3. Exposé des motifs de la Commission de révision pour le siloxane D5


41. Le 21 août 2010, le ministre de l'Environnement (le « Ministre ») a publié dans la Gazette du Canada un avis ministériel (« Avis »)3 dans lequel il a établi conformément au paragraphe 333(1) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)4 (« LCPE 1999 ») une commission de révision pour enquêter sur la nature et l'importance du danger que représente le décaméthylcyclopentasiloxane (« siloxane D5 »).

42. La décision du Ministre a suivi une évaluation préalable finale (« Évaluation préalable ») du siloxane D5 (Environnement Canada et Santé Canada 2008)5 menée par Santé Canada et Environnement Canada (parfois appelés le « Ministère » ou les « Ministères ») conformément à l'article 74 de la LCPE (1999). L'Évaluation préalable a été publiée le 31 janvier 2009 et concluait que, à la lumière des renseignements disponibles, le siloxane D5 pénétrait dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions pouvant avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur sa diversité biologique6 et, par conséquent, qu'il répondait à un ou plusieurs des critères définis à l'article 74 de la LCPE (1999).

43. Dans ce cadre, le ministre de la Santé et le ministre de l'Environnement ont recommandé que le siloxane D5 soit ajouté à la Liste des substances toxiques de l'annexe 1 de la LCPE (1999). Cette décision se fondait sur le danger potentiel de cette substance pour l'environnement; aucune préoccupation n'avait été identifiée relativement à la santé humaine.

44. L'un des intervenants de l'industrie touchés, le Silicones Environmental, Health and Safety Council of North America (« SEHSC ») émit un avis d'opposition le 10 juillet 2009, conformément au paragraphe 332(2) de la LCPE (1999). Le SEHSC a demandé la constitution d'un comité de révision qui enquêterait sur la nature et l'importance du danger que représentent l'octaméthylcyclotétrasiloxane (« siloxane D4 ») et le siloxane D5.

45. Le SEHSC a déclaré que les évaluations préalables de ces substances n'avaient pas été effectuées en tenant compte des meilleures données scientifiques disponibles et que des erreurs avaient été faites relativement à l'approche d'évaluation utilisée par les représentants du gouvernement. Par ailleurs, le SEHSC a indiqué que de nouveaux renseignements scientifiques pouvaient démontrer que les siloxanes D4 et D5 ne répondaient pas au critère relatif à la toxicité et que de nouvelles évaluations des risques devaient être entreprises.

46. Étant donné que de nouveaux renseignements scientifiques avaient été obtenus depuis la publication de l'Évaluation préalable en 2008 en ce qui concerne le siloxane D5, le ministre de l'Environnement a décidé de constituer une commission de révision (la « Commission ») conformément au paragraphe 333(1) de la LCPE (1999). La demande concernant le siloxane D4 a toutefois été rejetée.

47. Le Ministre a nommé président le professeur John Giesy, Ph.D., MSRC, et il a nommé membres de la Commission le professeur Keith Solomon, Ph.D., membre de l'Academy of Toxicological Sciences, et le professeur Sam Kacew, Ph.D., membre de l'Academy of Toxicological Sciences. Le Ministre a demandé à la Commission de préparer et de soumettre un rapport accompagné de recommandations ainsi que les preuves présentées, au plus tard le 31 mars 2011 (voir l'Annexe A).


48. Après la publication de l'Avis, la Commission a envoyé un avis de cette procédure à une large gamme d'intervenants potentiellement intéressés et les a informés qu'ils pouvaient demander le statut d'intervenant, comme l'autorise l'article 10 des Règles de procédure applicables aux commissions de révision (les « Règles »)7. L'avis de la Commission a été envoyé à tous les intervenants qui avaient indiqué être intéressés ou qui avaient participé à l’Évaluation préalable menée par les Ministères. L'avis a également été envoyé à plusieurs journaux quotidiens aux fins de publication en tant qu'annonce du service public et il a été affiché sur le site Web de la Commission.

