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Conformément à l’article 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) [LCPE (1999)], les ministres de l’Environnement et de la Santé ont effectué une évaluation préalable du 1,2,5,6,9,10-hexabromocyclododécane, plus communément appelé hexabromocyclododécane, dont le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (no CAS) est 3194-55-6. L’hexabromocyclododécane fait partie des 123 substances de la Liste intérieure qui ont été choisies pour un projet pilote d’évaluation préalable. Durant la catégorisation visant la Liste intérieure, une priorité élevée a été accordée à l’évaluation préalable de cette substance, car elle répondait aux critères de la persistance, de la bioaccumulation et de la toxicité intrinsèque pour la vie aquatique. Par conséquent, la présente évaluation est axée principalement sur les risques pour l’environnement.

L’hexabromocyclododécane est principalement utilisé comme agent ignifuge dans le polystyrène qui sert de matériau isolant dans l’industrie du bâtiment. Il est également utilisé pour l’ignifugation des textiles dans le rembourrage du mobilier résidentiel et commercial, la garniture des sièges dans l’industrie du transport, les revêtements muraux et les tentures. Il est aussi ajouté parfois aux liants au latex, aux adhésifs et aux peintures ainsi qu’au polystyrène choc et aux résines styrène-acrylonitrile utilisés pour l’équipement électronique et électrique.

La demande mondiale en hexabromocyclododécane a été estimée à 16 700 tonnes en 2001, ce qui représente 8,2 % de la demande totale en agents ignifuges bromés cette année-là. Selon les résultats d’une enquête menée pour l’année 2000 en vertu de l’Avis concernant certaines substances inscrites sur la Liste intérieure des substances, paru en application de l’article 71, il n’y a eu aucune fabrication d’hexabromocyclododécane au Canada en 2000, mais de 100 000 à 1 000 000 kg de cette substance y ont été importés cette année-là.

Des études de surveillance rapportent la présence d’hexabromocyclododécane dans de nombreux milieux naturels, parfois en concentration élevée. Des analyses de carottes de sédiments indiquent clairement une augmentation croissante des concentrations d’hexabromocyclododécane depuis les années 1970, ce qui confirme une stabilité dans les sédiments profonds pouvant atteindre des périodes de 25 à 30 ans, voire plus. De même, des données confirment l’augmentation des concentrations d’hexabromocyclododécane dans le biote en Amérique du Nord et en Europe, à la fois au sein des espèces et le long des chaînes trophiques.

Des données mesurées et modélisées indiquent que l’hexabromocyclododécane entreprendra une dégradation primaire. Cependant, il a été impossible d’établir avec certitude la dégradation ultime de cette substance dans l’environnement. Des études en laboratoire portant sur l’eau, les sédiments, le sol et les boues confirment la présence de produits de dégradation primaire, notamment le 1,5,9-cyclododécatriène, une substance qui n’est pas facilement biodégradable et qui peut s’avérer stable dans l’environnement. D’après les preuves disponibles, le 1,5,9-cyclododécatriène est potentiellement très toxique pour la vie aquatique (les concentrations létales médianes, mesurées et prévues, étant inférieures à 1 mg/L) et est potentiellement très bioaccumulable dans les organismes aquatiques.

Ensemble, les éléments de preuve issus des études de dégradation et les données de surveillance établissent que l’hexabromocyclododécane peut demeurer stable dans l’environnement pendant plus d’un an. La substance répond donc aux critères de la persistance prévus dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation pris en application de la LCPE (1999) [demi-vie dans l’eau et le sol d’au moins 182 jours, et demi-vie dans les sédiments d’au moins 365 jours]. De plus, l’hexabromocyclododécane répond aux critères de la persistance dans l’air prévus dans le même Règlement (demi-vie d’au moins deux jours ou potentiel de transport atmosphérique de la source vers une région éloignée), selon une demi-vie atmosphérique prévue de 2,13 jours et des indications de présence dans des régions considérées comme étant éloignées de sources potentielles, notamment l’Arctique.

Comme l’indique la majorité des données expérimentales et prévues, l’hexabromocyclododécane répond aux critères de la bioaccumulation précisés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulationde la LCPE (1999) [facteur de bioaccumulation ou facteur de bioconcentration de 5 000 ou plus] et il est susceptible de présenter un potentiel de bioaccumulation important dans l’environnement. Des facteurs de bioconcentration de 18 100 (truite arc-en-ciel) et de 12 866 (tête-de-boule, état stable) ont été obtenus au cours d’études en laboratoire. De plus, des études sur le terrain ont révélé qu’il y a une bioaccumulation et une bioamplification de l’hexabromocyclododécane dans les réseaux trophiques.

