Réponse du Ministre à l'avis d'opposition: Forest Products Association of Canada - février 2023

Mme MAHIMA SHARMA
VICE_PRÉSIDENTE, INNOVATION, ENVIRONNEMENT
ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
FOREST PRODUCTS ASSOCIATION OF CANADA
99 BANK STREET, SUITE 410
OTTAWA ON K1P 6B9

Chère Mme Sharma,

La présente lettre fait suite à l’avis d’opposition et à la demande de constituer une commission de révision que vous avez déposés au nom de Forest Products Association of Canada

(APFC) concernant le projet de décret d’ajout d’une substance toxique (tallöl brut) à l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE]. Le projet de décret a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada le 18 février 2023.

Le paragraphe 332(2) de la LCPE prévoit que quiconque peut présenter un avis d’opposition motivé demandant la constitution d’une commission de révision. Comme précisé au paragraphe 333(1) de la LCPE, la commission de révision serait dans ce cas chargée d’enquêter sur la nature et l’importance du danger que représente le tallöl brut.

J’ai examiné attentivement les questions énoncées dans votre avis d’opposition, y compris votre demande d’examen des commentaires fournis par le National Council for Air and Stream Improvement, Inc. (NCASI) à Environnement et Changement climatique Canada le 8 février 2023 ainsi que votre lettre de suivi datée du 19 avril 2023, qui demandait que les commentaires du NCASI du 13 avril 2023 soient également pris en compte dans l’avis d’opposition. Comme les renseignements fournis dans votre avis, votre lettre supplémentaire et les notes de service du NCASI n’ont pas soulevé suffisamment d’incertitude ou de doute quant aux considérations sous-jacentes au projet de décret pour justifier la constitution d’une commission de révision, je rejette votre demande et ne constituerai pas une telle commission. Les considérations sous-jacentes au projet de décret portent sur à la capacité du tallöl brut d’avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique, comme le prévoit l’article 64 de la LCPE.

Dans votre avis d’opposition, vous avez fourni des commentaires et des données, et laissé entendre que les éléments de preuve présentés dans l’évaluation préalable finale relativement aux sites potentiels de production ou à l’estimation des rejets ou des événements environnementaux associés au tallöl brut dans les fabriques canadiennes de pâte kraft étaient erronés.

Les estimations des rejets de tallöl brut figurant dans l’évaluation préalable finale sont axées sur les composants de tallöl brut présents dans les effluents des fabriques de pâte kraft provenant d’une coproduction intentionnelle de cette substance dans certaines fabriques canadiennes de pâte kraft et non d’une production accidentelle par toutes les fabriques de pâte kraft. Ces estimations sont fondées sur des preuves scientifiques solides, y compris des données probantes provenant de visites sur place dans le cadre d’activités de production de tallöl brut au Canada. La méthode employée était à la fois réaliste et prudente; elle reflète la production actuelle de tallöl brut au Canada et n’est pas appliquée à toutes les fabriques de pâte kraft au pays dans l’évaluation préalable finale, comme l’indique incorrectement votre avis d’opposition. Les commentaires précis contenus dans la note de service du NCASI auxquels vous faites référence dans votre avis d’opposition ont également été pris en compte dans la présente réponse, et des réponses à ces commentaires sont fournies en annexe de cette lettre. Les réponses aux commentaires formulés par le NCASI en réponse à la présentation communiquée par Environnement et Changement climatique Canada au NCASI et à l’APFC le 6 mars 2023 se trouvent également en annexe. Votre avis ne fournit aucun nouveau renseignement qui soulèverait suffisamment d’incertitude ou de doute quant aux considérations qui sous-tendent le projet de décret.

Vous avez également mentionné que des mises à jour importantes avaient été apportées à la version finale de l’évaluation préalable sans consultation adéquate des intervenants sur ces changements et que la décision prise par l’autorité réglementaire n’était pas appuyée par un processus fondé sur des données probantes.