49. La Commission a reçu deux demandes de statut d'intervenant, l'une de l'Association canadienne des cosmétiques, produits de toilette et parfums (« CCTFA ») et l'autre de la coalition composée de l'Association canadienne du droit de l'environnement, de l'International Institute of Concern for Public Health, de Chemical Sensitivities Manitoba et de la Crooked Creek Conservancy Society of Athabasca (la « Coalition »). En étudiant ces demandes et la contribution que pourraient apporter les demandeurs à la procédure, la Commission a accordé le statut d'intervenant aux deux demandeurs.

50. La Coalition a demandé et reçu la permission de fournir des soumissions écrites. La Coalition a indiqué qu'elle ne participerait pas à l'audience sauf si un financement était fourni à cette fin. En réponse à la demande de financement, la Commission a indiqué que, conformément à l'article 4 du cadre de référence de l'Avis, aucun financement ne serait fourni à aucune personne ou partie. Par conséquent, la Coalition a participé à cette procédure en fournissant des soumissions écrites.

51. La CCTFA a demandé et reçu la permission de participer pleinement en fournissant des soumissions écrites et en participant à l'audience. Par conséquent, la CCTFA a participé à toutes les étapes menant à l'audience. Toutefois, avant que l'audience n'ait commencé en avril 2011, la CCTFA a informé la Commission qu'elle serait représentée par l'avocat du SEHSC pendant l'audience.

52. Tout d'abord, comme elle savait que de nouveaux renseignements scientifiques sur le siloxane D5 étaient ou seraient disponibles, la Commission a demandé que les parties fournissent un échéancier pour la production de tous les nouveaux renseignements scientifiques qui seraient pertinents dans le cadre de l'évaluation. Les parties, à l'exception de la Coalition, ont indiqué que les renseignements scientifiques qui n'étaient pas disponibles au moment où l’Évaluation préalable a été effectuée le seraient avant la fin de l'année 2010.

53. Par conséquent, pour s'assurer qu'elle étudierait les plus récents renseignements scientifiques liés au siloxane D5, la Commission a déterminé qu'il ne serait pas possible d'effectuer l'enquête et les délibérations dans les délais indiqués dans l'Avis. Par conséquent, la Commission a communiqué avec le Ministre le 12 novembre 2010, l'informant qu'elle serait prête à produire son rapport avant le 30 septembre 2011 (une copie de cette lettre se trouve à l'Annexe B ci-dessous). Le Ministre a par la suite demandé que la Commission produise son rapport en anglais et en français et a repoussé la date de livraison de la Commission au 31 octobre 2011 (voir l'Annexe C ci-dessous).


54. Lorsque la Commission a entrepris sa révision, la question de la portée de son mandat s'est posée. Il a en particulier été proposé que la Commission étudie la nature et l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour la santé humaine en plus des considérations liées à l'environnement. Après avoir étudié les renseignements disponibles, la Commission a décidé que cette question devait être étudiée plus amplement et a demandé l'avis des parties.

55. Après avoir étudié les soumissions des parties, le 16 novembre 2010, la Commission a rendu une décision dans laquelle elle a indiqué que son mandat consistait à se concentrer sur la nature et l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour l'environnement (une copie complète de cette décision se trouve à l'Annexe D). La Commission déclarait notamment :

56. Par conséquent, la Commission a été prévenue que des renseignements scientifiques liés à la santé humaine pourraient être présentés pendant cette procédure. Toutefois, à la suite de l'examen des renseignements scientifiques disponibles, il était clair pour la Commission que les questions liées à la santé humaine ne s'appliquaient pas et l'orientation de la Commission s’est donc limitée à l'étude de la nature et de l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour l'environnement.

57. Au cours des étapes menant à l'audience, les parties, à l'exception de la Coalition, ont fourni de nouvelles données et analyses scientifiques. Tous ces renseignements, y compris les renseignements pris en compte par les représentants du gouvernement pendant l’Évaluation préalable, ont été conservés par la Commission et mis à disposition des parties.

