4. Le mercure et la santé humaine

4.1 Résultats de la biosurveillance humaine

Le moyen le plus direct de mesurer l’exposition humaine est la biosurveillance humaine. Les mesures de niveaux de mercure visent généralement le sang ou l’urine, mais peuvent également concerner d’autres tissus et liquides comme les cheveux, les ongles ou le lait d’allaitement. Ces évaluations indiquent la quantité de substance chimique présente chez la personne visée.

Le Canada dispose de programmes de biosurveillance de la présence du mercure dans la population générale, les collectivités autochtones et les populations inuites. Ces mesures font ensuite l’objet de comparaisons avec les recommandations de Santé Canada sur la composition sanguine.

Santé Canada a établi une valeur de référence de taux acceptables de méthylmercure dans le sang, de 20 microgrammesNote de bas de page 1 par litre (µg/L) ou une valeur plus faible pour les hommes de plus de 18 ans et chez les femmes de 50 et plus (Santé Canada, 1999). En 2010, une valeur acceptable de 8 μg/L ou moins a été entérinée pour les enfants de 18 ans et moins, les femmes en âge de procréer (âgées de 19 à 49 ans) et les femmes enceintes. Cette nouvelle règle visait à reconnaître que le système nerveux en développement du fœtus et des jeunes enfants les expose davantage aux risques que pourrait poser pour la santé le méthylmercure (Legrand et coll., 2010).

Il est possible de détecter ou non une tendance de présence du mercure dans le sang si des mesures sont prises à plus d’une reprise au cours d’une période donnée. Les données ci-dessous sont tirées de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (Statistique Canada, 2013 et 2017) et d’un certain nombre d’études exhaustives récentes, y compris l’Évaluation scientifique sur le mercure au Canada (2016) et l’Évaluation de la santé humaine du Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique (2015).

4.1.1 Population canadienne en général

Le taux total de mercure dans la population générale canadienne fait l’objet de mesures constantes dans le cadre de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santéNote de bas de page 2. Cette enquête a débuté en 2007 et Statistique Canada la pilote, conjointement avec Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada. L’enquête comprend une analyse des échantillons de sang, d’urine et de cheveux prélevés auprès des participants durant l’enquête pour y détecter une large gamme de produits chimiques présents dans l’environnement (Santé Canada, 2017 ; Statistique Canada, 2017).

Comme l’illustre la figure 5, entre 2007 et 2009, le taux moyen de mercure dans le sang s’établissait à 0,88 μg/L ; de 2009 à 2011, à 0,92 μg/L ; de 2012 à 2013, à 0,92 μg/L ; en 2014 et 2015, à 0,70 μg/L. La majorité des Canadiens avaient donc un niveau de mercure bien en deçà des valeurs de référence canadiennes pour cette substance dans le sang et leurs taux ne semblent pas changer au fil du temps (Statistique Canada, 2017). Comme l’illustre la figure 6, comparativement aux Canadiens plus âgés, les jeunes Canadiens ont des niveaux de mercure plus bas.

Taux moyens (géométriques) de mercure dans le sang des Canadiens âgés de 20 à 79 ans, en regard des lignes directrices sur le niveau de mercure dans le sang.
Figure 5. Taux moyens (géométriques) de mercure dans le sang des Canadiens âgés de 20 à 79 ans, en regard des lignes directrices sur le niveau de mercure dans le sang.
Description longue

Diagramme à barres qui indique la moyenne géométrique, avec barres d’erreur, des niveaux de mercure dans le sang des Canadiens au fil des années. Une ligne horizontale qui intercepte l’axe y indique que la limite recommandée de mercure dans le sang de 8 µg/L chez les enfants de moins de 18 ans, les femmes en âge de procréer (jusqu’à 49 ans) et les femmes enceintes, tandis que la présence d’une autre ligne horizontale indique la limite recommandée d’un niveau de mercure dans le sang de 20 µg/L, chez les hommes de plus de 18 ans et les femmes de 50 ans et plus, à des fins comparatives. Pour la période 2007-2009, le niveau de mercure est de 0,88 µg/L; pour la période 2009-2011, le taux est de 0,92 µg/L; pour la période 2012-2013, le taux est de 0,92 µg/L; pour la période 2014-2015, le taux est de 0,70 µg/L. Tous les taux se situent bien en deçà des valeurs de référence.

Taux moyens (géométriques) de mercure dans le sang chez les Canadiens par groupe d’âge au fil des ans.

