3. Le mercure dans l’environnement

L’Évaluation scientifique sur le mercure au Canada (l’évaluation) publiée en 2016 est la première évaluation et synthèse scientifique exhaustive qui donne de l’information sur le mercure présent dans l’environnement canadien (Environnement et Changement climatique Canada, 2016). Au Canada, les programmes de surveillance environnementale mesurent les niveaux de mercure dans l’air, l’eau, les plantes et chez les animaux. Environnement et Changement climatique Canada se charge de cette tâche, principalement par le truchement de l'Initiative horizontale : Lutte contre la pollution atmosphérique et des programmes de surveillance en vertu du Plan de gestion des produits chimiques, ainsi que par le Ministère des Relations Couronne - Autochtones et Affaires du Nord Canada, notamment en vertu du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. À moins d’indication contraire, les données de surveillance résumées ci-dessous sont tirées de cette évaluation.

3.1 Mercure dans l’atmosphère

Entre 1995 et 2011, les niveaux de mercure dans l’atmosphère ont diminué en moyenne de 18 %. Les concentrations totales de mercure à l’état gazeux se situaient généralement (à quelques exceptions près) à une valeur comprise entre 1,2 et 1,9 nanogrammeNote de bas de page 1 par mètre cube (ng/m3) partout au Canada. Le mercure déposé par des précipitations correspondait à une quantité qui oscillait en moyenne entre 100 et 800 ng/m2 par mois (Cole et coll., 2013 (en anglais seulement)). En outre, au cours de cette même période, de nombreuses régions ont affiché des réductions plus importantes que la moyenne pour ce qui est des concentrations de mercure dans l’atmosphère.

De nombreux facteurs influent sur la quantité de mercure présente dans l’atmosphère. Ainsi, les niveaux de mercure dans l’atmosphère prendront beaucoup plus de temps à diminuer aux endroits et à proximité de lieux où il y a eu accumulation de mercure pendant de nombreuses années, comme les environs d’une fonderie de métaux ou d’un autre type d’installation industrielle. Un autre facteur concerne le déplacement du mercure en provenance de sources étrangères. C’est ce qui a été soulevé, par exemple, dans les conclusions récentes établissant l’augmentation des niveaux de mercure dans l’atmosphère à deux endroits au Canada : Little Fox Lake dans le territoire du Yukon et Whistler Mountain, en Colombie-Britannique. Par ailleurs, certains endroits à dépôt élevé de mercure ont été relevés le long de la côte dans l’ouest de l’Arctique et la région subarctique. Les tendances en matière de dépôt de mercure évoluent avec le temps et elles diffèrent maintenant par rapport aux déclarations de l’Évaluation scientifique sur le mercure au Canada. Ces observations seraient attribuables aux émissions de mercure en provenance de l’Asie et aux conditions météorologiques induites par le changement climatique.

3.2 Mercure dans l’eau

Il y a une surveillance des niveaux de mercure et dans certains cas des taux de méthylmercure dans l’eau de surface de plans d’eau douce importants partout au Canada, ce qui comprend la région du Pacifique, les effluents de la région des sables bitumineux de la rivière Athabasca, les Grands Lacs et les voies interlacustres, la voie maritime du Saint-Laurent, la baie d’Hudson, ainsi que le Canada atlantique. Il est établi que les polluants atmosphériques comme les oxydes d’azote et les oxydes de soufre émis par une source industrielle entraînent l’acidification des lacs et des ruisseaux. Les plans d’eau déficitaires en éléments nutritifs sont soient naturellement acides, soit qu’ils subissent les effets d’une acidification caractérisée par des taux plus élevés de méthylmercure, comparativement aux plans d’eau riches en éléments nutritifs et moins acides. Les lacs acides contiennent généralement du poisson et une faune piscivore qui renferment des niveaux de mercure relativement plus élevés, par rapport aux taux des lacs non acides. Dans les études examinées aux fins de l’Évaluation scientifique sur le mercure au Canada, aucun échantillon d’eau n’a dépassé la valeur de 26 ng/L pour ce qui est du mercure et de 4 ng/L en ce qui concerne le méthylmercure, valeurs de référence qui figurent dans les Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux : Protection de la vie aquatique – Mercure inorganique et méthylmercure.