58. En outre, des soumissions écrites ont été reçues des parties. Les parties ont également eu l'occasion de poser des questions d’interrogatoires aux parties opposées. Les réponses à ces interrogatoires ont été fournies par écrit et ont également été mises à la disposition de toutes les parties.

59. Par conséquent, avant le début de l'audience, les parties et la Commission disposaient d'un dossier détaillé et approfondi sur le siloxane D5. Selon la Commission, la quantité et la qualité des données présentées étaient suffisantes pour qu'elle procède à une enquête approfondie sur la nature et l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour l'environnement.

60. Des audiences ont eu lieu du 26 avril au 6 mai 2011 et les derniers arguments ont été entendus le 26 mai 2011. Des témoignages ont été reçus de témoins appelés par Environnement Canada ainsi que par le SEHSC et la CCTFA, tous étant qualifiés d'experts dans divers domaines scientifiques. De plus, la Commission a appelé un témoin, M. Steve Dungey de la United Kingdom Environment Agency.


61. La LCPE (1999) établit le cadre législatif dans lequel les substances chimiques sont évaluées afin de déterminer si elles ont ou peuvent avoir des effets nocifs sur la santé humaine ou l'environnement. En évaluant les effets nocifs potentiels que représente le siloxane D5, la Commission a porté son attention sur les dispositions suivantes :

62. Conformément au cadre réglementaire pertinent, un renvoi a été fait au Règlement sur la persistance et la bioaccumulationRèglement »)8 et en particulier aux articles 3 à 5 qui stipulent :


63. Avant de procéder à l'analyse des données scientifiques, la Commission a d'abord étudié quel devait être l’ensemble de renseignements scientifiques à utiliser pour cette révision ainsi que les questions sur lesquelles cette révision devait se concentrer.

64. Pendant les audiences, les avocats d'Environnement Canada ainsi que du SEHSC et de la CCTFA ont convenu que la Commission devait effectuer une évaluation de novo des données scientifiques disponibles en déterminant la nature et l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour l'environnement. Toutefois, les positions des deux parties divergeaient quant à la marche à suivre pour procéder à cette révision.

65. Environnement Canada a indiqué que la Commission n'avait ni à réviser l’Évaluation préalable menée par les représentants du gouvernement en 2008, ni à se prononcer sur les conclusions de cette évaluation. Autrement dit, la révision de la Commission n'était pas un appel per se de l’Évaluation préalable.

66. De plus, Environnement Canada a jugé que la Commission n'était pas liée par les dispositions de la LCPE (1999) ou du Règlement. Par conséquent, la Commission n'avait pas à déterminer si le siloxane D5 était toxique en vertu de l'article 64 de la LCPE (1999). De même, la Commission n'avait pas à déterminer si le siloxane D5 devait ou non être ajouté à l'annexe 1 de la LCPE (1999) en tant que substance toxique et à faire de recommandations à ce sujet. Ces questions relèvent de la prérogative du ministre de l’Environnement.

67. Par ailleurs, selon Environnement Canada, la Commission ne devait pas prendre en compte des facteurs tels que les considérations socioéconomiques ou évaluer la valeur que cette substance pourrait avoir à des fins commerciales. Le mandat de la Commission se limitait à effectuer une révision scientifique de la nature et de l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour l'environnement.

68. Enfin, Environnement Canada a déclaré qu'il n'était pas nécessaire que la Commission détermine si le siloxane D5 avait définitivement des effets nocifs pour l'environnement. De plus, étant donné que la LCPE (1999) se base sur les principes de protection et de précaution, comme cela est indiqué à l'article 2, l'analyse de la Commission ne devait pas se baser sur l'utilisation moyenne ou standard du siloxane D5 à des fins commerciales ou autres. Comme l'avocat d'Environnement Canada l'a indiqué, la révision de la Commission ne devait pas se baser sur l'utilisation moyenne ou standard du produit chimique dans les produits au Canada. Par conséquent, si, par exemple, le produit pur représentait un danger, l'évaluation de la Commission devait l'indiquer. (Transcription des audiences publiques, vol. 9, p. 1129).