Figure 6. Taux moyens (géométriques) de mercure chez les Canadiens par groupe d’âge au fil des ans

Note. Dans certains cas, les taux moyens n’ont pu être établis, car les niveaux de mercure chez les participants du groupe d’âge en cause étaient trop souvent sous la limite détectable.

Description longue

Diagramme à barres qui indique le niveau (géométrique) moyen, avec barres d’erreur, des niveaux de mercure dans le sang par groupe d’âge et période. Premier groupe de moyenne géométrique – 3 à 5 ans pour la période 2009-2011, 0,27 µg/L; deuxième groupe – 6 à 11 ans, pour la période 2007-2009, 0,26 µg/L , et pour la période 2009-2011, 0,28 µg/L; troisième groupe – 12 à 19 ans, pour la période 2007-2009, 0,30 µg/L , et pour la période 2009-2011, 0,27 µg/L; quatrième groupe – 20 à 39 ans, pour la période 2007-2009, 0,65 µg/L, pour la période 2009-2011, 0,64 µg/L, et pour la période 2012-2013, 0,82 µg/L; cinquième groupe – 40 à 59 ans pour la période 2007-2009, 1,00 µg/L, pour la période 2009-2011, 1,00 µg/L , pour la période 2012-2013, 0,96 µg/L, et pour la période 2014-2015, 0,77 µg/L; sixième groupe – 60 à 79  ans pour la période 2007-2009, 0,87 µg/L, pour la période 2009-2011, 1,10 µg/L , pour la période 2012-2013, 1,00 µg/L, et pour la période 2014-2015, 0,88 µg/L .

Dans l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé entre 2007 et 2009, moins de 1 % de la population générale (entre 6 à 79 ans) avait un niveau de mercure qui se situait au-dessus de la valeur recommandée de 20 µg/L (Santé Canada, 2010). Dans la même enquête, 1,61 % des Canadiennes enceintes, des femmes en âge de procréer et des enfants avaient un taux qui dépassait la valeur recommandée de 8 µg/L (Lye et coll., 2013). Du reste, puisque les niveaux de mercure dans le sang de la population générale adulte du Canada n’ont pas changé de manière importante entre 2007 et 2015 (Statistique Canada, 2017), le pourcentage des Canadiens qui ont un niveau de mercure dans le sang supérieur aux limites acceptables est également demeuré constant. Presque tous les Canadiens devraient avoir un niveau de mercure dans le sang qui se situe sous la barre des valeurs recommandées de 8 µg/L et de 20 μg/L. Les risques de santé publique dans la population générale demeurent toujours faibles. Des avis sanitaires et des interventions en santé publique peuvent avoir contribué à cet état de choses.

4.1.2 Collectivités autochtones

L’exposition au mercure est généralement plus élevée chez les personnes dont le régime alimentaire comprend une forte proportion de poissons et de mammifères marins, comme c’est le cas de nombreuses collectivités autochtones, en particulier les collectivités inuites. Les régimes alimentaires composés d’aliments récoltés de la nature comportent d’importants avantages nutritionnels, mais ils peuvent également accroître l’exposition au mercure (Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique [PSEA], 2011).

En vertu de l’Initiative de biosurveillance des Premières Nations (PDF) (l’Initiative), le taux moyen total de mercure dans le sang chez les adultes autochtones (âgés de 20 ans et plus) qui vivent dans une réserve dans le sud du Canada a fait l’objet d’une étude. Le taux moyen de mercure total dans le sang dans cette frange de la population ne différait pas substantiellement du taux moyen d’autres groupes de la population générale canadienne, selon l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, même si les écarts étaient beaucoup plus marqués sur le plan individuel au sein de cette frange de la population. Par ailleurs, 6 des 13 collectivités autochtones qui ont participé à l’Initiative ont affiché sur le plan statistique des niveaux de mercure plus élevés que la population générale canadienne. L’Initiative a établi que le taux moyen de mercure dans le sang de 95 % de la population se situait à moins de 9,28 µg/L, bien en deçà de la limite dans le sang recommandée de 20 µg/L. Le taux moyen pour 90 % de toutes les femmes était inférieur à 6,42 µg/L. Toutefois, en élargissant le taux moyen à 95 % des femmes, le taux moyen est passé à 9,85 µg/L, ce qui est supérieur à la limite dans le sang recommandée de 8 µg/L pour les femmes en âge de procréer (Assemblée des Premières Nations, 2013).