3.3 Niveaux de mercure dans les animaux

La quantité de méthylmercure dans l’environnement détermine les niveaux de mercure présents chez les animaux. Le méthylmercure (la forme la plus toxique de mercure) s’accumule dans le corps des animaux. Les animaux et les êtres humains absorbent et conservent généralement pendant un certain temps la plupart du méthylmercure que renferment les aliments qu’ils consomment (bioaccumulation). À chaque stade de la chaîne alimentaire, les prédateurs accumulent le mercure de leurs proies. Au cours de leur existence, ils affichent donc des niveaux de mercure beaucoup plus élevés que ceux présents dans leurs proies (bioamplification). Il s’ensuit que les grands poissons prédateurs, les mammifères et les oiseaux qui mangent du poisson sont beaucoup plus à risque de connaître des problèmes de santé et de reproduction du fait de leur exposition au méthylmercure.

La surveillance des taux de méthylmercure chez les animaux a permis d’établir une grande variation d’une espèce et d’une région à l’autre. Dans l’ensemble, les taux de méthylmercure sont demeurés stables pour près de la moitié (48 %), ils ont diminué de 21 % et augmenté de 31 % parmi les populations à l’étude. La plupart des espèces de poissons et de la faune étudiées au cours de l’évaluation avaient des taux de méthylmercure sous un niveau dont on estime qu’il cause des décès ou provoque des blessures. Toutefois, malgré ce constat, l’évaluation a par ailleurs mis en lumière le fait que les taux de méthylmercure dans certaines populations de poissons et d’animaux sauvages qui mangent du poisson au Canada pourraient être suffisamment élevés pour induire un changement de comportement et avoir une incidence sur les possibilités de reproduction.

Parmi les populations qui affichent une augmentation des taux de méthylmercure, la grande majorité (83 %)Note de bas de page 2 se trouve dans l’Arctique. Les conditions environnementales de l’Arctique évoluent rapidement en raison du changement climatique et de grandes quantités d’émissions de mercure de l’étranger s’y déposent. On estime que ces deux facteurs sont susceptibles d’avoir joué un rôle dans l’accroissement des taux de méthylmercure observé chez de nombreuses populations d’espèces arctiques. Les plus fortes augmentations des taux de méthylmercure ont été observées chez les oiseaux de mer. Selon les données d’une surveillance de courte durée, le poisson est la seule population animale de l’Arctique à afficher une diminution générale des taux de méthylmercure. Toutefois, malgré cette diminution, les niveaux de mercure chez certaines espèces de poisson peuvent demeurer préoccupants, sachant que les régimes alimentaires traditionnels de collectivités autochtones de la région reposent en grande partie sur le poisson et les mammifères marins.

La région des Grands Lacs a exhibé les diminutions les plus importantes et les plus fréquentes des taux de méthylmercure dans certaines populations (40 % des populations de poisson et des oiseaux de mer à l’étude). Cependant, des données récentes indiquent que certaines populations qui avaient affiché précédemment une diminution ou un maintien des taux de méthylmercure affichent maintenant une tendance à la hausse (Environnement et Changement climatique Canada et Environmental Protection Agency des États-Unis, 2017). Le changement climatique, les modifications du réseau alimentaire du fait de la présence d’espèces envahissantes et des niveaux d’eau qui fluctuent sont autant de facteurs dont on juge qu’ils ont contribué à cette augmentation générale des taux (Blukaz-Richards et coll., 2017). D’autres données sont actuellement recueillies dans le cadre de programmes canadiens et américains de surveillance pour aider à mieux comprendre les causes de cette progression des taux.

une carte du Canada illustrant les tendances générales des concentrations de mercure au fil du temps chez les mammifères, les poissons, les oiseaux de mer et les moules échantillonnés sur diverses périodes, entre 1967 et 2012.
Figure 4. Tendances globales dans les concentrations de mercure chez les mammifères terrestres, les poissons, les ours polaires, les bélugas, les phoques, les oiseaux marins et les moules du Canada (1967-2012).
Description longue

La figure 4 est une carte du Canada illustrant les tendances générales des concentrations de mercure au fil du temps chez les mammifères, les poissons, les oiseaux de mer et les moules échantillonnés sur diverses périodes, entre 1967 et 2012. Chaque groupe d’animaux est représenté par son icône (poisson, oiseau, phoque, ours blanc, caribou, orignal, baleine et moule). Les espèces précises ne sont pas identifiées dans la figure. Les tendances générales pour chaque groupe d’animaux dans les diverses régions du Canada sont représentées par trois couleurs, comme suit :

  • le rouge indique une tendance à la hausse dans les concentrations de mercure signalées chez un groupe d’animaux particulier;
  • le vert indique une tendance à la baisse dans les concentrations de mercure signalées chez un groupe d’animaux particulier;
  • le bleu indique l’absence de tendance dans les concentrations de mercure signalées chez un groupe d’animaux particulier.