69. L'avocat d'Environnement Canada a également déclaré, cependant, que la question du danger ne se limitait pas strictement à ce qui se passait au moment présent. Il a indiqué qu'il s'agissait de savoir s'il y avait un danger et que, selon la signification courante de ce terme, le danger comprenait les dangers potentiels futurs. Il a ajouté que la question était alors de savoir quelle était la probabilité de ce danger potentiel. (Transcription des audiences publiques, vol. 9, p. 1117).

70. Le SEHSC et la CCTFA ont indiqué que, même si la Commission devait effectuer une évaluation de novo des données scientifiques, elle devait également réviser l’Évaluation préalable menée par Environnement Canada et Santé Canada ainsi que la façon dont l’Évaluation préalable avait été menée. Compte tenu de la conclusion formulée dans l’Évaluation préalable, le SEHSC et la CCTFA ont indiqué que la Commission devait particulièrement prendre en compte l'alinéa 64(a) de la LCPE (1999), qui stipule :

71. Le SEHSC et la CCTFA ont également recommandé avec insistance à la Commission d'étudier soigneusement l'article 5 du Règlement et de déterminer si les renseignements scientifiques démontraient que le siloxane D5 répondait aux critères de bioaccumulation et de persistance, en prenant en compte les « propriétés intrinsèques » de la substance (Transcription des audiences publiques, vol. 9, p. 1200).

72. Le SEHSC et la CCTFA ont recommandé avec insistance que la Commission prenne en compte les quantités ou les concentrations réelles ainsi que les conditions réelles dans lesquelles le siloxane D5 est utilisé. Autrement dit, l'évaluation de la substance devait se baser sur les données et les renseignements qui détaillaient comment et où la substance était utilisée, les quantités utilisées, la concentration de la substance et les effets qu'elle avait ou qu'elle pourrait avoir sur l'environnement. Selon elle, la Commission n'effectuait pas une évaluation hypothétique basée sur des scénarios de la pire éventualité, dans le cadre de laquelle les données disponibles ou les circonstances ne justifiaient pas cette manière de procéder.

73. La Commission a convenu avec les parties présentes aux audiences que son mandat consistait à mener une évaluation scientifique de novo, indépendante, des données scientifiques pertinentes et disponibles liées au siloxane D5.

74. La Commission a également convenu avec l'avocat d'Environnement Canada que son mandat ne consistait pas à effectuer cette révision à la manière d'un appel de l’Évaluation préalable. Toutefois, la Commission était également d'avis qu'elle ne pouvait ni ne devait ignorer l'analyse et les conclusions formulées dans l’Évaluation préalable car elles fournissaient le contexte et la base sur laquelle reposait cette révision.

75. En ce qui concerne le processus de révision lié au siloxane D5, la Commission a convenu avec Environnement Canada que son mandat ne consistait ni à déterminer si le siloxane D5 était toxique en vertu de l'article 64 de la LCPE (1999), ni à déterminer si la substance devait être ajoutée à l'annexe 1 en tant que substance toxique, conformément à l'article 90 de la LCPE (1999). Ces questions sont entièrement du ressort du ministre de l’Environnement.


3.5.1.1 Signification du mot « Danger » pour l'environnement

76. En effectuant l'évaluation scientifique de novo sur la nature et l'importance du danger que représente le siloxane D5 pour l'environnement, la Commission a étudié comment le mot « danger » devait être interprété. Le mot « danger » n'est défini ni dans la LCPE (1999), ni dans le Règlement. Il revient donc à la Commission d'interpréter la signification de ce mot dans le contexte de l'Avis émis par le ministre de l'Environnement.