Les mises à jour auxquelles vous faites référence ont clarifié certaines hypothèses du scénario de coproduction de tallöl brut présenté dans l’ébauche d’évaluation préalable. Ces changements ont été guidés par l’information et les données reçues pendant la période de commentaires du public de 60 jours, par des preuves supplémentaires recueillies lors de visites sur place d’Environnement et Changement climatique Canada en 2019 dans le cadre d’activités de production de tallöl brut, et par l’information trouvée dans la littérature scientifique depuis la publication de l’ébauche d’évaluation préalable. Aucun nouveau scénario de rejet de tallöl brut n’a été inclus dans l’évaluation préalable finale et l’éventail de fabriques étudiées (c.-à-d. celles qui coproduisent du tallöl brut) est demeuré inchangé. Enfin, la conclusion de l’évaluation préalable est demeurée inchangée. Dans l’ensemble, les changements apportés à l’évaluation préalable finale ne constituaient pas une mise à jour importante de la méthodologie d’évaluation des risques écologiques appliquée dans l’ébauche d’évaluation préalable, contrairement à ce que vous avez laissé entendre dans l’avis d’opposition, et, par conséquent, ils n’ont pas nécessité d’autres consultations.

Les commentaires que vous avez présentés dans votre avis d’opposition ont également été pris en compte dans le contexte de l’instrument de gestion des risques qui sera élaboré pour le tallöl brut et Environnement et Changement climatiques Canada consultera les intervenants lors de l’élaboration de cet instrument.

Je vous remercie de m’avoir fait part de vos préoccupations.

Je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations distinguées.

L’honorable Steven Guilbeault, député
(il/lui/he/him)

Annexe

Les paragraphes suivants fournissent des réponses aux questions techniques supplémentaires soulevées dans votre avis d’opposition et appuyées par la note de service du NCASI datée du 8 février 2023.

1. Commentaire : Il n’est pas approprié d’extrapoler une concentration de tallöl brut dans les condensats à partir des concentrations soupçonnées d’un composant du tallöl brut (c.-à-d. les acides résiniques) et d’utiliser cette concentration pour élaborer un coefficient d’émission relatif au tallöl brut pour le traitement des eaux usées.

Réponse : L’extrapolation des acides résiniques au tallöl brut est fondée sur le principe scientifique de la conservation de la masse. Ce principe a été appliqué dans de nombreux domaines, dont l’évaluation des risques. Selon ce principe, la quantité (p. ex. la concentration) d’une substance entière peut être calculée à partir de la quantité de l’un de ses composants, d’après la proportion de ce composant. Les acides résiniques sont l’une des trois importantes sous-classes caractéristiques composant le tallöl brut. Les deux autres sous-classes sont les acides gras et les substances neutres (principalement les stérols). Étant donné que les concentrations des deux autres sous-classes dans les condensats n’étaient pas disponibles, la concentration des acides résiniques a été utilisée pour estimer la concentration de tallöl brut d’après la proportion connue d’acides résiniques dans le tallöl brut.

2. Commentaire : La concentration environnementale estimée devrait être révisée à zéro compte tenu de l’absence de données à l’appui de pertes directes et courantes de tallöl brut dans le cadre du traitement des eaux usées.

Réponse : Il existe des données qui étayent les pertes de tallöl brut lors du traitement des eaux usées. L’acide usé provenant des usines de tallöl brut est envoyé à des évaporateurs pour être éliminé et les condensats souillés provenant des évaporateurs sont envoyés dans le procédé de traitement des eaux usées (visites sur place d’ECCC en 2019). La quantité de tallöl brut perdu dans l’acide usé est importante, et représente généralement de 1 à 5 % du poids de l’acide usé. La présence de tallöl brut dans les condensats souillés est également étayée par la présence de son empreinte de composition (acides résiniques, acides gras et substances neutres ou principalement des stérols). Les renseignements susmentionnés indiquent qu’il y a des pertes courantes de tallöl brut lors du traitement des eaux usées par l’entremise de l’acide usé, et que des condensats souillés sont présents.

3. Commentaire : La caractérisation appropriée du risque potentiel pour l’environnement doit s’appuyer sur des estimations représentatives des coefficients d’émission en l’absence de mesures directes exactes dans les effluents finaux, tandis que l’absence de données mesurées reflète le manque de méthode pour analyser les échantillons aqueux en vue de détecter le tallöl brut.