Aucune tendance distincte dans les concentrations de mercure ne se dessine au Yukon chez les poissons, les caribous et les orignaux échantillonnés dans le territoire, à l’exception d’un petit nombre de groupes de poissons montrant une tendance à la baisse. Par contre, les Territoires du Nord-Ouest montrent :

  • un nombre égal de tendances à la hausse et de tendances nulles des concentrations de mercure chez les poissons;
  • une tendance à la hausse chez les ours blancs;
  • une tendance à la baisse chez les cétacés.

Le sud du Nunavut affiche des tendances à la baisse dans les concentrations de mercure chez les poissons, alors que le centre et le nord du territoire n’affichent aucune tendance ou montrent des tendances à la hausse chez les poissons. Toujours au Nunavut, aucune tendance ne se manifeste chez les phoques et les ours blancs, alors que les baleines montrent une tendance à la baisse, et tous les oiseaux de mer, une tendance à la hausse.

En Colombie-Britannique, en Alberta et au Manitoba, les concentrations de mercure montrent des tendances à la baisse presque égales, mais aucune tendance chez les poissons.

En Ontario, les concentrations de mercure chez les poissons affichent principalement une tendance à la baisse ou une absence de tendance, à l’exception d’une population qui connaît une tendance à la hausse dans l’ouest de la province. Les concentrations chez les oiseaux de mer affichent une tendance à la baisse au fil du temps.

Dans le sud du Québec, les concentrations de mercure montrent des tendances à la baisse chez les oiseaux de mer et les poissons, mais aucune tendance n’est observée chez les cétacés. Dans le centre de la province, les teneurs en mercure montrent soit une absence de tendance, soit une tendance à la hausse chez les poissons, tandis qu’aucune tendance n’est présente chez les oiseaux de mer. Dans le nord du Québec, les concentrations de mercure montrent des tendances à la hausse chez les poissons de la côte nord-est et des tendances à la baisse chez les poissons des eaux intérieures nordiques. Les ours blancs et les cétacés de l’est de la baie d’Hudson ne montrent aucun changement dans les tendances.

Dans les Maritimes, les concentrations de mercure n’affichent aucune tendance chez les oiseaux de mer et les poissons, à l’exception de Terre-Neuve, où les oiseaux de mer connaissent une tendance à la hausse. Enfin, dans les Maritimes, les concentrations de mercure chez les moules affichent une tendance à la baisse au fil du temps.

3.4 Conclusion

Dans l’ensemble, les données de surveillance environnementale communiquées ci-dessus indiquent une diminution des niveaux de mercure dans l’atmosphère, l’eau et les biotes partout au Canada. Toutefois, des tendances à la hausse des niveaux de mercure ont été relevées dans l’atmosphère et chez certains animaux d’endroits précis, en particulier dans l’Arctique et certaines régions de l’Ouest canadien. La composition chimique et les conditions météorologiques uniques de l’Arctique, le changement climatique et sa localisation sous le vent de sources étrangères d’émissions de mercure peuvent avoir été autant de facteurs qui ont contribué aux augmentations observées. L’augmentation des taux de méthylmercure chez certaines populations animales de l’Arctique est préoccupante, compte tenu de l’importance du poisson et des mammifères marins dans le régime alimentaire des populations du Nord et des collectivités autochtones qui y vivent. La surveillance environnementale devrait continuer de nous aider à mieux comprendre les tendances dans le temps et l’espace relativement à la présence du mercure dans l’environnement. Cette surveillance continue est d’autant plus importante, eu égard au fait que les changements qui surviennent dans les émissions, les rejets et les transformations écosystémiques entraînent des modifications des tendances des niveaux de mercure dans l’environnement.

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