77. La Commission a fait remarquer que le mot « danger » était utilisé aux alinéas 64(b) et (c) de la LCPE (1999). Ces alinéas diffèrent légèrement de l'alinéa 64(a) où il est question d'« effet nocif ». L'article 64 stipule :

78. Pour ce qui est de l’Évaluation préalable effectuée par Environnement Canada et Santé Canada, elle concluait en partie que :

79. Même si cette conclusion reprend le seuil de toxicité de l'alinéa 64(a) de la LCPE 1999 (c.-à-d. « effet nocif »), dans l'Avis émis, le Ministre a choisi d'utiliser le mot « danger » dans la définition du mandat, c'est-à-dire le mot qui se trouve aux alinéas 64(b) et (c). En tentant de définir la signification du mot « danger », la Commission s'est demandé s'il fallait l'interpréter différemment du mot « effet nocif ».

80. En analysant cette question, la Commission a pu s'appuyer sur les conseils de la Cour Suprême du Canada formulés dans le cas R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213. Même si ce cas est lié à la constitutionnalité de certaines dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, R.S.C. 1985 (« Loi de 1985 »), la Cour a eu l'occasion de commenter l'article 11 traitant des seuils permettant de déterminer si une substance est toxique. L'article 11 de la Loi de 1985 stipulait :

81. On voit immédiatement que l'article 11 est en grande partie repris dans l'article 64 de la LCPE 1999. Tout comme la LCPE 1999, la Loi de 1985 établit deux seuils de toxicité : « effet nocif » et « danger ».

82. À l'article 31, la minorité de la Cour a fait remarquer qu'il n'y avait pas de définition des expressions « danger » et « effet nocif » à l'article 11. Toutefois, en consultant l'article 11, la Cour a redéfini l'essence de cet article en indiquant qu'il y a toxicité :

83. Après avoir étudié cet article et ses différentes composantes de façon globale, la minorité a indiqué que le seuil relatif à la toxicité se basait sur le « risque » que présente la substance pour la santé humaine et l'environnement. Autrement dit, il n'y a pas de distinction importante entre les expressions « danger » et « effet nocif ».

84. À l'article 141 de cette décision, la majorité de la Cour a fait remarquer que, pour qu'une substance soit considérée comme toxique en vertu de l'article 11, il faut démontrer que la substance :

85. La majorité de la Cour a de même choisi de ne pas faire de distinction importante entre les seuils de toxicité liés à l'expression « danger » et « effets nocifs » aux alinéas (a) et (c) de l'article 11, choisissant de parler d'effets nocifs en général.

86. De plus, la majorité a également jugé qu’une évaluation de la toxicité d'une substance devait prendre en compte la façon dont la substance est présente dans l'environnement, les quantités auxquelles elle est présente ainsi que les effets qu'elle a ou pourrait avoir sur l'environnement, la vie humaine et la santé humaine.

87. La Commission a reconnu que son mandat ne consistait pas à déterminer si le siloxane D5 dépassait les seuils de toxicité indiqués aux alinéas 64 (a)-(c) de la LCPE (1999), mais la façon dont la Cour suprême du Canada a interprété l'article 11 de la Loi de 1985 a aidé la Commission à déterminer comment elle devait interpréter le mot « danger » employé dans l'Avis.

88. En tenant compte des conseils tirés de ce cas, la Commission a défini que son mandat consistait à enquêter sur la nature et l'importance du risque que présente le siloxane D5 pour l'environnement, et à déterminer s'il a causé ou pourrait causer des effets néfastes. Autrement dit, la Commission a reçu pour mandat de mener essentiellement une évaluation des risques de novo de la substance en prenant en compte tous les renseignements scientifiques pertinents disponibles sur le siloxane D5.