Réponse : Étant donné que le tallöl brut est une substance de composition inconnue ou variable, un produit de réaction complexe ou une matière biologique (UVCB) composé de milliers de constituants potentiels, il serait impossible de le mesurer dans l’environnement. Une méthode bien établie pour l’évaluation d’une substance UVCB consiste à utiliser ses composants représentatifs pour caractériser son devenir et ses effets nocifs (Backhaus et Faust, 2012). Avec cette méthode, sept composants représentatifs ont été utilisés pour représenter le tallöl brut dans l’évaluation préalable finale. Ces composants sont non seulement d’importants constituants du tallöl brut sur le plan de la fraction massique, mais également d’importantes sources de toxicité. En l’absence de mesures directes du tallöl brut, les estimations des rejets de tallöl brut dans l’évaluation préalable finale tiennent compte de toutes les données fiables et pertinentes disponibles, y compris les renseignements provenant des visites sur place d’ECCC en 2019, les données de production de tallöl brut au Canada provenant de l’APFC/du NCASI, et des données scientifiques dans la littérature publiée.

Les paragraphes suivants fournissent des réponses aux questions techniques supplémentaires soulevées par le NCASI et déposées le 13 avril 2023 en réponse à la présentation communiquée par ECCC au NCASI et à l’APFC le 6 mars 2023 ainsi qu’à votre lettre de suivi datée du 19 avril 2023.

1. Commentaire dans la note de service du NCASI : La documentation disponible suggère que les effluents non traités des fabriques de pâte kraft ayant une capacité de production de tallöl brut contiennent des acides résiniques et gras et des sels, mais pas de tallöl brut.

Réponse : Le tallöl brut n’est pas déclaré dans les effluents des fabriques en tant que substance distincte, car il est constitué de plusieurs composants et ces composants sont dispersés dans les systèmes aqueux comme les effluents des fabriques. Par conséquent, la présence de tallöl brut et sa contribution au risque dans un système aqueux peuvent être déterminées par la présence de son empreinte de composition (acides résiniques, acides gras et substances neutres ou principalement des stérols). 

2. Commentaire dans la note de service du NCASI : Toutes les technologies mentionnées par Aro et Fatehi (2017) ne reflètent pas les processus dans les fabriques ou l’environnement et ne peuvent donc pas être utilisées pour appuyer le concept voulant que le tallöl brut soit équivalent au savon dont les ions sodium ont été remplacés par des ions hydrogène.

Réponse : Ce commentaire fait référence à la définition du tallöl brut figurant dans la présentation de février 2023 qu’ECCC a communiquée au NCASI. Les travaux d’Aro et Fatehi (2017) ont été cités dans la présentation d’ECCC pour fournir des informations sur les diverses technologies de production du tallöl brut. Ces informations ont été utilisées par ECCC pour appuyer l’argument selon lequel le tallöl brut devrait être défini par sa chimie plutôt que par une technologie de production précise. Elles ne devraient pas être interprétées comme une définition stricte du tallöl brut.

3. Commentaire dans la note de service du NCASI : L’argument avancé par ECCC concernant la possibilité de « formation de tallöl brut à partir de savon dans des conditions ambiantes » n’est pas étayé par les données scientifiques disponibles.

Réponse : Le fait que le tallöl brut puisse ou non être produit ou formé dans les effluents d’eaux usées ou des fabriques n’a aucune incidence sur le résultat de l’évaluation préalable finale. Les estimations des rejets de tallöl brut figurant dans l’évaluation préalable finale sont fondées sur les composants de tallöl brut présents dans les effluents des fabriques provenant d’une unité d’acidulation. Le rejet de tallöl brut lors d’activités d’acidulation est responsable de la présence de ces composants dans le milieu récepteur.

4. Commentaire dans votre lettre de suivi : L’APFC recommande qu’ECCC supprime le libellé relatif à l’utilisation des biosolides provenant des fabriques de pâtes et papiers dans l’avis proposé concernant l’annexe 1, car le libellé dissuade les fabriques d’utiliser les biosolides à des fins bénéfiques.

Réponse : L’objectif de cet énoncé est de fournir un bref résumé des rejets potentiels de tallöl brut dans l’environnement. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation précise que la probabilité de rejet de tallöl brut dans le sol au Canada est faible étant donné que l’utilisation de biosolides provenant de fabriques de pâtes et papiers n’est pas une pratique courante. Le document ne fournit pas d’orientation aux fabriques de pâtes et papiers pour la gestion des biosolides. Le gouvernement du Canada reconnaît les avantages de l’épandage de biosolides et les mesures de gestion des risques proposées décrites dans l’approche de gestion des risques pour le tallöl brut ne s’appliquent qu’aux effluents des fabriques et non aux biosolides.

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2025-01-13