L’hexabromocyclododécane s’est révélé toxique pour les espèces aquatiques et terrestres et il a des effets néfastes importants sur la survie, la reproduction et le développement des algues, des daphnies et des vers annelés. Selon des études récentes, il pourrait nuire au fonctionnement normal des enzymes hépatiques et des hormones thyroïdiennes chez les poissons. En ce qui concerne les mammifères, l’exposition sublétale a été associée à des effets toxicologiques potentiels sur le foie et la thyroïde, y compris une détérioration des cellules, une hausse importante de l’activité enzymatique hépatique, une grande réduction des taux d’hormones thyroïdiennes en circulation et une hausse du poids de la thyroïde.

La combustion de l’hexabromocyclododécane dans certaines conditions peut mener à la production de polybromodibenzoparadioxines et de polybromodibenzofuranes. Des traces de ces composés et de leurs précurseursont été mesurées pendant la combustion de matériaux polystyrènes ignifugés comtenant de l’hexabromocyclododécane. Ces produits de transformation constituent des analogues bromés des polychlorodibenzofuranes et des polychlorodibenzoparadioxines de la voie 1 énoncés dans la Politique de gestion des substances toxiques.

Par ailleurs, l’analyse des quotients de risque a permis de déterminer que les concentrations d’hexabromocyclododécane dans l’environnement au Canada peuvent nuire aux populations d’organismes pélagiques et benthiques, mais elles sont peu susceptibles d’avoir des effets nocifs directs sur les organismes du sol et les espèces sauvages. Il faut toutefois considérer le fait que la présence de d’hexabromocyclododécane dans l’environnement mérite qu’on s’en préoccupe à la lumière de solides données établissant que la substance y est persistante et bioaccumulable.

Même si l’on ne dispose d’aucune information détaillée récente sur la production et l’utilisation de l’hexabromocyclododécane, des études de surveillance semblent indiquer que l’utilisation de la substance en Amérique du Nord et à l’échelle mondiale serait à la hausse. En outre, des données indiquent que l’hexabromocyclododécane pourrait remplacer certains ignifugeants composés d’éther diphénylique polybromé (particulièrement la formule commerciale du décabromodiphényléther).

Selon l’ébauche d’évaluation préalable, il est proposé de considérer l’hexabromocyclododécane comme une substance qui pénètre dans l’environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique.

La population générale du Canada peut être exposée à l’hexabromocyclododécane par voie orale et par inhalation. Les milieux naturels (air ambiant, eau, sol et sédiments), la poussière domestique, l’air intérieur, le lait maternel et les produits de consommation traités avec de l’hexabromocyclododécane sont au nombre des sources connues d’exposition humaine à cette substance. L’hexabromocyclododécane peut être libéré de la matrice d’un produit au fil du temps par abrasion et utilisation, car il n’est pas lié par covalence. Étant donné sa faible pression de vapeur, l’hexabromocyclododécane ne se volatilisera pas et ne dégagera pas de gaz à partir d’un produit.

La caractérisation des risques que présente l’hexabromocyclododécane pour la santé humaine était fondée principalement sur l’évaluation de l’Union européenne, ainsi que sur la prise en compte de données plus récentes. La toxicité pour la reproduction constitue l’effet critique à considérer aux fins de la caractérisation des risques pour la santé humaine, les effets signalés comprenant une baisse de la fertilité et des effets sur la thyroïde. Les estimations les plus élevées de la limite supérieure de l’absorption d’hexabromocyclododécane seraient associées aux enfants qui sont allaités (ingestion de lait maternel) et portent des produits de consommation à leur bouche. Une comparaison de ces estimations d’exposition avec les concentrations associées à un effet critique, qui proviennent des résultats d’un essai de toxicité sur la reproduction mené sur deux générations, indique que les marges d’exposition protègent comme il convient la santé humaine. À la lumière des renseignements disponibles, il est proposé de considérer l’hexabromocyclododécane comme une substance qui ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité, à des concentrations ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

Des activités de recherche et de surveillance viendront, s’il y a lieu, appuyer la vérification des hypothèses formulées au cours de l’évaluation préalable et, le cas échéant, l’efficacité des mesures de contrôle possibles définies à l’étape de la gestion des risques.

D’après les renseignements disponibles concernant la santé humaine et l’environnement, il est proposé de conclure que l’hexabromocyclododécane répond au moins un des critères de l’article 64 de la LCPE (1999).

De plus, il est proposé de conclure que l’hexabromocyclododécane répond aux critères de la persistance et à ceux du potentiel de bioaccumulation prévus dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation et que sa présence dans l’environnement est principalement attribuable à l’activité humaine.

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