89. En menant cette évaluation des risques de novo, la Commission a conclu que la meilleure pratique scientifique exigeait la prise en compte des renseignements sur les propriétés physiques et chimiques « intrinsèques » de la substance ainsi que des utilisations, des rejets, de la dissipation, de la transformation, de la dégradation, des voies d'exposition, de la toxicité et des effets liés à cette substance. De plus, la Commission a déterminé que la révision devait se baser sur des conditions réelles. Autrement dit, la Commission a décidé d'effectuer la révision en prenant en compte les quantités ou les concentrations de siloxane D5 ainsi que les conditions dans lesquelles le siloxane D5 est utilisé, ou, d'après les meilleurs renseignements disponibles, les volumes ou utilisations futurs probables. Cette approche a permis à la Commission d'étudier non seulement les modes et les méthodes d'utilisation actuels, mais aussi d'évaluer les changements potentiels liés à l'utilisation et aux concentrations, afin d'analyser la nature et l'importance du risque (ou danger) que présente le siloxane D5 pour l'environnement.


3.5.1.2 Règlement sur la persistance et la bioaccumulation

90. Avant d'étudier les renseignements scientifiques liés au siloxane D5, la Commission a déterminé qu'un autre aspect du régime réglementaire devait être évalué. Au cours de la procédure, il a été discuté en détail du renvoi au Règlement, en particulier aux articles 3 à 5. Pour en faciliter la consultation, ces sections sont retranscrites ici :

91. Environnement Canada et la Coalition étaient d’avis que le siloxane D5 dépassait et continuait de dépasser les seuils indiqués aux articles 3 et 4 du Règlement. Gardant à l'esprit l'objectif global de la LCPE (1999) qui consiste à protéger l'environnement, Environnement Canada et la Coalition ont déclaré que, ces seuils ayant été dépassés, le siloxane D5 représentait ou pouvait représenter un danger pour l'environnement. Plus loin dans ce rapport, la Commission commente également les caractéristiques de persistance et d'accumulation du siloxane D5 relativement aux seuils réglementaires mentionnés ci-dessus.

92. D'autre part, le SEHSC et la CCTFA ont déclaré que les seuils réglementaires indiqués dans les articles 3 et 4 du Règlement n'étaient pas dépassés dans le cas du siloxane D5. Ils ont déclaré que, d'après une bonne analyse des renseignements scientifiques désormais disponibles, ces seuils n’ont pas été atteints ou dépassés.

93. Toutefois, le SEHSC et la CCTFA ont poursuivi en déclarant que : i) toute analyse de la persistance et de la bioaccumulation du siloxane D5 doit tenir compte des propriétés intrinsèques, comme cela est indiqué à l'article 5 du Règlement et que ii) peu importe si les seuils indiqués dans les articles 3 et 4 ont été dépassés, il est nécessaire de considérer les propriétés intrinsèques du siloxane D5 de manière plus approfondie afin de déterminer s'il représente ou non un danger. Le SEHSC et la CCTFA déclarent que le siloxane D5 ne représente pas un danger pour l'environnement lorsque les propriétés intrinsèques du siloxane D5 sont prises en compte.

94. L'article 5 du Règlement n'indique pas clairement si les propriétés intrinsèques des produits chimiques doivent toujours être étudiées dans le cadre de l'évaluation de la persistance et de la bioaccumulation. Cet article pourrait signifier que les propriétés intrinsèques de la substance doivent uniquement être prises en compte dans les cas où il n'est pas possible d'utiliser des méthodes généralement reconnues de l’Organisation de coopération et de développement économiques ou d'autres organisations semblables dans le cadre de l'évaluation de la persistance et de la bioaccumulation. Toutefois, la Commission n'est pas d'accord avec cette interprétation.

95. La Commission a déterminé que l'article 5 du Règlement pouvait et devait être interprété de la façon suivante : dans le cadre de l'évaluation de la persistance et de la bioaccumulation, les évaluateurs doivent prendre en compte les autres facteurs indiqués à l'article 5 : les propriétés intrinsèques du produit chimique, l'écosystème étudié et les conditions de l'environnement. Par ailleurs, la Commission a jugé que l'expression « propriétés intrinsèques » désignait les propriétés intensives telles que la pression de vapeur et la solubilité ainsi que les propriétés extensives telles que la toxicité.

