de la première période d’évaluation nationale étaient seFmblables à celles de la deuxième. Si on regarde uniquement les données pour les organismes examinés exposés à un effluent en une concentration de 100 %, il semblait y avoir une amélioration de la qualité des effluents au cours des deux périodes, mais il est trop tôt pour déterminer si cette possible amélioration est suffisante pour être probante sur le plan biologique. Les essais sur C. dubia et L. minor ont généralement été les plus sensibles aux effluents des mines, pour tous les types de mines confondus. Pour L. minor, le nombre de frondes était plus sensible que le poids sec. Les essais chez les poissons ont été relativement moins sensibles par rapport aux autres essais, sauf en ce qui a trait aux effluents des mines de minerai de fer, auxquels le méné à grosse tête était plutôt sensible.
Les mines de métaux effectuant un suivi des effets sur l'environnement ont consacré bien des efforts à la conception d'études permettant de distinguer les effets associés à des rejets récents de ceux découlant de rejets historiques ou d'autres facteurs susceptibles d'influer sur les réponses mesurées (terres à 54 vocation multiple, autres sources d'effluents industriels ou municipaux, etc.). Malgré tout, l'incertitude persiste pour certaines mines. À mesure que les mines de métaux effectueront d'autres cycles de collecte de données d'ESEE, l'amélioration continue des plans d'étude et des analyses ainsi que lesrecherches menées dans certaines mines devraient permettre de mieux comprendre la part jouée par ce genre de facteurs dans les effets mesurés.
Malgré la quantité considérable de données et le grand nombre de mines dont le présent rapport fait état, il ne s’agit du fruit que de deux périodes de suivi, et certaines variations d’une phase à l’autre pourraient être en partie attribuables à des facteurs autres que l’exposition aux effluents. D’autres cycles de collecte de données permettront de mieux comprendre dans quelle mesure les profils de réponse sont constants ou variables dans le temps. Certaines mines dont les effets sont confirmés en sont maintenant à la phase de recherche des causes, et les informations qui seront recueillies au cours du prochain cycle de collecte de données seront très importantes pour établir plus précisément la nature des effets des effluents des mines de métaux. Les analyses à venir permettront de brosser un tableau plus complet des effets des effluents des mines de métaux au Canada.
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