Chez les Inuits, le niveau de mercure dans le sang était plus élevé que dans les populations au sud du Canada, les taux moyens s’établissant entre 2,8 µg/L et 12 µg/L dans les collectivités de la région désignée des Inuvialuit, du Nunavut, du Nunavik et du Nunatsiavut. Chez les femmes en âge de procréer dans ces régions, le taux moyen de mercure dans le sang se situait entre 1,7 µg/L et 8,4 µg/L (Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, 2015). Au Nunavut, la fréquence relative de niveaux de mercure supérieurs à la limite recommandée par Santé Canada, de 20 μg/L dans le sang total, était plus élevée chez les hommes, chez toutes les femmes et parmi les femmes en âge de procréer, comparativement aux autres régions nordiques du Canada. Plus particulièrement, chez les femmes en âge de procréer ayant participé à l’enquête, les dépassements de la limite de mercure dans le sang recommandée de 8 µg/L pour ce groupe d’âge s’établissaient entre 9,3 % et 36 % (figure 7) (Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, 2015).

Dépassements de la limite de mercure dans le sang recommandée chez les femmes en âge de procréer dans le Nord canadien (PSEA, 2015).

Figure 7. Dépassements de la limite de mercure dans le sang recommandée chez les femmes en âge de procréer dans le Nord canadien (Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, 2015).

Note. « RDI » – Région désignée des Inuvialuit

Description longue

Diagramme à barres qui indique les dépassements en pourcentage de la limite de mercure dans le sang recommandée, par région dans le Nord canadien. Premier groupe – région désignée des Inuvialuit, dépassement de 12,2 % de la limite recommandée de 8 µg/L et dépassement  de 1,4 % de la limite recommandée de 20 µg/L; deuxième groupe – pour le Nunavut, dépassement de 36 % de la limite recommandée de 8 µg/L et dépassement de 10,2 % de la limite recommandée de 20 µg/L; troisième groupe – pour le Nunatsiavut, dépassement de 9,3 % de la limite recommandée de 8 µg/L et dépassement de 1,7% de la limite recommandée de 20 µg/L; quatrième groupe – pour le Nunavik, dépassement de 37,9 % de la limite recommandée de 8 µg/L et dépassement de 3,2 % de la limite recommandée de 20 µg/L.

Cela étant, les niveaux de mercure dans le sang ont diminué au fil des ans dans certaines franges de la population inuite, notamment chez les personnes les plus exposées aux effets connexes. Ainsi,

Chronologie des tendances des niveaux de mercure dans le sang chez des femmes inuites enceintes du Nunavik, au Québec (PSEA, 2015)
Figure 8. Chronologie des tendances des niveaux de mercure dans le sang chez des femmes inuites enceintes du Nunavik, au Québec (Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, 2015)
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Chronologie des tendances des niveaux de mercure dans le sang chez des femmes inuites enceintes du Nunavik, au Québec (PSEA, 2015). Diagramme qui comprend des points de données et des barres d’erreur, ainsi que la droite de meilleur ajustement. Les points de données désignent des taux moyens (géométriques) de mercure dans le sang total mesurés sur une période précise. Les taux moyens de mercure dans le sang s’établissent ainsi : 12,0 µg/L en 1992, 13,3 µg/L en 1996, 11,4 µg/L en 1997, 7,2 µg/L en 1998, 8,5 µg/L en 1999, 9,0 µg/L en 2000, 10,0 µg/L en 2001, 8,3 µg/L en 2004, 4,0 µg/L en 2007, 5,0 µg/L pour la période 2011-2012 et  5,2 µg/L en 2013.  La droite de meilleur ajustement indique une diminution d’environ  8 µg/L entre 1992 et 2013.

Un examen des diverses études de biosurveillance humaine déjà abordées dans ce rapport a eu lieu pour dégager des tendances en matière de niveaux de mercure dans le sang chez les Canadiens. L’examen est résumé dans le tableau 2. Ce tableau fait également état des proportions des populations pour lesquelles on a établi des niveaux de mercure sanguin dépassant la limite recommandée au Canada. Même si au fil des ans, les niveaux de mercure dans le sang semblent diminuer chez les Inuits, les populations nordiques du Canada continuent d’afficher des taux qui dépassent la limite nationale recommandée, le pourcentage de ces dépassements étant nettement plus élevé que dans la population générale canadienne. La diminution générale observée en ce qui concerne l’exposition des Inuits au mercure peut s’expliquer par les modifications survenues dans leur régime alimentaire, en particulier leur abandon d’un régime alimentaire traditionnel, plutôt qu’une évolution des niveaux de mercure dans les poissons et les mammifères marins qui composent ce régime alimentaire. Aucune tendance ne peut être dégagée en ce qui concerne les populations autochtones, tandis que les taux dans la population générale canadienne sont demeurés inchangés pour l’essentiel entre 2007 et 2015.