96. Il n’est possible d'effectuer convenablement une analyse de la persistance et de la bioaccumulation conformément aux méthodes généralement reconnues au sein la communauté scientifique que si les caractéristiques particulières du produit chimique examiné et son incidence sur l'écosystème ou l'environnement sont étudiées correctement. Il ne serait pas scientifiquement crédible de ne pas prendre en compte les propriétés intrinsèques de la substance lorsque ces renseignements sont disponibles.

97. De plus, il est important d'étudier comment le produit chimique est utilisé et comment il pénètre dans l'environnement. Le fait de ne pas prendre en compte tous les renseignements scientifiques disponibles relativement au produit pourrait mener à une conclusion erronée quant au danger qu'il représente pour l'environnement.

98. L'interprétation que fait la Commission de l'article 5 semble correspondre à celle d'Environnement Canada. Dans le Rapport sur l'état des connaissances scientifiques (Environnement Canada, 2011a, p. 18), en parlant du Règlement, Environnement Canada a déclaré :

99. Comme cela est traité en détail dans ce rapport, la Commission est d'avis que le siloxane D5 est l'un de ces produits chimiques dont les propriétés intrinsèques jouent un rôle important dans la détermination de sa persistance et de sa bioaccumulation et du danger qu'il représente pour l'environnement.


3.5.1.3 Le rôle de la prudence dans cette révision

100. Enfin, alors que la Commission effectuait sa révision, toutes les parties lui ont rappelé l'importance et le rôle du principe de la prudence mentionné à l'alinéa 2(1)(a) de la LCPE (1999). La Commission comprend qu'il est important et nécessaire de faire preuve de prudence dans le cadre de l'évaluation de l'incidence que le produit chimique pourrait avoir sur la santé humaine et l'environnement.

101. Toutefois, il est également important de comprendre la bonne application du principe de la prudence et de l'approche de la prudence dans le cadre de l'évaluation des risques. Lorsqu'ils effectuent une évaluation des risques, les évaluateurs s’appuient comme il se doit sur l'approche de la prudence, dans la mesure justifiée. Par conséquent, lorsqu'il existe des lacunes en matière de données ou dans les cas où les données sont équivoques ou peu fiables, les évaluateurs s'appuient légitimement sur une approche de conservation ou de prudence, utilisant des hypothèses de la pire éventualité et des facteurs d'incertitude lors de l’analyse des renseignements ou la modélisation. Cette approche assure un degré de prudence et de protection approprié.

102. Le principe de la prudence entre en jeu lorsque des gouvernements déterminent quelles mesures, le cas échéant, ils doivent imposer lorsqu'un produit chimique préoccupant a été déterminé à la suite d'une évaluation des risques. L'incidence du principe de la prudence sur l’approche du gouvernement en ce qui concerne la gestion d'un produit chimique par le gouvernement dépendra en partie de la qualité et de la fiabilité scientifique des renseignements disponibles ainsi que de la nature et de l'importance du risque révélé par ces renseignements.

103. Dans ce cas, il y a suffisamment de renseignements scientifiques crédibles et fiables sur le siloxane D5 pour que la Commission effectue une évaluation des risques scientifiquement robuste et significative. Ainsi, comme la Commission disposait de renseignements scientifiques crédibles et fiables, elle n'avait pas à s'appuyer uniquement sur l'approche de la prudence de la même façon qu’avaient dû le faire les représentants du gouvernement qui ont effectué l’Évaluation préalable.


3 Gazette du Canada, vol. 144, no 34, 21 août 2010. Voir l'article 9.1 pour consulter une copie de l'Avis.

4 S.C. 1999, ch. 33.

5 Les renvois entre parenthèses indiquent l'auteur et le numéro de la page, le cas échéant.

6 Ci-après, le mot « environnement » fait référence à l'expression « l'environnement ou sa diversité biologique ».

7 DORS/2003-28. Les Règles de procédure applicables aux commissions de révision ont été modifiées à la suite du lancement de cette révision : voir DORS/2011, 11 janvier 2011.

8 DORS/2000-107.

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