Tableau 2. Résumé des dépassements des limites de mercure dans le sang recommandées et tendances connexes dans diverses populations
Population Dépassement de la limite de mercure dans le sang recommandée, soit 20 µg/L chez les hommes (plus de 18 ans) et chez les femmes (plus de 49 ans) Nom de l’étude (période visée) Tendance dans la population
Population générale, hommes et femmes (âgés de 6 à 79 ans) < 1 % Enquête canadienne sur les mesures de la santé (2014-2015) (a) Stable
Hommes et femmes autochtones (de plus de 20 ans) (vivant sur une réserve, au sud du 60e parallèle) < 5 % Initiative de biosurveillance des Premières Nations (2011) (PDF) Aucune tendance à dégager
Femmes inuites (entre 18 et 90 ans) (région de l’Arctique)
16,2 % Étude sur la santé des Inuits (2007 et 2008) (c) Diminution
Hommes inuits (18 à 89 ans) (région de l’Arctique)
23,2 % Étude sur la santé des Inuits (2007 et 2008) (c) Diminution
Population
Dépassement de la limite de mercure dans le sang recommandée, soit 8 µg/L chez les enfants (18 ans et moins) et les femmes en âge de procréer (18 à 49 ans) Nom de l’étude (période visée) Tendance dans la population
Population générale, femmes enceintes, femmes en âge de procréer et enfants 1,61 % Étude canadienne sur les mesures de la santé (2007 à 2009) (d) Stable
Femmes autochtones (de plus de 20 ans) (vivant sur une réserve au sud du 60e parallèle) 5 à 10 % Initiative de biosurveillance des Premières Nations (2011) (PDF) (b) Aucune tendance à dégager
Inuits – femmes en âge de procréer (de 18 à 39 ans) (dans la région de l’Arctique)
30,6 % Étude sur la santé des Inuits (2007-2008) (c) Diminution

a Statistique Canada, 2017.

b Assemblée des Premières Nations, 2013.

c Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique (PSEA), 2015.

d Lye et coll., 2013

Comme les mammifères marins de l’Arctique affichent des taux passablement élevés de mercure, ces aliments de la nature constituent un apport important aux niveaux de mercure dans le sang des Inuits. Chez les enfants inuits, il a été établi que l’apport nutritif de ces mammifères a été le facteur qui a le plus contribué à la présence du méthylmercure dans le corps. En outre, les résultats de la biosurveillance ont indiqué que 25 % de ces enfants dépassaient la limite recommandée par l’Organisation mondiale de la santé pour le mercure dans les cheveux (Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, 2011). Par voie de conséquence, en juin 2012, le gouvernement du Nunavut a émis un avis de consommation à l’intention des femmes en âge de procréer, leur conseillant de diminuer leur consommation de foie de phoque annelé (Gouvernement du Nunavut, 2012). Laird et coll. (2013) ont par ailleurs établi que le foie de phoque annelé était la principale source de mercure chez les Inuits du Nunavut. Le gouvernement du Nunavik a en outre émis un avis de consommation concernant la chair de béluga, qui est la principale source de mercure chez les Inuits (Lemire et al. 2015).

4.1.3 Conclusion

Les résultats de la biosurveillance indiquent que des progrès sont réalisés au chapitre de la réduction maximale de l’exposition des êtres humains au mercure. Les niveaux de mercure dans la population générale canadienne sont faibles et relativement stables. Concernant les collectivités autochtones du sud du pays, les niveaux de mercure observés étaient semblables aux taux observés dans la population canadienne générale. La comparaison des données sur les collectivités autochtones du sud du pays et celles se rapportant à la population générale canadienne comporte des limites. En effet, il existe dans les faits un large éventail de niveaux de mercure sanguin dans la population autochtone du sud du pays, ce large éventail n’étant pas observé dans la population canadienne générale. Une étude statistique comparative par collectivité a été menée dans 6 des 13 collectivités autochtones étudiées. De fait, les six collectivités autochtones étudiées avaient des niveaux de mercure statistiquement plus élevés que la population canadienne dans son ensemble. Les populations inuites du Nord ont des niveaux de mercure plus élevés que la plupart des Canadiens, mais ces taux ont diminué au fil des ans. Ces diminutions pourraient être attribuables à la consommation réduite de certains aliments traditionnels. Eu égard aux avantages sur les plans nutritionnel, culturel et spirituel des régimes alimentaires traditionnels, des efforts soutenus doivent être consentis pour diminuer autant que possible les niveaux de mercure dans ces réseaux trophiques pour protéger la santé humaine.

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